La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2008 | CJUE | N°C-42/07

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Bot présentées le 14 octobre 2008., Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International Ltd contre Departamento de Jogos da Santa Casa da Misericórdia de Lisboa., 14/10/2008, C-42/07


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 14 octobre 2008 ( 1 )

Affaire C-42/07

Liga Portuguesa de Futebol Profissional

et

Bwin International Ltd, anciennement Baw International Ltd

contre

Departamento de Jogos da Santa Casa da Misericórdia de Lisboa

Table des matières

  I — Introduction

...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 14 octobre 2008 ( 1 )

Affaire C-42/07

Liga Portuguesa de Futebol Profissional

et

Bwin International Ltd, anciennement Baw International Ltd

contre

Departamento de Jogos da Santa Casa da Misericórdia de Lisboa

Table des matières

  I — Introduction
  A — Présentation générale de l’affaire
  B — Les jeux de hasard et d’argent
  1. Une grande variété de jeux
  2. Un enjeu économique important
  3. Une activité qui génère des risques sérieux
  4. Une activité strictement réglementée par les États membres
  5. L’impact des nouveaux moyens de communication
  II — Le cadre législatif
  A — Le droit communautaire
  1. Le droit dérivé
  a) L’absence de texte normatif régissant spécialement les jeux de hasard et d’argent
  b) La directive 98/34
  2. Le droit primaire et son interprétation
  a) Le traité
  b) La jurisprudence
  B — Le droit national
  1. Les indications fournies par la juridiction de renvoi
  2. Les renseignements complémentaires fournis par le gouvernement portugais
  a) Les types de jeux
  i) Les jeux de casino
  ii) Les loteries, tombolas et concours publicitaires
  iii) Les jeux de loto et les paris
  b) La réglementation de la Santa Casa
  III — Le litige au principal et la question préjudicielle
  IV — Analyse
  A — Sur la recevabilité de la question préjudicielle
  B — Sur le fond
  1. L’application de la directive 98/34
  a) La possibilité, pour la Cour, d’interpréter la directive 98/34 alors que la juridiction de renvoi n’a pas fait référence à cette directive
  b) La réglementation litigieuse entre dans le champ d’application la directive 98/34
  c) Les conséquences du défaut de notification de la réglementation litigieuse
  d) Les effets de l’arrêt de la Cour pour la juridiction de renvoi
  2. La compatibilité de la législation nationale en cause avec les libertés de circulation
  a) La liberté de circulation applicable
  b) L’existence d’une restriction
  c) La justification de la restriction
  i) Les arguments des parties
  ii) Notre appréciation
  — La portée de l’encadrement de la compétence des États membres dans le domaine des jeux de hasard et d’argent
  — La protection des consommateurs et celle de l’ordre public peuvent justifier des mesures restrictives de la libre prestation de paris mutuels sur l’internet
  — L’aptitude de la législation en cause à atteindre les objectifs qu’elle poursuit
  — La proportionnalité de la législation en cause
  — L’application non discriminatoire
  V — Conclusions

«Demande de décision préjudicielle — Article 49 CE — Restrictions à la libre prestation des services — Exploitation de jeux de hasard par l’Internet»

I — Introduction

A — Présentation générale de l’affaire

1. La problématique de la conformité des législations des États membres en matière de jeux de hasard et d’argent avec le droit communautaire a déjà donné lieu à une jurisprudence relativement abondante. Elle continue néanmoins de susciter de nombreuses interrogations de la part des juridictions des États membres, comme en témoigne le nombre d’affaires actuellement soumises à la Cour  ( 2 ) .

2. Dans la présente affaire, il s’agit de permettre à la juridiction de renvoi de déterminer si sa législation nationale, en ce qu’elle octroie à un opérateur unique le droit exclusif de proposer des paris mutuels sur l’internet, est conforme au droit communautaire.

3. Cette affaire concerne la législation portugaise, qui confère au Departamento de Jogos da Santa Casa da Misericórdia de Lisboa  ( 3 ) , un organisme multiséculaire à but non lucratif chargé de financer des causes d’intérêt public, le droit exclusif d’organiser et d’exploiter des loteries ainsi que des paris mutuels sur l’ensemble du territoire national. Ce droit exclusif a été étendu à tous les moyens électroniques de communication, notamment l’internet. Cette législation prévoit également des
sanctions sous forme d’amendes administratives à l’encontre de ceux qui organisent de tels jeux en méconnaissance dudit droit exclusif et qui font de la publicité pour ces jeux.

4. Baw International Ltd  ( 4 ) , une entreprise de paris en ligne établie à Gibraltar, et la Liga Portuguesa de Futebol Profissional (CA/LPFP)  ( 5 ) ont été condamnées à des peines d’amendes pour avoir proposé des paris mutuels par voie électronique et fait de la publicité pour ces paris.

5. La juridiction de renvoi, devant laquelle Bwin et la Liga ont contesté ces amendes, s’interroge sur la compatibilité avec le droit communautaire de sa législation nationale en ce que celle-ci prévoit un tel régime d’exclusivité en ce qui concerne les paris mutuels sur l’internet.

6. Dans ces conclusions, nous soutiendrons, en premier lieu, qu’une législation d’un État membre qui octroie à une seule entité le droit exclusif de proposer des paris mutuels sur l’internet et qui prévoit des sanctions sous forme d’amendes à l’encontre des personnes méconnaissant ce droit exclusif constitue une « règle technique » au sens de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil  ( 6 ) . Nous en déduirons que, si cette législation n’a pas été régulièrement notifiée à la
Commission des Communautés européennes, elle n’est pas opposable à des opérateurs privés tels que la Liga et Bwin.

7. Nous exposerons, en second lieu, que ladite législation constitue une restriction à la libre prestation des services. Nous examinerons dans quelle mesure une telle législation peut être justifiée.

8. Nous décrirons, à titre liminaire, la portée que devrait avoir, selon nous, l’encadrement, par le droit communautaire, de la compétence des États membres dans le domaine des jeux de hasard et d’argent. Nous exposerons que les libertés de circulation n’ont pas pour objet l’ouverture du marché dans le domaine des jeux de hasard et d’argent. Nous soutiendrons qu’un État membre ne devrait être tenu d’ouvrir cette activité au marché que si, en droit ou en fait, il traite les jeux de hasard et d’argent
comme une véritable activité économique, dans laquelle il s’agit de dégager le maximum de profits. Nous soutiendrons également que les États membres doivent se voir reconnaître une grande marge d’appréciation dans la détermination des mesures à prendre afin de protéger les consommateurs ainsi que l’ordre public contre les excès du jeu, y compris dans la détermination de l’offre de jeu nécessaire à cet effet. Nous en déduirons que le droit communautaire doit se limiter à prohiber les situations
dans lesquelles les mesures restrictives prises afin de protéger les consommateurs contre la pratique excessive du jeu sont manifestement détournées de leur objet.

9. Nous indiquerons que l’article 49 CE ne s’oppose pas à une législation telle que la législation portugaise en cause si elle satisfait aux conditions suivantes qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier: ladite législation est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général, elle est propre à garantir la réalisation des objectifs qu’elle poursuit, elle n’excède pas ce qui est nécessaire pour les atteindre et elle s’applique de manière non discriminatoire. Nous apporterons les
précisions suivantes en ce qui concerne ces différentes conditions.

10. Premièrement, au regard des risques créés par les jeux de hasard et d’argent sur l’internet, un État membre peut légitimement restreindre le droit d’exploiter ces jeux dans le but de protéger les consommateurs ainsi que l’ordre public.

11. Deuxièmement, l’octroi du droit exclusif d’organiser et d’exploiter de tels jeux à une entité unique peut constituer une mesure propre à poursuivre ces objectifs si, d’une part, l’État membre dispose des moyens de diriger et de contrôler effectivement l’exploitation des jeux de hasard et d’argent par l’organisme détenteur de ce droit et, d’autre part, si, dans la mise en œuvre concrète de cette réglementation, l’État membre n’a pas excédé manifestement sa marge d’appréciation.

12. Troisièmement, l’octroi d’un droit exclusif à une entité unique, contrôlé par l’État membre et qui ne poursuit pas de but lucratif, peut constituer une mesure proportionnée.

13. Quatrièmement, la législation en cause, en ce qu’elle octroie à une entité unique le droit exclusif d’organiser et d’exploiter des loteries et des paris mutuels sur l’internet, n’est pas, en tant que telle, discriminatoire.

14. Avant d’exposer le cadre juridique et factuel de la présente affaire, puis notre analyse, il nous semble nécessaire de présenter brièvement en quoi consistent les jeux de hasard et d’argent dans l’Union européenne ainsi que les enjeux qui entourent cette activité.

B — Les jeux de hasard et d’argent

15. Nous développerons brièvement les cinq points suivants. Les jeux de hasard et d’argent correspondent aujourd’hui à une grande variété de jeux. Ils constituent un enjeu économique très important. Ils présentent néanmoins des risques sérieux pour la société. Ils font l’objet d’une réglementation stricte et hétérogène dans les États membres. Enfin, les moyens électroniques de communication, en particulier l’internet, constituent un facteur de développement considérable de ces jeux.

1. Une grande variété de jeux

16. La pratique de jeux dont le résultat dépend du hasard et dans lesquels les joueurs misent des valeurs ou de l’argent apparaît très ancienne et commune à plusieurs sociétés. Les historiens situent son apparition au troisième millénaire avant notre ère en Extrême-Orient et en Égypte  ( 7 ) . Ils sont beaucoup pratiqués au cours de l’Antiquité grecque et romaine  ( 8 ) .

17. Les jeux de hasard et d’argent se sont beaucoup diversifiés au cours de l’histoire et il en existe aujourd’hui une très grande variété. Ils peuvent être regroupés très schématiquement en quatre grandes catégories.

18. La première d’entre elles consiste dans les loteries, auxquelles nous associons les bingos qui reposent sur le même principe. Il s’agit de jeux de hasard pur, dans lesquels les connaissances et la stratégie ne jouent aucun rôle. Leur résultat procède d’un tirage au sort de numéros gagnants, dont le résultat est connu immédiatement ou de manière différée.

19. Les loteries et les bingos peuvent être organisés à une échelle très variable, de la loterie ou du bingo annuels d’une association locale ayant pour gains des lots en nature de faible valeur aux jeux organisés par les loteries nationales ou régionales destinés à l’ensemble du territoire d’un État membre ou d’une région d’un État fédéral et qui proposent un gain pouvant atteindre plusieurs millions d’euros. Ils peuvent aussi être organisés sous différentes formes. Il en existe ainsi une très
grande variété.

20. Au cours du mois de février de l’année 2004, les loteries de plusieurs États membres ont décidé de créer ensemble une loterie commune appelée « EuroMillions » ( 9 ) .

21. Au cours des vingt dernières années sont apparues également les loteries dites « instantanées » ou encore « à gratter » , consistant à proposer aux joueurs des billets à prix modique et sur lesquels le résultat est inscrit sous une pellicule à gratter avec l’ongle ou une pièce de monnaie.

22. La deuxième grande catégorie de jeux de hasard et d’argent recouvre les paris. Ils peuvent porter sur le résultat d’une compétition, la survenance d’un événement ou l’existence de quelque chose.

23. Parmi ces paris, l’un des plus connus et des plus anciens est le pari sur les courses de chevaux. Les joueurs sont invités à parier sur le résultat d’une course dont les participants, chevaux et jockeys, sont connus à l’avance. Les parieurs peuvent ainsi établir leurs paris en s’en remettant à la chance et aussi à leurs connaissances des caractéristiques et des performances de ces participants. Aux paris hippiques sont venus s’ajouter les paris sur les compétitions sportives.

24. Les gains dépendent soit du montant total des paris, soit de la cote convenue avec le bookmaker.

25. En troisième lieu, nous trouvons les casinos. Il s’agit d’établissements ouverts au public dans lesquels différents jeux sont autorisés. Ils ont été, pendant longtemps, perçus comme des établissements réservés à une clientèle fortunée, pouvant jouer de grosses sommes à des jeux complexes ou supposés tels, entourés de rites et de cérémonial.

26. En quatrième lieu, il convient de citer les machines à sous. Elles ont été inventées dans la première moitié du XIX e siècle aux États-Unis d’Amérique où elles ont connu un succès immédiat  ( 10 ) . Il s’agit de machines équipées d’une fente dans laquelle le joueur est invité à insérer une pièce de monnaie ou un jeton et qui affichent un résultat préprogrammé par un système informatique aléatoire. Le moment et la fréquence avec laquelle le résultat affiché par la machine correspond à une
combinaison gagnante procèdent donc du hasard.

2. Un enjeu économique important

27. Les jeux de hasard et d’argent ont connu ces dernières années un développement important. Ils représentent désormais un enjeu économique qui peut être qualifié de considérable. En effet, d’une part, ils génèrent pour les organismes qui les exploitent des revenus très élevés  ( 11 ) . D’autre part, ils repré sentent un nombre d’emplois non négligeable dans les différents États membres  ( 12 ) .

3. Une activité qui génère des risques sérieux

28. Les jeux de hasard et d’argent génèrent cependant des risques sérieux pour la société, à l’égard des joueurs et de la part des opérateurs économiques qui les organisent.

29. D’une part, ils peuvent conduire des joueurs à compromettre leurs situations économique et familiale, voire leur santé.

30. Ainsi, par nature, les jeux de hasard et d’argent ne permettent qu’à un très petit nombre de joueurs de gagner, à défaut de quoi ils seraient déficitaires et ne pourraient pas perdurer. Dans la très grande majorité des cas, les joueurs perdent donc plus qu’ils ne gagnent. Pourtant, l’excitation du jeu et la promesse de gains, parfois très élevés, peuvent conduire des joueurs à dépenser aux jeux plus que la part de leur budget disponible pour les loisirs.

31. Ce comportement peut ainsi avoir pour conséquence que des joueurs ne sont plus en mesure de faire face à leurs obligations sociales et familiales. Il peut également aboutir à une véritable situation de dépendance par rapport aux jeux de hasard et d’argent, comparable à celle causée par la drogue ou l’alcool  ( 13 ) .

32. D’autre part, les jeux de hasard et d’argent, en raison des enjeux très importants qu’ils génèrent, sont susceptibles de se prêter à des manipulations de la part de l’organisateur qui peut vouloir faire en sorte que le résultat du tirage au sort ou de la compétition sportive soit le plus favorable pour lui. En outre, dans cette relation, le joueur, à titre individuel, ne dispose d’aucun moyen réellement efficace pour vérifier que les conditions dans lesquelles le jeu se déroule sont bien
conformes à ce qui est annoncé.

33. Enfin, les jeux de hasard et d’argent peuvent constituer un moyen de « blanchiment » de sommes d’argent obtenues dans des conditions illégales. Ces sommes peuvent ainsi être jouées dans l’espoir d’obtenir des gains. Elles peuvent même se transformer en bénéfices si le délinquant est également propriétaire du jeu.

4. Une activité strictement réglementée par les États membres

34. Les jeux de hasard et d’argent ont fait l’objet, au cours de l’histoire, de nombreuses condamnations pour des raisons d’ordre moral, religieuses et tenant à la protection de l’ordre public  ( 14 ) . Ils se sont néanmoins imposés comme un fait social.

35. La réaction du pouvoir politique a oscillé entre l’interdiction totale, un encadrement étroit, en prévoyant que les revenus des jeux de hasard et d’argent devaient bénéficier exclusivement au financement d’intérêts publics, et un encouragement, afin de profiter de la manne représentée par cet impôt volontaire.

36. Aujourd’hui, dans la plupart des États membres de l’Union, les jeux de hasard et d’argent font l’objet d’une réglementation restrictive.

37. Cette restriction prend la forme, dans plusieurs de ces États  ( 15 ) , d’une interdiction de principe des jeux de hasard et d’argent, assortie de dérogations spécifiques. De même, dans la plupart d’entre eux  ( 16 ) , l’exploitation d’un jeu de hasard et d’argent par un opérateur privé, lorsqu’elle est prévue, est subordonnée à l’obtention d’une licence auprès de l’autorité compétente. En outre, le nombre d’opérateurs pouvant être autorisés à exploiter un jeu déterminé est limité, le plus
souvent, par un numerus clausus.

38. Dans plusieurs États membres, l’exploitation de jeux de hasard et d’argent peut également faire l’objet d’un droit exclusif octroyé à un organisme étatique ou à un opérateur privé  ( 17 ) .

39. Les réglementations en vigueur dans les États membres présentent donc d’importantes disparités. Aux disparités dans les régimes d’exploitation s’ajoute le fait que les dérogations à l’interdiction de principe, lorsqu’elle existe, de même que la notion de jeux de hasard et d’argent ainsi que le champ d’application des réglementations nationales, ne sont pas uniformes. Un même jeu peut donc être autorisé dans un État membre et interdit dans un autre, ou faire l’objet d’un traitement différent  (
18 ) .

40. Enfin, le traitement fiscal des jeux de hasard et d’argent diverge beaucoup d’un État membre à l’autre, puisque, dans quelques États membres, les profits générés par l’exploitation de ces jeux doivent être affectés, dans des proportions variables, à des causes d’intérêt général. De même, la part des gains distribués aux joueurs varie sensiblement.

5. L’impact des nouveaux moyens de communication

41. Il y a encore une vingtaine d’année, les jeux de hasard et d’argent n’étaient accessibles que dans des lieux précis, tels que, notamment, les nombreux points de vente de paris et de billets de loterie, les centres de courses hippiques et les casinos. La participation à un jeu de hasard et d’argent nécessitait donc que le joueur se déplace physiquement. Cette participation n’était également possible qu’aux heures d’ouverture des lieux permettant de jouer.

42. L’émergence des moyens électroniques de communication à partir des années 90, tels que les téléphones portables, la télévision interactive et, surtout, l’internet, a modifié radicalement cette situation. Grâce à ces nouveaux moyens de communication, le joueur peut jouer sans quitter son domicile et à n’importe quel moment.

43. La pratique de jeux de hasard et d’argent se trouve ainsi considérablement facilitée. L’accès à ces jeux se trouve encore favorisé par les facteurs suivants. D’une part, le nombre de personnes pouvant utiliser ces moyens électroniques de communication croît régulièrement  ( 19 ) . D’autre part, ils deviennent de plus en plus faciles à utiliser et fonctionnent de manière intégrée  ( 20 ) . Enfin, les transactions financières à partir desdits moyens de communication peuvent être effectuées très
facilement.

44. En outre, les moyens électroniques de communication, en particulier l’internet, donnent aux personnes résidant sur le territoire d’un État membre la possibilité matérielle d’accéder non seulement aux jeux en ligne proposés par les opérateurs établis sur le territoire de cet État, mais également à ceux offerts par des opérateurs établis dans d’autres États membres ou dans des pays tiers.

45. Ces nouveaux moyens de communication ont donc permis une augmentation significative de l’offre de jeux de hasard et d’argent et ces derniers ont connu un très grand succès  ( 21 ) .

II — Le cadre législatif

A — Le droit communautaire

1. Le droit dérivé

a) L’absence de texte normatif régissant spécialement les jeux de hasard et d’argent

46. Les jeux de hasard et d’argent, à ce jour, n’ont fait l’objet d’aucune réglementation ou harmonisation au sein de l’Union.

47. Ils sont exclus expressément du champ d’application de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil  ( 22 ) , dont l’article 1 er , paragraphe 5, sous d), dernier tiret, dispose que celle-ci n’est pas applicable aux « activités de jeux d’argent impliquant des mises ayant une valeur monétaire dans des jeux de hasard, y compris les loteries et les transactions portant sur des paris » .

48. Les jeux de hasard et d’argent sont également écartés du champ d’application de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil  ( 23 ) , dont le vingt-cinquième considérant prévoit qu’ « [i]l convient d’exclure les activités de jeux d’argent, y compris les loteries et paris, […] compte tenu de la spécificité de ces activités qui entraînent de la part des États membres la mise en œuvre de politiques touchant à l’ordre public et visant à protéger les consommateurs » .

49. Néanmoins, une législation nationale qui interdit à des entreprises de prestations de services par l’internet de proposer des jeux de hasard et d’argent sur le territoire d’un État membre est susceptible de relever de la directive 98/34.

b) La directive 98/34

50. La directive 98/34 vise à supprimer ou à réduire les entraves à la libre circulation des marchandises qui peuvent résulter de l’adoption, par les États membres, de réglementations techniques différentes, en favorisant la transparence des initiatives nationales vis-à-vis de la Commission, des organismes de normalisation européens et des autres États membres.

51. Son champ d’application a été étendu par la directive 98/48 à tous les services de la société de l’information, c’est-à-dire, aux termes de l’article 1 er , point 2, de la directive 98/34, aux services fournis contre rémunération, par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services.

52. La notion de « règle technique » est définie à l’article 1 er , point 11, de la directive 98/34 de la manière suivante:

« […] une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s’y appliquent, dont l’observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l’établissement d’un opérateur de services ou l’utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l’article 10, les dispositions législatives, réglementaires et
administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services.

[…] »

53. La directive 98/34 prévoit donc un système en vertu duquel chaque État membre doit notifier à la Commission ses projets de règles techniques afin de permettre à celle-ci ainsi qu’aux autres États membres de lui faire connaître leur point de vue et de proposer une normalisation moins restrictive pour les échanges. Ce système donne également à la Commission le temps nécessaire afin de proposer, le cas échéant, un texte contraignant d’harmonisation.

54. L’article 8 de la directive 98/34 prévoit ainsi:

« 1.    […] les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s’il s’agit d’une simple transposition intégrale d’une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit. Ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet.

[…]

La Commission porte aussitôt le projet de règle technique et tous les documents qui lui ont été communiqués à la connaissance des autres États membres. Elle peut aussi soumettre le projet pour avis au comité visé à l’article 5 et, le cas échéant, au comité compétent dans le domaine en question.

[…]

2.   La Commission et les États membres peuvent adresser à l’État membre qui a fait part d’un projet de règle technique des observations dont cet État membre tiendra compte dans la mesure du possible lors de la mise au point ultérieure de la règle technique.

3.   Les États membres communiquent sans délai à la Commission le texte définitif d’une règle technique.

[…] »

55. L’article 9 de la directive 98/34 dispose:

« 1.    Les États membres reportent l’adoption d’un projet de règle technique de trois mois à compter de la date de la réception par la Commission de la communication prévue à l’article 8, paragraphe 1.

2.   Les États membres reportent:

[…]

— sans préjudice des paragraphes 4 et 5, de quatre mois l’adoption d’un projet de règle relative aux services, à compter de la date de la réception par la Commission de la communication visée à l’article 8, paragraphe 1, si la Commission ou un autre État membre émet, dans les trois mois qui suivent cette date, un avis circonstancié selon lequel la mesure envisagée présente des aspects pouvant éventuellement créer des obstacles à la libre circulation des services ou à la liberté d’établissement
des opérateurs de services dans le cadre du marché intérieur.

[…]

4.   Les États membres reportent l’adoption d’un projet de règle technique de douze mois à compter de la date de la réception par la Commission de la communication prévue à l’article 8, paragraphe 1, si, dans les trois mois qui suivent cette date, la Commission fait part du constat que le projet de règle technique porte sur une matière couverte par une proposition de directive, de règlement ou de décision présentée au Conseil conformément à l’article 189 du traité [CE (devenu article 249 CE)].

[…] »

2. Le droit primaire et son interprétation

56. Les réglementations des États membres en matière de jeux de hasard et d’argent ne doivent pas porter atteinte aux engagements pris par ces États dans le cadre du traité CE, en particulier aux libertés de circulation.

a) Le traité

57. L’article 49, premier alinéa, CE prohibe les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.

58. En vertu des articles 55 CE et 48 CE, l’article 49 CE est applicable aux services offerts par une société constituée en conformité de la législation d’un État membre et ayant son siège statutaire, son administration centrale ou son principal établissement à l’intérieur de la Communauté.

b) La jurisprudence

59. La problématique de la conformité des législations des États membres en matière de jeux de hasard et d’argent avec les libertés fondamentales de circulation a donné lieu à une jurisprudence relativement abondante, dont les grandes lignes peuvent être présentées ainsi qu’il suit.

60. Les jeux de hasard et d’argent constituent une activité économique au sens de l’article 2 CE  ( 24 ) . Ils consistent, en effet, à fournir un service déterminé, à savoir l’espérance d’un gain en argent, contre rémunération.

61. Ils correspondent aussi à une activité de services qui relève du champ d’application des articles 43 CE et 49 CE, relatifs à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services. Une réglementation interdisant ou limitant le droit d’exploiter des jeux de hasard et d’argent dans un État membre peut ainsi constituer une restriction à ces libertés de circulation  ( 25 ) .

62. Cependant, la Cour a admis de manière constante que ces jeux représentent une activité économique particulière, et cela pour les raisons suivantes. Tout d’abord, dans tous les États membres, des considérations d’ordre moral, religieuses ou culturelles tendent, de manière générale, à limiter voire à interdire leur pratique et à éviter qu’ils ne soient une source de profit individuel. Ensuite, compte tenu de l’importance des sommes qu’ils permettent de collecter, les jeux de hasard et d’argent
comportent des risques élevés de délit et de fraude. En outre, ils constituent une incitation à la dépense qui peut avoir des conséquences individuelles et sociales dommageables. Enfin, sans que ce motif puisse, en lui-même, être regardé comme une justification objective, il n’est pas indifférent de relever que les jeux de hasard et d’argent peuvent participer, de manière significative, au financement d’activités désintéressées ou d’intérêt général telles que les œuvres sociales, les œuvres
caritatives, le sport ou la culture  ( 26 ) .

63. Les loteries organisées à grande échelle  ( 27 ) , les machines à sous  ( 28 ) , les paris sur les compétitions sportives  ( 29 ) et les jeux de casino  ( 30 ) ont été considérés comme des jeux susceptibles de créer un risque élevé de délit et de fraude, en raison des sommes importantes qu’ils permettent de récolter, ainsi qu’un risque pour les consommateurs, parce qu’ils constituent une incitation à la dépense  ( 31 ) .

64. Les États membres peuvent légitimement prévoir des restrictions à l’exploitation de jeux qui présentent ces caractéristiques, pour des motifs tirés de la protection des consommateurs (limiter la passion des êtres humains pour le jeu, prévenir l’incitation des citoyens à une dépense excessive liée au jeu) et de la défense de l’ordre social (éviter les risques de délit et de fraude engendrés par les jeux d’argent). Ces motifs constituent des raisons impérieuses d’intérêt général pouvant justifier
des restrictions à des libertés de circulation  ( 32 ) .

65. En revanche, l’affectation des revenus du jeu au financement d’activités sociales ne peut pas constituer une justification en tant que telle. La Cour fonde cette appréciation sur le principe selon lequel la réduction ou la diminution des recettes fiscales ne figure pas parmi les motifs visés à l’article 46 CE et ne constitue pas non plus une raison impérieuse d’intérêt général  ( 33 ) . Une telle affectation des revenus du jeu ne peut constituer qu’une conséquence bénéfique accessoire d’une
restriction  ( 34 ) .

66. La détermination du niveau de protection nécessaire des consommateurs et de l’ordre public en ce qui concerne les jeux de hasard et d’argent relève de la compétence des États membres.

67. Ainsi, selon la Cour, les autorités nationales doivent se voir reconnaître un pouvoir d’appréciation suffisant pour déterminer les exigences que comportent la protection des joueurs et, plus généralement, compte tenu des particularités socioculturelles de chaque État membre, la protection de l’ordre social, en ce qui concerne tant les modalités d’organisation des jeux et le volume de leurs enjeux que l’affectation des profits qu’ils dégagent  ( 35 ) . Les États membres sont donc libres de fixer
les objectifs de leur politique en matière de jeux de hasard et d’argent et, le cas échéant, de définir avec précision le niveau de protection recherché  ( 36 ) .

68. Néanmoins, pour pouvoir être justifiée, une mesure nationale restrictive d’une liberté de circulation doit être appliquée de manière non discriminatoire, être propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre  ( 37 ) .

69. Dans le cadre du contrôle du respect de ces conditions, la Cour a indiqué à plusieurs reprises que les motifs justifiant les restrictions prévues par la réglementation en cause doivent être examinés dans leur ensemble  ( 38 ) .

70. La Cour a admis que les restrictions suivantes pouvaient être justifiées.

71. Un État membre est en droit d’interdire totalement l’exercice d’un jeu sur son territoire  ( 39 ) . Selon la Cour, il appartient aux autorités nationales d’apprécier si, dans le contexte du but poursuivi, il est nécessaire d’interdire totalement ou partiellement des activités de cette nature ou seulement de les restreindre et de prévoir à cet effet des modalités de contrôle plus ou moins strictes  ( 40 ) .

72. Un État membre peut également octroyer à un seul organisme ou encore à un nombre limité d’opérateurs économiques le droit exclusif d’exploiter un jeu de hasard et d’argent  ( 41 ) .

73. La Cour a estimé que le fait, pour un État membre, d’autoriser l’exploitation d’un jeu de hasard et d’argent par une entité titulaire d’un droit exclusif ou par un nombre déterminé d’opérateurs économiques n’est pas incompatible avec les objectifs de protection des consommateurs contre une incitation à une dépense excessive et de défense de l’ordre public. Selon la Cour, une autorisation limitée des jeux de hasard et d’argent dans un cadre exclusif, qui présente l’avantage de canaliser l’envie
de jouer et l’exploitation de ces jeux dans un circuit contrôlé, de prévenir les risques d’une telle exploitation à des fins frauduleuses et criminelles et d’utiliser les bénéfices qui en découlent à des fins d’utilité publique, s’inscrit aussi dans la poursuite de tels objectifs  ( 42 ) .

74. En outre, la seule circonstance qu’un État membre a choisi un système de protection différent de celui adopté par un autre État membre ne saurait avoir d’incidence sur l’appréciation de la nécessité et de la proportionnalit é des dispositions prises en la matière. Celles-ci doivent seulement être appréciées au regard des objectifs poursuivis par les autorités nationales de l’État membre intéressé et du niveau de protection qu’elles entendent assurer  ( 43 ) .

75. Dans l’arrêt Läärä e.a., précité, la Cour a également examiné la question de savoir si, pour atteindre les objectifs poursuivis par la loi finlandaise en ce qui concerne l’exploitation des machines à sous, il était préférable, plutôt que d’octroyer un droit exclusif d’exploitation à l’organisme public autorisé, d’adopter une réglementation imposant aux opérateurs intéressés les prescriptions nécessaires.

76. Elle a indiqué que cette question relève du pouvoir d’appréciation des États membres, sous réserve toutefois que le choix retenu n’apparaisse pas disproportionné au regard du but recherché  ( 44 ) . La Cour a estimé que cette condition était satisfaite au motif que l’organisme titulaire du droit exclusif d’exploiter les machines à sous était une association de droit public dont les activités étaient exercées sous le contrôle de l’État et qui devait verser à celui-ci le montant du produit net
distribuable résultant de l’exploitation de ces machines  ( 45 ) .

77. Elle a précisé que, s’il est vrai que les sommes ainsi perçues par l’État à des fins d’utilité publique pourraient également être obtenues par d’autres moyens, tels que la taxation des activités des différents opérateurs qui seraient admis à les exercer dans le cadre d’une réglementation à caractère non exclusif, l’obligation imposée à l’organisme public autorisé de reverser le produit de son exploitation constitue une mesure certainement plus efficace pour assurer, en raison des risques de
délit et de fraude, une stricte limitation du caractère lucratif de telles activités  ( 46 ) .

78. Dans les arrêts précités Zenatti, Gambelli e.a. et Placanica e.a., la Cour a apporté des précisions supplémentaires en ce qui concerne les conditions qu’une législation nationale doit remplir pour pouvoir être justifiée, à propos de la législation italienne réservant à un nombre limité d’organismes remplissant certains critères le droit exclusif d’organiser des paris.

79. Dans l’arrêt Zenatti, précité, elle a relevé que la législation italienne en cause avait pour objectif d’empêcher que ces jeux soient une source de profit individuel, d’éviter les risques de délit et de fraude et les conséquences individuelles et sociales dommageables résultant de l’incitation à la dépense qu’ils constituent et de ne les permettre que dans la mesure où ils peuvent présenter un caractère d’utilité sociale pour le bon déroulement d’une compétition sportive  ( 47 ) .

80. La Cour a indiqué qu’une telle législation ne peut être justifiée que si elle répond d’abord effectivement au souci de réduire véritablement les occasions de jeux et si le financement d’activités sociales au moyen d’un prélèvement sur les recettes provenant des jeux autorisés ne constitue qu’une conséquence bénéfique accessoire, et non la justification réelle, de la politique restrictive mise en place  ( 48 ) . Elle a précisé qu’il incombait à la juridiction de renvoi de vérifier si ladite
législation, au vu de ses modalités concrètes d’application, répondait véritablement aux objectifs susceptibles de la justifier et si les restrictions qu’elle impose n’apparaissaient pas disproportionnées au regard de ces objectifs  ( 49 ) .

81. Dans l’arrêt Gambelli e.a., précité, la juridiction de renvoi a indiqué que la législation italienne sur les paris avait fait l’objet de modifications au cours de l’année 2000 et que les travaux préparatoires du texte modificatif démontraient que la République italienne poursuivait sur le plan national une politique de forte expansion du jeu et des paris dans le but d’obtenir des fonds, tout en protégeant les concessionnaires déjà autorisés.

82. La Cour a indiqué que des restrictions prévues pour des motifs tenant à la protection des consommateurs et à la prévention de la fraude et de l’incitation des citoyens à une dépense excessive liée au jeu ne peuvent être justifiées que si elles sont propres à garantir la réalisation desdits objectifs en ce sens que ces restrictions doivent contribuer à limiter les activités de paris d’une manière cohérente et systématique  ( 50 ) .

83. Elle a précisé que, dans la mesure où les autorités d’un État membre incitent et encouragent les consommateurs à participer aux loteries, aux jeux de hasard ou aux jeux de paris afin que le Trésor public en retire des bénéfices sur le plan financier, les autorités de cet État ne sauraient invoquer l’ordre public social tenant à la nécessité de réduire les occasions de jeu pour justifier des mesures telles que celles en cause au principal  ( 51 ) .

84. Au regard de l’objectif visant à éviter que les concessionnaires de jeux soient impliqués dans des activités criminelles ou frauduleuses, la Cour a jugé que la législation italienne en matière d’appel d’offres, en ce qu’elle excluait la possibilité pour les sociétés de capitaux cotées sur les marchés réglementés des autres États membres d’obtenir des concessions pour la gestion des paris sportifs en Italie, apparaissait disproportionnée. Elle a indiqué qu’il existait des moyens de contrôler les
comptes et les activités de telles sociétés  ( 52 ) .

85. Dans l’arrêt Placanica e.a., précité, la Cour s’est trouvée confrontée à nouveau à la loi italienne relative aux paris sur des événements sportifs après que la Corte suprema di cassazione (Italie) a estimé que cette législation était compatible avec les articles 43 CE et 49 CE. Cette juridiction a estimé que le but réel de ladite législation était non pas de protéger les consommateurs en limitant la propension au jeu, mais de canaliser les activités de jeux de hasard dans des circuits
contrôlables afin de prévenir l’exploitation de ces activités à des fins criminelles.

86. La Cour a indiqué que, dans la mesure où le système de concessions prévu par la loi italienne poursuivait seulement cet objectif, une « politique d’expansion contrôlée » dans le secteur des jeux de hasard pouvait être tout à fait cohérente avec l’objectif visant à attirer des joueurs exerçant des activités de jeux et de paris clandestins interdites vers des activités autorisées et réglementées. Selon la Cour, afin d’atteindre ces objectifs, les opérateurs autorisés doivent constituer une
alternative fiable mais en même temps attrayante à une activité interdite, ce qui peut en soi impliquer l’offre d’une gamme de jeux étendue, une publicité d’une certaine envergure et le recours à de nouvelles techniques de distribution  ( 53 ) .

87. Au regard des éléments factuels cités par le gouvernement italien démontrant la gravité des jeux clandestins en Italie, la Cour a estimé qu’un système de concessions pouvait constituer un mécanisme efficace permettant de contrôler les opérateurs actifs dans le secteur des jeux de hasard, dans le but de prévenir l’exploitation de ces activités à des fins criminelles ou frauduleuses  ( 54 ) .

88. Elle a confirmé toutefois que la législation en cause apparaissait disproportionnée en ce qu’elle excluait la possibilité pour les sociétés de capitaux cotées sur les marchés réglementés des autres États membres d’obtenir des concessions pour la gestion des paris sportifs en Italie  ( 55 ) .

B — Le droit national

1. Les indications fournies par la juridiction de renvoi

89. L’article 2 du décret-loi n o  282/2003, du 8 novembre 2003 ( 56 ) , attribue à titre exclusif à la Santa Casa l’exploitation, sur supports électroniques, des jeux sociaux de l’État, à savoir les loteries et les paris mutuels. Ce régime d’exclusivité s’étend sur tout le territoire national, y compris l’espace radioélectrique, l’internet ainsi que tout autre réseau public de télécommunications.

90. Aux termes de l’article 11, paragraphe 1, sous a) et b), du décret-loi n o  282/2003, sont illicites:

— la promotion, l’organisation ou l’exploitation, par voie électronique, des jeux sociaux de l’État (à savoir les loteries et les paris mutuels), en violation du régime d’exclusivité;

— la publicité à l’égard de la réalisation de ces tirages au sort, qu’ils aient lieu ou non sur le territoire national.

2. Les renseignements complémentaires fournis par le gouvernement portugais

91. Au Portugal, les jeux de hasard et d’argent sont soumis à un principe général d’interdiction. L’État s’est néanmoins réservé la possibilité d’autoriser, selon le régime qu’il estime le plus approprié, l’exploitation d’un ou de plusieurs jeux, directement ou par un organisme sous son contrôle, ou de concéder cette exploitation à des entités privées à but lucratif ou non, par appels d’offres.

a) Les types de jeux

92. La législation portugaise fait une distinction entre trois catégories de jeux de hasard et d’argent, à savoir les jeux de casino, les loteries, tombolas et concours publicitaires ainsi que les jeux de loto et les paris.

i) Les jeux de casino

93. Les jeux de casino comprennent les jeux de table, tels que la roulette et le poker, ainsi que d’autres types de jeux, comme le bingo et les machines à sous.

94. Leur exploitation est réglementée par le décret-loi n o  422/89, du 2 décembre 1989 ( 57 ) , qui a été examiné par la Cour dans l’arrêt Anomar e.a., précité.

95. Le droit d’exploiter les jeux de casino est, en principe, réservé à l’État et il ne peut être exercé que par des entreprises constituées sous la forme de sociétés anonymes auxquelles celui-ci a confié une concession, par un contrat administratif. Ces jeux sont permis seulement dans des casinos établis dans des zones de jeu créées et définies par acte législatif.

96. À l’heure actuelle, neuf casinos de ce genre fonctionnent au Portugal et des licences ont été accordées récemment pour quatre autres.

ii) Les loteries, tombolas et concours publicitaires

97. Cette catégorie de jeux comprend les loteries, tombolas, tirages au sort, concours publicitaires, concours de connaissance et passe-temps. Ils sont soumis à une autorisation préalable du gouvernement, octroyée au cas par cas et accompagnée de conditions spécifiques.

98. Cette catégorie de jeux est en pratique dépourvue d’impact commercial au Portugal.

iii) Les jeux de loto et les paris

99. Cette catégorie de jeux comprend tous ceux dans lesquels les participants pronostiquent les résultats d’une ou de plusieurs compétitions ou de tirages de numéros. Ces jeux sont connus au Portugal sous l’appellation « jeux sociaux » ou « jeux sociaux de l’État » .

100. L’exploitation de ces jeux est réglementée par le décret-loi n o  84/85, du 28 mars 1985 ( 58 ) .

101. En vertu de l’article 1 er , paragraphe 1, de ce décret-loi, le droit de promouvoir les jeux de loto et les paris est réservé à l’État qui concède à la Santa Casa l’exclusivité de leur organisation et de leur exploitation sur l’ensemble du territoire national.

102. Selon les indications figurant dans le préambule des textes prévoyant ce droit exclusif, la République portugaise a estimé qu’elle ne pouvait pas ignorer plus longtemps le fait que ces jeux étaient pratiqués de manière clandestine ainsi que les excès auxquels cette pratique conduisait. Elle a voulu ainsi leur donner un cadre légal, afin d’en garantir l’honnêteté et d’en limiter les excès. La République portugaise a voulu également que les revenus de cette pratique, moralement condamnable dans
la culture de cet État membre, ne soient pas une source de profit individuel mais servent au financement de causes sociales ou d’intérêt général.

103. À l’origine, la Santa Casa organisait les concours dénommés « Totobola » et « Totoloto » . La notion de Totobola couvre tous les jeux dans lesquels les participants pronostiquent les résultats d’une ou de plusieurs compétitions sportives. Celle de Totoloto couvre tous les jeux dans lesquels les participants pronostiquent les résultats de tirages au sort de numéros.

104. La gamme de jeux a par la suite été successivement élargie: au cours de l’année 1993 au « Joker » ( 59 ) ; au cours de l’année 1994 à la « Lotaria instantânia » , un jeu instantané avec grattage communément appelé « raspadinha » ( 60 ) ; au cours de l’année 1998, au « Totogolo » ( 61 ) , et au cours de l’année 2004 à l’ « Euromilhões » , le loto européen  ( 62 ) .

105. Au cours de l’année 2003, le cadre juridique en ce qui concerne les jeux de loto et les paris a été adapté afin de répondre aux développements techniques permettant d’offrir des jeux sur supports électroniques, et notamment par l’internet. Ces mesures sont contenues dans le décret-loi n o  282/2003 et visent, en substance, d’une part, à autoriser la Santa Casa à distribuer ses produits sur supports électroniques et, d’autre part, à étendre le droit exclusif d’exploitation de la Santa Casa aux
jeux offerts sur supports électroniques, et notamment par l’internet.

106. L’article 12, paragraphe 1, du décret-loi n o  282/2003 fixe les montants maximaux et minimaux des amendes sanctionnant les infractions administratives prévues, notamment, à l’article 11, paragraphe 1, sous a) et b), de ce décret-loi. Pour les personnes morales, il est indiqué que l’amende ne doit pas être inférieure à 2000  euros ni supérieure au triple de la somme globale réputée collectée moyennant l’organisation du jeu, à condition que ce triple soit supérieur à 2000  euros sans dépasser un
plafond de 44890  euros.

b) La réglementation de la Santa Casa

107. La Santa Casa est une institution de solidarité sociale créée le 15 août 1498 . Elle a toujours été consacrée aux œuvres sociales d’aide aux plus défavorisés.

108. Au Portugal, les jeux sociaux de l’État sont liés à la Santa Casa. La « Lotaria Nacional » (loterie nationale), créée par un édit royal du 18 novembre 1783 , a été concédée à cette institution et cette concession a été renouvelée régulièrement. La Santa Casa s’est vu attribuer l’exclusivité de l’organisation des autres formes de jeux de loto et de paris mutuels, tels que, au cours de l’année 1961, le Totobola puis, au cours de l’année 1985, le Totoloto.

109. Les activités de la Santa Casa sont encadrées par le décret-loi n o  322/91, du 26 août 1991 ( 63 ) .

110. Selon ses statuts, la Santa Casa est une « personne morale d’utilité publique administrative » , c’est-à-dire une personne morale privée, reconnue par les autorités comme poursuivant des buts non lucratifs et d’intérêt général.

111. Les organes administratifs de la Santa Casa sont constitués par un directeur, nommé par arrêté du Premier ministre, et un conseil d’administration, dont les membres sont nommés par arrêtés des membres du gouvernement sous la tutelle desquels la Santa Casa se trouve.

112. L’exploitation des jeux de hasard relève du département des jeux de la Santa Casa, qui dispose de ses propres organes d’administration et de contrôle.

113. L’organe d’administration du département des jeux est composé du directeur de la Santa Casa, qui assure obligatoirement la présidence, et de deux administrateurs délégués, nommés par arrêté conjoint du ministre du Travail et de la Solidarité et du ministre de la Santé.

114. Chaque jeu de hasard organisé par la Santa Casa est créé séparément par décret-loi et toute leur organisation et leur exploitation, y compris le montant des mises, le plan d’attribution des lots, la fréquence des tirages, le pourcentage concret pour chaque lot, les modes de collecte des mises, le mode de sélection des distributeurs autorisés, les modes et les délais de paiement des lots, sont régies par règlement du gouvernement.

115. Les membres du jury des concours, du jury des tirages et du jury des réclamations sont en majorité des représentants de l’administration publique. Le président du jury des réclamations, qui a un droit de vote renforcé, est un magistrat de l’ordre judiciaire.

116. Le département des jeux dispose d’un budget et de comptes propres, annexés au budget et aux comptes de la Santa Casa, et, comme tels, ils sont sous la tutelle du gouvernement.

117. Ce département a reçu des pouvoirs d’autorité administrative pour ouvrir, organiser et instruire des procédures de contravention pour exploitation illicite des jeux de hasard attribués à titre exclusif à la Santa Casa.

118. L’article 14 du décret-loi n o  282/2003 confère à la direction du département des jeux les pouvoirs administratifs nécessaires pour infliger des amendes, comme celles prononcées à l’encontre de la Liga et de Bwin.

119. Toute décision du département des jeux dans les affaires de contravention, ainsi que toute autre décision ayant un effet externe au département des jeux, comme par exemple celles concernant les acquisitions de biens et de services et l’octroi de l’autorisation à des tiers de distribuer les jeux sociaux, est susceptible de recours.

120. La Santa Casa s’est vu confier des missions spécifiques dans les domaines de la protection de la famille, de la maternité et de l’enfance, de l’aide aux mineurs sans protection et en danger, de l’aide aux personnes âgées, des situations sociales de grave carence ainsi que des prestations de soins de santé primaires et spécialisés.

121. Conformément à la législation en vigueur à la date des faits au principal, la Santa Casa ne conserve que 25 % des recettes provenant des différents jeux. Le solde est réparti entre d’autres institutions d’utilité publique, telles que des associations de pompiers volontaires, des institutions particulières de solidarité sociale, des établissements de prévention et de rééducation des personnes handicapées, ainsi que le fonds de développement culturel, ou bien il est affecté à des domaines
d’actions sociales. Ainsi, 50 % des recettes du Totobola vont à la promotion et au développement du football et 16 % des recettes du Totoloto servent à financer des activités sportives.

III — Le litige au principal et la question préjudicielle

122. La Liga est une personne morale de droit privé à structure associative et à but non lucratif, qui regroupe tous les clubs qui disputent des compétitions de football au niveau professionnel au Portugal. Elle est chargée de l’exploitation commerciale des compétitions qu’elle organise.

123. Bwin est une entreprise de jeux en ligne ayant son siège à Gibraltar. Elle propose des jeux de hasard sur son site internet, rédigé en langue portugaise. Bwin est soumise à la législation spécifique de Gibraltar afférente à la réglementation des jeux de hasard et a obtenu toutes les autorisations requises du gouvernement de Gibraltar. Bwin n’a aucun établissement au Portugal. Ses serveurs pour l’offre en ligne sont à Gibraltar et en Autriche. Tous les paris sont placés directement par le
consommateur sur le site internet de Bwin ou par un autre moyen de communication directe.

124. Bwin propose une large gamme de jeux de hasard en ligne englobant des paris sportifs, des jeux de loto ainsi que des jeux de casino tels que la roulette et le poker. Les paris sportifs proposés portent tant sur les résultats de rencontres de football que sur les résultats d’autres compétitions sportives, telles que les matchs de rugby, les courses automobiles de formule 1 et les rencontres de basket-ball américain.

125. La juridiction de renvoi indique qu’il est reproché à la Liga et à Bwin les faits suivants:

— avoir conclu un contrat de parrainage pour quatre saisons sportives à partir de la saison 2005/2006, en vertu duquel Bwin est le sponsor institutionnel de la première division nationale de football, dénommée antérieurement la « Super Liga » et qui a pris le nom de « Liga betandwin.com » ;

— en vertu de ce contrat, Bwin a acquis des droits qui lui permettent d’apposer le logo « betandwin.com » sur les équipements sportifs portés par les joueurs des clubs dont les équipes participent au championnat de la Super Liga ainsi que d’afficher ce logo dans les stades de ces clubs; en outre, le site internet de la Liga a été pourvu de références et d’un lien vers le site internet de Bwin;

— le site de Bwin permet de réaliser des paris sportifs par voie électronique, consistant pour les participants à pronostiquer le résultat des matchs de football de chaque journée de la Super Liga ainsi que des matchs étrangers, afin d’obtenir des prix en argent; ce site permet aussi de réaliser par voie électronique des jeux de loterie dans lesquels les participants à ces jeux pronostiquent les résultats de tirages au sort de numéros.

126. La direction du département des jeux de la Santa Casa a condamné la Liga et Bwin, respectivement, à des amendes de 75000  euros et de 74500  euros pour avoir fait la promotion, organisé et exploité, en tant que coauteurs, des jeux sociaux de l’État, par voie électronique, à savoir des paris mutuels, et pour avoir fait de la publicité à l’égard des jeux sociaux de l’État réalisés par voie électronique, à savoir des paris mutuels, en violation du régime d’exclusivité établi par la législation
nationale.

127. La Liga et Bwin ont demandé l’annulation de ces décisions en invoquant, notamment, les règles et la jurisprudence communautaires.

128. Le Tribunal de Pequena Instância Criminal do Porto (Portugal) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

« En substance, la question est de savoir si ce régime d’exclusivité en faveur de la Santa Casa, opposé à [Bwin], c’est-à-dire à un prestataire de services, établi dans un autre État membre dans lequel il fournit de façon légale des prestations analogues, qui ne dispose d’aucun établissement physique au Portugal, constitue une entrave à la libre prestation de services qui viole les principes de libre prestation des services, de liberté d’établissement et de liberté de paiements, consacrés
respectivement par les articles 49 [CE], 43 [CE] et 56 CE.

Il convient donc de savoir si le droit communautaire et, en particulier, lesdits principes font obstacle à un régime national tel que celui en cause dans l’affaire au principal qui, d’une part, consacre un régime d’exclusivité, en faveur d’une entité unique, s’agissant de l’exploitation des loteries et des paris mutuels et, d’autre part, étend ce régime d’exclusivité ‘ à tout le territoire national, y compris […] internet ’»

IV — Analyse

A — Sur la recevabilité de la question préjudicielle

129. Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si sa réglementation nationale, en vertu de laquelle le droit exclusif d’organiser et d’exploiter des loteries ainsi que des paris mutuels sur l’ensemble du territoire portugais, conféré à une entité unique contrôlée par l’État et à but non lucratif, est étendu à tous les moyens électroniques de communication, notamment l’internet, est conforme au droit communautaire.

130. Les gouvernements italien, néerlandais et norvégien ainsi que la Commission contestent ou mettent en doute la recevabilité de cette question préjudicielle au motif que la décision de renvoi ne contiendrait pas d’indications suffisantes en ce qui concerne le contenu et les objectifs de la législation portugaise applicable dans le litige au principal.

131. Nous ne croyons pas que la question posée puisse être déclarée irrecevable.

132. En effet, la description par la juridiction de renvoi de sa législation nationale permet de comprendre clairement que celle-ci, d’une part, confère à la Santa Casa le droit exclusif d’organiser et d’exploiter des loteries et des paris mutuels sur l’internet et, d’autre part, prévoit des sanctions à l’encontre des opérateurs qui méconnaissent cette exclusivité. De même, la présentation des éléments factuels décrit l’enjeu du litige au principal. En outre, la décision de renvoi permet de
comprendre que le juge national s’interroge sur la compatibilité de sa législation avec le droit communautaire, dans la mesure où celle-ci empêche un opérateur économique exerçant légalement ses activités dans un État membre de fournir ses services au Portugal.

133. Certes, au regard des critères, dégagés par la jurisprudence de la Cour, sur la base desquels la compatibilité avec le droit communautaire d’une réglementation nationale en matière de jeux de hasard et d’argent doit être appréciée, nous aurions pu attendre de la juridiction de renvoi qu’elle fournisse une description plus complète de son droit interne et de la mise en œuvre de celui-ci, en ce qui concerne le monopole de la Santa Casa, ainsi que des motifs pour lesquels ce monopole a été étendu
aux jeux de hasard et d’argent sur l’internet. Il aurait été souhaitable également que cette juridiction indique les raisons pour lesquelles les décisions rendues antérieurement par la Cour ne répondaient pas à ses interrogations et ne lui permettaient pas de statuer sur le litige au principal.

134. Cependant, l’absence de ces indications dans la décision de renvoi ne justifie pas de rejeter comme irrecevable la question posée.

135. En effet, cette question porte sur l’interprétation du droit communautaire, puisqu’il s’agit d’interpréter des articles du traité instaurant des libertés de circulation. Elle est pertinente pour la solution du litige au principal, puisque, si la liberté de circulation pertinente était interprétée par la Cour en ce sens qu’elle s’oppose à l’octroi d’un tel droit exclusif, le recours formé par la Liga et Bwin devrait être déclaré fondé.

136. Enfin, les éléments fournis par la juridiction de renvoi sont suffisants pour permettre à la Cour de lui fournir une réponse utile, à tout le moins sur la question de savoir si l’octroi d’un droit exclusif à une entité unique en ce qui concerne l’organisation et l’exploitation de jeux de hasard et d’argent sur l’internet est, a priori ou nécessairement, contraire au droit communautaire.

137. Or, selon une jurisprudence constante, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interpr étation du droit communautaire, la Cour
est, en principe, tenue de statuer  ( 64 ) .

138. Certes, la Cour a également jugé que, dans des circonstances exceptionnelles, il lui appartient d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie d’un renvoi préjudiciel. Comme il est régulièrement rappelé dans les arrêts préjudiciels, « l’esprit de collaboration qui doit présider au fonctionnement [d’un tel] renvoi […] implique [en effet] que, de son côté, le juge national ait égard à la fonction confiée à la Cour, qui est de contribuer à l’administration de la justice dans les États
membres et non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques » ( 65 ) .

139. Ainsi, la Cour a estimé ne pas pouvoir statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation ou l’appréciation de la validité d’une règle communautaire, demandées par la juridiction nationale, n’ont aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées  ( 66 ) .

140. La question préjudicielle examinée ne relève pas de l’un de ces cas de figure.

141. Nous soulignons, en outre, que, malgré le peu d’informations fournies par la juridiction de renvoi sur le contenu et les objectifs de sa législation nationale, neuf États membres autres que la République portugaise ont été en mesure, comme celle-ci ainsi que les parties au litige au principal et la Commission, de déposer des observations écrites.

142. Il s’avère, par ailleurs, que la Liga et Bwin ainsi que les parties intervenantes, notamment le gouvernement portugais, ont exposé en détail le contenu et les objectifs de la législation en cause et que ces éléments ont pu être discutés longuement lors de la procédure orale. La Cour pourrait donc aller au-delà de l’examen de la seule question de principe de la compatibilité avec le droit communautaire d’une législation nationale réservant à une entité unique le droit exclusif de proposer des
paris mutuels sur l’internet.

143. Le gouvernement italien conteste également la recevabilité de la question préjudicielle au motif que le juge national inviterait la Cour à se prononcer sur la compatibilité de son droit interne avec le droit communautaire.

144. Certes, comme l’indique ce gouvernement et conformément à une jurisprudence constante, selon la répartition des responsabilités dans le cadre du système de coopération établi par l’article 234 CE, l’interprétation des dispositions de droit interne relève de la compétence des juridictions nationales et non de celle de la Cour, et il n’appartient pas à cette dernière de se prononcer, dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de cet article, sur la compatibilité de normes de droit interne
avec les dispositions du droit communautaire  ( 67 ) .

145. Toutefois, même à supposer que la question préjudicielle examinée doive être lue dans le sens retenu par le gouvernement italien, elle ne serait pas pour autant irrecevable. Lorsqu’elle est interrogée expressément sur la compatibilité d’une norme interne avec le droit communautaire, la Cour reformule la question ainsi posée en fonction de ses attributions et rappelle qu’elle est compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire
qui permettent à celle-ci d’apprécier cette compatibilité  ( 68 ) .

146. Nous proposons donc à la Cour de retenir que la question préjudicielle est recevable.

B — Sur le fond

147. Selon les indications de la juridiction nationale, les dispositions de l’article 11, paragraphe 1, sous a) et b), du décret-loi n o  282/2003 interdisent, d’une part, l’organisation et l’exploitation de loteries et de paris mutuels sur l’internet en violation du droit exclusif conféré à la Santa Casa et, d’autre part, la publicité pour des jeux en ligne organisés en violation de ce droit exclusif.

148. Il ressort également de ces indications que la Liga et Bwin ont été condamnées chacune à une amende unique respectivement de 75000  euros et de 74500  euros pour avoir, d’une part, organisé et exploité des paris mutuels sur l’internet en violation du droit exclusif de la Santa Casa et, d’autre part, fait de la publicité pour ces paris.

149. Au vu de ces éléments, la compatibilité de la législation nationale en cause avec le droit communautaire nous paraît devoir être appréciée au regard de deux séries de dispositions. D’une part, en ce qu’elle confère à la Santa Casa le droit exclusif d’offrir des loteries et des paris mutuels sur l’internet et empêche tout autre prestataire de services établi au sein de l’Union de proposer de tels services en ligne au Portugal, la législation en cause est susceptible d’être couverte par la
directive 98/34. D’autre part, en ce qu’elle interdit toute publicité pour des loteries et des paris mutuels organisés en violation du droit exclusif de la Santa Casa, ladite législation est susceptible de relever du champ d’application de l’article 49 CE.

1. L’application de la directive 98/34

150. Il s’agit de savoir si l’article 1 er , point 11, de la directive 98/34 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale en vertu de laquelle le droit exclusif d’organiser et d’exploiter des loteries ainsi que des paris mutuels sur l’ensemble du territoire national est étendu à tous les moyens électroniques de communication, notamment l’internet, constitue une « règle technique » au sens de cette disposition.

151. La Commission, dans ses observations écrites, a soutenu que la législation en cause tombait dans le champ d’application de la directive 98/34.

152. Les parties intervenantes, qui ont été invitées à se prononcer sur ce point lors de la procédure orale, ont défendu des positions divergentes. La Liga et Bwin partagent l’analyse de la Commission.

153. Le gouvernement portugais souligne que la directive 98/34 n’a pas été invoquée par la Liga et Bwin dans le cadre du litige au principal et que la juridiction de renvoi n’a posé aucune question relative à cette directive. Ce gouvernement rappelle qu’il appartient au juge national de déterminer le droit communautaire applicable dans le litige qu’il doit trancher. Il en déduit que ladite directive n’est pas pertinente dans la présente affaire.

154. À titre subsidiaire, il fait valoir que la directive 98/34 n’imposait pas à la République portugaise de notifier la réglementation en cause à la Commission. Il souligne que les jeux de hasard et d’argent ont été exclus du champ d’application des directives 2000/31 sur le commerce électronique et 2006/123 sur les prestations de services dans le marché intérieur.

155. Le gouvernement danois, soutenu par le gouvernement autrichien, adopte la même position que le gouvernement portugais. En outre, il expose que la réglementation litigieuse, qui prévoit une interdiction d’exploitation d’une activité sur le territoire portugais, est assimilable à une législation nationale subordonnant l’exercice d’une activité professionnelle à l’octroi d’une autorisation et que, selon la jurisprudence, une telle législation ne constitue pas une règle technique. Il soutient que
cette notion a été interprétée par la jurisprudence en ce sens qu’elle ne vise que les seules spécifications définissant les caractéristiques des produits  ( 69 ) .

156. Le gouvernement grec estime aussi qu’une réglementation nationale prévoyant un monopole d’État dans le domaine des jeux de hasard et d’argent ne relève pas de la directive 98/34.

157. Nous ne partageons pas la position de ces gouvernements. Nous rappellerons, à titre liminaire, que la Cour a la possibilité d’interpréter les dispositions de la directive 98/34 bien que la juridiction de renvoi ne l’ait pas interrogé sur cette directive. Nous indiquerons ensuite les motifs pour lesquels, selon nous, la réglementation litigieuse entre dans le champ d’application de ladite directive. Nous préciserons également les conséquences d’un défaut de notification d’une telle
réglementation. Enfin, au vu des observations des États membres sur la pertinence de la directive 98/34 pour la solution du litige au principal, il nous semble utile d’indiquer que l’arrêt à intervenir lie la juridiction de renvoi, y compris, le cas échéant, en ce qui concerne l’interprétation de cette directive.

a) La possibilité, pour la Cour, d’interpréter la directive 98/34 alors que la juridiction de renvoi n’a pas fait référence à cette directive

158. La possibilité, pour la Cour, d’interpréter la directive 98/34 alors que la juridiction de renvoi ne l’a pas interrogée sur cette directive se déduit d’une jurisprudence bien établie. Lorsque la Cour estime que la juridiction de renvoi ne l’a pas interrogée sur la disposition de droit communautaire applicable dans le litige au principal, elle examine d’office la portée de cette disposition. Ainsi, conformément à une formule souvent reprise, en vue de fournir une réponse utile à la juridiction
qui lui a adressé une question préjudicielle, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes de droit communautaire auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question  ( 70 ) .

159. Il s’ensuit que, lorsque, comme dans la présente affaire, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur la portée des articles du traité instituant les libertés de circulation, celle-ci peut lui répondre en interprétant une directive qui régit spécialement les faits du litige au principal  ( 71 ) .

b) La réglementation litigieuse entre dans le champ d’application la directive 98/34

160. Contrairement aux États membres ayant pris position sur cette question, nous sommes d’avis, comme la Liga et Bwin ainsi que la Commission, que la réglementation litigieuse, en ce qu’elle interdit à tout autre opérateur économique de proposer au Portugal des loteries et des paris mutuels sur l’internet, constitue une « règle technique » au sens de la directive 98/34.

161. Nous fondons notre position, en premier lieu, sur la définition des notions de « service » et de « règle technique » contenues dans cette directive.

162. Ainsi, un « service de la société de l’information » , au sens de l’article 1 er , point 2, de la directive 98/34, est tout service fourni normalement contre rémunération à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services. Il ressort, par ailleurs, du dix-neuvième considérant de la directive 98/48 que, afin d’interpréter cette définition, il convient de se référer également à la notion de « service » visée à l’article 50 CE, telle qu’elle a été
interprétée par la jurisprudence de la Cour.

163. Ainsi que nous l’avons vu, il ressort de cette jurisprudence qu’un prestataire établi dans un État membre qui offre par l’internet, sans se déplacer, des jeux en ligne à des destinataires établis dans un autre État membre fournit des services au sens de l’article 50 CE  ( 72 ) .

164. Ensuite, l’article 1 er , point 11, de la directive 98/34 prévoit expressément que la notion de « règle technique » recouvre les règles qui interdisent de fournir ou d’utiliser un service. Contrairement à la position soutenue par plusieurs États membres, cette notion, depuis l’extension du champ d’application de la directive 98/34 aux services de la société de l’information, ne se limite donc plus aux seules spécifications définissant les caractéristiques des produits, comme c’était le cas sous
l’empire de la directive 83/189/CEE du Conseil  ( 73 ) , telle qu’elle avait été interprétée dans les arrêts précités CIA Security International  ( 74 ) , van der Burg  ( 75 ) et Canal Satélite Digital  ( 76 ) , auxquels ces États se réfèrent.

165. La réglementation litigieuse, qui réserve à la Santa Casa le droit exclusif d’organiser et d’exploiter des loteries et des paris mutuels par l’internet sur l’ensemble du territoire portugais et qui prévoit des sanctions à l’encontre de tout opérateur économique qui agirait en méconnaissance de ce droit exclusif, a bien pour effet d’interdire à un prestataire de jeux sur l’internet de fournir ses services.

166. Au vu de ces définitions, cette réglementation constitue bien une « règle technique » au sens de l’article 1 er , point 11, de la directive 98/34.

167. En deuxième lieu, cette analyse nous paraît conforme aux motifs pour lesquels le champ d’application de cette directive a été étendu aux services de la société de l’information.

168. Ainsi, il ressort des motifs de la directive 98/48 que le législateur communautaire a voulu étendre à ce type de services spécifiques le système de transparence et de contrôle prévu initialement en ce qui concerne seulement les marchandises afin d’éviter les entraves à libre circulation de ces services qui pourraient être causées par les réglementations nationales.

169. L’application du système de notification obligatoire prévu par la directive 98/34 à une telle réglementation ne signifie pas que celle-ci est contraire au droit communautaire.

170. Ainsi que nous l’avons vu, la directive 98/34 a seulement pour objet d’instaurer un système de contrôle préventif. Tout d’abord, en obligeant un État membre à notifier à la Commission tout projet de règle technique, le législateur communautaire invite cet État à procéder lui-même à un contrôle préalable plus approfondi de la conformité de cette réglementation avec le droit communautaire. La directive 98/34 a ainsi pour effet de mettre en évidence que, si la réglementation envisagée entrave la
liberté de circulation des marchandises ou la libre prestation des services de la société de l’information, l’État membre doit être en mesure de pouvoir la justifier conformément aux conditions dégagées par la jurisprudence.

171. Le système de notification prévu par la directive 98/34 permet ensuite à la Commission et aux autres États membres de prendre connaissance du projet de réglementation et d’examiner s’il crée des entraves. Dans ce cas, les autres États membres peuvent proposer à l’auteur du projet d’y apporter des modifications. La Commission peut, quant à elle, proposer ou adopter des mesures communes réglant la matière faisant l’objet de la mesure envisagée.

172. Un tel système concilie donc le pouvoir souverain des États membres d’adopter des règles techniques dans les domaines où elles ne sont pas harmonisées avec l’obligation qu’ils ont prise les uns envers les autres, dans le traité, de mettre en place un marché commun, c’est-à-dire un espace à l’intérieur duquel, notamment, les marchandises et les services circulent librement.

173. Il s’ensuit que la directive 98/34 n’est véritablement efficace que si toutes les réglementations techniques sont notifiées  ( 77 ) , y compris celles relatives aux jeux de hasard et d’argent, puisque ces derniers constituent une activité économique et relèvent de la liberté d’établissement ainsi que de la libre prestation des services.

174. En outre, nous relevons que, lorsque le législateur communautaire a voulu exclure les jeux de hasard et d’argent d’un acte relatif aux services, tel que les directives 2000/31 sur le commerce électronique et 2006/123 sur les prestations de services dans le marché intérieur, il a prévu cette exclusion expressément. Or, la directive 98/34 ne contient aucune disposition excluant les règles techniques relatives aux jeux de hasard et d’argent de son champ d’application.

175. En troisième lieu, cette analyse nous paraît conforme à la position retenue par la Cour dans l’arrêt Commission/Grèce, précité, à propos de la loi hellénique portant interdiction de l’utilisation de jeux sur les ordinateurs se trouvant dans des entreprises de prestations de services internet. La Cour a estimé qu’une telle réglementation devait être qualifiée de « règle technique » au sens de l’article 1 er , point 11, de la directive 98/34  ( 78 ) .

176. Par cette décision, la Cour a admis ainsi qu’une législation d’un État membre qui, comme la réglementation en cause dans le litige au principal, interdit l’accès à des jeux sur l’internet concerne l’accès ou l’exercice de prestations de services de la société de l’information et entre donc dans le champ d’application de la directive 98/34.

177. Nous proposons, par conséquent, à la Cour de dire pour droit à la juridiction de renvoi que l’article 1 er , point 11, de la directive 98/34 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle le droit exclusif d’organiser et d’exploiter des loteries ainsi que des paris mutuels sur l’ensemble du territoire de cet État est étendu à tous les moyens électroniques de communication, notamment l’internet, constitue une « règle technique » au sens de cette
disposition  ( 79 ) .

c) Les conséquences du défaut de notification de la réglementation litigieuse

178. L’article 8, paragraphe 1, de la directive 98/34 fait obligation aux États membres de notifier à la Commission tout projet de règle technique  ( 80 ) . L’article 9 de celle-ci leur impose de reporter l’adoption de tel projet pendant la période qu’il détermine.

179. Conformément à ces dispositions, le projet de décret-loi n o  282/2003, qui, d’une part, étend le droit exclusif d’exploitation de la Santa Casa aux jeux offerts sur supports électroniques, notamment par l’internet, et, d’autre part, prévoit des sanctions sous forme d’amendes administratives à l’encontre des opérateurs économiques qui portent atteinte à ce droit exclusif, aurait dû être notifié à la Commission.

180. Celle-ci a exposé, dans ses observations écrites, que le projet de cette réglementation ne lui avait pas été notifié. Le gouvernement portugais a confirmé ne pas avoir procédé à cette notification.

181. Dans l’arrêt CIA Security International, précité, la Cour a précisé les conséquences d’un tel défaut de notification. Elle a estimé que les obligations de notification et de report, énoncées aux articles 8 et 9 de la directive 83/189, sont inconditionnelles et suffisamment précises pour pouvoir être invoquées par les particuliers devant les juridictions nationales  ( 81 ) . Une règle technique qui n’a pas été notifiée leur est donc inopposable et il incombe au juge national de ne pas
l’appliquer  ( 82 ) .

182. Cette jurisprudence est transposable aux articles 8 et 9 de la directive 98/34, puisqu’ils sont rédigés dans des termes comparables à ceux de la directive 83/189.

183. La directive 98/34 ayant pour objectif, notamment, de protéger la liberté de prestation des services de la société de l’information, un opérateur économique tel que Bwin, établi à Gibraltar, est en droit de se prévaloir de ces dispositions précises et inconditionnelles.

184. Gibraltar constitue, en effet, un territoire européen dont le Royaume-Uni assume les relations extérieures. Les dispositions du traité lui sont donc applicables, conformément à l’article 299, paragraphe 4, CE, sous réserve des exclusions prévues dans l’acte relatif aux conditions d’adhésion du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et aux adaptations du traité  ( 83 ) .

185. La jurisprudence a déduit de cet acte que les règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises ainsi que les actes de droit dérivé visant à assurer un rapprochement des législations des États membres afin de favoriser l’établissement de cette liberté de circulation ne s’appliquent pas à ce territoire  ( 84 ) .

186. Toutefois, ces exclusions doivent être considérées, à notre avis, comme des exceptions au principe énoncé à l’article 299, paragraphe 4, CE, selon lequel les dispositions du traité s’appliquent à un territoire européen tel que Gibraltar. Les dispositions du traité relatives à la liberté de prestation des services ainsi que les actes de droit dérivé adoptés pour assurer l’établissement de cette liberté lui sont donc applicables. Nous en voulons pour preuve les arrêts rendus sur les actions en
manquement engagées par la Commission à l’encontre du Royaume-Uni pour n’avoir pas transposé de telles directives sur ce territoire  ( 85 ) .

187. Nous en déduisons qu’un opérateur économique tel que Bwin, établi à Gibraltar, est en droit de se prévaloir des dispositions des articles 8 et 9 de la directive 98/34 en ce qu’elles concernent des règles techniques relatives aux services de la société de l’information.

188. La circonstance que ces dispositions sont prévues dans un acte qui concerne également la liberté de circulation des marchandises ne nous paraît pas s’opposer à cette analyse. Une règle technique peut être clairement rattachée à cette liberté de circulation ou à la libre prestation des services de la société de l’information en fonction de la délimitation des champs d’application respectifs de ces libertés définie par la Cour.

189. Conformément à la position prise par la Cour dans l’arrêt CIA Security International, précité, si elle n’a pas été régulièrement notifiée à la Commission, la législation nationale en cause, en ce que, d’une part, elle réserve à la Santa Casa le droit exclusif d’organiser et d’exploiter des loteries et des paris mutuels sur l’internet et, d’autre part, elle prévoit des sanctions sous forme d’amendes administratives à l’encontre des prestataires de services qui offrent des jeux sur l’internet à
des personnes résidant sur le territoire portugais en violation de ce droit exclusif, est donc inopposable à Bwin et il incombe au juge national de ne pas l’appliquer.

190. Cette conclusion devrait aussi être applicable en ce qui concerne la Liga, qui a été condamnée en qualité de coauteur de Bwin pour avoir organisé et exploité des paris mutuels par voie électronique.

191. Il appartiendra au juge national, qui est seul compétent pour établir les faits du litige au principal, de vérifier si le projet de décret-loi n o  282/2003, visant, en substance, à étendre le droit exclusif d’exploitation de la Santa Casa aux jeux offerts sur supports électroniques, notamment par l’internet, et à sanctionner par une amende la violation de ce droit exclusif, a été notifié à la Commission conformément à l’article 8 de la directive 98/34.

192. Il lui appartiendra également d’en tirer toutes les conséquences en ce qui concerne les amendes infligées à la Liga et à Bwin, en tant que ces amendes uniques se rapportent au fait d’avoir organisé et exploité des paris mutuels sur l’internet en violation du droit exclusif de la Santa Casa.

d) Les effets de l’arrêt de la Cour pour la juridiction de renvoi

193. Les réponses apportées par plusieurs États membres au cours de l’audience à la question relative à la pertinence de la directive 98/34 pour la solution du litige au principal pourraient être comprises en ce sens que l’arrêt préjudiciel à intervenir, en ce qu’il porte sur l’interprétation de cette directive, n’aurait pas, selon ces États, un caractère obligatoire pour la juridiction de renvoi.

194. Nous sommes d’un avis contraire. Les arrêts préjudiciels ont, à notre avis, un caractère contraignant pour la juridiction de renvoi même lorsque la Cour se prononce sur une norme de droit communautaire à laquelle cette juridiction n’avait pas fait référence dans sa question.

195. Nous fondons cette analyse, d’une part, sur les rapports entre le droit communautaire et le droit national et, d’autre part, sur la fonction de la procédure préjudicielle.

196. Sur le premier point, ainsi que la Cour l’a jugé dans les arrêts van Gend & Loos  ( 86 ) et Costa  ( 87 ) , en signant et en ratifiant le traité instituant la Communauté économique européenne, les États membres de cette communauté ont accepté que ce traité ainsi que les actes adoptés sur le fondement de celui-ci s’intègrent dans leur droit national, priment toute règle nationale contraire, quelle qu’elle soit, et aient vocation à créer des droits directement en faveur des particuliers.

197. Ils se sont également engagés à prendre toutes les mesures propres à assurer l’application effective du droit communautaire et cette obligation s’impose à leurs autorités judiciaires. Le juge national a ainsi l’obligation d’assurer la protection des droits conférés par les dispositions de l’ordre juridique communautaire.

198. Il doit, notamment, laisser inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition de sa loi nationale contraire à une norme communautaire directement applicable, sans avoir à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci dans l’ordre interne  ( 88 ) . Si la norme communautaire n’est pas directement applicable, il est tenu d’interpréter l’ensemble de son droit national dans toute la mesure du possible pour atteindre le résultat voulu par cette norme, conformément à l’exigence
d’interprétation conforme  ( 89 ) .

199. Le juge national a donc pour mission d’assurer l’application effective du droit communautaire.

200. Certes, il s’acquitte de ces obligations conformément à ses règles de procédure interne, selon le principe de l’autonomie procédurale, encadré par les principes d’équivalence et d’effectivité, en vertu desquels, d’une part, ces règles ne doivent pas être moins favorables que celles applicables pour assurer la sauvegarde des droits conférés par le droit interne et, d’autre part, elles ne doivent pas être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice
des droits reconnus par l’ordre juridique communautaire  ( 90 ) .

201. Lorsque, dans le cadre d’un litige devant un juge national, les parties n’ont pas invoqué la norme communautaire applicable, il peut arriver, en l’état de la jurisprudence de la Cour sur la portée des principes d’équivalence et d’effectivité, que cette norme ne soit pas appliquée.

202. En effet, selon cette jurisprudence, le juge national a l’obligation de soulever d’office la norme de droit communautaire applicable lorsque, en vertu de son droit national, il a l’obligation ou la faculté de le faire par rapport à une règle contraignante de son droit interne  ( 91 ) . En revanche, il n’y est pas tenu lorsque son droit interne ne prévoit pas cette obligation ou cette faculté et que les parties avaient bien la possibilité de soulever elles-mêmes ce moyen au cours de la procédure
 ( 92 ) . Le relevé d’office ne s’impose pas non plus lorsque l’examen du moyen tiré de la violation du droit communautaire obligerait le juge national à sortir des limites du litige tel qu’il a été circonscrit par les parties  ( 93 ) .

203. Toutefois, ces limites à l’application du droit communautaire ne sauraient être transposées lorsque la Cour, dans le cadre de la procédure préjudicielle, examine d’office la norme applicable aux faits du litige au principal.

204. La procédure préjudicielle a pour objet d’assurer l’interprétation uniforme du droit communautaire par les juridictions nationales  ( 94 ) . Cette interprétation uniforme ne peut être assurée que si les arrêts de la Cour ont, pour les juridictions nationales, un caractère contraignant. Comme la Cour l’a affirmé dans l’arrêt Benedetti  ( 95 ) , l’arrêt rendu à titre préjudiciel lie le juge national quant à l’interprétation des dispositions des actes communautaires en cause.

205. Ce caractère contraignant constitue aussi le corollaire de l’obligation des juridictions nationales d’assurer l’application effective du droit communautaire.

206. Cette analyse trouve sa confirmation dans le traité, à l’article 234, troisième alinéa, CE, selon lequel le renvoi préjudiciel est obligatoire lorsque la question relative à l’interprétation du droit communautaire se pose devant une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours en droit interne. C’est, en effet, pour éviter que le droit communautaire soit méconnu qu’une telle juridiction, qui constitue par nature la dernière instance devant laquelle les particuliers peuvent
faire valoir les droits que le droit communautaire leur confère, est tenue de saisir la Cour  ( 96 ) .

207. Ladite analyse a été confortée par la jurisprudence lorsqu’il a été jugé que la violation manifeste du droit communautaire par une juridiction statuant en dernier ressort était susceptible d’engager la responsabilité de l’État  ( 97 ) , et encore qu’une action en manquement pouvait être engagée à l’encontre d’un État membre à cause d’une interprétation jurisprudentielle nationale contraire au droit communautaire, lorsque cette jurisprudence est confirmée ou simplement non démentie par la Cour
suprême  ( 98 ) .

208. La procédure préjudicielle a donc elle-même pour objet d’assurer l’application effective du droit communautaire. C’est pourquoi, contrairement à ce que soutient le gouvernement portugais, la Cour ne saurait être liée par l’appréciation de la juridiction nationale en ce qui concerne la norme de droit communautaire applicable aux faits du litige au principal. En effet, la mission de la Cour consiste à donner au juge national une réponse utile à la solution du litige qu’il doit trancher,
c’est-à-dire qui lui permette de remplir sa mission d’assurer l’application effective du droit communautaire.

209. En outre, l’examen d’office, par la Cour, d’une norme de droit communautaire qui n’a pas été visée par la juridiction de renvoi serait privé d’une grande partie de son utilité si l’arrêt préjudiciel, en ce qu’il porte sur cette norme, était dépourvu d’effet obligatoire pour cette juridiction.

210. Quant à la circonstance que les parties au litige au principal n’ont pas évoqué, devant le juge national, la disposition de droit communautaire examinée d’office par la Cour, elle ne constitue pas un obstacle à l’effet obligatoire de l’arrêt préjudiciel, dans la mesure où ces parties ont la possibilité de faire part de leurs observations sur cette disposition dans le cadre de la procédure préjudicielle. Il convient de rappeler que, dans la présente affaire, les parties ont été invitées par la
Cour, préalablement à l’audience, à présenter au cours de celle-ci leurs observations sur la pertinence de la directive 98/34 pour la solution du litige au principal.

211. Il s’ensuit que le caractère contraignant des arrêts préjudiciels doit s’appliquer nécessairement, selon nous, lorsque la Cour interprète une disposition de droit communautaire à laquelle la juridiction de renvoi n’avait pas fait référence.

212. Au vu de ces considérations, nous proposons à la Cour de compléter la réponse donnée à la juridiction de renvoi en disant pour droit qu’un arrêt préjudiciel lie la juridiction de renvoi même en ce qu’il porte sur une norme de droit communautaire qui n’a pas été visée par celle-ci dans sa question.

2. La compatibilité de la législation nationale en cause avec les libertés de circulation

213. Même si la Cour partage notre analyse en ce qui concerne la pertinence de la directive 98/34 dans la présente affaire et les conséquences à tirer d’un défaut de notification, l’examen de la compatibilité de la législation nationale en cause avec les libertés de circulation, en ce qu’elle interdit de faire de la publicité pour des jeux en ligne organisés et exploités en violation du droit exclusif de la Santa Casa, ne paraît pas manifestement dépourvu de tout intérêt pour la solution du litige
au principal.

214. En effet, c’est au juge national qu’il appartient de déterminer si l’inopposabilité à la Liga et à Bwin du décret-loi n o  282/2003, en ce qu’il confère à la Santa Casa le droit exclusif d’organiser et d’exploiter des loteries ainsi que des paris mutuels sur l’internet, doit conduire à annuler la totalité de l’amende unique infligée à chacune d’elles, ou bien si le montant de cette amende peut être réparti entre ce qui a trait à l’organisation de jeux en lignes et à la publicité pour ces jeux.

215. Il convient donc de s’interroger sur le point de savoir si une législation nationale qui interdit de faire de la publicité pour des jeux en ligne organisés et exploités en violation du droit exclusif conféré à une entité unique contrôlée par l’État et à but non lucratif est contraire à la libre prestation des services.

216. Afin de répondre à cette interrogation, il paraît bien utile d’examiner la question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi, relative à la conformité aux libertés de circulation de sa législation nationale réservant à la Santa Casa le droit exclusif d’organiser et d’exploiter au Portugal des loteries ainsi que des paris mutuels sur l’internet. En effet, si ce droit exclusif est conforme au droit communautaire, la question de la conformité avec celui-ci de l’interdiction de faire de la
publicité pour des loteries et des paris mutuels organisés et exploités en violation dudit droit exclusif ne se pose plus.

217. Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si sa législation nationale, selon laquelle le droit exclusif, réservé à la Santa Casa, d’organiser et d’exploiter des loteries ainsi que des paris mutuels sur l’ensemble du territoire de l’État, est étendu à tous les moyens électroniques de communication, notamment l’internet, est contraire au droit communautaire et, en particulier, à la libre prestation des services, à la liberté d’établissement ainsi qu’à la liberté de
circulation des capitaux et des paiements, prévues aux articles 49 CE, 43 CE et 56 CE.

218. À ce stade de l’analyse, nous pourrions nous interroger sur le point de savoir si ces libertés de circulation sont applicables au litige au principal, au regard du fait que la Santa Casa s’est vu confier le monopole de l’exploitation des loteries et des paris mutuels sur l’internet pour des motifs de protection des consommateurs et de l’ordre public contre les effets négatifs de tels jeux. Un monopole national fondé sur de tels motifs pourrait être considéré comme poursuivant un objectif
d’intérêt public  ( 99 ) .

219. La question aurait donc pu se poser de savoir si la Santa Casa peut se prévaloir des dispositions de l’article 86, paragraphe 2, CE, selon lequel les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général sont soumises aux règles du traité dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie.

220. Cependant, ni la juridiction de renvoi, ni le gouvernement portugais, ni la Santa Casa n’ont fait mention de ces dispositions. À supposer qu’elles l’aient fait, nous ne croyons pas que l’examen de la présente affaire sous l’angle de l’article 86, paragraphe 2, CE aurait conduit à un résultat différent de la réponse que nous allons proposer à la Cour de donner à la question posée par la juridiction de renvoi.

221. En effet, au vu de la jurisprudence sur la portée de l’article 86, paragraphe 2, CE, la dérogation à l’application des règles du traité visant à instaurer un marché commun, prévue par cette disposition, ne peut trouver à s’appliquer que si la mission de l’entité investie du monopole nécessite que ces règles soient écartées. En d’autres termes, l’applicabilité de cette dérogation est subordonnée à la démonstration que la mise en œuvre desdites règles rendrait impossible l’accomplissement de
cette mission  ( 100 ) .

222. Nous sommes d’avis que l’examen de cette condition nous aurait conduit à procéder à une analyse de l’aptitude de la réglementation litigieuse à réaliser ses objectifs et de sa proportionnalité comparable à celui auquel nous allons nous livrer dans le cadre de l’étude de sa compatibilité à l’aune de la liberté de circulation pertinente.

223. Nous indiquerons que cette réglementation, au regard des circonstances de l’affaire au principal, doit être examinée à l’aune de l’article 49 CE, puis qu’elle constitue une restriction au sens de cette disposition. Nous examinerons enfin si une telle réglementation peut être justifiée.

a) La liberté de circulation applicable

224. Nous sommes d’avis, à l’instar de la Liga et de Bwin, des gouvernements néerlandais, autrichien et portugais ainsi que de la Commission, que la compatibilité de la réglementation en cause avec le droit communautaire doit être examinée à l’aune des articles du traité relatifs à la libre prestation des services, et uniquement au regard de ces dispositions.

225. En effet, il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi que Bwin est établie à Gibraltar et qu’elle exerce ses activités au Portugal par l’internet. Nous avons vu qu’il a été jugé qu’un prestataire établi dans un État membre qui offre par l’internet, sans se déplacer, des jeux en ligne à des destinataires établis dans un autre État membre fournit des services au sens de l’article 50 CE  ( 101 ) .

226. Certes, en tant qu’elle réserve de telles activités à la Santa Casa, la réglementation en cause est également susceptible de constituer une restriction à la liberté d’établissement. Cependant, dans la mesure où Bwin n’a pas cherché à s’établir au Portugal, cette liberté de circulation n’est pas pertinente pour la solution du litige au principal. La circonstance, invoquée par le gouvernement belge, selon laquelle la Liga agirait de facto comme intermédiaire de Bwin n’est pas de nature à infirmer
cette analyse.

227. Il convient de rappeler que la liberté d’établissement confère à une société constitu ée en conformité avec la législation d’un État membre et ayant son siège statutaire, son administration centrale ou son principal établissement à l’intérieur de la Communauté le droit d’exercer son activité dans l’État membre concerné par l’intermédiaire d’une filiale, d’une succursale ou d’une agence  ( 102 ) , c’est-à-dire d’un établissement secondaire dont elle assure le contrôle. Or, le contrat passé entre
les parties requérantes dans le litige au principal n’a pas pour objet ni pour effet de placer la Liga sous le contrôle de Bwin ni d’en faire un établissement secondaire de cette dernière.

228. En ce qui concerne, enfin, la liberté de circulation des capitaux et des paiements, il est indéniable que la réglementation litigieuse est susceptible de restreindre les paiements entre des personnes résidant au Portugal et Bwin. Cependant, cette restriction n’est que la conséquence de l’interdiction faite à cette dernière de fournir ses services de jeux en ligne à des personnes résidant sur le territoire portugais.

229. Ainsi que la Commission le rappelle à bon droit, lorsque les effets restrictifs d’une réglementation nationale sur la liberté de circulation des paiements n’est qu’une conséquence inéluctable de la restriction imposée à la libre prestation des services, il n’y a pas lieu d’examiner la compatibilité de cette réglementation avec les dispositions de l’article 56 CE  ( 103 ) .

230. Nous proposons donc à la Cour de comprendre la question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi de la manière suivante: l’article 49 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle le droit exclusif d’organiser et d’exploiter des loteries ainsi que des paris mutuels sur l’ensemble du territoire de cet État, conféré à une entité unique contrôlée par l’État et à but non lucratif, est étendu à tous les moyens électroniques de
communication, notamment l’internet?

b) L’existence d’une restriction

231. Il paraît indéniable et il n’est pas contesté par le gouvernement portugais que la réglementation en cause constitue une restriction à la libre prestation des services.

232. En effet, cette réglementation fait défense à un prestataire de jeux en ligne établi dans un État membre autre que la République portugaise de proposer des loteries ainsi que des paris mutuels sur l’internet à des consommateurs résidant dans ce dernier État. L’article 49 CE, ainsi que nous l’avons vu, prévoit la suppression des mesures prohibant les activités d’un prestataire établi dans un autre État membre où il fournit légalement des services analogues. De plus, cet article bénéficie tant au
prestataire qu’au destinataire des services  ( 104 ) .

233. Enfin, il a déjà été jugé qu’une législation d’un État membre qui interdit à une entreprise établie dans un autre État membre collectant des paris de proposer ses services par l’internet à des destinataires établis dans le premier État constitue une restriction au sens de l’article 49 CE  ( 105 ) .

c) La justification de la restriction

234. Une restriction telle que celle prévue par la réglementation en cause est conforme au droit communautaire si elle est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, si elle est propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et si elle n’excède pas ce qui est nécessaire pour l’atteindre. En tout état de cause, elle doit être appliquée de manière non discriminatoire.

235. Conformément au principe commun à toutes les activités économiques non harmonisées, c’est à l’État membre à l’origine de la restriction en cause qu’il incombe de démontrer qu’elle est bien nécessaire pour réaliser l’objectif poursuivi et que celui-ci ne pourrait pas être atteint par des mesures moins restrictives  ( 106 ) .

i) Les arguments des parties

236. La Liga et Bwin exposent que le droit exclusif, conféré à la Santa Casa, de proposer des loteries et des paris mutuels sur l’internet aux consommateurs résidant sur le territoire portugais aboutit à une fermeture complète du marché des jeux en ligne dans cet État, ce qui constitue l’atteinte la plus grave à la libre prestation des services. Elles font valoir que cette restriction n’est pas justifiée.

237. Selon la Liga et Bwin, la République portugaise aurait dû démontrer, d’une part, que le problème visé par la mesure restrictive est véritablement un problème grave sur son territoire, d’autre part, que cette mesure est apte à régler ce problème et, enfin, qu’il n’y avait pas de moyen moins restrictif pour le résoudre.

238. La Liga et Bwin exposent que le droit exclusif conféré à la Santa Casa est inapte à atteindre les objectifs poursuivis, parce que la République portugaise ne poursuit pas une politique de limitation des activités de jeux cohérente et systématique, comme l’exige la jurisprudence. Cet État membre ne viserait, en réalité, qu’à accroître les recettes provenant des jeux de hasard et d’argent. La Liga et Bwin exposent que les jeux proposés par la Santa Casa ont connu un développement important au
cours des dernières années, soutenu par une publicité agressive. Elles indiquent également que la République portugaise poursuit activement une politique d’extension du jeu dans les casinos.

239. La Liga et Bwin soutiennent, enfin, que les objectifs poursuivis par la réglementation portugaise en cause pourraient être atteints de la même manière, sinon mieux, par une mesure moins restrictive, telle qu’une ouverture du marché à un nombre limité d’opérateurs privés qui se verraient imposer des obligations précises. Elles soulignent, à cet égard, que la législation de Gibraltar, à laquelle Bwin se trouve soumise, est l’une des plus rigoureuses d’Europe. Bwin serait d’ailleurs pionnière dans
l’élaboration de règles destinées à garantir le jeu responsable afin de protéger les consommateurs, ainsi que dans l’instauration de procédures internes destinées à lutter contre le blanchiment d’argent.

240. Le gouvernement portugais expose que le régime d’exclusivité conféré à la Santa Casa depuis le XVIII e siècle jusqu’à aujourd’hui est l’expression légitime de son pouvoir d’appréciation. L’octroi d’un droit exclusif à la Santa Casa répondrait à la volonté d’encadrer la pratique des loteries et des paris mutuels afin de limiter les risques sociaux liés à ce type de jeux et d’affecter leurs revenus à des causes d’intérêt social. L’extension de ce monopole à ces jeux sur l’internet se serait
imposée comme une mesure nécessaire et appropriée afin de proposer lesdits jeux en ligne de façon sûre et contrôlée.

241. Le gouvernement portugais soutient que le monopole de la Santa Casa est conforme au droit communautaire parce qu’il s’agit d’une mesure non discriminatoire et proportionnée. Il fait valoir que l’octroi d’un droit exclusif à un organisme tel que la Santa Casa, qui fonctionne dans la stricte dépendance du gouvernement, est plus apte à atteindre les objectifs poursuivis.

ii) Notre appréciation

242. Nous indiquerons, tout d’abord, quelle devrait être, à notre avis, la portée de l’encadrement de la compétence des États membres par les libertés de circulation dans le domaine des jeux de hasard et d’argent. Nous exposerons, ensuite, les motifs pour lesquels la protection des consommateurs et celle de l’ordre public peuvent justifier des mesures restrictives de la libre prestation de paris mutuels sur l’internet. Puis, nous indiquerons les critères sur la base desquels il conviendrait
d’apprécier si la législation en cause est apte à atteindre les objectifs qu’elle poursuit et si elle ne va pas au-delà de ces objectifs. Enfin, nous rappellerons que la juridiction de renvoi doit vérifier que la restriction litigieuse doit être appliquée de manière non discriminatoire.

— La portée de l’encadrement de la compétence des États membres dans le domaine des jeux de hasard et d’argent

243. Il est constant que, en l’absence de règles harmonisées au niveau communautaire dans le domaine des jeux, les États membres demeurent compétents pour définir les conditions d’exercice des activités dans ce secteur. Cependant, ils doivent exercer cette compétence réservée dans le respect des libertés de circulation  ( 107 ) .

244. Afin d’apprécier la portée de cet encadrement de la compétence des État membres, nous sommes d’avis qu’il convient de partir de la prémisse suivante.

245. Le droit communautaire, selon nous, n’a pas pour objet de soumettre les jeux de hasard et d’argent aux lois du marché. La construction d’un marché aussi ouvert que possible a été voulue par les États membres comme le fondement de la Communauté économique européenne parce que la concurrence, lorsqu’elle est loyale, assure, en général, le progrès technologique et améliore les qualités d’un service ou d’un produit tout en garantissant une baisse des coûts. Elle profite donc aux consommateurs parce
qu’ils peuvent ainsi bénéficier de produits ou de services de meilleure qualité au meilleur prix. La concurrence est, en cela, source de progrès et de développement.

246. Cependant, ces avantages ne se vérifient pas dans le domaine des jeux de hasard et d’argent. La mise en concurrence de prestataires de services dans ce domaine, qui les conduirait nécessairement à proposer aux consommateurs des jeux toujours plus attractifs afin d’en tirer les meilleurs profits, ne nous paraît pas être une source de progrès et de développement. De même, nous ne voyons pas quel progrès il y aurait à favoriser la possibilité pour les consommateurs de participer aux loteries
nationales organisées dans chacun des États membres et de parier sur toutes les compétitions hippiques ou sportives organisées au sein de l’Union.

247. La situation n’est en rien comparable, par exemple, avec la circulation des patients au sein de l’Union, que la Cour a très légitimement favorisée parce que cette libre circulation augmente les possibilités de soins offertes à chaque citoyen de l’Union en lui donnant accès aux services de santé des autres États membres.

248. Les jeux de hasard et d’argent, quant à eux, ne peuvent fonctionner et perdurer que si les joueurs, dans leur très grande majorité, perdent plus qu’ils ne gagnent. Une ouverture du marché dans ce domaine, qui entraînerait un accroissement de la part du budget des ménages consacrée aux jeux, n’aurait comme conséquence inéluctable, pour la plupart d’entre eux, qu’une diminution de leurs ressources.

249. L’encadrement de la compétence des États membres dans le domaine des jeux de hasard et d’argent n’a donc pas pour objectif la réalisation d’un marché commun et la libéralisation de ce domaine d’activités.

250. Nous en voulons pour preuve le fait que la jurisprudence a admis de manière constante que les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation non seulement dans la détermination du niveau de protection des consommateurs et de l’ordre public à l’égard des jeux de hasard et d’argent, mais aussi dans leurs modalités d’organisation.

251. Cette analyse nous semble également corroborée par le fait que la Cour a admis que les États membres peuvent légitimement déterminer l’affectation des revenus des jeux de hasard et d’argent et décider ainsi qu’ils ne doivent pas profiter à des intérêts privés.

252. Un État membre a donc le pouvoir souverain d’interdire la pratique d’un jeu sur son territoire, comme la Cour l’a admis à propos de l’interdiction des loteries de grande ampleur au Royaume-Uni dans l’arrêt Schindler, précité. Il peut aussi, afin de canaliser l’offre de jeux dans un circuit contrôlé et de protéger les consommateurs contre une incitation abusive, réserver le droit exclusif d’organiser un jeu à une entité unique ou à un nombre limité d’opérateurs.

253. Les difficultés de l’appréciation de la conformité des réglementations nationales avec le droit communautaire se posent principalement lorsque les États membres réservent à une entité unique ou à un nombre limité d’opérateurs économiques le droit exclusif d’exploiter des jeux de hasard et d’argent.

254. Le problème pour les juridictions nationales consiste, en effet, à déterminer le seuil à partir duquel l’offre de jeux dans le cadre de ce droit exclusif excède ce qui est justifié par la volonté de canaliser ceux-ci dans un circuit contrôlé afin de protéger l’ordre public et les consommateurs contre une pratique abusive du jeu.

255. Il s’agit donc, pour les juridictions nationales, de déterminer si les mesures restrictives prévues par leur droit interne sont aptes à atteindre leurs objectifs de protection et proportionnées alors que l’entité unique ou les opérateurs économiques qui bénéficient du droit exclusif d’exploitation d’un jeu de hasard et d’argent proposent une gamme de jeux d’une certaine ampleur et font une publicité d’une certaine envergure.

256. Dans l’examen de cette aptitude des mesures restrictives à réaliser les objectifs poursuivis et de leur proportionnalité, il convient, selon nous, de prendre en considération le fait que, en l’absence d’harmonisation communautaire, la détermination de la gamme de jeux offerts et des conditions de leur exploitation relève du pouvoir d’appréciation des États membres. En effet, c’est à chaque État membre qu’il revient d’apprécier, au regard du contexte auquel il est confronté ainsi que de ses
particularités sociales et culturelles, le niveau d’équilibre à trouver entre, d’une part, une offre attrayante pour satisfaire l’envie de jouer et la canaliser dans le circuit légal et, d’autre part, une offre trop incitative.

257. Au regard de notre prémisse en ce qui concerne le rôle de la concurrence à l’égard des objectifs de l’Union, nous sommes d’avis que l’encadrement de cette compétence des États membres par le droit communautaire devrait se limiter à prohiber le comportement consistant, pour un État membre, à détourner les mesures restrictives de leur objet et à rechercher le profit maximal. En d’autres termes, un État membre ne devrait être contraint d’ouvrir l’activité des jeux de hasard et d’argent au marché
que s’il traite celle-ci, en droit ou en fait, comme une véritable activité économique, dans laquelle il s’agit de dégager le maximum de profits.

258. Le contrôle de l’aptitude des mesures restrictives à réaliser les objectifs poursuivis dans le domaine des jeux de hasard et d’argent et de leur proportionnalité devrait donc consister à vérifier que cet État n’a pas manifestement outrepassé sa marge d’appréciation, dans le cadre du contexte dans lequel ces mesures ont été prises et appliquées.

259. C’est au vu de ces considérations que nous allons examiner si une législation telle que la réglementation en cause peut être justifiée.

— La protection des consommateurs et celle de l’ordre public peuvent justifier des mesures restrictives de la libre prestation de paris mutuels sur l’internet

260. La juridiction de renvoi n’a pas indiqué les motifs qui sous-tendent spécialement l’extension, par le décret-loi n o  282/2003, du monopole de la Santa Casa aux loteries et aux paris mutuels offerts sur le territoire portugais par des moyens électroniques de communication, notamment l’internet. Ces motifs peuvent néanmoins être déduits des renseignements fournis par le gouvernement portugais dans ses observations écrites.

261. Ce gouvernement expose que cette extension du monopole de la Santa Casa aux jeux en ligne poursuit les mêmes objectifs que ceux pour lesquels cette entité s’est vu octroyer le droit exclusif d’organiser ces jeux sous une forme traditionnelle, en 1961 en ce qui concerne les paris mutuels et en 1985 en ce qui concerne les loteries.

262. La législation portugaise procède donc de la prise en compte du fait que les jeux sur l’internet sont également devenus une réalité et répond à la volonté de les canaliser dans un cadre légal, afin de prévenir leur exploitation à des fins criminelles ou frauduleuses et de cantonner l’offre, ainsi que de réserver les revenus de tels jeux au financement de causes sociales ou d’intérêt général.

263. Dans l’arrêt Anomar e.a., précité, la Cour a examiné des motifs comparables à propos de la législation portugaise relative aux jeux de casino. Elle a estimé que ces motifs se rattachent à la protection des consommateurs ainsi qu’à celle de l’ordre social et qu’ils sont donc susceptibles de justifier des atteintes à la libre prestation des services  ( 108 ) . Nous avons vu également que, selon la jurisprudence, si le financement de causes sociales ne peut pas, en tant que tel, constituer un
motif légitime de restriction d’une liberté de circulation, il peut néanmoins être considéré comme une conséquence bénéfique accessoire d’une législation nationale restrictive  ( 109 ) .

264. La question qui se pose est donc celle de savoir si la protection des consommateurs ainsi que celle de l’ordre public peuvent constituer des raisons légitimes de restreindre la libre prestation de paris mutuels sur l’internet. En d’autres termes, il s’agit de déterminer si les jeux de hasard et d’argent sur l’internet sont susceptibles d’engendrer des risques pour les consommateurs et l’ordre public. Nous sommes d’avis qu’il convient de répondre par l’affirmative à cette question pour les
motifs suivants.

265. Ainsi que nous l’avons vu, les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans la détermination du niveau de protection qu’ils entendent garantir contre les jeux de hasard et d’argent qui constituent une incitation à la dépense et qui permettent de recueillir des sommes importantes.

266. Les jeux de hasard et d’argent sur l’internet tels que des paris mutuels présentent ces caractéristiques. L’extension du droit exclusif de la Santa Casa aux loteries et aux paris mutuels proposés par l’internet nous paraît d’autant plus justifiée que les risques pour les consommateurs et l’ordre public sont, à notre avis, potentiellement plus importants en ce qui concerne les jeux en ligne que dans le cadre de jeux proposés de manière traditionnelle.

267. Ainsi, en ce qui concerne les dangers pour les consommateurs, il est admis que les risques de dépenses excessives et d’une véritable addiction au jeu sont, d’une manière générale, aggravés par les circonstances suivantes, à savoir la permanence de l’offre de jeu, la fréquence des gains, leur caractère alléchant ou attractif, la possibilité de miser des sommes importantes, la faculté de disposer d’un crédit pour jouer, l’implantation des jeux dans des endroits où les personnes peuvent répondre à
une impulsion de jouer et, enfin, l’absence de campagne d’information sur les risques liés aux jeux  ( 110 ) .

268. Force est de constater que l’offre de jeux sur l’internet cumule plusieurs de ces facteurs de risques. En effet, d’une part, l’offre peut être disponible à tout moment et le joueur peut y avoir accès sans se déplacer. Il n’y a donc plus aucune barrière spatiale ou temporelle entre le consommateur et l’offre de jeu. En outre, l’internet permet à l’acte de jeu de s’effectuer dans un contexte dans lequel le joueur est complètement isolé.

269. D’autre part, l’internet permet au joueur d’avoir accès techniquement à tous les prestataires de services de jeux en ligne. En outre, les jeux en ligne ne nécessitent pas la fabrication de biens matériels, de sorte que la gamme de jeux offerts peut être très étendue. L’offre de jeux par l’internet est donc démultipliée par rapport à l’offre de jeux traditionnelle. De même, des opérateurs sont en mesure de proposer sur l’internet des paris ou des lotos dont les résultats peuvent être connus
immédiatement, de sorte que les consommateurs disposent de la possibilité de rejouer un grand nombre de fois dans un court laps de temps.

270. De plus, les relations par l’internet ne permettent pas au prestataire de services en ligne de contrôler l’identité du consommateur comme il est possible de le faire dans le cadre d’une vente entre des personnes physiques. Les mesures d’interdiction destinées à protéger des mineurs ou des personnes vulnérables peuvent être contournées beaucoup plus facilement. Les relations par l’internet sont anonymes.

271. Enfin, le joueur peut se voir proposer un crédit pour jouer en ligne  ( 111 ) et les paiements par l’internet sont très faciles à effectuer.

272. La réunion de ces différents facteurs démontre, à notre avis, que les jeux sur l’internet présentent potentiellement un risque plus élevé pour les consommateurs, en particulier pour les mineurs et les consommateurs les plus fragiles qui ne parviennent pas à maîtriser leur pratique de jeu.

273. Les jeux de hasard et d’argent sur l’internet peuvent également présenter des risques importants pour l’ordre public. Ces risques ont été décrits dans le cadre de la procédure devant l’organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) entre Antigua-et-Barbuda et les États-Unis d’Amérique à propos de la prohibition, par ces derniers, de la fourniture transfrontière de services de jeux et de paris en ligne  ( 112 ) .

274. Les États-Unis d’Amérique, dans le cadre de cette procédure, ont fait valoir que la fourniture de jeux en ligne, en raison du volume, de la rapidité et de la portée internationale des transactions de jeux à distance combinée à l’implantation extraterritoriale des prestataires de services, facilite le blanchiment de l’argent provenant du crime. En outre, le risque de fraude est accru parce que la mise en place de jeux en ligne peut être effectuée très rapidement, de sorte que des exploitants
malhonnêtes peuvent apparaître et disparaître en quelques minutes  ( 113 ) .

275. Les risques accrus pour les consommateurs et l’ordre public que représentent les jeux sur l’internet justifient donc qu’un État membre se donne les moyens de pouvoir contrôler efficacement ces jeux et mettre en œuvre rapidement les adaptations qui peuvent s’avérer nécessaires.

276. Il s’ensuit que la République portugaise pouvait donc légitimement restreindre la libre prestation des loteries et des paris mutuels sur l’internet afin de protéger les consommateurs et l’ordre public.

— L’aptitude de la législation en cause à atteindre les objectifs qu’elle poursuit

277. Il convient à présent d’examiner si la réglementation portugaise en cause est apte à assurer une protection efficace des consommateurs ainsi que de l’ordre public contre les risques créés par les loteries et les paris mutuels sur l’internet.

278. Conformément à la jurisprudence, le fait que la République portugaise a décidé d’autoriser les loteries et les paris mutuels sur l’internet dans le cadre d’un monopole au lieu de les interdire totalement n’exclut pas que cet État vise réellement à protéger ses consommateurs ainsi que l’ordre public contre les risques liés à ce type de jeux. En effet, ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt Läärä e.a., précité, une autorisation limitée de ces jeux dans un cadre exclusif, qui présente l’avantage
de canaliser l’envie de jouer et l’exploitation des jeux dans un circuit contrôlé, de prévenir les risques d’une telle exploitation à des fins frauduleuses et criminelles et d’utiliser les bénéfices qui en découlent à des fins d’utilité publique, s’inscrit aussi dans la poursuite de tels objectifs  ( 114 ) .

279. Il ressort des motifs de cet arrêt que l’octroi d’un droit exclusif à une entité unique ne permet d’atteindre des objectifs tels que ceux poursuivis par la réglementation portugaise en cause que si cette entité se trouve sous le contrôle de l’État. C’est parce que l’entité titulaire du droit exclusif d’exploiter des machines à sous en Finlande était une association de droit public exerçant ses activités sous le contrôle de la République de Finlande que la Cour a estimé, dans ledit arrêt, qu’un
tel monopole permettait de canaliser l’envie de jouer et l’exploitation des jeux dans un circuit contrôlé.

280. Il s’ensuit que la première condition qu’il incombe au juge national de vérifier afin de déterminer si une réglementation, telle que la réglementation portugaise en cause, est apte à atteindre les objectifs qu’elle poursuit est, à notre avis, la possibilité pour l’État membre de diriger et de contrôler effectivement les activités de l’entité qui bénéficie du droit exclusif d’exploitation.

281. La seconde condition qu’il incombe également au juge national d’apprécier concerne la mise en œuvre de cette réglementation. Il s’agit de vérifier que, dans le cadre de cette mise en œuvre, l’État membre ne détourne pas celle-ci de ses objectifs en cherchant à obtenir le maximum de profits.

282. Sur la première condition, nous sommes d’avis que le cadre juridique qui détermine le fonctionnement de la Santa Casa permet effectivement à la République portugaise de diriger et de contrôler l’organisation ainsi que l’exploitation des loteries et des paris mutuels sur l’internet.

283. Nous en voulons pour preuve le fait que le directeur de la Santa Casa et les membres de son conseil d’administration sont nommés par le gouvernement portugais. Surtout, c’est également ce gouvernement qui, par décret-loi, crée chaque jeu de loterie et de pari mutuel, détermine leur organisation et leur exploitation, y compris le tarif des mises, le plan d’attribution des lots, la fréquence des tirages, le pourcentage concret pour chaque lot, les modes de collecte des mises, le mode de sélection
des distributeurs autorisés ainsi que les modes et les délais de paiement des lots.

284. En outre, la réglementation applicable à la Santa Casa instaure également plusieurs garanties d’un déroulement honnête des jeux, puisqu’elle prévoit l’existence de jurys de concours, composés en majorité de représentants de l’administration publique, ainsi que d’un jury des réclamations, présidé par un magistrat de l’ordre judiciaire.

285. Enfin, cette réglementation a prévu aussi la création d’un conseil des jeux. Cet organe consultatif, chargé de se prononcer sur l’organisation et l’exploitation des jeux sociaux par la Santa Casa ainsi que de rendre des avis sur les plans d’activités et budgétaires y afférents, renforce ces garanties. Il peut aussi fournir à la République portugaise les indications utiles pour permettre à celle-ci d’apporter aux conditions de déroulement des jeux toutes les modifications nécessaires à la
poursuite des objectifs d’intérêt général.

286. Ces éléments peuvent donc être de nature à démontrer, selon nous, que la République portugaise dispose bien des pouvoirs suffisants pour diriger et contrôler de manière effective l’organisation ainsi que l’exploitation des loteries et des paris mutuels sur l’internet par la Santa Casa.

287. En ce qui concerne la seconde condition, il incombe au juge national d’apprécier si ces pouvoirs sont mis en œuvre conformément aux objectifs poursuivis et non pas détournés de leurs buts afin de dégager des profits maximums.

288. Le juge national pourrait prendre en considération, à cet égard, les éléments suivants. D’une part, la République portugaise a limité le droit exclusif de la Santa Casa sur l’internet aux jeux qu’elle offrait déjà de manière traditionnelle. Aucun jeu en ligne supplémentaire n’a été créé à l’occasion de l’extension du monopole de la Santa Casa aux loteries et aux paris mutuels en ligne. D’autre part, la Santa Casa ne propose pas de loteries instantanées sur l’internet parce que ce type de
loteries, en raison de la faible valeur des mises, des résultats immédiats et de la grande fréquence des gains peu élevés, peut créer des risques importants de dépendance au jeu. Enfin, la Santa Casa ne propose pas de crédit en ligne pour jouer.

289. La Liga et Bwin contestent l’aptitude des mesures litigieuses à atteindre leurs objectifs parce que ces derniers ne seraient pas soutenus par une politique cohérente et systématique.

290. En premier lieu, elles soulignent que la République portugaise aurait développé ces dernières années une politique d’expansion dans le domaine des loteries et des paris mutuels, soutenue par une publicité très attractive. Elles exposent que la gamme des jeux sociaux de l’État dont la Santa Casa a le monopole d’exploitation et qui était limitée initialement au Totobola et au Totoloto a été élargie au cours de l’année 1993 au « Joker » , au cours de l’année 1994 à la « Lotaria instantânia » , au
cours de l’année 1998 au « Totogolo » et au cours de l’année 2004 à l’ « Euromilhões » . Elles indiquent que ce dernier jeu a doublé ses bénéfices entre l’année 2003 et l’année 2006.

291. Le gouvernement portugais affirme au contraire qu’il conduit une politique de jeux responsable et que les profits dégagés par la Santa Casa, notamment grâce à l’EuroMillions, ont diminué de manière significative au cours de l’année 2007.

292. Nous sommes d’avis que les arguments exposés par la Liga et Bwin ne démontrent pas, en tant que tels, que la République portugaise manque à son obligation de mettre en œuvre les objectifs qui sous-tendent les restrictions imposées par sa législation de manière cohérente et systématique.

293. Il convient de rappeler que les objectifs poursuivis par la législation en cause ne s’opposent pas à une politique d’expansion contrôlée. L’extension du monopole de la Santa Casa aux jeux en ligne procède du constat selon lequel ces jeux sont devenus une réalité. Elle répond à la volonté de les canaliser dans un cadre légal, afin de prévenir leur exploitation à des fins criminelles ou frauduleuses et de cantonner l’offre, ainsi que de réserver les revenus de tels jeux au financement de causes
sociales ou d’intérêt général.

294. Ces différents intérêts, comme il a été indiqué par une jurisprudence bien établie, doivent être examinés ensemble. La volonté de canaliser l’offre de jeux dans un circuit contrôlé, afin d’éviter les incitations excessives et de prévenir les risques d’une exploitation à des fins criminelles ou frauduleuses, peut être poursuivie au travers d’une telle politique d’expansion.

295. Ainsi, la Cour a admis qu’un État membre, afin d’attirer les joueurs exerçant des activités de jeux interdites vers des activités autorisées, est fondé à leur proposer une alternative fiable, mais en même temps attrayante, ce qui peut impliquer en soi l’offre d’une gamme de jeux étendue, une publicité d’une certaine envergure et le recours à de nouvelles techniques de distribution  ( 115 ) .

296. En outre, la condition selon laquelle la restriction litigieuse doit être mise en œuvre au moyen d’une politique cohérente et systématique doit être appréciée dans le contexte auquel l’État membre se trouve confronté.

297. Le gouvernement portugais a indiqué qu’il avait dû faire face à une augmentation préoccupante des jeux illégaux et à l’augmentation des risques de fraude. La Santa Casa a exposé, à cet égard, avoir engagé une dizaine de procédures de contravention au cours du troisième trimestre de l’année 1995, 400 au cours de l’année 2005 et 600 au cours de l’année 2006.

298. Le gouvernement portugais pouvait donc légitimement estimer que cette augmentation des jeux illicites rendait nécessaire la création de nouveaux jeux sociaux afin de satisfaire l’envie de jouer des consommateurs portugais et de canaliser cette envie dans un cadre légal. Il a pu légitimement estimer également que la création de ces nouveaux jeux ne pouvait aboutir à un tel résultat que si elle était accompagnée d’une publicité d’une certaine envergure, destinée à informer le public concerné de
leur existence.

299. Il reviendra au juge national d’apprécier si, au regard de l’ensemble de ces circonstances, les jeux supplémentaires créés par le gouvernement portugais et le niveau de publicité dont ils ont fait l’objet ont excédé manifestement ce qui était nécessaire à la poursuite des objectifs qui fondent le monopole de la Santa Casa. Le juge national pourra prendre en considération, notamment, l’étude réalisée à la demande du gouvernement portugais par le centre d’études appliquées de l’université
catholique portugais, dont il a été fait mention au cours de l’audience.

300. En second lieu, la Liga et Bwin font également valoir que le gouvernement portugais a étendu les jeux dans les casinos. Ce gouvernement aurait ainsi augmenté le nombre de licences d’exploitation, équipé le nouveau casino de Lisbonne de plus de 800 machines à sous et annoncé l’ouverture de celui-ci par une forte campagne publicitaire. Les recettes brutes des casinos au Portugal auraient progressé de 150% entre 1996 et 2006. En outre, des négociations seraient en cours pour permettre aux casinos
d’offrir leurs jeux sur l’internet.

301. Nous ne croyons pas que ces arguments sont de nature à démontrer que l’octroi du monopole d’exploitation des loteries et des paris mutuels sur l’internet à la Santa Casa est inapte à atteindre les objectifs pour lesquels ce droit exclusif lui est conféré.

302. Le caractère cohérent et systématique de la poursuite de ces objectifs ne serait mis en cause que si le gouvernement portugais autorisait l’exploitation sur l’internet de jeux semblables aux loteries et aux paris mutuels dont l’exploitation est réservée à la Santa Casa. La question pourrait se poser, le cas échéant, si la République portugaise autorisait les sociétés bénéficiant d’une concession pour exploiter des jeux de casino à proposer sur l’internet des loteries comparables, dans leur mode
de fonctionnement, à celles proposées par la Santa Casa.

303. En revanche, la question ne se pose pas, à notre avis, en ce qui concerne le développement des jeux de casino dans leur forme traditionnelle. Les conditions dans lesquelles cette forme de jeux est pratiquée sont complètement différentes de celles des loteries et des paris mutuels sur l’internet. Il suffit de constater que les jeux de casino impliquent le déplacement physique du joueur à l’intérieur d’un établissement de jeux, aux jours et aux heures d’ouverture. En outre, de tels établissements
sont installés au Portugal dans des zones de jeu bien définies.

304. Certes, les jeux de casino peuvent également comporter des risques pour les consommateurs et l’ordre public. Toutefois, dans la mesure où ils reposent sur un mode de fonctionnement complètement différent de celui des jeux en ligne, le choix de la République portugaise d’en organiser l’exploitation par un système de concessions au lieu d’en réserver l’exploitation à la Santa Casa relève de son pouvoir d’appréciation.

305. La détermination du niveau de protection contre les risques liés aux jeux de hasard et d’argent relevant du pouvoir d’appréciation des États membres, un État est en droit de prévoir des modes d’exploitation distincts pour des jeux différents. La loterie nationale, les paris sur les courses hippiques, les jeux de casino, les machines à sous peuvent constituer autant de jeux différents en raison du lieu où ils sont accessibles, de leur mode de fonctionnement, du public auquel ils s’adressent, et
cela en fonction de la culture de chaque pays.

306. Un État membre, à notre avis, est donc en droit de prévoir des modes d’organisation différents et plus ou moins restrictifs pour chacun de ces types de jeux  ( 116 ) . Ce pouvoir d’appréciation est comparable à celui que la Cour a reconnu aux États membres dans le domaine de la santé dans l’arrêt Commission/France, précité.

307. Dans cette affaire, la Commission contestait la conformité avec le droit communautaire de la loi française subordonnant la diffusion télévisée en France par des chaînes de télévision françaises de manifestations sportives ayant lieu sur le territoire d’autres États membres à la suppression préalable des publicités pour des boissons alcooliques. À l’appui de son recours en manquement, la Commission soutenait que cette législation était incohérente au motif, notamment, qu’elle ne s’appliquait pas
à la publicité en faveur du tabac.

308. La Cour a rejeté cet argument comme non fondé au motif qu’il appartient aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique et de la manière dont ce niveau doit être atteint  ( 117 ) .

— La proportionnalité de la législation en cause

309. Il s’agit d’apprécier, à ce stade, si les objectifs poursuivis par la réglementation portugaise en cause peuvent manifestement être atteints par une mesure moins restrictive, telle que l’attribution de concessions à divers opérateurs, comme le font valoir la Liga et Bwin.

310. Nous constatons que, dans l’affaire au principal, Bwin sponsorise des compétitions sportives sur lesquelles cette société propose des paris qui permettent de recueillir des sommes considérables  ( 118 ) .

311. Comme le gouvernement portugais, nous sommes d’avis que, au regard de cette circonstance, un État membre peut légitimement estimer que la garantie de l’honnêteté du jeu est mieux assurée par l’octroi d’un droit exclusif à une entité qui exerce son activité sous son contrôle et qui, comme la Santa Casa, ne poursuit aucun but lucratif.

312. D’autres éléments militent également dans le même sens. Ainsi que nous l’avons vu, la conduite d’une politique responsable en matière de jeux de hasard et d’argent implique qu’un État membre puisse assurer un contrôle effectif de cette activité. La nécessité d’agir et de pouvoir faire appliquer des mesures rapidement peut également s’avérer plus importante dans le cadre des jeux en ligne, compte tenu du développement de ladite activité et de la rapidité avec laquelle des opérateurs indélicats
peuvent créer de tels jeux.

313. Un opérateur unique, agissant sous le contrôle direct et effectif de l’État membre, paraît bien en mesure d’appliquer des mesures nouvelles de protection, telles que, le cas échéant, la suppression pure et simple d’un de ses jeux en ligne, plus efficacement et plus rapidement que des opérateurs privés dont les obligations devraient être déterminées préalablement. Une analyse comparable a été adoptée par la Cour AELE à propos de la législation norvégienne conférant à une entreprise publique le
droit exclusif d’exploiter des machines à sous afin de protéger les consommateurs et l’ordre public  ( 119 ) .

314. En outre, nous adhérons à l’argument du gouvernement portugais selon lequel la protection des consommateurs contre les risques liés aux jeux proposés par des opérateurs indélicats est mieux assurée par l’octroi d’un droit exclusif à la Santa Casa, détentrice unique et historique du monopole d’exploitation en ce qui concerne les loteries et les paris mutuels, que par un système de concessions ouvert à plusieurs opérateurs. Le système portugais présente l’avantage de la simplicité parce que les
consommateurs résidant au Portugal peuvent être aisément avertis que les loteries et les paris mutuels proposés par n’importe quel prestataire de jeux en ligne autre que la Santa Casa sont interdits et sont potentiellement à risque.

315. En ce qui concerne, ensuite, l’interdiction de faire de la publicité pour des jeux en ligne organisés et exploités en violation du droit exclusif de la Santa Casa, elle est évidemment justifiée si l’octroi d’un tel droit exclusif est conforme au droit communautaire.

316. En ce qui concerne, enfin, la proportionnalité des amendes administratives prévues à titre de sanctions à l’encontre des opérateurs économiques qui enfreignent la réglementation portugaise, elle n’a pas fait l’objet d’observations particulières de la part des parties au litige au principal et elle n’en suscite pas non plus de notre part.

— L’application non discriminatoire

317. En tant que telle, la législation en cause, en ce qu’elle réserve à la Santa Casa le droit exclusif d’exploiter des loteries et des paris mutuels sur l’internet, n’est pas discriminatoire.

318. En effet, une telle législation, en ce qu’elle interdit à toute personne autre que l’organisme public autorisé l’exploitation des jeux en cause, ne comporte aucune discrimination selon la nationalité et frappe indistinctement les opérateurs qui pourraient être intéressés par une telle activité, qu’ils soient établis sur le territoire national ou dans un autre État membre  ( 120 ) .

319. Il incombe cependant à la juridiction de renvoi de vérifier que, dans sa mise en œuvre, ladite législation est également appliquée de manière non discriminatoire.

320. Au vu de l’ensemble de ces considérations, nous proposons à la Cour d’apporter la réponse suivante à la question préjudicielle posée par le Tribunal de Pequena Instância Criminal do Porto:

— l’article 49 CE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle le droit exclusif d’organiser et d’exploiter des loteries ainsi que des paris mutuels sur l’ensemble du territoire de cet État, conféré à une entité unique contrôlée par ledit État et à but non lucratif, est étendu à tous les moyens électroniques de communication, notamment l’internet, si cette réglementation est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt
général, si elle propre à garantir la réalisation des objectifs qu’elle poursuit, si elle n’excède pas ce qui est nécessaire pour les atteindre et si elle s’applique de manière non discriminatoire;

— il incombe à la juridiction nationale de vérifier que ces conditions sont satisfaites;

— au regard des risques créés par les jeux de hasard et d’argent sur l’internet, un État membre peut légitimement restreindre le droit d’organiser et d’exploiter de tels jeux dans le but de protéger les consommateurs ainsi que l’ordre public;

— une telle réglementation est propre à atteindre ces objectifs si elle permet à l’État membre de diriger et de contrôler effectivement l’organisation et l’exploitation de ces jeux et si, dans les modalités concrètes d’application de cette réglementation, l’État membre n’a pas outrepassé manifestement sa marge d’appréciation;

— l’octroi d’un droit exclusif à une entité unique contrôlée par l’État membre et qui ne poursuit pas de but lucratif peut constituer une mesure proportionnée à la poursuite de tels objectifs;

— une telle réglementation, en tant que telle, n’est pas discriminatoire.

V — Conclusions

321. Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de dire pour droit:

« 1) L’article 1 er , point 11, de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998 , prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 , doit être interprété en ce sens qu’une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle le droit exclusif
d’organiser et d’exploiter des loteries ainsi que des paris mutuels sur l’ensemble du territoire de cet État est étendu à tous les moyens électroniques de communication, notamment l’internet, constitue une « règle technique » au sens de cette disposition.

2) Si une telle réglementation n’a pas été notifiée conformément à la directive 98/34, telle que modifiée par la directive 98/48, elle n’est pas opposable à des particuliers tels que la Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Baw International Ltd. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si ladite réglementation a été notifiée ou non.

3) Un arrêt préjudiciel lie la juridiction de renvoi même en ce qu’il porte sur une norme de droit communautaire qui n’a pas été visée par celle-ci dans sa question.

4) a) L’article 49 CE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle le droit exclusif d’organiser et d’exploiter des loteries ainsi que des paris mutuels sur l’ensemble du territoire de cet État, conféré à une entité unique contrôlée par ledit État et à but non lucratif, est étendu à tous les moyens électroniques de communication, notamment l’internet, si cette réglementation est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt
général, si elle est propre à garantir la réalisation des objectifs qu’elle poursuit, si elle n’excède pas ce qui est nécessaire pour les atteindre et si elle s’applique de manière non discriminatoire;

b) Il incombe à la juridiction nationale de vérifier que ces conditions sont satisfaites.

5) Au regard des risques créés par les jeux de hasard et d’argent sur l’internet, un État membre peut légitimement restreindre le droit d’organiser et d’exploiter de tels jeux dans le but de protéger les consommateurs ainsi que l’ordre public.

6) Une telle réglementation est propre à atteindre ces objectifs si elle permet à l’État membre de diriger et de contrôler effectivement l’organisation et l’exploitation de ces jeux et si, dans les modalités concrètes d’application de cette réglementation, l’État membre n’a pas outrepassé manifestement sa marge d’appréciation.

7) L’octroi d’un droit exclusif à une entité unique contrôlée par l’État membre et qui ne poursuit pas de but lucratif peut constituer une mesure proportionnée à la poursuite de tels objectifs.

8) Une telle réglementation, en tant que telle, n’est pas discriminatoire. »

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) Voir affaires jointes Markus Stoß e.a. (C-316/07, C-358/07 à C-360/07, C-409/07 et C-410/07), ainsi que affaires Nationale Loterij (C-525/06) et Zeturf (C-212/08), pendantes devant la Cour.

( 3 ) Ci-après la « Santa Casa » .

( 4 ) Ci-après « Bwin » .

( 5 ) Ci-après la « Liga » .

( 6 ) Directive du 22 juin 1998 , prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information ( JO L 204, p. 37 ), telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 ( JO L 217, p. 18 , ci-après la « directive 98/34 » ).

( 7 ) Parmi les jeux retrouvés par les archéologues dans les tombeaux égyptiens figurent notamment des dés, dont le nom arabe, « Azard » , est à l’origine des mots « azzardo » en italien, « azar » en espagnol et « hasard » en français.

( 8 ) Dans une lettre à son fils Tibère, l’empereur Auguste écrit que les jeux doivent cesser et qu’il a lui-même perdu 20000 sesterces (Damals, Würfeln, wetten, Karten spielen — Die Geschichte des Glücksspiels, avril 2008, p. 13 et 19).

( 9 ) L’EuroMillions est ainsi proposée en Belgique, en Espagne, en France, en Irlande, au Luxembourg, en Autriche, au Portugal et au Royaume-Uni. Elle est également proposée en Suisse.

( 10 ) Martignoni-Hutin, J.-P., G., Faites vos jeux, L’Harmattan, Logiques sociales, Paris, 1993, p. 149.

( 11 ) Selon l’ Étude sur les jeux de hasard dans l’Union européenne réalisée par l’Institut suisse de droit comparé à la demande de la Commission, le 14 juin 2006 , les quatre grandes catégories de jeux décrites précédemment ont généré au cours de l’année 2003, dans les 25 États membres de l’Union à compter du 1 er  mai 2004 , un revenu brut, après déduction du paiement des gains, de 51500  millions d’euros (http://ec.europa.eu/internal_market/services/gambling_en.htm).

( 12 ) Par exemple, en Belgique, 321 personnes travaillaient pour le compte de la loterie nationale au cours de l’année 2004, 709 dans les casinos au cours de l’année 2003, 8220 personnes en relation avec les machines à sous et 1000 personnes au pari mutuel urbain (PMU) belge (voir Étude sur les jeux de hasard dans l’Union européenne, op. cit., p. 1133, 1134, 1137 et 1139). En Allemagne, le Lotto et le Totoblock employaient approximativement 58000 personnes; 4700 personnes travaillaient dans les
casinos et 3000 environ dans les hôtels et les restaurants en lien avec ceux-ci (voir Étude sur les jeux de hasard dans l’Union européenne, op. cit., p. 1203 et 1206). Au Royaume-Uni, le nombre de personnes travaillant à temps plein dans le domaine des jeux de hasard et d’argent était estimé au cours de l’année 2004 à 100000 personnes (voir Étude sur les jeux de hasard dans l’Union européenne, op. cit., p. 1404).

( 13 ) « Le parieur ne joue pas fondamentalement pour gagner […], il joue pour rejouer. La spirale est sans fin. Plus le turfiste gagne, plus il joue, plus il a envie de jouer et rien ne l’empêche de jouer puisqu’il gagne. S’il perd, cela constitue une raison supplémentaire de rejouer pour se refaire » (voir Martignoni-Hutin, J.-P., G., op. cit., p. 133). Les problèmes liés aux jeux ont fait l’objet de plusieurs études scientifiques, en particulier depuis les années 90 (voir les nombreuses
références citées au chapitre 9, intitulé « Problem gambling » , de l’ Étude sur les jeux de hasard dans l’Union européenne, op. cit.). L’impact social des jeux de hasard et d’argent a également fait l’objet d’enquêtes et d’études dans plusieurs États membres. Ces problèmes ont nécessité la mise en place de services d’assistance et de soins, notamment de lignes directes d’assistance aux joueurs compulsifs.

( 14 ) À Rome, des mesures sont prises au début du II e siècle après Jésus-Christ pour interdire les jeux; les joueurs encourent des amendes et l’exil. Au Moyen Âge, l’Église désapprouve les jeux d’argent. Ils sont accusés de favoriser le mensonge, la trahison, le vol, les bagarres, le meurtre, la dépendance, la cupidité et l’ivresse. Plusieurs souverains les interdisent en Angleterre, en France, dans le Saint Empire romain germanique. En 1215, le concile du Latran IV interdit tous les jeux, sauf
les échecs (Damals, op. cit., p. 25).

( 15 ) En Belgique, au Danemark, en Allemagne, en Grèce, en France, en Irlande, à Chypre, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Autriche, en Slovaquie et en Finlande.

( 16 ) En Belgique, en République tchèque, au Danemark, en Allemagne, en Estonie, en Grèce, en Espagne, en France, en Irlande, en Italie, en Lettonie, en Lituanie, au Luxembourg, en Hongrie, à Malte, aux Pays-Bas, en Autriche, en Pologne, au Portugal, en Slovénie, en Finlande et au Royaume-Uni.

( 17 ) Tel est le cas des loteries nationales en Belgique, en France, en Irlande, à Chypre, au Luxembourg, à Malte, au Portugal et au Royaume-Uni.

( 18 ) Ainsi, selon l’ Étude sur les jeux de hasard dans l’Union européenne, op. cit., les casinos sont interdits en Irlande, à Chypre ainsi qu’au Royaume-Uni; les paris auprès de bookmakers sont prohibés en France, à Chypre, au Luxembourg et aux Pays-Bas; plusieurs États membres n’autorisent les machines à sous que dans l’enceinte des casinos, etc.

( 19 ) La moyenne du pourcentage, dans les 27 États membres de l’Union, des ménages ayant accès à l’internet est passée de 49 % au cours de l’année 2006 à 54 % au cours de l’année 2007. La moyenne du pourcentage des ménages de ces États pouvant bénéficier d’une connexion à large bande, c’est-à-dire être connectés à un central adapté à la technologie x DSL, à un réseau câblé adapté au trafic de l’internet ou à d’autres technologies à large bande, est passée de 14 % au cours de l’année 2004 à 23 % au
cours de l’année 2005, 30 % au cours de l’année 2006 et 42 % au cours de l’année 2007 (voir Enquête sur l’utilisation des Technologies de l’Information et de la Communication dans les entreprises, Eurostat — Part des ménages disposant d’un accès à large bande).

( 20 ) Il est possible, désormais, d’accéder à l’internet à partir d’un ordinateur portable et d’un téléphone portable.

( 21 ) En ce qui concerne les paris en ligne, ils ont généré au cours de l’année 2003, dans les 25 États membres de l’Union à compter du 1 er  mai 2004 , un revenu brut, après déduction des gains, de 810 millions d’euros. S’agissant des loteries, Camelot, l’opérateur économique exploitant la loterie nationale au Royaume-Uni, a indiqué que le montant de ses ventes réalisées par les nouveaux moyens électroniques de communication est passé de 17,8  millions d’euros au cours de la période 2003-2004 à
126,7  millions d’euros au cours de la période 2004-2005 (voir Étude sur les jeux de hasard dans l’Union européenne, op. cit., p. 1406 et 1407). En ce qui concerne les jeux de casino, la commission belge des jeux a estimé que, au cours de l’année 2003, 25000 personnes avaient joué en ligne et dépensé ainsi 27 millions d’euros.

( 22 ) Directive du 8 juin 2000 , relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur ( « directive sur le commerce électronique » ) ( JO L 178, p. 1 ).

( 23 ) Directive du 12 décembre 2006 , relative aux services dans le marché intérieur ( JO L 376, p. 36 ).

( 24 ) Arrêt du 11 septembre 2003 , Anomar e.a. ( C-6/01, Rec. p. I-8621 , points 46 et 47).

( 25 ) Arrêt du 6 novembre 2003 , Gambelli e.a. ( C-243/01, Rec. p. I-13031 , point 59).

( 26 ) Arrêts du 24 mars 1994 , Schindler ( C-275/92, Rec. p. I-1039 , point 60); du 21 septembre 1999 , Läärä e.a. ( C-124/97, Rec. p. I-6067 , point 13); du 21 octobre 1999 , Zenatti ( C-67/98, Rec. p. I-7289 , point 14), et Gambelli e.a., précité (point 63).

( 27 ) Arrêt Schindler, précité.

( 28 ) Arrêt Läärä e.a., précité.

( 29 ) Arrêt Zenatti, précité.

( 30 ) Arrêt Anomar e.a., précité.

( 31 ) En revanche, la Cour a jugé que des publications offrant aux lecteurs la possibilité de participer à des jeux dotés de prix ne présentent pas ces deux caractéristiques (arrêt du 26 juin 1997 , Familiapress, C-368/95, Rec. p. I-3689 , points 21 à 23).

( 32 ) Arrêt du 6 mars 2007 , Placanica e.a. ( C-338/04, C-359/04 et C-360/04, Rec. p. I-1891 , point 46 et jurisprudence citée).

( 33 ) Arrêt Gambelli e.a., précité (point 61).

( 34 ) Arrêt Zenatti, précité (point 36).

( 35 ) Arrêt Gambelli e.a., précité (point 63).

( 36 ) Arrêt Placanica e.a., précité (point 48).

( 37 ) Arrêt du 26 octobre 2006 , Commission/Grèce ( C-65/05, Rec. p. I-10341 , point 49).

( 38 ) Arrêts précités Schindler (point 58), Läärä e.a. (point 33) et Zenatti (point 31).

( 39 ) Dans l’arrêt Schindler, précité, la Cour a admis que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord pouvait légitimement interdire sur son territoire les loteries à grande échelle.

( 40 ) Arrêt Zenatti, précité (point 33).

( 41 ) Voir, en ce qui concerne l’octroi d’un droit exclusif à une entité unique, arrêt Läärä e.a., précité, à propos de la législation finlandaise accordant à une association de droit public contrôlée par l’État le droit exclusif d’exploiter des machines à sous. Voir, en ce qui concerne l’octroi de droits exclusifs à un nombre limité d’opérateurs économiques, arrêts précités Zenatti et Gambelli e.a., à propos de la législation italienne relative aux paris sur les résultats d’événements sportifs ou
les courses de chevaux, et arrêt Anomar e.a., précité, à propos de la loi portugaise soumettant les jeux de casino à un système de concession.

( 42 ) Arrêts précités Läärä e.a. (point 37) et Zenatti (point 35).

( 43 ) Arrêts précités Läärä e.a. (point 36) et Zenatti (point 34).

( 44 ) Arrêt Läärä e.a., précité (point 39).

( 45 ) Ibidem (point 40).

( 46 ) Ibidem (point 41).

( 47 ) Point 30.

( 48 ) Arrêt Zenatti, précité (point 36).

( 49 ) Ibidem (point 37).

( 50 ) Arrêt Gambelli e.a., précité (point 67).

( 51 ) Ibidem (point 69).

( 52 ) Ibidem (point 74).

( 53 ) Arrêt Placanica e.a., précité (point 55).

( 54 ) Ibidem (points 56 et 57).

( 55 ) Ibidem (point 64).

( 56 ) Diário da República I, série A, n o  259, du 8 novembre 2003 , ci-après le « décret-loi n o  282/2003 » .

( 57 ) Diário da República I, n o  2777, du 2 décembre 1989 . Décret-loi tel que modifié par le décret-loi n o  10/95, du 19 janvier 1995 ( Diário da República I, série A, n o  16, du 19 janvier 1995 ).

( 58 ) Décret-loi tel que modifié et republié par le décret-loi n o  317/2002, du 27 décembre 2002 ( Diário da República I, série A, n o  299, du 29 décembre 2002 ).

( 59 ) Voir article 1 er du décret-loi n o  412/93, du 21 décembre 1993 .

( 60 ) Voir article 1 er , paragraphe 1, du décret-loi n o  314/94, du 23 décembre 1994 .

( 61 ) Voir article 1 er , paragraphe 1, du décret-loi n o  225/98, du 17 juillet 1998 .

( 62 ) Voir article 1 er du décret-loi n o  210/2004, du 20 août 2004 .

( 63 ) Décret-loi portant adoption des statuts de la Santa Casa actuellement en vigueur, tel que modifié par le décret-loi n o  469/99, du 6 novembre 1999 .

( 64 ) Voir, notamment, arrêt du 21 janvier 2003 , Bacardi-Martini et Cellier des Dauphins ( C-318/00, Rec. p. I-905 , point 40 et jurisprudence citée).

( 65 ) Ibidem (point 41 et jurisprudence citée).

( 66 ) Ibidem (point 42 et jurisprudence citée).

( 67 ) Arrêt Placanica e.a., précité (point 36).

( 68 ) Arrêts du 12 décembre 1990 , SARPP ( C-241/89, Rec. p. I-4695 , point 8), et Placanica e.a., précité (point 36).

( 69 ) Le gouvernement danois se réfère aux arrêts du 30 avril 1996 , CIA Security International ( C-194/94, Rec. p. I-2201 , point 25); du 8 mars 2001 , van der Burg ( C-278/99, Rec. p. I-2015 , point 20), et du 22 janvier 2002 , Canal Satélite Digital ( C-390/99, Rec. p. I-607 , point 45).

( 70 ) Voir, notamment, arrêt du 7 novembre 2002 , Bourrasse et Perchicot ( C-228/01 et C-289/01, Rec. p. I-10213 , point 33 et jurisprudence citée).

( 71 ) Voir, notamment, arrêts SARPP, précité (points 10 et suiv.), ainsi que du 12 octobre 2004 , Wolff & Müller ( C-60/03, Rec. p. I-9553 , points 24 et suiv.).

( 72 ) Voir, en ce sens, arrêt Gambelli e.a., précité (points 52 à 54).

( 73 ) Directive du 28 mars 1983 , prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques ( JO L 109, p. 8 ).

( 74 ) Point 25.

( 75 ) Point 20.

( 76 ) Point 45.

( 77 ) Arrêt CIA Security International, précité (point 40).

( 78 ) Arrêt Commission/Grèce, précité (point 61).

( 79 ) En revanche, l’interdiction prévue par le décret loi n o  282/2003 de faire de la publicité pour de tels jeux, au moyen de l’apposition d’un logo sur les maillots de joueurs de football et par voie d’affiches dans les stades, ne constitue pas, à notre avis, une « règle technique » au sens de la directive 98/34. Même si une telle interdiction de faire de la publicité peut être analysée comme une restriction à la libre prestation de services de jeux en ligne, cette circonstance ne constitue pas
en soi un critère retenu par la directive 98/34 pour définir son champ d’application (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2005 , Lindberg, C-267/03, Rec. p. I-3247 , point 51). L’interdiction de faire de la publicité peut avoir pour effet de fermer le marché des jeux en ligne dans l’État où elle s’applique, mais elle n’empêche pas de fournir ou d’utiliser des services de jeux en ligne, au sens de l’article 1 er de la directive 98/34 (arrêt van der Burg, précité, point 20).

( 80 ) Arrêt Commission/Grèce, précité (point 60).

( 81 ) Arrêt CIA Security International, précité (point 44).

( 82 ) Ibidem (points 48 et 55).

( 83 ) JO 1972, L 73, p. 14 .

( 84 ) Arrêt du 23 septembre 2003 , Commission/Royaume-Uni ( C-30/01, Rec. p. I-9481 , point 59).

( 85 ) Voir, à propos de la transposition d’une directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, arrêt du 20 octobre 2005 , Commission/Royaume-Uni (C-505/04). Voir également, en ce qui concerne la liberté d’établissement, arrêt du 16 octobre 2003 , Commission/Royaume-Uni ( C-489/01, Rec. p. I-12037 ), à propos du défaut de transposition, sur le territoire de Gibraltar, de la directive 97/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 3 mars 1997 , relative aux systèmes
d’indemnisation des investisseurs ( JO L 84, p. 22 ).

( 86 ) Arrêt du 5 février 1963 ( 26/62, Rec. p. 1 ).

( 87 ) Arrêt du 15 juillet 1964 ( 6/64, Rec. p. 1141 ).

( 88 ) Arrêt du 9 mars 1978 , Simmenthal ( 106/77, Rec. p. 629 , points 24 et 26).

( 89 ) Arrêt du 5 octobre 2004 , Pfeiffer e.a. ( C-397/01 à C-403/01, Rec. p. I-8835 , points 113 et 114), ainsi que, pour une application récente, arrêt du 24 juin 2008 , Commune de Mesquer ( C-188/07, Rec. p. I-4501 , point 84).

( 90 ) Arrêt du 16 mars 2006 , Kapferer ( C-234/04, Rec. p. I-2585 , point 22).

( 91 ) Arrêt du 12 février 2008 , Kempter ( C-2/06, Rec. p. I-411 , point 45).

( 92 ) Arrêt du 7 juin 2007 , van der Weerd e.a. ( C-222/05 à C-225/05, Rec. p. I-4233 , point 41).

( 93 ) Arrêt Kempter, précité (point 45).

( 94 ) Arrêt van Gend & Loos, précité (p. 23).

( 95 ) Arrêt du 3 février 1977 ( 52/76, Rec. p. 163 , point 26).

( 96 ) Arrêt du 30 septembre 2003 , Köbler ( C-224/01, Rec. p. I-10239 , points 34 et 35).

( 97 ) Ibidem (point 59).

( 98 ) Arrêt du 9 décembre 2003 , Commission/Italie ( C-129/00, Rec. p. I-14637 , points 29 et 32).

( 99 ) Voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 1997 , Franzén ( C-189/95, Rec. p. I-5909 , point 41).

( 100 ) Voir, en ce sens, arrêt du 23 mai 2000 , Sydhavnens Sten & Grus ( C-209/98, Rec. p. I-3743 , points 74 à 81).

( 101 ) Voir, en ce sens, arrêt Gambelli e.a., précité (points 52 et 54).

( 102 ) Voir, notamment, arrêt du 12 septembre 2006 , Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas ( C-196/04, Rec. p. I-7995 , point 41).

( 103 ) Voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2006 , Fidium Finanz ( C-452/04, Rec. p. I-9521 , point 49).

( 104 ) Arrêt du 13 juillet 2004 , Commission/France ( C-262/02, Rec. p. I-6569 , point 22).

( 105 ) Arrêt Gambelli e.a., précité (point 54).

( 106 ) Voir, notamment, arrêt du 5 juin 2007 , Rosengren e.a. ( C-170/04, Rec. p. I-4071 , point 50).

( 107 ) Arrêt Commission/Grèce, précité (point 47).

( 108 ) Arrêt Anomar e.a., précité (point 73).

( 109 ) Voir jurisprudence citée au point 65 des présentes conclusions.

( 110 ) Voir Étude sur les jeux de hasard dans l’Union européenne, op. cit. (p. 1450).

( 111 ) Lors de l’audience, le gouvernement portugais a indiqué que Bwin recourait à cette pratique.

( 112 ) Affaire DS285.

( 113 ) Au vu de ces risques pour l’ordre public ainsi que des dangers des jeux en ligne pour les consommateurs, l’organe d’appel de l’OMC a estimé que les mesures restrictives adoptées par les États-Unis d’Amérique étaient nécessaires à la protection de la moralité publique ou au maintien de l’ordre public (voir rapport de l’organe d’appel de l’OMC, États-Unis — Mesures visant la fourniture transfrontière de services de jeux et paris, WT/DS285/AB/R, adopté le 7 avril 2005 , point 327).

( 114 ) Point 37.

( 115 ) Arrêt Placanica e.a., précité (point 55).

( 116 ) Cette question est au centre des affaires jointes Markus Stoß e.a., précitées.

( 117 ) Arrêt Commission/France, précité (point 33).

( 118 ) Selon les indications contenues dans les observations écrites de la Liga et de Bwin, le groupe Bwin emploie approximativement 1000 personnes pour un chiffre d’affaires d’environ un milliard d’euros. Il offre ses services à plusieurs millions de consommateurs chaque année, il opère sur plus de 20 marchés et il a réalisé un profit mondial brut (après versement des gains aux consommateurs) de 382 millions d’euros au cours de l’année 2006.

( 119 ) La Cour AELE a estimé que, « [i]n the Court’s view, it is reasonable to assume that a monopoly operator in the field of gaming machines subject to effective control by the competent public authorities will tend to accommodate legitimate concerns of fighting gambling addiction better than a commercial operator or organisations whose humanitarian or socially beneficial activities partly rely on revenues from gaming machines. Furthermore, it is plausible to assume that in principle the State
can more easily control and direct a wholly State-owned operator than private operators. Through its ownership role, the State has additional ways of influencing the behaviour of the operator besides public law regulations and surveillance » (arrêt de la Cour AELE du 14 mars 2007 , EFTA Surveillance Authority/Norway, E-1/06, EFTA Court Report, p. 7, point 51).

( 120 ) Arrêt Läärä e.a., précité (point 28).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-42/07
Date de la décision : 14/10/2008
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal de Pequena Instância Criminal do Porto - Portugal.

Demande de décision préjudicielle - Article 49 CE - Restrictions à la libre prestation des services - Exploitation de jeux de hasard par l'Internet.

Libre prestation des services

Libre circulation des capitaux


Parties
Demandeurs : Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International Ltd
Défendeurs : Departamento de Jogos da Santa Casa da Misericórdia de Lisboa.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2008:560

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award