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14/12/2006 | CJUE | N°C-305/05

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Poiares Maduro présentées le 14 décembre 2006., Ordre des barreaux francophones et germanophone et autres contre Conseil des ministres., 14/12/2006, C-305/05


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. M. Poiares Maduro

présentées le 14 décembre 2006 (1)

Affaire C-305/05

Ordre des barreaux francophones et germanophone

Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles

Ordre des barreaux flamands

Ordre néerlandais des avocats du barreau de Bruxelles

contre

Conseil des ministres

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour d’arbitrage (Belgique)]

«Prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de c

apitaux – Droit à un procès équitable – Obligation d’information pour les avocats à l’égard des autorités responsables de la lutte c...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. M. Poiares Maduro

présentées le 14 décembre 2006 (1)

Affaire C-305/05

Ordre des barreaux francophones et germanophone

Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles

Ordre des barreaux flamands

Ordre néerlandais des avocats du barreau de Bruxelles

contre

Conseil des ministres

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour d’arbitrage (Belgique)]

«Prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux – Droit à un procès équitable – Obligation d’information pour les avocats à l’égard des autorités responsables de la lutte contre le blanchiment de capitaux»

1. Est‑il conforme au droit communautaire et aux principes fondamentaux qu’il protège d’imposer aux avocats, ainsi que le prévoit la directive 2001/97 du Parlement européen et du Conseil, du 4 décembre 2001, modifiant la directive 91/308/CEE du Conseil relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux (JO L 344, p. 76), l’obligation d’informer les autorités compétentes de tout fait de leur connaissance qui pourrait être l’indice d’un
blanchiment de capitaux? La question que soulève la présente affaire devrait conduire la Cour à s’interroger sur l’une des valeurs fondamentales des États de droit formant l’Union européenne, le secret professionnel de l’avocat (2) . Si cette valeur apparaît incontestable, le régime juridique de sa protection demeure toutefois incertain et controversé. Sur quel fondement cette protection doit‑elle être accordée? Peut‑on admettre d’y déroger et dans quelles conditions? Selon quel critère opérer en
pratique le partage entre ce qui relève du secret et ce qui n’en relève pas?

2. Ces questions, cette Cour ne sera pas la première à se les poser. Certaines juridictions nationales dans l’Union et hors de l’Union ont eu à se pencher sur des problèmes semblables (3). En outre, la Cour pourra utilement s’appuyer sur quelques‑uns de ses précédents. Par sa jurisprudence, elle a déjà consacré le principe de la confidentialité de la correspondance échangée entre l’avocat et son client (4) et reconnu la spécificité de la profession d’avocat et des règles auxquelles celle‑ci
obéit (5).

I – Le contexte de l’affaire

3. Afin de bien saisir les enjeux de la cause, il me semble utile, à titre liminaire, de retracer la genèse de la disposition litigieuse et les conditions de sa mise en cause.

A – Le contexte communautaire

4. L’on rapporte que le terme de «blanchiment» aurait son origine dans une pratique qui s’est développée aux États‑Unis d’Amérique consistant, pour la criminalité organisée, à acquérir des laveries automatiques et des entreprises de nettoyage de voitures dans le but de mêler leurs recettes provenant notamment de la contrebande d’alcool à l’époque de la prohibition aux profits légalement obtenus. Si cette origine est discutée, le sens du terme, lui, n’est point douteux. Le blanchiment de
capitaux désigne un ensemble d’agissements dont l’objet est de conférer une apparence légale à des ressources d’origine criminelle.

5. Phénomène épousant et tirant même avantage de la libéralisation des échanges économiques mondiaux, le blanchiment appelle une lutte à la mesure de son expansion, sous forme d’une coopération internationale (6). Le Conseil de l’Europe adopta en 1980 une recommandation relative aux mesures contre le transfert et la mise à l’abri des capitaux illicites (7). Bien qu’il n’ait eu qu’un caractère incitatif, ce texte eut pour vertu de lancer le mouvement de lutte internationale contre le
blanchiment de capitaux. Le 19 décembre 1988 fut adoptée à Vienne la convention des Nations unies contre le trafic de stupéfiants et de substances psychotropes (8). Dans cette convention, le blanchiment de capitaux est érigé en infraction pénale et des sanctions sont instituées. En 1990, le Conseil de l’Europe adopta une convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (9). Approfondissant la coopération à l’échelle régionale, cette convention
a pour effet d’élargir la définition de la notion de blanchiment et d’obliger les États signataires à adopter des mesures répressives. Dans le même temps fut institué le groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (ci‑après le «GAFI»), organisme international créé à l’initiative du G7 à Paris en 1989 en vue d’élaborer et de promouvoir des stratégies de lutte contre ce fléau. Dès 1990, le GAFI publiait une série de quarante recommandations destinées à servir de base à une lutte
coordonnée à l’échelle internationale (10).

6. C’est dans ce contexte normatif déjà relativement dense que la Communauté européenne va prendre l’initiative d’agir. Il s’agissait pour elle non seulement de participer à ce mouvement de lutte internationale mais également de protéger l’intégrité du marché unique européen (11). Ainsi fut adoptée la directive 91/308/CEE du Conseil, du 10 juin 1991, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux (JO L 166, p. 77), par laquelle le
législateur communautaire pose le principe de l’interdiction du blanchiment de capitaux dans la Communauté et exige des États membres qu’ils mettent en place un régime d’obligations d’identification, d’information et de prévention des opérations douteuses à l’attention des établissements de crédits et des institutions financières.

7. La disposition mise en cause dans la présente affaire est le résultat d’une modification apportée à la directive 91/308. La directive 2001/97 procède en effet de la volonté du législateur communautaire d’actualiser la directive 91/308 en tenant compte des conclusions de la Commission et des souhaits exprimés par le Parlement européen et les États membres et, à la lumière de l’expérience accumulée au cours des premières années de son application, d’étendre sa couverture à de nouveaux
domaines et à de nouvelles activités. De là résulte, notamment, l’élargissement du champ d’application de l’obligation d’informer les autorités responsables d’éventuels soupçons en matière de blanchiment de capitaux, visée à l’article 6 de la directive 91/308, aux «notaires et autres membres de professions juridiques indépendantes» dans l’exercice de certaines de leurs activités.

8. Cet élargissement, qui est au centre de la présente affaire, fut le résultat d’une longue réflexion, menée au sein de différentes enceintes. En 1996, le GAFI, révisant ses recommandations, demandait aux autorités nationales d’élargir le champ d’application des mesures de lutte contre le blanchiment aux activités financières effectuées par des professions non financières. En 2001, le GAFI réitérait que, compte tenu «du recours croissant des criminels à des professionnels et à d’autres
intermédiaires pour obtenir des conseils ou d’autres types d’aide afin de blanchir des fonds d’origine criminelle», il considère que «le champ d’application des quarante Recommandations doit être élargi de façon à couvrir sept catégories d’activités et de professions non financières», dont «les avocats et les notaires» (12).

9. Pareille recommandation ne pouvait rester étrangère au cadre communautaire. La directive 91/308 prévoyait elle‑même en son article 12 que «les États membres veillent à étendre tout ou partie des dispositions de la présente directive aux professions et catégories d’entreprises, autres que les établissements de crédit et les institutions financières visées à l’article 1^er, qui exercent des activités particulièrement susceptibles d’être utilisées à des fins de blanchiment de capitaux». En
outre, aux termes de l’article 13 de ladite directive, était créé auprès de la Commission un comité de contact ayant notamment pour mission «d’examiner l’opportunité d’inclure une profession ou catégorie d’entreprises dans le champ de l’article 12 lorsqu’il a été constaté que, dans un État membre, cette profession ou cette catégorie d’entreprises a été utilisée aux fins de blanchiment de capitaux».

10. À la suite des premiers rapports de la Commission sur l’application de la directive, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne prirent position en faveur de l’extension de l’obligation de communiquer des informations, visée à l’article 6 de la directive, à des personnes et des catégories professionnelles autres que les établissements de crédits (13). En mars 1999, dans sa résolution sur le deuxième rapport de la Commission, le Parlement invitait expressément la Commission à
présenter une proposition législative visant à modifier la directive en ce sens que soit prévue «l’inclusion, dans le champ d’application de la directive, des professions susceptibles d’être impliquées dans le blanchiment de capitaux ou d’être exploitées abusivement par les blanchisseurs, comme les agents immobiliers, les négociants en œuvres d’art, les commissaires‑priseurs, les casinos, les bureaux de change, les transporteurs de fonds, les notaires, les comptables, les avocats, les conseillers
fiscaux et les experts‑comptables, et ce en vue

– de leur appliquer en tout ou partie les dispositions énoncées dans cette directive et, le cas échéant,

– de leur appliquer de nouvelles dispositions tenant compte des circonstances particulières de ces professions et respectant pleinement, en particulier, l’obligation de secret professionnel qui leur est spécifique […]» (14).

11. C’est sur cette base que la Commission a présenté sa proposition de modification de la directive, en juillet 1999 (15). Celle‑ci exige que les États membres veillent à ce que les dispositions prévues par la directive soient imposées «aux notaires et autres membres des professions juridiques indépendantes lorsqu’ils représentent ou assistent des clients» dans le cadre d’un certain nombre d’activités financières et commerciales. Cependant, elle prévoit également une dérogation de portée
limitée: les États membres ne seraient pas tenus d’imposer les obligations d’information prévues par la directive aux membres des professions juridiques «pour ce qui concerne les informations qui leur seraient fournies par un client afin qu’ils puissent le représenter dans une procédure judiciaire». En revanche, cette dérogation «ne saurait pas couvrir les cas dans lesquels il y a des raisons de soupçonner que des conseils sont sollicités en vue de faciliter le blanchiment de capitaux».

12. Cette proposition a été fort débattue. La formulation finalement retenue est le reflet des termes de ce débat. Dans son avis relatif à la proposition de la Commission, le Parlement excluait absolument que pussent être soumis à ces obligations d’information les avocats indépendants ou les cabinets juridiques ou les membres d’une profession juridique réglementée exerçant non seulement dans le cadre de leur fonction de représentation en justice mais également dans le cadre de la fourniture de
conseils juridiques (16). Cet avis s’écartait donc à deux égards de la proposition: d’une part, en transformant la faculté offerte aux États membres de prévoir une dérogation en obligation de créer cette dérogation, d’autre part, en élargissant le champ de la dérogation du cadre de la représentation en justice au cadre du conseil juridique.

13. La position commune arrêtée par le Conseil en novembre 2000 adopta une solution de compromis (17). Il est désormais proposé de libeller la disposition litigieuse comme suit:

«Les États membres ne sont pas tenus d’imposer les obligations prévues au paragraphe 1 aux notaires, aux membres des professions juridiques indépendantes, aux commissaires aux comptes, aux experts‑comptables externes et aux conseillers fiscaux pour ce qui concerne les informations reçues de l’un de leurs clients ou obtenues sur un de leurs clients, lors de l’évaluation de la situation juridique de ce client ou dans l’exercice de leur mission de défense ou de représentation de ce client dans une
procédure judiciaire ou concernant une telle procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d’engager ou d’éviter une procédure, que ces informations soient reçues ou obtenues avant, pendant ou après cette procédure» (18).

14. Si la dérogation demeure une simple faculté offerte aux États membres, son champ d’application se trouve ainsi sensiblement élargi. Selon la Commission, cette position serait non seulement compatible avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci‑après la «CEDH») mais également conforme à l’esprit des amendements déposés par le Parlement (19). Tel ne fut pas, pourtant, l’avis du Parlement. Dans sa résolution sur la position commune du
Conseil, tout en reprenant la formulation de la position commune sur le champ d’application de la dérogation, celui‑ci renouvelait sa volonté de transformer la faculté permettant de prévoir une dérogation en disposition contraignante pour les États membres (20).

15. La Commission prit sur cette question une position ambiguë (21). D’un côté, «étant donné la nécessité de garantir la compatibilité de la directive avec la [CEDH]», elle avoue avoir «quelque sympathie pour le désir qu’a le Parlement d’interdire la possibilité d’exiger la déclaration de soupçons de blanchiment de capitaux formés sur la base d’informations reçues par des avocats ou des notaires dans l’exercice de leur fonction de représentation d’un client dans une procédure judiciaire ou
d’évaluation de sa situation juridique». Mais, de l’autre, elle «juge inacceptable que les mêmes considérations s’appliquent, de manière générale, aux professions non juridiques». Pour ce motif, l’amendement proposé par le Parlement fut rejeté.

16. Le Conseil ayant décidé de suivre la Commission sur ce point, un comité de conciliation fut institué. Or, au cours de cette conciliation, il est apparu, aux dires du Parlement, que «les évènements du 11 septembre 2001 aux États‑Unis ont profondément modifié les points de vue sur la question, la directive sur le blanchiment de capitaux étant dorénavant considérée comme une composante essentielle de la lutte contre le terrorisme» (22). Dans ce nouveau contexte, un compromis s’est formé
permettant l’approbation du texte par le Parlement à une large majorité en troisième lecture le 13 novembre 2001 et son approbation par le Conseil le 19 novembre 2001.

17. Le compromis prend la forme suivante. Les nouveaux articles 2 bis et 6 de la directive 91/308 telle que modifiée par la directive 2001/97 (ci-après la «directive»), demeurent inchangés.

18. Ainsi, l’article 2 bis prévoit:

«Les États membres veillent à ce que les obligations prévues par la directive soient imposées aux établissements suivants:

[…]

5) notaires et autres membres de professions juridiques indépendantes, lorsqu’ils participent,

a) en assistant leur client dans la préparation ou la réalisation de transactions concernant:

i) l’achat et la vente de biens immeubles ou d’entreprises commerciales;

ii) la gestion de fonds, de titres ou d’autres actifs, appartenant au client;

iii) l’ouverture ou la gestion de comptes bancaires ou d’épargne ou de portefeuilles;

iv) l’organisation des apports nécessaires à la constitution, à la gestion ou à la direction de sociétés;

v) la constitution, la gestion ou la direction de fiducies, de sociétés ou de structures similaires;

b) ou en agissant au nom de leur client et pour le compte de celui‑ci dans toute transaction financière ou immobilière.»

19. Quant à l’article 6, il dispose:

«1. Les États membres veillent à ce que les établissements et les personnes relevant de la présente directive, ainsi que leurs dirigeants et employés, coopèrent pleinement avec les autorités responsables de la lutte contre le blanchiment de capitaux:

a) en informant, de leur propre initiative, ces autorités de tout fait qui pourrait être l’indice d’un blanchiment de capitaux;

b) en fournissant à ces autorités, à leur demande, toutes les informations nécessaires conformément aux procédures prévues par la législation applicable.

2. Les informations visées au paragraphe 1 sont transmises aux autorités responsables de la lutte contre le blanchiment de capitaux de l’État membre sur le territoire duquel se trouve l’établissement ou la personne qui fournit ces informations. Cette transmission est effectuée normalement par la ou les personnes désignées par l’établissement ou la personne relevant de la présente directive conformément aux procédures prévues à l’article 11, paragraphe 1, point a).

3. Dans le cas des notaires et des membres des professions juridiques indépendantes mentionnées à l’article 2 bis, point 5, les États membres peuvent désigner un organe d’autorégulation approprié de la profession concernée comme l’autorité à informer des faits visés au paragraphe 1, point a) et, dans ce cas, prévoient les formes appropriées de coopération entre cet organe et les autorités responsables de la lutte contre le blanchiment de capitaux.

Les États membres ne sont pas tenus d’imposer les obligations prévues au paragraphe 1 aux notaires, aux membres des professions juridiques indépendantes, aux commissaires aux comptes, aux experts‑comptables externes et aux conseillers fiscaux pour ce qui concerne les informations reçues d’un de leurs clients ou obtenues sur un de leurs clients, lors de l’évaluation de la situation juridique de ce client ou dans l’exercice de leur mission de défense ou de représentation de ce client dans une
procédure judiciaire ou concernant une telle procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d’engager ou d’éviter une procédure, que ces informations soient reçues ou obtenues avant, pendant ou après cette procédure.»

20. En revanche, la conciliation a conduit à apporter certaines modifications à la formulation des considérants de la directive relatifs au régime applicable aux professions juridiques. Le seizième considérant expose le principe selon lequel «les notaires et les membres des professions juridiques indépendantes, tels que définis par les États membres, devraient être soumis aux dispositions de la directive lorsqu’ils participent à des transactions de nature financière ou pour le compte de
sociétés, y compris lorsqu’ils fournissent des conseils fiscaux, transactions pour lesquelles le risque que les services de ces professions juridiques soient utilisés à des fins de blanchiment des produits où le crime est plus élevé». Cependant, le considérant suivant précise que: «[t]outefois, dans les cas où des membres indépendants de professions consistant à fournir des conseils juridiques, qui sont légalement reconnues et contrôlées, par exemple des avocats, évaluent la situation juridique d’un
client ou le représentant dans un procédure judiciaire, il ne serait pas approprié que la directive leur impose l’obligation, à l’égard de ces activités, de communiquer d’éventuels soupçons en matière de blanchiment de capitaux. Il y a lieu d’exonérer de toute obligation de déclaration les informations obtenues avant, pendant et après une procédure judiciaire ou lors de l’évaluation de la situation juridique d’un client. Par conséquent, la consultation juridique demeure soumise à l’obligation de
secret professionnel, sauf si le conseiller juridique prend part à des activités de blanchiment de capitaux, si la consultation juridique est fournie aux fins du blanchiment de capitaux ou si l’avocat sait que son client souhaite obtenir des conseils juridiques aux fins du blanchiment de capitaux».

21. Précisons enfin que la directive 91/308 a été récemment abrogée par la directive 2005/60. Le contenu de cette directive reprend sans les modifier les dispositions mises en cause dans la présente affaire (23).

B – Le contexte national

22. Cette affaire a son origine dans deux recours introduits parallèlement auprès de la Cour d’arbitrage (Belgique), l’un par l’Ordre des barreaux francophones et germanophone (ci‑après l’«OBFG») et l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles, l’autre par l’Ordre des barreaux flamands et l’Ordre néerlandais des avocats de Bruxelles. Ces recours tendent à faire annuler certaines dispositions de la loi du 12 janvier 2004 modifiant la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de
l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, la loi du 22 mars relative au statut et au contrôle des établissements de crédits, et la loi du 6 avril 1995 relative au statut des entreprises d’investissement et à leur contrôle, aux intermédiaires financiers et conseillers en placements. À ces requêtes se sont joints le Conseil des barreaux de l’Union européenne (ci‑après le «CCBE»), l’Ordre des avocats du barreau de Liège et le Conseil de ministres.

23. Précisons que la loi du 12 janvier 2004 a pour objet de transposer dans l’ordre juridique belge la directive 2001/97 modifiant la directive 91/308. Aussi édicte‑t‑elle un nouvel article 2 ter dont les termes sont identiques à l’article 2 bis, point 5, de la directive. En outre, tirant parti de la faculté ouverte par l’article 6, paragraphe 3, second alinéa, de la directive, la loi insère dans la législation belge un nouvel article 14 bis, paragraphe 3, disposant que «les personnes visées à
l’article 2 ter ne transmettent pas ces informations si celles‑ci ont été reçues d’un de leurs clients ou obtenues sur un de leurs clients lors de l’évaluation de la situation juridique de ce client ou dans l’exercice de leur mission de défense ou de représentation de ce client dans une procédure judiciaire ou concernant une telle procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d’engager ou d’éviter une procédure, que ces informations soient reçues ou obtenues avant, pendant ou
après cette procédure».

24. Il ressort de l’ordonnance de renvoi que les requérants reprochent principalement à cette loi d’étendre aux avocats les obligations posées par la loi du 11 janvier 1993. Selon les requérants, pareille extension porterait atteinte au principe du secret professionnel et de l’indépendance des avocats qui sont protégés par les droits reconnus dans la Constitution et dans la CEDH. Dans son arrêt, la Cour d’arbitrage établit que, si le secret professionnel est un «élément fondamental des droits
de la défense», celui‑ci peut céder «lorsqu’une nécessité l’impose ou lorsqu’une valeur jugée supérieure entre en conflit avec elle», pourvu toutefois que cette levée soit justifiée par un motif impérieux et soit strictement proportionnée.

25. Cependant, il convient de tenir compte du fait que les dispositions litigieuses sont le produit d’une extension imposée par la transposition de la directive 2001/97. Dès lors, le débat sur la constitutionnalité de la loi belge dépend d’une question portant sur la validité de la directive communautaire. Cette question, portée devant la Cour en vertu de l’article 234, troisième alinéa, CE, est la suivante:

«L’article 1^er, 2), de la directive 2001/97/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 décembre 2001, modifiant la directive 91/308/CEE du Conseil relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, viole‑t‑il le droit à un procès équitable tel qu’il est garanti par l’article 6 de la CEDH, et par conséquent l’article 6, paragraphe 2, UE, en ce que le nouvel article 2 bis, 5), qu’il a inséré dans la directive 91/308/CEE, impose l’inclusion des
membres de professions juridiques indépendantes, sans exclure la profession d’avocat, dans le champ d’application de cette même directive, qui, en substance, a pour objet que soit imposée aux personnes et établissements qu’elle vise une obligation d’informer les autorités responsables de la lutte contre le blanchiment de capitaux de tout fait qui pourrait être l’indice d’un tel blanchiment (article 6 de la directive 91/308/CEE, remplacé par l’article 1^er, 5), de la directive 2001/97/CE?»

II – Le cadre du contrôle de validité

26. Afin d’apprécier la validité de la disposition litigieuse au regard du droit communautaire, il convient au préalable de déterminer précisément la norme au regard de laquelle cette disposition doit être contrôlée. Dans son ordonnance de renvoi, la Cour d’arbitrage se réfère à l’article 6 de la CEDH relatif au droit à un procès équitable et, par voie de conséquence, à l’article 6, paragraphe 2, UE.

27. Rappelons que l’article 6 UE est ainsi libellé:

«1. L’Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit, principes qui sont communs aux États membres.

2. L’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la [CEDH] et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire.»

28. Quant à l’article 6 de la CEDH, il se lit comme suit:

«1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien‑fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. […]

[…]

3. Tout accusé a droit notamment à:

[…]

c. se défendre lui‑même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent […]»

29. Certaines parties au litige suggèrent cependant d’élargir les normes de référence du contrôle. D’une part, la référence à l’article 6 de la CEDH serait trop étroite, et il y aurait lieu d’étendre l’examen de conformité de la disposition litigieuse au regard notamment du principe de l’indépendance de l’avocat, du principe du secret professionnel, du devoir de loyauté, du principe des droits de la défense (droit à l’assistance juridique et droit de ne pas s’auto‑incriminer) et du principe de
proportionnalité. D’autre part, le CCBE s’interroge sur la pertinence et la validité des bases juridiques de la directive.

30. Selon lesdites parties, la nature du contrôle de validité prévu à l’article 234 CE permettrait d’opérer un tel élargissement. Elles se fondent, à cet effet, sur la jurisprudence de la Cour selon laquelle «la compétence de la Cour pour statuer, en vertu de l’article 177 du traité [234 CE], sur la validité des actes pris par les institutions de la Communauté ne comporte aucune limite quant aux causes sur la base desquelles la validité de ces actes pourrait être contestée» (24).

31. Cette jurisprudence n’est point contestable. Cependant, elle n’a pas la signification que leur attribuent lesdites parties. Par cette affirmation, la Cour n’établit pas qu’elle a tout loisir de modifier en substance le contenu de la question de validité posée par la juridiction de renvoi. Elle entend simplement souligner que, dans ce cadre, son contrôle peut être étendu à l’ensemble des causes juridiques qui délimitent le cadre du contrôle de légalité prévu à l’article 230 CE. Pour autant,
le principe reste que l’examen de validité d’un texte de droit communautaire doit se situer «dans la cadre de la question préjudicielle» qui lui est posée (25).

32. Sans doute la limite ainsi formulée est‑elle susceptible d’offrir à la Cour une certaine flexibilité. Il est toujours permis à la Cour de préciser le contenu de la question préjudicielle à la lumière des observations formulées par les parties au litige au principal ou tel qu’il ressort de l’exposé des motifs de l’ordonnance de renvoi (26). De même convient‑il admettre la possibilité d’examiner d’office, en dehors du cadre de la question posée, certains vices substantiels (27).

33. En l’espèce, cependant, il ne me semble pas utile de solliciter qu’elle fasse usage de cette flexibilité. Pour deux des griefs invoqués, la chose est évidente. S’agissant de la contestation relative à la base juridique de la directive, il est bien entendu qu’elle se situe en dehors du champ et du sens de la question posée. Celle‑ci concerne uniquement la conformité de certaines de ses dispositions aux principes fondamentaux de l’ordre juridique communautaire et non le titre de compétence
dont disposait la Communauté pour l’adopter. Quant au principe de proportionnalité, celui‑ci constitue un élément de réalisation et de contrôle des droits fondamentaux reconnus par l’ordre juridique communautaire. À ce titre, il devra en tout état de cause être pris en considération en relation avec l’application de ces droits. Dès lors, il n’y a pas lieu d’élargir à cet effet le cadre du contrôle demandé par la juridiction de renvoi.

34. Pour les autres principes invoqués par les parties intervenantes, il en va différemment. Bien qu’ils ne soient pas dénués de pertinence dans le cadre de la question posée, il ne paraît pas nécessaire de leur consacrer une analyse séparée pour une simple raison d’économie de moyen. En effet, ces principes se rassemblent aisément sous l’un d’entre eux, celui du secret professionnel des avocats. Celui‑ci est le plus directement menacé par l’obligation d’information prévue par la directive
litigieuse. Or, c’est bien la compatibilité de cette obligation d’information avec les exigences du secret professionnel de l’avocat qui a suscité la question de la juridiction de renvoi.

35. Il me paraît dès lors de bonne méthode de rechercher d’abord si ces exigences revêtent le statut de principe général ou de droit fondamental protégé par l’ordre juridique communautaire. Si tel est le cas, l’on pourra estimer que l’article 6, paragraphe 2, UE, offre suffisamment de ressources pour répondre à l’ensemble des préoccupations exprimées par les parties au litige.

III – Les fondements de la protection du secret professionnel des avocats

36. À suivre certaines des parties intervenantes, il pourrait sembler inutile d’identifier une source de droit précise consacrant le secret professionnel des avocats. Ce dernier aurait valeur d’«axiome» (28). Il serait possible d’en trouver la trace «dans toutes les démocraties» comme à toutes les époques: présent dans la Bible, il apparaît encore dans les écrits de l’histoire antique et de siècle en siècle. De ce point de vue, si le secret de l’avocat mérite d’être reconnu dans l’ordre
juridique communautaire, c’est tout simplement qu’il plongerait ses racines dans les fondements mêmes de la société européenne.

37. Par ailleurs, il est suggéré de se reporter aux règles consacrées par l’ensemble des ordres professionnels des avocats dans l’ensemble des États membres. Le secret serait inhérent à la profession même d’avocat. Il est évoqué dans tous les codes de déontologie, à l’instar du code de déontologie des avocats européens adopté par le CCBE (29), qui prévoit en son article 2.3 portant sur le secret professionnel qu’«il est de la nature même de la mission d’un avocat qu’il soit dépositaire des
secrets de son client et destinataire de communications confidentielles. Sans la garantie de confidence, il ne peut y avoir de confiance. Le secret professionnel est donc reconnu comme droit et devoir fondamental et primordial de l’avocat». La règle du secret professionnel est conçue, de ce point de vue, comme une obligation de discrétion relevant de la morale d’une profession.

38. Pour retenir l’exigence d’une protection communautaire, la jurisprudence de la Cour ne saurait se contenter ni d’un axiome social ni d’une règle professionnelle. Être et devoir être sont deux choses bien distinctes. Sans doute la Cour ne saurait ignorer l’existence d’un principe si élémentaire qu’il paraît universellement reconnu. Cependant, de ce qu’une règle paraît revêtir une valeur supérieure dans certains ordres sociaux ou privés, il ne suit pas qu’elle doive être consacrée en tant que
principe général du droit communautaire. Encore faut‑il rechercher s’il existe, dans cet ordre, une source autonome qui en assure la protection.

39. Il est loisible dès lors de s’interroger sur l’existence en ce domaine d’une tradition constitutionnelle commune aux États membres. Ainsi que le rappelait la Cour dans son arrêt AM & S, précité, «le droit communautaire, issu d’une interpénétration non seulement économique, mais aussi juridique des États membres, doit tenir compte des principes et conceptions communs aux droits de ces États» (30). L’étude comparative des droits des États membres de l’Union montre bien que le secret
professionnel des avocats existe dans la plupart de ces États avec rang de principe fondamental et statut de règle d’ordre public (31). La même étude fait ressortir, cependant, que l’étendue et les modalités de protection du secret professionnel varient assez largement d’un ordre juridique à l’autre. Dès lors, s’il y a lieu de tenir compte des différentes législations et jurisprudences nationales dans l’interprétation à donner de la notion de secret professionnel de l’avocat, il me paraît que,
compte tenu des divergences et des variations qui affectent l’application de ce principe dans les ordres juridiques des États membres, il convient de se tourner plutôt vers une autre source de protection.

40. Selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux consacrés par la CEDH revêtent, dans l’ordre juridique communautaire, «une signification particulière» et font partie intégrante des principes généraux dont la Cour assure le respect (32). Il n’en découle pas nécessairement que l’étendue de la protection des droits fondamentaux dans l’ordre juridique communautaire coïncide avec celle assurée par la CEDH. En revanche, ne sauraient être admises dans la Communauté des mesures
incompatibles avec le respect des droits de l’homme reconnus par cette dernière (33).

41. Or, si la CEDH ne se réfère pas expressément au secret professionnel de l’avocat, elle contient néanmoins des dispositions qui sont susceptibles d’en garantir la protection. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme offre, à cet égard, deux voies différentes. D’une part, par le cadre dans lequel il a vocation à s’exercer, le secret de l’avocat relève, ainsi que l’expose la juridiction de renvoi, du droit à un procès équitable. Dans l’arrêt Niemietz c. Allemagne, la Cour
européenne a jugé que, dans le cas d’un avocat, une intrusion sur le secret professionnel «peut se répercuter sur la bonne administration de la justice et, partant, sur les droits garantis par l’article 6» (34). Le secret est la condition de la confiance qui favorise la confidence et conduit à la manifestation de la vérité et de la justice. Mais, d’autre part, par ce qu’il a pour objet de protéger, il apparaît comme une composante essentielle du droit au respect de la vie privée (35). Dans son arrêt
Foxley c. Royaume‑Uni, la Cour européenne souligne en ce sens l’importance, au titre de l’article 8 de la CEDH, des principes de la confidentialité et du secret professionnel qui s’attachent à la relation entre l’avocat et son client (36). Le secret protège le citoyen des révélations indiscrètes qui pourraient porter atteinte à son intégrité morale et à sa réputation.

42. La Cour ne saurait ignorer pareille jurisprudence. Elle a eu l’occasion de souligner qu’il lui appartient de tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dans son interprétation des droits fondamentaux (37). Il est loisible par conséquent de retenir les droits à un procès équitable et au respect de la vie privée comme double fondement à la protection du secret professionnel de l’avocat dans l’ordre juridique communautaire.

43. En théorie, le choix de l’un de ces deux fondements n’est pas indifférent. Remarquons en effet que le fait de rattacher la protection du secret à l’un ou à l’autre de ces droits peut permettre de faire varier l’étendue de cette protection. Fonder le secret sur le droit à un procès équitable revient, implicitement, à en limiter l’extension au cadre contentieux, juridictionnel et quasi juridictionnel. Tel fut le choix de la Cour dans l’affaire AM & S, précitée. De ce choix résultait que la
protection de la correspondance devait être protégée, dans les circonstances de l’espèce, uniquement dans «le cadre et aux fins du droit de la défense» (38) . Opter, au contraire, pour le droit au respect de la vie privée implique, a priori, d’étendre la protection à l’ensemble des confidences confiées par le client au professionnel, quel que soit le cadre dans lequel ces relations se développent.

44. Toutefois, à ce stade de l’analyse, un tel choix ne me paraît pas pertinent. Au contraire, consacrer le double fondement présente l’avantage de couvrir l’ensemble des préoccupations soulevées par les parties intervenantes. La protection du secret professionnel de l’avocat est un principe à deux visages, l’un procédural puisé dans le droit fondamental à un procès équitable, l’autre substantiel tiré du droit fondamental au respect de la vie privée. À son fondement procédural, il est aisé de
rattacher les droits de la défense, le droit à une assistance juridique et le droit de ne pas s’auto‑incriminer (39). À son fondement substantiel correspondent l’exigence «que tout justiciable doit avoir la possibilité de s’adresser en toute liberté à son avocat, dont la profession même comporte la tâche de donner, de façon indépendante, des avis juridiques à tous ceux qui en ont besoin» (40) et celle, corrélative, de loyauté de l’avocat envers son client. Le principe du secret procède de la
spécificité même de la profession d’avocat.

45. Si les principes d’indépendance de l’avocat, de droits de la défense ou de droit au silence sont mis en cause par l’obligation d’information prévue par la disposition de droit communautaire litigieuse, c’est d’abord en tant qu’ils sont couverts par le principe du secret professionnel de l’avocat. Dans cette affaire, la question est donc de savoir si l’obligation d’information imposée par la directive litigieuse aux avocats dans l’Union européenne porte atteinte à ce principe, protégé en
tant quel par les principes fondamentaux de l’ordre juridique communautaire.

46. Si, au terme de cette analyse, il convient de reconnaître l’existence d’un principe de protection du secret professionnel de l’avocat en droit communautaire, il ne faudrait point en conclure, cependant, qu’il s’agit d’une prérogative absolue reconnue en tant que telle à la profession d’avocat.

IV – Les limites de la protection du secret professionnel de l’avocat

47. À propos du droit à la protection du caractère confidentiel des communications entre un avocat et son client, l’avocat général Warner notait déjà, dans le cadre de l’affaire AM & S, qu’«il s’agit d’un droit que les législations des pays civilisés reconnaissent de façon générale, d’un droit qu’il n’est pas facile de dénier, mais non pas d’un droit protégé au point que dans la Communauté le Conseil ne puisse jamais légiférer pour y prévoir une exception ou le modifier» (41). Il en va de même
assurément de la protection du secret professionnel, ainsi qu’en atteste d’ailleurs l’examen de la législation pertinente dans l’ensemble des États membres de la Communauté. On ne peut exclure que le secret professionnel s’efface devant des impératifs d’intérêt général supérieur dans certaines circonstances concrètes. En conséquence, la disposition mise en cause en l’espèce ne saurait être tenue pour invalide au seul motif qu’elle apporte certaines restrictions au secret professionnel de l’avocat.
Encore convient‑il de vérifier que les restrictions ainsi apportées respectent le régime de limitations des droits sur lesquels repose le secret professionnel de l’avocat en droit communautaire. Dès lors qu’elles mettent en cause la garantie de droits protégés par l’ordre juridique communautaire, pareilles restrictions doivent être strictement encadrées et justifiées.

48. Afin d’examiner le bien‑fondé des limitations mises en cause par les parties requérantes, je propose d’appliquer le cadre d’analyse qui est exposé dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ainsi que la Cour a eu l’occasion de l’affirmer, même si cette charte «ne constitue pas un instrument juridique contraignant», son objectif principal, «ainsi qu’il ressort de son préambule, est de réaffirmer ‘les droits qui résultent notamment des traditions constitutionnelles et des
obligations internationales communes aux États membres, du traité sur l’Union européenne et des traités communautaires, de la [CEDH], des Chartes sociales adoptées par la Communauté et par le Conseil de l’Europe, ainsi que de la jurisprudence de la Cour […] et de la Cour européenne des droits de l’homme’» (42). Il résulte de ce passage que, bien que ladite charte ne puisse constituer en elle‑même une base juridique suffisante pour faire naître dans le chef des particuliers des droits directement
invocables, elle n’est toutefois pas dépourvue de tout effet en tant que critère d’interprétation des instruments de protection des droits mentionnés à l’article 6, paragraphe 2, UE. Dans cette perspective, cette charte est susceptible de revêtir une double fonction. En premier lieu, elle peut créer la présomption de l’existence d’un droit qui devra, alors, recevoir confirmation de son existence soit dans les traditions constitutionnelles communes aux États membres soit dans les dispositions de la
CEDH. En second lieu, lorsqu’un droit est identifié en tant que droit fondamental protégé par l’ordre juridique communautaire, la Charte fournit un instrument particulièrement utile pour déterminer le contenu, le champ d’application et la portée à donner à ce droit. Rappelons d’ailleurs que les dispositions de la Charte, dont la confection repose sur un large processus de délibération engagé à l’échelle européenne, correspondent en grande partie à une codification de la jurisprudence de la Cour.

49. Dans ce cadre, il appartient à la Cour de vérifier, d’une part, que les limites mises en œuvre par la disposition litigieuse de la directive ne restreignent pas la protection du secret de l’avocat d’une manière ou à un point tel que celui‑ci s’en trouve atteint dans sa substance même et, d’autre part, que ces limites tendent à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union et sont proportionnées audit objectif (43).

A – La disposition litigieuse porte‑t‑elle atteinte à la substance du secret professionnel de l’avocat?

50. Protéger la substance d’un droit fondamental revient soit à assurer la protection de ce droit qui soit la plus compatible avec la subsistance des autres droits fondamentaux, soit à déterminer les circonstances et conditions dans lesquelles ce droit mérite une protection renforcée.

51. Toute la difficulté dans cette affaire est de savoir quelles sont les circonstances et les conditions dans lesquelles le secret professionnel de l’avocat ne peut être limité. C’est d’ailleurs sur ce point que les interprétations des parties divergent le plus nettement.

52. D’un côté, la Commission estime que la substance du secret de l’avocat se trouve entièrement dans le domaine «contentieux». Pour que l’on puisse admettre que ce secret bénéfice d’une protection, il faut que soit établi un lien avec une procédure. C’est seulement dans le cadre du procès, ou du moins d’une procédure de nature juridictionnelle ou quasi‑juridictionnelle, que le secret mérite d’être protégé. Ainsi d’ailleurs devrait s’interpréter l’arrêt de la Cour AM & S, précité, c’est‑à‑dire
en tant qu’il exige «un lien de connexité» avec une procédure de nature contentieuse. De ce point de vue, en limitant la protection du secret de l’avocat au cadre contentieux, la directive n’encourrait aucune critique.

53. Du côté opposé se tiennent les parties représentant les Ordres des barreaux pour lesquelles la règle du secret serait indissociable de la profession d’avocat à laquelle elle conférerait un statut et une dignité particuliers. En toute hypothèse, l’avocat devrait être le seul juge des limites susceptibles d’y être apportées. Restreindre la portée du secret à l’une de ses activités serait tout à la fois contraire aux principes fondamentaux et impossible à opérer en pratique, lesdites activités
étant à la fois complexes et indivisibles. De ce point de vue, il est clair que, en imposant de trahir le secret dans certaines des activités exercées par les avocats, la directive aurait pour effet de violer les droits fondamentaux.

54. Ces deux interprétations, qui sont inconciliables, ont pourtant un point d’accord dont il convient de partir. Toutes les parties s’accordent à penser, en effet, que la raison d’être du secret professionnel de l’avocat réside dans une relation de confiance qui doit exister entre le client et l’avocat (44). Préserver une telle relation recèle, en réalité, une double utilité. Elle est utile d’abord pour le client, dépositaire du secret, qui peut être ainsi assuré de s’en remettre à un tiers de
confiance, son avocat. Mais elle l’est également pour la société dans son ensemble, dans la mesure où, en favorisant la connaissance du droit et l’exercice des droits de la défense, elle participe à la bonne administration de la justice et à la manifestation de la vérité. Néanmoins, cette relation est fragile. Elle doit pouvoir se développer dans un cadre protégé. Ce qui importe dans cette affaire est donc de tracer soigneusement les limites de ce cadre. Il ne saurait être trop étroit, sous peine de
détruire les conditions d’une véritable relation de confiance entre l’avocat et son client. Mais, d’autre part, il ne doit pas être trop large, au risque de faire du secret un simple attribut de la profession d’avocat. Or, le secret professionnel ne saurait être propriété de l’avocat. Il convient plutôt de le considérer comme une valeur et comme une charge. Selon les mots de Lord Denning, le privilège qui découle de ce secret «n’est pas le privilège de l’avocat mais de son client» (45). Ce privilège
n’a de sens que s’il sert l’intérêt de la justice et le respect du droit. Il est confié à l’avocat en sa seule qualité d’agent de la justice.

55. Il est d’ailleurs un point qui, dans cette affaire, ne souffre pas de contestation. Toutes les parties s’accordent sur le fait que le secret professionnel doit bénéficier d’une protection renforcée dans le cadre de l’exercice des fonctions de représentation et de défense d’un client. Dans ce cadre, en effet, ainsi que l’a rappelé l’avocat général Léger dans ses conclusions sous l’arrêt Wouters e.a., «les avocats occupent une situation centrale dans l’administration de la justice, comme
intermédiaires entre les justiciables et les tribunaux» (46). Ce n’est ainsi pas par hasard qu’ils sont qualifiés par la Cour d’«auxiliaires» et de «collaborateurs de la justice» (47).

56. La dispute se concentre donc sur le point de savoir si pareille protection mérite d’être étendue au‑delà du cadre strict des nécessités de la représentation et de la défense et jusqu’où il convient de l’étendre. À cet égard, force est de constater que la situation prévalant dans les législations des différents États membres est contradictoire.

57. La directive litigieuse semble, à première vue, adopter une position intermédiaire. Lors de l’examen de la proposition de directive présentée par la Commission, le Parlement avait souhaité étendre expressément la dérogation à l’activité de fourniture de conseils juridiques. Ainsi que cela été rappelé, cette proposition n’a pas été retenue. En son article 6, paragraphe 3, second alinéa, la directive adoptée prévoit simplement que les avocats échappent à toute obligation d’information non
seulement «dans l’exercice de leur mission de défense ou de représentation de ce client dans une procédure» mais également «lors de l’évaluation de la situation juridique de ce client». Cette dernière expression prête à interprétation. En témoigne d’ailleurs l’état divergent des législations nationales ayant transposé cette disposition (48).

58. En vue de répondre à la question de validité posée par la juridiction de renvoi, il convient au préalable de clarifier la signification de cette notion.

1. La notion d’«évaluation de la situation juridique d’un client»

59. Aux yeux de la Commission, l’interprétation de cette notion n’est, en tout état de cause, pas pertinente aux fins de déterminer la validité de la directive. Le secret professionnel des avocats ne touchant en principe que leurs activités juridictionnelles ou para juridictionnelles, il suffit de constater que la directive soustrait celles‑ci de toute obligation d’information. Autrement dit, même si l’activité d’évaluation juridique était soumise à une obligation de déclaration, la directive
devrait être considérée comme étant valide. Les Ordres des barreaux représentés à l’audience considèrent, au contraire, que le secret professionnel couvre également l’activité de conseil. Ils proposent donc de retenir une interprétation large de la notion d’évaluation de la situation juridique du client. S’il était jugé que la disposition litigieuse n’inclut pas la notion de conseil, elle devrait être considérée comme invalide.

60. À mon avis, le principe du secret professionnel couvre, ainsi que le soutiennent les Ordres des barreaux intervenants, la fourniture de conseils juridiques. La raison en est double et repose à la fois sur des considérations de principe et sur des considérations pratiques. En principe, il faut tenir compte de «la nécessité fondamentale pour toute personne, dans une société civilisée, de pouvoir s’adresser à son avocat pour obtenir un avis et de l’aide et, lorsqu’une procédure commence, pour
la représenter» (49). Représentant et défenseur, tout avocat a également une fonction essentielle d’assistance et de conseil. Par là, il assure non seulement l’accès à la justice mais également l’accès au droit. Or, cette dernière garantie n’est pas moins précieuse que la première dans une société complexe telle que la société européenne. La possibilité pour tout citoyen de pouvoir disposer d’un conseil indépendant aux fins de prendre connaissance de l’état du droit régissant sa situation
particulière est une garantie essentielle de l’État de droit. Dans ces conditions, le pacte de confiance que garantit la protection du secret mérite d’être étendu au cadre des relations d’assistance et de conseil juridiques (50). Pareille extension est conforme, en outre, au développement de la jurisprudence de la Cour. Dans l’arrêt AM & S est expressément rappelée l’importance pour les clients de pouvoir disposer, en toute indépendance, d’avis juridiques et d’une assistance légale (51).

61. En pratique, et en tout état de cause, il paraît difficile de pouvoir distinguer, dans le cadre de l’exercice de la mission incombant à un professionnel du droit, le temps du conseil et le temps de la représentation. S’il fallait, à chaque fois que l’imposait la poursuite des objectifs poursuivis par la directive, opérer une telle distinction, il est certain que la relation de confiance existant entre le professionnel et son client risquerait d’en pâtir.

62. De cette analyse, il résulte que la protection renforcée dont bénéficie le secret professionnel de l’avocat doit s’étendre aux missions de représentation, de défense, d’assistance et de conseil juridiques. Par conséquent, je suggère de conclure qu’aucune obligation d’information liée à la lutte contre le blanchiment des capitaux ne saurait être imposée à l’avocat dans le champ d’exercice de ces missions. Toute atteinte de ce genre devrait être regardée comme portant atteinte à la substance
des droits protégés par l’ordre juridique communautaire.

63. La formulation retenue par la disposition litigieuse de la directive en cause en l’espèce est‑elle compatible avec une telle analyse? Rappelons que la Cour juge de manière constante que, «lorsqu’un texte du droit dérivé communautaire est susceptible de plus d’une interprétation, il convient de donner la préférence à celle qui rend la disposition conforme au traité, plutôt qu’à celle conduisant à constater son incompatibilité avec celui‑ci» (52). En l’espèce, il me semble que la notion
d’«évaluation de la situation juridique du client» retenue par la directive peut aisément être comprise comme comprenant celle de conseil juridique. Pareille lecture est conforme au respect des droits fondamentaux et des principes de l’État de droit protégés par l’ordre juridique communautaire. Elle est au reste conforme à la lettre du dix‑septième considérant de la directive qui prévoit que, en principe, «la consultation juridique demeure soumise à l’obligation de secret professionnel». Je propose
par conséquent d’interpréter l’article 6, paragraphe 3, second alinéa, de la directive en ce sens qu’elle exonère de toute obligation d’information les avocats exerçant une activité de conseil juridique.

64. Reste, toutefois, à vérifier que les dispositions de la directive sont en tous points conformes à cette interprétation. Les Ordres des barreaux soutiennent que, en soumettant à une obligation d’information les activités mentionnées à l’article 2 bis, point 5, la directive viole le principe du secret professionnel ainsi interprété. Ils sont d’avis en effet que, dans toutes ses activités, l’avocat est conduit à effectuer une analyse et une évaluation de la situation juridique de son client.
Dans ces conditions, il ne serait pas approprié d’exclure la protection du secret dans le cadre desdites activités.

65. Force est de reconnaître qu’une distinction entre les activités de nature juridique et les activités «extra‑juridiques» des avocats peut être difficile à opérer en pratique. Cependant, il ne me semble pas impossible de concevoir un critère clair qui permette de séparer les cas dans lesquels l’avocat, agissant «en tant qu’avocat», jouit de la protection du secret professionnel et les cas dans lesquels cette protection n’a pas lieu d’être appliquée. C’est d’ailleurs à cette seule condition, à
mon avis, que peut être sauvegardé l’équilibre entre l’exigence de protection de la confiance existant entre l’avocat et son client et l’exigence de protection des intérêts généraux de la société, dans le respect des droits protégés par l’ordre juridique communautaire. Il me paraît, en outre, difficile de justifier une extension du secret professionnel de l’avocat sur le seul fondement d’une difficulté d’ordre pratique et sans considération du fait que la profession d’avocat assume aujourd’hui des
activités qui vont bien au‑delà de ses missions spécifiques de représentation et de conseil.

2. Le critère de distinction de l’activité protégée par le secret professionnel

66. Lors de l’audience tenue devant la Cour, les intervenants ont proposé divers critères de distinction. Le Conseil a suggéré de se fonder sur la nature matérielle de l’activité soumise à déclaration. Il estime, d’autre part, dans ses observations écrites, qu’il faut tenir compte du critère de la participation active des avocats dans l’exécution des opérations concernées. Tel est également l’avis soutenu par le Parlement lors de l’audience: il serait tout à fait possible de distinguer entre
une activité de conseil et une participation au nom et pour le compte d’un client. Le gouvernement italien soutient, quant à lui, que seuls les conseils fournis à titre indépendant seraient dignes de protection.

67. Confrontés à ces analyses, les Ordres des barreaux représentés à l’audience ont admis que les activités visées à l’article 2 bis, point 5, pouvaient en effet faire l’objet d’une distinction. S’il est vrai que les activités de mandataire visées sous b) ont pour effet d’annuler toute différence entre les intérêts de l’avocat et ceux de son client, au point de faire perdre au premier son indépendance, il n’en irait pas de même des activités d’assistance visées sous a) qui exigeraient le
respect de l’indépendance de l’avocat.

68. Il apparaît donc que les positions a priori opposées des différentes parties au litige se sont rapprochées. Un accord a semblé se dégager sur l’idée qu’il convenait de limiter le secret professionnel à l’aire de compétence propre des avocats. Il en résulte que la divergence de vues se trouve circonscrite.

69. À mon avis, il serait hasardeux de vouloir distinguer en fonction du degré d’implication de l’avocat dans l’opération en cause. Je ne vois pas bien en quoi une activité d’assistance mérite plus que celle de mandataire une protection spéciale s’il n’est pas démontré que cette activité est accomplie en toute indépendance. Ce qui importe plus que l’activité exercée est la manière d’exercer cette activité.

70. Que, dans tous les cas où il intervient, l’avocat puisse être amené à entreprendre une évaluation de la situation juridique de son client, cela n’est pas contestable. Cependant, cette évaluation est susceptible de prendre des directions différentes. Une chose est d’exposer le cadre et les implications juridiques de l’opération envisagée, autre chose de conduire une évaluation en vue de choisir la meilleure stratégie dans l’intérêt du client pour réaliser une action ou une transaction
économique ou commerciale. Si l’évaluation a simplement pour but d’aider le client à organiser ses activités «dans le respect de la loi» et de soumettre ses objectifs aux règles de droit (53), elle doit être considérée comme une activité de conseil et elle doit être soustraite à toute obligation d’information, quel que soit le contexte dans lequel elle est fournie. En revanche, si l’évaluation a pour but essentiel de réaliser ou de préparer une transaction commerciale ou financière et qu’elle est
soumise aux instructions du client en vue de trouver, notamment, la solution économiquement la plus favorable, l’avocat n’agit plus autrement que comme un «agent d’affaires» qui met entièrement ses compétences au service d’une activité non juridique, et il n’y a pas lieu à application du secret professionnel. Dans le premier cas, il est permis de dire que l’avocat agit non seulement dans l’intérêt de son client mais également dans l’intérêt du droit. Dans le second, seul prévaut l’intérêt du client.
Dans ce cas, l’avocat n’agit pas en tant qu’avocat indépendant mais se trouve dans une situation identique à celle d’un conseiller financier ou d’un juriste d’entreprise.

71. Convenons toutefois que la distinction entre ces deux types de situations est elle‑même difficile à apprécier. Une appréciation de portée générale telle que celle demandée à la Cour dans cette affaire ne saurait résoudre toutes les difficultés pratiques qu’une telle appréciation est susceptible d’engendrer. Le mieux que puisse faire la Cour en ce cas est de fournir tous les éléments d’interprétation qui sont à sa disposition en vue de guider l’application du texte par les autorités
nationales compétentes. Remarquons par ailleurs que semblable approche a été adoptée par d’autres juridictions sans qu’elle donne lieu à des problèmes d’application particuliers. Dans ces affaires, ces juridictions exigent une analyse au cas par cas de la qualité en vertu de laquelle agit l’avocat (54).

72. Compte tenu de la nature fondamentale de la protection du secret professionnel de l’avocat, il est juste de présumer que l’avocat agit en sa qualité propre de conseil ou de défenseur. Ce n’est que s’il apparaît qu’il a été employé pour une fonction qui met en cause son indépendance qu’il conviendra de considérer qu’il peut être soumis à l’obligation d’information prévue par la directive. Cette appréciation devra être faite au cas par cas, sous la garantie d’un contrôle juridictionnel.

3. Conclusion intermédiaire

73. L’ensemble de l’analyse qui précède n’a révélé aucun élément de nature à invalider les articles 2 bis, point 5, et 6 de la directive 91/308 telle que modifiée par la directive 2001/97, pourvu toutefois qu’ils soient interprétés comme excluant toute obligation d’information dans le cadre des activités de représentation et de conseil juridiques des avocats. Il conviendra notamment d’exonérer de pareille obligation les conseils prodigués en vue d’aider le client à organiser ses activités «dans
le respect de la loi».

74. Il ne suffit pas d’admettre que, en dehors de ces cas dans lesquels toute obligation d’information est exclue, des limitations peuvent être apportées au secret professionnel de l’avocat. Il faut encore se demander si ces limitations poursuivent un objectif d’intérêt général légitime et si elles sont proportionnées à la poursuite de cet objectif.

B – Les limites apportées à la protection du secret de l’avocat poursuivent‑elles un objectif d’intérêt général?

75. Il n’est qu’une partie qui, devant la Cour, paraît douter de la légitimité du but poursuivi par la directive litigieuse. Selon l’ordre des avocats du barreau de Liège, le secret ne saurait céder que devant des intérêts supérieurs tenant à la sauvegarde de la vie humaine.

76. Cette position n’est pas fondée. En premier lieu, il ne me paraît nullement exclu que des nécessités étrangères à la préservation de la vie humaine puissent constituer des buts légitimes de nature à justifier des restrictions au secret professionnel. En second lieu, il est permis de voir dans la lutte contre le blanchiment de capitaux un objectif digne d’être poursuivi par la Communauté.

77. Il ressort du premier considérant de la directive 91/308 que celle‑ci vise à éviter que l’utilisation des établissements de crédits et des institutions financières pour le blanchiment du produit d’activités criminelles ne compromette gravement la fiabilité du système financier et n’affecte la confiance du public à l’égard de ce système dans son ensemble. Il est vrai que le blanchiment de capitaux a potentiellement un effet destructeur sur les systèmes économiques, politiques et sociaux des
États membres. Vouloir étendre cet objectif aux professionnels du droit ne paraît pas illégitime dès lors qu’il est pris acte de ce que ceux‑ci sont susceptibles d’exercer un nombre d’activités très diverses, qui dépassent largement le seul cadre des compétences de conseil et de représentation juridiques. Dans ce contexte surgit le risque que les avocats ne deviennent, à l’instar d’autres professions, des «ouvreurs de portes» permettant aux blanchisseurs d’atteindre leurs objectifs illicites.

78. Dans ces conditions, l’objectif de lutte contre le blanchiment de capitaux peut être regardé comme un objectif d’intérêt général qui justifie que soit levé le secret de l’avocat pourvu que cette levée n’affecte pas le cadre des activités essentielles de l’avocat telles que définies précédemment. Reste, enfin, à vérifier que les restrictions ainsi prévues respectent bien le principe de proportionnalité.

C – Les limitations de la protection du secret de l’avocat respectent‑elles le principe de proportionnalité?

79. En vertu du principe de proportionnalité, des limitations au secret de l’avocat ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires. Le CCBE et l’OFBG contestent en l’espèce le caractère de nécessité de l’obligation d’information. Il relève que l’objectif recherché pourrait être atteint par des moyens moins attentatoires au secret, tels que des procédures de sanctions disciplinaires et pénales. En outre, le fait que d’autres professionnels participant aux opérations à risque soient
soumis à cette obligation de déclaration serait une garantie suffisante de réalisation du but poursuivi.

80. Cette argumentation n’est pas convaincante. D’une part, il est constant que les procédures décrites ne remplissent pas la même fonction que l’obligation d’information. Les premières ne concernent en effet que la sanction de comportements illicites tandis que l’obligation d’information vise seulement à prévenir les autorités compétentes de faits pouvant être l’indice d’un blanchiment de capitaux sans que l’auteur de la déclaration soit impliqué dans la commission des faits illicites. Dans la
mesure où ils poursuivent des buts différents, on ne saurait assimiler ces deux moyens aux fins de la lutte contre le blanchiment. D’autre part, le fait que d’autres opérateurs soient soumis à cette même obligation ne préjuge en rien de la nécessité d’y soumettre également les professionnels du droit, dès lors que ceux‑ci s’avèrent directement impliqués dans des opérations à risque. Par conséquent, il est loisible d’admettre qu’une disposition prévoyant l’application d’une telle obligation aux
professionnels du droit peut être nécessaire dans le contexte d’une lutte organisée contre le blanchiment de capitaux.

81. Il n’en demeure pas moins que le secret de l’avocat constitue un principe fondamental qui touche directement les droits à un procès équitable et au respect de la vie privée. Dès lors, il ne saurait y être porté atteinte que dans des cas exceptionnels et en s’entourant des garanties adéquates et suffisantes contre les abus (55).

82. Il convient, à cet égard, de relever que l’obligation litigieuse est assortie de certaines garanties tenant compte de la spécificité de la profession d’avocat. La directive prévoit à cet effet deux sortes de garanties. En premier lieu, aux termes de l’article 6, paragraphe 3, premier alinéa, les États membres peuvent désigner un organe d’autorégulation approprié de la profession concernée comme l’autorité à informer en cas de déclaration. Cet organe a en quelque sorte une fonction de filtre
et de contrôle, de telle sorte que l’obligation de discrétion professionnelle qui incombe aux avocats à l’égard de leurs clients puisse être préservée. En second lieu, la directive prévoit en son article 8 que les États membres ont la faculté de ne pas imposer aux avocats l’interdiction de révéler à leurs clients que des informations ont été transmises aux autorités responsables en application de la directive. Ainsi permet‑on que soit sauvegardée la relation de confiance et de loyauté envers les
clients, condition de l’exercice de la profession d’avocat. Ces garanties peuvent être considérées comme des garanties adéquates et effectives en vue de protéger l’intégrité de la relation entre les avocats et leurs clients.

V – Conclusion

83. À la lumière des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre de la manière suivante à la question posée par la Cour d’arbitrage:

«Les articles 2 bis, point 5, et 6 de la directive 91/308/CEE du Conseil, du 10 juin 1991, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, telle que modifiée par la directive 2001/97/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 décembre 2001, sont valides pour autant qu’ils sont interprétés, conformément au dix‑septième considérant de ladite directive et dans le respect des droits fondamentaux à la protection du secret professionnel de l’avocat, en
ce sens qu’il y a lieu d’exonérer de toute obligation de déclaration les informations obtenues avant, pendant ou après une procédure judiciaire ou lors de la fourniture de conseils juridiques.»

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1 – Langue originale: le portugais.

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2 – La protection du secret professionnel est expressément rappelée à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, aux termes duquel est consacré «le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires».

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3 – Citons ainsi, par exemple, la décision de la Cour suprême de Colombie britannique (Canada) du 20 novembre 2001. Ayant à se prononcer sur la question de savoir si les conseillers juridiques devaient être exemptés de l’obligation de déclarer au centre d’analyse des opérations et des déclarations financières du Canada certaines opérations financières suspectes, elle jugea utile de faire référence aux dispositions de la directive 2001/97, laquelle était alors dans sa phase finale d’adoption.

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4 – Arrêt du 18 mai 1982, AM & S (155/79, Rec. p. 1575). Voir, sur ce thème, l’étude de Vesterdorf, B., «Legal Professional Privilege and the Privilege Against SelfIncrimination in EC Law: Recent Developments and Currents Issues», in Fordham International Law Journal, 2005, p. 1179.

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5 – Arrêt du 19 février 2002, Wouters e.a. (C309/99, Rec. p. I1577).

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6 – Voir, en ce sens, cinquième considérant de la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (JO L 309, p. 15).

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7 – Conseil de l’Europe, Recommandation nº R (80) 10 relative aux mesures contre le transfert et la mise à l’abri des capitaux d’origine criminelle, adoptée le 27 juin 1980.

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8 – Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, adoptée par la Conférence à sa 6^e séance plénière, le 19 décembre 1988.

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9 – Conseil de l’Europe, convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, adoptée à Strasbourg le 8 novembre 1990.

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10 – GAFI, Les Quarante Recommandations, 1990, révisées en 1996 et en 2003.

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11 – Voir les conclusions de l’avocat général Saggio dans l’affaire Commission/Autriche ayant donné lieu à l’ordonnance du président de la Cour du 29 septembre 2000 (C‑290/98, Rec. p. I7835, point 3).

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12 – GAFI, Rapport Annuel 2000‑2001, 22 juin 2001, p. 17 et 19.

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13 – Voir notamment le programme d’action relatif à la criminalité organisée (adopté par le Conseil le 28 avril 1997) [JO C 251, p. 1, point 26, sous e].

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14 – Résolution sur le deuxième rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’application de la directive relative au blanchiment de capitaux (JO 1999, C 175, p. 39 à 42).

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15 – Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 91/308 [COM (1999) 352 final du 14 juillet 1999].

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16 – Avis du Parlement européen du 5 juillet 2000 (JO 2001 C 121, p. 133).

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17 – Position commune (CE) nº 5/2001, arrêtée par le Conseil le 30 novembre 2000, en vue de l’adoption de la directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 91/308 (JO 2001, C 36, p. 24).

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18 – Ibidem, p. 28.

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19 – Communication de la Commission au Parlement européen conformément à l’article 251, paragraphe 2, deuxième alinéa, du traité CE concernant la position commune arrêtée par le Conseil en vue de l’adoption d’une directive du Parlement européen et du Conseil, modifiant la directive 91/308, du 12 janvier 2001 (SEC/2001/12).

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20 – Résolution législative du Parlement européen, du 5 avril 2001, sur la position commune du Conseil [C 21 E (2002), p. 305, amendement n° 22].

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21 – Avis de la Commission conformément à l’article 251, paragraphe 2, sous c), du traité CE, sur les amendements du Parlement européen à la position commune du Conseil concernant la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 91/308, du 13 juin 2001 [COM (2001) 330 final].

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22 – Rapport du Parlement européen sur le projet commun, approuvé par le comité de conciliation, de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 91/308, du 5 novembre 2001 [PE‑CONS 3654/2001 – C5‑0496/2001 – 1999/0152(COD)].

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23 – Articles 2 et 23, paragraphe 2.

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24 – Voir, notamment, arrêt du 16 juin 1998, Racke (C‑162/96, Rec. p. I‑3655, point 26).

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25 – Arrêt du 28 octobre 1982, Dorca Marine e.a. (50/82 à 58/82, Rec. p. 3949, point 13).

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26 – Arrêts du 10 janvier 1973, Getreide Import (41/72, Rec. p. 1, point 2), et du 25 octobre 1978, Royal Scholten-Honig (103/77 et 145/77, Rec. p. 2037, points 16 et 17).

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27 – Arrêt du 18 février 1964, Internationale Crediet‑ en Handelsvereniging (73/63 et 74/63, Rec. p. 3, point 28).

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28 – Observations écrites présentées par l’Ordre des barreaux francophones et germanophone et l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles, p. 22.

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29 – Ce code a été adopté le 28 octobre 1988 et modifié en dernier lieu le 19 mai 2006.

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30 – Point 18 de l’arrêt AM & S, précité.

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31 – Voir, en ce sens, point 182 des conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Wouters e.a., précitée.

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32 – Voir, notamment, arrêt du 12 juin 2003, Schmidberger (C‑112/00, Rec. p. I‑5659, point 71).

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33 – Arrêt Schmidberger, précité, point 73.

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34 – Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Niemetz c. Allemagne du 16 décembre 1992, point 37.

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35 – Voir, par analogie, en matière de secret médical, arrêt du 8 avril 1992, Commission/Allemagne (C‑62/90, Rec. p. I‑2575, point 23).

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36 – Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Foxley c. Royaume‑Uni du 29 septembre 2000, point 44; également arrêt Kopp c. Suisse du 25 mars 1998.

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37 – Arrêt du 29 juin 2006, Commission/SGL Carbon (C‑301/04 P, non encore publié au Recueil, point 43).

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38 – Point 21 de l’arrêt AM & S, précité.

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39 – Voir article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne codifiant la jurisprudence de la Cour sur les droits relatifs à l’accès à la justice; arrêt du 18 octobre 1989, Orkem/Commission (374/87, Rec. p. 3283, point 35).

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40 – Point 18 de l’arrêt AM & S, précité (je souligne).

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41 – Conclusions de l’avocat général Warner dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt AM & S, précité, p. 1637.

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42 – Arrêt du 27 juin 2006, Parlement/Conseil (C‑540/03, non encore publié au Recueil, point 38).

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43 – L’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose que «[t]oute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de
protection des droits et libertés d’autrui».

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44 – Conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Wouters e.a., précité, point 182.

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45 – Lord Denning, The Due Process of Law, Butterworths, London, 1980, p. 29.

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46 – Point 174 des conclusions de l’avocat général.

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47 – Arrêts du 3 décembre 1974, Van Binsbergen (33/74, Rec. p. 1299, point 14), et AM & S, précité, point 24.

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48 – De nombreux États membres ont procédé à une transposition littérale des termes de la directive. Certains États membres ont choisi de faire expressément référence à l’activité de consultation juridique dans leur transposition: il en est ainsi en droit allemand (article 11, paragraphe 3, première phrase du Geldwäschebekämpfungsgesetz), en droit français (article 562‑2‑1 du code monétaire et financier), en droit hellénique (article 2a, paragraphe 1, lettre β, loi 2331/1995, modifié par l’article 4
de la loi 3424/2005) et en droit britannique (Proceeds of Crime Act 2002, article 330, sous‑sections 6 et 10). Enfin, il est des États qui ont entendu exclure l’activité de conseil juridique n’ayant pas de lien avec une procédure judiciaire du champ de l’exception prévue à l’article 6, paragraphe 3, second alinéa, de la directive: tel est le cas en Finlande (Rahanpesulaki, article 3, point 18) et en Pologne (article 11, paragraphe 5, loi du 16 novembre 2000, modifié pour la loi du 5 mars 2004).

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49 – Conclusions de l’avocat général Slynn dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt AM & S, précité, p. 1654.

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50 – Ibid., p. 1655.

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51 – Points 18 et 21 de l’arrêt AM & S, précité.

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52 – Arrêts du 13 décembre 1983, Commission/Conseil (218/82, Rec. p. 4063, point 15), et du 29 juin 1995, Espagne/Commission (C‑135/93, Rec. p. I‑1651, point 37).

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53 – Conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Wouters e.a., précité, point 174.

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54 – En ce sens, voir les arrêts tirés de la jurisprudence américaine: In re Grand Jury Investigation (Schroeder), 842 F.2d 1223, 1225 (11^th Cir. 1987); United States v. Davis, 636 F.2d at 1043; United States v. Horvath, 731 F.2d 557, 561 (8^th Cir. 1984); Upjohn Co. v. United States, 449 U.S. 383 (1981); voir également l’arrêt 87/1997 de la Cour constitutionnelle italienne, du 8 avril 1997 (GURI du 16 avril 1997), ainsi que la décision de la House of Lords: Three Rivers District Council and Others
v. Governor and Company of the Bank of England, [2004] UKHL 48. Dans cette dernière décision, Lord Scott of Foscote, précise d’ailleurs: «There is, in my opinion, no way of avoiding difficulty in deciding in marginal cases whether the seeking of advice from or the giving of advice by lawyers does or does not take place in a relevant legal context so as to attract legal advice privilege».

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55 – Voir, par analogie, arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Erdem c. Allemagne du 5 juillet 2001, point 65.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : C-305/05
Date de la décision : 14/12/2006
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Cour d'arbitrage, devenue Cour constitutionnelle - Belgique.

Directive 91/308/CEE - Prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux - Obligation imposée aux avocats d'informer les autorités compétentes de tout fait qui pourrait être l'indice d'un blanchiment de capitaux - Droit à un procès équitable - Secret professionnel et indépendance des avocats.

Convention européenne des droits de l'Homme

Libre circulation des capitaux

Droit d'établissement

Rapprochement des législations

Droits de l'homme


Parties
Demandeurs : Ordre des barreaux francophones et germanophone et autres
Défendeurs : Conseil des ministres.

Composition du Tribunal
Avocat général : Poiares Maduro
Rapporteur ?: Juhász

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2006:788

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