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15/06/2010 | CJUE | N°C-132/09

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mengozzi présentées le 15 juin 2010., Commission européenne contre Royaume de Belgique., 15/06/2010, C-132/09


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Paolo Mengozzi

présentées le 15 juin 2010 (1)

Affaire C‑132/09

Commission européenne

contre

Royaume de Belgique

«Article 226 CE – Manquement d’État – Compétence de la Cour – Recevabilité – Statut des écoles européennes – Conventions de 1957 et de 1994 – Clause compromissoire – Accord de siège de 1962 –Financement des dépenses de mobilier et de matériel didactique – Violation de l’accord de siège et de l’article 10 CE»

I – Introducti

on

1. Dans la présente affaire, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en refusant de prend...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Paolo Mengozzi

présentées le 15 juin 2010 (1)

Affaire C‑132/09

Commission européenne

contre

Royaume de Belgique

«Article 226 CE – Manquement d’État – Compétence de la Cour – Recevabilité – Statut des écoles européennes – Conventions de 1957 et de 1994 – Clause compromissoire – Accord de siège de 1962 –Financement des dépenses de mobilier et de matériel didactique – Violation de l’accord de siège et de l’article 10 CE»

I – Introduction

1. Dans la présente affaire, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en refusant de prendre en charge les dépenses de mobilier et de matériel didactiques des écoles européennes situées sur son territoire, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’accord de siège conclu le 12 octobre 1962 entre le Conseil supérieur de l’école européenne et le gouvernement du Royaume de Belgique (ci-après l’«accord de siège») lu en
combinaison avec l’article 10 CE.

II – Le cadre juridique

A – Le statut des écoles européennes

2. Lors de leur création, les écoles européennes étaient régies par deux conventions, à savoir, d’une part, le statut de l’école européenne, signé à Luxembourg le 12 avril 1957 (ci-après la «convention de 1957») (2), et, d’autre part, le protocole concernant la création d’écoles européennes établi par référence au statut de l’école européenne, signé à Luxembourg le 13 avril 1962 (ci-après le «protocole de 1962») (3). Ces deux instruments ont été conclus entre les six États membres qui étaient
à l’origine des Communautés européennes.

3. Le conseil supérieur de l’école européenne (ci–après «le conseil supérieur»), institué par la convention de 1957, est constitué par le ou les ministres compétents de chacune des parties contractantes. Selon l’article 9 de celle-ci, le conseil supérieur est chargé de l’application de ladite convention et dispose, à cet effet, des pouvoirs nécessaires en matière pédagogique, budgétaire et administrative. Il établit d’un commun accord le règlement général de l’école. Aux termes de l’article
28 de cette même convention, le conseil supérieur peut négocier avec le gouvernement du pays du siège de l’école tout accord complémentaire afin d’assurer à celle-ci les meilleures conditions matérielles et morales de fonctionnement.

4. La convention de 1957 et le protocole de 1962 ont été annulés et remplacés par la convention portant statut des écoles européennes du 21 juin 1994, actuellement en vigueur (ci-après la «convention de 1994»), conformément à l’article 34 de cette dernière (4). La convention de 1994 a été conclue par les États membres ainsi que par les Communautés européennes, la participation desquelles a fait l’objet de la décision 94/557/CE, Euratom du Conseil, du 17 juin 1994, autorisant la Communauté
européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique à signer et à conclure la convention portant statut des écoles européennes (5).

5. Selon cette même convention (article 34), les références dans les actes concernant les écoles antérieurs à son adoption doivent s’entendre comme se rapportant aux articles correspondants de ladite convention.

6. Le champ d’application de la convention de 1994 s’étend aux écoles énumérées à son annexe I, parmi lesquelles figurent les écoles européennes de Bruxelles I, de Bruxelles II, de Bruxelles III ainsi que celle de Mol.

7. Selon l’article 2, paragraphe 3, de ladite convention, l’ouverture d’une nouvelle école sur le territoire d’un État membre est subordonnée à un accord préalable conclu entre le conseil supérieur et l’État membre d’accueil concernant la mise à disposition non rémunérée et l’entretien des locaux adaptés aux besoins de la nouvelle école.

8. L’article 6, second alinéa, de la convention de 1994 prévoit que, en ce qui concerne ses droits et obligations, l’école est traitée dans chaque État membre, et sous réserve des dispositions spécifiques de cette même convention, comme un établissement scolaire régi par le droit public.

9. Le conseil supérieur, qui se compose notamment d’un représentant de niveau ministériel de chacun des États membres et d’un membre de la Commission, veille, aux termes de l’article 10 de la convention de 1994, à l’application de celle-ci et dispose à cet effet des pouvoirs de décision nécessaires en matière pédagogique, budgétaire et administrative, ainsi que de ceux requis pour la négociation des accords mentionnés aux articles 28 à 30 de cette même convention.

10. Selon l’article 30 de ladite convention, le conseil supérieur peut négocier avec le gouvernement du pays du siège d’une école tout accord complémentaire afin d’assurer à celle-ci les meilleures conditions de fonctionnement.

11. Aux termes de l’article 25 de la convention de 1994, le budget des écoles est notamment alimenté par les contributions des États membres à travers le maintien des rémunérations payées aux professeurs détachés ou affectés et, le cas échéant, sous forme de contribution financière et par la contribution des Communautés européennes, qui vise à couvrir la différence entre le montant global des dépenses des écoles et le total des autres recettes.

12. Selon l’article 26 de cette même convention, la Cour est seule compétente pour statuer sur les litiges entre les parties contractantes relatifs à l’interprétation et à l’application de ladite convention et qui n’ont pu être résolus au sein du conseil supérieur.

13. L’article 33 de la convention de 1994 précise notamment que cette dernière est ratifiée par les États membres, parties contractantes, en conformité avec leurs règles constitutionnelles respectives et qu’elle entre en vigueur le premier jour suivant le dépôt de tous les instruments de ratification par les États membres ainsi que des actes de notification de la conclusion par les Communautés européennes.

14. À la suite de questions écrites posées aux parties, la Commission et le Royaume de Belgique ont confirmé que la convention de 1994 est entrée en vigueur le 1^er octobre 2002.

B – L’accord de siège

15. Le 12 octobre 1962, le conseil supérieur et le gouvernement du Royaume de Belgique ont signé l’accord de siège, en vue d’assurer aux écoles européennes de Bruxelles et de Mol les meilleures conditions matérielles et morales de fonctionnement, conformément à l’article 28 de la convention de 1957.

16. Le chapitre I^er de l’accord de siège, intitulé «Bâtiments et équipement des écoles», comprend un article 1^er qui est libellé comme suit:

«Le Gouvernement du Royaume de Belgique s’engage à mettre à la disposition des Écoles les bâtiments nécessaires à leur activité et répondant aux objectifs que se sont fixés les Gouvernements signataires du Protocole concernant la création d’Écoles européennes.

Il entretiendra ces bâtiments et les assurera suivant les règles qui régissent les immeubles propriétés de l’État belge.

Il s’engage à équiper ces écoles en mobilier et matériel didactique, selon les critères appliqués à ses propres établissements.»

17. Aux termes de l’article 13 dudit accord, celui-ci entre en vigueur le jour où le gouvernement belge notifie au conseil supérieur l’accomplissement des formalités constitutionnelles. Selon ce même article, les dispositions de l’accord de siège produisent leurs effets au 17 septembre 1958, à l’exception de ses articles 2 et 3 qui produisent leurs effets à la date de l’entrée en vigueur du même accord.

18. La ratification de l’accord de siège par le Royaume de Belgique est intervenue le 8 novembre 1975 (6). L’accord de siège est toujours en vigueur et n’a pas fait l’objet de modification ultérieure.

C – La décision de Karlsruhe

19. Lors d’une réunion qui s’est tenue à Karlsruhe du 17 au 19 mai 1967, le conseil supérieur a examiné les modalités de financement des dépenses d’équipement et des constructions scolaires, à la suite du rapport du Groupe des questions financières (ci-après la «décision de Karlsruhe»).

20. Aux termes du point 12 du compte rendu de cette réunion, le conseil supérieur a approuvé le rapport du Groupe des questions financières relatif au financement des dépenses d’équipement et des constructions scolaires et lui a donné mandat de poursuivre l’élaboration des dispositions qui devraient figurer dans l’accord à signer entre le conseil supérieur et les gouvernements des pays des sièges des écoles européennes.

21. Ledit point 12 indique aussi que le conseil supérieur prend les décisions figurant en annexe audit compte rendu et précise que ces décisions n’ont pas d’effet rétroactif.

22. Selon le point 12, sous 1, de l’annexe au compte rendu, est à la charge du pays hôte l’équipement devenant «immeuble par destination» par incorporation à la construction, même s’il doit être réalisé à un moment quelconque de la vie de l’école. L’équipement mobilier et didactique reste le type d’investissement amortissable par des dotations budgétaires normales et est donc étroitement lié au fonctionnement de l’école.

23. Aux termes du point 12, sous 3, de la même annexe, il est précisé que le «conseil supérieur prie chacun des États membres de conclure avec lui un accord destiné à assurer aux [é]coles européennes des conditions de fonctionnement telles qu’elles sont prévues à l’article 28 [de la convention de 1957] […]. Le [c]onseil supérieur approuve les dispositions ci-dessous concernant le financement des dépenses d’équipement et des constructions scolaires. Ces dispositions pourraient constituer
l’article 1^er des l’accord entre le [c]onseil supérieur et les [g]ouvernements des pays des sièges des [é]coles européennes».

III – La procédure précontentieuse et les conclusions des parties

24. À la suite d’une correspondance abondante entre le conseil supérieur et les autorités belges entre l’année 1995 et l’année 2006 et d’une lettre du 30 octobre 2006 par laquelle ces autorités ont indiqué qu’elles considéraient n’avoir pas à prendre en charge les dépenses de mobilier et de matériel didactique réclamées au Royaume de Belgique depuis l’année 1995, la Commission a adressé, par lettre du 23 octobre 2007, une lettre de mise en demeure au Royaume de Belgique, en application de
l’article 226 CE.

25. Dans cette lettre, la Commission a reproché au Royaume de Belgique d’avoir méconnu l’article 10 CE en refusant, d’une part, depuis l’année 1995, de financer le premier équipement en mobilier et en matériel didactique des écoles européennes sises sur son territoire, comprenant un montant de 837 708,33 euros réclamés pour les écoles européennes de Bruxelles II et de Bruxelles III et, d’autre part, depuis l’année 1989, d’acquitter une subvention annuelle de fonctionnement et d’équipement
destinée à couvrir les frais courants des écoles européennes établies sur son territoire, dont le montant restait à déterminer. En effet, selon la Commission et en application de l’arrêt Commission/Belgique (7), l’attitude des autorités belges porterait atteinte au système de financement de la Communauté et de répartition des charges financières entre les États membres, en violation de l’article 10 CE.

26. N’ayant pas été satisfaite de la réponse adressée par le Royaume de Belgique le 22 février 2008, la Commission a émis un avis motivé, en vertu de l’article 226, premier alinéa, CE, en date du 27 juin 2008.

27. Par cet avis motivé, la Commission a estimé que, en refusant la prise en charge financière des dépenses de mobilier et de matériel didactique, le Royaume de Belgique avait manqué aux obligations qui lui incombait en vertu de l’article 10 CE et a invité cet État membre à prendre les mesures requises pour se conformer audit avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

28. Le Royaume de Belgique n’ayant pas adopté les mesures prescrites dans le délai imparti, la Commission a introduit le présent recours par acte déposé au greffe de la Cour le 6 avril 2009.

29. La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

– constater que, en refusant la prise en charge financière des dépenses de mobilier et de matériel didactique pour les écoles européennes, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’accord de siège lu en combinaison avec l’article 10 CE, et

– condamner le Royaume de Belgique aux dépens.

30. Le Royaume de Belgique demande à la Cour:

– à titre principal, de se déclarer incompétente pour statuer sur le recours;

– à titre subsidiaire, de déclarer le recours irrecevable;

– à titre infiniment subsidiaire, de déclarer le recours non fondé, et

– de condamner la Commission aux dépens.

IV – Analyse

31. Le Royaume de Belgique excipe, à titre principal, de l’incompétence de la Cour pour statuer sur le présent litige et, à titre subsidiaire, de l’irrecevabilité du recours en manquement.

32. J’indique d’ores et déjà que ces demandes me paraissent pouvoir être accueillies pour ce qui concerne la branche du manquement allégué fondée sur la violation de l’accord de siège. En revanche, comme j’aurai l’occasion de le préciser dans les développements qui suivent, je suggère d’examiner au fond la branche du manquement tirée de la méconnaissance de l’article 10 CE.

A – Sur la compétence de la Cour

1. Argumentation des parties

33. À titre principal, le gouvernement belge conteste la compétence de la Cour pour connaître des questions ayant trait à l’accord de siège. Il est d’avis que, pour pouvoir légitimer l’introduction d’un recours en manquement sur la base de l’article 226 CE, il faut que la Commission établisse la violation, premièrement, d’une disposition de droit communautaire, deuxièmement, la violation d’un accord auquel la Communauté est partie ou, troisièmement, l’existence d’une clause attributive de
compétence.

34. En l’occurrence, ce gouvernement soutient qu’il n’y a pas de violation d’une disposition communautaire (pas d’infraction aux dispositions du traité CE, ni de ses annexes, ni d’atteintes au droit communautaire dérivé), que l’accord de siège n’est pas un accord auquel la Communauté est partie et qu’il n’existe pas de clause attributive de compétence. Selon lui, l’accord de siège ne saurait être qualifié d’acte «dérivé» de la convention de 1994 (ni de celui de la convention de 1957), l’acte
par lequel le Royaume de Belgique a conclu un tel accord ne trouvant sa force obligatoire que dans la souveraineté de l’État belge.

35. La Commission rejette la position du gouvernement belge pour deux motifs.

36. En premier lieu, elle rappelle que la requête ne se réfère pas qu’au seul accord de siège, mais se réfère également à l’article 10 CE, lu en combinaison avec cet accord.

37. En second lieu, la Commission soutient que l’accord de siège fait incontestablement partie du droit communautaire, indépendamment de l’article 10 CE, car il doit être considéré comme un acte «dérivé» de la convention de 1994, cette dernière faisant elle-même partie du droit communautaire.

38. Elle indique que, selon une jurisprudence établie, s’agissant des dispositions qui relèvent de la compétence de la Communauté, les accords conclus par la Communauté et ses États membres avec des pays tiers ont le même statut dans l’ordre juridique communautaire que les accords purement communautaires, et que la convention de 1994 a été conclue entre la Communauté et ses États membres.

39. La Commission rappelle que l’accord de siège a été à l’origine un acte «dérivé»de la convention de 1957 et que déjà, en 1962, la Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) était membre votant du conseil supérieur. Cette dernière était donc partie contractante de l’accord de siège. La Commission précise qu’elle s’est substituée à la Haute Autorité de la CECA à la signature du traité de fusion du 8 avril 1965 et que le but de la convention de 1994 a été de
consolider l’acquis de la convention de 1957 ainsi que de renforcer le rôle des Communautés européennes comme parties contractantes. Elle conclut donc que, eu égard au fait que l’accord de siège a été adopté sur la base de l’article 28 de la convention de 1957 et que des accords de sièges sont également prévus par la convention de 1994, l’accord de siège fait partie des droits et des obligations auxquels les Communautés ont souscrit en 1994.

2. Appréciation

40. Je tiens tout d’abord à observer que, ainsi que cela ressort notamment des points 35 de sa requête introductive d’instance et 12 à 14 de sa réplique, la Commission reproche au Royaume de Belgique, d’une part, d’avoir violé l’accord de siège, lequel ferait partie intégrante du droit communautaire depuis la signature de la convention de 1994 de laquelle cet accord dérive, et, d’autre part (8), d’avoir porté atteinte au système de financement de la Communauté et de répartition des charges
financières entre les États membres en méconnaissance de l’article 10 CE, par son refus de prendre en charge les dépenses afférentes au mobilier et au matériel didactique des écoles européennes sises sur le territoire de cet État membre, depuis le 13 décembre 1995 (9) pour ce qui concerne le financement du premier équipement et depuis 1986 (10) pour ce qui concerne le versement de la subvention annuelle de fonctionnement et d’équipement afférent au mobilier et matériel didactique des écoles
européennes.

41. Ces deux branches du manquement reproché sont donc formulées de manière autonomes, comme semble d’ailleurs le concéder la Commission au point 12 de sa réplique (11), même si le dispositif de la requête vise une violation de l’accord de siège «lu en combinaison avec l’article 10 CE».

42. Comme l’argumentation du Royaume de Belgique résumée ci-dessus le démontre, celui-ci excipe de l’incompétence de la Cour pour statuer sur la violation alléguée par la Commission de l’accord de siège, ce dernier ne relevant pas, selon cet État membre, des normes dont le contrôle juridictionnel échoit à la Cour. Néanmoins, il estime aussi, notamment au point 63 de son mémoire en défense et dans ses conclusions, que la Cour devrait se déclarer incompétente pour statuer sur «la présente
affaire», incluant inéluctablement par cette expression la seconde branche du manquement reproché fondée sur la violation de l’article 10 CE.

43. Toutefois, l’extension de l’exception d’incompétence à cette seconde branche du manquement reproché me paraît devoir être rejetée dans la mesure où cette branche vise bien la violation d’une disposition du droit communautaire, en l’occurrence l’article 10 CE, au sujet de laquelle la compétence de la Cour existe.

44. En revanche, la compétence de la Cour pour statuer sur la violation alléguée de l’accord de siège doit à mon sens être examinée eu égard aux deux éléments primordiaux suivants, à savoir, d’une part, la circonstance que la convention de 1994 n’est entrée en vigueur que le 1^er octobre 2002, alors que le manquement reproché aurait, d’après les écritures de la Commission, commencé à courir depuis l’année 1986 pour ce qui concerne le refus de verser la subvention annuelle et depuis le 13
décembre 1995 pour ce qui concerne le financement du premier équipement, et, d’autre part, le fait que la Commission a saisi la Cour d’un recours fondé exclusivement sur l’article 226, second alinéa, CE et non, tout au moins partiellement, sur le fondement de la clause compromissoire stipulée à l’article 26 de la convention de 1994.

45. Quant au premier point, j’estime que, pour les raisons exposées ci-après, la Cour n’est en tout état de cause pas compétente pour statuer sur la violation alléguée de l’accord de siège pour ce qui concerne la période antérieure à l’entrée en vigueur de la convention de 1994, c’est-à-dire jusqu’au 30 septembre 2002, date après laquelle la Cour s’est vue accorder la compétence exclusive pour connaître des litiges entre les parties contractantes relatifs à «l’interprétation et à l’application»
de cette convention, conformément à l’article 26 de ladite convention.

46. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans son arrêt Hurd (12), la Cour a jugé qu’elle était incompétente pour se prononcer sur l’interprétation de la convention de 1957 et des obligations qui en découlent pour les États membres dans la mesure où, en dépit des liens que cette convention présente avec la Communauté et le fonctionnement de ses institutions, il s’agit d’une convention internationale conclue par les États membres qui ne fait pas partie intégrante du droit
communautaire (13). Cette appréciation ne me paraît aucunement devoir être limitée par le contexte procédural de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Hurd, précité, dans le cadre de laquelle la Cour était appelée à statuer à titre préjudiciel, mais vaut également dans le cadre de la procédure prévue par l’article 226 CE dont l’objet ne peut viser qu’un manquement d’un État membre à l’une des obligations qui lui incombent en vertu du traité CE.

47. L’incompétence de la Cour s’étend, à mon sens, à l’accord de siège pour toute la période antérieure à l’entrée en vigueur de la convention de 1994, c’est-à-dire, en l’espèce, pour la période courant de l’année 1986 au 30 septembre 2002.

48. En effet, ainsi que son préambule le rappelle, cet accord était initialement fondé sur l’article 28 de la convention de 1957 accordant au conseil supérieur le pouvoir de négocier avec le gouvernement de l’État membre du siège tout accord complémentaire afin d’assurer aux écoles européennes les meilleures conditions matérielles et morales de fonctionnement. Le régime de cet accord devait donc suivre celui de la convention de 1957.

49. La position du gouvernement belge est étrangement ambiguë à cet égard, puisque celui-ci soutient, au point 22 de sa défense, que c’est «en vertu de la convention [de 1957]» qu’a été signé l’accord de siège, alors que, au point 20 de sa duplique, il s’évertue à nier le caractère «dérivé» et complémentaire de ce même accord par rapport à cette même convention, en alléguant que le premier ne trouverait pas son fondement juridique dans la seconde. Cette dernière allégation ne me paraît pas
pouvoir être partagée pour les raisons déjà exposées au point précédent des présentes conclusions. J’ajoute que, à supposer que la convention de 1957 n’ait pas été remplacée par celle de 1994, mais ait été purement et simplement abolie, le conseil supérieur, en tant qu’organe institué par la convention de 1957, aurait été automatiquement privé de toute existence légale. L’accord de siège en aurait donc été inéluctablement affecté, ce qui permet d’affirmer le caractère «dérivé» et complémentaire de
cet accord par rapport à la convention de 1957.

50. À cet égard, j’éprouve également des difficultés à suivre l’argumentation de la Commission qui paraît suggérer que, en raison de la participation de la Haute Autorité de la CECA au conseil supérieur dès l’année 1962, l’accord de siège ferait partie des normes dont le contrôle appartient à la Cour.

51. En effet, la participation de la Haute Autorité de la CECA au sein du conseil supérieur n’affecte en rien, à mon sens, le régime juridique de l’accord de siège. Ni la CECA ni, plus tard les Communautés n’étaient parties à la convention de 1957. En outre, aucune disposition de cette dernière n’attribuait de compétence à la Cour. Partant, en raison de sa nature d’acte complémentaire de cette convention, l’accord de siège ne faisait pas non plus partie des normes dont le contrôle appartenait à
la Cour. Par ailleurs, il est, selon moi, erroné de confondre le conseil supérieur et les membres qui le composaient de sorte à considérer que l’accord de siège aurait été conclu entre le Royaume de Belgique, d’une part, et les autres États membres de l’époque ainsi que les Communautés, d’autre part.

52. Partant, à ce stade de l’analyse, j’estime que la Cour devrait se déclarer incompétente pour statuer sur la branche du manquement allégué reposant sur la violation de l’accord de siège pour la période comprise entre l’année 1986 et le 30 septembre 2002.

53. Pour ce qui concerne la période à compter de l’entrée en vigueur de la convention de 1994, c’est-à-dire à compter du 1^er octobre 2002, la Cour est, à mon sens, en principe compétente pour statuer sur un tel litige. Toutefois, une telle compétence dériverait non pas du fait que l’accord de siège fait partie du droit communautaire, comme tend à le défendre en l’espèce la Commission, mais de la clause attributive de compétence prévue à l’article 26 de la convention de 1994 selon laquelle il
revient à la Cour, à titre exclusif, de statuer sur les litiges entre les parties contractantes relatifs à l’interprétation et à l’application de ladite convention et qui n’ont pu être résolus au sein du conseil supérieur.

54. Tout d’abord, je rappelle que, conformément à l’article 34 de la convention de 1994, à laquelle les Communautés européennes ont accédé, celle-ci a «annulé et remplacé» la convention de 1957 et la référence à l’article 28 de la convention de 1957 contenue dans l’accord de siège doit s’entendre comme se rapportant à l’article correspondant de la convention de 1994, à savoir son article 30. Par ailleurs, en application de son article 33, la convention de 1994 est entrée en vigueur le premier
jour du mois suivant le dépôt des ratifications de tous les États membres et de la notification de sa conclusion par les Communautés européennes, à savoir le 1^er octobre 2002.

55. À compter de cette date, la Cour est donc compétente, en vertu de l’article 26 de la convention de 1994, pour statuer sur les litiges entre les parties contractantes afférents à l’interprétation et à l’application de cette convention, ce qu’admet d’ailleurs le Royaume de Belgique.

56. Ensuite, je rappelle aussi que, aux termes de l’article 10 de la convention de 1994, qui s’est substitué à l’article 9 de la convention de 1957, le conseil supérieur est chargé de veiller à l’application de ladite convention et dispose, à cet effet, des pouvoirs de décision nécessaires en matière pédagogique, budgétaire et administrative et pour la négociation des accords mentionnés aux articles 28 à 30 de celle-ci. L’application de la convention de 1994 se réalise donc, en particulier, à
travers la conclusion des accords de siège, ce qui implique, par voie de conséquence, que le contrôle de la Cour sur l’application de ladite convention en vertu de l’article 26 de celle-ci doit aussi porter sur l’interprétation et l’exécution de l’accord de siège.

57. Cela étant précisé, il importe toutefois de relever que la Cour est saisie du présent recours, ne serait-ce que pour partie, non pas sur le fondement de la clause compromissoire stipulée à l’article 26 de la convention de 1994, mais exclusivement sur la base de l’article 226, second alinéa, CE, c’est-à-dire au motif de la violation d’une obligation au titre du traité.

58. En effet, ainsi que cela ressort des écritures de la Commission, celle-ci considère que, depuis que les Communautés européennes ont adhéré à la convention de 1994, c’est-à-dire depuis le 21 juin 1994, cette convention ainsi que l’accord de siège en tant qu’acte «dérivé» de cette dernière font partie intégrante du droit communautaire.

59. Cette approche ne me convainc pas.

60. D’une part, et comme déjà indiqué, la convention de 1994 n’est entrée en vigueur qu’à partir du 1^er octobre 2002. Elle ne pourrait donc être opposée aux douze États membres signataires, dont le Royaume de Belgique, qu’à compter de cette date et non à partir de l’année 1994.

61. D’autre part, l’argumentation de la Commission tend à ignorer l’autonomie des voies de recours. En effet, indépendamment de la problématique liée à l’accord de siège, le fait que, comme la Commission le prétend, la convention de 1994 ferait elle-même partie intégrante du droit communautaire ne me semble pas être un motif suffisant pour écarter l’application de la clause compromissoire et permettre à la Commission de choisir parmi les deux voies juridictionnelles, à savoir celle de l’article
26 de la convention de 1994 ou celle de l’article 226, second alinéa, CE, laquelle elle estime être la plus appropriée. Ainsi, je perçois mal comment, depuis le 1^er octobre 2002, sous prétexte du fait que la convention de 1994 appartiendrait au droit communautaire, la Commission pourrait à bon droit fonder, par exemple, un recours alléguant la violation d’une disposition de cette convention par un État membre non pas sur l’article 26 de celle-ci, mais sur l’article 226, second alinéa, CE (14). Il
en va de même, à mon sens, de la violation alléguée d’un acte relatif à l’application de la convention de 1994, tel que, en l’espèce, l’accord de siège, qui a un rapport direct avec la convention de 1994.

62. Pour l’ensemble de ces raisons, j’estime que la Cour est incompétente pour statuer sur la première branche du manquement allégué, introduit en vertu de l’article 226, second alinéa, CE, se rapportant à la violation prétendue de l’accord de siège.

63. En revanche, je suggère que la Cour se déclare compétente pour statuer sur ce litige dans la mesure où la Commission reproche au Royaume de Belgique d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 10 CE.

B – Sur la recevabilité du recours

1. Argumentation des parties

64. Le gouvernement belge soutient, à titre subsidiaire, que le recours est irrecevable en raison, premièrement, du défaut de concordance entre les griefs soulevés dans l’avis motivé et ceux de la requête et, deuxièmement, du caractère équivoque de l’article 10 CE comme fondement juridique.

65. En ce qui concerne sa première fin de non-recevoir, le Royaume de Belgique rappelle l’importance de la phase précontentieuse, laquelle a pour but de circonscrire l’objet du litige et de donner l’occasion à l’État membre, d’une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire et, d’autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission. Il fait observer que, dans la présente affaire, le défaut de concordance
entre l’avis motivé et la requête tient justement au choix de la base juridique. Le Royaume de Belgique remarque en effet que, alors que dans le dispositif de l’avis motivé la Commission fait uniquement référence à l’article 10 CE, relatif au devoir de coopération loyale, elle décide, dans son recours, sans la moindre explication, de le combiner avec la méconnaissance de l’accord de siège. Or, le recours devrait être fondé sur les mêmes motifs et moyens que l’avis motivé. Cet État membre relève
encore que la référence à l’article 10 CE, dans l’avis motivé, est faite en des termes trop vagues.

66. Selon le gouvernement belge, serait dénué de pertinence l’arrêt Commission/Danemark (15), auquel se réfère la Commission dans ses écritures, et selon lequel la Cour aurait déclaré recevables deux griefs contenus dans un des recours en manquement intentés contre cet État membre relatifs au respect des mesures de contrôle des activités de pêche au titre de la campagne de pêche de 1988. En effet, au point 36 de cet arrêt, la Cour aurait constaté que, si le dispositif de l’avis motivé ne
contenait aucune référence à la disposition pertinente du règlement applicable, cet avis motivé rejetait néanmoins l’argumentation relative au respect de cette disposition, développée par le gouvernement danois dans sa réponse à la lettre de mise en demeure. Ainsi, de l’avis du Royaume de Belgique, si la jurisprudence de la Cour n’impose pas une identité terme à terme entre les thèses avancées dans les différentes pièces de procédure, elle exige néanmoins une homogénéité substantielle entre ces
différentes pièces. Il conclut que, si une coïncidence parfaite entre l’énoncé des griefs dans la lettre de mise en demeure, le dispositif de l’avis motivé et les conclusions de la requête n’est pas exigée, dans la présente affaire, il n’est pas même question d’une coïncidence approximative.

67. S’agissant de la seconde objection à la recevabilité du recours, tirée du caractère équivoque de l’article 10 CE comme fondement juridique, le gouvernement belge soutient que la Commission se contente, dans la présente affaire, d’une référence à l’article 10 CE qu’elle suggère de combiner avec l’accord de siège sans fournir le moindre élément probant susceptible d’appuyer une telle combinaison. Selon lui, la Commission aurait d’abord dû, par une démonstration pertinente, identifier
clairement l’obligation communautaire en cause et établir, ensuite, l’existence du manquement. Ce gouvernement estime que, en l’espèce, une telle démonstration fait défaut et que la requête contient de simples présomptions et allégations à défaut de preuves.

68. En outre, le Royaume de Belgique relève que la Commission, au point 35 de sa requête, fait état de deux violations autonomes. D’une part, la Commission qualifierait la violation de l’accord de siège d’infraction au droit communautaire et, d’autre part, soutiendrait que l’attitude des autorités belges porte atteinte au système de financement de la Communauté et de répartition des charges financières entre les États membres et, partant viole l’article 10 CE. L’État membre défendeur remarque
toutefois que la Commission ne fait aucunement état de pareilles violations dans le dispositif de la requête, mais fusionne les violations autonomes alléguées pour conclure que, en refusant la prise en charge financière des dépenses de mobilier et de matériel didactique pour les écoles européennes, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’accord de siège, lu en combinaison avec l’article 10 CE.

69. Le gouvernement belge fait par ailleurs observer que la Commission expose, pour la première fois dans son mémoire en réplique, un lien de cause à effet entre la violation de l’accord de siège et la violation de l’article 10 CE. Selon ce gouvernement, il ressort de ces allégations évasives un manque de cohérence et de clarté.

70. Concernant le défaut de concordance allégué entre l’avis motivé et la requête, la Commission remarque que, s’il est vrai que, lu isolément, le dispositif de l’avis motivé mentionne seulement une violation de l’article 10 CE, le seul fait toutefois que le dispositif de l’avis motivé ne contienne pas de référence à l’ensemble des dispositions pour lesquelles la Commission, dans sa requête, demande la constatation d’un manquement ne suffit pas pour établir une violation des droits de la
défense si le grief figure clairement dans le texte de l’avis motivé. Elle soutient que, selon la jurisprudence de la Cour, une coïncidence parfaite entre les griefs constatés dans la lettre de mise en demeure, le dispositif de l’avis motivé et les conclusions de la requête n’est pas exigée, ses griefs initiaux peuvent être précisés, à la condition que l’objet du litige ne soit pas modifié. Par ailleurs, même si la Cour devait considérer que la Commission n’aurait pas dû se référer à l’accord de
siège dans le petitum de sa requête, cette conclusion aurait pour simple conséquence l’irrecevabilité partielle du recours.

71. Quant au caractère prétendument équivoque du fondement juridique, la Commission considère que sa requête indique avec toute la précision requise les dispositions par rapport auxquelles le Royaume de Belgique est, selon elle, en infraction. Elle précise que, d’une part, le point 35 de sa requête expose de façon claire que le comportement des autorités belges implique à la fois une violation de l’accord de siège et de l’article 10 CE et, d’autre part, une telle combinaison de la violation du
principe de coopération loyale et d’une autre disposition de droit communautaire a été constatée à plusieurs reprises par la Cour.

72. La Commission ajoute que, suite à l’adhésion de la Communauté à la convention de 1994, la mention de l’article 10 CE n’est plus strictement nécessaire et que, lorsque dans un recours en manquement, elle invoque à la fois une violation de cet article et une violation d’une disposition communautaire plus spécifique, le recours est recevable même si la Cour ne se prononce pas sur la violation dudit article en tant que manquement distinct et statue uniquement sur la violation de la disposition
communautaire plus spécifique. Elle ajoute également qu’il arrive même que la Commission demande la constatation d’un manquement à l’article 10 CE et à une autre disposition de droit communautaire et que la Cour fasse droit au recours sans mentionner l’article 10 CE, ni dans les considérants ni dans le dispositif de l’arrêt et qu’il s’ensuit qu’une mention superflue de l’article 10 CE dans le recours est manifestement sans aucune conséquence sur la recevabilité de celui-ci.

73. S’agissant de la charge de la preuve, la Commission se borne à indiquer que ce qui sépare les parties dans le présent litige est non pas la nature du comportement adopté par les autorités belges, mais l’interprétation des textes régissant ledit comportement, afin de déterminer la portée des obligations incombant au Royaume de Belgique.

2. Appréciation

74. Comme je l’ai déjà indiqué au point 40 des présentes conclusions, tel que cela ressort de la requête introductive d’instance, le manquement reproché repose sur deux branches autonomes. La première est tirée de la violation de l’accord de siège, tandis que la seconde repose sur la méconnaissance de l’article 10 CE.

75. Les fins de non-recevoir soulevées par le Royaume de Belgique concernent les deux branches du recours auxquelles il y a lieu d’après moi d’apporter des réponses différentes.

a) Sur la recevabilité de la première branche du manquement reproché relative à la violation de l’accord de siège

76. En ce qui concerne la première branche du manquement allégué, ainsi que je l’ai déjà démontré dans les développements qui précédent, j’estime que la Cour n’est pas compétente pour en connaître.

77. En tout état de cause, et notamment dans l’hypothèse où la Cour ne devait pas partager la position que j’ai exprimée dans les points précédents des présentes conclusions, je l’invite à déclarer cette branche irrecevable dans la mesure où le grief tiré de la violation de l’accord de siège a étendu l’objet du litige tel qu’il a été délimité dans le cadre de la procédure précontentieuse.

78. À cet égard, il importe d’observer que, bien que l’accord de siège soit abondamment mentionné tant dans la lettre de mise en demeure que dans l’avis motivé adressés au Royaume de Belgique, ces deux pièces se bornent toutefois à reprocher à cet État membre une violation de l’article 10 CE – grief qui correspond uniquement à la seconde branche sur laquelle repose la requête de la Commission – pour autant que l’attitude des autorités belges porte atteinte au système de financement de la
Communauté et de la répartition des charges financières entre les États membres.

79. En outre, même à supposer que certains passages des pièces de la procédure précontentieuse puissent tendre à suggérer que la Commission entendait constater une violation de l’accord de siège, cette violation n’a manifestement jamais été qualifiée au cours de cette procédure de violation autonome du droit communautaire, mais a été qualifiée comme constituant une condition préalable à la constatation d’un manquement à l’article 10 CE dans la mesure où cette violation emportait des
conséquences négatives pour le budget communautaire et la répartition des charges financières entre les États membres.

80. Or, selon la jurisprudence, l’objet d’un recours intenté en application de l’article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue à cette disposition et, partant, l’avis motivé et le recours doivent être fondés sur des griefs identiques de sorte que, sans qu’il soit exigé une coïncidence parfaite entre l’énoncé des griefs dans le dispositif de l’avis motivé et les conclusions de la requête, l’objet du litige, tel que défini dans l’avis motivé, ne soit ni étendu ni
modifié (16).

81. Cette exigence, qui s’impose à la Commission, répond à la double préoccupation selon laquelle, d’une part, la procédure précontentieuse a pour but de donner l’occasion à l’État membre de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire et, d’autre part, cette procédure doit également lui permettre de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission (17).

82. Partant, dans la mesure où, en l’espèce, aucun grief tiré de la violation per se de l’accord de siège ne peut être déduit de la phase précontentieuse, en particulier de l’avis motivé, la première branche du manquement reproché doit, à mon sens, être déclarée irrecevable au stade de la procédure devant la Cour (18).

83. Cette appréciation n’est pas infirmée par la référence faite par la Commission à l’arrêt Commission/Danemark, précité, dans lequel ont été déclarés recevables deux griefs contenus dans un des recours en manquement introduits contre cet État membre relatifs au respect des mesures de contrôle des activités de pêche au titre d’une campagne de pêche.

84. En premier lieu, il résulte du point 35 de cet arrêt que celui-ci s’inscrit clairement dans la ligne de jurisprudence que je viens de mentionner portant sur l’exigence d’une coïncidence entre les griefs exposés durant la phase précontentieuse et ceux articulés dans le recours devant la Cour et non pas dans un éventuel courant de jurisprudence parallèle. Partant, le fait que, dans l’arrêt Commission/Danemark, précité, la Cour ait déclaré recevables les griefs litigieux du recours en
manquement paraît uniquement s’expliquer par les circonstances particulières de ladite affaire, auxquelles il ne saurait, à mon sens, être accordé une valeur de précédent pour la présente affaire.

85. En effet, et en second lieu, il ressort notamment des points 28, 30 et 36 dudit arrêt que les griefs litigieux ont été déclarés recevables au motif que, bien que le dispositif de l’avis motivé émis à l’encontre du Royaume de Danemark ne contentait pas la référence à un article précis d’un des règlements communautaires pertinents dans cette affaire, cette institution avait néanmoins rejeté, dans ce même avis, le prétendu respect par l’État membre défendeur des obligations prévues par cet
article qui lui avait été reprochées dans la lettre de mise en demeure et dont il avait supposé l’abandon au stade de l’avis motivé.

86. Or, en l’espèce, ainsi que je l’ai déjà mis en exergue, la Commission n’a jamais reproché au cours des deux phases de la procédure précontentieuse un manquement au sens de l’article 226, second alinéa, CE, matérialisé par une violation de l’accord de siège.

87. Par conséquent, l’omission dans la phase précontentieuse conduite à l’encontre du Royaume de Belgique de tout grief relatif à la violation autonome de l’accord de siège revêt une nature bien différente de la problématique soulevée dans l’arrêt Commission/Danemark, précité, puisque l’objet du présent litige, tel que délimité durant la phase précontentieuse, se borne à la méconnaissance de l’article 10 CE.

88. La première branche du manquement reproché devrait donc, à mon sens, être rejetée comme étant irrecevable pour autant que la Cour ne constate pas au préalable son incompétence pour la trancher.

b) Sur la recevabilité de la seconde branche du manquement reproché relative à la méconnaissance de l’article 10 CE

89. Je rappelle que le Royaume de Belgique prétend que le recours est équivoque en ce qu’il est pour partie fondé sur l’article 10 CE et/ou sur cette disposition lue en combinaison avec l’accord de siège.

90. Au regard de ma proposition selon laquelle la première branche du recours devrait être rejetée comme étant irrecevable, l’allégation relative au caractère équivoque du recours ne peut plus, partant, que concerner la seconde branche du manquement reproché.

91. Ainsi délimitée, la fin de non-recevoir soulevée par le Royaume de Belgique ne me paraît pas devoir prospérer.

92. Certes, il est vrai que le recours introduit par la Commission ne constitue pas un modèle de clarté quant aux rapports qu’entretiennent l’accord de siège et l’article 10 CE. En particulier, comme je l’ai déjà mis en exergue aux points 40 et 41 des présentes conclusions, alors que le dispositif de la requête fait état d’une violation aux deux textes lus de façon combinée, sa motivation laisse plutôt clairement envisager des violations autonomes. Dans sa réplique, la Commission paraît même
considérer que les violations alléguées se superposent en ce sens que, d’après elle, le grief tiré de la violation de l’article 10 CE ne serait plus strictement nécessaire depuis la signature de la convention de 1994.

93. Malgré ces approximations regrettables au stade de la procédure devant la Cour, il n’en demeure pas moins que l’objet du manquement reproché a, de façon constante au long des phases précontentieuse et contentieuse de la procédure, visé, ne serait-ce que partiellement pour ce qui concerne cette seconde phase, la méconnaissance de l’article 10 CE.

94. Il importe, cependant, de relever le défaut partiel de coïncidence entre la procédure précontentieuse et le recours en ce qui concerne la durée de l’infraction alléguée à l’article 10 CE dans la mesure où elle se rapporte au refus des autorités belges d’accorder la subvention annuelle de fonctionnement et d’équipement. En effet, s’agissant de ce grief, alors que, au stade de la lettre de mise en demeure et de l’avis motivé, la Commission a allégué un manquement à l’article 10 CE uniquement
après la «communautarisation» de l’enseignement en Belgique, c’est-à-dire à partir de l’année 1989 (19), la requête indique que ce manquement se serait déjà matérialisé trois ans plus tôt, soit en 1986 (20). Or, une telle extension de la durée du manquement allégué au stade de la requête introductive d’instance ne saurait être admise et, partant, est irrecevable.

95. Dans ces circonstances, la seconde branche du manquement reproché doit être considérée comme recevable (21) pour autant qu’elle concerne, d’une part, le refus opposé par les autorités belges depuis l’année 1989 d’allouer la subvention annuelle de fonctionnement et d’équipement aux écoles européennes sises sur le territoire du Royaume de Belgique pour l’entretien et le remplacement de leur mobilier et de leur matériel didactique et, d’autre part, le refus de la part de ces mêmes autorités de
financer le premier équipement en mobilier et matériel didactique desdites écoles depuis le 13 décembre 1995.

96. Au regard de cette analyse, je suggère que la Cour statue uniquement sur le bien-fondé de cette branche, telle que je viens de la délimiter.

C – Sur le bien-fondé de la seconde branche du manquement reproché, tirée de la méconnaissance de l’article 10 CE

1. Argumentation des parties

97. Tout d’abord, la Commission indique que le Royaume de Belgique a financé l’équipement des écoles européennes à Uccle (Bruxelles I), à Mol et à Woluwe (Bruxelles II) et que, pour ces écoles, le Royaume de Belgique a versé une dotation annuelle de 500 000 francs belges jusqu’en 1985. Elle rappelle que, par la suite, le Royaume de Belgique a interrompu les versements annuels.

98. La Commission fait également observer que, depuis l’année 1995, le Royaume de Belgique n’a plus acquitté non plus les factures qui lui ont été adressées par les écoles européennes pour les dépenses de mobilier et de matériel didactique générées par l’extension de l’école européenne de Bruxelles II de l’année 1995 à l’année 1997 et par l’ouverture de l’école européenne de Bruxelles III en 1999. Elle relève que, par conséquent, ces dépenses ont été inscrites au budget desdites écoles et ont
donc été temporairement couvertes par la contribution du budget communautaire versée par la Commission au budget des écoles européennes, en application de l’article 25 de la convention de 1994.

99. Ensuite, de l’avis de la Commission, l’obligation financière incombant aux autorités belges découlerait clairement de l’article 1^er de l’accord de siège et le préjudice causé au budget communautaire qui découlerait de leur refus d’honorer leurs engagements comporterait une violation de l’article 10 CE. En effet, s’appuyant sur les arrêts Hurd et Commission/Belgique précités, dans lesquels la Cour aurait constaté que le fonctionnement des institutions communautaires pouvait être entravé de
manière contraire à l’article 10 CE par des mesures prises dans le cadre de la mise en œuvre de la convention de 1957, la Commission estime que l’attitude des autorités belges porterait atteinte au système de financement de la Communauté et de répartition des charges financières entre les États membres et, partant, méconnaîtrait ledit article.

100. La Commission précise également, en substance, que la portée de l’obligation prévue par l’article 1^er de l’accord de siège n’a pas été altérée par la décision de Karlsruhe. En particulier, elle soutient qu’il ressort explicitement du point 12 du compte rendu de la réunion du conseil supérieur que celui-ci a seulement fixé un cadre politique général pour des accords à venir. Elle rappelle, en outre, que le conseil supérieur n’aurait même pas été compétent, par une simple décision unilatérale,
pour modifier le contenu de l’accord de siège, compte tenu du principe de la hiérarchie des normes et de l’article 28 de la convention de 1957 selon lequel les conditions matérielles de fonctionnement des écoles dans un État de siège doivent être déterminées par un accord de siège.

101. Elle ajoute que, quand bien même aux termes de l’article 1^er de l’accord de siège, le financement des équipements en mobilier et matériel didactique des écoles européennes doit être réalisé «selon les critères appliqués [aux] établissements [belges]», l’étude de droit belge qu’elle a commanditée démontrerait que tant le premier équipement que la subvention annuelle de fonctionnement des écoles appartenant au réseau officiel des Communautés française, flamande et germanophone seraient pris en
charge par les autorités publiques belges. Dès lors, dans la mesure où ces dernières écoles doivent constituer le point de référence pour déterminer la prise en charge financière du mobilier et du matériel didactique des écoles européennes installées en Belgique, conformément à l’article 6, second alinéa, de la convention de 1994, le Royaume de Belgique ne saurait invoquer des considérations internes, telles que la communautarisation de l’enseignement, pour s’opposer à ladite prise en charge
financière.

102. Enfin, après avoir rappelé que les autorités belges ont reconnu, à plusieurs reprises et jusqu’à très récemment, leurs créances, la Commission soutient qu’il faut interpréter les obligations du Royaume de Belgique à la lumière du but de l’accord de siège et du principe de bonne foi, qui, selon la jurisprudence, ferait partie intégrante de l’article 10 CE et du droit international général (22). À cet égard, elle précise que, puisque le but de l’accord de siège consistait, comme mentionné dans
son préambule, à prendre les mesures appropriées en vue d’assurer aux écoles européennes les meilleures conditions de fonctionnement, au moment où les décisions sur le siège principal du Conseil et de la Commission ont été prises, le Royaume de Belgique a garanti, par une série d’actes, les conditions matérielles des écoles européennes et a laissé entendre aux institutions et aux autres États membres, par son comportement, qu’il acceptait et approuvait ses engagements financiers envers ces écoles.
Ainsi, le Royaume de Belgique aurait suscité la confiance dans le chef des institutions et des autres États membres en ce qu’il assumerait ses obligations financières à l’égard des écoles européennes installées sur son territoire.

103. Le Royaume de Belgique conteste le manquement reproché à l’article 10 CE.

104. À titre principal, il estime que le recours est non fondé, parce que la base juridique du recours de la Commission serait erronée.

105. En effet, selon lui, l’article 10 CE ne pourrait être mis en œuvre per se, mais supposerait, au contraire, l’existence d’une obligation régissant sa mise en œuvre. Selon le Royaume de Belgique, l’article 10, premier alinéa, CE prévoit, en substance, que les États membres doivent prendre toutes les mesures requises pour mettre en œuvre leurs obligations découlant du traité ou résultant des actes des institutions. Or, en se prévalant de cet article, la Commission n’aurait aucunement identifié
préalablement l’obligation communautaire qui supporterait son invocation.

106. Par ailleurs, de l’avis du Royaume de Belgique, les arrêts précités Hurd et Commission/Belgique invoqués par la Commission n’y changeraient rien. Il découlerait du premier arrêt que les devoirs incombant aux États membres en vertu de l’article 10 CE ne peuvent être appliqués ni à une convention des États membres (comme la convention de 1957) ni à une convention conclue essentiellement (mais non pas exclusivement) par les États membres (comme la convention de 1994). En outre, selon le Royaume de
Belgique, contrairement à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Hurd, précité, le non financement par le Royaume de Belgique de certaines charges des écoles européennes n’engendrerait pas, en l’espèce, de transferts de fonds au détriment de la Communauté européenne, mais affecterait tout au plus le fonctionnement desdites écoles. De même, l’arrêt Commission/Belgique, précité, aurait, contrairement à la présente affaire, concerné une mesure nationale qui avait pour conséquence de porter réduction du
traitement national versé aux enseignants des écoles européennes entraînant une augmentation de la part du financement incombant à la Communauté.

107. En l’occurrence, selon le Royaume de Belgique, la Commission n’a pas rapporté la preuve qu’elle aurait dû payer des factures à la suite du prétendu manquement de l’État membre défendeur. Or, dans le cadre d’une procédure en manquement, il appartiendrait à la Commission de prouver tous les éléments de faits sur lesquels elle base son action. Au demeurant, le gouvernement belge considère qu’il ne suffirait pas à la Commission d’établir que la contribution de la Communauté au fonctionnement des
écoles européennes a augmenté, mais encore faudrait-il que cette contribution porte sur des biens mobiliers devenus immeubles par destination, étant donné que la décision de Karlsruhe ne viserait que ce type de mobilier.

108. À titre subsidiaire, le Royaume de Belgique soutient que le recours en manquement ne peut trouver de fondement dans une interprétation correcte de l’accord de siège, lequel doit d’ailleurs être lu au regard de la décision de Karlsruhe et du droit belge de l’enseignement.

109. En substance, le Royaume de Belgique fait, en premier lieu, valoir que l’accord de siège ne s’appliquerait qu’aux écoles existantes ou envisagées au moment de sa conclusion, ainsi qu’à leur développement prévisible raisonnable, mais en aucun cas il s’appliquerait au financement du mobilier et du matériel didactique lors de l’extension de l’école européenne de Bruxelles II de l’année 1995 à l’année 1997 et au moment de l’ouverture de l’école européenne de Bruxelles III en 1999. À cet égard, le
Royaume de Belgique soutient qu’aucun des actes ou comportements mentionnés par la Commission n’aurait pu susciter une confiance légitime dans le chef des institutions et des autres États membres en ce que cet État membre aurait apporté un financement aux écoles européennes allant bien au-delà des engagements déterminés par l’accord de siège.

110. En deuxième lieu, le gouvernement belge allègue que l’accord de siège doit être interprété au regard de la décision de Karlsruhe qui ne se limiterait aucunement à dresser un cadre politique pour les accords de siège futurs, mais viserait au contraire à produire des effets juridiques immédiats. La décision de Karlsruhe constituerait d’ailleurs un accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’accord de siège dont il conviendrait de tenir compte, conformément à la convention de Vienne
sur le droit des traités du 23 mai 1969 (23), lors de l’interprétation et de l’application de l’accord de siège. C’est ainsi que, eu égard à la décision de Karlsruhe, le mobilier que le Royaume de Belgique s’engage à fournir, conformément à l’article 1^er de l’accord de siège, ne saurait comprendre que le mobilier devenant immeuble par destination.

111. Enfin, en troisième lieu, de l’avis du Royaume de Belgique, les règles applicables au financement des établissements scolaires belges ne pourraient pas non plus soutenir la thèse de la Commission. Il rappelle que, suite à la communautarisation de l’enseignement, les critères applicables pour déterminer la portée du financement litigieux des écoles européennes sont ceux édictés par les Communautés française, flamande et germanophone dans leur législation propre. Il ajoute que, s’il existe dans
chaque communauté deux types d’écoles officielles, à savoir celles qui sont organisées par les communautés elles‑mêmes et celles qui sont subventionnées par ces communautés, les écoles européennes doivent uniquement être considérées, du point de vue du droit belge, comme appartenant à cette seconde catégorie.

112. En tout état de cause, bien que les règles de financement applicables aux deux types d’établissements scolaires seraient différentes, aucune d’entre elles ne permettrait un quelconque financement du premier équipement ou l’octroi d’une subvention annuelle de fonctionnement aux écoles européennes.

113. En effet, selon le Royaume de Belgique, les législations des différentes communautés ne prendraient en charge au titre du premier équipement que les biens meubles qui seraient immeubles par nature ou par destination. Les frais de mobilier et de matériel didactique ne revêtiraient assurément pas cette qualité. De plus, les frais de premier équipement ne seraient pas non plus couverts par le financement annuel des frais de fonctionnement de l’école dès l’année de sa création, car, en particulier,
les établissements secondaires belges ne sont admis aux subventions qu’après un an de fonctionnement sur avis des services d’inspection.

114. Concernant la subvention annuelle de fonctionnement, le Royaume de Belgique rappelle que si, en droit belge, les établissements subventionnés ont droit à une subvention annuelle, il s’agit d’une subvention globale et forfaitaire couvrant les frais afférents au fonctionnement, à l’équipement de l’établissement et à la distribution gratuite de manuels et de fournitures scolaires qui correspond à un montant fixé par élève régulièrement inscrit. Cette caractéristique du système empêcherait toute
prise en charge financière intégrale des frais réels, réclamés sur base de simples factures. Le gouvernement belge indique que, même si l’octroi de la subvention annuelle tend à réaliser l’objectif de gratuité de l’accès à l’enseignement et d’égalité, cette subvention reste soumise au respect de diverses conditions légales (inspections et contrôles réguliers, conformité à la réglementation en matière d’organisation des études, de statut du personnel et des lois linguistiques) et que, en cas de non
respect, il est impossible de prétendre à l’octroi de la subvention. En outre, dans le cadre d’une telle subvention, il s’agirait de frais strictement limités, tandis que les frais d’inscription réclamés aux élèves des écoles européennes excèdent les limites légales autorisées, ce qui les excluraient du droit à ladite subvention.

2. Appréciation

115. En vertu de l’article 10, premier alinéa, première phrase, CE, les États membres doivent prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution des obligations découlant du traité ou résultant des actes des institutions et, selon sa seconde phrase, ont l’obligation de faciliter à la Communauté l’accomplissement de sa mission. Aux termes de l’article 10, second alinéa, CE, les États membres doivent s’abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité.

116. La Cour a notamment déduit de la lecture combinée de l’article 10, premier alinéa, seconde phrase, et second alinéa, CE un devoir de coopération loyale d’application générale, à charge, en particulier, des États membres (24). La Cour a également jugé à plusieurs reprises que l’obligation découlant des dispositions susmentionnées de l’article 10 CE comprenait aussi le devoir de ne pas prendre de mesures susceptibles d’entraver le fonctionnement des institutions de la Communauté (25).

117. Partant, la lecture particulièrement réductrice de la portée de l’article 10 CE à laquelle procède le Royaume de Belgique, limitée au premier alinéa, première phrase, de cette disposition, selon laquelle ledit article imposerait uniquement aux États membres de prendre toutes les mesures requises pour mettre en œuvre leurs obligations découlant du traité, doit clairement être rejetée. En effet, cette approche méconnaît le fait que, même dans l’exercice de leurs compétences retenues ou
résiduelles, les États membres doivent s’abstenir d’entraver tant les compétences de la Communauté que le fonctionnement des institutions communautaires (26).

118. Tel est précisément, à mon sens, l’objet d’une obligation de loyauté des États membres, telle qu’elle est exprimée à l’article 10 CE, à savoir qu’elle interdit de porter atteinte, par l’exercice de leurs propres compétences, à l’effectivité de celles détenues par la Communauté, y compris au fonctionnement des institutions de celle-ci (27). Au demeurant, en l’espèce, la seconde branche du manquement reproché est fondée sur l’article 10 CE et non sur un alinéa particulier de cet article.

119. Dans les arrêts Hurd et Commission/Belgique précités, qui s’inscrivent dans le courant jurisprudentiel décrit au point 116 des présentes conclusions, la Cour a considéré que constituait une violation du devoir de coopération loyale exprimé à l’article 5 du traité CEE (devenu article 5 du traité CE, lui–même devenu article 10 CE), le comportement unilatéral d’un État membre qui, en affectant le traitement des enseignants des écoles européennes, portait ou pouvait porter atteinte au système de
financement de la Communauté et de répartition des charges financières entre les États membres, eu égard au mécanisme financier prévu par le statut du personnel enseignant desdites écoles, selon lequel, en substance, la charge non supportée par les États membres incombe au budget de la Communauté.

120. La pertinence de ces arrêts pour la résolution du présent litige étant contestée par le Royaume de Belgique, il convient de les examiner plus attentivement (28).

121. Dans la première affaire, M. Hurd, enseignant de nationalité britannique, détaché auprès de l’école européenne de Culham située au Royaume-Uni, était opposé à l’administration fiscale britannique à propos d’avis d’imposition relatifs aux sommes que lui avait versées l’école européenne au titre de suppléments de traitement dits «suppléments européens» (29). Selon une décision du conseil supérieur adoptée en 1957, ces suppléments étaient exempts de tout impôt. Au Royaume-Uni, seuls les
suppléments européens versés par l’école de Culham aux enseignants de nationalité autre que britannique étaient effectivement exonérés d’impôt sur le revenu. Le litige opposant M. Hurd aux autorités fiscales britanniques devant la juridiction nationale soulevait donc la question de savoir si l’impôt sur le revenu qui lui était réclamé au titre du versement des suppléments européens était compatible avec le droit communautaire, en particulier avec l’article 3 de l’acte relatif aux conditions
d’adhésion du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (30) (ci-après l’«acte d’adhésion») et avec les articles 5 et 7 du traité CEE.

122. En premier lieu, la Cour était interrogée sur sa compétence pour interpréter, à titre préjudiciel, l’article 3 de l’acte d’adhésion ainsi que «tout accord conclu par les États membres originaires relatif au fonctionnement des Communautés présentant un lien avec l’action de celles-ci» et les «déclarations, résolutions ou autres prises de position […] relatives aux Communautés européennes qui sont adoptées d’un commun accord par les États membres», expressions visées par ledit article et qui
paraissaient englober, d’une part, la convention de 1957, et d’autre part, la décision du conseil supérieur de 1957 relative aux suppléments européens.

123. Tandis que la Cour a admis qu’elle était compétente pour interpréter l’article 3 de l’acte d’adhésion, elle a, comme déjà mentionné au point 46 des présentes conclusions, décliné toute compétence pour interpréter la convention de 1957 ainsi que les textes, actes et décisions des organes des écoles européennes pris sur cette base, puisqu’ils ne rentraient dans aucune des catégories d’actes visées à l’article 177 du traité CEE (devenu article 177 du traité CE, lui-même devenu article 234
CE) (31). En particulier, la Cour a précisé qu’elle n’était pas compétente pour définir les obligations qui découlaient de ces actes pour les États membres (32).

124. En second lieu, la Cour était amenée à statuer sur la question de savoir si les États membres devaient exonérer d’impôts nationaux les suppléments européens des enseignants des écoles européennes, situées sur leurs territoires, qui étaient leurs ressortissants, question qui touchait notamment à la portée de l’obligation contenue à l’article 5 du traité CEE.

125. Au point 36 de son arrêt, la Cour constate que la convention de 1957 et le protocole de 1962 s’insèrent dans le contexte de toute une série d’accords, décisions, actes et prises de position par lesquels les États membres collaborent et coordonnent leurs activités pour contribuer au bon fonctionnement des institutions communautaires et pour leur faciliter l’accomplissement de leurs missions. Toutefois, nuance la Cour, une telle coopération et les règles s’y rapportant ne trouvent pas leur base
juridique dans les traités instituant les Communautés européennes et ne font pas partie du droit créé par les Communautés et dérivé des traités (33). En conséquence, la Cour juge que les devoirs de coopération et d’assistance loyales exprimés à l’article 5 du traité CEE, «qui se situent dans le cadre des traités, ne peuvent pas être appliqués à des conventions distinctes entre les États membres qui se situent hors de ce cadre comme c’est le cas du statut de l’école européenne» (34).

126. La Cour tempère cependant partiellement cette conclusion, en précisant qu’«il en serait autrement si l’application d’une disposition des traités ou du droit dérivé de ceux‑ci ou encore le fonctionnementdesinstitutions communautaires était entravé par une mesure prise dans lecadre de la mise en œuvre d’une telle convention conclue entre les États membres hors du champ d’application des traités. Dans une telle hypothèse, la mesure en question pourrait être considérée comme contraire aux
obligations découlant de l’article 5, [second] alinéa, du traité CEE» (35).

127. En procédant à l’examen in concreto d’un tel cas de figure, la Cour relève tout d’abord que le mécanisme prévu par le statut du personnel enseignant des écoles européennes conduit à ce que, si un État membre décide de soumettre les suppléments européens à un impôt national, l’école concernée doive restituer aux enseignants le montant de cet impôt par une allocation différentielle, laquelle peut à nouveau être imposée (36). La Cour note ensuite que la charge financière de ce mécanisme grève en
totalité et directement le budget de la Communauté, étant donné que celle-ci compense la différence entre la somme des revenus propres de l’école et les traitements nationaux des enseignants, d’une part, et le montant global du budget de l’école européenne, d’autre part (37). Elle considère enfin que la généralisation d’une attitude comme celle adoptée par les autorités fiscales britanniques dans le cas de M. Hurd entraînerait, à la charge du budget communautaire et en faveur du budget national, un
véritable transfert de fonds et aurait, sur le plan financier, des conséquences directement préjudiciables pour la Communauté. Un État membre pourrait ainsi, d’une manière unilatérale, porter atteinte au système de financement de la Communauté et de répartition des charges financières entre les États membres (38). Partant, la Cour en conclut qu’un tel comportement méconnaît «le devoir de coopération et d’assistance loyales qui incombe aux États membres à l’égard de la Communauté et qui trouve son
expression dans l’obligation, prévue à l’article 5 du traité CEE, de faciliter à celle-ci l’accomplissement de sa mission et de ne pas mettre en péril la réalisation des buts du traité» (39).

128. En se fondant en grande partie sur le raisonnement développé dans l’arrêt Hurd, précité, la Cour a suivi une approche identique dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Belgique, précité, à propos d’une situation de fait légèrement différente. Dans cette affaire, la Commission reprochait au Royaume de Belgique d’avoir enfreint l’article 5 du traité CEE en adoptant un arrêté royal aux termes duquel le traitement dit «d’attente» ou la subvention-traitement accordés aux membres du
personnel de l’enseignement belge détachés auprès des écoles européennes étaient réduits de 50 %, ce qui entraînait, par conséquent, une charge supplémentaire pour le budget de la Communauté eu égard au mécanisme de compensation financière prévue par le statut du personnel enseignant des écoles européennes (40).

129. Il importe de relever que le Royaume de Belgique ne contestait pas la réalité du manquement qui lui était reproché, mais faisait uniquement valoir devant la Cour que l’enseignement en Belgique relevait désormais des compétentes des trois communautés linguistiques, ce qui impliquait que l’arrêté royal litigieux ne pouvait être amendé ou supprimé qu’à la suite d’une concertation des instances compétentes, en particulier d’un accord sur la répartition des charges financières.

130. Après avoir rappelé le point 36 de l’arrêt Hurd, précité, dont le contenu a été rapporté au point 125 des présentes conclusions, la Cour juge qu’«[i]l y a lieu d’admettre […] qu’une décision prise unilatéralement par un État membre et portant réduction du traitement national versé aux enseignants détachés auprès des écoles européennes, implique une augmentation correspondante de la part du financement incombant à cet égard aux Communautés. Une telle décision porte dès lors atteinte au système
de financement de la Communauté et de répartition des charges financières entre les États membres» (41). Tout comme au point 45 de l’arrêt Hurd, précité, la Cour relève qu’un tel comportement méconnaît le devoir de coopération et d’assistance loyales qui incombe aux États membres et qui trouve son expression dans l’obligation prévue à l’article 5 du traité CEE (42). La Cour rejette ensuite l’argument du Royaume de Belgique tiré de la communautarisation de l’enseignement belge, au motif qu’un État
membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier le non-respect des obligations résultant du droit communautaire (43). Elle constate dès lors un manquement à l’article 5 du traité CEE.

131. Dans la présente affaire, à l’exception de considérations quelque peu générales relatives à la pertinence ou non de ces deux arrêts pour la résolution du litige, les parties sont restées étrangement silencieuses tout au long de la procédure précontentieuse et contentieuse sur deux aspects, me semble-t-il, essentiels de la motivation desdits arrêts et qui, selon moi, emportent des conséquences sur le présent litige.

132. Ces aspects concernent, d’une part, le champ d’application de l’article 10 CE selon que la mesure dont il s’agit se trouve dans le cadre du traité (ou du droit communautaire plus largement) ou hors de ce cadre, d’après la distinction opérée par la Cour aux points 38 et 39 de l’arrêt Hurd, précité, et, d’autre part mais corrélativement, le caractère unilatéral de la mesure en cause, mentionné dans les deux arrêts précités.

133. Je rappelle que, si au point 38 de l’arrêt Hurd, précité, la Cour a indiqué, en substance, que le devoir de coopération loyale, dont une des expressions se trouve à l’article 5 du traité CEE, ne peut pas être appliqué à des conventions distinctes entre les États membres hors du cadre des traités, comme c’est le cas du statut de l’école européenne, elle a toutefois précisé, au point 39 de cet arrêt, que l’obligation de coopération loyale était susceptible de s’appliquer à «une mesure prise dans
le cadre de la mise en œuvre d’une telle convention conclue entre les États membres hors du champ d’application des traités».

134. L’expression une mesure prise dans le cadre de la mise en œuvre de la convention de 1957 paraît quelque peu ambiguë. En effet, une lecture rapide de ce passage du point 39 de l’arrêt Hurd, précité, pourrait laisser croire que la mesure en cause, objet de l’examen de compatibilité avec le devoir de coopération loyale, serait une mesure adoptée pour mettre en œuvre ladite convention. Cette lecture pourrait d’ailleurs, je l’admets, être confortée par la version dudit arrêt en langue anglaise, qui
indique «a measure taken to implement such an agreement» (44).

135. Une telle interprétation me semble incorrecte pour deux motifs.

136. En premier lieu, elle reviendrait à admettre que l’appréciation contenue au point 39 de l’arrêt Hurd, précité, est contradictoire avec celle, menée à titre principal, aux points 37 et 38 du même arrêt. En effet, si la Cour a exclu à ces deux points dudit arrêt l’application du devoir de coopération loyale dans les rapports entre les États membres et les institutions communautaires qui concernent la convention de 1957 et les accords, actes, décisions et textes pris sur la base de ladite
convention, elle ne saurait logiquement affirmer au point 39 du même arrêt que ce même devoir de coopération loyale s’applique néanmoins aux mesures de mise en œuvre de ladite convention, expression qui inclut nécessairement lesdits accords, actes, décisions et textes adoptés sur la base de cette convention.

137. Que l’expression «une mesure prise dans le cadre de la mise en œuvre» de la convention de 1957, utilisée au point 39 de l’arrêt Hurd, précité, ne puisse aucunement signifier «une mesure prise pour mettre en œuvre» ladite convention peut également être déduit, en second lieu, par le contrôle opéré par la Cour aux points 40 à 45 dudit arrêt.

138. En effet, l’examen concret de la méconnaissance du devoir de coopération loyale auquel a procédé la Cour aux points 40 à 45 de l’arrêt Hurd, précité, a été mené non pas à l’égard d’une mesure adoptée pour mettre en œuvre la convention de 1957, telle que le serait, par exemple, la décision du conseil supérieur de 1957, mais à l’égard d’une mesure fiscale unilatérale et autonome visant à imposer les suppléments européens des enseignants britanniques d’une école européenne. Or, cet examen, ainsi
que l’introduit la Cour au point 40 de l’arrêt Hurd, précité, a été conduit immédiatement à la suite du critère annoncé au point 39 dudit arrêt et «dans cette perspective».

139. Dès lors, si la mesure fiscale en cause, objet de l’examen de compatibilité avec l’article 5 du traité CEE, ne correspondait aucunement à une mesure adoptée pour mettre en œuvre la convention de 1957, il s’agissait d’une mesure qui n’avait de rapport avec le statut des écoles européennes que parce qu’elle interférait avec l’application de la décision du conseil supérieur de 1957, c’est-à-dire, en d’autres termes, entrait dans le spectre ou dans le cadre (au sens de champ d’application) d’une
décision mettant en œuvre la convention de 1957.

140. C’est également pourquoi à mon sens – et c’est ma seconde remarque – la Cour insiste, tant dans l’arrêt Hurd que dans l’arrêt du 5 avril 1990 Commission/Belgique, précités, sur le caractère unilatéral des mesures en cause faisant l’objet du contrôle de compatibilité avec l’article 5 du traité CEE. Il convenait en effet d’éviter que l’on puisse interpréter ces arrêts comme visant à contrôler la mise en œuvre des engagements souscrits par les États membres dans le cadre de la convention de 1957.

141. Si tels sont les enseignements qu’il convient de tirer des arrêts précités, Hurd et, du 5 avril 1990 Commission/Belgique j’estime qu’est non fondé, en l’espèce, le manquement allégué à l’article 10 CE se rapportant à la période antérieure à l’entrée en vigueur de la convention de 1994.

142. En effet, la mesure en cause, c’est-à-dire le refus des autorités belges de financer le mobilier et le matériel didactique des écoles européennes établies sur le territoire du Royaume de Belgique, résulte de l’interprétation de la portée d’obligations contenues dans un accord (l’accord de siège) adopté sur la base de la convention de 1957. Or, en application des points 37 et 38 de l’arrêt Hurd, précité, un tel accord se situant en dehors du champ d’application des dispositions du traité ainsi
que du devoir de coopération loyale tel qu’il s’exprime à l’article 10 CE, il en va de même, selon moi, du refus de mettre en œuvre les obligations qui découlent prétendument de cet accord. En juger autrement reviendrait, à mon avis, à outrepasser les compétences attribuées à la Cour, puisque cela l’entraînerait, afin d’établir le manquement allégué à l’article 10 CE, à définir la portée des obligations qui découlent de l’accord de siège (45).

143. C’est sur la base d’un raisonnement assez proche de celui qui vient d’être développé que je considère également que, s’agissant de la période postérieure à l’entrée en vigueur de la convention de 1994, le prétendu manquement à l’article 10 CE doit être rejeté.

144. Certes, il est vrai que, à compter du 1^er octobre 2002 et en raison de l’adhésion de la Communauté, la convention de 1994 fait partie intégrante du droit communautaire et est opposable aux États membres.

145. Il n’en demeure pas moins que les obligations litigieuses en l’espèce sont définies non pas dans la convention de 1994, mais dans l’accord de siège auquel la Communauté n’a pas adhéré. En effet, l’accord de siège demeure un accord conclu entre le conseil supérieur et le Royaume de Belgique. Contrairement à ce que défend la Commission, on ne saurait prétendre ni que la Communauté, du fait qu’elle est désormais partie contractante de la convention de 1994, aurait également accédé aux droits et
aux obligations stipulés dans l’accord de siège de sorte que ce dernier relève de la qualification de règle de droit communautaire ni que le conseil supérieur serait une émanation organique de la Communauté.

146. Si j’admets, comme indiqué précédemment aux points 53 à 56 des présentes conclusions, que l’accord de siège puisse, depuis l’entrée en vigueur de la convention de 1994, relever des normes susceptibles d’être interprétées par la Cour, c’est uniquement au motif que, en vertu des dispositions de ladite convention, en particulier de son article 26, cet accord relève de «l’application» de cette convention, au sens de la clause compromissoire prévue par cet article. Toutefois, hormis les situations
visées par cette clause, la Cour n’a aucune compétence pour statuer sur ledit accord (46). Or, dans la présente affaire, comme j’ai déjà eu l’occasion de le mettre en exergue au point 57 des présentes conclusions, la Cour a été saisie par la Commission non pas en vertu de l’article 26 de la convention de 1994, mais en application de l’article 226 CE.

147. Partant, dans le cadre de l’accord de siège, le devoir de coopération loyale exprimé à l’article 10 CE ne s’applique pas, y compris pour la période courant après l’entrée en vigueur de la convention de 1994.

148. Je propose donc que la Cour rejette la seconde branche du manquement allégué tirée de la violation de l’article 10 CE.

149. Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je suggère que la Cour rejette le recours en manquement dans son intégralité.

V – Sur les dépens

150. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume de Belgique ayant conclu à la condamnation de la Commission aux dépens et dans la mesure où, comme je le propose, la Commission devrait succomber en ces conclusions, il y aurait donc lieu de faire droit à la demande du Royaume de Belgique.

VI – Conclusion

151. Par ces motifs, je propose qu’il plaise à la Cour:

– rejeter le recours, et

– condamner la Commission européenne aux dépens.

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1 – Langue originale: le français.

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2 – Recueil des traités des Nations unies, vol. 443, p. 129.

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3 – Recueil des traités des Nations unies, vol. 752, p. 267.

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4 – JO L 212, p. 3.

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5 – JO L 212, p. 1.

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6 – Loi portant approbation de l’accord entre le gouvernement du Royaume de Belgique et le conseil supérieur de l’école européenne (Moniteur Belge du 7 février 1976, p. 1415).

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7 – Arrêt du 5 avril 1990 (C‑6/89, Rec. p. I‑1595).

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8 – Au point 35 de sa requête, la Commission emploie la locution «par ailleurs» pour introduire la branche du manquement allégué relative à la méconnaissance de l’article 10 CE.

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9 – Selon l’avis motivé adressé au Royaume de Belgique, la première note de débit non réglée est datée du 13 décembre 1995.

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10 – Voir points 20 et 21 de la requête.

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11 – Dans ce point de sa réplique, la Commission estime que, «en tout état de cause, l’accord de siège fait incontestablement partie du droit communautaire, même appréhendé indépendamment de l’article 10 CE. En effet, l’accord de siège doit être considéré comme un acte ‘dérivé’ de la convention de 1994, qui fait elle-même partie du droit communautaire».

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12 – Arrêt du 15 janvier 1986 (44/84, Rec. p. 29).

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13 – Points 20 à 22.

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14 – À toutes fins utiles, je relève d’ailleurs que le recours dans l’affaire Commission/Royaume-Uni (C‑545/09, pendante devant la Cour), par lequel la Commission reproche au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord d’avoir méconnu l’article 12 de la convention de 1994, a été introduit sur la base de l’article 26 de ladite convention.

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15 – Arrêt du 14 juillet 2005 (C‑259/03, C‑260/03 et C‑343/03).

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16 – Voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2006, Commission/Royaume-Uni (C‑484/04, Rec. p. I‑7471, point 25 et jurisprudence citée).

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17 – Voir, en ce sens, arrêt Commission/Royaume-Uni, précité (point 24 et jurisprudence citée).

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18 – Voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2002, Commission/Italie (C‑439/99, Rec. p. I‑305, point 11).

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19 – Voir lettre de mise en demeure, p. 7.

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20 – Voir points 20 et 21 de la requête.

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21 – Voir, à cet égard, arrêt du 18 mars 1986, Commission/Belgique (85/85, Rec. p. 1149, point 15), selon lequel «au stade de la recevabilité, il suffit que la Commission invoque formellement à l’appui de son recours une violation des dispositions du droit communautaire. La question de savoir s’il y a effectivement violation du droit communautaire relève de l’examen du fond du litige».

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22 – Arrêt du 3 juin 2008, Intertanko e.a. (C‑308/06, Rec. p. I‑4057, point 52).

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23 – Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331.

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24 – Voir notamment, en ce sens, arrêts du 10 février 1983, Luxembourg/Parlement (230/81, Rec. p. 255, point 37); Hurd, précité (point 38); du 2 juin 2005, Commission/Luxembourg (C‑266/03, Rec. p. I‑4805, points 57 et 58); du 14 juillet 2005, Commission/Allemagne (C‑433/03, Rec. p. I‑6985, points 63 et 64), ainsi que du 20 avril 2010, Commission/Suède (C‑246/07, non encore publié au Recueil, points 69 à 71).

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25 – Voir arrêts du 15 septembre 1981, Bruce of Donington (208/80, Rec. p. 2205, point 14); Luxembourg/Parlement, précité (point 37); Hurd, précité (point 39), et du 22 mars 1990, Tither (C‑333/88, Rec. p. I‑1133, point 16).

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26 – Ainsi, dans les arrêts précités Commission/Luxembourg (point 58); Commission/Allemagne (point 64), et Commission/Suède (point 71), la Cour a jugé que le devoir de coopération loyale exprimé à l’article 10 CE ne dépend ni du caractère exclusif ou non de la compétence communautaire concernée ni du droit éventuel, pour les États membres, de contracter des obligations envers des États tiers. Dans l’arrêt Commission/Suède, précité, la Cour a rejeté la thèse de l’État membre défendeur selon laquelle
le devoir de coopération loyale aurait une portée limitée dans les domaines dans lesquels la compétence est partagée entre la Communauté et les États membres.

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27 – Voir, en ce sens, Blanquet, M., L’article 5 du traité CEE, LGDJ, Paris, 1994, p. 312.

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28 – À noter que l’arrêt Commission/Belgique, précité, n’a pas fait l’objet d’une publication intégrale au Recueil.

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29 – Ces suppléments correspondaient à la différence entre le traitement national et un traitement uniforme, fixé par le statut du personnel enseignant selon le modèle du statut des fonctionnaires des Communautés européennes.

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30 – JO 1972, L 73, p. 14.

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31 – Arrêt Hurd, précité (point 20).

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32 – Point 22.

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33 – Point 37.

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34 – Point 38.

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35 – Point 39 (italiques ajoutés par mes soins).

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36 – Point 41.

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37 – Point 42.

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38 – Point 44.

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39 – Point 45.

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40 – L’objet du manquement reproché a cependant été restreint en cours d’instance, excluant l’école européenne installée à Munich (Allemagne), puisque, pour cette dernière, la Commission avait précisé que la Communauté ne participait pas à son financement.

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41 – Arrêt Commission/Belgique, précité (point 13).

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42 – Point 14.

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43 – Point 16. La Cour se réfère à cet égard à l’arrêt du 21 février 1990, Commission/Belgique (C‑74/89, Rec. p. I‑491).

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44 – Italiques ajoutés par mes soins.

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45 – Voir, en ce sens, arrêt Hurd, précité (point 22).

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46 – Ainsi, à supposer que la Cour soit saisie d’une demande préjudicielle relative à l’interprétation de la convention de 1994 et de l’accord de siège et portant sur des faits postérieurs au 1^er octobre 2002, la Cour devrait, à mon sens, se reconnaître compétente pour interpréter la convention de 1994, au titre de l’appartenance de cette dernière au droit communautaire, mais décliner sa compétence pour examiner les dispositions de l’accord de siège.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-132/09
Date de la décision : 15/06/2010
Type de recours : Recours en constatation de manquement - irrecevable

Analyses

Manquement d’État - Compétence de la Cour - Statut des écoles européennes - Accord de siège de 1962 - Conventions de 1957 et de 1994 - Clause compromissoire - Article 10 CE - Financement des écoles européennes - Dépenses de mobilier et de matériel didactique.

Dispositions financières

Dispositions institutionnelles


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : Royaume de Belgique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2010:342

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