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31/01/2006 | CJUE | N°T-48/03

CJUE | CJUE, Ordonnance du Tribunal de première instance, Schneider Electric SA contre Commission des Communautés européennes., 31/01/2006, T-48/03


Affaire T-48/03

Schneider Electric SA

contre

Commission des Communautés européennes

«Concurrence — Concentrations — Reprise de la procédure de contrôle après l'annulation par le Tribunal d'une décision interdisant une opération de concentration — Engagement de la phase d'examen approfondi — Renonciation à la concentration — Clôture de la procédure de contrôle — Recours en annulation — Actes faisant grief — Intérêt à agir — Irrecevabilité»

Ordonnance du Tribunal (quatrième chambre) du 31 janvier 2006

Sommaire de l'ordonnance

Recours en annulation — Personnes physiques ou morales — Actes susceptibles de recours

...

Affaire T-48/03

Schneider Electric SA

contre

Commission des Communautés européennes

«Concurrence — Concentrations — Reprise de la procédure de contrôle après l'annulation par le Tribunal d'une décision interdisant une opération de concentration — Engagement de la phase d'examen approfondi — Renonciation à la concentration — Clôture de la procédure de contrôle — Recours en annulation — Actes faisant grief — Intérêt à agir — Irrecevabilité»

Ordonnance du Tribunal (quatrième chambre) du 31 janvier 2006

Sommaire de l'ordonnance

Recours en annulation — Personnes physiques ou morales — Actes susceptibles de recours

(Art. 230, al. 4, CE; règlement du Conseil nº 4064/89, art. 6, § 1, c))

Une entreprise qui, après avoir obtenu l'annulation par le Tribunal de la décision de la Commission lui interdisant de réaliser une opération de concentration, cède l'entreprise qu'elle avait acquise durant le délai dont la Commission disposait, en tout état de cause, à la suite dudit arrêt, pour adopter une nouvelle décision ne saurait prétendre que lui font grief ni la décision de la Commission, intervenue après la décision de cession, d'ouvrir à nouveau, en vertu de l'article 6, paragraphe 1,
sous c), du règlement nº 4064/89, la phase d'examen approfondi de l'opération, ni la décision postérieure de la Commission de clore formellement la procédure, devenue sans objet.

(cf. points 61, 67, 72-74, 84, 96-97, 101)

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

31 janvier 2006 (*)

« Concurrence – Concentrations – Reprise de la procédure de contrôle après l’annulation par le Tribunal d’une décision interdisant une opération de concentration – Engagement de la phase d’examen approfondi – Renonciation à la concentration – Clôture de la procédure de contrôle – Recours en annulation – Actes faisant grief – Intérêt à agir – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑48/03,

Schneider Electric SA, établie à Rueil-Malmaison (France), représentée initialement par M^es A. Winckler, M. Pittie et É. de La Serre, avocats, puis par M^es Pittie et Winckler,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. P. Oliver et F. Lelièvre, puis par M. Oliver et M^me O. Beynet, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation, d’une part, de la décision de la Commission du 4 décembre 2002 d’ouvrir la phase d’examen approfondi de l’opération de concentration entre Schneider et Legrand (affaire COMP/M.2283 – Schneider/Legrand II) et, d’autre part, de la décision de la Commission du 13 décembre 2002 de clore la procédure de contrôle de cette opération,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. H. Legal, P. Mengozzi et M^me I. Wiszniewska-Białecka, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

Antécédents du litige

1 Conformément au règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises [JO L 395, p. 1 ; rectificatifs au JO 1990, L 257, p. 13, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1310/97 du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 180, p. 1), ci-après le « règlement n° 4064/89 »], Schneider Electric SA (ci-après « Schneider » ou la « requérante ») et Legrand SA, deux entreprises établies en France et actives dans le secteur des produits
de la distribution d’électricité, ont notifié à la Commission, le 16 février 2001, le projet de Schneider de lancer une offre publique d’échange d’actions sur l’intégralité des titres de Legrand (ci-après l’« Opération »).

2 Aux termes du point 1.7 de la lettre du 12 janvier 2001 échangée par les présidents des deux sociétés :

« […]

[Schneider] et Legrand feront leurs meilleurs efforts pour que l’autorisation de la Commission européenne soit obtenue dans les meilleurs délais et respecteront, par ailleurs, dans le cadre de la procédure d’examen du rapprochement de [Schneider] et Legrand [menée] par la Commission européenne, les principes suivants :

[…]

iv) le président du conseil d’administration de Legrand sera personnellement associé à l’élaboration de toute solution proposée à la Commission européenne, en particulier dans l’hypothèse où l’autorisation de l’opération par cette dernière supposerait la réalisation de désinvestissements,

v) tout engagement concernant Legrand, quel qu’il soit, et notamment tout engagement de désinvestissement portant sur un ou plusieurs actifs (en ce compris les participations) détenus par Legrand ou l’une quelconque de ses filiales ne pourra être proposé ou consenti par l’une quelconque des sociétés sans l’accord préalable des présidents du conseil d’administration de Schneider et de Legrand dans un esprit de recherche d’une solution de désinvestissement équilibré entre les deux groupes.

[…] »

3 Le 30 mars 2001, la Commission a ouvert la phase d’examen approfondi de l’Opération en vertu de l’article 6, paragraphe l, sous c), du règlement n° 4064/89.

4 L’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89 permettant la réalisation des offres publiques d’échange notifiées, à la condition que les droits de vote attachés aux actions acquises ne soient pas exercés, Schneider a lancé son offre publique d’échange d’actions le 21 juin 2001 et l’a close le 25 juillet suivant.

5 Le 6 août 2001, la commission des opérations de bourse a rendu l’avis de résultat définitif de l’OPE lancée par Schneider sur les titres de Legrand. Schneider a ainsi recueilli 98,7 % des titres de Legrand, sans pouvoir toutefois exercer les droits de vote correspondants.

6 Après avoir rejeté à deux reprises les mesures correctives proposées par Schneider pour rendre l’Opération compatible avec le marché commun, la Commission a, par décision du 10 octobre 2001 adoptée sur le fondement de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89, déclaré l’Opération incompatible avec le marché commun (ci-après la « décision d’incompatibilité »).

7 À la suite de la demande présentée par Schneider le 22 novembre 2001, la Commission a adopté, le 4 décembre 2001, une décision autorisant Schneider, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89, à exercer les droits de vote attachés à sa participation dans Legrand, par l’intermédiaire d’un mandataire nommé par Schneider et dans les conditions prévues par un contrat de mandat approuvé par la Commission.

8 Le 10 décembre 2001, Schneider et Salustro Reydel Management, le mandataire, ont signé le contrat de mandat.

9 Le 13 décembre 2001, Schneider a introduit devant le Tribunal un recours en annulation contre la décision d’incompatibilité (affaire T‑310/01).

10 La décision d’incompatibilité étant intervenue après la réalisation du regroupement des deux entreprises, la Commission a adopté le 30 janvier 2002, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89, une décision ordonnant à Schneider de se séparer de Legrand dans un délai de neuf mois, expirant le 5 novembre 2002, sans que Schneider puisse procéder à une séparation distincte de certaines activités de Legrand (ci-après la « décision de séparation »).

11 Le 18 mars 2002, Schneider a introduit un recours en annulation de la décision de séparation (affaire T‑77/02) et une demande de sursis à l’exécution de ce même acte (affaire T‑77/02 R).

12 À la suite de l’audience de référé du 23 avril 2002, la Commission a accepté, à la demande de Schneider, de proroger jusqu’au 5 février 2003 le délai imparti pour réaliser la séparation des deux entreprises.

13 En conséquence, Schneider s’est désistée de sa demande de sursis à l’exécution de la décision de séparation.

14 Schneider a préparé le processus de cession à mettre en œuvre dans l’éventualité d’un rejet de ses recours en considérant qu’il était impossible de prolonger la période d’incertitude sur le sort de Legrand au-delà du 10 décembre 2002.

15 Le 26 juillet 2002, Schneider a conclu avec un consortium formé des sociétés Wendel Investissements et Kohlberg Kravis Roberts & Co. (ci-après le « consortium Wendel/KKR ») un contrat de cession de Legrand (ci-après le « contrat de cession »). Ce contrat, qui devait être exécuté le 10 décembre 2002 au plus tard, contenait une clause permettant à Schneider, en contrepartie du paiement d’une indemnité de rupture pouvant atteindre un montant de 180 millions d’euros, de résilier la cession
jusqu’au 5 décembre 2002, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait la décision d’incompatibilité.

16 Le 12 septembre 2002, Schneider a notifié à la Commission son projet de cession.

17 Le 14 octobre 2002, la Commission a déclaré la cession proposée compatible avec le marché commun.

18 Par l’arrêt du 22 octobre 2002, Schneider Electric/Commission (T‑310/01, Rec. p. II‑4071, ci-après l’« arrêt Schneider I »), le Tribunal a annulé la décision d’incompatibilité.

19 Aux points 464 et 465 de l’arrêt Schneider I, le Tribunal a spécifié :

« 464 En vertu de l’article 233 CE, il appartient […] à la Commission de prendre les mesures que comporte l’exécution du présent arrêt d’annulation.

465 Ces mesures d’exécution doivent respecter les motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif de l’arrêt (arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, Rec. p. 2181, point 27). Les motifs pertinents du présent arrêt impliquent notamment, dans l’hypothèse où serait repris l’examen de la compatibilité de [l’Opération], que Schneider soit mise à même, pour les marchés sectoriels nationaux affectés à propos desquels l’analyse économique
contenue dans la [décision d’incompatibilité] n’a pas été écartée par le présent arrêt, à savoir les marchés sectoriels français, de faire utilement valoir sa défense et, le cas échéant, de proposer des mesures correctives répondant aux griefs retenus et préalablement précisés par la Commission. »

20 Par l’arrêt du 22 octobre 2002, Schneider Electric/Commission (T‑77/02, Rec. p. II‑4201, ci-après l’« arrêt Schneider II »), le Tribunal a annulé, par voie de conséquence, la décision de séparation, dès lors qu’elle constituait une mesure d’application de la décision d’incompatibilité annulée.

21 La Commission a publié au Journal officiel des Communautés européennes un avis relatif à la reprise de la procédure de contrôle de l’Opération (JO 2002, C 279, p. 22). Cet avis précisait que, en vertu de l’article 10, paragraphe 5, du règlement n° 4064/89, les délais d’examen seraient appliqués à partir du 23 octobre 2002, lendemain du prononcé de l’arrêt annulant la décision d’incompatibilité dans l’affaire T-310/01. La Commission indiquait également que, après un examen préliminaire et sans
préjudice de sa décision définitive sur ce point, l’Opération pouvait entrer dans le champ d’application du règlement n° 4064/89, et invitait les tiers concernés à lui transmettre leurs observations éventuelles sur l’Opération.

22 Par lettre du 13 novembre 2002, la Commission a informé Schneider que l’Opération était susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés sectoriels français, en raison de chevauchements de parts de marché importantes de Schneider et de Legrand, de la disparition de leur rivalité, de l’importance des marques détenues par les entreprises intéressées, du pouvoir de l’entité formée par Schneider et Legrand sur les grossistes et de l’impossibilité pour tout concurrent de se
substituer à la pression concurrentielle qu’exerçait Legrand avant la réalisation de l’Opération.

23 Le 14 novembre 2002, Schneider a soumis à la Commission une proposition de mesures correctives destinées à supprimer les chevauchements d’activités entre Schneider et Legrand sur les marchés sectoriels français affectés.

24 La Commission a entamé auprès des concurrents et clients de Schneider une enquête de marché visant à tester la portée des mesures correctives proposées. La date limite de réponse aux questionnaires envoyés dans le cadre de cette enquête était fixée au 22 novembre 2002.

25 Par lettre du 25 novembre 2002, Schneider a fait observer à la Commission que, compte tenu de l’absence d’examen marché par marché des effets de l’Opération, les griefs présentés par la Commission dans sa lettre du 13 novembre 2002 restaient d’une nature et d’une portée imprécises et ne caractérisaient aucunement l’existence d’un effet anticoncurrentiel sur les marchés affectés. Par ailleurs, les considérations générales avancées par la Commission étaient démenties par la réalité. Schneider
concluait donc au rejet des griefs exposés par la Commission.

26 Schneider a complété par de nouvelles propositions ses mesures correctives, le 27, puis le 29 novembre 2002.

27 Par arrêt du 29 novembre 2002 statuant en référé sur appel d’une décision du juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre, la cour d’appel de Versailles a constaté que des propositions de cession avancées par Schneider n’avaient pas été soumises à l’accord préalable du président de Legrand, en violation des dispositions du point 1.7 de la lettre du 12 janvier 2001, citée au point 2 ci-dessus. La cour d’appel a donc ordonné à Schneider de retirer les propositions de cession non agréées
par le président de Legrand.

28 Par courrier du 29 novembre 2002, la Commission a informé Schneider que les mesures correctives proposées n’étaient pas suffisantes pour éliminer tous les problèmes d’atteinte à la concurrence soulevés par l’Opération, en raison des doutes persistant sur la viabilité et l’autonomie des activités cédées ainsi que de l’incapacité des mesures correctives à créer une force concurrentielle capable de contrer la position de l’entité formée par Schneider et Legrand.

29 Par lettre du 2 décembre 2002, Schneider a reproché à la Commission de mettre en doute la viabilité et la capacité des mesures correctives proposées à garantir le maintien de la situation concurrentielle sur les marchés français affectés. Selon Schneider, au stade très avancé auquel était parvenue la procédure, la prise de position de la Commission ne rendait plus réaliste la poursuite des discussions. En conséquence, afin de mettre un terme à l’incertitude dans laquelle Schneider et Legrand
s’estimaient placées depuis plus d’une année, Schneider a annoncé à la Commission qu’elle avait décidé de réaliser la vente de Legrand au consortium Wendel/KKR.

30 Schneider a confirmé à la Commission, par télécopie du 3 décembre 2002, qu’elle avait décidé de réaliser la vente de Legrand au consortium Wendel/KKR. Schneider a précisé à cette occasion que, conformément aux dispositions du contrat de vente du 26 juillet 2002, la réalisation de cette vente n’impliquait plus aucune initiative de sa part et devait avoir lieu le 10 décembre 2002.

31 Par lettre du 4 décembre 2002, la Commission a confirmé à Schneider que ses propositions de mesures correctives ne permettaient pas, au stade auquel se trouvait la procédure, d’éliminer les doutes sérieux suscités par la compatibilité de l’Opération avec le marché commun, en raison de ses effets sur plusieurs marchés sectoriels français. La Commission a donc déclaré engager la phase d’examen approfondi de l’Opération au titre de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064/89.

32 Le 10 décembre 2002, Schneider a cédé ses parts dans Legrand au consortium Wendel/KKR.

33 Considérant que Schneider ne contrôlait plus Legrand et que la procédure de contrôle de l’Opération n’avait donc plus d’objet, la Commission a informé Schneider de la clôture de cette procédure, par lettre du 13 décembre 2002.

Procédure et conclusions des parties

34 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 février 2003, Schneider a introduit le présent recours.

35 Le 16 avril 2003, la Commission a introduit une exception d’irrecevabilité du recours sur le fondement de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

36 Schneider a présenté ses observations sur cette exception le 18 juin 2003.

37 Par requête déposée le 10 octobre 2003 et enregistrée sous le numéro T‑351/03, Schneider a, par ailleurs, introduit un recours en indemnisation du préjudice qu’elle soutient avoir subi en raison des illégalités formellement constatées par le Tribunal dans l’arrêt Schneider I, et dont les effets auraient été renforcés par les irrégularités ayant affecté la procédure administrative reprise par la Commission à la suite des arrêts Schneider I et Scheider II.

38 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– déclarer le recours recevable ;

– annuler la décision contenue dans la lettre de la Commission du 4 décembre 2002, ouvrant la phase d’examen approfondi visée par l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064/89, ainsi que la décision contenue dans la lettre de la Commission du 13 décembre 2002, informant Schneider de la clôture de la procédure de contrôle de l’Opération ;

– condamner la Commission aux dépens.

39 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme irrecevable ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

40 En vertu de l’article 114 du règlement de procédure, si, comme en l’espèce, une partie le demande, le Tribunal statue sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces et explications fournies par les parties pendant la procédure écrite. Le Tribunal, disposant de tous les éléments nécessaires pour statuer, décide, en
conséquence, qu’il n’y a pas lieu d’entendre les parties en leurs explications orales.

Sur la recevabilité du recours en tant qu’il vise simultanément à l’annulation des deux actes contestés

41 Le Tribunal observe, à titre liminaire, qu’une partie requérante est en principe recevable à attaquer, comme en l’occurrence, deux actes dans un seul et même recours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 20 mars 1959, Nold/Haute Autorité, 18/57, Rec. p. 89).

42 Il s’ensuit que le présent recours est recevable en tant qu’il vise simultanément à l’annulation des deux actes entrepris.

Sur le bien-fondé de l’exception d’irrecevabilité

43 Au soutien de son exception d’irrecevabilité, la Commission fait valoir, d’une part, que les deux actes attaqués ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation et, d’autre part, que la requérante ne dispose d’aucun intérêt à agir en annulation.

44 À cet égard, il convient de rappeler à titre liminaire que, selon une jurisprudence bien établie, peuvent seuls être attaqués par une personne physique ou morale, en vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE, les actes produisant des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir ordonnance du Tribunal du 30 avril 2003, Schmitz-Gotha Fahrzeugwerke/Commission, T‑167/01, Rec. p. II‑1873, point 46,
et la jurisprudence citée).

45 Lorsqu’il s’agit d’actes dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases d’une procédure interne, seules constituent, en principe, des actes attaquables les mesures fixant définitivement la position de l’institution au terme de la procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale et dont l’illégalité pourrait être utilement soulevée dans le cadre d’un recours dirigé contre celle-ci (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission,
60/81, Rec. p. 2639, points 10 à 12, et arrêt du Tribunal du 27 juin 1995, Guérin automobiles/Commission, T‑186/94, Rec. p. II‑1753, point 39).

46 De plus, une personne physique ou morale ne dispose d’un intérêt à former un recours contre un acte que si l’annulation de cet acte est susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques (voir arrêt de la Cour du 24 juin 1986, AKZO Chemie/Commission, 53/85, Rec p. 1965, point 21).

47 Il y a donc lieu d’examiner si les deux actes attaqués affectent les intérêts de la requérante en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique et constituent comme tels des actes lui faisant grief.

Sur la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du 4 décembre 2002, portant ouverture de la phase d’examen approfondi de l’Opération

– Arguments des parties

48 La Commission soutient que, à l’instar d’une prise de position préliminaire adoptée par la Commission sur le fondement du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité CE (JO 1962, 13, p. 204) (arrêt du Tribunal du 7 mars 2002, Satellimages TV5/Commission, T‑95/99, Rec. p. II‑1425), l’acte contesté ne revêt qu’un caractère provisoire, en ce qu’il confirme le caractère douteux de la compatibilité de l’Opération avec le marché
commun et ouvre en conséquence la phase d’examen approfondi au titre de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064/89.

49 L’acte attaqué se distinguerait ainsi de certains actes définitifs contraignants par lesquels la Commission décide de l’applicabilité du règlement n° 4064/89 (arrêt du Tribunal du 24 mars 1994, Air France/Commission, T‑3/93, Rec. p. II‑121), des règles communautaires de concurrence (arrêt de la Cour du 29 juin 1978, BP/Commission, 77/77, Rec. p. 1513, et arrêt du Tribunal du 22 mars 2000, Coca-Cola/Commission, T‑125/97 et T‑127/97, Rec. p. II‑1733) ou du régime communautaire des aides d’État
(arrêts de la Cour du 30 juin 1992, Espagne/Commission, C‑312/90, Rec. p. I‑4117, et du 9 octobre 2001, Italie/Commission, C‑400/99, Rec. p. I‑7303).

50 La prolongation de la suspension de l’Opération et de l’obligation des entreprises de coopérer avec la Commission, qui découle nécessairement de l’ouverture de la phase d’examen approfondi, ne constituerait qu’une conséquence analogue aux effets propres à un acte de procédure et n’affecterait pas, en dehors de sa situation procédurale, la situation juridique de la requérante (arrêt IBM/Commission, précité, point 17).

51 Schneider soutiendrait à tort que les contraintes imposées par le contrat de cession de Legrand du 26 juillet 2002 transmuent l’acte attaqué en décision d’interdiction de l’Opération. D’une part, la nature d’un acte serait déterminée par sa base juridique et non par les circonstances spécifiques de chaque espèce. D’autre part, Schneider aurait conclu le contrat en cause en toute liberté, puisque le délai dont Schneider disposait alors pour exécuter la décision de séparation devait expirer le
5 février 2003.

52 Si la Commission a signifié à Schneider qu’elle n’était pas dispensée de poursuivre la préparation de la cession de Legrand en dépit de l’introduction des recours en annulation de la décision d’interdiction (affaire T-310/01) et de la décision de séparation (affaire T-77/02), Schneider n’en aurait pas pour autant été contrainte de conclure un contrat de cession avant le prononcé des arrêts en cause, attendu pour septembre ou octobre 2002. De plus, Schneider aurait parfaitement pu subordonner
la vente de Legrand à la condition suspensive d’une décision définitive de la Commission constatant la compatibilité de l’Opération avec le marché commun.

53 Enfin, la Commission se demande comment la requérante peut encore conserver un intérêt à agir contre l’acte contesté alors que, avant même l’adoption de celui-ci, l’intéressée a renoncé d’elle-même irrévocablement à l’Opération en procédant à la cession définitive de Legrand sans en garder le contrôle.

54 Schneider objecte que, indépendamment de sa qualification d’acte de procédure ou de décision, l’acte contesté aurait eu pour effet non seulement d’ouvrir la phase d’examen approfondi de la compatibilité de l’Opération avec le marché commun, mais également de conclure de manière définitive à l’applicabilité du règlement n° 4064/89 à l’Opération, d’interdire toute autorisation implicite de celle-ci, de suspendre la réalisation de l’Opération pour une période d’au moins quatre mois
supplémentaires, d’imposer aux parties notifiantes une obligation de coopérer avec la Commission au cours de l’enquête approfondie et, enfin, de comporter des mesures d’exécution des arrêts Schneider I et Schneider II contraignantes et erronées.

55 En particulier, l’acte attaqué aurait privé la requérante, après plus d’un an et demi d’incertitudes et des offres de mesures correctives considérables, de la perspective d’une prise de contrôle de Legrand dans un délai raisonnable. Le maintien de l’effet suspensif sur l’Opération aurait produit un effet nuisible, ne serait-ce qu’en maintenant à la tête de Legrand une direction générale ayant des intérêts personnels en conflit direct avec ceux de ses actionnaires.

56 Le contrat de cession aurait obligé Schneider à exercer son droit de résiliation le 5 décembre 2002 au plus tard, soit, en pratique, le dernier jour du délai dont disposait la Commission pour prendre une décision fondée sur l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89. Ayant eu connaissance de cette date limite et de l’importance du montant de la clause d’indemnisation lors de l’examen du contrat de cession, la Commission n’aurait pu ignorer que l’acte attaqué, adopté le 4 décembre
2002, aurait pour effet d’interdire définitivement la réalisation de l’Opération.

57 Les effets de l’acte contesté seraient ainsi comparables à ceux produits par les décisions emportant, dans le domaine des aides d’État, suspension du versement d’un financement et interdiction pour l’État destinataire de verser les aides projetées avant que la procédure n’ait abouti à une décision finale.

58 Enfin, Schneider considère que, en dépit de l’abandon de l’Opération auquel l’a contrainte la Commission, son intérêt à demander l’annulation de l’acte litigieux reste intact. Schneider n’aurait renoncé à exercer la clause de résiliation du contrat de cession que parce qu’elle savait déjà que la Commission adopterait une décision interdisant l’Opération de facto sinon de jure.

– Appréciation du Tribunal

59 Aux termes de l’article 10, paragraphe 5, du règlement n° 4064/89, lorsque la Cour de justice rend un arrêt qui annule en tout ou en partie une décision adoptée par la Commission en vertu de ce règlement, les délais qui sont fixés dans ledit règlement s’appliquent à nouveau à compter de la date du prononcé de l’arrêt.

60 Selon le paragraphe 6 du même article, si la Commission n’a pas pris de décision au titre de l’article 6, paragraphe 1, sous b) ou c), ou au titre de l’article 8, paragraphes 2 ou 3, dans les délais respectivement déterminés aux paragraphes 1 et 3 de l’article 10, l’opération de concentration est réputée déclarée compatible avec le marché commun, sans préjudice de l’article 9.

61 Il en résulte que, dès le 22 octobre 2002, date du prononcé de l’arrêt annulant la décision d’incompatibilité qui faisait l’objet du recours dans l’affaire T‑310/01, les délais réglementaires applicables au contrôle des opérations de concentrations ont recommencé à courir à l’égard de l’Opération.

62 Par voie de conséquence, la Commission disposait, à compter du 22 octobre 2002, soit d’un délai d’un mois ou de six semaines pour engager la procédure au titre de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89, soit d’un délai de quatre mois pour adopter une décision au titre de l’article 8, paragraphe 3, avant qu’une décision implicite de compatibilité de l’Opération n’intervienne au bénéfice des entreprises notifiantes.

63 En adoptant, le 4 décembre 2002, la décision d’ouvrir, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064/89, la phase d’examen approfondi de l’Opération, la Commission s’est placée dans l’hypothèse selon laquelle il y avait lieu, à la suite du prononcé de l’arrêt d’annulation, de reprendre la procédure à partir de l’examen initial de la notification.

64 Un tel choix n’a pu, dans les circonstances de l’espèce, affecter la situation des entreprises notifiantes autrement qu’au titre des conséquences nécessaires de la mise en œuvre du règlement n° 4064/89 du Conseil.

65 Tout d’abord, en effet, si la Commission avait fait le choix de l’autre hypothèse, envisagée au point 62 ci-dessus, et considéré que l’annulation de la décision d’incompatibilité avait entraîné une reprise de la procédure dans le cadre de la phase d’examen approfondi, sans qu’une nouvelle décision d’engager la procédure soit nécessaire à cet égard, elle aurait, pour conduire cet examen, bénéficié d’un délai réglementaire de quatre mois avant d’adopter sa décision, compte tenu des suspensions
éventuelles.

66 Or, la date limite à laquelle devait être exécutée la convention relative à la cession de Legrand au consortium Wendel/KKR était fixée contractuellement au 10 décembre 2002, soit à une date très antérieure au terme du délai de quatre mois ouvert à compter du prononcé de l’arrêt d’annulation.

67 Par conséquent, la décision attaquée, même si elle a eu pour effet que le délai de quatre mois a commencé à courir à partir du 4 décembre 2002 et non à compter du 22 octobre précédent, n’a pas pu modifier de façon caractérisée la situation de Schneider au regard des délais devant être respectés dans la procédure, si l’on prend comme référence la date du 10 décembre 2002.

68 Ensuite, la chronologie des faits consécutifs à l’annulation de la décision d’incompatibilité démontre que la décision attaquée n’a pas pu autrement affecter la situation juridique de la requérante.

69 En effet, Schneider n’était plus tenue, après le prononcé de l’arrêt Schneider II, d’exécuter la décision de séparation du 30 janvier 2002, annulée, à la suite de l’annulation, par l’arrêt Schneider I, de la décision d’incompatibilité de l’Opération, dont la décision de séparation constituait une mesure d’application.

70 En outre, il appartenait à Schneider, après la reprise de la procédure de contrôle de l’Opération par la Commission et sur la base des griefs préalablement précisés par celle-ci, de proposer à l’institution des cessions d’actifs susceptibles de rendre l’Opération compatible avec le marché commun, pour les marchés sectoriels nationaux affectés à propos desquels l’analyse économique contenue dans la décision d’incompatibilité n’avait pas été écartée par le Tribunal, à savoir les marchés
sectoriels français (voir point 19 ci-dessus).

71 C’est d’ailleurs ce qu’a fait la requérante, en présentant le 14 novembre, puis les 27 et 29 novembre 2002, des mesures correctives destinées à éviter les chevauchements sur les marchés affectés, en réponse à la lettre de la Commission du 13 novembre 2002 précisant ses griefs (voir points 22, 23 et 26 ci-dessus).

72 Schneider a cependant informé la Commission, par lettre du 2 décembre 2002, de sa décision de réaliser la vente de Legrand au consortium Wendel/KKR, renonçant ainsi à se prévaloir de la clause de résiliation du contrat de cession. Schneider a confirmé sa décision à la Commission, par télécopie du 3 décembre 2002, et précisé à cette occasion que la réalisation de la vente de Legrand au consortium Wendel/KKR n’impliquait plus aucune initiative de la part de Schneider.

73 Schneider a ainsi spontanément décidé, avant même l’adoption de l’acte contesté, de réaliser la vente de Legrand au consortium Wendel/KKR, rendant par là même sans objet la poursuite de la procédure de contrôle de l’Opération.

74 Il en résulte que, la cession étant devenue irrévocable, aux dires mêmes de la requérante, avant même la date d’adoption de la décision attaquée, cette dernière n’a pu exercer aucune influence sur l’abandon de l’Opération.

75 Sont sans pertinence, aux fins du présent litige, les circonstances que Schneider ait été, selon elle, contrainte à la cession de Legrand par les conditions imposées par la Commission ou que Schneider se soit trouvée dans l’impossibilité de proposer, à défaut d’accord du président de Legrand, les mesures correctives nécessaires pour emporter le consentement de la Commission à l’Opération.

76 En effet, si le caractère éventuellement fautif du comportement adopté à cet égard par la Commission peut constituer une argumentation opérante aux fins de savoir si la Commission a pu engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté vis-à-vis de Schneider, il ne peut suffire à conférer à la décision d’engager la procédure d’examen approfondi le caractère d’un acte faisant grief.

77 Est également dépourvue de pertinence l’allégation de Schneider selon laquelle elle n’aurait renoncé à exercer la clause de résiliation contenue dans le contrat de cession que parce qu’elle savait déjà que la Commission adopterait une décision interdisant en pratique la réalisation de l’Opération.

78 En adoptant la décision attaquée, la Commission s’est en effet bornée à confirmer les doutes sérieux qu’elle continuait d’entretenir sur la compatibilité de l’Opération avec le marché commun et, par voie de conséquence, à engager, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064/89, la phase d’examen approfondi destinée à lui permettre de trancher cette question.

79 Il peut enfin être observé, à titre surabondant, que la décision d’engager la procédure formelle d’examen, adoptée le 4 décembre 2002, constitue une simple mesure préparatoire ayant pour seul objet l’engagement d’une instruction destinée à établir les éléments devant permettre à la Commission, au terme de cette procédure, de se prononcer par la voie d’une décision finale sur la compatibilité de l’Opération au regard du marché commun.

80 Il est vrai que l’acte litigieux emporte prolongation de la suspension de l’Opération, en vertu des articles 7 et 10 du règlement n° 4064/89, ainsi que de l’obligation de Schneider de coopérer avec la Commission pendant la phase d’examen approfondi.

81 Toutefois, ces conséquences, qui découlent directement du règlement n° 4064/89 et sont naturellement induites par le contrôle préalable de la compatibilité de l’Opération déclenché par la notification de celle-ci par les entreprises intéressées, ne dépassent pas les effets propres à un acte de procédure et n’affectent donc pas la position juridique de Schneider (voir, en ce sens, arrêt IBM/Commission, précité, points 17 et suivants) en dehors de sa situation procédurale résultant des
dispositions du règlement n° 4064/89.

82 Ce n’est pas en raison de l’adoption de l’acte attaqué, mais de l’effet suspensif attaché à la notification par les dispositions du règlement n° 4064/89 que Schneider se serait vu interdire, comme elle le prétend, la perspective d’une prise de contrôle de Legrand dans le délai souhaité et aurait été confrontée au maintien à la tête de Legrand d’une direction générale dont les intérêts seraient divergents de ceux de ses actionnaires.

83 Schneider ne saurait donc utilement soutenir que l’adoption de l’acte attaqué a fait obstacle à l’autorisation implicite de l’Opération, qui aurait été sinon réputée acquise en vertu de l’article 10, paragraphe 6, du règlement n° 4064/89 à l’expiration, le 5 décembre 2002, du délai dont la Commission disposait pour engager la phase d’examen approfondi.

84 Il s’ensuit que l’acte du 4 décembre 2002 ne peut être considéré comme un acte faisant grief à la requérante.

85 Une telle conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la requérante selon lequel l’acte contesté est assimilable à une décision d’engager une procédure de contrôle des aides d’État au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE.

86 Une telle décision, lorsqu’elle qualifie, fût-ce provisoirement, une mesure étatique en cours d’exécution d’aide nouvelle, alors que l’État membre concerné est susceptible de ne pas souscrire à cette qualification, a pour effet de faire naître à la charge de cet État membre une obligation, ne découlant pas automatiquement du traité CE, de modifier son comportement en suspendant l’exécution de ladite mesure (voir arrêt Espagne/Commission, point 49 supra, points 20 et 24, et arrêt
Italie/Commission, point 49 supra, points 56 à 59).

87 En revanche, l’acte contesté n’emporte par lui-même aucune obligation comportementale qui ne soit pas déjà induite par la notification de l’opération de concentration à la Commission à l’initiative des entreprises concernées.

88 Étant donné que les conséquences produites par l’acte attaqué sur la position procédurale de Schneider ne sortent pas du cadre des dispositions du règlement n° 4064/89, dont Schneider ne conteste pas la légalité, l’argument tiré par Schneider de l’éventuelle indisponibilité d’une voie de recours contre l’acte attaqué ne saurait davantage emporter l’adhésion.

89 Le Tribunal relève que, en tout état de cause, Schneider aurait été recevable à saisir le juge communautaire d’un recours en annulation dirigé, au cas où elle lui aurait fait grief, contre la décision finale statuant sur la compatibilité de l’Opération avec le marché commun, à l’issue de la procédure de contrôle de l’Opération, si Schneider n’avait pas renoncé à l’Opération au cours de la procédure de contrôle en vendant Legrand au consortium Wendel/KKR, amenant ainsi la Commission à clore la
procédure sans adopter une telle décision finale.

90 Ce faisant, Schneider s’est elle-même privée de la faculté de contester à titre incident l’éventuelle illégalité de l’acte présentement attaqué au soutien d’un recours qui lui aurait été ouvert contre une telle décision finale en l’absence d’une telle renonciation.

91 Le recours doit donc être rejeté comme irrecevable en tant qu’il est dirigé contre la décision du 4 décembre 2002, portant ouverture de la phase d’examen approfondi de l’Opération.

Sur la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du 13 décembre 2002, clôturant la procédure de contrôle de l’Opération

– Arguments des parties

92 Selon la Commission, Schneider est restée en défaut d’établir que l’acte de clôture de la procédure de contrôle de l’Opération, adopté le 13 décembre 2002, aurait modifié de façon caractérisée sa situation juridique.

93 La cession de Legrand par Schneider aurait eu pour effet non seulement de dispenser la Commission de statuer sur la compatibilité de l’Opération avec le marché commun, mais également de rendre impossible l’adoption d’une telle décision, voire la poursuite d’une enquête devenue sans objet. La véritable décision aurait été celle de Schneider de renoncer à l’Opération en cédant Legrand. La Commission se serait bornée à en prendre acte et à informer Schneider de la clôture de son dossier. Une
simple lettre d’information ne saurait produire d’effets juridiques et ne serait donc pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation (ordonnance du Tribunal du 30 septembre 1999, UPS Europe/Commission, T‑182/98, Rec. p. II‑2857, point 44).

94 Schneider, qui souligne ne pas avoir retiré la notification de l’Opération, considère au contraire que l’acte de clôture est susceptible d’un recours en annulation, en ce que la Commission, habilitée à constater une infraction et à la sanctionner, adopte nécessairement un acte produisant des effets juridiques lorsqu’elle met fin à l’enquête qu’elle a engagée à la suite d’une plainte. Les lettres de classement clôturant un dossier seraient susceptibles de recours, car elles ont le contenu
d’une décision et en produisent les effets en mettant fin à l’enquête engagée (ordonnance du Tribunal du 20 mars 2001, Compagnia Portuale Pietro Chiesa/Commission, T‑59/00, Rec. p. II‑1019, point 42).

95 En outre, dans la mesure où Schneider ne pourrait contester la légalité de la décision de clôture et, dans ce cadre, exciper de l’illégalité de la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, elle se trouverait privée de toute protection juridictionnelle.

– Appréciation du Tribunal

96 À la suite de la cession par Schneider de Legrand au consortium Wendel/KKR, l’Opération notifiée ne pouvait qu’être considérée comme abandonnée, et la procédure de contrôle de cette opération reprise par la Commission à la suite des arrêts d’annulation du 22 octobre 2002 n’avait plus d’objet, ainsi que la Commission l’a relevé dans sa lettre du 13 décembre 2002 clôturant la procédure.

97 Par cette lettre, la Commission s’est ainsi bornée à prendre acte de la disparition de l’objet de son contrôle et à informer la requérante de la clôture formelle de la procédure.

98 La circonstance que Schneider n’ait pas procédé au retrait formel de la notification initiale de l’Opération est sans incidence sur cette analyse, dès lors que la renonciation de Schneider à l’Opération suffisait à priver de tout objet la procédure de contrôle.

99 C’est en vain que Schneider invoque l’ordonnance Compagnia Portuale Pietro Chiesa/Commission, précitée, laquelle a été rendue à propos du classement d’une plainte dénonçant des infractions aux règles communautaires de concurrence.

100 En effet, l’ordonnance invoquée et la jurisprudence qu’elle cite aux points 41 et 42 établissent que le classement d’une plainte de particuliers demandant à la Commission de constater une infraction aux règles de concurrence et de la sanctionner fixe définitivement la position de l’institution au terme de la procédure d’examen de cette plainte. En revanche, l’acte de clôture litigieux ne contient aucune prise de position de la Commission et se contente de tirer les conséquences inévitables de
circonstances de fait qui rendent la procédure de contrôle sans objet.

101 Dès lors, la décision du 13 décembre 2002 clôturant la procédure de contrôle ne constitue pas un acte faisant grief à la requérante.

102 Il s’ensuit que le recours doit être également rejeté comme irrecevable en tant qu’il est dirigé contre la décision du 13 décembre 2002, clôturant la procédure de contrôle de l’Opération.

103 S’agissant de la protection juridictionnelle revendiquée par Schneider contre les illégalités qu’elle reproche à la Commission d’avoir commises au cours de la procédure de contrôle reprise à la suite des arrêts Schneider I et Schneider II, il peut être observé, à titre surabondant, que, comme il ressort de l’exposé des antécédents du litige, la requérante a d’ores et déjà introduit un recours tendant à l’indemnisation du préjudice qu’elle soutient avoir subi du fait de ces illégalités.

104 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté comme irrecevable dans son intégralité.

Sur les dépens

105 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

2) La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

Fait à Luxembourg, le 31 janvier 2006.

Le greffier Le président

E. Coulon H. Legal

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* Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-48/03
Date de la décision : 31/01/2006
Type de recours : Recours en annulation - irrecevable

Analyses

Concurrence - Concentrations - Reprise de la procédure de contrôle après l'annulation par le Tribunal d'une décision interdisant une opération de concentration - Engagement de la phase d'examen approfondi - Renonciation à la concentration - Clôture de la procédure de contrôle - Recours en annulation - Actes faisant grief - Intérêt à agir - Irrecevabilité.

Concurrence

Concentrations entre entreprises

Ententes


Parties
Demandeurs : Schneider Electric SA
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2006:34

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