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02/06/2010 | CJUE | N°C-89/09

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mengozzi présentées le 2 juin 2010., Commission européenne contre République française., 02/06/2010, C-89/09


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 2 juin 2010 (1)

Affaire C‑89/09

Commission européenne

contre

République française

«Manquement d’État – Violation de l’article 43 CE – Régime des laboratoires d’analyses de biologie médicale – Restrictions relatives à la détention du capital»

I – Introduction

1. La présente procédure a pour objet un recours formé, en application de l’article 226 CE, par la Commission des Communautés européennes

contre la République française.

2. La Commission demande à la Cour de constater que, en limitant par la loi à un quart au plus le...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 2 juin 2010 (1)

Affaire C‑89/09

Commission européenne

contre

République française

«Manquement d’État – Violation de l’article 43 CE – Régime des laboratoires d’analyses de biologie médicale – Restrictions relatives à la détention du capital»

I – Introduction

1. La présente procédure a pour objet un recours formé, en application de l’article 226 CE, par la Commission des Communautés européennes contre la République française.

2. La Commission demande à la Cour de constater que, en limitant par la loi à un quart au plus les parts sociales et, donc, les droits de vote qui peuvent être détenus par des personnes n’ayant pas la qualification de biologiste, dans le cadre d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (ci-après la «SELARL»), constituée en vue d’exploiter en commun un ou plusieurs laboratoires d’analyses de biologie médicale, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en
vertu de l’article 43 CE.

3. Toujours par référence à cette disposition du traité CE, la Commission reproche également à la République française l’illégalité de l’interdiction, imposée par la loi nationale aux personnes physiques ou morales disposant de la qualification professionnelle nécessaire, de participer au capital de plus de deux sociétés du type précité.

II – La réglementation nationale litigieuse

4. La loi n° 90-1258, du 31 décembre 1990 (2), qui constitue le cadre normatif général relatif à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, prévoit, en son article 5, que plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue par des professionnels qui exercent leur activité au sein de la société.

5. La portion restante, sauf dans certaines hypothèses spécifiques – prévues au deuxième alinéa de cette disposition et qui ne concernent pas le cas présent – doit être détenue par des personnes physiques ou morales exerçant la ou les professions constituant l’objet de la société.

6. Enfin, toujours selon le même texte, le nombre de sociétés constituées pour l’exercice d’une même profession, dans lesquelles une même personne physique ou morale, figurant parmi celles mentionnées, est autorisée à détenir des participations, peut être limité par décret en Conseil d’État.

7. Pour ce qui concerne plus spécifiquement les sociétés constituées dans le but d’exercer en commun la profession libérale de directeur et de directeur adjoint de laboratoires d’analyses de biologie médicale, le décret n° 92-545, du 17 juin 1992 (3), en son article 11, premier alinéa, prévoit que le capital d’une société de ce type peut être détenu par une ou plusieurs personnes ne justifiant pas de la qualification professionnelle spécifique, dans la limite d’un quart au plus.

8. Le deuxième alinéa de cette disposition précise ensuite que, lorsque la société d’exercice libéral est constituée sous la forme d’une société en commandite par actions, la quotité du capital qui peut être détenue par une ou plusieurs personnes ne justifiant pas de la qualification professionnelle peut être supérieure à la limite précitée de 25 %, sans pouvoir en tout état de cause atteindre le seuil de 50 %.

9. Enfin, selon l’article 10 du même décret, la même personne physique ou morale, figurant parmi celles mentionnées aux points 1 et 5 du deuxième alinéa de l’article 5 de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990, ne peut détenir de participations dans plus de deux sociétés du type précité.

10. Ainsi qu’il a été précisé lors de l’audience du 25 mars 2010, il s’agit d’une interdiction qui concerne, en substance, les biologistes et non les personnes ne justifiant pas de cette qualification professionnelle, lesquelles, au contraire, hormis la limite générale de 25 % du capital dans chaque société, ne subissent pas les effets de cette disposition.

11. En vertu de l’ordonnance n° 2010-49, du 13 janvier 2010, adoptée par la République française et communiquée à la Commission, ainsi que nous le préciserons ultérieurement, la législation nationale a subi quelques modifications, en particulier en ce qui concerne les dispositions contenues dans le code de la santé publique, auxquelles les parties ont fait allusion à plusieurs reprises dans leurs mémoires au cours de la procédure écrite.

12. Il s’agit toutefois de modifications dont nous ne tiendrons pas compte, en application du principe constamment rappelé par la Cour, et qui n’est pas contesté par les parties, selon lequel l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé, et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte (4).

III – La procédure précontentieuse

13. Suite à une plainte, la Commission a adressé à la République française, le 4 avril 2006, une première lettre de mise en demeure lui signalant l’existence d’un problème de compatibilité entre la législation susmentionnée, en matière de sociétés constituées dans le but d’exercer en commun la profession libérale de directeur et de directeur adjoint de laboratoires d’analyses de biologie médicale, et la liberté d’établissement prévue à l’article 43 CE.

14. Nonobstant l’invitation de la Commission à lui présenter ses observations, dans un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre de mise en demeure, la République française n’a pas répondu à cette lettre.

15. La Commission, considérant qu’étaient établies les violations qui faisaient l’objet de la plainte dont elle avait été saisie, a ensuite notifié à la République française un avis motivé du 15 décembre 2006, invitant cet État membre à se conformer audit avis dans un délai de deux mois.

16. Par lettre du 14 février 2007, la République française a pris position, contestant l’existence desdites violations, au sujet des deux problèmes soulevés par la Commission. Elle soutenait en particulier que les restrictions introduites par la législation française devaient être considérées comme justifiées par les principes d’adéquation et de proportionnalité par rapport à l’objectif poursuivi par l’administration française, consistant en la protection de la santé publique.

17. Toutefois, par lettre du 11 avril 2008, le ministre de la Santé a indiqué que le gouvernement avait l’intention de réformer complètement, d’ici le début de l’année 2009, le secteur de la biologie médicale et que, par conséquent, compte tenu du projet de loi en cours d’élaboration, la position de la République française avait changé. Il indiquait qu’il prévoyait de supprimer toutes les restrictions à la détention du capital, en relation avec les sociétés constituées dans le but d’exercer en
commun l’activité d’analyses de biologie médicale, à l’exception de certaines incompatibilités strictement définies, ce qui devrait permettre de répondre de manière appropriée aux griefs formulés par la Commission.

18. N’ayant reçu par la suite aucune information, la Commission a, par lettre du 20 novembre 2008, demandé à la République française quel était l’état d’avancement des travaux en la matière. Les autorités françaises ont répondu, par lettre du 27 décembre 2008, que l’adoption du projet de loi en question n’était pas prévue avant le mois de mai 2009.

19. En conséquence, le 2 mars 2009, la Commission a formé le présent recours en application de l’article 226 CE.

IV – La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

20. La présente procédure se caractérise par le fait que, au cours de la procédure écrite, la position en défense de la République française a changé, en particulier par rapport à celle qu’elle avait adoptée dans la phase précontentieuse. Ce changement s’est produit essentiellement après la présentation de conclusions puis la publication de certains arrêts (dont nous rendrons compte plus en détail dans la suite de l’exposé) dans certaines procédures pendantes devant la Cour, et qui ont répondu
à des questions analogues à celles qui se posent en l’espèce.

21. Par un mémoire en défense du 22 mai 2009, dans lequel elle a pour la première fois fait référence aux conclusions présentées le 16 décembre 2008 par l’avocat général Bot dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Italie, précité (5), la République française a conclu au rejet du recours en ce qui concerne le premier aspect. Elle n’a pas contesté, en revanche, l’illégalité de l’interdiction imposée par la législation nationale à la participation, par une personne dotée des
qualifications professionnelles nécessaires, au capital de plus de deux sociétés.

22. Par son mémoire en réplique du 15 juillet 2009, dans lequel elle a rappelé les arrêts que la Cour a rendus dans certaines procédures relatives aux restrictions à la propriété du capital des pharmacies, la Commission a souligné le changement de position de la République française, par rapport à la procédure précontentieuse, et a maintenu inchangées les conclusions déjà exposées dans sa requête.

23. Dans son mémoire en duplique du 5 octobre 2009, la République française a précisé, au paragraphe 70 de celui-ci, que, bien que l’expression qu’elle avait utilisée initialement pût laisser entendre le contraire, elle n’avait pas entendu admettre qu’une telle interdiction ne puisse, en aucune circonstance, être justifiée.

24. Elle indiquait en particulier que, compte tenu de la marge d’appréciation dont disposent les États membres en ce qui concerne le niveau de protection qu’ils entendent assurer en matière de santé publique et la manière dont ce dernier doit être atteint, le choix fait par un État membre de garantir une pluralité de l’offre en matière médicale aurait dû être reconnu en principe comme légitime, permettant ainsi d’éviter une concentration financière du capital des laboratoires au profit d’un
seul biologiste ou d’une seule société exploitant plusieurs laboratoires.

25. Selon la République française, la mesure restrictive en vigueur en France, répondant à une telle finalité, ne serait discutable qu’à deux égards. D’une part, en ce qu’elle n’interdit pas la participation dite «en cascade» et, d’autre part, en ce qu’elle n’est pas complètement proportionnée à son objectif, dans la mesure où elle s’applique sans discrimination aux prises de participations dans des sociétés situées sur l’ensemble du territoire national, sans examiner si ces dernières sont ou
non situées dans des zones plus ou moins éloignées entre elles.

26. Une fois ces deux problèmes résolus, dans le cadre du projet programmé de réforme du secteur, cette disposition aurait dû être considérée comme compatible avec l’article 43 CE, dans la mesure où elle deviendrait adéquate et proportionnée à l’exigence de la protection de la santé publique (6), exigence satisfaite par la garantie d’une pluralité de l’offre en matière médicale sur l’ensemble du territoire national.

27. Cette dernière constituerait, en effet, une protection contre le risque de concentration financière du capital des laboratoires, qui pourrait avoir pour conséquence que le désengagement éventuel d’un biologiste – ou d’une société assimilée à ce dernier – pourrait laisser les patients privés de la possibilité de bénéficier, sur certaines parties du territoire national, de services d’analyses médicales.

28. En tout état de cause, la République française a maintenu les conclusions de son mémoire en défense, concluant au rejet du recours formé par la Commission, mais seulement en ce qui concerne les restrictions subjectives concernant la propriété du capital social d’une même société.

29. Par lettre du 5 février 2010, en application de l’article 54 bis du règlement de procédure de la Cour, il a été demandé à la République française de prendre position sur l’affirmation, formulée pour la première fois par la Commission au paragraphe 36 de son mémoire en réplique, selon laquelle les autorités françaises, à travers un mécanisme de dissociation entre les droits financiers et les droits de vote sur les décisions portant sur le fonctionnement et l’organisation des laboratoires,
permettraient à certaines structures d’avoir accès aux capitaux «extérieurs», détenus par des non-biologistes, au-delà du seuil de 25 %.

30. Par lettre du 18 mars 2010, la République française a adressé à la Cour la note qu’elle avait envoyée à la Commission le 9 mars 2010, par laquelle elle lui avait communiqué l’ordonnance n° 2010-49, relative à la biologie médicale, et au projet duquel elle avait fait référence pendant la phase précontentieuse, comme indiqué au point 17 des présentes conclusions, ainsi que dans son mémoire en duplique (voir point 26 supra).

31. À l’issue des débats qui ont eu lieu lors de l’audience du 25 mars 2010, les parties ont maintenu les conclusions déjà formulées dans leurs écritures respectives, y compris en ce qui concerne la question écrite posée par la Cour.

V – Analyse

A – Sur les restrictions subjectives concernant les participations dans la même société

1. Le manquement contesté – sur l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement

a) Argumentation des parties

32. Fondant l’infraction alléguée sur l’article 43 CE, devenu aujourd’hui l’article 49 du TFUE après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la Commission soutient que les dispositions législatives adoptées par la République française auraient pour effet de limiter, surtout pour les personnes morales en provenance d’autres États membres, la possibilité de participer à l’exploitation, sous la forme d’une société, d’un ou plusieurs laboratoires d’analyses de biologie médicale.

33. De la même manière, elles restreindraient la possibilité pour les personnes originaires d’autres États membres, et y exploitant un ou plusieurs laboratoires d’analyses de biologie médicale, de créer un centre d’activité sur le territoire français, lorsqu’elles ne répondent pas aux conditions subjectives fixées par la législation locale, en ce qui concerne en particulier les conditions personnelles requises pour la participation au capital social.

34. La Commission invoque en particulier le principe – affirmé depuis longtemps par la Cour – selon lequel l’article 43 CE s’oppose à toutes les mesures nationales qui, même si elles s’appliquent sans discrimination quant à la nationalité, sont cependant de nature à empêcher ou à rendre moins attractif pour les citoyens de l’Union l’exercice de la liberté d’établissement prévue par le traité.

35. La République française relève sur ce point que l’article 152, paragraphe 5, CE prévoit que l’action communautaire dans le domaine de la santé publique respecte pleinement les responsabilités des États membres en matière d’organisation et de fourniture de services de santé et de soins médicaux.

36. La République française admet en outre que, conformément à une jurisprudence constante, dans l’exercice de cette compétence, les États membres doivent cependant respecter le droit communautaire, en particulier les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement (7).

37. Cependant, elle estime que, même si, en l’espèce, la limitation relative à la détention du capital, qui concerne les sociétés du type indiqué, peut constituer une restriction à la liberté d’établissement, cette dernière doit être considérée comme justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, constituée par l’objectif de protection de la santé publique (voir paragraphe 34 du mémoire en défense).

b) Appréciation

38. Selon un principe général, constamment rappelé par la Cour, l’article 43 CE s’oppose à toute mesure nationale qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants communautaires, de la liberté d’établissement garantie par le traité (8).

39. Par conséquent, une limitation subjective, concernant la propriété des parts du capital social d’une société exerçant l’activité de gestion d’un ou de plusieurs laboratoires d’analyses de biologie médicale, fait obstacle ou rend en tout cas plus difficile la participation à cette dernière pour des personnes originaires d’autres États membres. Elle produit le même effet négatif en ce qui concerne l’éventuel établissement sur le territoire français de sociétés qui ont la même activité dans un
autre État membre, et qui ne répondent pas aux conditions subjectives spécifiques prévues par les dispositions qui y sont en vigueur.

40. Le fait qu’un tel effet restrictif se produise indépendamment de la nationalité des personnes concernées ne supprime en rien l’entrave à la liberté fondamentale d’établissement, prévue à l’article 43 CE.

41. Sur la base de ces principes, il est donc nécessaire d’examiner si les restrictions jugées illégales par la Commission sont justifiées ou non.

2. Sur les justifications éventuelles à la restriction invoquée. L’appréciation de l’adéquation et de la proportionnalité des mesures restrictives adoptées

a) Argumentation des parties

42. Selon la ligne de défense de la République française, les limitations subjectives concernant la propriété des parts du capital social d’une société exerçant l’activité de laboratoire d’analyses de biologie médicale, telles qu’elles ont été introduites par la disposition légale en question, auraient pour but de garantir la qualité des soins dispensés aux patients et de préserver l’indépendance décisionnelle des directeurs des laboratoires d’analyses.

43. En effet, en évitant que les choix de ces derniers ne soient guidés par des considérations ayant un caractère économique et non sanitaire, l’intérêt impératif général de santé publique serait protégé.

44. La Commission soutient, au contraire, que les mesures adoptées par la République française ne seraient pas adéquates et proportionnées à l’objectif affiché.

45. Cette conclusion serait confirmée, étant donné le parallélisme indéniable des situations, par un arrêt antérieur que la Cour a rendu au sujet de restrictions analogues à la détention du capital social prévues par la législation grecque, en ce qui concerne l’exploitation sous forme de société d’un magasin d’optique (voir points 35 et 36 de la requête).

46. La Commission a en effet souligné que la Cour (9) a, en l’espèce, considéré que la République hellénique avait manqué aux obligations qui lui incombaient, en vertu des articles 43 CE et 48 CE, en ne permettant pas à un opticien d’exploiter plus d’un magasin d’optique et en limitant à 50 % au plus la part du capital social pouvant être détenue par d’autres personnes physiques ou morales que l’opticien exploitant.

47. La Commission fait référence aux conclusions présentées par l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans cette affaire le 7 décembre 2004, en particulier à la distinction qu’il a opérée – s’agissant des activités à caractère commercial – entre les rapports relevant de la sphère interne et ceux relevant au contraire de la sphère externe.

48. Ainsi, la première «[…] comprend la propriété – englobant, par exemple, le local ou l’officine dans lesquels s’exerce l’activité, le portefeuille clients, les marchandises ou le nom commercial – les rapports de travail avec les employés et […] la jouissance du droit d’exploiter – qui ne coïncide pas avec la propriété, mais qui lui est rattachée à travers un certain nombre de formes juridiques – ainsi que l’administration et la gestion. La deuxième englobe les relations avec les tiers, en
particulier les fournisseurs et […] les acheteurs, autrement dit les clients ou, si l’on préfère, les patients» (10).

49. En l’espèce, selon l’approche de l’avocat général, l’État membre en question avait introduit certaines restrictions relatives à la sphère interne, dans la mesure où elles concernaient les conditions subjectives requises pour la gestion d’un magasin d’optique, mais en les justifiant cependant par des considérations relatives au domaine, externe au contraire, des rapports entre l’opticien qui exécute la prestation et sa clientèle, y compris sa responsabilité éventuelle en cas d’erreur.

50. La Commission souligne enfin que la Cour a considéré, en l’espèce, que l’objectif de protection de la santé publique invoqué par la République hellénique pouvait être «atteint au moyen de mesures moins restrictives de la liberté d’établissement tant des personnes physiques que des personnes morales, par exemple au moyen de l’exigence de la présence d’opticiens diplômés salariés ou associés dans chaque magasin d’optique, de règles applicables en matière de responsabilité civile du fait
d’autrui, ainsi que de règles imposant une assurance de responsabilité professionnelle» (11).

51. En somme, la seule obligation de présence d’un biologiste pour l’accomplissement des activités dites «externes» de laboratoire, en particulier des actes qui impliquent une relation avec le patient, serait suffisante pour atteindre l’objectif indiqué. Cette obligation ne serait en revanche pas justifiée dans le cadre des activités dites «internes», qui concernent la propriété du laboratoire.

52. La République française, pour sa part, soutient que, compte tenu des caractéristiques générales spécifiques de la biologie médicale, ainsi que de la particularité – en ce qui concerne également la formation universitaire – de l’organisation de cette activité en France, comparée à celle qui prévaut dans une grande partie des États membres, il conviendrait plutôt d’appliquer en l’espèce les principes énoncés par la Cour concernant le secteur pharmaceutique.

53. À cet égard, la République française fait référence dans son mémoire en défense aux conclusions présentées par l’avocat général Bot le 16 décembre 2008 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Italie, précité, dans lesquelles ce dernier a affirmé, au point 106, en ce qui concerne précisément le domaine mentionné précédemment, que la distinction entre les aspects internes et les aspects externes de l’activité présentait un caractère artificiel.

54. Il serait difficile de s’assurer que l’exploitant non-pharmacien n’interfère pas dans la relation qu’entretient le pharmacien avec ses clients, et cette situation serait comparable à celle des laboratoires d’analyses qui, tout comme l’activité du système pharmaceutique, sont au cœur du système de soins.

55. Pour démontrer cette affirmation, selon laquelle les situations seraient identiques, la République française relève que la biologie médicale occupe une place de premier plan dans le système de soins, qu’elle est d’ailleurs en constante évolution et comprend des champs d’application très vastes comme la microbiologie, l’hématologie, la biochimie, l’immunohématologie, et qu’elle fait appel à des techniques très complexes comme la biologie moléculaire.

56. Elle ajoute en outre que, en général, l’activité d’un laboratoire d’analyses comprend, premièrement, une phase dite «préanalytique», au cours de laquelle le personnel médical rencontre le patient et procède aux prélèvements, ces derniers pouvant, au besoin, avoir un caractère «invasif», deuxièmement, une phase analytique au sens propre, à caractère purement technique, réalisée manuellement ou de manière automatisée et, troisièmement, une phase postanalytique, consistant en la validation des
résultats des examens, en prenant en compte le dossier médical du patient (12).

57. Or, la particularité française, par rapport à l’organisation de ce secteur dans les autres États de l’Union européenne, consisterait dans le fait que ces trois phases différentes sont unies et indissociables, cette indissociabilité résultant d’un choix bien précis des autorités françaises, qui ont entendu conférer un rôle médical majeur au biologiste.

58. Ce dernier, dans le système français, n’est donc pas seulement impliqué dans l’acte purement technique d’analyse, mais il est aussi présent lors de la phase préanalytique où il rencontre directement le patient et, surtout, valide les résultats de l’analyse, en informe le patient et peut participer avec le médecin au choix thérapeutique.

59. Le choix opéré par la République française en termes d’acquisition de compétences par le biologiste serait donc parfaitement cohérent avec cette approche, ce dernier recevant une formation initiale de pharmacien ou de médecin, pour se spécialiser ensuite en biologie médicale, le résultat étant que, pour compléter son parcours académique, dix années sont nécessaires.

60. Sur la base de ces considérations, selon la République française, la réponse donnée par la Cour en ce qui concerne l’activité des opticiens ne serait pas transposable aux laboratoires d’analyses médicales.

61. La mesure restrictive introduite en ce qui concerne la participation au capital social serait donc justifiée – de manière analogue au cas des pharmacies – par la nécessité d’assurer la pleine indépendance de l’activité professionnelle du directeur du laboratoire, que ce dernier doit accomplir dans le seul respect des règles déontologiques, et sans aucune pression, en particulier de caractère financier, et ce, comme cela a déjà été souligné, dans le but de garantir la meilleure protection
possible de la santé publique.

62. La thèse défendue au point 121 des conclusions susmentionnées, présentées par l’avocat général Bot dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Italie, précité, selon laquelle l’activité de dispensation des médicaments se distingue, en raison de l’ampleur de son impact sur la santé publique, de la vente de produits d’optique, vaudrait de la même manière si cette dernière est comparée à l’activité d’analyses de biologie médicale.

63. Enfin, la proportionnalité de la mesure adoptée ressortirait aussi du fait que le capital des laboratoires n’est pas intégralement réservé aux biologistes, dans la mesure où des investisseurs dépourvus de cette qualification peuvent dans tous les cas acquérir une participation, dans la limite, certes, de 25 %.

64. Cette limitation répondrait à l’exigence légitime d’éviter que des associés qui ne sont pas des professionnels, mais de simples investisseurs agissant à des fins lucratives, ne prennent un poids déterminant dans l’adoption des décisions de la société, ce qui aurait pour conséquence de faire perdre leur indépendance aux professionnels (13).

65. En substance, si, d’une part, la législation française garantit une possibilité d’accès au capital social, y compris pour les non-biologistes, de l’autre, en limitant la participation de ces derniers au capital, elle assurerait la conservation du pouvoir de décision aux associés professionnels du secteur, leur permettant ainsi de conserver leur propre indépendance décisionnelle.

66. La Commission, pour contester les arguments avancés par la République française dans son mémoire en défense, souligne, dans son mémoire en réplique, que la solution adoptée par la Cour s’agissant des pharmacies, différente de celle contenue dans le précédent qu’elle invoquait à l’origine, s’expliquerait par le caractère très particulier des médicaments, qui imposerait de distinguer ces derniers de toute autre marchandise. Selon elle, la particularité du secteur en question ne permettrait
pas de transposer la solution au cas de l’espèce.

67. En particulier, les activités de biologie médicale ne seraient effectuées que sur la base d’une prescription médicale, offrant ainsi une meilleure garantie tant en termes de protection de la santé publique que de maîtrise des coûts pour le système de santé.

68. En outre, la Commission soutient, pour la première fois dans son mémoire en réplique, que le secteur de la biologie médicale se caractériserait aussi par des besoins de financements importants, et que, de ce fait, la mesure restrictive inhérente à l’accès des capitaux «externes» serait donc inadaptée à cette fin.

69. La République française, dans son mémoire en duplique, en contestant les arguments contenus dans le mémoire en réplique de la Commission, réaffirme que le précédent invoqué par cette dernière ne serait nullement pertinent étant donné que, compte tenu de l’extrême proximité des situations et de l’identité des risques pour la santé publique, il conviendrait plutôt d’appliquer les principes élaborés en ce qui concerne les pharmacies dans les conclusions et les arrêts intervenus durant la phase
écrite et qu’elle a invoqués au cours de cette dernière.

70. La République française conteste en outre l’affirmation selon laquelle l’ouverture totale de l’accès au capital des sociétés exploitant les laboratoires d’analyses médicales entraînerait une amélioration effective de la qualité des examens et serait une source d’économies pour le système social.

b) Appréciation

71. Selon une jurisprudence constante de la Cour, les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent répondre à quatre conditions. Premièrement, s’appliquer de manière non discriminatoire, deuxièmement, être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, troisièmement, être propres à garantir la réalisation de cet objectif et, quatrièmement, ne pas aller au‑delà de ce qui est nécessaire pour
l’atteindre (14).

72. Dans ces conditions, il n’est pas contesté par les parties que la protection de la santé publique figure parmi les raisons impérieuses d’intérêt général qui, en vertu de l’article 46, paragraphe 1, CE, peuvent justifier d’éventuelles restrictions à la liberté d’établissement (15).

73. Par ailleurs, en analysant les motifs propres à justifier une restriction à la libre prestation des services (mais il s’agit évidemment d’un principe valable également pour la liberté d’établissement) précisément dans le secteur des laboratoires d’analyses de biologie médicale, la Cour a eu l’occasion d’affirmer que l’objectif de maintenir des services médicaux de qualité peut relever de l’une des dérogations prévues à l’article 46 CE, dans la mesure où il contribue à la réalisation d’un
niveau élevé de protection de la santé (16).

74. Le caractère non discriminatoire de la mesure restrictive en cause n’est pas contesté. La question de savoir si cette dernière est adéquate et proportionnée par rapport à l’objectif poursuivi apparaît, en revanche, plus délicate.

i) Sur le secteur concerné par la mesure restrictive et la détermination de la jurisprudence de référence pertinente

75. La première question à laquelle il convient de répondre est celle de savoir si le problème, dans les termes dans lesquels il est posé, peut effectivement recevoir une réponse précise sur la base des principes énoncés par la Cour dans l’arrêt mentionné concernant la République hellénique, laquelle avait adopté des restrictions analogues dans la loi sur l’exercice de la profession d’opticien et la vente d’articles d’optique, ou si cet arrêt constitue au contraire un précédent qui n’est pas
pleinement pertinent.

76. Il est vrai que la situation examinée par la Cour dans le cas concernant la profession d’opticien présente une ressemblance importante avec celle dont elle est actuellement saisie – comme le soutient la Commission – et que cela doit nous porter à examiner avec une attention particulière les arguments invoqués et les solutions adoptées dans cette affaire. Malgré cela, il existe, selon nous, quelques différences fondamentales.

77. La situation qui fait l’objet du présent litige se caractérise avant tout par la particularité du secteur concerné, à savoir celui de l’analyse de biologie médicale en laboratoires, ainsi que par sa réglementation, telle qu’elle a été adoptée dans l’État membre concerné, qui présente des traits spécifiques, du point de vue de l’organisation globale du travail et de la formation des professionnels concernés, et qui ont tous pour objectif de parvenir à une niveau qualitatif particulièrement
élevé des prestations.

78. Et de fait, si l’on considère les éléments sur la base desquels la République française fonde sa défense et donc, si l’on tient compte de l’objet réel du litige, apparaissent quelques différences substantielles par rapport au précédent jurisprudentiel invoqué par la Commission, et ce tant pour ce qui est du secteur pris en considération que des raisons justifiant la mesure restrictive introduite.

79. Nous estimons en substance, comme le soutient l’État membre défendeur pour la première fois dans son mémoire en défense du 22 mai 2009, qu’il est plus approprié en l’espèce de se référer aux procédures dans le cadre desquelles la Cour a été appelée à se prononcer sur le droit, pour les seules personnes qui possèdent la qualification professionnelle en question, de détenir et de gérer une pharmacie (17).

80. En effet, tout d’abord, un tel précédent jurisprudentiel revêt une pertinence accrue dans la mesure où il existe une plus grande ressemblance entre le secteur pharmaceutique et celui de l’analyse de biologie médicale – réglementé, du reste, de manière très particulière en France – qu’entre ce dernier et le secteur de l’optique.

81. Ensuite, ce qui est peut-être encore plus important, la Cour ne semble pas s’être penchée, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt invoqué par la Commission, sur la question de l’indépendance décisionnelle comprise comme condition spécifique d’une meilleure qualité des prestations fournies visant à mieux protéger la santé publique.

82. Les caractéristiques de la profession de biologiste en France, telles que décrites précédemment, ainsi que la manière dont est géré concrètement un laboratoire d’analyses de biologie médicale rendent ce secteur assimilable à celui des officines pharmaceutiques.

83. Les deux activités comportent, lorsqu’elles ne sont pas correctement menées, un risque plutôt élevé pour le bien essentiel qu’est la santé. De même que la délivrance d’un médicament inapproprié par un pharmacien à un client peut causer à ce dernier de graves conséquences physiques, une prestation d’analyse de biologie médicale exécutée de manière inappropriée, ou encore de manière tardive ou erronée, peut entraîner des préjudices de même nature. Il suffit de penser aux erreurs de diagnostic
et de thérapie que peut commettre le médecin du fait d’un résultat d’analyse erroné.

84. De plus, les modalités selon lesquelles ces activités doivent être exercées présentent des similitudes très précises, en particulier en ce qui concerne la prise en charge des coûts par le système d’assurance sociale. L’exécution d’analyses de biologie médicale de manière inappropriée, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif, peut générer des coûts inutiles pour le système d’assurance sociale et, par conséquent, pour l’État, exactement de la même manière qu’en ce qui concerne
la fourniture des médicaments.

85. Selon la Commission, au contraire, il existerait entre les deux secteurs des différences telles qu’elles excluraient l’applicabilité des mêmes principes jurisprudentiels. Elle rappelle tout d’abord le fait que les analyses ne peuvent être exécutées que moyennant une prescription médicale. Le patient ne pourrait donc pas se rendre directement auprès d’un laboratoire dans le but de faire effectuer une analyse, pas plus que le biologiste ne pourrait décider de son propre chef de réaliser des
analyses si celles-ci n’ont pas été prescrites.

86. À cela, la Commission ajoute que, s’il est vrai que les résultats de l’analyse sont remis aussi bien au médecin qui a effectué la prescription qu’au patient, ce dernier n’aurait en tout cas pas la capacité technique d’en tirer des conclusions quant au traitement à entreprendre, traitement dont la mise en œuvre impose de toute façon l’intervention du médecin.

87. En réalité, la Commission reconnaît elle-même que, normalement, les médicaments eux aussi ne peuvent être délivrés et vendus que sur prescription médicale, afin de pouvoir être pris en charge par le système de sécurité sociale.

88. Lors de l’audience, il est apparu en effet que près de 85 % des médicaments sont vendus en pharmacie sur prescription médicale, tout comme la grande majorité des analyses sont effectivement réalisées selon les mêmes modalités.

89. Dans ces conditions, selon la Commission, s’agissant de l’activité pharmaceutique, la Cour, dans ses arrêts, aurait tenu implicitement compte, pour considérer comme étant justifiée la restriction contenue dans la loi, du fait qu’il est toujours possible que certains médicaments soient vendus sans prescription médicale. Ce qui impose, afin d’éviter le risque évoqué pour la santé, la présence constante d’un pharmacien, lequel est en mesure d’attirer l’attention de l’usager sur d’éventuels
effets nocifs de ce médicament (18).

90. Il s’agit cependant d’affirmations non déterminantes. D’une part, en effet, il ne ressort pas expressément des arrêts mentionnés que la Cour aurait pris en considération, en tant qu’élément de fait déterminant justifiant la solution positive adoptée, le fait que, dans certains cas, les médicaments seraient fournis sans prescription médicale préalable.

91. L’avocat général Bot a, certes, effectivement rappelé cet élément au point 88 de ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Italie, lorsqu’il affirme que le devoir de conseil du pharmacien revêt une grande importance dans le cas de médicaments qui ne nécessitent pas une ordonnance médicale, médicaments dont le nombre aurait augmenté de manière constante du fait des décisions prises par les États dans le but de préserver l’équilibre des comptes publics (19).

92. Il s’agit cependant d’un élément supplémentaire par rapport au fait que, au même point de ses conclusions, il précise expressément que l’activité du pharmacien ne se limite pas seulement à la vente de médicaments.

93. L’acte de dispensation des médicaments, selon l’avocat général, nécessite également, de la part du pharmacien, d’autres prestations parmi lesquelles, outre la réalisation de préparations pharmaceutiques, ou encore la fourniture d’informations et de conseils garantissant le bon usage des médicaments, figure la vérification des ordonnances médicales.

94. D’autre part, la Cour, dans les deux arrêts qu’elle a rendus concernant le secteur pharmaceutique, a précisé que les médicaments «prescrits ou utilisés pour des raisons thérapeutiques» peuvent malgré tout se révéler gravement nuisibles à la santé s’ils sont consommés sans nécessité ou de manière incorrecte (20).

95. En substance, l’élément constitué par la présence éventuelle d’une prescription médicale, mentionné expressément par la Cour, n’a de fait pas été considéré comme étant de nature à exclure le caractère spécifique des médicaments, du point de vue des risques qui découlent, pour la santé, de leur consommation sans nécessité ou de manière incorrecte.

96. Par conséquent, même dans le cas d’analyses médicales faisant l’objet d’une prescription médicale, le biologiste joue un rôle d’une extrême importance, et ce non pas parce qu’il s’agirait de sous-estimer le rôle et le professionnalisme du médecin prescripteur, comme l’a soutenu la Commission au cours de l’audience, en le soumettant presque à une sorte de contrôle a posteriori, mais simplement pour garantir l’interprétation correcte, en termes d’analyses de biologie médicale, et l’exécution
de l’analyse demandée, surtout dans le cas d’analyses présentant un caractère particulièrement complexe.

97. Il est vrai que, ainsi que la République française l’a expressément admis à l’audience, avant les innovations introduites sur ce point par l’ordonnance n° 2010-49 (21), l’analyste ne pouvait que réaliser les examens selon les indications contenues dans la prescription, sans pouvoir s’écarter des demandes du médecin.

98. Toutefois, ainsi que l’a expliqué la République française, toujours lors de l’audience, d’une part, il n’est pas exclu qu’un patient puisse se rendre auprès d’un laboratoire, sans prescription, afin de faire réaliser – éventuellement à ses propres frais – certaines analyses de biologie médicale (22).

99. En outre, il semble, d’autre part, qu’il ne faille pas exclure la possibilité que, dans le cadre d’un dialogue, en pratique plutôt répandu, entre le médecin prescripteur et le biologiste – et que la Commission n’a, pour l’essentiel, pas contesté dans ses observations à l’audience –, ce dernier effectue certains examens ne se substituant pas, mais complétant simplement la prescription initiale.

100. Enfin, et toujours sans vouloir en aucune façon minimiser le rôle du médecin soignant, le risque pour la santé publique, comme le souligne à juste titre la République française, réside non pas tant dans les conclusions que le patient pourrait tirer des résultats erronés d’une analyse de biologie médicale, mais plutôt dans les conséquences que ces résultats, non correctement validés, pourraient entraîner sur les choix thérapeutiques que le médecin, sur la base de ces derniers, pourra
éventuellement effectuer.

101. Il est donc indéniable que, indépendamment de celui du médecin soignant, le biologiste joue un rôle qui est certainement de premier plan, en ce qui concerne le niveau de professionnalisme requis, à chacune des différentes phases qui précèdent, accompagnent puis suivent l’acte d’analyse biomédicale.

102. En conclusion, concernant cet aspect spécifiquement lié aux risques pour la santé découlant de l’exercice d’une activité professionnelle par des personnes dépourvues d’une qualification spécifique, force est de constater l’absolue similitude qui existe entre l’activité du pharmacien et celle de l’analyste biologiste, qui est en revanche complètement différente de celle de l’opticien.

103. En ce qui concerne ce dernier, en effet, s’il est, certes, imaginable que des conséquences négatives puissent découler d’une prestation erronée, y compris en termes physiques pour l’usager, il est évident qu’il s’agit d’un degré de gravité totalement différent, qui rend les situations difficilement assimilables, contrairement à ce que prétend la Commission.

104. Cette dernière a ensuite soutenu, pour la première fois dans son mémoire en réplique, que le secteur des laboratoires d’analyses se caractériserait cependant, par rapport au secteur pharmaceutique, par des besoins en investissements financiers importants. L’évolution rapide des technologies et la nécessité de les appliquer à un nombre de maladies de plus en plus grand exigerait des apports en capital particulièrement élevés.

105. Ce ne serait en revanche pas le cas des pharmacies, qui n’ont au contraire besoin d’aucune installation de type technique, étant donné que les médicaments, dans leur quasi-totalité, sont préparés ailleurs.

106. La Commission (23) souligne donc que la non-ouverture ou, en tout état de cause, la limitation à l’accès de capitaux d’investisseurs n’ayant pas la qualification de biologiste constitue un frein au développement des laboratoires de biologie médicale pour des biologistes qui ne disposeraient pas des ressources économiques suffisantes.

107. Il n’y aurait en outre aucune preuve que cette limitation serait un facteur de qualité alors que, au contraire, les résultats des inspections montreraient que les erreurs les plus graves seraient relevées dans les laboratoires unipersonnels, dans lesquels la totalité du capital est détenue par le biologiste exerçant l’activité.

108. En substance, les restrictions à l’accès au capital social, conçues comme une forme de protection, auraient au contraire conduit à un abaissement de la qualité des services.

109. Ces restrictions n’auraient notamment pas permis de réaliser les regroupements nécessaires pour atteindre une taille permettant de garantir la qualité des prestations ou, en tout cas, de réaliser des économies d’échelle, qui auraient eu pour conséquence de réduire le coût des analyses et, par conséquent, leur poids pour le système de sécurité sociale.

110. En réalité, comme le souligne à juste titre la République française dans son mémoire en duplique, ces affirmations ne sont pas réellement étayées par les pièces sur lesquelles s’appuie la Commission. Au contraire, le rapport sur le projet de réforme du secteur de septembre 2008, tel que repris par la Commission dans son mémoire en réplique, indique, en ce qui concerne la qualité moyenne des laboratoires de biologie médicale en France, qu’elle est satisfaisante, «voire bonne à excellente» (24).

111. De même, les affirmations relatives aux effets positifs découlant d’une ouverture totale aux capitaux extérieurs, ou à la possibilité de regroupements et aux éventuelles économies d’échelle, sont fondées sur de simples suppositions qui ne reposent sur aucun élément réellement concret, et dont la Commission ne s’est d’ailleurs pas souciée d’apporter la preuve (25).

112. En ce qui concerne, ensuite, la charge pour le système de sécurité sociale, il est évident qu’elle dépend de la mesure selon laquelle, indépendamment du coût de chaque examen pour le laboratoire, l’État décide de rémunérer chaque prestation d’analyse médicale. Or, aucune relation n’a été établie entre le montant de cette rémunération et la structure de la propriété des laboratoires, de sorte que, encore une fois, les affirmations de la Commission n’apparaissent nullement démontrées.

113. Au contraire, la recherche d’une rentabilité toujours plus élevée du capital investi inciterait probablement les personnes participant à la société exploitant un laboratoire d’analyses à rechercher, pour des motifs purement financiers, à augmenter le nombre des examens à effectuer, ou tout au moins ceux susceptibles de garantir une rémunération plus élevée (26), entraînant par conséquent l’effet inverse de celui vanté par la Commission, à savoir une augmentation des coûts pour l’État.

114. En conclusion, une fois admise la similitude, sous l’angle des risques pour la santé publique, entre le secteur pharmaceutique et celui de l’analyse biomédicale, et une fois qu’il a été exclu que la question de la prétendue nécessité d’investissements plus importants pour les laboratoires distingue réellement ce dernier, il ne reste plus qu’à analyser la justification apportée à la restriction à la liberté d’établissement décrite à la lumière des principes pertinents énoncés par la Cour dans
les arrêts précédemment examinés.

ii) Application des principes pertinents

115. Dans la première des deux procédures parallèles qui ont donné lieu à l’arrêt Apothekerkammer des Saarlandes e.a., concernant les restrictions relatives à l’exercice de l’activité de pharmacien, la Cour, répondant à la question dont elle était saisie à titre préjudiciel, a affirmé que les articles 43 CE et 48 CE ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui empêche des personnes n’ayant pas la qualité de pharmacien de détenir et d’exploiter des
pharmacies (27).

116. Dans la seconde affaire, sur la base des mêmes arguments, la Cour a rejeté le recours formé en application de l’article 226 CE par la Commission contre la République italienne, au motif que, en ayant maintenu en vigueur une législation qui réserve le droit d’exploiter une pharmacie de détail privée aux seules personnes physiques titulaires d’un diplôme de pharmacien et aux sociétés d’exploitation composées exclusivement d’associés qui sont pharmaciens, la République italienne aurait
prétendument violé les mêmes dispositions du traité (28).

117. L’interprétation donnée par la Cour dans cet arrêt part précisément du caractère très particulier des médicaments, qui se distinguent substantiellement de toutes les autres marchandises en raison de leurs effets thérapeutiques (29). Ces derniers peuvent donc nuire gravement à la santé s’ils sont pris sans nécessité, ou de manière incorrecte, sans que le patient soit en mesure d’en prendre conscience lors de leur administration (30).

118. En outre, une surconsommation ou une utilisation incorrecte de médicaments entraîne un gaspillage de ressources financières qui est d’autant plus dommageable que le secteur pharmaceutique engendre des coûts considérables et doit répondre à des besoins croissants, tandis que les ressources financières pouvant être consacrées aux soins de santé ne sont, quel que soit le mode de financement utilisé, pas illimitées (31).

119. Or, compte tenu de la faculté reconnue aux États membres de décider du niveau de protection de la santé publique qu’ils entendent assurer, il faut admettre que ces derniers peuvent exiger que les médicaments vendus soient distribués par des pharmaciens qui jouissent d’une indépendance professionnelle effective. Ces derniers peuvent en outre adopter des mesures propres à éliminer ou à réduire le risque d’atteinte à cette indépendance.

120. En particulier, s’il est, certes, difficile de nier que le pharmacien professionnel poursuit, à l’instar d’autres personnes, une finalité lucrative, la Cour a considéré que, en tant que pharmacien de profession, il est censé exploiter la pharmacie non pas dans un objectif purement économique, mais également dans une optique professionnelle. Son intérêt privé, lié à la réalisation de bénéfices, se trouvant ainsi tempéré par sa formation, par son expérience professionnelle, et par la
responsabilité qui lui incombe, étant donné qu’une éventuelle violation des règles légales ou déontologiques fragiliserait non seulement la valeur de son investissement, mais également sa propre existence professionnelle.

121. À la différence des pharmaciens, les non-pharmaciens n’ont pas, par définition, une formation, une expérience et une responsabilité équivalentes à celles de ces derniers. Ils ne présentent donc pas les mêmes garanties que celles qu’offrent les pharmaciens.

122. Par conséquent, un État membre peut estimer, dans le cadre de sa marge d’appréciation, que, à la différence d’une officine exploitée par un pharmacien, l’exploitation d’une pharmacie par un non-pharmacien peut représenter un risque pour la santé publique, en particulier pour la sûreté et la qualité de la distribution des médicaments au détail, dans la mesure où la recherche de bénéfices dans le cadre d’une telle exploitation ne comporte pas d’éléments modérateurs (32).

123. Toutes ces considérations, ainsi que nous l’avons déjà expliqué précédemment, s’appliquent aussi, mutatis mutandis, au secteur de l’analyse biomédicale, ce qui justifie la même solution juridique.

124. Les risques pour la santé publique et, par conséquent, l’intérêt protégé étant en effet les mêmes, il peut donc bien être admis, en principe, que chacun des États membres introduise, pour ce qui touche à la gestion des laboratoires d’analyses de biologie médicale, des restrictions analogues liées à la qualification de la personne exerçant cette activité, comme l’a fait le législateur français.

125. Bien évidemment, il convient de vérifier si la nature précise de la restriction adoptée, en ce qui concerne la propriété de la participation au capital social, limitée en fonction de la qualification personnelle de l’individu concerné, peut être considérée ou non comme adéquate et proportionnelle par rapport à l’objectif de protection de la santé publique.

126. Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une réglementation nationale n’est apte à garantir la réalisation de l’objectif invoqué que si elle répond véritablement au souci de l’atteindre d’une manière cohérente et systématique (33).

iii) Sur les raisons justifiant une réponse positive, en particulier, l’indépendance décisionnelle du biologiste

127. La Commission, ainsi que nous l’avons déjà indiqué, considère que la nature de la restriction introduite par la République française est inappropriée. Elle reprend en particulier les arguments formulés dans les conclusions présentées dans la procédure concernant la législation grecque relative à l’exercice de la profession d’opticien (34).

128. Dans le cas d’espèce, la Commission estime qu’il aurait été suffisant d’exiger simplement, dans le cadre de la relation entre le laboratoire et ses usagers externes, la présence d’un personnel doté de la compétence technique nécessaire, grâce à une formation professionnelle adéquate, une telle exigence étant en revanche dépourvue de pertinence en ce qui concerne la structure de la propriété de la société exploitant le laboratoire d’analyses biomédicales.

129. En réalité, ainsi que le relève à juste titre la République française, confronté à la même argumentation de la part de la Commission, l’avocat général Bot, dans les conclusions qu’il a présentées le 16 décembre 2008, avait affirmé que l’argument selon lequel il conviendrait de distinguer entre les aspects internes et les aspects externes n’apparaissait nullement convaincant.

130. En effet, dans ses conclusions, l’avocat général écrit qu’«une personne, à la fois propriétaire et employeur, qui détient une pharmacie influe inévitablement, à notre avis, sur la politique suivie au sein de celle-ci en matière de dispensation des médicaments. Dès lors, le choix effectué par le législateur italien de lier la compétence professionnelle et la propriété économique de la pharmacie apparaît justifié au regard de l’objectif de protection de la santé publique» (35).

131. En réalité, dès lors qu’un biologiste, employé dans un laboratoire d’analyses, serait tenu d’appliquer les instructions de son employeur non-biologiste, il existerait indubitablement un risque que ce dernier soit conduit à privilégier l’intérêt économique de la société par rapport aux exigences du patient et, par conséquent, de la santé publique.

132. Il ne pourrait donc être exclu que le propriétaire d’un laboratoire non-biologiste serait tenté de renoncer à certains examens moins rentables sur le plan économique, ou plus compliqués à réaliser, ou encore que, toujours pour des raisons purement financières, il serait conduit à ne pas accorder l’attention requise aux automates nécessaires à l’activité.

133. Il ne fait pas de doute que, comme le soutient la Commission au paragraphe 48 de son mémoire en réplique, même si le biologiste était employé par un laboratoire d’analyses géré, sur le plan décisionnel, par des propriétaires non-biologistes, il serait dans tous les cas tenu de respecter les règles déontologiques de sa profession.

134. Il s’agit cependant d’une observation purement formelle, parce qu’il est certain que l’interpénétration entre l’existence d’un rapport de travail subordonné, qui comporte dans tous les cas des obligations à l’égard de l’employeur, et les obligations déontologiques entraîne, de fait, une atténuation de la garantie du respect, dans l’accomplissement de l’activité à l’égard de l’usager, de l’objectif premier recherché, à savoir la santé de ce dernier.

135. Par ailleurs, dans l’arrêt qu’elle a rendu concernant l’activité d’opticien, et que la Commission a invoqué à plusieurs reprises, la Cour n’apparaît pas non plus avoir pris en considération la valeur ajoutée extrêmement importante résidant dans le fait que le pouvoir décisionnel est conféré à une ou plusieurs personnes, lesquelles, en raison de la formation spécifique qu’elles ont reçue et des règles déontologiques professionnelles bien précises auxquelles elles sont soumises, sont mieux à même
de garantir le bien essentiel qui est protégé.

136. Cette circonstance, ainsi que nous l’avons déjà souligné, est un élément extrêmement important pour refuser à cette décision toute valeur de précédent utile à la résolution du problème dont est saisie la Cour.

3. Sur l’incohérence de la législation existante et la protection du même intérêt général au moyen de mesures moins restrictives

a) Argumentation des parties

137. Il reste à vérifier sur ce point si, compte tenu de l’organisation générale du système, tant en ce qui concerne la législation en vigueur qu’en ce qui concerne son application pratique, la solution choisie par la République française présente ou non des éléments substantiellement incohérents.

138. De la même manière, il convient de vérifier si existent éventuellement des possibilités de protéger le même intérêt au moyen d’une ou plusieurs mesures moins restrictives des libertés fondamentales prévues par le traité, s’agissant en particulier de la liberté d’établissement.

139. Sur ce point, la Commission soutient, en premier lieu, que l’absence de prévision, par le législateur français, de la présence constante d’un biologiste dans les locaux durant les heures d’ouverture du laboratoire, contrairement à la réglementation applicable aux pharmacies, constituerait un élément d’incohérence manifeste de la législation en vigueur dans ce secteur.

140. Cette affirmation est contestée par la République française qui considère, au contraire, que cette présence serait prévue – sinon formellement, au moins de fait – par certaines dispositions expresses du code de la santé publique (36). En particulier, une obligation de présence effective n’existerait pas non plus pour les pharmaciens, ainsi que l’a précisé la Cour dans l’un des arrêts déjà mentionnés qu’elle a rendus concernant ce secteur.

141. Sous un autre aspect, la Commission considère que d’autres dispositions de la législation française poursuivent déjà l’objectif de préservation de l’indépendance des décisions des directeurs de laboratoires d’analyses médicales, et qu’elles apparaissent plus appropriées à cet objectif.

142. Elle fait référence aux mécanismes d’incompatibilité personnelle, à l’encadrement technique et qualitatif et aux mécanismes de contrôle exercé par les médecins et les pharmaciens inspecteurs de la santé publique.

143. En outre, et pour la première fois dans son mémoire en réplique, la Commission soutient, au paragraphe 36 de celui-ci, qu’un nombre significatif de grands laboratoires, ou de réseaux de laboratoires, se seraient structurés en France de manière à avoir accès à des capitaux «extérieurs», détenus par des non-biologistes, au-delà des 25 %.

144. Cela serait possible grâce à la mise en œuvre d’un mécanisme de dissociation entre les droits de vote et les droits financiers, de nature à garantir que les biologistes soient toujours majoritaires en droits de vote au conseil d’administration et dans les autres instances délibérantes pour les décisions concernant le fonctionnement et l’organisation des laboratoires.

145. Selon la Commission, ces structures sont notifiées à l’ordre des pharmaciens et aux autorités françaises, qui les valident et donnent les autorisations d’exercice de l’activité d’analyse médicale, et sont donc considérées comme compatibles avec la législation française.

146. La Commission souligne par conséquent que, de ce point de vue, il y aurait avant tout, encore une fois, une incohérence évidente entre les principes affichés et l’application pratique qui en est faite. Comme elle l’a relevé à l’audience, la République française n’aurait pas assuré le respect d’un principe qu’elle prétend être fondamental aux fins de garantir l’indépendance des biologistes.

147. D’un autre point de vue, un mécanisme de dissociation du type de celui évoqué précédemment serait, selon elle, de nature à répondre, sous l’angle du critère de proportionnalité, aux exigences découlant du droit de l’Union et, en particulier, à celles liées à la nécessité de garantir le droit d’établissement.

148. La Commission souligne sur ce point que cette piste de réflexion figure dans le projet de réforme du secteur de la biologie médicale, mentionné à la note en bas de page 23 des présentes conclusions, qui prévoit précisément l’adoption d’une méthode de délibération du type de celle évoquée précédemment.

149. En substance, un système de ce genre constituerait, s’il était confirmé, un élément d’incohérence mettant manifestement à mal les affirmations de l’État membre défendeur. En revanche, s’il n’était pas encore mis en œuvre, il s’agirait quand même d’une mesure envisageable et souhaitable – certainement moins restrictive – de nature à rendre inadaptées les restrictions liées à l’accès au capital.

150. Cet aspect particulier n’a pas été contesté par la République française, qui est restée totalement silencieuse sur ce point dans son mémoire en duplique. Elle a cependant apporté quelques éclaircissements à cet égard lors de l’audience du 25 mars 2010, en réponse aux questions qui lui ont été adressées en application de l’article 54 bis du règlement de procédure, par lettre du 10 février 2010.

151. Selon la République française, si au moins 75 % du capital d’une société constituée en vue d’exploiter en commun un laboratoire d’analyses de biologie médicale doit être détenu par des biologistes, ces derniers peuvent aussi bien être des personnes physiques que des personnes morales.

152. S’agissant du capital de ces dernières, pour la plupart constituées sous la forme de sociétés d’exercice libéral, la même limite de 75 % s’appliquerait également, aussi bien aux biologistes personnes physiques que, pour ce qui nous intéresse essentiellement ici, aux personnes morales assimilées à ces professionnels.

153. Dans l’hypothèse où ces personnes morales seraient originaires d’autres États membres de l’Union – et où n’existent pas de limitations applicables à la participation au capital de sociétés constituées en vue d’exercer en commun l’activité de gestion de laboratoires d’analyses de biologie médicale – il pourrait aussi advenir que leur capital soit détenu bien au-delà du seuil de 25 % – voire en totalité – par des personnes n’ayant pas la qualification de biologiste.

154. La République française cite en particulier le cas de l’Irlande ou du Royaume d’Espagne où, selon elle, le capital d’une personne morale ayant la qualification de biologiste et constituée aux fins mentionnées précédemment pourrait, en l’absence de restrictions légales, être détenu au-delà du seuil de 25 % par des non-biologistes, par exemple certains fonds d’investissement.

155. Une telle situation aurait été relevée, en substance, dans au moins deux des cas cités par la Commission dans son mémoire en réplique, en particulier en ce qui concerne les laboratoires gérés par la société Biomnis – dont le capital social est détenu à plus de 50 % par une personne morale biologiste irlandaise, détenue en totalité, ou au moins à plus de 80 %, par un fonds d’investissement – et par la société Unilabs – une société suisse détenue par des non-biologistes, et qui exploite certaines
sociétés propriétaires de laboratoires en Espagne qui, à leur tour, exploitent des laboratoires en France.

156. Il est vrai, selon la République française, qu’il pourrait exister par ce biais un risque de contournement de la loi, mais il serait la conséquence inévitable découlant de l’obligation de respecter les engagements pris vis-à-vis de l’Union, s’agissant de sociétés originaires d’autres États membres.

157. Il s’agirait donc d’une sorte de discrimination «a contrario», un phénomène apparu à une époque plutôt récente, et que la Commission ne saurait imputer à la République française, étant donné que cette dernière s’est bornée à reconnaître à une société exploitant un laboratoire en Irlande ou en Espagne le droit d’accomplir la même activité en France.

158. Dans les deux autres cas cités par la Commission dans son mémoire en réplique, à savoir ceux des laboratoires Cerba et Labco, la limitation de la participation à 25 % pour les non-biologistes aurait, au contraire, été pleinement respectée, ainsi que le démontre par ailleurs, s’agissant du second cas, l’article de presse joint en annexe par la Commission.

159. En ce qui concerne la mesure de remplacement préconisée, à savoir la dissociation entre participation financière et droits de vote, la République française a tout d’abord relevé à l’audience que la Commission aurait invoqué l’argument trop tardivement dans son mémoire en réplique, en laissant à la Cour le soin de déterminer s’il s’agit d’une conclusion nouvelle ou d’un argument nouveau devant être considéré comme tardif.

160. À cet égard, la République française a, toujours en réponse à la question qui lui a été adressée par écrit, soutenu que cette mesure – compte tenu de la marge d’appréciation qui doit en tout état de cause lui être reconnue en matière de santé publique – ne serait pas suffisante pour garantir la réalisation de l’objectif poursuivi.

161. Selon elle, il conviendrait en effet de ne pas sous-estimer la pression que peuvent exercer les tiers détenteurs de la majorité du capital sur les biologistes exerçant leur activité au sein des laboratoires, et dont l’indépendance serait menacée nonobstant la majorité des droits de vote qui leur serait reconnue.

162. Enfin, ce mécanisme de dissociation existerait effectivement en France uniquement et exclusivement pour certains types de sociétés – et non pour les sociétés à responsabilité limitée – et concernerait exclusivement les rapports entre les biologistes exerçant leur activité au sein des laboratoires et les biologistes «extérieurs» à ces derniers. Il s’agirait donc d’une situation complètement différente et sans aucune pertinence par rapport à la règle de la limitation à 25 % de la participation au
capital, qui ne concerne au contraire que les non-biologistes.

163. La Commission a contesté, lors de l’audience, que les observations contenues dans son mémoire en réplique en ce qui concerne les mécanismes de dissociation entre droits financiers et droits de vote constitueraient un grief ou un moyen nouveau, estimant au contraire qu’il s’agissait de la constatation de l’existence d’une réalité au sujet de laquelle la République française était restée silencieuse tout au long de la procédure précontentieuse ainsi qu’au cours de la procédure écrite devant la
Cour.

164. À cet égard, elle a insisté sur le fait que le principe de la limitation à 25 % de la participation au capital invoquée par la République française comme élément fondamental afin de garantir la liberté de décision des biologistes et, par conséquent, la santé publique s’avérait en fait non respecté dans les situations auxquelles elle avait entendu faire référence.

165. En ce qui concerne, ensuite, les autres mesures moins restrictives évoquées par la Commission, à savoir les incompatibilités personnelles, l’encadrement technique et qualitatif, ainsi que les mécanismes de contrôle exercés par les médecins et les pharmaciens, la République française a conclu qu’elles ne seraient pas, en tout état de cause et compte tenu du niveau de protection de la santé publique recherché, suffisantes pour assurer l’indépendance décisionnelle du biologiste.

b) Appréciation

166. Au soutien de ses affirmations concernant l’incohérence de l’organisation globale du système français, la Commission souligne que la réglementation en vigueur en France ne prévoit pas formellement – ni même les articles L. 6211-1 et L. 6211-9 cités par la République française – l’obligation de présence continue d’un biologiste dans les locaux pendant les heures d’ouverture du laboratoire, permettant ainsi que l’activité soit exercée par des techniciens de laboratoire uniquement.

167. Attendu que le texte actuel desdites dispositions est différent de celui sur la base duquel les parties ont formulé leurs arguments, il convient de préciser que, selon la formulation en vigueur à l’époque, ces dispositions prévoyaient des règles tout à fait cohérentes avec l’objectif poursuivi de protection de la santé publique.

168. En particulier, l’article L. 6211-1 énonce – ou, plus exactement, énonçait à l’époque – la règle selon laquelle les analyses ne peuvent être effectuées que dans des laboratoires d’analyses de biologie médicale, sous la responsabilité de leurs directeurs et directeurs adjoints. L’article L. 6211-9, pour sa part, prévoit – ou, plus exactement, prévoyait à l’époque – que ces derniers doivent exercer leurs fonctions personnellement et effectivement.

169. Or, s’il est vrai que la loi ne prévoit pas l’obligation d’une présence constante du directeur biologiste dans les locaux du laboratoire, il est parfaitement clair que la législation nationale impose que ce dernier assure, de fait, un contrôle effectif de toute l’activité du laboratoire, dont il assume la responsabilité, sans qu’il ne puisse en aucune manière s’exonérer de ses obligations professionnelles par le biais de mécanismes de délégation éventuels.

170. Dans ces conditions, il ne semble pas que ces dispositions soient contraires – ou qu’elles ne soient pas cohérentes – avec l’objectif de protection maximale de la santé publique que l’État membre défendeur s’est fixé.

171. Par ailleurs, et comme le soutient justement la République française, la condition préalable qui fonde la comparaison sur laquelle la Commission s’appuie pour contester la cohérence de la réglementation du secteur, à savoir l’existence d’une obligation absolue de présence effective du pharmacien dans les locaux où il exerce son activité, est erronée.

172. En effet, l’article L. 5125-21 du code de la santé publique se limite à prévoir qu’une officine ne peut rester ouverte en l’absence de son titulaire que si celui-ci s’est fait régulièrement remplacer, tandis que, selon l’article R. 4235-13 dudit code, l’exercice personnel auquel est tenu le pharmacien consiste pour celui-ci à exécuter lui-même les actes professionnels ou à en surveiller attentivement l’exécution s’il ne les accomplit pas lui-même (37).

173. Il s’agit d’obligations parfaitement analogues à celles prévues pour un directeur de laboratoire d’analyses de biologie médicale. Par conséquent, le grief d’incohérence formulé par la Commission n’est pas établi, et ses observations sur ce point ne sont pas pertinentes.

174. En ce qui concerne, ensuite, la possibilité d’appliquer d’éventuelles mesures moins restrictives, il convient d’indiquer que, selon la jurisprudence de la Cour, il appartient aux États membres, dans les limites imposées par le traité, de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique et de la manière dont ce niveau doit être atteint (38).

175. Dans ces conditions, étant donné que ce niveau peut varier d’un État membre à un autre, il convient, dans l’appréciation du respect du principe de proportionnalité, de reconnaître aux États membres une marge de discrétion (39). Par conséquent, le fait qu’un État membre impose des règles moins strictes que celles imposées par un autre État membre ne signifie pas que ces dernières sont disproportionnées (40).

176. Or, la Commission, pour étayer ses propres affirmations en ce qui concerne l’existence présumée de mesures sectorielles déjà adaptées à l’objectif affiché par l’État membre, fait d’abord référence à l’article 12 du décret n° 92-545 qui prévoit l’interdiction, pour certaines catégories spécifiques de personnes physiques ou morales, de détenir une participation au capital de la société en question.

177. Il s’agit d’une interdiction liée au fait que ces personnes, pour des raisons à chaque fois différentes, ont un intérêt qui, d’une certaine manière, peut influer de manière négative sur le libre exercice de l’activité du laboratoire (41).

178. Or, ces interdictions peuvent être considérées comme étant appropriées à des situations dans lesquelles il s’agit d’éviter simplement qu’un autre intérêt – dont il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve dans la mesure où il est objectivement lié aux caractéristiques personnelles mêmes de l’apporteur potentiel de capital social – puisse orienter de manière anormale l’activité de la société.

179. Elles ne sont en revanche pas suffisantes lorsqu’il s’agit de garantir une gestion de la société réellement indépendante de la part des associés ayant la qualité de biologiste, et ce dans tous les cas, même en l’absence d’un conflit d’intérêts déjà formellement qualifié comme tel par la législation en vigueur.

180. Par conséquent, compte tenu du degré de protection particulièrement élevé que, dans le cadre de ses compétences propres, la République française entend assurer à la santé publique, il convient de considérer que le système des incompatibilités formelles prévu à l’article 12 du décret n° 92-545 n’est pas suffisant à cette fin.

181. En ce qui concerne les aspects de l’encadrement technique et qualitatif et du contrôle exercé par les médecins et pharmaciens inspecteurs de la santé publique, la Commission fait référence aux articles L. 6213-1 à L. 6213-5 du code de la santé publique (dans leur version en vigueur à la date du dépôt des mémoires, ensuite modifiée par l’ordonnance n° 2010-49, portant réforme générale de la biologie médicale) (42).

182. Dans ce cas aussi, il ne fait pas de doute qu’il s’agit de mécanismes visant à garantir que l’activité d’analyse de biologie médicale soit accomplie par des personnes possédant une formation et une capacité technique adéquates, ainsi qu’une expérience d’un niveau qualitativement approprié.

183. En particulier, selon la jurisprudence de la Cour, l’exigence de protection de la santé publique prévue à l’article 46 CE permet, notamment, de maintenir la qualité des services médicaux non seulement en garantissant la qualification des dirigeants et du personnel des laboratoires d’analyses de biologie médicale, mais également en contrôlant, par des inspections périodiques, que le déroulement des analyses est en permanence conforme aux règles édictées par le législateur français ainsi que par
les autorités françaises et, en particulier, à l’autorisation requise (43).

184. Il s’agit cependant, encore une fois, de systèmes qui, à eux seuls, ne sont pas en mesure de garantir la réalisation du résultat considéré comme prioritaire, à savoir la protection de la santé publique par la garantie de l’indépendance décisionnelle du professionnel exerçant l’activité de laboratoire.

185. En conclusion, les mesures moins restrictives auxquelles fait référence la Commission depuis le départ n’apparaissent pas de nature à rendre superflue l’intervention du législateur français en termes de limitation de la participation au capital social, compte tenu de l’objectif spécifique poursuivi.

186. Il ne reste, à ce stade, qu’à examiner le dernier point soulevé par la Commission pour la première fois dans son mémoire en réplique. Il concerne l’existence de situations dans lesquelles la limitation à 25 % du capital pour les non-biologistes serait de fait éludée en France, au moins dans certains cas, par le biais de mécanismes de dissociation entre le montant de la participation financière et les droits de vote.

187. Que ce soit dans son mémoire en duplique ou lors de l’audience, la République française n’a pas formellement soulevé l’irrecevabilité éventuelle de la question. Elle s’est bornée à laisser le soin à la Cour de la qualifier juridiquement et d’apprécier s’il y avait lieu de l’examiner.

188. Nous relevons qu’il est évident que, en l’espèce, il ne s’agit pas d’une modification des conclusions initialement formulées, conclusions dont les termes ne sont aucunement modifiés par rapport aux demandes initiales de la Commission.

189. Nous estimons qu’il n’est pas non plus possible de considérer qu’il s’agit d’un moyen nouveau, étant donné que la question de la proportionnalité de la mesure adoptée par la République française a été soulevée d’entrée par la Commission, quoique sans faire spécifiquement référence à cet aspect.

190. Il s’agit plutôt d’un argument nouveau, fondé, comme l’a soutenu la Commission, sur une simple constatation, qui trouve sa place dans le même cadre que le débat qui a eu lieu au cours de la phase écrite sur le thème général de la proportionnalité et de la cohérence de la législation française, et qui ne modifie pas l’objet du litige.

191. Il nous semble, en outre, extrêmement important de souligner que cette conclusion paraît aussi renforcée par le fait qu’aucune violation du principe du contradictoire n’a eu lieu en l’espèce, étant donné que la République française aurait tout à fait pu, dans son mémoire en duplique, exercer pleinement son droit de défense sur ce point.

192. Or, cette dernière est demeurée à cet égard totalement silencieuse, de sorte qu’il a été nécessaire d’adresser sur ce point une demande écrite spécifique à la République française, avant l’audience, et que ce n’est qu’à ce stade qu’il y a eu un débat effectif sur les arguments susmentionnés, soulevés par la Commission dans son mémoire en réplique.

193. En ce qui concerne, ensuite, les affirmations de la Commission, nous considérons, à la lumière des éclaircissements apportés à l’audience par la République française, que la législation en vigueur dans ce pays, telle qu’elle apparaît mise en œuvre dans les hypothèses auxquelles fait référence la Commission – qui n’a pas contesté les explications adverses sur ce point –, ne présente aucune incohérence.

194. Il ne fait aucun doute que, en admettant que l’activité du biologiste peut être accomplie aussi sous la forme d’une société, quelle que soit cette dernière (société de personnes, de capitaux, etc.), il est tout à fait envisageable que le capital de la société, lorsqu’elle est constituée dans des États membres où n’existent pas de restrictions du type de celles instaurées en France, finisse par passer, éventuellement dans sa totalité, entre les mains de non-biologistes, simples investisseurs
financiers.

195. De fait, c’est ce qui s’est produit dans au moins deux des cas cités par la Commission comme des exemples d’incohérence, à savoir les cas des sociétés Biomnis et Unilabs (dans les autres cas, au contraire, la situation de fait est différente, et ne paraît pas poser de problème sous l’angle de la question qui fait l’objet du litige).

196. Toutefois, à bien y regarder, il s’agit de situations dans lesquelles une autre attitude de la part de l’État membre défendeur aurait pu constituer une discrimination et, en tout cas, une violation des libertés fondamentales prévues par le traité, en particulier la liberté d’établissement et la liberté de prestation des services.

197. Dans cette situation, le comportement de la République française qui, considérant les sociétés concernées comme étant dotées de la qualification nécessaire de biologiste, leur a accordé l’autorisation d’exploiter des laboratoires d’analyses de biologie médicale sur son territoire national, indépendamment de l’appartenance de leur capital social, ne saurait être considéré comme incohérent.

198. La République française a notamment précisé à l’audience que la question relative à la dissociation entre participation et droits de vote est un autre problème, qui entre en jeu dans certains cas limités mais ne concerne pas les sociétés à responsabilité limitée, en ce qui concerne la question, différente, des rapports entre biologistes travaillant au sein des laboratoires d’analyse et biologistes «externes».

199. Par conséquent, en l’espèce, la règle de la limitation à 25 % de la participation au capital qui s’applique aux non-biologistes ne serait absolument pas mise en cause. La Commission n’a élevé, du reste, aucune contestation suite aux éclaircissements apportés sur ce point par la République française.

200. À ce stade, le problème qu’il reste à examiner est seulement celui qui concerne la possibilité, avancée par la Commission, à titre d’hypothèse cependant, d’appliquer à la société exploitant des laboratoires d’analyses un mécanisme de dissociation du type de celui qui a été évoqué (44). De sorte que, selon la Commission, la liberté décisionnelle des biologistes serait de toute façon préservée, avec une incidence bien moindre sur la liberté d’établissement.

201. La République française a répondu à cette argumentation à l’audience en précisant qu’une solution de ce type ne pourrait toutefois pas être considérée comme appropriée, dans la mesure où il ne faut pas sous-estimer la pression financière exercée par les détenteurs du capital social, nonobstant le fait même que la majorité des droits de vote serait éventuellement réservée aux biologistes.

202. La République française, répondant à la question qui lui a été adressée sur ce point, a aussi précisé que cette affirmation ne serait pas contraire à l’autre hypothèse – prévue seulement et exclusivement pour les sociétés en commandite par actions – dans laquelle les non-biologistes peuvent détenir jusqu’à 49 % du capital social (voir article 11, deuxième alinéa, du décret n° 92-545).

203. Dans ce cas, la différence s’expliquerait, en effet, par les modalités de fonctionnement différentes de ce type de sociétés et, surtout, par l’existence de deux catégories différentes d’associés – à savoir les commanditaires et les commandités, ces derniers ayant nécessairement la qualité de biologiste et exerçant leur activité au sein du laboratoire – et de règles de fonctionnement très rigoureuses, qui justifieraient par ailleurs l’adoption limitée de cette forme d’organisation sociale (45).

204. Ce seraient donc les commandités, nécessairement titulaires de la qualification professionnelle requise, qui disposeraient d’un pouvoir général de décision, devant souvent être exercé à l’unanimité.

205. Or, attendu que cette dernière hypothèse n’apparaît pas comme un élément incohérent par rapport à l’organisation générale du secteur, mais qu’elle s’explique au contraire compte tenu de la particularité de cette forme sociale, il convient plutôt de vérifier si, et dans quelle mesure, l’affirmation de la République française selon laquelle un mécanisme de dissociation du type de celui en question ne permettrait pas d’atteindre l’objectif général de préservation de l’indépendance des biologistes
exerçant en laboratoire est conforme à la réalité.

206. Il est permis de considérer que, sur ce point, il est de jurisprudence constante que la charge de la preuve de la proportionnalité et de la cohérence d’éventuelles restrictions aux libertés fondamentales incombe à l’État membre.

207. La République française a estimé s’être acquittée de la charge de la preuve en justifiant les limitations en question, relatives à l’accès des tiers non-biologistes aux sociétés d’exercice libéral susmentionnées, par l’objectif de protection de l’indépendance décisionnelle des biologistes, qui doivent détenir une part du capital social nécessairement majoritaire.

208. Cette finalité étant jugée licite, dans les conditions indiquées plus haut, il incombait encore une fois à la République française de démontrer que la mesure moins restrictive envisagée par la Commission – et propre selon elle à garantir de la même manière cette indépendance décisionnelle – n’aurait en réalité pas répondu d’une manière adéquate à l’objectif préétabli.

209. Cela dit, au cours de l’audience, la République française n’a pas précisé de manière détaillée les raisons pour lesquelles le mécanisme de dissociation serait inefficace, s’étant bornée à affirmer que la détention d’une participation financière plus importante par les non-biologistes leur aurait conféré de toute façon la possibilité d’exercer des pressions sur les biologistes, même si ces derniers sont formellement titulaires du pouvoir de décision.

210. Par ailleurs, la Commission n’a pas non plus pris position sur cette dernière affirmation, cette institution n’ayant pas formulé d’observations précises en réplique sur ce point lors de l’audience.

211. Or, nous relevons tout d’abord à ce propos que le fait d’avoir admis la possibilité qu’une société d’exploitation d’un laboratoire d’analyses de biologie médicale soit constituée sous forme de société de capitaux (46) et qu’à celle-ci puissent participer aussi des personnes n’ayant pas cette qualification professionnelle spécifique implique que la République française n’a pas considéré l’existence d’une participation financière par des personnes «extérieures» à la catégorie professionnelle en
question comme une circonstance étant en elle-même de nature à empêcher une protection adéquate de l’indépendance du biologiste exploitant l’activité et, par voie de conséquence, de la santé publique.

212. Cette présence «extérieure», selon l’approche de la République française, ne devient un facteur faisant obstacle à la réalisation de l’objectif d’intérêt général déterminé que lorsque cette participation dépasse le seuil des 25 % et permet de peser sur les décisions les plus importantes relatives à la gestion des laboratoires d’analyses.

213. En substance, selon la ligne de raisonnement suivie par la République française jusqu’à l’audience, le capital «extérieur» n’est pas en soi, dans l’absolu, un facteur de risque. Il le devient seulement lorsqu’il permet de peser sensiblement sur les choix de gestion de la société.

214. Par ailleurs, que telle soit l’idée du législateur français est démontré par le fait que, lorsque l’indépendance décisionnelle de l’associé biologiste est garantie d’une autre manière, comme dans le cas des sociétés d’analyses de biologie médicale constituées sous forme de commandite par actions, une participation «extérieure» au capital plus importante est alors considérée comme acceptable, et peut aller jusqu’à 49 %.

215. Cela se justifie précisément dans la mesure où, ainsi que nous l’avons déjà souligné, le pouvoir de gestion, grâce aux règles spéciales qui régissent cette forme de société, est de toute façon confié aux associés commandités, qui doivent nécessairement avoir la qualité de biologiste.

216. Or, le choix opéré par la République française dans le but de concilier l’ouverture du capital aux associés simples investisseurs avec la protection de l’indépendance des associés biologistes constitue en lui-même un facteur important qu’il convient d’apprécier positivement pour apprécier dans son ensemble la proportionnalité de la mesure adoptée.

217. Il s’agit d’un régime qui, sans porter atteinte à l’indépendance décisionnelle des associés professionnels, permet cependant un apport de ressources financières extérieures et la participation de personnes qui entendent tirer profit du simple rendement matérialisé par le résultat d’exploitation, conformément aux règles communes du marché et sans aucune discrimination.

218. Il reste à vérifier si, comme l’envisage la Commission, la présence de participations au capital «extérieures» supérieures à 25 %, mais cependant non susceptibles de priver les associés biologistes du pouvoir réel de décision à l’intérieur de la société – comme c’est de fait le cas dans les sociétés en commandite par actions – ne serait pas également appropriée, par rapport à la limitation introduite, pour réaliser l’objectif affiché de préservation de l’indépendance des associés
professionnels.

219. Or, de ce point de vue, force est de reconnaître que, nonobstant le fait que les droits de vote demeurent soumis à la limite de 25 %, le fait de permettre une participation financière extérieure plus importante entraîne, comme le soutient la République française, un risque majeur pour l’indépendance des associés biologistes.

220. En effet, il ne faut pas sous-estimer le fait que les décisions liées à l’investissement ou au désinvestissement financier de la part des associés minoritaires pourraient influer, bien que de manière indirecte, sur les décisions des organes de la société, même si ceux-ci constituent l’expression de la majorité, sauf si ces décisions financières portent sur une participation négligeable, ou d’une importance peu élevée.

221. En substance, on peut donc partager le point de vue de la République française selon lequel le seul fait que le capital soit détenu à plus de 25 % pourrait entraîner en lui-même une pression financière, et ce indépendamment des droits de vote qui y sont attachés.

222. La Commission, comme nous avons eu l’occasion de le préciser, n’a pas répliqué de manière substantielle au cours de l’audience à cette affirmation spécifique, n’apportant aucun élément concret permettant de la réfuter.

223. Par conséquent, nous sommes d’avis que, considérant la marge d’appréciation qui, comme nous l’avons déjà souligné, doit dans tous les cas être reconnue à un État membre en matière de protection de la santé publique, il est permis d’affirmer que le mécanisme de dissociation entre la participation financière et les droits sociaux pourrait effectivement ne pas s’avérer aussi efficace en vue de la réalisation de l’objectif poursuivi.

224. Le choix opéré par la République française, qui a permis en tout cas une ouverture – même limitée – aux capitaux extérieurs, peut donc être considéré, en lui-même, comme proportionné à cet objectif à l’égard duquel, dans le respect du pouvoir d’appréciation de l’État membre quant aux instruments choisis et à efficacité égale, il s’avère être, en l’absence d’éléments substantiels contraires invoqués par la Commission, la mesure la moins restrictive qui pouvait être adoptée.

225. Cette conclusion peut, par ailleurs, être confirmée si l’appréciation de son caractère proportionnel est effectuée en tenant compte de l’ensemble des mesures mises en œuvre dans le secteur de l’analyse biomédicale, en ce qui concerne en particulier les diverses modalités d’accès des capitaux extérieurs, selon les différentes formes de sociétés.

226. La mesure la plus limitative en ce qui concerne les laboratoires d’analyses constitués sous la forme de sociétés d’exercice libéral à responsabilité limitée, qui fait spécifiquement l’objet du recours de la Commission, est en effet accompagnée, dans le texte même qui la prévoit, d’une possibilité d’investissement de capitaux extérieurs plus large (allant jusqu’à 49 %) dans les laboratoires exploités par des sociétés constituées sous la forme de commandite par actions, ces dernières étant
caractérisées par des règles de fonctionnement plus rigoureuses qui permettent un investissement extérieur plus important.

227. Les considérations qui précèdent permettent, en définitive, de formuler une appréciation positive quant à la cohérence et à la proportionnalité de la mesure adoptée par la République française, objet du premier des deux griefs que la Commission a formulés dans sa requête introductive d’instance, que nous considérons par conséquent comme non fondé sur ce point.

228. Nous proposons donc à la Cour de rejeter le recours dans la mesure où la Commission lui demande de constater que, en limitant par la loi à un quart au plus les parts sociales et donc les droits de vote qui peuvent être détenus par des non‑biologistes dans le cadre d’une SELARL constituée en vue d’exploiter en commun un ou plusieurs laboratoires d’analyses de biologie médicale, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 43 CE.

B – Sur les restrictions concernant l’acquisition de participations au capital dans des sociétés différentes

1. Argumentation des parties

229. La Commission considère que, de même, est contraire à la liberté d’établissement l’interdiction – pour une personne physique ou morale – de détenir une participation dans plus de deux sociétés constituées en vue d’exploiter en commun un ou plusieurs laboratoires d’analyses de biologie médicale.

230. Ainsi qu’il ressort du paragraphe 64 de son mémoire en défense, le gouvernement français, contrairement à la position qu’il avait adoptée dans la procédure précontentieuse, n’a pas contesté ce grief – et ce dès le début de la phase écrite de la procédure – admettant que cette restriction n’apparaissait pas justifiée par l’exigence de protection de la santé publique.

231. Malgré le changement ultérieur de sa position sur ce point dans son mémoire en duplique, dont nous avons déjà fait état précédemment, la République française n’a cependant pas conclu au rejet du recours de la Commission sur ce point. Même lors de l’audience du 25 mars 2010, la République française a déclaré ne pas contester le recours, en ce qui concerne le point en question.

232. À cette occasion, répondant à une demande de la Cour portant spécifiquement sur ce point, la Commission a affirmé en termes généraux que l’interdiction en question concernerait en premier lieu les biologistes, mais également les non-biologistes, pour s’en remettre ensuite, en substance, à l’interprétation donnée sur ce point par la République française. Cette dernière a donc précisé que la limitation contestée ne concerne que les biologistes.

2. Appréciation

233. À titre liminaire, il convient de préciser que, si le grief initialement formulé par la Commission semble faire référence à une interdiction de caractère général, compte tenu de la formulation littérale de l’article 10 du décret n° 92-545, ainsi que des éclaircissements apportés à l’audience du 25 mars 2010 par la République française, il apparaît évident que l’interdiction qui fait l’objet du recours ne concerne que les personnes ayant la qualification de biologiste.

234. En substance, selon la République française, pour les personnes n’ayant pas la qualification de biologiste – et qui ne rentrent donc pas dans la catégorie de celles mentionnées à l’article 5, deuxième alinéa, points 1 et 5, de la loi n° 90‑1258, telle que visée à l’article 11 du décret n° 92-545 – il n’y aurait aucune limite quant au nombre de sociétés dans lesquelles elles peuvent détenir des participations, toujours, bien entendu, dans la limite maximale de la participation au capital
autorisée pour chacune d’elles, égale à 25 % comme nous l’avons déjà indiqué.

235. Dans ces conditions, compte tenu des arguments des parties, tels qu’ils ont été développés au cours de la procédure, force est de conclure qu’il convient de faire droit au recours de la Commission – fût-ce dans les termes mieux définis ci-dessus –, recours dont la République française a demandé le rejet, mais uniquement en ce qui concerne le premier grief.

236. Il convient donc de proposer à la Cour de constater que, en interdisant à une personne physique ou morale, figurant parmi celles mentionnées à l’article 5, deuxième alinéa, points 1 et 5, de la loi n° 90-1258, de détenir une participation dans plus de deux sociétés constituées en vue d’exploiter en commun un ou plusieurs laboratoires d’analyses de biologie médicale, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 43 CE.

VI – Sur les dépens

237. Conformément à l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en application de l’article 69, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

238. En l’espèce, la Commission a conclu à la condamnation aux dépens de la République française, cette dernière ayant, pour sa part, demandé à ce que chacune des parties supporte ses propres dépens.

239. Dans ces conditions, chacune des parties ayant réciproquement succombé, nous suggérons à la Cour de les condamner à supporter chacune ses propres dépens.

VII – Conclusion

240. À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons donc à la Cour de:

– dire que, en interdisant à une personne physique ou morale, figurant parmi celles mentionnées à l’article 5, deuxième alinéa, points 1 et 5, de la loi n° 90-1258, du 31 décembre 1990, relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, de détenir une participation dans plus de deux sociétés constituées en vue d’exploiter en commun un ou plusieurs laboratoires d’analyses de biologie médicale, la
République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 43 CE;

– rejeter le recours pour le reste, et

– condamner la Commission européenne et la République française à supporter chacune ses propres dépens.

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1 – Langue originale: l’italien.

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2 – JORF du 15 janvier 1991, p. 216.

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3 – Dans sa version résultant des modifications apportées par l’article 60 de la loi n° 2008-776 de modernisation de l’économie (JORF du 5 août 2008, p. 12471).

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4 – Voir, récemment, arrêts du 30 janvier 2002, Commission/Grèce (C-103/00, Rec. p. I‑1147, point 23); du 6 décembre 2007, Commission/Allemagne (C-456/05, Rec. p. I‑10517, point 15); du 17 janvier 2008, Commission/Allemagne, (C-152/05, Rec. p. I‑39, point 15); du 19 mai 2009, Commission/Italie, (C-531/06, Rec. p. I‑4103, point 98), et du 25 mars 2010, Commission/Espagne, (C‑392/08, non encore publié au Recueil, point 26).

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5 – Voir, également, arrêt du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes e.a. (C‑171/07 et C‑172/07, Rec. p. I‑4171).

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6 – Alors que la Commission était partie, dans sa requête, du postulat selon lequel cette interdiction visait à préserver l’indépendance professionnelle des biologistes (voir point 29 de la requête).

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7 – Arrêt du 10 mars 2009, Hartlauer (C-169/07, Rec. p. I-1721, point 29). Voir aussi, en ce sens, arrêts du 7 février 1984, Duphar e.a. (238/82, Rec. p. 523, point 16); du 16 mai 2006, Watts (C‑372/04, Rec. p. I‑4325, points 92 et 146), ainsi que du 11 septembre 2008, Commission/Allemagne (C‑141/07, Rec. p. I-6935, points 22 et 23).

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8 – Arrêts du 14 octobre 2004, Commission/Pays-Bas (C-299/02, Rec. p. I-9761, point 15); du 21 avril 2005, Commission/Grèce (C-140/03, Rec. p. I-3177, point 27), et Hartlauer (précité à la note 7, point 33).

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9 – Arrêt du 21 avril 2005, Commission/Grèce (précité à la note 8).

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10 – Point 34 desdites conclusions.

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11 – Arrêt du 21 avril 2005, Commission/Grèce, précité (point 35). Souligné par nos soins.

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12 – Cette distinction figure expressément à ce jour dans l’article L-6211-2 du code de santé publique, tel que modifié par l’ordonnance n° 2010-49.

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13 – La République française souligne en particulier que la limitation à 25 % de la part du capital que peuvent détenir les non -biologistes est fondée sur la règle du droit des sociétés français – article L-223-30 du code de commerce – en vertu de laquelle un vote à la majorité des associés représentant au moins les trois quarts des parts sociales est requis pour les résolutions adoptées en assemblée générale extraordinaire, en particulier pour les augmentations de capital ou les fusions.

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14 – Voir arrêts du 31 mars 1993, Kraus (C-19/92, Rec. p. I-1663, point 32), et du 30 novembre 1995, Gebhard (C-55/94, Rec. p. I-4165).

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15 – Voir arrêt Hartlauer, précité (point 46).

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16 – Voir, en ce sens, arrêts du 13 mai 2003, Müller-Fauré et van Riet (C‑385/99, Rec. p. I‑4509, point 67), ainsi que du 11 mars 2004, Commission/France (C-496/01, Rec. p. I‑2351, point 66).

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17 – Voir arrêts Commission/Italie, ainsi que Apothekerkammer des Saarlandes e.a. (précités à la note 5).

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18 – Ce risque a au contraire été écarté par la Cour, dans l’hypothèse de la gestion d’une pharmacie hospitalière par un non-pharmacien, précisément dans la mesure où l’utilisation incorrecte ou abusive des médicaments de la part des hôpitaux serait exclue, ces derniers étant eux-mêmes des prestataires de soins médicaux (voir arrêt Apothekerkammer des Saarlandes e.a., précité, point 48).

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19 – Précité à la note 5.

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20 – Voir arrêts Commission/Italie (précité à la note 5, point 90), ainsi que Apothekerkammer des Saarlandes e.a. (précité à la note 5, point 60).

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21 – Voir en effet, sur ce point, le nouveau texte de l’article L. 6211-8 du code de la santé publique, qui mentionne expressément la possibilité pour le biologiste de réaliser des examens différents de ceux prescrits, ou de ne pas réaliser la totalité des examens indiqués par le médecin, mais toujours cependant après approbation obligatoire de la modification par le médecin prescripteur, sauf dans les cas d’urgence.

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22 – Voir référence spécifique faite par la partie défenderesse, au paragraphe 28 de son mémoire en duplique, aux campagnes de dépistage contre l’hépatite C. Le principe est, par ailleurs, expressément prévu à l’article L. 6211-10 du code de la santé publique, tel que modifié par l’ordonnance n° 2010-49.

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23 – En faisant référence au rapport sur le projet de réforme de la biologie médicale présenté par M. Ballereau et remis à M^me Bachelot-Narquin, ministre de la Santé, le 23 septembre 2008, ainsi qu’au rapport n° 2006 045 sur «la biologie médicale libérale en France: bilan et perspective», présenté par le docteur Lalande, ainsi que par M^mes Yeni et Lacombe, membres de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), d’avril 2006 (voir mémoire en réplique, notes 3 et 5).

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24 – Souligné par nos soins.

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25 – Au contraire, comme l’indique la République française, l’augmentation progressive globale des dépenses d’analyses de biologie médicale pourrait bien s’expliquer, dans un contexte global de hausse des dépenses de santé, par le vieillissement de la population et l’amélioration de la prévention, qui se traduit par un plus grand nombre d’examens.

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26 – Voir, sur ce point, le document produit par la défenderesse en annexe de son mémoire en réplique, duquel il résulte que l’un des objectifs à poursuivre par les visiteurs médicaux recrutés par les grands groupes qui gèrent les laboratoires d’analyses est précisément celui d’augmenter le nombre des prestations prescrites par rapport à la période précédant leur visite au médecin.

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27 – Précité à la note 5, point 61.

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28 – Voir arrêt Commission/Italie (précité à la note 5, point 109).

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29 – Voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 1991, Delattre (C-369/88, Rec. p. I-1487, point 54).

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30 – Voir arrêts Commission/Italie (précité à la note 5, points 55 et 56), ainsi que Apothekerkammer des Saarlandes e.a. (précité à la note 5, points 31 et 32).

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31 – Voir arrêts précités Commission/Italie (point 57), ainsi que Apothekerkammer des Saarlandes e.a. (point 33). Voir aussi, par analogie, et concernant les soins hospitaliers, arrêts Müller-Fauré et van Riet, précité (point 80), ainsi que Watts (précité à la note 7, point 109).

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32 – Voir arrêt Commission/Italie (précité à la note 5, point 63).

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33 – Voir arrêts du 6 mars 2007, Placanica e.a. (C-338/04, C-359/04 et C‑360/04, Rec. p. I-1891, points 53 et 58); du 17 juillet 2008, Corporación Dermoestética (C‑500/06, Rec. p. I-5785, points 39 et 40), ainsi que Hartlauer (précité à la note 7, point 55).

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34 – Voir points 45 à 50 des présentes conclusions.

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35 – Voir point 87 des conclusions présentées le 16 décembre 2008 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Italie, précité, mais aussi, dans les mêmes termes, point 49 des conclusions présentées le même jour dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Apothekerkammer des Saarlandes e.a., précité.

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36 – Il s’agit des articles L. 6211-1 et L. 6221-9 (point 41 du mémoire en défense de la République française).

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37 – Voir arrêt Apothekerkammer des Saarlandes e.a., précité (point 60), invoqué par la République française, dans lequel la Cour a considéré qu’était cohérente la législation allemande en cause, qui prévoyait la possibilité pour un pharmacien d’exploiter jusqu’à trois succursales d’une même pharmacie, toujours sous sa propre responsabilité, et en en déterminant ainsi la politique commerciale.

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38 – Voir arrêts du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband (C‑322/01, Rec. p. I‑14887, point 103); du 13 juillet 2004, Commission/France (C-262/02, Rec. p. I‑6569, point 24); du 5 juin 2007, Rosengren e.a. (C-170/04, Rec. p. I-4071, point 39); du 8 novembre 2007, Ludwigs-Apotheke (C-143/06, Rec. p. I-9623, point 27), ainsi que du 11 septembre 2008, Commission/Allemagne, précité (point 46).

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39 – Arrêts du 2 décembre 2004, Commission/Pays-Bas (C-41/02, Rec. p. I-11375, points 46 et 51), et du 11 septembre 2008, Commission/Allemagne, (C‑141/07, Rec. 2008 p. I‑6935, point 51).

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40 – Voir arrêts du 13 juillet 2004, Commission/France, précité (point 37); du 15 juillet 2004, Schreiber (C-443/02, Rec. p. I‑7275, point 48), et du 11 septembre 2008, Commission/Allemagne, précité (point 51).

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41 – À titre d’exemple, il mérite d’être relevé qu’est interdite la participation au capital social, d’une part, des personnes qui exercent une autre profession de santé et, d’autre part, des fournisseurs, des distributeurs ou des fabricants de matériels ou de réactifs nécessaires pour l’analyse médicale.

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42 – Notifié à la Commission par lettre du 9 mars 2010, comme nous l’avons déjà indiqué.

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43 – Arrêt du 11 mars 2004, Commission/France (précité à la note 16, point 67). En l’espèce, la Cour a considéré que, toutefois, la condition imposée aux laboratoires d’analyses de biologie médicale d’avoir un siège d’exploitation en France pour pouvoir obtenir l’autorisation administrative d’y exercer leur activité allait au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif de protection de la santé publique.

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44 – Par ailleurs, la République française a confirmé à l’audience que le mécanisme de dissociation entre participation financière et droits de vote n’est pas étranger à la législation nationale, qui en a déjà fait application, ne serait-ce qu’en ce qui concerne les rapports entre biologistes exerçant leur activité dans la société et biologistes simples investisseurs.

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45 – Les cas dans lesquels les laboratoires d’analyses sont gérés sous cette forme sociale ne dépasseraient pas, selon les affirmations non contestées de la République française, 4 % du total, et seraient du reste encore en diminution.

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46 – Contrairement à ce qui s’est produit en Italie et en Allemagne, où l’exercice sous la forme de société de la profession de pharmacien a été autorisé – en vertu de la législation soumise à l’examen de la Cour dans les affaires qui ont donné lieu aux arrêts concernant ce secteur – sous la seule forme des sociétés de personnes (et aussi, pour ce qui concerne la République italienne, sous la forme de société coopérative à responsabilité limitée) constituées entre des personnes justifiant toutefois
des qualifications requises.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-89/09
Date de la décision : 02/06/2010
Type de recours : Recours en constatation de manquement - non fondé, Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d’État - Liberté d’établissement - Article 43 CE - Santé publique - Exploitation des laboratoires d’analyses de biologie médicale - Législation nationale limitant à 25 % du capital social la participation des associés n’exerçant pas la profession de biologiste - Interdiction de participer au capital de plus de deux sociétés exploitant en commun un ou plusieurs laboratoires d’analyses de biologie médicale - Objectif visant à assurer l’indépendance professionnelle des biologistes - Objectif visant à maintenir une pluralité de l’offre en matière de biologie médicale - Cohérence - Proportionnalité.

Droit d'établissement


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : République française.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: Rosas

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2010:305

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