ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
22 novembre 2005
Affaire T-396/03
Joseph Vanhellemont
contre
Commission des Communautés européennes
« Fonctionnaires – Comité du personnel – Élections de la section locale du comité du personnel de la Commission affecté à Bruxelles – Dépouillement des bulletins de vote – Recours en annulation – Recours en indemnité »
Objet : Recours ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de la Commission du 26 août 2003 rejetant la réclamation du requérant visant à l’organisation d’un nouveau dépouillement des bulletins de vote des élections de décembre 2002 de la section locale du comité du personnel de la Commission affecté à Bruxelles, ainsi que, pour autant que nécessaire, une demande d’annulation des décisions contre lesquelles cette réclamation était dirigée, et, d’autre part, une demande en
indemnité.
Décision : La décision de la Commission de ne pas intervenir à la suite des contestations du requérant du 23 décembre 2002 visant à l’organisation d’un nouveau dépouillement des bulletins de vote, dans le cadre des élections de décembre 2002 de la section locale du comité du personnel de la Commission affecté à Bruxelles, est annulée. Le recours est rejeté pour le surplus. La Commission est condamnée aux dépens.
Sommaire
1. Fonctionnaires – Recours – Intérêt à agir – Contentieux des élections au comité du personnel – Fonctionnaire ayant la qualité d’électeur au moment de la tenue des élections – Mise à la retraite de l’intéressé avant l’introduction de son recours – Absence d’incidence
(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)
2. Fonctionnaires – Représentation – Comité du personnel – Élections – Régularité – Obligation des institutions d’assurer la régularité des opérations électorales – Portée
(Statut des fonctionnaires, art. 9, § 2)
3. Fonctionnaires – Responsabilité non contractuelle des institutions – Conditions – Illégalité – Préjudice – Lien de causalité – Charge de la preuve
4. Fonctionnaires – Recours – Recours en indemnité – Annulation de l’acte illégal attaqué – Réparation adéquate du préjudice moral
(Statut des fonctionnaires, art. 91)
1. Dans le contentieux des élections au comité du personnel, un fonctionnaire tire de sa seule qualité d’électeur un intérêt suffisant justifiant la recevabilité de son recours.
Un fonctionnaire n’a pas été privé de son intérêt à agir du seul fait qu’il a perdu sa qualité d’électeur en raison de sa mise à la retraite avant l’introduction de son recours. En effet, tout électeur qui a eu le droit de participer à des élections conserve, jusqu’à l’expiration des délais prévus aux articles 90 et 91 du statut, un intérêt légitime à voir son droit de vote produire ses effets dans des conditions conformes aux dispositions pertinentes.
(voir points 29 à 31)
Référence à : Cour 27 octobre 1987, Diezler e.a./CES, 146/85 et 431/85, Rec. p. 4283, point 9 ; Tribunal 14 juillet 1994, Grynberg et Hall/Commission, T‑534/93, RecFP p. I‑A‑183 et II‑595, point 30 ; Tribunal 9 janvier 1996, Blanchard/Commission, T‑368/94, Rec. p. II‑41, point 35 ; Tribunal 14 juillet 1998, Lebedef/Commission, T‑192/96, RecFP p. I‑A‑363 et II‑1047, point 27
2. Il résulte de l’article 9, paragraphe 2, du statut et, en général, du pouvoir d’organisation que chaque institution exerce dans le domaine de sa propre compétence ainsi que de son devoir d’assurer à ses fonctionnaires la possibilité de désigner leurs représentants en toute liberté et dans le respect des règles démocratiques, que les institutions ont non seulement le droit, mais encore l’obligation d’intervenir d’office au cas où elles éprouveraient un doute sur la régularité de l’élection du
comité du personnel et qu’elles sont encore tenues de statuer sur les réclamations qui pourraient leur être adressées à ce sujet dans le cadre de la procédure fixée par les articles 90 et 91 du statut et sous le contrôle du juge communautaire.
Ce devoir d’intervention d’office des institutions pour assurer la régularité des élections comprend également celui de créer des conditions de sécurité juridique et de résoudre avec effet obligatoire des questions douteuses, sans que l’institution doive attendre qu’un conflit plus grave se produise à leur sujet. Les pouvoirs qui appartiennent aux institutions en vertu de leur devoir d’assurer la régularité des élections comprennent donc celui de prendre des mesures préventives.
Ainsi, dès lors qu’elle a été informée, par le bureau électoral, de l’existence d’une contestation visant à l’organisation d’un nouveau dépouillement, il appartient à l’institution concernée de veiller à ce que ledit bureau prenne et, le cas échéant, de prendre, en exécution de son obligation d’intervention d’office, les mesures nécessaires pour qu’aucune destruction de bulletins de vote n’intervienne avant qu’aient pris fin les recours administratifs et, le cas échéant, contentieux ouverts à
l’auteur de cette contestation.
(voir points 52 à 54 et 61)
Référence à : Cour 29 septembre 1976, De Dapper e.a./Parlement, 54/75, Rec. p. 1381, points 21 à 23 ; Cour 11 juin 1985, Diezler e.a./CES, 146/85 R, Rec. p. 1805, point 6 ; Tribunal 8 mars 1990, Maindiaux e.a./CES, T‑28/89, Rec. p. II‑59, point 32
3. L’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté suppose la réunion d’un ensemble de conditions tenant à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, à la réalité du dommage allégué et à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué.
(voir point 72)
Référence à : Tribunal 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑135/00, RecFP p. I‑A‑265 et II‑1313, point 130, et la jurisprudence citée
4. L’annulation de la décision attaquée peut constituer, en elle‑même, une réparation adéquate et suffisante du préjudice moral que la partie requérante peut avoir subi.
(voir point 78)
Référence à : Blanchard/Commission, précité, point 126
ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
22 novembre 2005(*)
« Fonctionnaires – Comité du personnel – Élections de la section locale du comité du personnel de la Commission affecté à Bruxelles – Dépouillement des bulletins de vote – Recours en annulation – Recours en indemnité »
Dans l’affaire T-396/03,
Joseph Vanhellemont, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Merchtem (Belgique), représenté par M^e L. Vogel, avocat,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et H. Kraemer, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de la Commission du 26 août 2003, rejetant la réclamation du requérant visant à l’organisation d’un nouveau dépouillement des bulletins de vote des élections de décembre 2002 de la section locale du comité du personnel de la Commission affecté à Bruxelles, ainsi que, pour autant que nécessaire, une demande d’annulation des décisions contre lesquelles cette réclamation était dirigée et, d’autre part, une demande en indemnité,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),
composé de MM. M. Vilaras, président, F. Dehousse et D. Šváby, juges,
greffier : M. I. Natsinas, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 septembre 2005,
rend le présent
Arrêt
Cadre juridique
1 L’article 9, paragraphe 1, sous a), du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version applicable à la présente espèce (ci-après le « statut »), prévoit qu’il est institué, auprès de chaque institution, un comité du personnel, éventuellement divisé en sections correspondant à chaque lieu d’affectation du personnel.
2 L’article 9, paragraphe 2, du statut dispose que la composition et les modalités de fonctionnement de cet organe sont déterminées par chaque institution conformément aux dispositions de l’annexe II du statut.
3 L’article 1^er, premier alinéa, de l’annexe II du statut fixe à trois ans la durée du mandat des membres du comité du personnel, l’institution pouvant, toutefois, décider d’une durée moins longue, sans que celle-ci puisse être inférieure à un an.
4 L’article 1^er, deuxième alinéa, de l’annexe II du statut prévoit que les conditions d’élection au comité du personnel ou, lorsque cet organe est divisé en sections locales, à la section locale, sont fixées par l’assemblée générale des fonctionnaires de l’institution en service au lieu d’affectation correspondant.
5 Lors de leur assemblée générale du 10 octobre 2002, les fonctionnaires et autres agents de la Commission affectés à Bruxelles ont fixé la procédure (ci-après la « réglementation électorale ») pour l’élection de la section locale du comité du personnel de la Commission affecté à Bruxelles (ci-après la « section locale de Bruxelles »).
6 L’article 18 de la réglementation électorale dispose que « [l]e bureau électoral décide, à la majorité des voix, sur les contestations qui peuvent s’élever pendant les opérations électorales ».
7 Selon l’article 20 de cette réglementation, « [l]a validité des élections peut être contestée pendant les trois jours qui suivent le jour de la publication des résultats » et toute contestation « est transmise sans délai par le bureau électoral à la Commission des Communautés européennes ».
8 Selon l’article 21 de la même réglementation, « [p]rocès-verbal de l’accomplissement de la procédure électorale et du résultat des élections est dressé et signé par le président et les membres du bureau [électoral], immédiatement après l’expiration du délai prévu pour les contestations ». En outre, toujours selon l’article 21, « [l]e bureau électoral communique à l’institution copie du procès-verbal électoral [...] dans les plus brefs délais ».
Faits à l’origine du litige
9 Le requérant, ancien fonctionnaire de grade C 1 à la Commission, était en tête de la liste de candidats déposée par l’organisation syndicale Confédération syndicale européenne − Syndicat des fonctionnaires européens (CONF-SFE) pour les élections de la section locale de Bruxelles de décembre 2002 (ci-après les « élections en cause »).
10 Les opérations de vote se sont déroulées du 2 au 14 décembre 2002.
11 Le 19 décembre 2002, le bureau électoral a procédé aux opérations de dépouillement et de décompte des bulletins de vote.
12 Le soir du même jour, le bureau électoral a annoncé oralement les résultats électoraux aux personnes présentes dans le local où les opérations avaient eu lieu. Il a annoncé, notamment, que le nombre total des bulletins de vote était de 11 684, dont 156 bulletins nuls.
13 Le 20 décembre 2002, les résultats électoraux ont fait l’objet d’une communication écrite de la part du bureau électoral.
14 Selon cette communication, le nombre total des bulletins de vote était de 11 774, dont 246 bulletins nuls (soit 90 bulletins nuls de plus que le nombre annoncé la veille). En outre, cette communication indiquait que la liste de la CONF-SFE, conduite par le requérant, venait, avec 645 voix, en cinquième position, juste derrière la liste de The Association of Independent Officials for the Defence of the European Civil Service/Association des fonctionnaires indépendants pour la défense de la
fonction publique européenne (TAO-AFI), avec 649 voix. Sur la base de ces résultats, la CONF-SFE s’est vu attribuer un siège, tandis que l’organisation syndicale TAO-AFI a obtenu deux sièges.
15 Le 23 décembre 2002, le requérant a saisi le bureau électoral de deux contestations relatives, notamment, aux conditions du dépouillement des bulletins de vote et aux chiffres en résultant, et dans lesquelles il a demandé, en particulier, un nouveau dépouillement afin d’établir la justesse du nombre des suffrages attribués aux listes de la CONF-SFE et de la TAO-AFI.
16 Par note du 10 janvier 2003 (ci-après la « note du 10 janvier 2003 »), le bureau électoral a informé le requérant qu’il rejetait ses contestations en ce qu’elles tendaient à ce qu’un nouveau dépouillement soit effectué.
17 La Commission, à laquelle ces contestations ont été transmises par le bureau électoral, en application de l’article 20 de la réglementation électorale, a pris, dans le courant du mois de janvier 2003, une décision implicite d’abstention d’agir.
18 Entre le 30 janvier et le 4 février 2003, le bureau électoral a fait procéder, par les services de la Commission, à la destruction des bulletins de vote.
19 Le 1^er avril 2003, le requérant a déposé auprès de la Commission une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la note du 10 janvier 2003, en ce qu’elle portait refus de procéder à un nouveau dépouillement des bulletins de vote, ainsi que contre la décision d’abstention de la Commission d’intervenir pour rectifier d’éventuelles erreurs de dépouillement.
20 Par décision du 26 août 2003, notifiée au requérant le 5 septembre 2003, la Commission a rejeté la réclamation susvisée.
Procédure et conclusions des parties
21 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 décembre 2003, le requérant a introduit le présent recours.
22 Par lettre du 8 mars 2005, le Tribunal a demandé à la Commission, au titre des mesures d’organisation de la procédure, de produire l’intégralité des procès-verbaux originaux établis par le bureau électoral pour les élections en cause.
23 Par lettre du 16 mars 2005, la Commission a produit, en réponse, divers documents.
24 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision du 26 août 2003, en ce qu’elle porte rejet de la réclamation du requérant par laquelle il sollicitait l’annulation de la note, du 10 janvier 2003 ;
– pour autant que nécessaire, annuler également les décisions contre lesquelles était formée la réclamation précitée, à savoir l’abstention de la Commission d’intervenir pour rectifier d’éventuelles erreurs de dépouillement commises lors des élections en cause et la note du 10 janvier 2003 ;
– condamner la Commission au paiement d’une somme de 29 635 euros à titre de dommages et intérêts ;
– condamner la Commission aux dépens.
25 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– statuer sur les dépens comme de droit.
Sur la recevabilité
26 Il convient, en premier lieu, de rappeler que, selon la jurisprudence, le recours devant le Tribunal, même formellement dirigé contre la décision rejetant la réclamation administrative préalable du fonctionnaire, a pour effet de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel cette réclamation a été présentée (arrêts de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8, et du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, Rec. p. I‑225, point 7 ; arrêts du
Tribunal du 16 octobre 1996, Capitanio/Commission, T‑36/94, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1279, point 33, et du 10 juin 2004, Eveillard/Commission, T‑258/01, non encore publié au Recueil, point 30). En outre, une décision de rejet d’une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, qui ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont se plaint le réclamant, ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable (arrêts du Tribunal du 9 avril 2003, Tejada
Fernández/Commission, T‑134/02, RecFP p. I‑A‑125 et II‑609, point 16, et du 5 juillet 2005, Marcuccio/Commission, T‑9/04, non encore publié au Recueil, point 41 ; ordonnance du Tribunal du 9 juin 2004, Camos Grau/Commission, T‑96/03, non encore publiée au Recueil, point 40).
27 Il convient, en deuxième lieu, de relever que le bureau électoral n’est pas compétent pour trancher une contestation relative à la validité des élections, mais doit, en application de l’article 20 de la réglementation électorale, transmettre sans délai cette contestation à la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Grynberg et Hall/Commission, T‑534/93, RecFP p. I‑A‑183 et II‑595, points 8 à 10 et point 21).
28 Par conséquent, et comme la Commission l’a fait valoir dans ses écritures et l’a confirmé lors de l’audience, l’acte faisant grief contre lequel le présent recours est dirigé est la décision implicite de la Commission de ne pas intervenir, prise dans le courant du mois de janvier 2003, après que le bureau électoral eut transmis à cette dernière, en application de l’article 20 de la réglementation électorale, les contestations du requérant, en date du 23 décembre 2002. Partant, le recours est
recevable en tant qu’il est dirigé contre l’acte faisant grief susvisé.
29 En troisième lieu, selon une jurisprudence constante, en ce qui concerne les organes de représentation des fonctionnaires, tout électeur possède un intérêt à voir les représentants de son organisation être élus au comité du personnel dans les conditions et sur la base d’un système électoral conformes aux dispositions statutaires auxquelles est soumise la procédure électorale en la matière. Dans le contentieux concernant ces organes, un fonctionnaire tire de sa seule qualité d’électeur un
intérêt suffisant justifiant la recevabilité de son recours (arrêt de la Cour du 27 octobre 1987, Diezler e.a./CES, 146/85 et 431/85, Rec. p. 4283, point 9 ; arrêts du Tribunal du 9 janvier 1996, Blanchard/Commission, T‑368/94, Rec. p. II‑41, point 35, et du 14 juillet 1998, Lebedef/Commission, T‑192/96, RecFP p. I‑A‑363 et II‑1047, point 27). La seule qualité d’électeur du requérant suffit à établir qu’il n’agit pas dans le seul intérêt de la loi ou de l’institution (arrêt Blanchard/Commission,
précité, point 37).
30 Par conséquent, le requérant justifie, par ses qualités d’électeur et, a fortiori, de candidat lors des élections en cause, d’un intérêt suffisant pour rendre recevable son recours.
31 Le Tribunal souligne que le requérant n’a pas été privé de cet intérêt à agir du seul fait qu’il a perdu sa qualité d’électeur en raison de sa mise à la retraite, intervenue par voie de dégagement, le 1^er novembre 2003, donc avant l’introduction du présent recours. En effet, tout électeur qui a eu le droit de participer à des élections conserve, jusqu’à l’expiration des délais prévus aux articles 90 et 91 du statut, un intérêt légitime à voir son droit de vote produire ses effets dans des
conditions conformes aux dispositions pertinentes (arrêt Grynberg et Hall/Commission, point 27 supra, point 30).
32 Enfin, le Tribunal considère que, dès lors qu’il possédait la qualité d’électeur lors des élections en cause et qu’il se prévaut de cette qualité pour demander le contrôle juridictionnel de leur résultat, le requérant ne saurait perdre son intérêt à agir, comme la Commission l’a envisagé lors de l’audience, du fait que le mandat de trois ans de la section locale de Bruxelles viendra à expiration à la fin de l’année 2005.
Sur le fond
Sur la demande en annulation
Arguments des parties
33 Le requérant se prévaut d’un moyen d’annulation unique, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, de la violation du devoir de sollicitude, de la violation du principe de bonne administration et de la violation de l’obligation d’assurer, en matière électorale, la juste représentation des votes exprimés par les électeurs.
34 Le requérant fait, tout d’abord, valoir certaines circonstances factuelles qui ont rendu possibles, sinon inéluctables, de nombreuses erreurs dans les opérations de dépouillement.
35 Ainsi, le local affecté au dépouillement mécanographique des bulletins aurait été envahi par de nombreux observateurs qui auraient multiplié les questions et instructions à l’opérateur chargé de manœuvrer le dispositif de lecture optique des bulletins de vote. Ce dispositif aurait connu des défaillances du fait de son encrassement progressif, obligeant à une analyse visuelle d’un certain nombre de bulletins, effectuée par l’opérateur dans une ambiance de désordre.
36 Le requérant fait, ensuite, valoir que les résultats électoraux publiés sont d’autant plus incertains qu’ils ont varié à un moment où, en principe, les opérations de dépouillement étaient terminées.
37 Le requérant s’étonne que, dans ce contexte et alors que le processus électoral était inachevé et le rapport définitif du bureau électoral non encore connu, l’administration, plutôt que de procéder à une vérification des résultats, ait donné l’ordre de détruire de nombreux documents officiels relatifs aux élections en cause, y compris les bulletins de vote, et se soit abstenue d’assurer la sécurité du local attribué à la secrétaire du bureau électoral. Le requérant n’aurait appris qu’avec
plusieurs mois de retard cette destruction, opérée, semble-t-il, les 31 janvier et 4 février 2003. Cela expliquerait qu’il n’en ait pas fait mention dans sa réclamation.
38 La Commission n’aurait, en outre, pas donné suite à une demande du requérant visant à obtenir l’ensemble des procès-verbaux établis par le bureau électoral.
39 Le requérant relève que, pour seule justification de ses affirmations relatives aux circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations de dépouillement, la Commission produit, en annexe à son mémoire en défense, un document intitulé « Pro memoria » (ci-après le « document PM »), non daté, non signé, établi dans des circonstances incontrôlables et visiblement pour les besoins de la présente procédure. Le requérant note qu’il aurait suffi à la Commission de produire l’ensemble des
procès-verbaux du bureau électoral.
40 Le document PM poserait, au demeurant, plus de questions qu’il n’en résoudrait, notamment en ce qui concerne le nombre de bulletins nuls (156 bulletins) répertoriés à l’issue des opérations de dépouillement du 19 décembre 2002.
41 Selon le document PM, la décision de destruction des bulletins de vote aurait été adoptée par le bureau électoral le 10 janvier 2003, mais n’aurait été communiquée à la Commission qu’au moment même de sa mise en œuvre, le 30 janvier 2003, soit avec un retard incompréhensible.
42 Pour le requérant, cette destruction est intervenue dans un contexte qui s’y opposait pourtant radicalement. En effet, la note du 10 janvier 2003, prétendument adoptée à l’unanimité, ne l’aurait pas été, en l’absence d’un des membres du bureau électoral, hospitalisé. En outre, les résultats des élections en cause auraient fait l’objet de deux contestations devant le bureau électoral, pour lesquelles les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut n’auraient pas encore expiré.
43 Le document PM, apparemment rédigé par la secrétaire du bureau électoral, serait en contradiction avec d’autres écrits de l’intéressée. Ainsi, alors qu’il serait écrit dans ce document que l’ensemble du processus électoral était terminé le 10 janvier 2003 et que les bulletins pouvaient à ce moment être détruits, il ressortirait d’une note du 18 février 2003, adressée par la secrétaire du bureau électoral à la Commission, que ce dernier était encore en fonction à cette date.
44 Le requérant s’interroge, enfin, sur l’indépendance du bureau électoral. En effet, le président dudit bureau aurait révélé qu’un projet de réponse aux contestations du 23 décembre 2002 avait été préparé par le directeur de la direction générale du personnel et de l’administration de la Commission.
45 La Commission ne conteste pas son droit, voire son obligation, d’intervenir, le cas échéant d’office, chaque fois qu’elle éprouve un doute sur la régularité d’une élection. Cependant, dans le cas d’espèce, aucun des éléments de fait avancés par le requérant lors de ses contestations adressées au bureau électoral et de sa réclamation n’aurait constitué un indice sérieux de ce qu’il avait été porté atteinte à la libre expression du vote ou au respect des règles démocratiques.
46 Les défaillances de l’appareil de lecture optique des bulletins n’auraient pas eu d’incidence sur les opérations de dépouillement, en raison des mesures prises par le bureau électoral. Il ressortirait des déclarations de la secrétaire du bureau électoral que, lorsqu’à la fin de l’après-midi du 19 décembre 2002, en raison de l’accumulation d’électricité statique dans le lecteur optique, de la poussière s’est glissée dans celui-ci et que la machine, calibrée à cette fin, en a donné l’alerte,
chaque lecture effectuée par la machine a été comparée visuellement avec le bulletin original par des membres du bureau électoral, en présence des observateurs. En cas de discordance, ce seraient les données introduites manuellement dans le système de dépouillement qui auraient été validées par le bureau. La Commission renvoie, pour ces affirmations, au document PM.
47 Ensuite, quant à l’allégation du requérant selon laquelle un grand nombre de personnes aurait envahi le local où se déroulaient les opérations de dépouillement, la Commission fait observer, en premier lieu, que ces opérations se sont déroulées en présence d’observateurs, représentant toutes les listes en présence, dont celle conduite par le requérant, qui pouvaient rentrer par deux dans le local de dépouillement. La Commission renvoie, à cet égard, au document PM. En second lieu, le
requérant n’avancerait aucun élément permettant de conclure que le fait qu’il invoque, à le supposer avéré, aurait pu compromettre la sérénité de ces opérations, voire en fausser le résultat. Le requérant se limiterait à des spéculations.
48 En ce qui concerne la communication de chiffres différents quant aux votes nuls, cette circonstance, postérieure aux opérations de dépouillement, serait sans incidence sur ces dernières. Ensuite, cette différence s’expliquerait par le fait que, lors de la communication orale du 19 décembre 2002, seul le nombre de votes nuls résultant du dépouillement électronique (156 bulletins) aurait été pris en compte. Dans la communication écrite du 20 décembre 2002, le nombre de bulletins de vote
considérés comme nuls au cours du dépouillement manuel (90 bulletins) aurait été ajouté à ce premier chiffre.
49 En ce qui concerne la destruction de documents relatifs aux élections, la défenderesse déclare éprouver un doute quant à la recevabilité de ce grief. En effet, ce dernier n’aurait pas été soulevé expressément dans la réclamation administrative préalable et ne constituerait pas le développement d’un moyen y figurant par une argumentation qui s’y rattacherait étroitement. Quant au fond, cette destruction serait postérieure aux opérations de dépouillement et n’aurait donc pas eu d’incidence sur
celles-ci. De plus, elle aurait été décidée à l’unanimité du bureau électoral, le 10 janvier 2003, donc après l’expiration des délais visés à l’article 20 de la réglementation électorale et après la réponse du président du bureau électoral aux contestations du 23 décembre 2002. La Commission renvoie, là encore, au document PM. Dans sa duplique, la Commission précise que cette décision a été prise, le 10 janvier 2003, à l’unanimité des membres présents du bureau électoral et qu’elle a été abordée à
nouveau le 27 janvier 2003, en présence du membre absent le 10 janvier 2003. La Commission ajoute que cette destruction n’est intervenue que le 31 janvier 2003, soit après le rejet par le bureau électoral des contestations du requérant du 23 décembre 2002.
50 La Commission conteste que le bureau électoral n’ait pas adopté le procès-verbal prévu à l’article 21 de la réglementation électorale. Elle produit, en annexe de sa duplique, un compte rendu qui a, selon elle, été signé par tous les membres du bureau électoral et transmis à la Commission par lettre du 11 mars 2003.
51 En ce qui concerne l’incident qui se serait déroulé dans le bureau de la secrétaire du bureau électoral, la Commission fait observer qu’il serait survenu entre le 12 et le 18 février 2003 et qu’il ne peut donc pas, à le supposer établi, avoir influé sur le résultat des élections. Partant, et contrairement à ce que laisserait entendre le requérant, le fait que le bureau électoral était alors toujours en fonction serait sans pertinence.
Appréciation du Tribunal
52 Selon une jurisprudence constante, il résulte de l’article 9, paragraphe 2, du statut et, en général, du pouvoir d’organisation que chaque institution exerce dans le domaine de sa propre compétence ainsi que de son devoir d’assurer à ses fonctionnaires la possibilité de désigner leurs représentants en toute liberté et dans le respect des règles démocratiques, que les institutions ont non seulement le droit, mais encore l’obligation, d’intervenir d’office au cas où elles éprouveraient un
doute sur la régularité de l’élection du comité du personnel, et qu’elles sont encore tenues de statuer sur les réclamations qui pourraient leur être adressées à ce sujet dans le cadre de la procédure fixée par les articles 90 et 91 du statut (arrêt de la Cour du 29 septembre 1976, De Dapper e.a./Parlement, 54/75, Rec. p. 1381, points 21 à 23 ; ordonnance du président de la Cour du 11 juin 1985, Diezler e.a./CES, 146/85 R, Rec. p. 1805, point 6 ; arrêt du Tribunal du 8 mars 1990, Maindiaux e.a./CES,
T‑28/89, Rec. p. II‑59, point 32).
53 Ce devoir d’intervention d’office des institutions pour assurer la régularité des élections comprend également celui de créer des conditions de sécurité juridique et de résoudre avec effet obligatoire des questions douteuses, sans que l’institution doive attendre qu’un conflit plus grave se produise à leur sujet. Les pouvoirs qui appartiennent aux institutions en vertu de leur devoir d’assurer la régularité des élections comprennent donc celui de prendre des mesures préventives (arrêt
Maindiaux e.a./CES, point 52 supra, point 32).
54 Le juge communautaire a compétence en matière de contentieux électoral concernant la désignation des comités du personnel, sur la base des dispositions du statut relatives aux recours des fonctionnaires. Ce contrôle juridictionnel est exercé dans le cadre des recours, dirigés contre l’institution intéressée, relatifs aux actes ou omissions de l’autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) auxquels donne lieu l’exercice du contrôle qui lui incombe en la matière (arrêt Diezler e.a./CES,
point 29 supra, point 5 ; arrêt Grynberg et Hall/Commission, point 27 supra, point 20 ; arrêt du Tribunal du 24 septembre 1996, Marx Esser et Del Amo Martinez/Parlement, T‑182/94, RecFP p. I‑A‑411 et II‑1197, points 29 et 30 ; ordonnance du Tribunal du 3 octobre 1997, Banda/Commission, T‑184/96, RecFP p. I‑A‑291 et II‑819, point 29).
55 En l’espèce, s’agissant des circonstances factuelles relatives aux opérations de dépouillement, il est constant que le dispositif de lecture optique des bulletins de vote a connu des dysfonctionnements durant ces opérations, ce qui a obligé à procéder à une analyse visuelle de certains bulletins. Il est également constant que, lors de l’annonce orale des résultats du vote le 19 décembre 2002 au soir, le bureau électoral a annoncé que le nombre total de bulletins de vote était de 11 684, dont
156 bulletins nuls, et que, dans la communication écrite dudit bureau, en date du 20 décembre 2002, le nombre de bulletins de vote s’élevait à 11 774, dont 246 bulletins nuls. Enfin, il ressort du dossier que l’écart des voix obtenues, à l’issue du dépouillement, par la liste conduite par le requérant (CONF-SFE : 645 voix) et par la liste immédiatement mieux placée (TAO-AFI : 649 voix) n’était que de quatre.
56 C’est dans ce contexte que le bureau électoral a fait procéder à la destruction des bulletins de vote. C’est également dans ce contexte que la Commission, à laquelle avaient été transmises, en application de l’article 20 de la réglementation électorale, les contestations formées devant le bureau électoral visant à un nouveau dépouillement des bulletins de vote, s’est abstenue d’agir et, en particulier, de prendre toute mesure garantissant la conservation de ces bulletins jusqu’à l’adoption
d’une décision définitive.
57 La Commission conteste, cependant, la recevabilité des arguments du requérant tirés de la destruction des bulletins de vote, au motif qu’ils n’auraient pas été avancés dans la réclamation administrative préalable (voir point 49 ci-dessus).
58 Cette contestation doit être écartée. En effet, la réclamation administrative préalable, en ce qu’elle visait, précisément, à obtenir l’organisation d’un nouveau dépouillement des bulletins de vote, ne pouvait pas, logiquement, évoquer la destruction desdits bulletins. En outre, le requérant a fait valoir dans sa réplique, sans être contredit, qu’il n’avait appris cette destruction que plusieurs mois plus tard.
59 Quant à la contestation par la Commission de la pertinence des arguments du requérant tirés de la destruction des bulletins de vote (voir point 49 ci-dessus), il convient également de l’écarter.
60 Premièrement, contrairement à ce que prétend la Commission, le fait que cette destruction ait été postérieure aux opérations de dépouillement ne prive pas les arguments du requérant de pertinence. En effet, le requérant ne vise nullement, par ces arguments, à prétendre que cette destruction impliquerait que les opérations de dépouillement se sont déroulées de façon irrégulière. Par sa critique de la destruction des bulletins de vote, le requérant dénonce seulement la suppression d’une des
garanties élémentaires de la loyauté du processus électoral, tenant à la possibilité pour tout électeur de solliciter, et le cas échéant d’obtenir, un nouveau dépouillement.
61 Deuxièmement, le fait, avancé par la Commission, que la destruction des bulletins de vote ait été décidée à l’unanimité du bureau électoral n’est pas de nature à exonérer l’institution de son obligation d’assurer la régularité des opérations électorales. Ainsi, il appartenait à la Commission, informée par le bureau électoral de l’existence d’une contestation visant à l’organisation d’un nouveau dépouillement, de veiller auprès dudit bureau et, le cas échéant, de prendre, en exécution de son
obligation d’intervention d’office, les mesures nécessaires pour qu’aucune destruction de bulletins de vote n’intervienne avant qu’aient pris fin les recours administratifs et, le cas échéant, contentieux ouverts à l’auteur de cette contestation.
62 Par ailleurs, il convient de relever que la Commission n’a été en mesure de produire aucun procès-verbal du bureau électoral relatif aux élections en cause et, en particulier, n’a pas pu fournir le procès-verbal de l’accomplissement de la procédure électorale prévu par l’article 21 de la réglementation électorale, document dont cette disposition prévoit qu’il est « dressé et signé par le président et les membres du bureau [électoral], immédiatement après l’expiration du délai prévu pour les
contestations » et qu’il est communiqué à la Commission dans les plus brefs délais.
63 Ainsi, premièrement, la Commission a produit, en annexe de son mémoire en défense, le document PM, cité au point 39 ci-dessus, qui est un document non daté et non signé, émanant prétendument de la secrétaire du bureau électoral et qui fait expressément référence au présent recours. Ce document, en raison même des caractéristiques susvisées, ne saurait constituer une preuve des conditions dans lesquelles les élections en cause se sont déroulées.
64 Deuxièmement, la Commission a produit, en annexe de sa duplique, un document qui, quoique son intitulé le désigne comme le procès-verbal prévu par l’article 21, premier alinéa, de la réglementation électorale, n’est ni daté ni signé du président et des membres du bureau électoral. Or, ces éléments d’authentification, que la nature même de ce document, en tant que procès-verbal, exige, sont, de surcroît, expressément requis par l’article 21, susvisé, lequel énonce que le « [p]rocès-verbal de
l’accomplissement de la procédure électorale et du résultat des élections est dressé et signé par le président et les membres du bureau [électoral], immédiatement après l’expiration du délai prévu pour les contestations ». En l’absence de ces nécessaires éléments d’authentification, et contrairement à l’allégation de la Commission à l’audience, selon laquelle le document produit serait le tirage fidèle d’un document informatique de contenu identique à l’original, lequel n’aurait pu être retrouvé par
la Commission, le document produit ne saurait être considéré comme le procès-verbal prévu par la réglementation électorale et doit être écarté comme moyen de preuve des conditions de déroulement des opérations de dépouillement. Cette appréciation n’est pas remise en cause par le fait que la Commission a produit également, en annexe de sa duplique, la copie non signée de la lettre par laquelle le bureau électoral aurait transmis ce document à la Commission.
65 Troisièmement, en réponse à la question écrite par laquelle le Tribunal lui a demandé de produire « l’intégralité des procès-verbaux originaux établis par le bureau électoral pour les élections [en cause] », la Commission a produit des documents qui, outre le fait qu’ils ne sont revêtus d’aucune signature, sont, en tout état de cause, antérieurs aux opérations de vote. Il s’agit de « notes à l’intention des membres du bureau électoral », datées des 21 et 25 octobre et des 6, 11, 15 et 20
novembre 2002. Ces notes ne sont donc pas de nature à rendre compte des opérations de dépouillement.
66 Enfin, le Tribunal relève, à l’instar du requérant, que tant le document PM que le prétendu procès-verbal du bureau électoral comportent des incohérences quant aux conditions dans lesquelles se sont déroulées les opérations de dépouillement des bulletins de vote. Ainsi, ces documents comportent, en substance, deux affirmations incompatibles, à savoir l’affirmation selon laquelle seuls les bulletins de vote valides furent traités par la machine de dépouillement optique et celle selon laquelle
le résultat du comptage des votes par cette machine a indiqué 156 bulletins nuls.
67 La Commission a, certes, dans son mémoire en défense et lors de l’audience, suggéré que ces 156 bulletins nuls auraient, en réalité, été issus du dépouillement optique des bulletins. Force est de constater que cette suggestion, par laquelle la Commission admet l’incohérence des pièces – au demeurant non probantes – qu’elle a produites, demeure totalement invérifiable en l’absence du procès-verbal prévu par la réglementation électorale.
68 En conclusion, alors qu’elle avait connaissance de l’introduction de contestations visant à l’organisation d’un nouveau dépouillement des bulletins de vote, la Commission s’est placée, par son abstention d’agir et en violation de son obligation d’assurer la régularité des opérations électorales, dans une situation l’empêchant de faire droit à ces contestations si celles-ci devaient s’avérer fondées. Ce faisant, la Commission a également privé le juge communautaire, saisi d’un recours
ultérieur, de la possibilité de faire droit, le cas échéant, à ces contestations. En outre, la Commission n’a pas été en mesure de fournir au Tribunal le procès-verbal prévu par l’article 21 de la réglementation électorale, lequel constitue, du fait de ses modalités d’élaboration et de la composition paritaire du bureau électoral, une garantie essentielle de la régularité des opérations électorales et le seul document faisant foi, jusqu’à la preuve contraire, du déroulement desdites opérations.
69 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient d’annuler la décision par laquelle la Commission, saisie des contestations du 23 décembre 2002, s’est abstenue d’agir.
Sur la demande en indemnité
Arguments des parties
70 Le requérant demande la condamnation de la Commission à lui verser 29 635 euros à titre de dommages et intérêts, dont 5 000 euros en réparation de dommages personnels et 24 635 euros au titre des dépenses de campagne électorale.
71 La Commission fait valoir qu’elle n’a pas commis d’illégalité. En tout état de cause, il n’y aurait pas de lien de causalité entre le prétendu préjudice constitué des dépenses engagées au titre de la campagne électorale et la prétendue faute de la Commission. Quant au dommage personnel allégué par le requérant, il ne serait pas prouvé.
Appréciation du Tribunal
72 Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté suppose la réunion d’un ensemble de conditions tenant à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, à la réalité du dommage allégué et à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑135/00, RecFP p. I‑A‑265 et II‑1313, point 130, et la jurisprudence citée).
73 Les carences de la Commission en l’espèce, manifestées par l’absence, dans le contexte d’une contestation du dépouillement des bulletins de vote, d’adoption des mesures nécessaires à la conservation desdits bulletins et par l’incapacité à produire le procès-verbal prévu par l’article 21 de la réglementation électorale, constituent des fautes de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté.
74 Toutefois, il résulte de la jurisprudence que, même dans l’hypothèse où une faute de l’institution est établie, la responsabilité de la Communauté ne saurait être engagée que si le requérant est parvenu à démontrer la réalité de son préjudice (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Lucaccioni/Commission, T‑165/95, RecFP p. I‑A‑203 et II‑627, point 57).
75 À cet égard, le requérant scinde son préjudice allégué, d’une part, en un préjudice « personnel », d’un montant de 5 000 euros et, d’autre part, en un préjudice correspondant aux dépenses exposées au titre de la campagne électorale, d’un montant de 24 635 euros.
76 Quant à la demande d’indemnité relative aux dépenses de campagne électorale que le requérant aurait encourues, il convient, sans même devoir trancher la question de savoir si ces dépenses constituent un préjudice indemnisable, de la rejeter. En effet, le requérant ne produit aucune preuve de ces dépenses susceptible de permettre au Tribunal d’en contrôler la réalité et le montant.
77 Quant au préjudice personnel allégué, le requérant a indiqué, en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, qu’il s’agit d’un préjudice exclusivement moral.
78 S’agissant de ce préjudice moral, le Tribunal considère que l’annulation de la décision attaquée en constitue, en tout état de cause, une réparation adéquate et suffisante (voir, dans le même contexte du contentieux électoral, arrêt Blanchard/Commission, point 29 supra, point 126).
79 La demande en indemnité est donc rejetée.
Sur les dépens
80 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En outre, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.
81 La défenderesse ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de la condamner à supporter l’ensemble des dépens, conformément aux conclusions en ce sens du requérant.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la Commission de ne pas intervenir à la suite des contestations du requérant du 23 décembre 2002 visant à l’organisation d’un nouveau dépouillement des bulletins de vote, dans le cadre des élections de décembre 2002 de la section locale du comité du personnel de la Commission affecté à Bruxelles, est annulée.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La Commission est condamnée aux dépens.
Vilaras Dehousse Šváby
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2005.
Le greffier Le président
E. Coulon M. Vilaras
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* Langue de procédure : le français.