CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. YVES BOT
présentées le 31 mars 2009 ( 1 )
Affaire C-385/07 P
Der Grüne Punkt — Duales System Deutschland GmbH
contre
Commission des Communautés européennes
«Pourvoi — Concurrence — Article 82 CE — Système de collecte et de valorisation d’emballages usagés en Allemagne — Logo ‘Der Grüne Punkt’ — Redevance due au titre du contrat d’utilisation du logo — Abus de position dominante — Droit exclusif du titulaire d’une marque — Durée excessive de la procédure devant le Tribunal — Délai raisonnable — Principe de protection juridictionnelle effective — Articles 58 et 61 du statut de la Cour de justice»
1. La présente affaire a pour objet le pourvoi formé par Der Grüne Punkt — Duales System Deutschland GmbH (ci-après «DSD») contre un arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 24 mai 2007, Duales System Deutschland/Commission ( 2 ). Cette affaire concernait un abus de position dominante dans le domaine de la récupération des déchets d’emballages.
2. En vertu d’un décret allemand, les fabricants et les distributeurs d’emballages ont l’obligation de reprendre et de valoriser les emballages qu’ils mettent sur le marché allemand ( 3 ). La requérante est une entreprise qui propose à ces fabricants et ces distributeurs d’emballages de vente de collecter, de trier et de valoriser leurs emballages. À cette fin, ces derniers doivent apposer sur leurs emballages le logo Der Grüne Punkt. En contrepartie, les fabricants et les distributeurs doivent
payer une redevance à DSD qui comprend les coûts de la collecte, du tri et de la valorisation des emballages repris par DSD, ainsi que les frais administratifs y afférents.
3. C’est ce système mis en place par DSD qui est à l’origine de la décision 2001/463/CE de la Commission, du 20 avril 2001, relative à une procédure d’application de l’article 82 du traité CE ( 4 ).
4. La question qui se trouve au centre de ce pourvoi porte sur le point de savoir si la requérante peut se prévaloir du logo Der Grüne Punkt pour justifier le fait que les fabricants et les distributeurs doivent payer une redevance pour la totalité des emballages sur lesquels est apposé ce logo, alors même qu’une partie de ces emballages est non pas repris par le système de la requérante, mais par un système concurrent.
5. En outre, par le présent pourvoi, la Cour est amenée à se prononcer sur les conséquences du non-respect, par le Tribunal, de l’obligation de statuer dans un délai raisonnable. La requérante estime, en effet, que cette procédure qui a duré environ cinq ans et neuf mois viole le principe en question.
6. Dans les présentes conclusions, nous exposerons, tout d’abord, les motifs pour lesquels nous estimons que le pourvoi doit être rejeté.
7. Nous indiquerons, ensuite, que, dans le cadre de ce litige dans lequel la durée excessive du délai n’a pas eu de conséquence sur la nature de la décision rendue sur le fond par le Tribunal, la sanction appropriée au non-respect du droit de tout justiciable à être jugé dans un délai raisonnable nous semble devoir être trouvée non dans l’annulation de la décision litigieuse, mais dans la reconnaissance au profit de la requérante du droit d’engager une action en réparation fondée sur l’article 288,
deuxième alinéa, CE.
I — Le cadre juridique
A — Le droit communautaire
8. L’article 82 CE est rédigé comme suit:
«Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci.
Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à:
a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables;
[…]»
9. En cas de violation de l’article 82, premier alinéa et second alinéa, sous a), CE, la Commission des Communautés européennes peut, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962 ( 5 ), «obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée».
B — La réglementation allemande: le décret relatif à la prévention de la production des déchets d’emballages
10. Le 12 juin 1991 a été adopté le décret relatif à la prévention de la production des déchets d’emballages (Verordnung über die Vermeidung von Verpackungsabfällen) ( 6 ), dont la version révisée — applicable au présent litige — est entrée en vigueur le 28 août 1998 (ci-après le «décret sur les emballages»). Ce décret a pour objet de prévenir et de diminuer les répercussions sur l’environnement des déchets d’emballages et oblige, à cette fin, les fabricants et les distributeurs à reprendre et à
valoriser les emballages de vente usagés.
11. Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, dudit décret, les emballages de vente sont ceux qui emballent, aux points de vente, un article destiné au consommateur final. Il s’agit également des emballages ainsi que de la vaisselle et des couverts jetables utilisés par les commerces, la restauration et d’autres prestataires de services afin de permettre ou de faciliter la remise des produits au consommateur final.
12. Le fabricant est défini à l’article 3, paragraphe 7, du décret sur les emballages comme toute personne qui fabrique des emballages, des matériaux d’emballages ou des produits permettant de fabriquer directement des emballages, ainsi que toute personne qui introduit des emballages sur le territoire allemand. Quant au distributeur, l’article 3, paragraphe 8, dudit décret énonce qu’il s’agit de toute personne qui met sur le marché des emballages, des matériaux d’emballages ou des produits
permettant de fabriquer directement des emballages, ou encore des marchandises emballées, à n’importe quel niveau du circuit de distribution. Enfin, le consommateur final est défini à l’article 3, paragraphe 10, du même décret comme toute personne qui ne procède plus à la revente de la marchandise sous la forme sous laquelle elle lui a été livrée.
13. Afin de satisfaire à leur obligation de reprise et de valorisation des emballages de vente, les fabricants et les distributeurs doivent, conformément à l’article 6, paragraphes 1 et 2, du décret sur les emballages, reprendre gratuitement les emballages utilisés par les consommateurs finaux, au point de vente ou à proximité immédiate de celui-ci, et les soumettre à une valorisation. Ce système est appelé «système individuel». Dans le cadre dudit système, le distributeur doit, en vertu de
l’article 6, paragraphe 1, troisième phrase, dudit décret, signaler au consommateur final la possibilité de restituer l’emballage par des panneaux clairement reconnaissables et lisibles.
14. Selon l’article 6, paragraphe 3, première phrase, du décret sur les emballages, les fabricants et les distributeurs peuvent également faire le choix d’adhérer à un système qui assure une collecte régulière, sur l’ensemble de la zone de chalandise du distributeur, des emballages de vente usagés auprès du consommateur final ou à proximité de son domicile, afin de les soumettre à une valorisation. Ce système est appelé «système collectif». Selon le point 2, seconde phrase, figurant sous le titre 4
de l’annexe I de l’article 6 dudit décret, les fabricants et les distributeurs doivent faire apparaître leur participation à un système collectif par l’étiquetage ou tout autre moyen approprié. Ils peuvent faire mention de cette participation sur les emballages ou utiliser d’autres mesures, telles que, par exemple, une information de la clientèle sur le lieu de vente ou une notice jointe à l’emballage. Lorsque les fabricants et les distributeurs choisissent d’adhérer à un système collectif, ils
sont exonérés de leur obligation de reprise et de valorisation pour tous les emballages couverts par ce système.
15. En application de l’article 6, paragraphe 3, onzième phrase, du décret sur les emballages, les systèmes collectifs doivent être agréés par les autorités compétentes des Länder en cause. Pour être agréés, ces systèmes doivent, notamment, avoir un taux de couverture qui s’étende au territoire d’au moins un Land, réaliser des collectes régulières à proximité du domicile des consommateurs et avoir signé des accords avec les collectivités locales chargées de la gestion des déchets. Toute entreprise
qui remplit ces conditions dans un Land peut y organiser un système collectif agréé.
16. Afin de satisfaire pleinement à leur obligation de reprise et de valorisation des emballages de vente usagés, les fabricants et les distributeurs, quel que soit le système qu’ils choisissent, doivent respecter des taux de valorisation définis à l’annexe I de l’article 6 du décret sur les emballages et qui varient selon la matière qui compose l’emballage. La preuve du respect de ces taux doit être apportée, dans le cas du système individuel, par des attestations délivrées par des experts
indépendants et, dans le cas du système collectif, par la fourniture de données vérifiables sur les quantités d’emballages collectées et valorisées.
17. Par ailleurs, l’article 6, paragraphe 1, neuvième phrase, du décret sur les emballages indique que, si un distributeur ne remplit pas son obligation de reprise et de valorisation au moyen d’un système individuel, il doit le faire au moyen d’un système collectif.
C — Le système collectif de DSD, le contrat d’utilisation du logo et le contrat de services
18. DSD est une société qui exploite, depuis 1991, un système collectif sur l’ensemble du territoire allemand (ci-après le «système DSD»). À cet effet, DSD a été agréée, en 1993, par les autorités compétentes de tous les Länder.
19. Les relations entre DSD et les fabricants et les distributeurs adhérant au système de celle-ci sont régies par un contrat type qui a pour objet l’utilisation du logo Der Grüne Punkt (ci-après le «contrat d’utilisation du logo»). En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de ce contrat, l’entreprise adhérente est autorisée, contre rémunération, à apposer le logo Der Grüne Punkt sur les emballages de vente inclus dans le système DSD.
20. DSD assure, pour le compte des entreprises qui adhèrent à son système, la collecte, le tri et la valorisation des emballages de vente usagés qu’elles décident de faire participer au système DSD, les déchargeant ainsi de leur obligation de reprise et de valorisation desdits emballages. À cette fin, les entreprises adhérentes sont tenues de notifier les types d’emballage qu’elles désirent éliminer au moyen du système DSD et d’apposer le logo Der Grüne Punkt sur chaque emballage appartenant à ces
types et destiné à la consommation intérieure en Allemagne.
21. Les fabricants et les distributeurs qui utilisent le logo Der Grüne Punkt paient une redevance à DSD pour tous les emballages sur lesquels figurent ce logo et qu’ils mettent en circulation sur le territoire allemand. Le montant de cette redevance est calculé à partir de deux types d’éléments, à savoir, d’une part, le poids de l’emballage et le type de matériau utilisé et, d’autre part, le volume ou la surface de l’emballage. Les redevances sont exclusivement destinées à couvrir les coûts de
collecte, de tri et de valorisation, ainsi que les frais administratifs qui y sont afférents.
22. Le logo Der Grüne Punkt a été enregistré en tant que marque en 1991, par l’office allemand des brevets et des marques, DSD étant le titulaire de cette marque. Pour son utilisation en dehors de l’Allemagne, notamment dans les autres États membres de la Communauté européenne, DSD a cédé ses droits d’utilisation, sous forme d’une licence générale, à ProEurope (Packaging Recovery Organisation Europe SPRL), dont le siège est à Bruxelles (Belgique).
23. Dans le cadre du système DSD, les emballages portant le logo Der Grüne Punkt peuvent être recueillis soit dans des poubelles spéciales et différenciées selon qu’il s’agit de métaux, de plastiques et de matières composites, soit dans des conteneurs installés à proximité des habitations (en particulier pour le papier et le verre), alors que les déchets résiduels doivent être jetés dans les poubelles du système public d’élimination des déchets.
24. DSD ne collecte ni ne valorise elle-même les emballages usagés, mais sous-traite ces services à des entreprises locales. Les relations entre DSD et ces entreprises sont régies par un contrat type (ci-après le «contrat de services»). DSD a signé un tel contrat avec plus de 500 entreprises.
25. Le contrat de services a fait l’objet de la décision 2001/837/CE de la Commission, du 17 septembre 2001, dans une procédure ouverte au titre de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE ( 7 ). Par un arrêt du Tribunal du 24 mai 2007, Duales System Deutschland/Commission (T-289/01, Rec. p. II-1691), le recours de DSD tendant à l’annulation de cette décision a été rejeté.
II — Le cadre factuel
26. Les faits, tels qu’ils ressortent de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés de la manière suivante.
27. Le 2 septembre 1992, DSD a notifié à la Commission, outre ses statuts, un certain nombre d’accords, dont le contrat d’utilisation du logo et le contrat de services, en vue d’obtenir une attestation négative ou, à défaut, une décision d’exemption.
28. Après la publication au Journal officiel des Communautés européennes, le 23 juillet 1997 (JO C 100, p. 4), de la communication faite conformément à l’article 19, paragraphe 3, du règlement no 17 dans laquelle la Commission annonçait son intention de se déclarer favorable aux accords notifiés, celle-ci a reçu des observations de tiers intéressés concernant, notamment, différents aspects de l’application du contrat d’utilisation du logo. En particulier, ces tiers intéressés dénonçaient une
prétendue distorsion de concurrence résultant du paiement d’une double redevance en cas de participation au système DSD et à celui d’un autre prestataire de services.
29. Le 15 octobre 1998, DSD a présenté à la Commission une série d’engagements destinés à éviter que les fabricants et les distributeurs d’emballages adhérant au système DSD n’aient à payer une double redevance dans l’hypothèse où ils participeraient à un autre système collectif opérant au niveau régional.
30. Cet engagement était le suivant ( 8 ):
«Si des systèmes autres que [le système DSD], opérant à l’échelon régional, étaient mis en place et étaient officiellement agréés par les plus hautes autorités du Land conformément à l’article 6, paragraphe 3, du décret sur les emballages, [DSD] est disposée à appliquer le contrat d’utilisation du logo de façon telle que les adhérents aient la possibilité de participer à l’un de ces systèmes pour une partie de leurs emballages. [DSD] ne percevra alors aucune redevance au titre du contrat
d’utilisation du logo pour les emballages collectés par de tels systèmes, ce deuxième type de collecte devant être attesté par des preuves. La deuxième condition posée pour l’exonération de la redevance due sur les emballages portant le logo [Der Grüne Punkt] est qu’il ne soit pas porté atteinte à la protection de la marque [Der Grüne Punkt].»
31. Le 3 novembre 1999, la Commission a considéré que la série d’engagements présentée par DSD le 15 octobre 1998 devait également englober les systèmes individuels utilisés pour l’élimination d’une partie des emballages et non se limiter aux seuls systèmes collectifs.
32. Le 15 novembre 1999, certains fabricants d’emballages ont adressé une plainte à la Commission. Ils faisaient valoir que le contrat d’utilisation du logo empêchait la mise en place d’un système individuel de reprise des emballages. Ils considéraient que l’utilisation du logo, sans qu’il y ait pour autant prestation effective d’un service d’élimination des déchets par DSD, constituait un abus de position dominante de la part de DSD.
33. Par lettre du 13 mars 2000, DSD a présenté à la Commission deux engagements supplémentaires. L’un d’entre eux visait le cas dans lequel les fabricants et les distributeurs d’emballages choisiraient un système individuel pour une partie de leurs emballages et adhéreraient au système DSD pour la partie restante. Dans ce cas, DSD s’engageait à ne pas percevoir de redevance au titre du contrat d’utilisation du logo pour la partie des emballages reprise par le système individuel, à condition que des
preuves relatives à ce deuxième type de collecte lui soient apportées. Ces preuves devaient être apportées conformément aux exigences mentionnées au point 1 figurant sous le titre 2 de l’annexe I de l’article 6 du décret sur les emballages. Dans sa lettre du 13 mars 2000, DSD indiquait également qu’il ne lui paraissait pas nécessaire de modifier la série d’engagements présentée le 15 octobre 1998 ( 9 ).
34. Le 3 août 2000, la Commission a adressé une communication des griefs à DSD, à laquelle celle-ci a répondu par lettre du 9 octobre 2000.
35. Le 20 avril 2001, la Commission a adopté la décision litigieuse.
III — La décision litigieuse
36. La Commission retient comme points de départ de son raisonnement, d’une part, la possibilité pour un fabricant ou pour un distributeur d’emballages de combiner différents systèmes afin de satisfaire aux obligations qui lui incombent au titre du décret sur les emballages ( 10 ) et, d’autre part, la circonstance, non contestée par DSD, que celle-ci se trouve en position dominante. En effet, au moment de l’adoption de la décision litigieuse, DSD était la seule entreprise qui proposait un système
collectif sur tout le territoire allemand et le système DSD collectait environ 70 % des emballages de vente en Allemagne.
37. Puis, la Commission divise son appréciation juridique en deux parties, la première étant consacrée à l’analyse du comportement de DSD au regard de l’article 82 CE et la seconde à l’examen des mesures permettant à la Commission, sur le fondement de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 17, de mettre fin à l’abus constaté.
38. Selon la décision litigieuse, l’abus de position dominante se caractérise par le fait que la redevance perçue par DSD auprès des fabricants et des distributeurs d’emballages qui adhèrent au système DSD n’est pas conditionnée à l’utilisation effective de ce système, mais est calculée sur la base du nombre d’emballages portant le logo Der Grüne Punkt que ces fabricants et distributeurs commercialisent en Allemagne, que les emballages soient ou non valorisés par DSD. Or, les fabricants et les
distributeurs qui adhèrent au système DSD doivent, en vertu du contrat d’utilisation du logo, apposer ce logo sur chacun des emballages notifiés à DSD et destinés à la consommation en Allemagne.
39. La Commission relève ainsi que, en réalité, DSD lie la redevance uniquement à l’apposition du logo Der Grüne Punkt sur les emballages, indépendamment du fait de savoir si les emballages ainsi marqués seront effectivement repris ou non par le système DSD, alors qu’il est stipulé dans le contrat d’utilisation du logo que la redevance sert uniquement à couvrir les coûts liés à la collecte, au tri et à la valorisation des emballages usagés, ainsi qu’aux frais administratifs y afférents.
40. La Commission illustre sa position dans trois cas de figure, décrits dans la décision litigieuse.
41. Le premier cas de figure est celui dans lequel un fabricant ou un distributeur d’emballages décide d’adhérer au système DSD et à un autre système collectif. Ainsi, par exemple, une entreprise pourrait souhaiter avoir recours sur le territoire d’un Land seulement à un concurrent de DSD, les prix de celui-ci étant plus avantageux, et conserver DSD pour le reste du territoire fédéral où seul ce dernier est actif. Dans cette hypothèse, le contrat conclu avec DSD lui imposerait néanmoins de verser
une redevance à DSD, dans la mesure où les emballages mis sur le marché dans le Land en question porteraient le logo Der Grüne Punkt.
42. Le deuxième cas de figure concerne le cas où une entreprise décide de combiner un système individuel au système DSD comme, par exemple, dans le cadre de l’exploitation d’une chaîne de restauration rapide. En effet, dans ce type de restaurant, il est proposé le plus souvent au consommateur de consommer sur place ou bien d’emporter le produit de la vente, et donc, les emballages. Dans ce cas, il est tout à fait compréhensible que le distributeur, dans le cadre d’un système individuel, reprenne les
emballages usagés que le consommateur aura restitués sur place, au point de vente ou à proximité immédiate (par exemple dans des poubelles spéciales placées à l’extérieur). Pour les emballages emportés par le consommateur, et qui seront donc jetés loin du point de vente, le distributeur fait appel au système DSD.
43. Dans le troisième cas de figure, un fabricant ou un distributeur d’emballages met ces derniers sur le marché allemand, mais également sur le marché des autres États membres. Pour les emballages distribués sur le territoire des autres États membres, le fabricant ou le distributeur adhère à un système collectif qui utilise le logo Der Grüne Punkt. Cela peut être le cas, par exemple, pour des emballages mis sur le marché luxembourgeois et qui, selon les souhaits de l’entreprise mettant ces
emballages sur ce marché, sont repris par le système Valorlux. Cependant, pour diverses raisons, cette même entreprise ne souhaite pas adhérer au système DSD pour la reprise et la valorisation desdits emballages mis sur le territoire allemand. Nous pouvons imaginer que ladite entreprise produit des flacons en plastique qu’elle distribue sur le territoire luxembourgeois et dans un Land, sur le territoire allemand. Elle adhère, au Luxembourg, au système Valorlux et, sur le Land allemand, elle met
en place, par exemple, un système individuel de reprise et de valorisation.
44. Dans ces trois cas de figure, le comportement de DSD est, selon la Commission, clairement abusif, dans la mesure où il vise à imposer aux entreprises adhérentes des prix inéquitables et à empêcher l’entrée de concurrents sur le marché allemand pertinent.
45. En effet, dans chacun des cas qui viennent d’être décrits, le fabricant ou le distributeur d’emballages est confronté au même problème, à savoir que pour un même type d’emballages mis sur le marché allemand, il est contraint de payer deux redevances, même s’il ne participe au système DSD que sur le territoire d’un autre État membre et aucunement ou pour partie seulement de ses emballages sur le territoire allemand. Le fabricant ou le distributeur est, en effet, contraint d’apposer le logo Der
Grüne Punkt sur tous les emballages et doit donc payer la redevance pour chaque apposition de ce logo sur un emballage.
46. Le marquage sélectif envisagé, mais écarté par la Commission dans une telle hypothèse, reviendrait à ne marquer du logo Der Grüne Punkt que les emballages repris par le système DSD et obligerait le fabricant ou le distributeur à adopter deux lignes de production différentes pour un même emballage, dont l’une serait réservée aux emballages marqués du logo Der Grüne Punkt. Il en résulterait, selon la Commission, un surcoût significatif pour le fabricant ou le distributeur de ces emballages.
47. Poursuivant son analyse, la Commission estime que l’apposition du logo sur l’ensemble des emballages pour ensuite le masquer sur ceux destinés à des supermarchés de proximité ou à de grands magasins en libre service, utilisant des systèmes individuels ou un système collectif concurrent, afin de les distinguer de ceux repris par le système DSD, engendrerait un coût organisationnel supplémentaire pour le fabricant ou le distributeur.
48. De même, selon la Commission, le comportement du consommateur n’étant pas prévisible, ce dernier pouvant décider de remettre l’emballage au point de vente comme de le déposer dans un conteneur, le parcours d’un emballage ne serait pas déterminable par avance. Une bouteille en plastique sur laquelle est apposé le logo Der Grüne Punkt pourrait ainsi se retrouver dans un conteneur n’appartenant pas à DSD. Le fabricant ou le distributeur n’aurait pas les moyens logistiques et matériels de suivre le
parcours d’un déchet et de s’assurer qu’il est déposé au bon endroit.
49. La Commission en conclut que le fait de lier la redevance à l’apposition du logo Der Grüne Punkt sur les emballages oblige les entreprises assujetties au système DSD pour une partie de leurs emballages soit à disposer de lignes de production et de circuits de distribution distincts, entraînant un coût supplémentaire, soit à payer une redevance pour un service que DSD ne rend pas. DSD imposerait ainsi des conditions de transactions inéquitables.
50. Enfin, selon la Commission, la nature même du mécanisme du système mis en œuvre par DSD ne peut que dissuader les entreprises assujetties au système DSD, en raison du surcoût qui en résulterait automatiquement pour elles, de faire intervenir des entreprises concurrentes. Il y aurait donc là une entrave à l’entrée d’entreprises concurrentes sur le marché pertinent. En effet, ces entreprises, si elles décidaient de faire appel à DSD et à un autre système d’élimination des emballages, devraient
payer, pour la partie des emballages confiée au concurrent de DSD, deux redevances, à savoir celle de DSD pour l’apposition du logo et celle du concurrent pour la collecte, le tri et la valorisation effective de ces emballages.
51. Au vu de l’ensemble de ces éléments, la Commission en a conclu que DSD abusait de sa position dominante au sens de l’article 82 CE, tant envers ses clients qu’envers ses concurrents.
52. La Commission poursuit en indiquant aux points 136 à 153 des motifs de la décision litigieuse que la constatation d’abus n’est pas infirmée par la nécessité de préserver le caractère distinctif du logo Der Grüne Punkt. Elle énonce, au point 145 des motifs de ladite décision, que la fonction essentielle de ce logo est remplie s’il signale au consommateur que celui-ci a la possibilité de faire éliminer l’emballage par DSD.
53. Au terme de cette analyse, la Commission a arrêté la décision litigieuse suivante:
«Article premier
Le comportement de [DSD] consistant à exiger […] le versement d’une redevance pour la totalité des emballages de vente commercialisés en Allemagne avec le logo [Der Grüne Punkt] est incompatible avec le marché commun lorsque les entreprises assujetties en vertu du décret sur les emballages:
a) ne recourent au service de prise en charge de l’obligation d’élimination des déchets prévue à l’article 2 du contrat d’utilisation du logo que pour une partie des emballages ou n’y ont pas recours, mais mettent sur le marché en Allemagne un emballage standardisé, également commercialisé dans un autre pays membre de l’Espace économique européen et pour lequel elles adhèrent à un système de reprise utilisant le logo [Der Grüne Punkt], et
b) prouvent que, en ce qui concerne la quantité d’emballages, totale ou partielle, pour laquelle elles ne recourent pas au service de prise en charge de l’obligation d’élimination des déchets, elles s’acquittent des obligations de reprise qui leur sont imposées par le décret sur les emballages par le biais de systèmes collectifs concurrents ou de systèmes individuels.
[…]»
54. Après avoir constaté l’existence d’un abus, la décision litigieuse détermine, en application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 17, la manière dont DSD doit mettre fin à cette infraction. La principale de ces mesures est définie à l’article 3 de ladite décision:
«DSD est tenue de s’engager envers tous les signataires du contrat d’utilisation du logo à ne pas percevoir de redevance sur les quantités d’emballages de vente commercialisés en Allemagne avec le logo [Der Grüne Punkt], pour lesquelles il n’est pas fait appel au service de prise en charge de l’obligation d’élimination des déchets conformément à l’article 2 dudit contrat d’utilisation du logo et pour lesquelles les obligations imposées par le décret sur les emballages sont remplies d’une autre
manière. […]»
IV — Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
55. DSD, par une requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juillet 2001, a introduit un recours visant à l’annulation de la décision litigieuse.
56. DSD a également introduit une demande de sursis à l’exécution de la décision litigieuse. Par ordonnance du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission (T-151/01 R, Rec. p. II-3295), le président du Tribunal a rejeté cette demande.
57. Par ordonnance du 5 novembre 2001, le Tribunal a admis les interventions de Vfw AG (ci-après «Vfw»), Landbell AG für Rückhol-Systeme (ci-après «Landbell») et BellandVision GmbH (ci-après «BellandVision») au soutien de la Commission.
58. La procédure écrite a été clôturée le 9 septembre 2002.
59. Le 19 juin 2006, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a adressé aux parties une série de questions. Celles-ci ont été entendues lors de l’audience des 11 et 12 juillet 2006.
60. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours de la requérante.
61. Cette dernière invoquait, en substance, trois moyens tirés, premièrement, de la violation de l’article 82 CE, deuxièmement, de la violation de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 17 et du principe de proportionnalité et, troisièmement, de la violation de l’article 86, paragraphe 2, CE.
62. Le Tribunal a rejeté le premier moyen comme étant non fondé.
63. Par son premier moyen, la requérante faisait valoir, en substance, que, contrairement à ce qui semblait apparaître dans la décision litigieuse, une licence obligatoire de sa marque Der Grüne Punkt n’était aucunement obligatoire afin que le fabricant ou le distributeur d’emballages puisse participer à un système concurrent. Ainsi, DSD soutenait qu’un marquage sélectif des emballages, permettant que ceux ayant le logo Der Grüne Punkt soient uniquement déposés dans les installations du système DSD,
était possible.
64. La requérante estimait, également, que les dispositions litigieuses du contrat d’utilisation du logo étaient nécessaires afin de garantir la réalisation des objectifs du décret sur les emballages, de préserver les différentes fonctions de la marque Der Grüne Punkt et de permettre le bon fonctionnement du système DSD.
65. Après avoir indiqué au point 139 de l’arrêt attaqué qu’il était possible pour un fabricant ou un distributeur d’emballages de faire appel à la fois à un système individuel et à un système collectif pour se conformer aux taux de valorisation, le Tribunal a, aux points 142 à 163 de l’arrêt attaqué, exposé les raisons pour lesquelles DSD abusait de sa position dominante. Il a ainsi jugé que la solution du marquage sélectif n’était pas imposée dans le décret sur les emballages et ne permettait pas
de mettre fin à l’abus caractérisé dans la décision litigieuse. Il a ensuite indiqué, au point 150 de l’arrêt attaqué, que l’exclusivité revendiquée par la requérante n’était pas imposée dans ledit décret en cas de recours à des systèmes mixtes et a précisé que le logo Der Grüne Punkt n’avait pas l’incidence que la requérante lui prêtait.
66. Le Tribunal a, en outre, jugé au point 156 de l’arrêt attaqué que «le fait que le logo Der Grüne Punkt et l’indication d’un ‘moyen approprié’ désignant un autre système collectif […] figurent sur un même emballage, en cas d’utilisation conjointe de deux systèmes collectifs, et le fait qu’apparaissent sur un même emballage le logo Der Grüne Punkt et l’indication d’une possibilité de restitution au magasin, en cas d’utilisation conjointe du système DSD et d’un système individuel, ne portent pas
atteinte à la fonction essentielle de la marque».
67. Le Tribunal en a conclu, au point 164 de l’arrêt attaqué, que «ni le décret sur les emballages, ni le droit des marques, ni les nécessités propres au fonctionnement du système DSD n’autorisent la requérante à exiger des entreprises qui font appel à son système le versement d’une redevance pour la totalité des emballages commercialisés en Allemagne avec le logo Der Grüne Punkt, lorsque ces entreprises démontrent qu’elles ne recourent pas au système DSD pour une partie ou la totalité de ces
emballages».
68. Par son deuxième moyen, la requérante estimait que les mesures prises par la Commission dans la décision litigieuse ne satisfaisaient pas aux exigences énoncées à l’article 3 du règlement no 17.
69. Elle considérait, notamment, que le marquage sélectif des emballages en fonction du système utilisé était plus approprié que l’obligation imposée dans la décision litigieuse. La requérante soutenait, également, que les articles 3 et 4, paragraphe 2, de la décision litigieuse étaient disproportionnés, parce qu’ils l’obligeaient à accorder aux tiers une licence d’utilisation de la marque Der Grüne Punkt. En outre, elle faisait valoir que la décision litigieuse lui imposait de ne pas percevoir de
redevance pour la simple utilisation de ce logo, lorsqu’il était prouvé que les obligations issues du décret sur les emballages étaient respectées par une autre méthode.
70. Le Tribunal a rejeté ce moyen. Il a jugé, au point 173 de l’arrêt attaqué, que «le fait qu’il puisse être théoriquement possible d’apposer sélectivement le logo sur les emballages ne saurait avoir pour conséquence d’entraîner l’annulation des mesures [prises dans le cadre de la décision litigieuse] étant donné que cette solution est plus coûteuse et difficile à mettre en œuvre pour les fabricants et les distributeurs d’emballages que les mesures définies aux articles 3 et 5 de [cette décision],
lesquelles visent seulement à limiter la rémunération du service proposé par DSD au service effectivement rendu par son système».
71. Le Tribunal a également indiqué, au point 181 de l’arrêt attaqué, que les obligations contenues dans la décision litigieuse avaient pour objet non pas d’imposer à DSD une licence sans restriction dans le temps pour l’utilisation du logo Der Grüne Punkt, mais seulement d’obliger DSD à ne pas percevoir de redevance sur la totalité des emballages revêtus de ce logo lorsqu’il est démontré que la totalité ou une partie seulement de ces emballages a été reprise et valorisée au moyen d’un autre
système.
72. Répondant à l’argument de la requérante selon lequel elle pouvait percevoir une redevance adéquate pour la simple utilisation de la marque, le Tribunal a indiqué, au point 196 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse devait être interprétée en ce sens qu’elle n’excluait pas la possibilité pour DSD de percevoir une redevance adéquate pour la seule utilisation de la marque lorsqu’il est démontré que l’emballage portant ledit logo a été repris et valorisé par un autre système.
73. Par son troisième moyen, la requérante faisait valoir qu’une violation de l’article 82 CE était exclue, parce qu’elle était chargée d’un service d’intérêt économique général au sens de l’article 86, paragraphe 2, CE, à savoir la gestion des déchets à des fins environnementales.
74. Le Tribunal a indiqué, au point 208 de l’arrêt attaqué, que, à supposer même que la requérante soit investie d’un tel service, il n’en demeurait pas moins que le risque d’une remise en cause de cette mission du fait de la décision litigieuse n’était pas démontré. Le Tribunal a ajouté, au point 211 de l’arrêt attaqué, que DSD n’ayant pas invoqué le bénéfice de l’article 86, paragraphe 2, CE dans le cadre de la procédure administrative, il ne pouvait pas être reproché à la Commission de ne pas
avoir motivé sa décision sur ce point.
75. En conséquence, le Tribunal a conclu, au point 213 de l’arrêt attaqué, que le recours devait être rejeté dans son ensemble.
V — La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
76. En application de l’article 56 du statut de la Cour de justice, DSD, par requête déposée au greffe de la Cour le 8 août 2007, a formé un pourvoi contre l’arrêt attaqué.
77. Par requête déposée au greffe de la Cour le 16 novembre 2007, Interseroh Dienstleistungs GmbH (ci-après «Interseroh»), qui exploite depuis l’année 2006 un système collectif sur l’ensemble du territoire allemand, a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 21 février 2008, le président de la Cour a admis cette intervention.
78. DSD conclut à ce qu’il plaise à la Cour:
— annuler l’arrêt attaqué;
— annuler la décision litigieuse;
— à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il rende un arrêt conforme à l’arrêt de la Cour, et
— en tout état de cause, condamner la Commission aux dépens.
79. La Commission, Vfw, Landbell, BellandVision et Interseroh concluent à ce qu’il plaise à la Cour:
— rejeter le pourvoi, et
— condamner DSD aux dépens.
VI — Les moyens du pourvoi et l’analyse juridique
80. Il convient, à présent, d’analyser les moyens du pourvoi à la lumière de ces observations.
81. La requérante invoque huit moyens au soutien de son pourvoi.
82. Par son premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir violé l’obligation de motivation en faisant des constatations contradictoires sur l’abus qui lui est reproché.
83. Par son deuxième moyen, DSD estime que le Tribunal aurait dénaturé le contrat d’utilisation du logo en retenant que, en vertu de ce contrat, la requérante accorde une licence d’utilisation de la marque Der Grüne Punkt pour des emballages repris par des systèmes concurrents.
84. DSD considère, par son troisième moyen, que le Tribunal, en constatant que la marque Der Grüne Punkt ne peut pas bénéficier de l’exclusivité revendiquée, a violé son obligation de motivation et a dénaturé le décret sur les emballages.
85. Par son quatrième moyen, la requérante invoque une violation du droit communautaire des marques.
86. Par son cinquième moyen, DSD fait valoir que le Tribunal a violé l’article 82 CE, d’une part, en considérant d’une manière insuffisamment motivée et contraire aux éléments du dossier que la requérante a abusé de sa position dominante en octroyant des licences d’utilisation de la marque Der Grüne Punkt pour les emballages qui ne sont pas repris par son système et, d’autre part, en ne respectant pas les conditions nécessaires à l’octroi d’une licence obligatoire.
87. Par son sixième moyen, la requérante estime que le Tribunal a violé l’article 3 du règlement no 17 et le principe de proportionnalité en l’obligeant à accorder une licence pour les entreprises dont les emballages ne sont pas repris par son système, ainsi qu’en la privant du droit d’apposer une mention explicative sur les emballages portant le logo Der Grüne Punkt et qui ne sont pas repris par le système DSD.
88. DSD invoque, par son septième moyen, un vice de procédure en tant que le Tribunal aurait substitué sa propre motivation à celle de la Commission.
89. Enfin, par son huitième moyen, la requérante estime que le Tribunal aurait violé son droit à être jugée dans un délai raisonnable.
A — Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation due à des motifs contradictoires
90. Par ce premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir formulé des constatations contradictoires sur le prétendu abus de position dominante et d’avoir ainsi violé son obligation de motivation.
1. Arguments des parties
91. Selon la requérante, la contradiction réside dans le fait qu’il ressort, d’une part, de l’analyse faite par le Tribunal, et notamment des points 48, 50, 58, 60, 119, 163 et 164 de l’arrêt attaqué, que DSD exige des entreprises adhérentes au système DSD qu’elles s’acquittent d’une redevance pour les emballages de vente qui n’ont pas été repris par ce système et que, d’autre part, le Tribunal a constaté, au point 194 de l’arrêt attaqué, qu’«il ne saurait être exclu que la marque Der Grüne Punkt
apposée sur l’emballage en cause puisse avoir une valeur économique en tant que telle» et que, «même si [l’]emballage n’est pas effectivement apporté au système DSD et qu’il est démontré que son équivalent en matière a été collecté ou valorisé par un système concurrent, il n’en demeure pas moins que la marque laisse au consommateur la possibilité d’éliminer cet emballage par le biais du système DSD». Ainsi, poursuit le Tribunal, «[u]ne telle possibilité offerte au consommateur pour tous les
emballages commercialisés avec le logo Der Grüne Punkt […] est susceptible d’avoir un prix, qui […] devrait pouvoir être versé à DSD en contrepartie de la prestation offerte en l’espèce, à savoir la mise à disposition de son système».
92. La Commission estime que ce moyen n’est pas fondé. Elle rappelle que la redevance vise à couvrir les frais résultant de la collecte, du tri et de la valorisation, ainsi que les frais de gestion. En revanche, la redevance ne représenterait pas une contre-prestation pour l’utilisation de la marque. La décision litigieuse et l’arrêt attaqué ne concerneraient donc pas la question d’une redevance pour l’utilisation de la marque. Le Tribunal aurait logiquement distingué aux points 194 à 196 de l’arrêt
attaqué, d’une part, l’abus commis par la requérante et, d’autre part, la possibilité pour elle de percevoir une redevance adéquate pour la seule utilisation de la marque.
93. Vfw, Landbell et BellandVision estiment, comme la Commission, qu’il n’existe pas de contradictions. Le point 194 de l’arrêt attaqué n’aurait rien à voir avec les constatations du Tribunal sur l’abus. Il concernerait seulement la question de savoir si la simple apposition du logo Der Grüne Punkt sur les emballages peut avoir un prix, même lorsque DSD ne fournit aucun service d’élimination.
2. Appréciation
94. Dans le cadre du premier moyen relatif à la violation de l’article 82 CE, le Tribunal a examiné, aux points 86 à 163 de l’arrêt attaqué, si la requérante abusait de sa position dominante sur le marché allemand pertinent. Il en a conclu, aux points 164 et 165 de cet arrêt, que «ni le décret sur les emballages, ni le droit des marques, ni les nécessités propres au fonctionnement du système DSD n’autorisent la requérante à exiger des entreprises qui font appel à son système le versement d’une
redevance pour la totalité des emballages commercialisés en Allemagne avec le logo Der Grüne Punkt, lorsque ces entreprises démontrent qu’elles ne recourent pas au système DSD pour une partie ou la totalité de ces emballages». Le Tribunal a donc rejeté le premier moyen.
95. Il ressort du point 191 de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est prononcé, dans le cadre du deuxième moyen tiré de la violation de l’article 3 du règlement no 17 et de la violation du principe de proportionnalité, sur l’argument de la requérante selon lequel les articles 3 et 4 de la décision litigieuse excluaient la perception d’une redevance pour la seule utilisation de la marque. Le Tribunal a expliqué, aux points 194 à 196 de cet arrêt, les raisons pour lesquelles DSD pouvait percevoir une
redevance adéquate pour la seule utilisation de la marque, lorsqu’il est démontré que l’emballage portant le logo Der Grüne Punkt a été repris et valorisé par un autre système.
96. Le Tribunal a ainsi constaté aux points 194 à 196 de l’arrêt attaqué que le logo Der Grüne Punkt pouvait avoir une valeur économique et que la seule apposition de ce logo sur un emballage «était susceptible d’avoir un prix».
97. Selon nous, le Tribunal n’a pas formulé de constatations contradictoires. Il a distingué entre une redevance qui ne couvre que les frais afférant à l’utilisation effective du système, seule en cause dans la présente affaire, et une redevance adéquate pour la seule utilisation du logo Der Grüne Punkt, celle-ci, d’une autre nature, n’étant qu’une possibilité de négociation se situant sur un plan complètement différent et étranger à la saisine du Tribunal.
98. Dès lors, au regard des éléments qui précèdent, nous sommes d’avis que le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
B — Sur le deuxième moyen, tiré d’une dénaturation du contrat d’utilisation du logo
99. Par ce deuxième moyen, DSD reproche au Tribunal d’avoir dénaturé le contrat d’utilisation du logo.
1. Arguments des parties
100. Au soutien de ce moyen, la requérante invoque plusieurs arguments.
101. Premièrement, selon DSD, le Tribunal aurait constaté qu’elle accorde, en vertu de ce contrat, une licence isolée pour l’utilisation du logo Der Grüne Punkt, c’est-à-dire une licence pour le marquage des emballages de vente pour lesquels il n’est pas recouru au système DSD. Le Tribunal aurait, dès lors, commis une erreur de droit en dénaturant le contrat d’utilisation du logo.
102. La requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en compte ses arguments démontrant qu’elle n’accorde pas de licence isolée et que le contrat d’utilisation du logo se limite à octroyer un droit d’utiliser le logo aux entreprises adhérentes afin que DSD prenne en charge les obligations de reprise et de valorisation découlant du décret sur les emballages. Par conséquent, DSD estime que si le contrat d’utilisation du logo se limite à octroyer un droit d’apposition du logo sur les emballages
permettant ainsi la prise en charge de ces emballages par son système d’élimination, il n’y aurait pas de disparité entre la prestation qu’elle offre et la redevance. Un abus serait donc exclu.
103. Deuxièmement, DSD soutient que l’interprétation donnée par le Tribunal au contrat d’utilisation du logo est contraire aux éléments du dossier. En effet, il résulterait de la correspondance échangée entre DSD et la Commission au cours de la procédure administrative que DSD n’accordait pas de licence isolée, mais qu’elle refusait seulement d’accepter que les emballages destinés à des systèmes concurrents puissent être revêtus du logo Der Grüne Punkt.
104. Troisièmement, la requérante reproche au Tribunal d’avoir dénaturé des éléments de preuve sur lesquels il se serait fondé et au vu desquels il aurait constaté que la requérante proposait une licence isolée. Le Tribunal aurait, en particulier, commis une erreur de droit en constatant dans l’arrêt de l’Oberlandesgericht Düsseldorf du 11 août 1998, Hetzel, et dans celui du Bundesgerichtshof du 15 mars 2001, Bäko, dans les plaintes dont a été saisies la Commission, ainsi que dans le cadre de la
thèse initialement défendue par la requérante que DSD proposait une licence isolée.
105. La requérante vise, en fait, le point 163 de l’arrêt attaqué selon lequel le Tribunal a jugé que «les nécessités propres au fonctionnement du système DSD ne sauraient être à même de justifier le comportement de la requérante, caractérisé dans les arrêts [précités Hetzel et Bäko], cités par la Commission […], les différentes plaintes présentées à la Commission […] et la thèse présentée initialement par DSD dans sa requête […], consistant à exiger le versement d’une redevance pour la totalité des
emballages commercialisés en Allemagne avec le logo Der Grüne Punkt, alors même que la preuve est rapportée que certains de ces emballages ont été repris et valorisés par un autre système collectif ou par un système individuel».
106. La Commission rappelle qu’elle se fonde uniquement, pour constater l’abus, sur le régime de redevance défini dans le contrat d’utilisation du logo. Elle précise que la disproportion entre la redevance exigée et le service effectivement réalisé par DSD n’a de rapport avec l’utilisation de la marque que dans la mesure où DSD se sert du logo Der Grüne Punkt pour exercer sur les entreprises adhérant à son système une pression économique.
107. Vfw, Landbell et BellandVision estiment que ce moyen est irrecevable, dans la mesure où DSD ne peut fonder son pourvoi que sur la violation par le Tribunal de dispositions juridiques et non sur une appréciation prétendument erronée des faits.
2. Appréciation
108. Nous comprenons que la requérante reproche au Tribunal d’avoir déduit de son appréciation des éléments du dossier et des éléments de preuve que DSD accorde une licence d’utilisation du logo Der Grüne Punkt aux entreprises adhérentes pour les emballages qui ne sont pas repris ni valorisés par son système. Selon la requérante, le Tribunal aurait dû interpréter le contrat d’utilisation du logo comme un contrat liant la redevance uniquement à la prestation fournie.
109. Selon nous, la requérante se méprend sur les constatations du Tribunal.
110. En effet, après avoir exposé les arguments des parties, le Tribunal rappelle à titre liminaire, au point 141 de l’arrêt attaqué, que «seules les dispositions du contrat d’utilisation du logo relatives à la redevance sont qualifiées d’abusives par la décision [litigieuse] (à savoir l’article 4, paragraphe 1, et l’article 5, paragraphe 1, du contrat)». Le Tribunal poursuit en précisant que «[l]a décision [litigieuse] ne critique donc pas le fait que l’article 3, paragraphe 1, du contrat impose au
fabricant ou au distributeur qui souhaite utiliser le système DSD d’apposer le logo Der Grüne Punkt sur chaque emballage notifié et destiné à la consommation intérieure».
111. Dans l’exposé du cadre juridique, le Tribunal a indiqué, au point 17 de l’arrêt attaqué, que le montant de la redevance versée par les entreprises adhérant au système DSD sert exclusivement, en vertu de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du contrat d’utilisation du logo, à couvrir les coûts de collecte, de tri et de valorisation, ainsi que les frais administratifs qui y sont afférents.
112. Nous retenons de ce qui précède que le Tribunal a clairement identifié, en vertu de ce contrat, les obligations de DSD ainsi que la contrepartie qui doit être versée par le fabricant ou le distributeur et qui prend la forme d’une redevance. Ce qui est reproché à DSD est le déséquilibre entre cette redevance qui est exigée des entreprises adhérentes et la prestation effectivement fournie, puisque quand bien même certains emballages sont repris par un système concurrent, DSD, en vertu du contrat
d’utilisation du logo, fait payer une redevance pour ces emballages, redevance qui, nous le rappelons, sert exclusivement à couvrir les coûts de collecte, de tri et de valorisation, ainsi que les frais administratifs.
113. Dès lors, le Tribunal n’a pas, selon nous, interprété le contrat d’utilisation du logo comme ayant pour effet d’accorder une licence d’utilisation du logo Der Grüne Punkt aux entreprises adhérentes pour les emballages qui ne sont pas repris ni valorisés par le système DSD.
114. Ainsi que la Commission l’a souligné, le logo Der Grüne Punkt n’a de rapport avec le contrat d’utilisation du logo que dans la mesure où ce logo joue un rôle d’identification. La requérante l’a soutenu elle-même devant le Tribunal. Au point 124 de l’arrêt attaqué, ce dernier a, en effet, rappelé les arguments de DSD selon lesquels «[l]a marque Der Grüne Punkt permettrait ainsi, tout à la fois, d’indiquer quels sont les emballages transférés à DSD […] et de signaler au consommateur ce qu’il doit
en faire».
115. Dès lors, nous pensons que le Tribunal est, à juste titre, parti du postulat suivant. Le contrat d’utilisation du logo a pour objet de permettre aux entreprises adhérentes de se libérer de leur obligation de reprise et de valorisation des emballages. En contrepartie de ces prestations, ces entreprises doivent payer une redevance à DSD pour tous les emballages notifiés que ces emballages soient effectivement repris ou non par le système DSD, le logo servant à identifier les emballages notifiés.
116. Par conséquent, il nous semble que le deuxième moyen doit également être rejeté comme étant non fondé.
C — Sur le troisième moyen, tiré d’une motivation insuffisante et d’une dénaturation du décret sur les emballages du fait de l’impossibilité de revendiquer une exclusivité du logo Der Grüne Punkt
117. Par son troisième moyen, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir suffisamment motivé la constatation en vertu de laquelle la marque Der Grüne Punkt ne pourrait pas bénéficier de l’exclusivité revendiquée et d’avoir, par cette constatation, dénaturé le décret sur les emballages et violé le droit des marques.
118. Au soutien de ce moyen, la requérante invoque plusieurs arguments.
119. Par son premier argument, la requérante estime que le Tribunal, en constatant qu’elle ne pouvait pas revendiquer une exclusivité de la marque Der Grüne Punkt, s’est uniquement fondé sur l’exposé contradictoire de l’audience et n’aurait, dès lors, pas suffisamment motivé cette constatation.
120. Par son deuxième argument, la requérante considère que la constatation du Tribunal selon laquelle le fabricant ou le distributeur d’emballages transfère à DSD une quantité de matière serait contraire aux dispositions du contrat d’utilisation du logo, à celles du décret sur les emballages et à l’exigence découlant du droit des marques selon laquelle les emballages relevant du système DSD doivent être identifiables.
121. Par ses troisième, quatrième et cinquième arguments, DSD reproche au Tribunal d’avoir dénaturé le décret sur les emballages en constatant, premièrement, qu’un emballage peut relever en même temps du système DSD et d’un autre système collectif, deuxièmement, qu’un distributeur ayant adhéré à un système collectif peut, a posteriori, remplir ses obligations de reprise et de valorisation au moyen d’un système individuel et, troisièmement, qu’un distributeur remplissant de telles obligations au
moyen d’un système individuel puisse adhérer, a posteriori, à un système collectif.
122. Par son sixième argument, DSD estime que la constatation du Tribunal, selon laquelle les emballages qui ne sont pas éliminés par le système DSD peuvent se voir apposer le logo Der Grüne Punkt, prive ce logo de son caractère distinctif et est manifestement contraire au principe de transparence énoncé dans le décret sur les emballages.
123. Enfin, par son septième argument, la requérante considère que le refus, par le Tribunal, d’accepter l’exclusivité du logo Der Grüne Punkt est incompatible avec le droit des marques.
1. Sur le premier argument du troisième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation
a) Arguments des parties
124. DSD estime que la constatation faite au point 161 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la marque Der Grüne Punkt ne pourrait pas bénéficier de l’exclusivité revendiquée, est insuffisamment motivée. En particulier, la requérante reproche au Tribunal de se fonder sur l’exposé contradictoire de l’audience, sans qu’il soit possible, sur le fondement de l’arrêt attaqué ou du compte rendu d’audience, de déterminer quel était l’objet dudit exposé.
125. La Commission soutient que l’appréciation des justifications tirées du droit des marques ne repose pas pour l’essentiel sur des éléments exposés lors de l’audience.
b) Appréciation
126. Comme la Commission, nous pensons que cet argument doit être rejeté comme étant non fondé.
127. En effet, le Tribunal, au point 139 de l’arrêt attaqué, indique que l’exposé contradictoire qui résulte de l’audience lui permet d’opérer la constatation suivante. «[L]e fabricant ou le distributeur d’emballages ne transfère pas à DSD un nombre déterminé d’emballages destinés à être revêtus du logo Der Grüne Punkt, mais plutôt une quantité de matière que ce fabricant ou ce distributeur va commercialiser en Allemagne et dont il entend confier au système DSD la reprise et la valorisation. Il est
donc possible pour un fabricant ou un distributeur d’emballages de faire appel à des systèmes mixtes pour se conformer aux taux de valorisation fixés dans le décret [sur les emballages]».
128. Sur le fondement de cette constatation, le Tribunal a examiné les critiques de la requérante sur l’analyse exposée dans la décision litigieuse et, notamment, les justifications relatives au droit des marques avancées par la requérante.
129. Aux points 103 à 114 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a identifié les arguments soulevés par les parties lors de la procédure écrite et relatifs à la justification des dispositions litigieuses du contrat d’utilisation du logo par le droit des marques.
130. Puis, au point 156 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué qu’il ressort d’un arrêt du Kammergericht Berlin du 14 juin 1994 que «[la marque Der Grüne Punkt] ‘se limite à énoncer, pour le service visé, que le produit sur lequel il figure peut être éliminé au moyen du système DSD’ sans fournir d’indication sur la qualité du service proposé». Le Tribunal ajoute que, «en cas d’attribution d’une partie des emballages à un concurrent de DSD, le consommateur est libre de décider s’il fait valoriser
l’emballage par le système DSD ou par le système concurrent».
131. Le Tribunal en a conclu, au point 157 de l’arrêt attaqué, que, «dès lors que la fonction du logo Der Grüne Punkt est d’identifier la possibilité d’élimination de l’emballage en cause via le système DSD et que ce logo peut être apposé conjointement avec d’autres signes ou d’autres mécanismes permettant d’identifier une autre possibilité d’élimination via un système individuel ou un système collectif concurrent, il ne peut être allégué que la décision [litigieuse] constitue une atteinte
disproportionnée au droit des marques ou, en tout état de cause, une atteinte non justifiée par la nécessité d’éviter un abus de position dominante au sens de l’article 82 CE».
132. En outre, le Tribunal, au point 158 de l’arrêt attaqué, a répondu à l’argument de la requérante remettant en cause l’affirmation contenue dans la décision litigieuse et en vertu de laquelle il ressort de l’arrêt du Kammergericht Berlin que la fonction essentielle du logo Der Grüne Punkt est remplie dès que celui-ci signale au consommateur qu’il a la possibilité de faire éliminer l’emballage par DSD. Le Tribunal estime que cet argument n’est pas pertinent, car «[il] se limite à relever le
contexte particulier dans lequel intervient l’arrêt […] sans pour autant remettre en cause la conclusion à laquelle parvient la Commission, à savoir que plusieurs indications informant le consommateur sur la conduite à tenir en ce qui concerne les différents systèmes susceptibles de le reprendre et de le valoriser peuvent figurer sur un même emballage».
133. Le Tribunal a poursuivi, au point 159 de l’arrêt attaqué, en expliquant que les résultats des sondages d’opinion dont se prévaut la requérante et qui, selon cette dernière, confirment le caractère distinctif de la marque, ne remettent pas en cause le raisonnement exposé dans la décision litigieuse. Le Tribunal indique, à cet égard, qu’«il est logique que les consommateurs identifient le logo Der Grüne Punkt apposé sur l’emballage comme étant l’indication que celui-ci peut être remis dans les
installations de collecte situées à proximité de leur domicile. Cependant, cela ne permet pas de connaître les réactions de ces consommateurs en présence d’un emballage sur lequel sont apposés plusieurs logos identifiant des systèmes collectifs. Or, la Commission et les parties intervenantes indiquent, à cet égard, ce qui a été confirmé lors de l’audience, que les installations de collecte utilisées par ces systèmes sont généralement les mêmes et que, la plupart du temps, le consommateur dépose
les emballages dans ces installations en fonction de la matière utilisée et non en fonction du logo figurant sur l’emballage».
134. La requérante a également soutenu devant le Tribunal que le fait d’apposer la marque Der Grüne Punkt sur un emballage participant à un système concurrent porte atteinte à la fonction distinctive de cette marque, puisque les consommateurs sont trompés dans tous les cas de figure envisagés dans la décision litigieuse. Dans les cas où il y a combinaison d’un système individuel avec le système DSD, la requérante argue que près de 48,4 % des consommateurs ne comprendraient pas les informations
contradictoires représentées par l’indication d’une reprise en magasin et par celle transmise par le logo Der Grüne Punkt d’une reprise à proximité du domicile au moyen du système DSD ( 11 ).
135. Le Tribunal répond à cet argument au point 160 de l’arrêt attaqué et estime que «[ledit] argument pris de la tromperie à l’égard du public visé par la marque ne saurait prospérer […], étant donné que le contrat d’utilisation du logo ne concerne que les utilisateurs dudit logo, à savoir les fabricants et les distributeurs d’emballages qui ont recours au système DSD, et non les consommateurs».
136. Le Tribunal termine son analyse en précisant, au point 161 de l’arrêt attaqué, «qu’accepter l’exclusivité revendiquée par la requérante n’aurait d’autre effet que d’empêcher les fabricants et distributeurs d’emballages de recourir à un système mixte et de légitimer la possibilité, pour la requérante, d’être rémunérée pour un service dont les intéressés ont pourtant démontré qu’il n’a pas été concrètement effectué puisque confié à un autre système collectif ou à un système individuel selon les
modalités définies à l’article 1er de la décision [litigieuse]».
137. Au regard de l’ensemble de ces éléments, nous estimons que la motivation du Tribunal concernant la constatation selon laquelle la marque Der Grüne Punkt ne peut pas bénéficier de l’exclusivité revendiquée par la requérante ne repose pas, contrairement à ce que soutient cette dernière, essentiellement sur l’exposé contradictoire qui ressort de l’audience et ne souffre d’aucune insuffisance.
138. Dès lors, nous sommes d’avis que le premier argument du troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
2. Sur le deuxième argument du troisième moyen, tiré d’une violation des éléments du dossier et du droit communautaire des marques
a) Arguments des parties
139. Selon DSD, la constatation faite au point 139 de l’arrêt attaqué, selon laquelle «le fabricant ou le distributeur d’emballages ne [lui] transfère pas […] un nombre déterminé d’emballages destinés à être revêtus du logo Der Grüne Punkt, mais [lui transfère] plutôt une quantité de matière que ce fabricant ou ce distributeur va commercialiser en Allemagne et dont il entend confier au système DSD la reprise et la valorisation», serait manifestement contraire aux dispositions du contrat
d’utilisation du logo portant sur la notification et sur l’octroi des licences, à celles du décret sur les emballages portant sur la décharge de l’obligation de reprise, à l’impératif de transparence dudit décret et, enfin, à l’exigence découlant du droit des marques selon laquelle les emballages relevant du système DSD doivent être identifiables.
b) Appréciation
140. Ainsi que l’a relevé la Commission, la requérante, dans le cadre du deuxième argument du troisième moyen, ne fait que renvoyer simplement à ses observations relatives au cadre juridique national, sans établir de lien entre ce cadre juridique et ses critiques concernant les constatations du Tribunal visées à cet argument. Ledit argument ne comporte aucun exposé d’arguments juridiques démontrant en quoi le Tribunal aurait commis une erreur de droit.
141. Or, nous rappelons que, en vertu des articles 225 CE, 51, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure de la Cour, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande ( 12 ).
142. Dans ces conditions, nous estimons que le deuxième argument du troisième moyen doit être considéré comme irrecevable.
3. Sur les troisième, quatrième et cinquième arguments du troisième moyen, tirés d’une dénaturation du décret sur les emballages
143. La requérante reproche au Tribunal d’avoir dénaturé le décret sur les emballages en constatant, premièrement, qu’un emballage peut relever en même temps du système DSD et d’un autre système collectif, deuxièmement, qu’un distributeur ayant adhéré à un système collectif peut, a posteriori, remplir ses obligations au moyen d’un système individuel et, troisièmement, qu’un distributeur remplissant ses obligations au moyen d’un système individuel puisse adhérer, a posteriori, à un système collectif.
a) Sur le troisième argument du troisième moyen
i) Arguments des parties
144. DSD soutient que les constatations faites aux points 129 et 154 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles un emballage confié à DSD peut relever en même temps d’un système de reprise et de valorisation autre que le système DSD, constituent une dénaturation du décret sur les emballages.
145. La requérante estime que ces constatations sont manifestement contraires au principe du droit régissant les emballages, selon lequel un emballage concret est soit soumis à l’obligation de reprise, soit déchargé de cette obligation. Elle considère donc qu’un emballage ne peut pas, contrairement à la constatation du Tribunal visée à cet argument, relever de deux ou plusieurs systèmes d’élimination.
146. À cet égard, la requérante reprend l’exemple cité par le Tribunal au point 134 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal explique ainsi que, dans le cadre d’une chaîne de restauration rapide, «lorsque le consommateur final achète un sandwich vendu dans un emballage destiné à conserver la chaleur, ce consommateur peut librement décider de consommer le produit sur place et de remettre l’emballage dans les poubelles mises en place par la chaîne de restauration rapide, dans le cadre de son système
individuel, ou d’emporter ce produit chez lui pour remettre par la suite l’emballage dans les installations de collecte de DSD situées à proximité de son domicile». Le Tribunal poursuit en concluant que «[c]et emballage peut donc être remis dans les deux systèmes de collecte et de valorisation proposés par la chaîne de restauration rapide pour satisfaire aux obligations prévues dans le décret [sur les emballages]».
147. DSD estime que, même dans le domaine de la restauration rapide, un emballage ne peut pas relever, contrairement à ce que le Tribunal a constaté, de deux systèmes de collecte. Selon elle, s’il peut arriver que l’emballage soit remis sur place dans le cadre d’un système individuel ou repris par un système collectif, il ne peut s’agir que d’une erreur de la part du consommateur. La requérante souligne alors l’importance d’indiquer clairement quel est le mode d’élimination prévu pour chaque
emballage.
148. La Commission estime que, dans le cadre d’une solution mixte qui fait appel à deux systèmes collectifs, la fabricant ou le distributeur d’emballages est tenu à la transparence pour ce qui est des deux systèmes. Les emballages porteraient donc deux signes différents servant à identifier ces systèmes. La Commission considère qu’une telle solution est possible, car lesdits systèmes ne sont responsables que des emballages désignés en tant que quantités. La Commission indique également que, en cas
de concurrence entre les systèmes collectifs, les emballages sont collectés dans les mêmes conteneurs.
ii) Appréciation
149. Nous pensons que la constatation opérée par le Tribunal au point 154 de l’arrêt attaqué, selon laquelle un emballage confié à DSD peut relever de plusieurs systèmes d’élimination, ne dénature pas le décret sur les emballages.
150. En effet, nous précisons d’emblée que, au point 10 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que «dans leurs observations du 24 mai 2000, communiquées à la Commission dans le cadre de la procédure administrative […], les autorités allemandes ont indiqué que le décret sur les emballages permettait au distributeur de combiner la reprise à proximité du commerce, dans le cadre d’un système individuel, et la collecte à proximité du consommateur final, dans le cadre d’un système collectif, en ne
participant au système collectif que pour une partie des emballages qu’il avait mis sur le marché».
151. De même, le Tribunal, au point 45 de l’arrêt attaqué, a rappelé que «[l]a décision [litigieuse] souligne également qu’il ressort d’une réponse antérieure des autorités allemandes que l’article 6, paragraphe 3, du décret [sur les emballages] n’implique pas que seul le recours à un système unique est possible. Les autorités allemandes n’auraient ainsi jamais eu l’intention de ne permettre la mise en place que d’un seul système collectif dans tout le pays ou dans chaque Land».
152. C’est sur la base de ces constatations que le Tribunal a pu, selon nous et à juste titre, indiquer, au point 131 de l’arrêt attaqué, que, selon l’annexe I de l’article 6 du décret sur les emballages, les taux de valorisation sont calculés en pourcentage de la masse de matière commercialisée effectivement reprise et valorisée et qu’il est précisé au point 1, paragraphe 2, de cette annexe que les quantités d’emballages pertinentes sont déterminées en pourcentage de la masse.
153. Le Tribunal a, dès lors, expliqué, aux points 132 à 135 de l’arrêt attaqué, que, puisque les taux de valorisation étaient calculés en fonction du pourcentage de la masse, une répartition entre plusieurs systèmes était possible sans qu’il soit nécessaire de faire état des quantités d’emballages prédéfinies. Le Tribunal a illustré son propos à l’aide d’un exemple portant sur une chaîne de restauration rapide. Il a ainsi démontré que, dans le cadre d’une telle chaîne, la combinaison d’un système
individuel avec le système DSD s’impose, car il existe une possibilité de consommer sur place ou d’emporter le produit. Le Tribunal a poursuivi en expliquant que «ce qui importe, dans la relation contractuelle entre la requérante et le fabricant ou le distributeur d’emballages, est de garantir que les quantités de matière à valoriser mises sur le marché soient effectivement reprises et valorisées pour atteindre les taux prévus dans le décret [sur les emballages]».
154. Aux points 136 à 138 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a expliqué qu’il existait des mécanismes de correction qui permettaient de satisfaire aux obligations imposées par ledit décret. Le Tribunal a, notamment, indiqué que si le système individuel ne suffisait pas pour remplir les taux de valorisation, le fabricant ou le distributeur d’emballages pouvait faire appel à un système collectif afin de racheter les quantités manquantes.
155. Du reste, le décret sur les emballages lui-même propose cette solution à son article 6, paragraphe 1, en précisant que, si les distributeurs ne remplissent pas les obligations de reprise et de valorisation par la reprise au lieu de remise, ils doivent le faire au moyen d’un système collectif ( 13 ).
156. Au regard de l’ensemble des éléments qui précèdent, nous estimons que le troisième argument doit également être rejeté comme étant non fondé.
b) Sur les quatrième et cinquième arguments du troisième moyen
i) Arguments des parties
157. DSD soutient, de plus, que l’indication contenue au point 137 de l’arrêt attaqué, selon laquelle un distributeur qui a adhéré à un système collectif pourrait a posteriori se charger personnellement de la reprise et de la valorisation, constituerait une dénaturation des éléments du dossier. Cette indication serait, notamment, contraire au principe de base du décret sur les emballages selon lequel la participation à un système collectif de prise en charge de l’obligation de valorisation entraîne
la décharge des obligations d’élimination. Selon DSD, pour les emballages relevant d’un système collectif, il n’est pas possible de recourir a posteriori à un système individuel.
158. De même, DSD observe que ladite indication, selon laquelle un distributeur ayant décidé de recourir à un système individuel pour certains emballages pourrait a posteriori s’acquitter de ses obligations résultant dudit décret en rachetant des quantités d’emballages à un système collectif, constituerait une dénaturation du décret sur les emballages.
159. La Commission estime que le Tribunal ne part pas de l’hypothèse d’une réalisation a posteriori des obligations de reprise et de valorisation, mais envisage celle d’une réduction de la redevance due au système collectif en cas de collecte non conforme au taux imposé.
ii) Appréciation
160. Nous sommes d’avis que le Tribunal n’a pas commis de dénaturation des éléments du dossier en constatant, au point 137 de l’arrêt attaqué, qu’une chaîne de restauration rapide peut demander la réduction de sa redevance auprès du système collectif, lorsque, au moyen du système individuel, cette chaîne démontre qu’elle a repris les quantités d’emballages qui lui avaient été confiées.
161. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, nous pensons qu’il n’est pas question, dans cet exemple, de faire appel, a posteriori, à un système individuel pour la reprise et la valorisation des emballages. Nous rappelons que le Tribunal est, dans ledit exemple, parti du postulat selon lequel la chaîne de restauration rapide combine, dès le départ, un système individuel et un système collectif.
162. À partir de ce postulat, le Tribunal a indiqué qu’il était possible de mettre en place des mécanismes de correction lorsque le système individuel ne parvenait pas à remplir les obligations à la charge du distributeur ou, au contraire, avait pu collecter les quantités déterminées. Dans ce dernier cas, le Tribunal explique que «la chaîne de restauration rapide pourra demander la réduction de sa redevance auprès du système collectif concerné, dans la mesure où cette chaîne aura démontré qu’elle a
repris et valorisé [les quantités] qui avaient été confiées [au système collectif]».
163. Au demeurant, la requérante avait elle-même envisagé cette possibilité. En effet, aux points 60 et 61 des motifs de la décision litigieuse, il est indiqué que DSD avait, avant l’adoption de cette décision, pris l’engagement de ne pas percevoir de redevance pour la partie des emballages reprise par un système individuel, lorsque le fabricant ou le distributeur d’emballages avait décidé de combiner le système DSD à un système individuel.
164. S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le Tribunal aurait commis une dénaturation du décret sur les emballages en constatant qu’un distributeur ayant décidé de recourir à un système individuel peut, a posteriori, s’acquitter de ses obligations en rachetant des quantités d’emballages à un système collectif, nous sommes d’avis qu’il doit également être rejeté.
165. Le Tribunal a rappelé, au point 9 de l’arrêt attaqué, que «l’article 6, paragraphe 1, neuvième phrase, du décret indique que, si un distributeur ne remplit pas son obligation de reprise et de valorisation par le biais d’un système individuel, il doit le faire par le biais d’un système collectif».
166. Par conséquent, nous pensons que les quatrième et cinquième arguments du troisième moyen doivent être rejetés comme étant non fondés.
4. Sur le sixième argument du troisième moyen, tiré d’une violation du décret sur les emballages
a) Arguments des parties
167. DSD soutient que le point 154 de l’arrêt attaqué est entaché d’erreurs de droit, dans la mesure où le Tribunal a constaté que les emballages non éliminés par le système DSD peuvent se voir apposer le logo Der Grüne Punkt. DSD estime qu’une telle possibilité prive le logo de son caractère distinctif et est manifestement contraire au principe du décret sur les emballages selon lequel les consommateurs et les autorités doivent être en mesure de déterminer clairement si un emballage est soumis à
l’obligation de reprise au point de vente ou pas.
168. La Commission rappelle que DSD attribue audit décret, de manière erronée, une approche centrée sur l’emballage pris individuellement. Selon la Commission, une telle approche ne correspond pas aux conditions économiques dans lesquelles s’inscrivent les solutions mixtes, qui sont précisément encouragées afin de satisfaire à l’objectif de concurrence.
b) Appréciation
169. Nous sommes d’avis que cet argument doit également être rejeté.
170. En effet, le Tribunal relève, au point 124 de l’arrêt attaqué, que le logo Der Grüne Punkt permettrait, selon DSD, d’indiquer quels sont les emballages qui lui sont transférés et de signaler au consommateur ce qu’il doit en faire, ce qui permettrait de garantir la réalisation de la mission confiée à DSD par l’entreprise adhérente.
171. Au point 153 de l’arrêt attaqué, le Tribunal rappelle que «les différents modes de publicité prévus dans le décret [sur les emballages] — à savoir l’étiquetage ou tout autre moyen approprié pour les systèmes collectifs ([point 2 figurant sous le titre 4 de l’annexe I de l’article 6 dudit décret]) et le signalement de la possibilité de restitution de l’emballage au point de vente pour les systèmes individuels (article 6, paragraphe 1, troisième phrase, du [même] décret) — permettent d’informer
le consommateur final des différentes possibilités de restitution proposées pour l’emballage en cause sans pour autant valider l’argumentation de la requérante, selon laquelle l’apposition du logo Der Grüne Punkt sur un emballage aurait pour effet d’empêcher la reprise et la valorisation par un autre système que le système DSD».
172. Le Tribunal poursuit, au point 154 de l’arrêt attaqué, en indiquant qu’«il n’est pas précisé dans le décret [sur les emballages] que le logo Der Grüne Punkt ne peut pas figurer sur les emballages collectés dans le cadre d’un système collectif concurrent ou d’un système individuel s’ils respectent, par ailleurs, les conditions imposées dans [ledit] décret pour identifier le système utilisé en combinaison avec le système DSD. De telles indications peuvent être cumulatives et un même emballage
peut ainsi relever de plusieurs systèmes en même temps. C’est en ce sens que la Commission interprète, à juste titre, le contenu de l’obligation de transparence définie par les autorités allemandes dans leurs observations, selon lesquelles il convient de définir clairement, tant à l’intention des consommateurs que des autorités, quels sont les emballages soumis à l’obligation de reprise aux points de vente ou à proximité immédiate de ceux-ci et quels sont ceux qui ne sont pas soumis à cette
obligation».
173. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne s’agit pas là d’offrir la possibilité à des systèmes concurrents d’apposer le logo Der Grüne Punkt sur des emballages qui ne sont pas repris par le système DSD. Le Tribunal se fonde, selon nous, sur l’hypothèse selon laquelle le fabricant ou le distributeur d’emballages a adhéré au système DSD et à un autre système, collectif ou individuel. Dès lors, afin de respecter l’obligation de signalement de reprise de l’emballage usagé qui figure dans
le décret sur les emballages, il doit pouvoir être indiqué par quel système l’emballage est repris, afin que le consommateur puisse, une fois l’emballage usagé, être informé des possibilités qui s’offrent à lui. Par exemple, cela peut se traduire par l’apposition sur une bouteille en plastique du logo Der Grüne Punkt et d’un autre logo signifiant qu’un autre système peut également reprendre ladite bouteille ou encore par un signalement au point de vente selon lequel la bouteille peut être
déposée à ce point de vente.
174. Compte tenu des indications qui figurent dans le décret sur les emballages, nous ne voyons pas en quoi le Tribunal aurait commis une dénaturation de ce décret en jugeant que, pour un même emballage, le logo Der Grüne Punkt peut coexister avec un autre signalement. Nous rappelons que ledit décret, d’une part, offre la possibilité à un fabricant ou à un distributeur d’adhérer à plusieurs systèmes et, d’autre part, fait obligation de signaler par quelle possibilité l’emballage peut être restitué.
175. Dès lors, nous sommes d’avis que le sixième argument du troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
5. Sur le septième argument du troisième moyen, tiré d’une violation du droit des marques
176. Critiquant également le point 161 de l’arrêt attaqué, DSD observe que la constatation selon laquelle l’exclusivité revendiquée par elle ne saurait être acceptée, car celle-ci n’aurait d’autre effet que d’empêcher les fabricants et les distributeurs d’emballages de recourir à un système mixte est incompatible avec le droit des marques. À cet égard, DSD fait remarquer que, conformément à la jurisprudence allemande et comme le montrent les sondages d’opinion, le logo Der Grüne Punkt, en tant que
marque enregistrée, fait exclusivement référence à DSD et aux services que celle-ci propose. Le droit des marques ne serait pas respecté si le logo Der Grüne Punkt se voyait privé de cette fonction d’exclusivité seulement pour garantir la possibilité d’un système mixte.
177. Étant donné que la requérante, dans son quatrième moyen, invoque également une violation du droit communautaire des marques par le Tribunal, nous pensons qu’il convient de traiter cet argument dans le cadre de ce moyen.
D — Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du droit communautaire des marques
1. Arguments des parties
178. Par son quatrième moyen, DSD invoque une violation du droit communautaire des marques en raison de la constatation faite par le Tribunal, au point 161 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la marque Der Grüne Punkt ne saurait se voir reconnaître l’exclusivité revendiquée. DSD indique que, en vertu de l’article 5 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques ( 14 ), une marque enregistrée confère à son titulaire
un droit exclusif permettant d’interdire l’usage de la marque pour des produits ou des services identiques ou analogues à ceux couverts par la marque enregistrée.
179. La Commission estime que l’exclusivité décrite à l’article 5 de la directive 89/104 n’a rien à voir avec celle exposée au point 161 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal ne ferait que tirer les conséquences du raisonnement formulé aux points 156 et 157 de cet arrêt, selon lequel la marque Der Grüne Punkt se limite à énoncer, pour le service visé, que le produit sur lequel il figure peut être éliminé au moyen du système DSD sans fournir d’indication sur la qualité du service proposé.
180. La Commission ajoute que la décision litigieuse n’entraîne pas un usage indu de la marque, c’est-à-dire un usage fait par des personnes avec lesquelles DSD n’a pas souscrit de contrat.
181. Vfw indique que le logo n’est pas une marque au sens classique. Elle considère qu’une marque caractérise des produits et des services qui sont identiques ou analogues à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée. Or, en ce qui concerne le logo Der Grüne Punkt, chaque fabricant utiliserait ses propres marques individuelles afin de marquer les produits. Ce logo servirait uniquement à marquer la participation à un système collectif et non à identifier des produits ou des services identiques ou
similaires.
182. Selon Landbell et BellandVision, ce moyen est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.
2. Appréciation
183. Selon la requérante, le Tribunal aurait jugé à tort que la marque Der Grüne Punkt ne peut pas bénéficier de l’exclusivité revendiquée et aurait ainsi violé le droit communautaire des marques.
184. Ainsi que le Tribunal l’a exposé au point 124 de l’arrêt attaqué, DSD considère que la marque Der Grüne Punkt permet, tout à la fois, d’indiquer quels sont les emballages transférés au système DSD et de signaler au consommateur ce qu’il doit en faire, ce qui permettrait de garantir la réalisation de la mission confiée à DSD par le fabricant ou le distributeur d’emballages adhérant à son système. Dès lors, selon DSD, seuls les emballages pour lesquels il est fait appel au système DSD devraient
être marqués du logo Der Grüne Punkt.
185. Toutefois, le Tribunal, aux points 156 à 161 de l’arrêt attaqué, a jugé que le fait que coexistent sur un emballage ce logo et l’indication d’un moyen approprié désignant un autre système collectif ou celle d’une possibilité de restitution en magasin ne porte pas atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est d’identifier la possibilité d’élimination de l’emballage en cause au moyen du système DSD. Dès lors, le Tribunal considère que, puisque l’apposition conjointe dudit logo avec
d’autres signes ou d’autres mécanismes permettant d’identifier une autre possibilité d’élimination au moyen d’un système individuel ou d’un système collectif concurrent ne porte pas atteinte à la fonction essentielle de la marque, la requérante ne peut alléguer une violation du droit des marques.
186. En outre, le Tribunal précise, au point 160 de l’arrêt attaqué, que «le contrat d’utilisation du logo ne concerne que les utilisateurs dudit logo, à savoir les fabricants et les distributeurs d’emballages qui ont recours au système DSD, et non les consommateurs».
187. En constatant, au point 161 de l’arrêt attaqué, que la requérante ne peut pas bénéficier de l’exclusivité revendiquée, au risque d’empêcher les fabricants et les distributeurs d’emballages de recourir à un système mixte et de légitimer la possibilité pour la requérante d’être rémunérée pour un service qu’elle ne rend pas, nous pensons que le Tribunal n’a pas violé le droit communautaire des marques.
188. En effet, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’objet spécifique du droit de marque est notamment d’assurer au titulaire le droit exclusif d’utiliser la marque, pour la première mise en circulation d’un produit, et de le protéger ainsi contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de cette marque ( 15 ).
189. C’est la raison pour laquelle l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/104 prévoit que la marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif et que le titulaire est ainsi habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée.
190. Dans la présente affaire, nous pensons que les entreprises adhérant au système DSD pour une partie seulement de leurs emballages (premier et deuxième cas de figure) ou pour des emballages mis sur le marché d’un autre État membre (troisième cas de figure) ne peuvent pas être considérées comme des concurrentes de DSD ou comme des tiers qui vendent indûment des produits pourvus du logo Der Grüne Punkt.
191. En effet, dans les premier et deuxième cas de figure, les fabricants et les distributeurs ont contracté avec DSD pour la reprise et la valorisation de certains emballages. Dans le troisième cas de figure, les fabricants et les distributeurs sont titulaires, sur le territoire d’un autre État membre, d’une licence d’utilisation du logo Der Grüne Punkt.
192. Or, DSD a elle-même créé ce système qui oblige à apposer ce logo sur tous les emballages, même si certains de ces emballages ne seront pas repris pas ledit système. Ces fabricants et ces distributeurs n’utilisent donc pas la marque Der Grüne Punkt indûment, mais ne font que remplir leur obligation d’apposer ledit logo sur tous les emballages, qu’ils soient ou non repris par le système DSD.
193. En outre, le Tribunal a rappelé, à juste titre, au point 156 de l’arrêt attaqué, que la fonction essentielle de la marque Der Grüne Punkt est d’avertir que l’emballage sur lequel est apposé cette marque peut être repris par le système DSD.
194. Dès lors que le logo Der Grüne Punkt figure sur l’emballage, la fonction essentielle de la marque est remplie, puisque le consommateur est averti de la possibilité de déposer l’emballage dans les conteneurs de DSD. Il n’y a donc pas, contrairement à ce que la requérante a soutenu lors de l’audience, «destruction de la marque».
195. Par ailleurs, nous pensons que la marque Der Grüne Punkt ne s’insère pas dans le schéma classique du droit des marques.
196. En effet, une marque aide le consommateur à faire un choix éclairé sur le produit ou le service proposé par cette marque. Si, par exemple, le consommateur a déjà acheté un produit ou un service et qu’il en a tiré une certaine satisfaction, notamment, parce que ce produit ou ce service était de qualité, la marque lui servira de point de repère pour les achats futurs de ces mêmes produits ou services. La marque oriente donc le choix du consommateur.
197. Cependant, dans le cadre du système DSD, la marque Der Grüne Punkt n’a pas pour fonction, selon nous, d’orienter le consommateur sur le choix du produit acheté. Ainsi que l’a rappelé le Tribunal au point 156 de l’arrêt attaqué, cette marque sert à identifier les emballages qui peuvent être traités par le système DSD.
198. Selon nous, lorsque le consommateur achète un produit sur lequel figure le logo Der Grüne Punkt, ce consommateur a choisi ce produit pour, par exemple, la qualité qu’il garantit et non parce qu’il sait que ce produit peut être éliminé par le système DSD. Nous pouvons très bien imaginer, par exemple, qu’un consommateur achète des œufs issus de l’agriculture biologique, parce que le système de production exclut l’usage de pesticides et d’engrais de synthèse et garantit ainsi la qualité recherchée
par ce consommateur, et non parce que figure sur l’emballage le logo Der Grüne Punkt avertissant ainsi de la possibilité de reprise de cet emballage par le système DSD.
199. Il en irait autrement, à notre avis, si le logo Der Grüne Punkt indiquait que le produit sur lequel il figure est un produit qui est recyclable ou déjà recyclé. En effet, nous pouvons légitimement supposer que certains consommateurs, soucieux du respect de l’environnement, préfèrent choisir les produits dont l’emballage est recyclable ou déjà recyclé. Dans un tel cas, un logo qui indique que l’emballage du produit acheté a été recyclé a indéniablement un impact sur le choix du consommateur. Tel
est le cas, par exemple, d’une ramette de papier sur laquelle figure un logo indiquant au consommateur que ce papier a été recyclé. Le consommateur fera alors un choix militant.
200. Toutefois, dans la présente affaire, le logo Der Grüne Punkt ne signifie pas que l’emballage est recyclable. Ce logo indique seulement que l’emballage peut être repris par le système DSD qui le triera et le valorisera si une telle possibilité existe ( 16 ).
201. Dès lors, nous pensons que le Tribunal a pu, à juste titre, constater aux points 156 et 160 de l’arrêt attaqué que, d’une part, «[la] marque ‘se limite à énoncer, pour le service visé, que le produit sur lequel elle figure peut être éliminé au moyen du système DSD’ sans fournir d’indication sur la qualité du service proposé» et que, d’autre part, «le contrat d’utilisation du logo ne concerne que les utilisateurs dudit logo, à savoir les fabricants et les distributeurs d’emballages qui ont
recours au système DSD, et non les consommateurs».
202. Ainsi, le Tribunal n’a pas, à notre avis, violé le droit communautaire des marques en indiquant au point 161 de l’arrêt attaqué que la marque Der Grüne Punkt ne peut pas bénéficier de l’exclusivité revendiquée.
203. Par conséquent, nous pensons que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
E — Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 82 CE
1. Arguments des parties
204. Dans le cadre de son cinquième moyen, DSD soutient que le Tribunal a violé l’article 82 CE.
205. Le Tribunal n’aurait pas suffisamment motivé son analyse et aurait, en outre, dénaturé les éléments du dossier en jugeant que DSD a adopté un comportement abusif en délivrant des licences pour l’utilisation du logo Der Grüne Punkt indépendamment de l’utilisation du système DSD et en exigeant le paiement d’une redevance due au titre de la licence y compris lorsque le preneur de la licence rapporte la preuve qu’il n’a pas utilisé le système DSD.
206. En outre, selon DSD, la décision litigieuse reviendrait à l’obliger à accorder une licence aux entreprises adhérentes pour les emballages qui ne sont pas repris ni valorisés par son système. Toutefois, les conditions nécessaires à l’octroi d’une licence obligatoire, telles que dégagées par la jurisprudence de la Cour, ne seraient pas réunies en l’espèce. Le Tribunal, en n’expliquant pas en quoi le refus d’octroyer une licence obligatoire serait constitutif d’un abus de droit, aurait, dès lors,
commis une erreur de droit.
207. À titre subsidiaire, la requérante soutient que, quand bien même elle accorderait une licence aux entreprises adhérentes pour la seule utilisation du logo, l’arrêt attaqué autoriserait à participer au système DSD pour une très faible quantité d’emballages, sans que DSD puisse exiger, en contrepartie, une redevance adéquate et sans qu’elle puisse vérifier la légitimité d’un tel procédé. En particulier, la requérante ne pourrait pas vérifier si les raisons qui, selon la décision litigieuse,
rendent nécessaires l’apposition de la marque Der Grüne Punkt sur tous les emballages (notamment au vu des coûts économiques supplémentaires qu’un marquage sélectif engendrerait) sont réunies.
208. En ce qui concerne le premier argument, la Commission estime que la requérante n’a pas expliqué en quoi les constatations du Tribunal seraient insuffisamment motivées, contraires aux éléments du dossier et dénatureraient le droit national.
209. En ce qui concerne le deuxième argument, la Commission considère que le Tribunal a traité l’argument de la requérante relatif à l’imposition d’une licence obligatoire et a établi qu’une telle licence n’était pas imposée à DSD.
210. Quant à l’argument de DSD présenté à titre subsidiaire, la Commission soutient que, en l’occurrence, il ne s’agit pas d’une licence obligatoire. Elle indique que, ainsi que le Tribunal l’a confirmé, la décision litigieuse prévoit que si une entreprise participe au système DSD pour de faibles quantités d’emballages, une redevance ne se justifie qu’en proportion de cette faible participation.
211. Landbell et BellandVision rappellent que la décision litigieuse et l’arrêt attaqué ne se fondent pas sur l’hypothèse d’une licence pour l’utilisation du logo Der Grüne Punkt indépendamment de l’utilisation du système DSD, mais s’intéressent au montant de la redevance afférant aux services fournis.
212. Selon Vfw, le cinquième moyen repose sur une compréhension erronée de l’objet du litige, la Commission ne souhaitant pas imposer à DSD une obligation d’octroyer la licence, mais uniquement l’empêcher d’utiliser sa position dominante pour exclure la concurrence provenant d’autres systèmes.
213. Interseroh observe que le Tribunal ne suggère nulle part dans l’arrêt attaqué que DSD offrirait une licence pour l’utilisation du logo Der Grüne Punkt indépendamment de l’utilisation de son système. Cet arrêt ne créerait pas non plus d’obligation pour DSD d’accorder des licences. L’abus constaté par le Tribunal reposerait précisément sur le fait que DSD n’offre des licences pour l’utilisation de ce logo qu’en combinaison avec l’obligation de verser une redevance pour le recours à son service,
même si l’entreprise adhérente n’a pas, pour certains emballages marqués dudit logo, recours au système DSD.
2. Appréciation
a) Sur le premier argument du cinquième moyen
214. Ainsi que l’a indiqué la Commission, nous pensons que le premier argument du cinquième moyen doit être rejeté.
215. En effet, la requérante se borne à indiquer que le Tribunal a violé l’article 82 CE en considérant d’une manière insuffisamment motivée, contraire aux éléments du dossier et en dénaturant le droit national qu’elle a adopté un comportement abusif. La requérante n’expose aucun argument juridique à l’appui de cet argument et ne fait que renvoyer, par une note en bas de page, au point 20 du pourvoi qui indique que «[l]es constatations de l’arrêt [attaqué] sont donc manifestement contradictoires. Le
Tribunal ne se prononce finalement pas sur le point de savoir si le comportement litigieux constitue un abus de position dominante».
216. Or, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 141 des présentes conclusions, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande.
217. Force est de constater que tel n’est pas le cas dans la présente affaire. Nous sommes donc d’avis que le premier argument du cinquième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.
b) Sur le second argument du cinquième moyen
218. Par son second argument, la requérante estime que la décision litigieuse et l’arrêt attaqué l’obligent à accorder une licence aux entreprises adhérentes pour les emballages qui ne sont pas repris ni valorisés par son système. Le Tribunal, en n’expliquant pas en quoi le refus d’octroyer une licence obligatoire serait constitutif d’un abus de position dominante, aurait, dès lors, commis une erreur de droit.
219. Selon nous, la requérante se méprend sur la qualification de l’abus qui lui est reproché. En effet, nous pensons que, au vu de la grille d’analyse du Tribunal, ce dernier n’a pas, contrairement à ce que soutient la requérante, identifié l’abus comme reposant sur le refus de DSD d’octroyer une licence obligatoire et a correctement exposé les raisons pour lesquelles il était reproché à DSD d’abuser de sa position dominante.
220. Nous relevons que le Tribunal, aux points 176 à 183 de l’arrêt attaqué, a répondu à l’argument que la requérante avait exposé devant lui dans le cadre de son deuxième moyen, selon lequel les articles 3 et 4, paragraphe 1, de la décision litigieuse sont disproportionnés, parce qu’ils obligent DSD à accorder aux tiers une licence d’utilisation de la marque Der Grüne Punkt, et ce même en cas de non-participation au système DSD.
221. Le Tribunal a ainsi expliqué les raisons pour lesquelles il considérait que la décision litigieuse, par ses articles 3 et 4, paragraphe 1, n’obligeait pas DSD à accorder des licences aux entreprises adhérant à son système pour les emballages qui n’étaient pas repris par ce système, mais visait à mettre un terme à l’abus en lui demandant de ne pas exiger de redevance pour un service qu’elle ne rendait pas.
222. En effet, au point 178 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que l’abus reproché à DSD consistait, selon la décision litigieuse, à exiger le versement d’une redevance pour la totalité des emballages commercialisés en Allemagne avec le logo Der Grüne Punkt. Le Tribunal poursuit en indiquant que «[s]elon [cette] décision, la redevance ne peut pas être exigée quand les fabricants et [les] distributeurs d’emballages qui recourent au système DSD pour une partie seulement des emballages
commercialisés en Allemagne démontrent qu’ils s’acquittent des obligations de reprise et de valorisation imposées dans le décret [sur les emballages] par le biais de systèmes collectifs concurrents ou de systèmes individuels ([premier et deuxième cas de figure]). De même, la redevance ne peut pas être exigée quand les fabricants et [les] distributeurs d’emballages qui n’ont pas recours au système DSD en Allemagne, mais commercialisent dans ce pays un emballage standardisé qu’ils commercialisent
également dans un autre État membre pour lequel ils adhèrent à un système de reprise utilisant le logo Der Grüne Punkt démontrent qu’ils s’acquittent des obligations imposées dans [ledit] décret par le biais de systèmes collectifs concurrents ou de systèmes individuels ([troisième cas de figure])».
223. Au vu de ces éléments, le Tribunal a indiqué, au point 180 de l’arrêt attaqué, que les obligations imposées par les articles 3 et 4, paragraphe 1, de la décision litigieuse concernent dès lors non pas des tiers, mais des fabricants ou des distributeurs d’emballages qui ont contracté avec DSD ou qui sont, dans un autre État membre, titulaires d’une licence d’utilisation de la marque Der Grüne Punkt, dans le cadre du système de reprise ou de valorisation utilisant ce logo.
224. Au point 181 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considèré que «ces obligations n’ont pas pour objet d’imposer à DSD une licence sans restriction dans le temps pour l’utilisation de la marque Der Grüne Punkt, mais seulement d’obliger DSD à ne pas percevoir de redevance sur la totalité des emballages revêtus [de ce logo] lorsqu’il est démontré que la totalité ou une partie seulement de ces emballages a été reprise et valorisée par le biais d’un autre système».
225. Le Tribunal en a conclu, au point 182 de l’arrêt attaqué, que, «aussi longtemps que les utilisateurs du logo Der Grüne Punkt rapportent la preuve que les quantités d’emballages pour lesquels ils ne font pas appel au système DSD ont effectivement été reprises et valorisées par le ou les systèmes collectifs ou individuels auxquels ils font appel, la requérante ne peut pas alléguer qu’il serait disproportionné de lui demander de ne pas être payée pour un service qu’elle ne rend pas».
226. Il ressort, à notre avis, de cette analyse que le Tribunal a correctement identifié l’abus de position dominante reproché à la requérante et a expliqué, à juste titre, que la décision litigieuse revenait non pas à imposer une licence obligatoire aux entreprises adhérentes, mais à mettre fin à l’abus lorsqu’il a été démontré que les emballages portant le logo Der Grüne Punkt avaient été repris par un système autre que celui de DSD.
227. Par conséquent, nous pensons que le cinquième moyen est non fondé et doit également être rejeté.
F — Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 3 du règlement no 17 et du principe de proportionnalité
1. Arguments des parties
228. Au soutien de son sixième moyen, DSD reproche au Tribunal une analyse insuffisamment motivée et contraire aux éléments du dossier, ainsi qu’une violation de l’article 3 du règlement no 17 et du principe de proportionnalité. DSD expose, en premier lieu, que le décret sur les emballages et le droit des marques s’opposent à ce qu’elle soit obligée d’octroyer une licence d’utilisation du logo Der Grüne Punkt. Or, les mesures imposées par les articles 3 et suivants de la décision litigieuse, qui ne
prennent pas en compte le fait que DSD n’accorde pas de licences isolées pour l’utilisation du logo, reviendraient précisément à imposer une telle obligation à la requérante.
229. En second lieu, DSD observe que ledit décret et le droit des marques s’opposent à ce qu’elle soit empêchée d’exiger de ses clients qu’ils apposent, sur les emballages qui sont revêtus du logo Der Grüne Punkt, mais qui ne sont pas éliminés par le système DSD, une mention qui permet de neutraliser l’effet distinctif de ce logo. En écartant, au point 200 de l’arrêt attaqué, l’argument de DSD selon lequel les emballages revêtus du logo Der Grüne Punkt et éliminés par le système DSD doivent pouvoir
être distingués de ceux sur lesquels est apposé le même logo mais qui ne sont pas éliminés par ce système, le Tribunal aurait méconnu que l’article 3 de la décision litigieuse constitue une violation de l’article 3 du règlement no 17 ainsi que du principe de proportionnalité.
230. La Commission estime que le premier argument de DSD, selon lequel le décret sur les emballages et le droit des marques s’opposent à ce qu’elle soit obligée d’accorder une licence d’utilisation du logo Der Grüne Punkt, part d’un postulat erroné, à savoir que le Tribunal se serait fondé sur l’hypothèse d’une licence isolée pour l’utilisation de ce logo.
231. Par ailleurs, concernant le second argument, la Commission considère que le Tribunal a constaté, à juste titre, que ni le décret sur les emballages ni le droit des marques n’exigent l’identification des différents emballages pour l’attribution au système DSD ou à un autre système.
232. Vfw estime que DSD n’a pas suffisamment étayé ses arguments présentés dans le cadre du présent moyen.
233. Selon Landbell et BellandVision, ce moyen est irrecevable, dans la mesure où un pourvoi doit désigner précisément les parties de l’arrêt ou de la décision dont l’annulation est demandée, ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent spécifiquement cette demande.
2. Appréciation
234. En ce qui concerne le premier argument du sixième moyen, selon lequel la décision litigieuse oblige la requérante à octroyer une licence pour l’utilisation de la marque Der Grüne Punkt et qui est similaire à celui étudié dans le cadre du cinquième moyen, nous renvoyons à notre appréciation effectuée dans le cadre de ce moyen.
235. Par conséquent, nous estimons que le premier argument du sixième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
236. Par son second argument, DSD reproche au Tribunal d’avoir écarté son argument selon lequel les emballages revêtus du logo Der Grüne Punkt et éliminés par le système DSD doivent pouvoir être distingués de ceux sur lesquels est apposé le même logo, mais qui ne sont pas éliminés par ce système. Le Tribunal aurait ainsi effectué une analyse insuffisante et contraire aux éléments du dossier et aurait violé l’article 3 du règlement no 17 ainsi que le principe de proportionnalité.
237. Nous comprenons ainsi que DSD estime que la simple exigence d’une mention efficace permettant de neutraliser l’effet distinctif de la marque Der Grüne Punkt explicative sur les emballages qui ne sont pas repris par le système DSD serait une mesure mieux appropriée, proportionnée et conforme à l’article 3 du règlement no 17.
238. Selon nous, c’est à juste titre que le Tribunal a rejeté le grief relatif au caractère disproportionné de l’article 3, paragraphe 1, de la décision litigieuse en ce qu’il n’envisage pas la possibilité d’apposer des mentions explicatives.
239. En effet, au point 200 de l’arrêt attaqué, le Tribunal explique que «[d]e telles mentions explicatives reposeraient […] sur l’idée qu’il serait possible de distinguer les emballages revêtus du logo Der Grüne Punkt, qui relèvent du système DSD, de ceux sur lesquels est apposé [ce logo] mais qui ne relèvent pas du système DSD et qui devraient donc faire l’objet d’une mention destinée à attirer l’attention du consommateur. Or, ainsi que cela a été exposé (voir points 131 à 138 [de l’arrêt
attaqué]), les modalités de fonctionnement des systèmes mixtes ne reposent pas sur l’identification des emballages par les consommateurs, qui restent libres de décider à quel système ils vont rapporter l’emballage, mais [reposent] sur l’attribution de masses de matière à valoriser».
240. Cette analyse du Tribunal est, à notre avis, cohérente avec ce qui a été indiqué dans l’arrêt attaqué. Nous avons vu, au point 48 des présentes conclusions, qu’il n’est pas possible de déterminer à l’avance quel sera le parcours d’un emballage. Une bouteille en plastique peut très bien être achetée sur le marché allemand pour être ensuite jetée dans un conteneur en France appartenant à un concurrent de DSD. Ainsi que l’a indiqué la Commission, le comportement du consommateur ne peut pas être
déterminé à l’avance. Dès lors, une mention explicative sur les emballages portant le logo Der Grüne Punkt et repris par un système concurrent de DSD ne pourrait pas avoir l’effet escompté, puisque la séparation entre les produits portant ce logo repris par le système DSD et ceux portant ce même logo et repris par un système concurrent serait impossible.
241. Par ailleurs, nous notons que, lors de l’audience, Landbell a indiqué que, en pratique, la collecte, le tri et la valorisation se font indépendamment du fait de savoir si l’emballage porte une marque indiquant de quel système il relève. Ce sont les quantités de masse de la matière qui se partageraient entre les différents systèmes. DSD n’a pas contesté cette pratique.
242. En conséquence, nous sommes d’avis que le sixième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
G — Sur le septième moyen, tiré d’un vice de procédure
1. Arguments des parties
243. Dans le cadre de son septième moyen, la requérante invoque un vice de procédure. Selon elle, le Tribunal aurait substitué sa propre motivation à celle de la Commission. La requérante estime également que tout ajout de nouvelles constatations par le Tribunal constitue une violation de son droit d’être entendu.
244. Au soutien de son moyen, DSD reproche au Tribunal d’avoir fait de nouvelles constatations, fondées sur les déclarations faites par les parties au cours de l’audience. Il s’agirait de réponses à des questions détaillées que le Tribunal avait posées, soit à peine trois semaines avant l’audience, soit au cours de celle-ci, sans indiquer quelles conséquences il entendait tirer de ces réponses ou le lien entre ces questions et les constatations de la décision litigieuse. Sur la base desdites
questions et réponses, le Tribunal aurait alors fait de nouvelles constatations fondamentales sur les modalités de fonctionnement des systèmes mixtes, qui n’apparaissaient pas dans la décision litigieuse et qui n’ont pas été mentionnées par la Commission ou par la requérante au pourvoi.
245. DSD vise en particulier deux constatations, à savoir, d’une part, celle énonçant que les emballages confiés à DSD peuvent relever simultanément d’un système collectif et d’un système individuel et, d’autre part, celle énonçant que le décret sur les emballages prévoit de nombreux mécanismes de correction permettant aux fabricants et aux distributeurs d’assumer les obligations découlant dudit décret en attribuant a posteriori des emballages à un système individuel ou collectif.
246. La Commission, soutenue par Vfw, Landbell et BellandVision, considère que les points de l’arrêt attaqué visés par le présent moyen ne comportent rien de nouveau par rapport à ce qui a déjà été examiné au cours de la procédure administrative et au cours de la procédure écrite devant le Tribunal.
2. Appréciation
247. La requérante reproche au Tribunal d’avoir fait de nouvelles constatations qui n’apparaissaient pas dans la décision litigieuse et d’avoir ainsi substitué sa propre motivation à celle de la Commission. Il s’agirait, selon DSD, de la constatation selon laquelle il est possible d’avoir recours à un système collectif et à un système individuel, ainsi que de la constatation selon laquelle le décret sur les emballages prévoit de nombreux mécanismes de correction qui permettraient aux fabricants et
aux distributeurs de remplir leurs obligations au titre dudit décret en attribuant a posteriori des emballages à un système individuel ou collectif.
248. Nous sommes d’avis que ce moyen doit également être rejeté.
249. En effet, nous rappelons que le Tribunal a, aux points 44 à 46 de l’arrêt attaqué, exposé le contenu de la décision litigieuse relatif à la possibilité de combiner plusieurs systèmes de reprise et de valorisation.
250. Plus précisément, le Tribunal, au point 45 de l’arrêt attaqué, a indiqué que «[l]a décision [litigieuse] expose plusieurs éléments permettant d’établir la possibilité de recourir à des systèmes mixtes. Ainsi, [cette] décision relève qu’il ressort des observations des autorités allemandes ([point 20 des motifs] de la décision [litigieuse]) que le décret [sur les emballages] permet de combiner un système individuel et un système collectif en ne participant à un système collectif que pour la
reprise d’une partie des emballages commercialisés. […] La décision [litigieuse] souligne également qu’il ressort d’une réponse antérieure des autorités allemandes que l’article 6, paragraphe 3, [dudit] décret n’implique pas que seul le recours à un système unique est possible. Les autorités allemandes n’auraient ainsi jamais eu l’intention de ne permettre la mise en place que d’un seul système collectif dans tous le pays ou dans chaque Land ([point 23 des motifs] de la décision [litigieuse])».
251. Le Tribunal a également relevé, au point 46 de l’arrêt attaqué, que «la requérante ne conteste pas, dans la présente affaire, la possibilité pour un fabricant ou un distributeur d’emballages d’avoir recours à un système mixte».
252. En ce qui concerne les constatations du Tribunal exposées aux points 137 et 139 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles le décret sur les emballages permet de recourir à des mécanismes de correction, nous relevons que, bien que le Tribunal n’ait pas cité expressément les points de la décision litigieuse auxquels il se réfère, d’une part, il a indiqué, au point 9 de l’arrêt attaqué, que «l’article 6, paragraphe 1, neuvième phrase, [dudit] décret indique que, si un distributeur ne remplit pas son
obligation de reprise et de valorisation par le biais d’un système individuel, il doit le faire par le biais d’un système collectif» et, d’autre part, cette indication se retrouve au point 21 des motifs de la décision litigieuse.
253. Dès lors, en constatant, au point 137 de l’arrêt attaqué, que, si le taux de valorisation par le système individuel n’est pas atteint, le fabricant ou le distributeur peut racheter une masse d’emballages suffisante pour atteindre ce taux, le Tribunal n’a pas substitué sa propre motivation à celle de la Commission, cet élément émanant, de manière très claire, de la décision litigieuse.
254. La requérante reproche également au Tribunal d’avoir fait une nouvelle constatation en jugeant que les fabricants et les distributeurs pouvaient remplir leurs obligations au titre du décret sur les emballages, en attribuant a posteriori des emballages à un système individuel.
255. Ainsi que nous l’avons indiqué aux points 160 à 163 des présentes conclusions, la requérante se méprend, selon nous, sur le sens à donner au point 137 de l’arrêt attaqué. En effet, le Tribunal, dans l’analyse qu’il fait aux points 134 à 137 de l’arrêt attaqué, part du postulat selon lequel un distributeur adhère à deux systèmes, l’un individuel, l’autre collectif. Il s’agit donc non pas de faire appel a posteriori à un système individuel, mais de corriger les quantités de matière attribuées aux
différents systèmes en permettant au distributeur combinant un système individuel et un système collectif de demander à ce dernier le remboursement de la redevance indûment perçue pour les emballages repris par le système individuel.
256. Du reste, le Tribunal a précisé, au point 138 de l’arrêt attaqué, que «ces possibilités de rectifications ont été concrétisées dans un accord de compensation, invoqué lors de l’audience, qui permet aux différents gestionnaires de systèmes de partager les quantités de matière valorisées par les entreprises de collecte auxquelles ils font appel en considération des quantités de matière pour lesquelles ils sont responsables au titre des contrats signés avec les fabricants et les distributeurs
d’emballages».
257. Par conséquent, au vu de ces éléments, nous pensons que le septième moyen doit également être rejeté comme étant non fondé.
H — Sur le huitième moyen, tiré d’une violation du droit à un délai raisonnable de la procédure
1. Arguments des parties
258. Par son huitième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a commis une irrégularité de procédure et a porté atteinte à ses intérêts en méconnaissant le droit fondamental au traitement d’une affaire dans un délai raisonnable, tel que reconnu par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), et par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
proclamée à Nice le 7 décembre 2000 (JO C 364, p. 1).
259. Selon la requérante, la procédure, qui a duré cinq ans et neuf mois, paraît, de prime abord, considérable. Elle cite, à cet égard, l’arrêt du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission ( 17 ). La requérante estime qu’une telle durée ne saurait être justifiée que par des circonstances exceptionnelles, au sens de l’arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission ( 18 ), ce qui ne serait pas le cas dans la présente affaire.
260. La requérante demande, dès lors, à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, conformément aux articles 58, premier alinéa, seconde phrase, et 61, paragraphe 1, première phrase, du statut de la Cour de justice.
261. Nous verrons, dans le cadre de notre appréciation, quels sont les arguments de la requérante au soutien de ce moyen.
262. La Commission considère que, selon la jurisprudence de la Cour, même la durée excessive d’une procédure ne peut pas entraîner l’annulation d’un arrêt, si cette durée n’a pas eu d’effet sur l’issue du litige ( 19 ). Selon elle, il n’y aurait pas de rapport entre la durée de la procédure et l’issue du litige et l’annulation de l’arrêt conduirait à allonger encore la durée de la procédure.
263. Vfw observe que DSD n’a pas subi de désavantages du fait de la durée de la procédure, dans la mesure où elle a pu poursuivre ses activités et où sa position sur le marché ne s’est pas significativement affaiblie. Par ailleurs, même dans l’hypothèse d’une atteinte aux intérêts de la requérante, l’annulation de l’arrêt attaqué serait disproportionnée.
264. Landbell et BellandVision rappellent que le caractère raisonnable de la durée de la procédure doit être apprécié à la lumière des circonstances du cas. En l’espèce, DSD aurait inventé une complexité significative par des développements longs, déformants sur le fond et même faux sur les points essentiels en ce qui concerne le droit des marques.
2. Appréciation
265. Il ressort d’une jurisprudence constante que, s’agissant des irrégularités éventuelles de la procédure, aux termes des articles 225 CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, le pourvoi est limité aux questions de droit. Selon cette dernière disposition, il peut être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ainsi que de la violation du droit communautaire par le
Tribunal ( 20 ).
266. Ainsi, la Cour est compétente pour contrôler si des irrégularités de procédure portant atteinte aux intérêts de la requérante ont été commises devant le Tribunal et doit s’assurer que les principes généraux de droit communautaire et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés ( 21 ).
267. À cet égard, il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ( 22 ).
268. Le principe général de droit communautaire selon lequel toute personne a droit à un procès équitable, qui s’inspire de ces droits fondamentaux, et notamment le droit à un procès dans un délai raisonnable, est applicable dans le cadre d’un recours juridictionnel contre une décision de la Commission infligeant à une entreprise des amendes pour violation du droit de la concurrence ( 23 ). Dès lors, il appartient à la Cour, au stade du pourvoi, d’examiner de tels moyens invoqués quant à la
procédure devant le Tribunal ( 24 ).
269. La durée de la procédure a eu comme point de départ le dépôt, au greffe du Tribunal, de la requête en annulation de la requérante le 5 juillet 2001 et s’est achevée le 24 mai 2007, date du prononcé de l’arrêt attaqué. La procédure devant le Tribunal a donc duré environ cinq ans et neuf mois.
270. S’inspirant des critères dégagés par la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour a jugé, dans l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, qu’il y a lieu d’apprécier le caractère raisonnable du délai de procédure en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement du requérant devant le Tribunal ainsi que celui des autorités compétentes ( 25 ).
271. Nous examinerons successivement ces trois critères à la lumière de la jurisprudence de l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité.
a) Sur l’enjeu du litige
272. La Cour a jugé que, en cas de litige sur l’existence d’une infraction aux règles de concurrence, l’exigence fondamentale de sécurité juridique dont doivent bénéficier les opérateurs économiques ainsi que l’objectif d’assurer que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur présentent un intérêt considérable non seulement pour le requérant lui-même et pour ses concurrents, mais également pour les tiers, en raison du grand nombre de personnes concernées et des intérêts financiers en
jeu ( 26 ).
273. Un enjeu important, et notamment un enjeu financier pour l’entreprise concernée, requiert donc un traitement rapide de l’affaire. Si nous prenons, par exemple, le cas d’une entreprise qui se voit, en vertu d’une décision de la Commission, dans l’obligation de divulguer des informations relatives à un de ses produits afin que des entreprises concurrentes puissent développer leurs produits, nul doute que cette décision et la procédure lancée par l’entreprise auront un impact sur son activité, le
recours contre les décisions de la Commission n’ayant pas d’effet suspensif.
274. Il en va de même lorsque la Commission décide d’infliger une amende à l’entreprise qu’elle considère responsable de l’infraction.
275. La question qui se pose dans la présente affaire est donc celle de savoir si l’enjeu était véritablement capital pour DSD, au point où la survie de son activité économique a pu être en jeu. Nous ne le pensons pas.
276. À la différence de l’entreprise en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, DSD ne s’est vu infliger aucune amende par la Commission. À cet égard, cette dernière rappelle dans son mémoire en réponse qu’elle s’est déjà pleinement expliquée au point 148 de sa communication des griefs ( 27 ) et qu’elle n’envisage pas non plus d’infliger d’astreinte.
277. Par ailleurs, la décision litigieuse n’était pas, selon nous, de nature à remettre en cause l’activité de la requérante. Cette décision a pour but de mettre un terme à un abus qui consiste à faire payer une redevance pour la totalité des emballages mis sur le marché par l’entreprise adhérente, même pour la partie des emballages qui n’est pas effectivement reprise par le système DSD. C’est la raison pour laquelle ladite décision prévoit que, lorsqu’il est prouvé que ces emballages ne sont pas
repris par ce système, la redevance ne doit pas être payée pour cette partie d’emballages.
278. Les contrats que DSD a signés avec les entreprises adhérentes ne sont donc pas remis en cause et son activité peut fonctionner normalement. Il est simplement demandé à DSD de ne pas faire payer une redevance pour un service qu’elle ne rend pas.
279. L’enjeu du litige est donc, selon nous, réel pour DSD, car il a forcément un impact sur elle, mais il n’est pas fondamental, car il ne remet pas en cause la survie économique de son activité.
280. Cette circonstance ne doit toutefois pas amener à priver la requérante de son droit à un procès équitable dans un délai raisonnable, en particulier, lorsque, ainsi que nous allons le voir, la complexité de l’affaire ne requérait pas, selon nous, un délai de procédure de cinq ans et neuf mois.
b) Sur la complexité de l’affaire
281. Il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de celle de la Cour que la complexité d’une affaire se détermine à partir d’un faisceau d’éléments.
282. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la nature économique des infractions ne rend pas, en soi, la procédure particulièrement complexe. Elle a également relevé qu’une modification de la loi en cause au principal a facilité le travail du juge d’instruction. La Cour européenne des droits de l’homme a, par ailleurs, noté que l’affaire au principal concerne quatre personnes, dans le cadre de sociétés orientées vers un même secteur d’activité et sans qu’apparaissent des montages
juridiques suffisamment élaborés pour gêner considérablement les enquêteurs dans leur tâche. Elle en a conclu que la complexité de l’affaire ne justifie pas la durée de la procédure ( 28 ).
283. La Cour, dans l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, a notamment pris en compte, afin de juger de la complexité de l’affaire, le nombre de personnes concernées par la décision de la Commission et le fait que le recours de la requérante constituait l’un des onze recours, formulés en trois langues de procédures différentes, formellement joints aux fins de la procédure orale ( 29 ). La Cour a également relevé que la procédure concernant la requérante nécessitait un examen approfondi de
documents relativement volumineux et de questions de fait et de droit d’une certaine complexité ( 30 ).
284. Dans l’arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission ( 31 ), la Cour a indiqué que la durée considérable de la procédure devant le Tribunal est susceptible de s’expliquer dans une large mesure par une conjonction de circonstances objectives tenant au nombre d’affaires parallèles successivement introduites devant le Tribunal ainsi qu’à l’importance des questions juridiques soulevées par celles-ci ( 32 ).
285. Dans le cadre de la présente affaire, il convient de noter que DSD, qui est l’entreprise visée par la décision litigieuse, est la seule requérante. En outre, la procédure s’est déroulée en une seule langue, qui est l’allemand.
286. Il n’est, certes, pas contestable que le Tribunal doit, dans les affaires qui lui sont soumises, traiter des questions de fait et de droit complexes.
287. Cependant, nous pensons que la présente affaire ne présentait pas une complexité juridique telle qu’elle justifie un délai de procédure de cinq ans et neuf mois.
288. En effet, nous relevons que, s’il est vrai que le système prévu par le décret sur les emballages et celui mis en place par DSD peuvent être difficiles à appréhender dans un premier temps, il n’en demeure pas moins que les faits dans la présente affaire ne sont pas aussi complexes, par exemple, que des faits que le Tribunal peut avoir à traiter dans des affaires d’ententes et de pratiques concertées.
289. Par ailleurs, la question juridique dans cette affaire est limitée à l’existence d’un abus de position dominante, la question de l’existence même d’une position dominante n’étant pas contestée. Or, la détermination de l’existence d’une telle position se révèle souvent difficile et complexe, notamment parce qu’il est question d’étudier des données économiques elles-mêmes complexes.
290. Dès lors, nous estimons que la complexité de la présente affaire ne justifiait pas le délai de cinq ans et neuf mois de la procédure devant le Tribunal.
c) Sur les comportements de la requérante et des autorités compétentes
291. Au cours de la procédure juridictionnelle, le comportement de la requérante peut avoir des conséquences sur l’allongement de la durée de cette procédure. La Cour va donc examiner quel a été ce comportement afin de prendre en compte la responsabilité de chacun dans la durée de la procédure.
292. Afin de juger du comportement de la requérante, la Cour a, dans l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, examiné si Baustahlgewebe GmbH a demandé un prolongement du délai initialement prévu pour le dépôt du mémoire en réplique, afin de déterminer si elle a contribué de manière significative à prolonger la durée de la procédure.
293. Nous relevons, dans la présente affaire, qu’il ressort des pièces de procédure du dossier que DSD a effectivement demandé à ce que le délai pour le dépôt de son mémoire en réplique soit prolongé, ce qui a été accepté par décision du 21 novembre 2001.
294. Cependant, ce n’est pas, à notre avis, cette demande de prolongation du délai pour le dépôt du mémoire en réplique qui a contribué de manière significative à prolonger la durée de la procédure devant le Tribunal.
295. En effet, et s’agissant du comportement de l’autorité compétente, à savoir le Tribunal, il convient de noter que, entre la signification de la fin de la procédure écrite aux parties le 9 septembre 2002 et la convocation à l’audience signifiée aux parties le 8 juin 2006, il s’est écoulé trois ans et neuf mois. Il nous semble qu’un tel délai, compte tenu de la relative complexité de l’affaire et du comportement de la requérante, n’est pas justifié.
296. À cet égard, la Cour a jugé, dans l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, que la structure du système juridictionnel communautaire justifie, à certains égards, que le Tribunal, chargé d’établir les faits et de procéder à un examen matériel du litige, puisse disposer de relativement plus de temps pour instruire les recours nécessitant un examen approfondi de faits complexes. Toutefois, la Cour ajoute que cette mission ne dispense pas la juridiction communautaire instituée spécialement à
cette fin de respecter le délai raisonnable dans le traitement des affaires dont elle est saisie ( 33 ).
297. La Cour a examiné également s’il y avait eu, au cours de la période se situant entre la fin de la procédure écrite et la décision d’ouvrir la procédure orale, des mesures d’organisation de la procédure ou encore des mesures d’instruction ( 34 ).
298. La Cour a relevé que 32 mois s’étaient écoulés entre la fin de la procédure écrite et la décision d’ouvrir la procédure orale et 22 mois entre la clôture de la procédure orale et le prononcé de l’arrêt du Tribunal. De telles durées, selon la Cour, ne sauraient être justifiées que par des circonstances exceptionnelles. La Cour a jugé que, en l’absence de toute suspension de la procédure devant le Tribunal, notamment en vertu des articles 77 et 78 du règlement de procédure de celui-ci, il
convenait de conclure que de telles circonstances n’étaient pas réunies ( 35 ).
299. Nous relevons que, dans la présente affaire, 45 mois se sont écoulés entre la fin de la procédure écrite et la décision d’ouvrir la procédure orale et que, durant cette période, aucune mesure particulière d’organisation ni aucune mesure d’instruction n’ont été prises.
300. Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces éléments, nous pensons que, quand bien même l’enjeu du litige ne mettait pas en cause la survie de l’activité économique de DSD, la complexité de l’affaire ainsi que le comportement de la requérante ne justifiaient pas un délai de procédure devant le Tribunal de cinq ans et neuf mois. Ce délai doit donc, à notre avis, être considéré comme déraisonnable.
3. Sur les conséquences du non-respect du délai raisonnable de la procédure devant le Tribunal
301. La requérante estime que le non-respect de la durée raisonnable de la procédure devant le Tribunal a porté atteinte à ses intérêts, au sens de l’article 58, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice. Une telle irrégularité justifierait l’annulation de l’arrêt attaqué, indépendamment de ses conséquences éventuelles sur l’issue du litige, conformément à l’article 61, premier alinéa, première phrase, du statut de la Cour de justice.
302. Nous sommes d’avis que le huitième moyen doit être rejeté comme étant inopérant.
303. S’il est vrai que, selon nous, la durée de la procédure devant le Tribunal ne correspond pas à la définition du délai raisonnable, nous pensons que cette constatation ne peut pas, en réalité, avoir l’annulation pour sanction.
304. À cet égard, l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, n’avait organisé qu’une réparation purement indemnitaire du préjudice causé par la violation du délai raisonnable de la procédure.
305. Dans la présente affaire, admettre l’annulation de l’arrêt attaqué reviendrait à autoriser DSD à restaurer un comportement infractionnel qui a été sanctionné par la décision litigieuse pour des motifs que nous venons de décrire comme étant fondés.
306. La sanction de la violation du délai raisonnable de la procédure ne saurait, en effet, en aucun cas, aboutir à permettre à une entreprise de poursuivre ou de rétablir un comportement qui a été jugé comme contraire aux règles communautaires.
307. En conséquence, la violation du délai raisonnable de la procédure ne peut donner lieu, le cas échéant, qu’à une demande en réparation du préjudice causé.
308. S’agissant de la nature de ce préjudice, nous ne sommes pas, dans la présente affaire, dans une situation comparable à celle d’une entreprise qui aurait, du fait de la durée excessive de la procédure, subi des pertes économiques. Il n’existe donc pas, selon nous, de préjudice économique.
309. Le préjudice subi par la requérante est ici constitué par la violation par elle-même d’un principe général de droit communautaire, à savoir le droit à un procès équitable dont le respect du délai raisonnable en est une des composantes ( 36 ).
310. Nous rappelons, à cet égard, que l’article 6, paragraphe 2, UE indique que «[l]’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la [CEDH]».
311. En outre, selon une jurisprudence constante de notre Cour, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont elle assure le respect, s’inspirant des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré ( 37 ).
312. La CEDH revêt dans ce contexte une signification particulière ( 38 ).
313. Ce droit pour toute personne de voir sa cause entendue dans un délai raisonnable revêt, selon nous, une importance telle que le seul fait de priver une personne physique ou morale de cette garantie constitue à lui seul un préjudice autonome.
314. Concernant les formes possibles de réparation, les modes retenus par la Cour européenne des droits de l’homme peuvent, à notre avis, être transposés à la présente affaire. Ainsi, la reconnaissance de la violation du principe en question nous paraît constituer une «satisfaction équitable» propre à réparer par elle-même, en l’absence de préjudice matériel, celui subi par la requérante. En effet, la Cour européenne des droits de l’homme a déjà admis que «le constat [selon lequel un État a violé
l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH] fournit par lui-même […] une satisfaction équitable suffisante dans les circonstances du litige» ( 39 ).
315. Toutefois, si DSD estime que la simple reconnaissance de la violation du principe du délai raisonnable de la procédure n’est pas une satisfaction équitable, elle peut, à notre avis, engager devant la juridiction communautaire une action en réparation selon les formes du droit commun. En effet, conformément à l’article 288, deuxième alinéa, CE, «[e]n matière de responsabilité non contractuelle, la Communauté doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres,
les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions».
316. Quelle serait, dès lors, la juridiction compétente pour connaître d’une telle action?
317. Les textes communautaires ne prévoient pas de dispositions particulières pour les actions en réparation du préjudice occasionné par le fonctionnement de la justice communautaire.
318. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, l’avocat général Léger avait indiqué que, selon lui, la Cour restait compétente pour connaître de tels litiges, lorsqu’ils visent des actes juridictionnels que le Tribunal a lui-même adoptés.
319. La solution proposée était alors la suivante. Considérant qu’il ne pouvait être envisagé de confier à une instance juridictionnelle la mission de se prononcer sur le caractère fautif ou illégal de son propre comportement, la compétence du Tribunal devait être analysée comme ne comprenant pas les actions en indemnisation dirigées contre les actes juridictionnels qu’il avait lui-même adoptés. La Cour, selon l’avocat général Léger, était, dès lors, compétente pour connaître de telles actions.
320. À l’époque de l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, la solution proposée ne se heurtait à aucun obstacle dirimant, la compétence du Tribunal, non inscrite dans le traité CE était déterminée par décision du Conseil de l’Union européenne selon une procédure adaptée ( 40 ).
321. Cependant, avec l’entrée en vigueur du traité de Nice, le Tribunal a, désormais, par une décision du droit primaire, une compétence exclusive pour connaître des litiges relatifs à la réparation des dommages causés par les institutions ou par les agents de la Communauté dans l’exercice de leurs fonctions.
322. Dès lors, en l’état actuel du droit communautaire primaire, nous ne voyons pas sur quelle base juridique la Cour pourrait connaître de ce type de recours, sauf à créer une nouvelle voie de droit.
323. Par conséquent, nous pensons que le Tribunal reste compétent pour connaître d’un recours en réparation à la suite d’un dommage causé par le non-respect du délai raisonnable de la procédure devant le juge communautaire.
324. À notre sens, cette solution satisferait, d’ailleurs, au principe de l’exigence d’une juridiction impartiale. En effet, la conception de l’impartialité de la Cour européenne des droits de l’homme nous paraît compatible avec la solution que nous proposons.
325. En effet, celle-ci distingue deux aspects de la notion d’impartialité, l’un subjectif et l’autre objectif ( 41 ).
326. La démarche subjective consiste à déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur en telle circonstance et s’intéresse donc à la personnalité même du juge. L’impartialité subjective se présume jusqu’à la preuve du contraire ( 42 ). Elle est, dès lors, difficile à contester.
327. C’est la raison pour laquelle l’impartialité objective de la juridiction sera déterminante. La démarche objective consiste à se demander si, indépendamment de la conduite personnelle d’un juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l’impartialité de ce dernier ( 43 ). La Cour européenne des droits de l’homme précise, à cet égard, que même les apparences peuvent revêtir de l’importance ( 44 ).
328. L’étude de la jurisprudence de cette dernière démontre que celle-ci fait une analyse du critère de l’impartialité objective au cas par cas. Elle a d’ailleurs précisé dans son arrêt Morel c. France, précité, que la réponse à la question de savoir si une juridiction est objectivement impartiale varie suivant les circonstances de la cause ( 45 ).
329. Néanmoins, dans chaque cas qui lui a été soumis, nous retrouvons un fil conducteur, à savoir que l’élément déterminant réside dans le fait de savoir si les appréhensions de l’intéressé peuvent passer pour objectivement justifiées ( 46 ).
330. Au vu de ce critère, la Cour européenne des droits de l’homme a tantôt admis que le cumul des fonctions juridictionnelles, ainsi que le cumul des fonctions juridictionnelles et non juridictionnelles, n’étaient pas contraires au principe d’impartialité objective et a tantôt sanctionné ces cumuls.
331. Ainsi, par exemple, dans l’affaire Gubler c. France ( 47 ), l’impartialité de la section disciplinaire du conseil national de l’Ordre des médecins était mise en cause par M. Gubler. Cet organe avait formé une plainte contre lui et avait statué sur cette même plainte. M. Gubler estimait que ledit organe avait été juge et partie.
332. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que, puisque les membres de la section disciplinaire, ayant fait partie de la formation de jugement qui a statué sur la plainte formée contre M. Gubler, étaient étrangers à la décision du conseil national de former une telle plainte, les doutes du plaignant sur l’indépendance et l’impartialité des membres de la section disciplinaire ne pouvaient pas être objectivement justifiés ( 48 ).
333. Dans l’affaire Procola c. Luxembourg ( 49 ), la requérante remettait en cause l’impartialité du comité du contentieux du conseil d’État luxembourgeois dans le cadre d’un recours contre un règlement grand-ducal. Quatre des cinq membres composant ce comité avaient initialement donné un avis sur le projet de ce règlement dans le cadre de leur mission à caractère consultatif.
334. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé qu’il y avait eu confusion, dans le chef de quatre conseillers d’État, de fonctions consultatives et de fonctions juridictionnelles. Elle a jugé que le seul fait que certaines personnes exercent successivement, à propos des mêmes décisions, les deux types de fonctions est de nature à mettre en cause l’impartialité structurelle de ladite institution justifiant ainsi les doutes de la requérante ( 50 ).
335. La Cour européenne des droits de l’homme a, par ailleurs, précisé que l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH implique pour toute juridiction nationale une obligation de vérifier si, par sa composition, elle constitue un tribunal impartial ( 51 ).
336. Cette jurisprudence doit être aussi combinée avec l’effectivité d’autres principes également fondamentaux, à savoir le droit d’accès à un tribunal et l’exigence d’un double degré de juridiction.
337. Les juridictions communautaires compétentes pour connaître d’un recours en réparation du dommage causé par le fonctionnement de la justice communautaire, l’une en première instance, l’autre sur pourvoi, n’étant qu’au nombre de deux, il nous paraît raisonnable de retenir leur compétence, sous l’expresse réserve que la formation évoquant le recours soit composée autrement que celle ayant adoptée l’acte d’où aurait résulté le préjudice allégué.
338. Certes, l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Mihalkov c. Bulgarie ( 52 ) peut susciter un doute quant à la possibilité pour le Tribunal de connaître d’un recours en réparation du dommage causé par une juridiction communautaire. En effet, cette Cour a estimé, dans cette affaire, que, même s’il n’y avait aucune raison de douter de l’impartialité personnelle des juges du tribunal de la ville de Sofia, leur rattachement professionnel à l’une des parties au
litige (la responsabilité du tribunal de la ville de Sofia étant engagée) pouvait à lui seul susciter chez le requérant des doutes légitimes concernant l’impartialité objective des magistrats et leur indépendance vis-à-vis de l’autre partie au litige ( 53 ). En outre, pouvait renforcer les doutes du requérant le fait que, selon les règles budgétaires pertinentes, le paiement de l’indemnité qui allait lui être accordée en cas de succès devait s’imputer sur le budget du tribunal de la ville de
Sofia ( 54 ).
339. Nous soulignons, néanmoins, que cette décision particulière n’est pas transposable à la présente affaire. Dans la mesure où les juridictions des États sont multiples, un recours pouvait facilement être attribué à des juridictions étrangères au litige et donc indemnes de tout doute quant à leur impartialité. Tel n’est pas le cas au niveau communautaire, ainsi que nous venons de le voir.
340. Si l’on suit le raisonnement de la Cour européenne des droits de l’homme dans cette affaire, ni le Tribunal ni même la Cour, lorsque le comportement de cette dernière serait en cause, ne pourraient alors juger d’un recours en réparation du dommage causé par une juridiction communautaire. Cela constituerait donc un déni de justice.
341. Tous ces éléments plaident, selon nous, en faveur de la conservation de la compétence du Tribunal pour connaître de ce type de recours.
342. Pour ces raisons, et sous les conditions susmentionnées, seule la procédure du droit commun nous paraît pouvoir être appliquée.
VII — Conclusion
343. Au regard des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de:
— rejeter le pourvoi en son entier, et
— condamner Der Grüne Punkt — Duales System Deutschland GmbH aux dépens, conformément à l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour de justice des Communautés européennes.
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( 1 ) Langue originale: le français.
( 2 ) T-151/01, Rec. p. II-1607, ci-après l’«arrêt attaqué».
( 3 ) La valorisation d’un déchet n’est pas synonyme de recyclage. Le recyclage est un procédé de traitement des déchets qui permet de réintroduire, dans le cycle de production d’un produit, des matériaux qui le composent. La valorisation d’un déchet est le fait d’utiliser ce déchet comme matière première.
( 4 ) Affaire COMP D3/34493 — DSD (JO L 166, p. 1, ci-après la «décision litigieuse»).
( 5 ) Premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204).
( 6 ) BGBl. 1991 I, p. 1234.
( 7 ) Affaires COMP/34493 — DSD, COMP/37366 — Hofmann + DSD, COMP/37299 — Edelhoff + DSD, COMP/37291 — Rethmann + DSD, COMP/37288 — ARGE et cinq autres entreprises + DSD, COMP/37287 — AWG et cinq autres entreprises + DSD, COMP/37526 — Feldhaus + DSD, COMP/37254 — Nehlsen + DSD, COMP/37252 — Schönmakers + DSD, COMP/37250 — Altvater + DSD, COMP/37246 — DASS + DSD, COMP/37245 — Scheele + DSD, COMP/37244 — SAK + DSD, COMP/37243 — Fischer + DSD, COMP/37242 — Trienekens + DSD, COMP/37267 — Interseroh +
DSD (JO L 319, p. 1).
( 8 ) Voir points 4, 58 et 59 des motifs de la décision litigieuse.
( 9 ) Voir points 7, 60 et 61 des motifs de la décision litigieuse.
( 10 ) Voir point 20 des motifs de la décision litigieuse. Voir, également, la communication du gouvernement allemand à la Commission du 24 mai 2000 (Annexe K 21 de la requête introductive d’instance). Le gouvernement allemand indique, notamment, qu’«[u]n éliminateur individuel peut toutefois tout à fait réaliser une combinaison entre la reprise ‘à proximité du commerce’ et une collecte à proximité du consommateur final en ne participant à un système duel au titre de l’article 6, paragraphe 3, du
[décret] sur les emballages que pour une partie des emballages qu’il a mis sur le marché».
( 11 ) Voir point 111 de l’arrêt attaqué.
( 12 ) Voir, notamment, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, point 426).
( 13 ) Voir point 9 de l’arrêt attaqué.
( 14 ) JO 1989, L 40, p. 1.
( 15 ) Voir, notamment, arrêt du 23 octobre 2003, Rioglass et Transremar (C-115/02, Rec. p. I-12705, point 25 et jurisprudence citée).
( 16 ) Voir le site Internet de Eco — Emballages, titulaire de la licence d’utilisation du logo Der Grüne Punkt en France (http://www.ecoemballages.fr).
( 17 ) C-403/04 P et C-405/04 P, Rec. p. I-729, points 118 et 119.
( 18 ) C-185/95 P, Rec. p. I-8417.
( 19 ) La Commission cite l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité (point 49).
( 20 ) Arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité (point 18).
( 21 ) Ibidem (point 19).
( 22 ) Ibidem (point 20).
( 23 ) Ibidem (point 21).
( 24 ) Ibidem (point 22).
( 25 ) Ibidem (point 29).
( 26 ) Ibidem (point 30). Voir, également, Cour eur. D. H., arrêt Kemmache c. France du 27 novembre 1991, série A no 218, § 60.
( 27 ) Annexe R 24 du pourvoi.
( 28 ) Voir Cour eur. D. H., arrêt Pélissier et Sassi c. France du 25 mars 1999, Recueil des arrêts et décisions 1999-II, § 71.
( 29 ) Arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité (point 35).
( 30 ) Ibidem (point 36).
( 31 ) C-120/06 P et C-121/06 P, Rec. p. I-6513.
( 32 ) Point 213.
( 33 ) Arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité (point 42).
( 34 ) Ibidem (point 45).
( 35 ) Ibidem (points 45 et 46).
( 36 ) Voir point 268 des présentes conclusions.
( 37 ) Voir, notamment, arrêt du 12 juin 2003, Schmidberger (C-112/00, Rec. p. I-5659, point 71).
( 38 ) Idem.
( 39 ) Voir Cour eur. D. H., arrêt Hauschildt c. Danemark du 24 mai 1989, série A no 154, § 58.
( 40 ) Les compétences du Tribunal étaient fixées par le Conseil, sur demande de la Cour et après consultation du Parlement européen et de la Commission. La décision 88/591/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 319, p. 1), telle que modifiée par la décision 93/350/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 8 juin 1993 (JO L 144, p. 21), prévoyait, ainsi, à son article 3, paragraphe 1, sous c), que le Tribunal était
compétent, en première instance, pour connaître des recours mettant en cause la responsabilité non contractuelle de la Communauté due en raison des dommages causés par ses institutions.
( 41 ) Voir Cour eur. D. H., arrêt Piersack c. Belgique du 1er octobre 1982, série A no 53, § 30.
( 42 ) Voir Cour eur. D. H., arrêt Hauschildt c. Danemark, précité, § 47.
( 43 ) Ibidem (§ 48). Voir, également, Cour eur. D. H., arrêt Morel c. France du 18 octobre 2000, § 42.
( 44 ) Idem.
( 45 ) § 45.
( 46 ) Voir Cour eur. D. H., arrêts Hauschildt c. Danemark, précité, § 48, et Hirschhorn c. Roumanie du 26 octobre 2007, § 73.
( 47 ) Voir Cour eur. D. H., arrêt Gubler c. France du 27 juillet 2006.
( 48 ) Idem (§ 28 et 30). Pour des exemples d’admission par la Cour européenne des droits de l’homme du cumul de fonctions juridictionnelles, voir Cour eur. D. H., arrêts Nortier c. Pays-Bas du 24 août 1993, série A no 267, et Depiets c. France du 10 février 2004.
( 49 ) Voir Cour eur. D. H., arrêt Procola c. Luxembourg du 28 septembre 1995, série A no 326.
( 50 ) Idem (§ 45). Pour des exemples de sanction du cumul des fonctions juridictionnelles, voir Cour eur. D. H., arrêts Findlay c. Royaume-Uni du 25 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, et Tierce e.a. c. Saint-Marin du 25 juillet 2000.
( 51 ) Voir Cour eur. D. H., arrêt Remli c. France du 23 avril 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-II, p. 574, § 48.
( 52 ) Voir Cour eur. D. H., arrêt Milhalkov c. Bulgarie du 10 juillet 2008.
( 53 ) Idem (§ 47).
( 54 ) Ibidem (§ 48).