ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
7 novembre 2013 ( *1 )
«Réseaux et services de communications électroniques — Directives 97/66/CE, 2002/19/CE, 2002/20/CE, 2002/21/CE et 2002/22/CE — Champ d’application ratione materiae — Fourniture d’un bouquet de base de programmes de radio et de télévision accessible par câble — Cession par une commune de son réseau câblé à une entreprise privée — Clause contractuelle portant sur le tarif — Compétences des autorités réglementaires nationales — Principe de coopération loyale»
Dans l’affaire C‑518/11,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Gerechtshof te Amsterdam (Pays-Bas), par décision du 4 octobre 2011, parvenue à la Cour le 10 octobre 2011, dans la procédure
UPC Nederland BV
contre
Gemeente Hilversum,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. M. Ilešič, président de chambre, MM. C. G. Fernlund, A. Ó Caoimh, Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas (rapporteur), juges,
avocat général: M. P. Cruz Villalón,
greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 novembre 2012,
considérant les observations présentées:
— pour UPC Nederland BV, par Mes P. Glazener et E. Besselink, advocaten,
— pour la Gemeente Hilversum, par Mes J. Doeleman et G. van der Wal, advocaten,
— pour le gouvernement néerlandais, initialement par Mme C. Wissels, puis par Mmes M. Bulterman, et B. Koopman, en qualité d’agents,
— pour la Commission européenne, par MM. A. Nijenhuis, P. Van Nuffel ainsi que par Mme L. Nicolae, en qualité d’agents,
— pour l’Autorité de surveillance AELE, par M. X. Lewis et Mme M. Moustakali, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 avril 2013,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 101 TFUE, de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO L 108, p. 33, ci-après la «directive-cadre»), de la directive 97/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de
la vie privée dans le secteur des télécommunications (JO L 24, p. 1), de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive «accès») (JO L 108, p. 7), de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation»)
(JO L 108, p. 21), et de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») (JO L 108, p. 51).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant UPC Nederland BV (ci-après «UPC») à la Gemeente Hilversum (commune d’Hilversum, ci-après «Hilversum»), au sujet d’un contrat relatif à la vente par cette dernière de l’entreprise de télédistribution par câble qu’elle détenait.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Le nouveau cadre réglementaire applicable aux services de communications électroniques
3 Le nouveau cadre réglementaire applicable aux services de communications électroniques (ci-après le «NCR») est composé de la directive-cadre et des quatre directives particulières qui l’accompagnent, à savoir la directive 97/66, la directive «accès», la directive «autorisation» et la directive «service universel» (ci-après, ces quatre dernières directives ensemble, les «directives particulières»).
4 Les directives «autorisation», «accès», «service universel» ainsi que la directive-cadre ont été modifiées par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO L 337, p. 37). Toutefois, compte tenu de la date des faits au principal, le présent litige demeure régi par ces quatre directives dans leur version initiale.
– La directive-cadre
5 Le considérant 5 de la directive-cadre énonce:
«La convergence des secteurs des télécommunications, des médias et des technologies de l’information implique que tous les réseaux de transmission et les services associés soient soumis à un même cadre réglementaire. Ce cadre réglementaire se compose de la présente directive et de quatre directives particulières: la directive [‘autorisation’], la directive [‘accès’], la directive [‘service universel’] et la directive [97/66] [...]. Il est nécessaire de séparer la réglementation de la transmission
de celle des contenus. Ce cadre ne s’applique donc pas aux contenus des services fournis sur les réseaux de communications électroniques à l’aide de services de communications électroniques, tels que les contenus radiodiffusés, les services financiers et certains services propres à la société de l’information, et ne porte donc pas atteinte aux mesures relatives à ces services qui sont arrêtées au niveau communautaire ou national, conformément au droit communautaire, afin de promouvoir la diversité
culturelle et linguistique et de garantir la défense du pluralisme des médias. Le contenu des programmes de télévision est couvert par la directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle [(JO L 298, p. 23), telle que modifiée par la directive 97/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 202,
p. 60)]. La séparation entre la réglementation de la transmission et la réglementation des contenus ne porte pas atteinte à la prise en compte des liens qui existent entre eux, notamment pour garantir le pluralisme des médias, la diversité culturelle ainsi que la protection du consommateur.»
6 L’article 2, sous a) et c), de cette directive est libellé comme suit:
«Aux fins de la présente directive, on entend par:
a) ‘réseau de communications électroniques’: les systèmes de transmission et, le cas échéant, les équipements de commutation ou de routage et les autres ressources qui permettent l’acheminement de signaux par câble, par voie hertzienne, par moyen optique ou par d’autres moyens électromagnétiques, comprenant les réseaux satellitaires, les réseaux terrestres fixes (avec commutation de circuits ou de paquets, y compris l’Internet) et mobiles, les systèmes utilisant le réseau électrique, pour autant
qu’ils servent à la transmission de signaux, les réseaux utilisés pour la radiodiffusion sonore et télévisuelle et les réseaux câblés de télévision, quel que soit le type d’information transmise;
[...]
c) ‘service de communications électroniques’: le service fourni normalement contre rémunération qui consiste entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques, y compris les services de télécommunications et les services de transmission sur les réseaux utilisés pour la radiodiffusion, mais qui exclut les services consistant à fournir des contenus à l’aide de réseaux et de services de communications électroniques ou à exercer une
responsabilité éditoriale sur ces contenus; il ne comprend pas les services de la société de l’information tels que définis à l’article 1er de la directive 98/34/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO L 204, p. 37), telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 (JO L 217, p. 18)] qui ne consistent pas entièrement ou
principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques.»
7 L’article 3 de ladite directive dispose:
«1. Les États membres veillent à ce que chacune des tâches assignées aux autorités réglementaires nationales [ci-après les ‘ARN’] dans la présente directive et dans les directives particulières soit accomplie par un organisme compétent.
2. Les États membres garantissent l’indépendance des [ARN] en faisant en sorte que celles-ci soient juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes de toutes les organisations assurant la fourniture de réseaux, d’équipements ou de services de communications électroniques. [...]
[...]
6. Les États membres notifient à la Commission [européenne] toutes les [ARN] chargées d’accomplir des tâches en application de la présente directive et des directives particulières, ainsi que leurs responsabilités respectives.»
8 L’article 8 de la même directive est libellé comme suit:
«1. Les États membres veillent, dans l’accomplissement des tâches de réglementation spécifiées dans la présente directive ainsi que dans les directives particulières, à ce que les [ARN] prennent toutes les mesures raisonnables visant à la réalisation des objectifs définis aux paragraphes 2, 3 et 4. Ces mesures sont proportionnées à ces objectifs.
[...]
2. Les [ARN] promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, notamment:
a) en veillant à ce que les utilisateurs, y compris les utilisateurs handicapés, retirent un bénéfice maximal en termes de choix, de prix et de qualité;
b) en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques;
[...]
3. Les [ARN] contribuent au développement du marché intérieur, notamment:
a) en supprimant les derniers obstacles à la fourniture de réseaux de communications électroniques, de ressources et services associés et de services de communications électroniques au niveau européen;
[...]
d) en coopérant entre elles ainsi qu’avec la Commission, de manière transparente, afin de veiller à l’élaboration de pratiques réglementaires cohérentes et à l’application cohérente de la présente directive et des directives particulières.
[...]»
9 Les articles 9 à 13 de la directive-cadre ajoutent que les tâches des ARN concernent également la gestion des radiofréquences pour les réseaux de communications électroniques, la numérotation, le nommage et l’adressage, les droits de passage, la colocalisation et le partage de ressources, la séparation comptable et les rapports financiers.
– La directive «accès»
10 L’article 13, paragraphe 1, de la directive «accès» dispose:
«Les [ARN] peuvent [...] imposer des obligations liées à la récupération des coûts et au contrôle des prix, y compris les obligations concernant l’orientation des prix en fonction des coûts et les obligations concernant les systèmes de comptabilisation des coûts, pour la fourniture de types particuliers d’interconnexion et/ou d’accès, lorsqu’une analyse du marché indique que l’opérateur concerné pourrait, en l’absence de concurrence efficace, maintenir des prix à un niveau excessivement élevé, ou
comprimer les prix, au détriment des utilisateurs finals. Les [ARN] tiennent compte des investissements réalisés par l’opérateur et lui permettent une rémunération raisonnable du capital adéquat engagé, compte tenu des risques encourus.»
– La directive 2009/140
11 Le considérant 5 de la directive 2009/140 énonce:
«L’objectif est de réduire progressivement la réglementation sectorielle ex ante au fur et à mesure que la concurrence s’intensifie sur les marchés jusqu’à ce que, à terme, les communications électroniques soient régies par le seul droit de la concurrence. Compte tenu du fait que les marchés des communications électroniques ont fait preuve d’une forte compétitivité ces dernières années, il est essentiel que les obligations réglementaires ex ante ne soient imposées qu’en l’absence de concurrence
effective et durable.»
Les autres directives pertinentes
12 Aux termes du considérant 7 de la directive 2002/77/CE de la Commission, du 16 septembre 2002, relative à la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques (JO L 249, p. 21, ci-après la «directive ‘concurrence’»):
«La présente directive utilise les termes ‘services de communications électroniques’ et ‘réseaux de communications électroniques’ au lieu des termes ‘services de télécommunications’ et ‘réseaux de télécommunications’ utilisés précédemment. Ces nouvelles définitions sont indispensables pour tenir compte du phénomène de convergence, en regroupant sous une même définition tous les services et/ou les réseaux de communications électroniques intervenant dans le transport de signaux par fils, par
faisceaux hertziens, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques (c’est-à-dire les réseaux fixes, mobiles, de télévision par câble ou de satellites). La transmission et la diffusion de programmes de radio et de télévision doivent donc être reconnues comme un service de communications électroniques et les réseaux utilisés à cette fin comme des réseaux de communications électroniques. Il convient en outre de préciser que cette nouvelle définition des réseaux de communications
électroniques englobe également les réseaux de fibre optique qui permettent à des tiers de transmettre des signaux au moyen de leur propre équipement de commutation ou de routage.»
13 L’article 1er, point 3, de la directive «concurrence» est libellé comme suit:
«Aux fins de la présente directive, on entend par:
[...]
3) ‘services de communications électroniques’: les services en principe fournis contre rémunération qui consistent, en tout ou en partie, dans le transport de signaux par des réseaux de communications électroniques, y compris les services de télécommunications et les services de transmission sur des réseaux utilisés pour la radiodiffusion, mais qui excluent les services fournissant ou exerçant un contrôle rédactionnel sur le contenu transmis au moyen de réseaux et de services de communications
électroniques; ils n’englobent pas les services de la société de l’information, tels qu’ils sont définis à l’article 1er de la directive [98/34], qui ne consistent pas, en tout ou en partie, dans le transport de signaux par des réseaux de communications électroniques.»
14 L’article 1er, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «Services de médias audiovisuels») (JO L 95, p. 1) prévoit:
«Aux fins de la présente directive, on entend par:
a) ‘service de médias audiovisuels’:
i) un service tel que défini aux articles 56 et 57 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui relève de la responsabilité éditoriale d’un fournisseur de services de médias et dont l’objet principal est la fourniture de programmes dans le but d’informer, de divertir ou d’éduquer le grand public, par des réseaux de communications électroniques au sens de l’article 2, sous a), de la [directive-cadre]. Un service de médias audiovisuels est soit une émission télévisée au sens du
point e) du présent paragraphe, soit un service de médias audiovisuels à la demande au sens du point g) du présent paragraphe».
Le droit néerlandais
15 Le Royaume des Pays-Bas a transposé le NCR dans le droit national par une modification de la loi sur les télécommunications (Telecommunicatiewet, Stb. 2004, no 189), entrée en vigueur le 19 mai 2004 (Stb. 2004, no 207).
Le litige au principal et les questions préjudicielles
16 À l’instar d’autres communes néerlandaises, Hilversum avait confié l’installation, l’entretien et l’exploitation d’un réseau de télévision par câble sur son territoire à une société de télédistribution qui lui appartenait. Cette opération était considérée comme un service d’utilité publique puisque les communes ont pour mission, tout en tenant compte des coûts de l’entreprise, de fournir à leurs administrés un maximum de programmes télévisés, dans les meilleures conditions de réception et à un
tarif aussi avantageux que possible.
17 Sous l’influence de l’évolution intervenue au niveau de l’Union, de nombreuses communes ont décidé de vendre leurs entreprises de télédistribution par câble. Aux termes des contrats de vente conclus à cet effet, les communes se réservaient des compétences en matière de composition et de tarification du bouquet de base de programmes de radio et de télévision accessible par câble (ci-après le «bouquet de base accessible par câble») offerts aux ménages connectés au réseau.
18 Ainsi, par contrat du 1er juillet 1996 relatif à l’exploitation future du réseau de télédistribution par câble à Hilversum (ci-après le «contrat»), cette commune a vendu au prédécesseur en droit d’UPC la société de télédistribution par câble, y compris le réseau câblé que cette commune avait fait installer.
19 Hilversum s’engageait, par ce contrat, à contribuer à l’obtention par l’acheteur de l’habilitation permettant de placer, d’entretenir et d’exploiter une installation de radiodiffusion par câble sur le territoire de cette commune.
20 UPC s’engageait, pour sa part, à faire les investissements permettant de réaliser un réseau câblé capable d’offrir un service amélioré aux abonnés moyens de ladite commune et à mettre à la disposition de ceux-ci, outre les programmes de radio et de télévision, un bouquet attrayant de services de télécommunications aux particuliers et aux professionnels.
21 En outre, le contrat contenait une clause selon laquelle UPC devait garantir un bouquet de base accessible par câble répondant aux critères de composition et de tarification que ce contrat précisait (ci-après la «clause tarifaire»). Ce dernier indiquait à cet égard que le tarif mensuel pour le bouquet de base accessible par câble ferait l’objet d’une adaptation annuelle en fonction de l’index des prix à la consommation, suivant une formule établie à l’annexe du contrat. Il y était aussi précisé
que les augmentations des coûts externes seraient proportionnellement répercutées sur le tarif lorsque l’adaptation prévue dans cette clause ne suffirait pas à couvrir ces augmentations.
22 De même, le contrat excluait la dissolution ou la terminaison totale ou partielle de celui-ci sans l’autorisation écrite de toutes les parties et stipulait qu’il ne pouvait être modifié qu’avec l’autorisation écrite de toutes les parties, étant entendu que ces dernières se concerteraient en tout cas à nouveau sur son contenu après dix ans.
23 Par lettre du 28 novembre 2003, UPC a avisé Hilversum du fait que le tarif du bouquet de base accessible par câble pour tous les ménages d’Hilversum serait majoré à partir du 1er janvier 2004 et passerait de 10,28 euros [taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») incluse] par mois à 13,32 euros (TVA incluse), sachant qu’UPC facturait son bouquet de base accessible par câble à 16 euros dans les autres communes.
24 Hilversum a engagé une action tendant à interdire UPC de procéder à l’augmentation de tarif envisagée. Par jugement du 23 décembre 2003, le Rechtbank te Amsterdam (tribunal d’Amsterdam) a accueilli cette demande. Ce jugement a été confirmé, en appel, par un arrêt du Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam) du 12 août 2004. Le pourvoi en cassation d’UPC contre cet arrêt a été rejeté par un arrêt du Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême) du 8 juillet 2005.
25 Par ailleurs, au cours de l’année 2003, à la suite de plaintes concernant les augmentations de tarif annoncées par UPC, la Nederlandse Mededingingsautoriteit (autorité néerlandaise de la concurrence, ci-après la «NMa») a ouvert une enquête visant à déterminer si, en facturant des tarifs d’abonnement excessifs, UPC ne s’était pas rendue coupable d’un abus de position dominante, au sens de l’article 24 de la loi sur la concurrence [Wet houdende nieuwe regels omtrent de economische mededinging
(Mededingingswet)], du 22 mai 1997.
26 Par décision du 27 septembre 2005, la NMa a conclu que les tarifs pratiqués par UPC n’étaient pas excessifs et que cette entreprise ne s’était pas rendue coupable d’un abus de position dominante au sens de l’article 24 de la loi sur la concurrence.
27 Le 28 septembre 2005, l’Onafhankelijke Post en Telecommunicatie Autoriteit (autorité indépendante de la poste et des télécommunications, ci-après l’«OPTA») a adopté un projet de décision concernant le marché de la transmission et de la fourniture de signaux audiovisuels dans le ressort territorial d’UPC, dans lequel cette autorité considérait qu’UPC disposait, dans son ressort territorial, d’une puissance significative sur le marché de la fourniture de bouquets de base accessibles par câble et
lui imposait des obligations relatives au calcul de ses tarifs.
28 Le 3 novembre 2005, la Commission, saisie de ce projet de décision par l’OPTA conformément à la procédure prévue dans la directive-cadre, a émis des doutes sur la compatibilité de ce projet avec la directive-cadre, lue en combinaison avec la recommandation 2003/311/CE de la Commission, du 11 février 2003, concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d’être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive
2002/21 (JO L 114, p. 45). Dans sa décision définitive du 17 mars 2006, l’OPTA a finalement renoncé au contrôle des prix envisagé.
29 Le 15 mai 2005, UPC a engagé devant le Rechtbank te Amsterdam une procédure contre Hilversum, dans le cadre de laquelle elle demandait à ce que la clause tarifaire soit déclarée nulle et à ce qu’il soit ordonné à Hilversum d’autoriser les augmentations de tarif. UPC invoquait, à cet égard, l’incompatibilité de cette clause avec le droit de l’Union.
30 Ce recours ayant été rejeté, UPC a formé un appel devant la juridiction de renvoi, demandant à celle-ci, d’une part, d’annuler la clause tarifaire, ou, à titre subsidiaire, de la déclarer non applicable, ainsi que, d’autre part, de déclarer Hilversum responsable du dommage qu’UPC estimait avoir subi en raison du fait qu’elle n’avait pas pu appliquer à ses abonnés établis sur le territoire d’Hilversum le tarif commun qu’elle pratiquait à l’échelle nationale.
31 Dans la décision de renvoi, le Gerechtshof te Amsterdam indique, en premier lieu, que les parties au principal sont divisées, tout d’abord, sur le point de savoir si le service proposé par UPC, à savoir la fourniture d’un bouquet de base accessible par câble, relève du champ d’application matériel du NCR.
32 En deuxième lieu, elle s’interroge, pour le cas où le service fourni par UPC relèverait du champ d’application du NCR, sur les conséquences de l’application de ce dernier en ce qui concerne la clause tarifaire. Dans ce contexte, se pose, selon la juridiction de renvoi, la question de savoir si Hilversum a conservé le pouvoir de défendre l’intérêt public en intervenant dans la fixation des tarifs, ce qui obligerait à se poser également la question de savoir si le NCR a pour objet de réaliser une
harmonisation complète et si une intervention complémentaire des pouvoirs publics demeure possible. Si ce pouvoir d’intervention était exclu, il conviendrait alors de se demander si l’autorité publique n’est pas tenue par un devoir de coopération loyale au sens du droit de l’Union.
33 En troisième lieu, la juridiction de renvoi se demande si les effets d’une éventuelle invalidité de la clause tarifaire sont définis par le droit de l’Union et, plus particulièrement, par la sanction de nullité énoncée à l’article 101, paragraphe 2, TFUE.
34 C’est dans ces conditions que le Gerechtshof te Amsterdam a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Un service qui consiste à fournir [un] bouquet de [base] accessible [par] câble, service pour la fourniture duquel sont facturés tant les coûts de transmission qu’un montant représentant (la répercussion de) la rémunération des organismes de radiotélévision et des organismes collectifs de gestion des droits d’auteur au titre de la diffusion du contenu des œuvres relève-t-il du champ d’application matériel du NCR?
2) a) Eu égard à la libéralisation du secteur des télécommunications, aux objectifs du NCR, lequel comporte un régime strict de coordination et de consultation avant qu’une [ARN] soit (exclusivement) compétente pour intervenir dans les tarifs appliqués au consommateur final au moyen d’une mesure telle qu’un contrôle des prix, la commune demeure-t-elle compétente pour défendre les intérêts publics de ses habitants en intervenant dans les tarifs appliqués au consommateur final au moyen d’une clause
[tarifaire]?
b) En cas de réponse négative, le NCR s’oppose-t-il à ce que la commune applique une clause [tarifaire] convenue dans le cadre de la vente de son entreprise de télédistribution par câble?
En cas de réponse négative à la deuxième question [sous a) et b)]:
3) Un pouvoir public tel que la commune qui se trouve dans une situation telle que la situation en cause est-elle (également) tenue par une obligation de coopération loyale au sens du droit de l’Union lorsque, au moment de la conclusion, puis de l’application de la clause [tarifaire], elle n’agit pas dans l’exercice d’une mission publique, mais agit dans le cadre d’une compétence de droit privé [voir également sixième question, sous a)]?
4) Si le NCR s’applique et si la commune est tenue par une obligation de coopération loyale:
a) L’obligation de coopération loyale combinée aux objectifs du NCR, lequel comporte un régime strict de coordination et de consultation avant qu’une [ARN] puisse intervenir dans les tarifs appliqués au consommateur final au moyen d’une mesure telle qu’un contrôle des prix s’oppose-t-elle à ce que la commune applique la clause [tarifaire]?
b) En cas de réponse négative, la réponse à la [quatrième question, sous a)] serait-elle différente en ce qui concerne la période postérieure à la ‘letter of serious doubt’ dans laquelle la Commission a exprimé des doutes sérieux quant à la compatibilité du contrôle des prix proposé par l’OPTA avec les objectifs du NCR tels que décrits à l’article 8 de la directive-cadre et à la suite de laquelle l’OPTA a renoncé à adopter cette mesure?
5) a) L’article 101 TFUE est-il une disposition d’ordre public qui a pour effet que le juge doit appliquer cette disposition d’office au sens des articles 24 et 25 du code de procédure civile néerlandais?
b) Dans l’affirmative, quels faits apparus au cours de la procédure obligent le juge à examiner d’office la possibilité d’appliquer l’article 101 TFUE? Le juge est-il également tenu de le faire si son examen l’amène (éventuellement) à compléter les faits au sens de l’article 149 du code de procédure civile néerlandais après avoir donné aux parties l’occasion de s’exprimer sur ceux-ci?
6) Si l’article 101 TFUE doit être appliqué d’office et eu égard aux objectifs du NCR, à l’application de celui-ci par l’OPTA et par la Commission et au fait que des notions telles que la puissance sur le marché et la délimitation des marchés pertinents, notions utilisées dans le NCR, sont calquées sur les notions analogues du droit européen de la concurrence, des questions se posent à l’occasion des faits apparus au cours de la procédure:
a) Lorsqu’elle a vendu son entreprise de télédistribution par câble et lorsqu’elle a stipulé la clause [tarifaire], la commune devait-elle être considérée comme une entreprise au sens de l’article 101 TFUE (voir également la troisième question)?
b) La clause [tarifaire] doit-elle être considérée comme une restriction caractérisée visée à l’article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE et telle que décrite plus en détail dans la communication de la Commission concernant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, [CE] (de minimis) (JO 2001, C 368, p. 13, point 11)? Dans l’affirmative, s’agit-il déjà pour ce seul motif d’une restriction sensible de la
concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE? Dans la négative, les circonstances énoncées dans la sixième question, sous d), [...] ont-elles un impact sur la réponse?
c) Dans l’hypothèse où la clause [tarifaire] ne serait pas une restriction caractérisée, a-t-elle alors une portée restrictive de la concurrence en raison du fait (déjà):
— que [la NMa] a jugé qu’UPC n’a pas abusé de sa position dominante en appliquant des tarifs (supérieurs) pour la fourniture de services identiques telle que la fourniture [d’un] bouquet de base [accessible par] câble sur le même marché;
— que, dans sa ‘letter of serious doubt’, la Commission a exprimé des doutes sérieux concernant la compatibilité d’interventions (ex ante au moyen d’un contrôle des prix) dans les tarifs appliqués au consommateur final pour des services tels que la fourniture [d’un] bouquet de base [accessible par câble] par UPC avec les objectifs tels que décrits à l’article 8 de la directive-cadre? Le fait que l’OPTA a renoncé à tout contrôle des prix après avoir reçu la ‘letter of serious doubt’ a-t-il
un effet sur la réponse?
d) Le contrat, avec la clause [tarifaire], a-t-il pour effet de restreindre sensiblement la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE eu égard (notamment):
— au fait qu’UPC est considérée comme une entreprise puissante sur le marché au sens du NCR ([communication] de minimis, point 7);
— au fait que pratiquement toutes les communes néerlandaises qui, au cours des années 90, ont vendu leurs entreprises de télédistribution par câble à des câblodistributeurs tels qu’UPC se sont, dans leurs contrats, réservé des compétences en matière de tarification du bouquet de base [accessible par câble] ([communication] de minimis, point 8)?
e) Le contrat, avec la clause [tarifaire] qu’il contient, doit-il être considéré comme affectant (ou pouvant affecter) le commerce international au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, effet plus précisément décrit dans les lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2004, C 101, p. 81), étant donné:
— qu’UPC est considérée comme une entreprise puissante sur le marché conformément au NCR;
— que l’OPTA a suivi la procédure de consultation européenne afin d’adopter une mesure de contrôle des prix dans le cadre de services tels que la fourniture [d’un] bouquet de base [accessible par] câble par des câblodistributeurs puissants sur le marché tels qu’UPC, procédure qui, conformément au NCR, doit être engagée lorsqu’une mesure envisagée est susceptible d’affecter le commerce entre les États membres;
— que, à l’époque, le contrat représentait une valeur de 51 millions de florins néerlandais (NLG), soit plus de 23 millions d’euros;
— que pratiquement toutes les communes néerlandaises qui, au cours des années 90, ont vendu leurs entreprises de télédistribution par câble à des câblodistributeurs tels qu’UPC se sont, dans leurs contrats, réservé des compétences en matière de tarification du bouquet de base [accessible par câble]?
7) L’article 101, paragraphe 3, TFUE confère-t-il encore au juge la compétence de déclarer une interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE inapplicable à la clause [tarifaire] eu égard au NCR et aux doutes sérieux que la Commission avait exprimés dans sa ‘letter of serious doubt’ concernant la compatibilité d’interventions (ex ante) dans des tarifs applicables au consommateur final avec les objectifs du droit de la concurrence? Le fait que, après avoir reçu la ‘letter of serious
doubt’, l’OPTA a renoncé au contrôle des prix qu’elle avait envisagé a-t-il une influence sur la réponse?
8) La sanction de nullité prévue à l’article 101, paragraphe 2, TFUE est-elle susceptible d’être relativisée dans ses effets chronologiques en raison des circonstances qui prévalaient au moment de la conclusion du contrat (à savoir au début de la libéralisation du secteur des télécommunications) et à l’évolution ultérieure du secteur des télécommunications, notamment l’entrée en vigueur du NCR et les doutes sérieux exprimés à cette occasion par la Commission en ce qui concerne l’adoption de
mesures de contrôle des prix?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
35 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous c), de la directive-cadre doit être interprété en ce sens qu’un service consistant à fournir un bouquet de base accessible par câble et dont la facturation englobe les coûts de transmission ainsi que la rémunération des organismes de radiotélévision et les droits versés aux organismes de gestion collective des droits d’auteur au titre de la diffusion du contenu des œuvres relève de la notion de «service
de communications électroniques» et, partant, du champ d’application matériel tant de cette directive que des directives particulières constituant le NCR applicable aux services de communications électroniques.
36 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 2, sous a) et c), de la directive-cadre, on entend par «service de communications électroniques» un service fourni normalement contre rémunération qui consiste entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques, y compris les services de télécommunications et les services de transmission sur les réseaux utilisés pour la radiodiffusion, mais qui exclut les services consistant à
fournir des contenus à l’aide de réseaux, y compris les réseaux câblés de télévision, et de services de communications électroniques ou à exercer une responsabilité éditoriale sur ces contenus. Cet article de la directive-cadre précise, en outre, que la notion de «service de communications électroniques» ne comprend pas les services de la société de l’information tels que définis à l’article 1er de la directive 98/34 qui ne consistent pas entièrement ou principalement en la transmission de
signaux sur des réseaux de communications électroniques.
37 Cette définition du service de communications électroniques a été reprise en des termes équivalents à l’article 1er, point 3, de la directive «concurrence».
38 Ainsi qu’il ressort du considérant 5 de la directive-cadre, la convergence des secteurs des télécommunications, des médias et des technologies de l’information implique que tous les réseaux de transmission et les services associés soient soumis à un même cadre réglementaire et que, dans le contexte de l’établissement dudit cadre, il est nécessaire de séparer la réglementation portant sur la transmission de celle relative aux contenus. Selon ce même considérant, le NCR ne s’applique pas aux
contenus des services fournis sur les réseaux de communications électroniques à l’aide de services de communications électroniques, tels que les contenus radiodiffusés, les services financiers et certains services propres à la société de l’information, et ne porte donc pas atteinte aux mesures relatives à ces services qui sont arrêtées au niveau de l’Union ou national, conformément au droit de l’Union, afin de promouvoir la diversité culturelle et linguistique et de garantir la défense du
pluralisme des médias.
39 De même, le considérant 7 de la directive «concurrence», qui expose que les notions de services et de réseaux de «communications électroniques» ont été préférées à celles de services et de réseaux de «télécommunications» afin, précisément, de tenir compte du phénomène de convergence, indique que ces définitions regroupent tous les services et/ou réseaux de communications électroniques intervenant dans le transport de signaux par fils, par faisceaux hertziens, par moyens optiques ou par d’autres
moyens électromagnétiques, pour englober les réseaux fixes, mobiles, de télévision par câble ou de satellites. Ce même considérant précise que la transmission et la diffusion de programmes de radio et de télévision doivent être reconnues comme un service de communications électroniques.
40 Par ailleurs, l’article 1er, paragraphe 1, sous a), i), de la directive «Services de médias audiovisuels» définit le service de médias audiovisuels comme un service tel que défini aux articles 56 TFUE et 57 TFUE, qui relève de la responsabilité éditoriale d’un fournisseur de services de médias et dont l’objet principal est la fourniture de programmes dans le but d’informer, de divertir ou d’éduquer le grand public, par des réseaux de communications électroniques au sens de l’article 2, sous a),
de la directive-cadre.
41 Il résulte des éléments qui précèdent que, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 33 de ses conclusions, les directives pertinentes, en particulier la directive-cadre, la directive «concurrence» et la directive «Services de médias audiovisuels», établissent une distinction claire entre la production des contenus, impliquant une responsabilité éditoriale, et l’acheminement des contenus, exclusif de toute responsabilité éditoriale, les contenus et leur transmission relevant de
réglementations séparées, poursuivant des objectifs qui leur sont propres, sans se référer ni aux clients des services fournis ni à la structure des coûts de transmission facturés à ces derniers.
42 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi ainsi que des observations écrites et orales présentées à la Cour qu’UPC exerce une activité consistant essentiellement à transmettre des programmes de radio et de télévision par câble à ses clients, titulaires d’un abonnement. UPC a confirmé à l’audience devant la Cour qu’elle ne produit pas elle-même lesdits programmes et qu’elle n’exerce aucune responsabilité éditoriale sur le contenu de ceux-ci.
43 Si les clients d’UPC souscrivent un abonnement aux fins d’accéder au bouquet de base accessible par câble que cette société propose, cela n’implique pas, pour autant, que l’activité de cette dernière, qui consiste à diffuser les programmes produits par les éditeurs de contenu, en l’occurrence les chaînes de radio et de télévision, en acheminant ces programmes jusqu’au point de connexion de son réseau câblé situé au domicile de ses abonnés, doit être exclue de la notion de «service de
communications électroniques» au sens de l’article 2, sous c), de la directive-cadre et, partant, du champ d’application du NCR.
44 Au contraire, il découle de ce qui a été relevé aux points 36 à 41 du présent arrêt que la fourniture d’un bouquet de base accessible par câble relève de la notion de service de communications électroniques et donc du champ d’application matériel du NCR, pour autant que ce service comprend la transmission de signaux sur le réseau de télédistribution par câble.
45 Toute autre interprétation réduirait considérablement la portée du NCR, porterait atteinte à l’effet utile des dispositions qu’il contient et compromettrait en conséquence la réalisation des objectifs que ce cadre poursuit. En effet, la finalité même du NCR étant, ainsi qu’il ressort du considérant 5 de la directive 2009/140, d’établir un véritable marché intérieur des communications électroniques, dans le cadre duquel ces dernières doivent, à terme, être régies par le seul droit de la
concurrence, l’exclusion des activités d’une entreprise telle qu’UPC de son champ d’application, au prétexte qu’elle ne se contente pas de transmettre des signaux, priverait ce dernier de toute portée.
46 Pour les mêmes motifs, la circonstance que les frais de transmission facturés aux abonnés incorporent la rémunération due aux chaînes de radiotélévision et les droits versés aux organismes de gestion collective des droits d’auteur au titre de la diffusion du contenu des œuvres ne saurait faire obstacle à la qualification du service fourni par UPC de «service de communications électroniques», au sens du NCR.
47 Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 2, sous c), de la directive-cadre doit être interprété en ce sens qu’un service consistant à fournir un bouquet de base accessible par câble et dont la facturation englobe les coûts de transmission ainsi que la rémunération des organismes de radiotélévision et les droits versés aux organismes de gestion collective des droits d’auteur au titre de la diffusion du contenu des œuvres relève de la
notion de «service de communications électroniques» et, partant, du champ d’application matériel tant de cette directive que des directives particulières constituant le NCR applicable aux services de communications électroniques, pour autant que ce service comprend principalement la transmission des contenus télévisuels sur le réseau de télédistribution par câble jusqu’au terminal de réception du consommateur final.
Sur la deuxième question, sous a)
48 Par sa deuxième question, sous a), la juridiction de renvoi demande, en substance, si les directives qui composent le NCR doivent être interprétées en ce sens que, à compter de l’expiration de leur délai de transposition, elles ne permettent pas qu’une entité telle que celle en cause au principal intervienne dans les tarifs appliqués au consommateur final pour la fourniture d’un bouquet de base accessible par câble.
49 Il y a lieu de relever d’emblée que l’approche du NCR se distingue de celle ayant présidé au cadre réglementaire antérieurement en vigueur. En effet, dans l’ancien cadre réglementaire, les règles applicables sur un marché déterminé étaient définies par le cadre réglementaire lui-même, alors que dans le NCR, ce sont les ARN qui sont compétentes pour définir le marché pertinent aux fins de l’application des règles et des instruments d’intervention réglementaires prévus par le NCR. À cette fin, les
ARN sont chargées de procéder à des analyses de marché et, notamment, lorsqu’elles constatent que des entreprises disposent d’une puissance significative sur celui-ci, elles peuvent leur imposer certaines obligations, y compris tarifaires.
50 Les tâches de réglementation de l’ARN sont définies aux articles 8 à 13 de la directive-cadre. En particulier, l’article 8 de cette directive assigne aux États membres l’obligation de s’assurer que les ARN prennent toutes les mesures raisonnables visant à promouvoir la concurrence dans la fourniture des services de communications électroniques, en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des télécommunications électroniques et en supprimant les derniers
obstacles à la fourniture desdits services au niveau de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 31 janvier 2008, Centro Europa 7, C-380/05, Rec. p. I-349, point 81, ainsi que du 13 novembre 2008, Commission/Pologne, C-227/07, Rec. p. I-8403, points 62 et 63).
51 Parmi ces mesures, qui doivent, dans certains cas, être notifiées préalablement à la Commission, figurent des mesures liées à la récupération des coûts et au contrôle des prix, y compris les obligations concernant l’orientation des prix en fonction des coûts, et ce, notamment, sur le fondement de l’article 13 de la directive «accès».
52 Selon l’article 3 de la directive-cadre, les États membres doivent, notamment, veiller à ce que les tâches assignées aux ARN soient accomplies par des organismes compétents et indépendants. Par ailleurs, les États membres doivent notifier à la Commission les noms des ARN ainsi que leurs responsabilités respectives.
53 Or, il ressort sans ambiguïté du dossier soumis à la Cour qu’Hilversum n’est pas une ARN. Il suffit de relever, à cet égard, que le Royaume des Pays-Bas n’a pas notifié à la Commission une quelconque décision ou intention de désigner cette commune comme ARN, cet État membre ayant au contraire désigné l’OPTA. La situation d’Hilversum ne s’apparente, au demeurant, nullement à celle d’un législateur national, telle que celle visée par la Cour au point 30 de l’arrêt du 6 octobre 2010, Base e.a.
(C-389/08, Rec. p. I-9073).
54 Il s’ensuit qu’Hilversum n’est, en principe, pas compétente pour intervenir directement dans les tarifs qui sont appliqués au consommateur final pour les services relevant du NCR. Parmi ces services figure, ainsi qu’il ressort de la réponse à la première question posée, le service consistant à fournir un bouquet de base accessible par câble. En tout état de cause, Hilversum peut demander à l’ARN, en l’occurrence l’OPTA, d’adopter des mesures adéquates.
55 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question, sous a), que les directives qui composent le NCR doivent être interprétées en ce sens que, à compter de l’expiration de leur délai de transposition, elles ne permettent pas qu’une entité telle que celle en cause au principal, qui n’a pas la qualité d’ARN, intervienne directement dans les tarifs appliqués au consommateur final pour la fourniture d’un bouquet de base accessible par câble.
Sur la deuxième question, sous b), et la quatrième question, sous a)
56 Par ses deuxième question, sous b), et quatrième question, sous a), qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les directives qui composent le NCR doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne permettent pas, dans des circonstances telles que celles au principal et eu égard au principe de coopération loyale, qu’une entité n’ayant pas la qualité d’ARN se prévale, vis-à-vis d’un fournisseur de bouquets de base accessibles par câble, d’une clause
qui est issue d’un contrat conclu antérieurement à l’adoption du NCR et qui limite la liberté tarifaire de ce fournisseur.
57 La clause tarifaire en cause au principal a été stipulée dans le contrat du 1er juillet 1996 par lequel Hilversum a vendu au prédécesseur en droit d’UPC la société de télédistribution par câble qu’elle contrôlait jusqu’alors. Ni la juridiction de renvoi ni aucune des parties ayant soumis des observations à la Cour n’a mis en cause la validité de cette clause au moment de sa conclusion ou le fait que celle-ci a été librement négociée et conclue entre Hilversum et le prédécesseur en droit d’UPC, ce
qu’il incombe toutefois au juge national de vérifier à la lumière des circonstances de fait et du droit national. Sous réserve de cette vérification, la deuxième question, sous b), et la quatrième question, sous a), doivent être comprises comme portant sur un contrat valablement conclu.
58 Si, ainsi que l’a observé Hilversum, rien dans les directives qui composent le NCR ne permet de conclure que celles-ci ont pour effet de rendre automatiquement caduque une clause tarifaire valablement conclue antérieurement à l’adoption de ces directives, cette constatation n’apporte pas une réponse suffisante aux questions posées. En effet, cette réponse devra permettre à la juridiction de renvoi de statuer non seulement sur la demande d’UPC visant à annuler ladite clause tarifaire, mais
également sur la demande subsidiaire d’UPC visant à faire constater que, en raison du NCR, Hilversum ne saurait continuer à se prévaloir de cette clause.
59 Il importe de rappeler que, dans les domaines relevant du droit de l’Union, y compris celui des services de communications électroniques, les autorités publiques des États membres sont tenues par le principe de coopération loyale. En vertu de ce principe, elles doivent prendre toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l’Union et s’abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril la
réalisation des objectifs de l’Union (voir, en ce sens, notamment, arrêts du 18 mars 1986, Commission/Belgique, 85/85, Rec. p. 1149, point 22; du 4 mars 2004, Allemagne/Commission, C-344/01, Rec. p. I-2081, point 79, et du 28 avril 2011, El Dridi, C-61/11 PPU, Rec. p. I-3015, point 56).
60 Dans le cadre de sa poursuite des intérêts des consommateurs résidant sur son territoire, il appartient dès lors à Hilversum de coopérer à l’efficacité du régime instauré par le NCR et d’éviter toute mesure contraire à celui-ci.
61 En l’occurrence, il est constant que le contrat stipulait que les parties se concerteraient à nouveau sur son contenu après dix ans. Lors de l’audience, Hilversum a confirmé que, dans un souci de préserver pour ses habitants des tarifs qui prévalaient en vertu de la clause tarifaire contenue dans ce contrat, elle s’est, au terme dudit délai de dix ans, opposée à une adaptation de cette clause.
62 Or, ladite clause fixait le tarif mensuel pour le bouquet de base accessible par câble à 13,65 NLG hors TVA et ne permettait à UPC d’adapter ce tarif qu’en fonction de l’index des prix à la consommation et des augmentations des «coûts externes». En insistant sur l’application continue et inchangée de cette limitation de la liberté tarifaire d’UPC, alors même que le contrat invitait à une concertation afin que cette clause soit évaluée à la lumière des développements ayant eu lieu entre les années
1996 et 2006, Hilversum a contribué à une méconnaissance, sur son territoire, des règles du NCR, qui n’imposent pas une telle limitation aux fournisseurs de services de communications électroniques mais mettent, au contraire, en exergue la liberté tarifaire, moyennant des restrictions précises qui peuvent, sur le fondement d’une analyse du marché et dans le cadre de procédures bien déterminées, être fixées par les ARN.
63 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux deuxième question, sous b), et quatrième question, sous a), que les directives qui composent le NCR doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne permettent pas, dans des circonstances telles que celles au principal et eu égard au principe de coopération loyale, qu’une entité n’ayant pas la qualité d’ARN se prévale, vis-à-vis d’un fournisseur de bouquets de base accessibles par câble, d’une clause qui est issue
d’un contrat conclu antérieurement à l’adoption du NCR applicable aux services de communications électroniques et qui limite la liberté tarifaire de ce fournisseur.
Sur la troisième question, la quatrième question, sous b), et les cinquième à huitième questions
64 Eu égard aux réponses données aux première question, deuxième question, sous a) et b), et quatrième question, sous a), il n’est pas nécessaire de répondre à la troisième question, à la quatrième question, sous b), ainsi qu’aux cinquième à huitième questions.
Sur les dépens
65 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:
1) L’article 2, sous c), de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre»), doit être interprété en ce sens qu’un service consistant à fournir un bouquet de base de programmes de radio et de télévision accessible par câble et dont la facturation englobe les coûts de transmission ainsi que la rémunération des organismes de radiotélévision et les
droits versés aux organismes de gestion collective des droits d’auteur au titre de la diffusion du contenu des œuvres relève de la notion de «service de communications électroniques» et, partant, du champ d’application matériel tant de cette directive que des directives 97/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications, 2002/19/CE du Parlement
européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive «accès»), 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation»), et 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard
des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel»), constituant le nouveau cadre réglementaire applicable aux services de communications électroniques, pour autant que ce service comprend principalement la transmission des contenus télévisuels sur le réseau de télédistribution par câble jusqu’au terminal de réception du consommateur final.
2) Ces directives doivent être interprétées en ce sens que, à compter de l’expiration de leur délai de transposition, elles ne permettent pas qu’une entité telle que celle en cause au principal, qui n’a pas la qualité d’autorité réglementaire nationale, intervienne directement dans les tarifs appliqués au consommateur final pour la fourniture d’un bouquet de base de programmes de radio et de télévision accessible par câble.
3) Les mêmes directives doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne permettent pas, dans des circonstances telles que celles au principal et eu égard au principe de coopération loyale, qu’une entité n’ayant pas la qualité d’autorité réglementaire nationale se prévale, vis-à-vis d’un fournisseur de bouquets de base de programmes de radio et de télévision accessibles par câble, d’une clause qui est issue d’un contrat conclu antérieurement à l’adoption du nouveau cadre réglementaire applicable
aux services de communications électroniques et qui limite la liberté tarifaire de ce fournisseur.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: le néerlandais.