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14/12/2004 | CJUE | N°T-317/02

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Fédération des industries condimentaires de France (FICF) et autres contre Commission des Communautés européennes., 14/12/2004, T-317/02


Affaire T-317/02

Fédération des industries condimentaires de France (FICF) e.a.
contre

...

Affaire T-317/02

Fédération des industries condimentaires de France (FICF) e.a.
contre
Commission des Communautés européennes

« Politique commerciale commune – Organisation mondiale du commerce (OMC) – Règlement (CE) nº 3286/94 – Obstacles au commerce – Moutarde préparée – Clôture de la procédure d'examen concernant des obstacles au commerce – Intérêt communautaire »

Arrêt du Tribunal (première chambre élargie) du 14 décembre 2004

Sommaire de l'arrêt

1.
Politique commerciale commune – Défense contre les obstacles au commerce – Plainte d’une association d’entreprises au titre de règles commerciales internationales – Décision de la Commission clôturant la procédure d’examen – Contrôle juridictionnel
(Règlement du Conseil nº 3286/94, art. 4)

2.
Politique commerciale commune – Défense contre les obstacles au commerce – Engagement d’une action de la Communauté – Conditions – Conditions cumulatives
(Règlement du Conseil nº 3286/94, art. 2, § 1 et 4, et 4, § 2)

3.
Politique commerciale commune – Défense contre les obstacles au commerce – Engagement d’une action de la Communauté – Conditions – Obstacle au commerce – Portée
(Règlement du Conseil nº 3286/94, art. 4)

4.
Politique commerciale commune – Défense contre les obstacles au commerce – Engagement d’une action de la Communauté – Conditions – Effets commerciaux défavorables – Portée
(Règlement du Conseil nº 3286/94, art. 4)

5.
Politique commerciale commune – Défense contre les obstacles au commerce – Engagement d’une action de la Communauté – Conditions – Intérêt de la Communauté – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Appréciation de situations économiques complexes – Contrôle juridictionnel – Limites
(Règlement du Conseil nº 3286/94)

6.
Politique commerciale commune – Défense contre les obstacles au commerce – Engagement d’une action de la Communauté – Conditions – Intérêt de la Communauté – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Appréciation opérée au stade de l’ouverture de la procédure d’examen – Absence d’incidence sur l’appréciation intervenant à l’issue de la procédure
(Règlement du Conseil nº 3286/94)

7.
Politique commerciale commune – Défense contre les obstacles au commerce – Engagement d’une action de la Communauté – Conditions – Nécessité d’effets commerciaux défavorables dans le chef du plaignant nonobstant l’existence d’un intérêt général de la Communauté – Pouvoir d’appréciation de la Commission
(Règlement du Conseil nº 3286/94, art. 11, § 1)

8.
Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Décision clôturant une procédure d’examen concernant des obstacles au commerce
(Art. 253 CE ; règlement du Conseil nº 3286/94, art. 11, § 1)

9.
Politique commerciale commune – Défense contre les obstacles au commerce – Procédure d’examen – Obligation d’information pesant sur les institutions – Portée
(Règlement du Conseil nº 3286/94, art. 8, § 4)

10.
Politique commerciale commune – Défense contre les obstacles au commerce – Procédure d’examen – Délai de transmission du rapport en cas d’examen « simple ou normal » – Prorogation en cas d’examen « complexe » – Délai de nature purement indicative – Dépassement – Admissibilité – Condition – Délai raisonnable
(Règlement du Conseil nº 3286/94, art. 8, § 8)

11.
Politique commerciale commune – Défense contre les obstacles au commerce – Procédure d’examen – Délai pour la prise d’une décision clôturant la procédure à la suite de l’avis du comité consultatif – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Limite – Délai raisonnable
(Règlement du Conseil nº 3286/94, art. 11, § 1)

1.
L’article 4 du règlement nº 3286/94, arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d’assurer l’exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, en particulier par celles instituées sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a entendu permettre, en particulier, à toute association agissant au nom d’une ou de plusieurs des entreprises de la Communauté d’invoquer le droit de se
prévaloir des règles commerciales internationales, contenues dans un accord commercial multilatéral ou plurilatéral, dans la plainte qu’elle dépose auprès de la Commission, dans les conditions précisées par ledit règlement, ainsi que de se prévaloir des garanties procédurales prévues par les dispositions de ce même règlement. L’ensemble de ces garanties implique qu’un plaignant, au sens de l’article 4 dudit règlement, a le droit de soumettre au contrôle du Tribunal une décision de la
Commission clôturant une procédure d’examen ouverte à la suite du dépôt de sa plainte.

(cf. point 41)

2.
En vertu du règlement nº 3286/94, arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d’assurer l’exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, l’engagement d’une action de la Communauté au titre des règles de commerce internationales à l’encontre d’un obstacle au commerce, adopté ou maintenu par un pays tiers et ayant un effet sur le marché de ce dernier, suppose, à tout le moins, la réunion de
trois conditions cumulatives, à savoir l’existence d’un obstacle au commerce, tel que défini par le règlement, la présence d’effets commerciaux défavorables résultant dudit obstacle et la nécessité de l’action dans l’intérêt de la Communauté. Lorsque, à l’issue d’une procédure d’examen ouverte conformément au règlement nº 3286/94, la Commission constate que l’une des conditions précitées n’est pas remplie, les institutions de la Communauté sont en droit de considérer qu’il n’y a pas lieu
d’entamer une telle action.

(cf. point 48)

3.
Les deux éléments qui composent la définition d’un obstacle au commerce, au sens du règlement nº 3286/94, arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d’assurer l’exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, à savoir « toute pratique commerciale adoptée ou maintenue par un pays tiers » et « le droit d’intenter une action », ne sauraient être artificiellement scindés. En effet, un obstacle au
commerce, dont l’existence peut être invoquée aux fins de l’application dudit règlement, suppose l’existence d’un droit d’intenter une action consacré par les règles commerciales internationales. Une interprétation différente aurait pour effet que toute pratique commerciale adoptée ou maintenue par un pays tiers pourrait être considérée comme un obstacle au commerce, alors même qu’aucun droit d’intenter une action ne serait consacré par les règles précitées.

(cf. points 49, 53)

4.
Il ressort de la définition des effets commerciaux défavorables énoncée à l’article 2, paragraphe 4, du règlement nº 3286/94, arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d’assurer l’exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, que celui-ci a entendu retenir l’existence d’un lien de causalité entre les effets commerciaux défavorables actuels (« entraîne ») ou potentiels (« risque
d’entraîner ») et l’obstacle au commerce, tel qu’il est identifié dans les circonstances particulières de chaque espèce, au sens dudit règlement nº 3286/94.

Cette interprétation est confortée par le septième considérant du règlement, qui énonce que le mécanisme mis en place par ce règlement vise à permettre de demander aux institutions communautaires de réagir aux obstacles au commerce dressés par des pays tiers « qui provoquent » des effets commerciaux défavorables, ainsi que par l’article 4, paragraphe 2, dudit règlement, relatif au contenu de la plainte, qui requiert que cette dernière contienne des éléments de preuve suffisants quant à
l’existence des obstacles au commerce et aux effets commerciaux défavorables « en résultant ». De plus, les effets commerciaux défavorables, au sens du règlement nº 3286/94, doivent également avoir un impact important sur l’économie de la Communauté ou d’une région ou d’un secteur d’activité économique de la Communauté.

(cf. point 65)

5.
Lorsque le juge communautaire est saisi d’un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission clôturant, au motif d’absence d’intérêt communautaire, une procédure d’examen concernant des obstacles au commerce diligentée en application du règlement nº 3286/94, arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d’assurer l’exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, le contrôle
juridictionnel de l’appréciation de situations économiques complexes que suppose la question de savoir si l’intérêt de la Communauté nécessite une action doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. L’étendue du contrôle juridictionnel comprend aussi l’examen de l’absence d’erreurs de
droit.

(cf. point 94)

6.
L’appréciation de l’intérêt de la Communauté, opérée au stade de l’ouverture d’une procédure d’examen prévue par le règlement nº 3286/94, arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d’assurer l’exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, présente, par nature, un caractère préparatoire. Elle ne peut ainsi être assimilée à l’appréciation qui doit être opérée au stade ultérieur, c’est-à-dire
à l’issue de la procédure d’examen, au moment de décider si une action est nécessaire dans l’intérêt de la Communauté.

En effet, une interprétation différente aurait pour conséquence que, dès lors que la Commission décide d’ouvrir une procédure d’examen, elle serait automatiquement tenue, au stade de la décision relative à une éventuelle action de la Communauté, de considérer cette action comme nécessaire, pour autant que les autres conditions légales d’application du règlement nº 3286/94 – à savoir l’existence d’un obstacle au commerce et l’existence d’effets commerciaux défavorables en résultant – sont
remplies, privant ainsi la Commission de sa marge d’appréciation.

(cf. points 97-98)

7.
La Commission ne méconnaît pas l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94, arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d’assurer l’exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, lorsqu’elle exige que l’éventuelle action de la Communauté soit liée aux faits et raisons de droit à l’origine de la procédure d’examen et que, bien qu’en présence d’un intérêt général et à long terme à agir
à l’avenir contre les violations potentielles qui peuvent découler de la pratique de « sanctions sélectives » adoptées par un pays tiers, elle décide de clore la procédure d’examen.

(cf. point 120)

8.
Il ressort de l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94, arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d’assurer l’exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, qu’une décision clôturant une procédure d’examen prévue par ledit règlement peut limiter sa motivation au rappel des principales conclusions issues du rapport d’examen en renvoyant à celui-ci, sans qu’il soit nécessaire,
compte tenu du contexte dans lequel s’inscrit cette décision, qu’elle reprenne l’ensemble des éléments de fait et de droit développés dans ce rapport.

(cf. point 132)

9.
Le règlement nº 3286/94, arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d’assurer l’exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, accorde aux plaignants, aux exportateurs, aux importateurs concernés ainsi qu’aux représentants du ou des pays concernés un droit à l’information, soumis aux conditions précisées à son article 8, paragraphe 4, sous a) et b), qui doit notamment se concilier avec
l’obligation des institutions communautaires de respecter le secret des affaires. Ces mêmes personnes peuvent demander à être informées des principaux faits et considérations résultant de la procédure d’examen.

Cependant, aucune disposition du règlement nº 3286/94 n’impose à la Commission de transmettre aux personnes visées à l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement le projet de rapport d’examen avant sa soumission au comité consultatif, afin que lesdites personnes puissent faire part de leurs éventuelles observations à l’institution, ni d’informer ces personnes d’office des principaux faits et considérations résultant de la procédure d’examen.

Au contraire, l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement nº 3286/94 oblige les personnes visées à cette disposition à formuler une demande d’information à la Commission. Le fait que le droit d’être informé des principaux faits et considérations qui résultent de la procédure d’examen est subordonné à la condition – et à la seule condition – que les requérants en formulent la demande auprès de la Commission n’est pas, en tant que tel, attentatoire à la défense de leurs intérêts,
cette demande n’étant, de surcroît, soumise à aucune forme particulière.

(cf. points 173, 175-176, 178)

10.
Alors que le dépassement d’un délai de nature impérative entraîne la nullité de tout acte adopté hors délai, le dépassement d’un délai de nature purement indicative ne saurait, en principe, entraîner l’annulation de l’acte adopté hors délai.

Le délai de cinq mois prévu pour la soumission du rapport d’examen visé à l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94, arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d’assurer l’exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, est de nature indicative.

Quant au délai de sept mois auquel il est fait référence à ce même article, il constitue uniquement, dans l’hypothèse d’un examen dit « complexe », l’extension du délai de cinq mois initial prévu dans le cas d’un examen dit « simple ou normal ». Il s’ensuit que, dans la mesure où le délai pour transmettre le rapport d’examen est de nature uniquement indicative dans l’hypothèse d’un examen qualifié de « simple ou normal », il ne saurait en aller autrement dans le cas d’un examen dit
« complexe », dès lors qu’il s’agit simplement de la prorogation du délai initial.

Toutefois, la Commission ne saurait retarder la soumission du rapport d’examen au-delà d’un délai raisonnable, cette circonstance étant, en effet, susceptible de contribuer à retarder l’adoption de la décision de clore la procédure d’examen.

(cf. points 187-190)

11.
Le silence du règlement nº 3286/94, arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d’assurer l’exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, sur la question du délai dans lequel une décision clôturant une procédure d’examen doit intervenir à la suite de la consultation du comité visé à l’article 7 dudit règlement, peut être interprété comme traduisant la volonté du législateur communautaire de
laisser à la Commission une certaine marge d’appréciation quant à la date à laquelle il convient d’adopter une telle décision, compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce, notamment des éventuelles démarches auxquelles la Commission envisagerait de procéder auprès des autorités de l’État tiers concerné, avant de clore une procédure d’examen.

Toutefois, la reconnaissance d’une telle marge d’appréciation ne saurait signifier que la Commission est habilitée à retarder l’adoption d’une décision prise en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94 au-delà d’un délai raisonnable, lequel doit être apprécié en fonction des circonstances particulières de chaque espèce. Une telle limite vise, en effet, à satisfaire au respect du devoir de diligence et du principe de bonne administration qui incombe à la Commission.

(cf. points 198-199)

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)
14 décembre 2004(1)

« Politique commerciale commune – Organisation mondiale du commerce (OMC) – Règlement (CE) nº 3286/94 – Obstacles au commerce – Moutarde préparée – Clôture de la procédure d'examen concernant des obstacles au commerce – Intérêt communautaire »

Dans l'affaire T-317/02,

Fédération des industries condimentaires de France (FICF), établie à Paris (France), Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de Roquefort, établie à Millau (France),Comité économique agricole régional « fruits et légumes de la région Bretagne » (Cerafel), établi à Morlaix (France),Comité national interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (CIFOG), établi à Paris (France),représentés par M^es O. Prost et M.-J. Jacquot, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. P‑J. Kuijper et M^me G. Boudot, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 2002/604/CE de la Commission, du 9 juillet 2002, clôturant la procédure d'examen concernant des obstacles au commerce, au sens du règlement (CE) nº 3286/94 du Conseil, consistant en des pratiques commerciales maintenues par les États-Unis d'Amérique dans le cadre de l'importation de moutarde préparée (JO L 195, p. 72),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre élargie),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, P. Mengozzi, M^me M. E. Martins Ribeiro, M. F. Dehousse et M^me I. Labucka, juges,

greffier : M. H. Jung,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1
L’article 1^er du règlement (CE) nº 3286/94 du Conseil, du 22 décembre 1994, arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d’assurer l’exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, en particulier par celles instituées sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO L 349, p. 71), tel que modifié par le règlement (CE) nº 356/95 du Conseil, du 20 février 1995 (JO L 41, p. 3)
(ci-après le « règlement nº 3286/94 »), prévoit :

« Le présent règlement établit les procédures communautaires dans le domaine de la politique commerciale commune qui doivent permettre à la Communauté d’exercer les droits que lui reconnaissent les règles commerciales internationales, en particulier celles édictées par l’Organisation mondiale du commerce et, sous réserve du respect des obligations et procédures internationales existantes, de :

[…]

b) réagir aux obstacles au commerce qui ont un effet sur le marché d’un pays tiers dans le but d’éliminer les effets commerciaux défavorables en résultant.

Ces procédures s’appliquent en particulier à l’engagement, au déroulement et à la clôture des procédures internationales de règlement des différends internationaux dans le domaine de la politique commerciale commune. »

2
L’article 2 du règlement nº 286/94 dispose :

« 1. Aux fins du présent règlement, on entend par ‘obstacle au commerce’ toute pratique commerciale adoptée ou maintenue par un pays tiers au regard de laquelle le droit d’intenter une action est consacré par les règles commerciales internationales. Un tel droit existe lorsque les règles commerciales internationales interdisent expressément une pratique ou reconnaissent à la partie lésée par la pratique le droit de chercher à éliminer l’effet de la pratique en question.

2. Aux fins du présent règlement et sous réserve du paragraphe 8, les ‘droits de la Communauté’ sont les droits commerciaux internationaux dont elle peut se prévaloir en vertu des règles commerciales internationales. Dans ce contexte, les ‘règles commerciales internationales’ sont essentiellement celles qui sont établies par l’OMC et qui figurent dans les annexes à l’accord sur l’OMC, mais il peut aussi s’agir des règles d’un autre accord auquel la Communauté est partie et qui régit les
échanges commerciaux entre la Communauté et des pays tiers.

[…]

4. Aux fins du présent règlement, les ‘effets commerciaux défavorables’ sont les effets qu’un obstacle au commerce entraîne ou risque d’entraîner, en relation avec un produit ou un service, pour les entreprises communautaires sur le marché d’un pays tiers et qui ont un impact important sur l’économie de la Communauté ou d’une région ou d’un secteur d’activité économique de la Communauté. Le fait que le plaignant soit victime d’effets défavorables n’est pas considéré comme suffisant en soi
pour justifier l’engagement d’une action par les institutions de la Communauté.

[…] »

3
L’article 4 du règlement nº 3286/94 prévoit :

« 1. Toute entreprise de la Communauté ou toute association ayant ou non la personnalité juridique, agissant au nom d’une ou de plusieurs des entreprises de la Communauté, qui estime que ces entreprises ont subi des effets commerciaux défavorables du fait d’obstacles au commerce ayant un effet sur le marché d’un pays tiers peut déposer une plainte par écrit. Cette plainte n’est cependant recevable que si l’obstacle au commerce allégué est couvert par un droit d’action consacré par des règles
commerciales internationales contenues dans un accord commercial multilatéral ou plurilatéral.

2. La plainte doit contenir des éléments de preuve suffisants quant à l’existence des obstacles au commerce et aux effets commerciaux défavorables en résultant. Les preuves des effets commerciaux défavorables doivent être apportées, si possible, sur la base de la liste exemplative des facteurs visés à l’article 10. »

4
L’article 5 du règlement nº 3286/94, intitulé « Procédures de dépôt des plaintes », est rédigé comme suit :

« 1. La plainte est adressée à la Commission, qui en envoie une copie aux États membres.

2. La plainte peut être retirée, auquel cas la procédure peut être close, à moins que cette clôture ne soit pas dans l’intérêt de la Communauté.

3. Lorsqu’il apparaît, après consultation, que la plainte ne comporte pas d’éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête, le plaignant en est informé.

4. La Commission statue, dès que possible, sur l’ouverture d’une procédure communautaire d’examen à la suite de toute plainte introduite conformément aux articles 3 ou 4, et ce normalement dans les quarante-cinq jours qui suivent son dépôt. Ce délai peut être suspendu à la demande ou avec le consentement du plaignant, de façon à permettre de réunir les informations complémentaires estimées nécessaires à une évaluation complète de la validité du dossier du plaignant. »

5
L’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94 indique :

« Aux fins de consultation dans le cadre du présent règlement, il est institué un comité consultatif, ci-après dénommé ‘comité’, composé de représentants de chaque État membre et présidé par un représentant de la Commission. »

6
L’article 8 du règlement nº 3286/94 prévoit :

« 1. Lorsque, à l’issue des consultations, il apparaît à la Commission qu’il existe des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une procédure d’examen et que cela serait nécessaire dans l’intérêt de la Communauté, la Commission agit comme suit :

a) elle annonce l’ouverture d’une procédure d’examen au Journal officiel des Communautés européennes ; cet avis indique le produit ou le service et les pays concernés, fournit un résumé des informations reçues et précise que toute information utile doit être communiquée à la Commission ; il fixe le délai pendant lequel les parties intéressées peuvent faire connaître leurs points de vue par écrit et demander à être entendues oralement par la Commission conformément au paragraphe 5 ;

b) elle en avise officiellement les représentants du ou des pays faisant l’objet de la procédure avec lesquels, le cas échéant, des consultations peuvent être tenues ;

c) elle conduit son examen au niveau communautaire, en coopération avec les États membres.

[…]

4. a) Les plaignants, les exportateurs et les importateurs concernés ainsi que les représentants du ou des pays concernés peuvent prendre connaissance de tous les renseignements fournis à la Commission, à l’exception des documents à usage interne de la Commission et des administrations, pour autant que ces renseignements soient pertinents pour la défense de leurs intérêts, qu’ils ne soient pas confidentiels au sens de l’article 9 et qu’ils soient utilisés par la Commission dans sa procédure
d’examen. Les personnes concernées adressent par écrit à la Commission une demande motivée en indiquant les renseignements souhaités.

b) Les plaignants, les exportateurs et importateurs concernés et les représentants du ou des pays concernés peuvent demander à être informés des principaux faits et considérations résultant de la procédure d’examen.

5. La Commission peut entendre les parties concernées. Celles-ci doivent être entendues lorsqu’elles l’ont demandé par écrit dans le délai fixé par l’avis publié au Journal officiel des Communautés européenne s, en démontrant qu’elles sont effectivement des parties concernées au premier chef par le résultat de la procédure.

[…]

8. Au terme de son examen, la Commission soumet au comité un rapport. Ce rapport devrait normalement être présenté dans les cinq mois après l’avis d’ouverture, à moins que la complexité de l’examen ne conduise la Commission à porter ce délai à sept mois. »

7
L’article 10 du règlement nº 3286/94, relatif à l’examen des éléments de preuve, dispose :

« […]

4. Lorsque des effets commerciaux défavorables sont allégués, la Commission en examine l’incidence, réelle ou potentielle, sur l’économie de la Communauté ou d’une région de la Communauté, ou encore sur un secteur de l’activité économique qui y est pratiquée. À cet effet, la Commission peut tenir compte, le cas échéant, de facteurs du type de ceux énumérés dans les paragraphes 1 et 2. Il peut y avoir des effets commerciaux défavorables, notamment lorsqu’un obstacle aux échanges soit bloque,
entrave ou détourne les courants d’échange d’un produit ou d’un service, soit affecte sérieusement l’approvisionnement des entreprises communautaires (par exemple en pièces ou composants ou encore en matières premières). Dans les cas où il est fait état d’une menace d’effets commerciaux défavorables, il appartient à la Commission d’apprécier si la matérialisation de la menace est ou n’est pas clairement prévisible.

5. La Commission tient compte aussi, dans son examen, des éléments de preuve concernant les effets commerciaux défavorables, des dispositions, principes ou pratiques qui régissent le droit d’engager une action au titre des règles de commerce internationales applicables évoquées à l’article 2, paragraphe 1.

[…] »

8
Aux termes de l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94 :

« Lorsqu’il résulte de la procédure d’examen qu’aucune action n’est nécessaire dans l’intérêt de la Communauté, la clôture de la procédure est décidée selon l’article 14. »

9
L’article 12 du règlement n° 3286/94 prévoit :

« 1. Sauf si la situation de fait ou de droit est telle qu’une procédure d’examen n’est pas exigée, lorsqu’il résulte de la procédure d’examen qu’une action est nécessaire dans l’intérêt de la Communauté pour assurer le plein exercice des droits conférés à la Communauté par les règles de droit international en vue de mettre fin […] aux effets commerciaux défavorables causés par des obstacles au commerce adoptés ou maintenus par des pays tiers, les mesures appropriées sont décidées selon la
procédure visée à l’article 13.

[…] »

10
L’article 14 du règlement nº 3286/94 dispose :

« 1. Dans le cas où il est fait référence à la procédure prévue au présent article, le comité est saisi par son président.

2. Le représentant de la Commission soumet au comité un projet de décision à prendre. Le comité délibère dans un délai que le président peut lui fixer en fonction de l’urgence.

3. La Commission arrête une décision qu’elle communique aux États membres et qui est applicable à l’expiration d’un délai de dix jours si aucun État membre n’a saisi le Conseil au cours de ce délai.

4. Sur demande d’un État membre, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut réformer la décision de la Commission.

5. La décision de la Commission est applicable à l’expiration d’un délai de trente jours à compter du jour de la saisine du Conseil si celui-ci n’a pas statué dans ce délai. »

Antécédents du litige

11
Entre 1981 et 1996, le Conseil a adopté plusieurs directives dans le cadre de la lutte contre l’utilisation de certaines substances à effet hormonal dans l’alimentation animale, dans l’objectif notamment d’assurer la protection de la santé humaine.

12
Les États-Unis d’Amérique (ci‑après les « États-Unis ») ont engagé devant les instances de l’OMC une procédure de règlement des différends visant à contester la conformité des dispositions communautaires avec les règles de ladite organisation.

13
Le 18 août 1997, un Groupe spécial a déclaré cette réglementation communautaire contraire aux règles de l’OMC.

14
Le 16 janvier 1998, l’Organe d’appel a adopté un rapport confirmant cette décision.

15
À la suite de l’adoption de ce rapport par l’Organe de règlement des différends (ci-après l’« ORD ») le 13 février 1998, l’échéance du délai pour la mise en conformité de la réglementation communautaire aux règles de l’OMC a été fixée, par décision arbitrale, au 13 mai 1999.

16
La Communauté européenne n’ayant pas modifié sa réglementation dans le délai imparti, les États-Unis ont, le 3 juin 1999, demandé à l’ORD l’autorisation de suspendre les concessions tarifaires, conformément à l’article 22, paragraphe 2, du mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, annexé à l’accord instituant l’OMC (ci‑après le « mémorandum d’accord »), pour un montant annuel de 202 millions de dollars des États-Unis (USD). Dans le même temps,
les États-Unis ont produit une liste de produits susceptibles d’être soumis à une suspension de concessions tarifaires, parmi lesquels la moutarde préparée.

17
À la suite d’une décision arbitrale du 12 juillet 1999 portant sur le montant total de la suspension des concessions tarifaires, l’ORD a autorisé, le 26 juillet 1999, les États-Unis à suspendre lesdites concessions pour un montant de 116,8 millions de USD par an et à frapper d’un droit de douane additionnel de 100 % un certain nombre de produits en provenance des États membres de la Communauté européenne, dont la moutarde préparée. Les États-Unis ont toutefois décidé de ne pas appliquer la
suspension des concessions tarifaires aux produits en provenance du Royaume-Uni.

18
Le 7 juin 2001, la Fédération des industries condimentaires de France (ci-après la « FICF » ou la « plaignante »), qui regroupe les principaux producteurs français de moutarde préparée, a déposé une plainte auprès de la Commission européenne, conformément à l’article 4 du règlement nº 3286/94.

19
Cette plainte précisait notamment que l’application sélective des mesures de rétorsion américaines était contraire à l’article 22 du mémorandum d’accord, en ce sens que les mesures de suspension des concessions tarifaires autorisées par l’ORD ne peuvent être appliquées qu’à l’encontre du « membre concerné », préalablement condamné, en l’espèce la Communauté européenne dans son ensemble, et non seulement à l’égard de certains États membres. La plainte indiquait également que l’obstacle au
commerce créé par les États-Unis entraînait des effets commerciaux défavorables, au sens du règlement nº 3286/94, sur les exportations de moutarde préparée des entreprises membres de la FICF, et qu’il était de l’intérêt de la Communauté d’engager une procédure à l’encontre des mesures américaines, conformément au règlement nº 3286/94.

20
À la lumière des éléments de preuve apportés par la plaignante, la Commission a, le 1^er août 2001, publié un avis d’ouverture d’une procédure d’examen, conformément à l’article 8 du règlement nº 3286/94, concernant un obstacle au commerce consistant en des pratiques commerciales maintenues par les États-Unis dans le cadre de l’importation de moutarde préparée (JO 2001, C 215, p. 2).

21
Cet avis précisait, en son point 2, que « l’examen ouvert par la Commission pourra aussi couvrir d’autres produits apparemment affectés de la même manière que la moutarde préparée et notamment ceux pour lesquels les parties intéressées qui se seront fait connaître dans [un] délai [de trente jours à compter de la publication de l’avis] fourniront la preuve qu’ils sont concernés par les pratiques incriminées ».

22
Plusieurs organisations professionnelles se sont manifestées auprès de la Commission dans le délai imparti, dont le Comité national interprofessionnel des palmipèdes à foie gras, la Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de Roquefort et le Comité économique agricole régional « fruits et légumes de la région Bretagne ». À la suite de ces manifestations d’intérêt, la Commission a, en application du point 2 de l’avis d’ouverture, décidé d’étendre la
procédure d’examen au foie gras, au roquefort et aux échalotes.

23
Le 6 mars 2002, au terme de son examen, la Commission a informé le comité visé à l’article 7 du règlement nº 3286/94 des conclusions de son enquête, puis lui a transmis un rapport d’examen le 27 mars 2002. Ce rapport proposait la clôture de la procédure.

24
Le 23 avril 2002, la Commission a adressé au conseil de la FICF une version non confidentielle du rapport d’examen. Dans sa lettre, la Commission précisait que le comité visé à l’article 7 du règlement nº 3286/94 avait approuvé la proposition de clore la procédure et que, par conséquent, une décision en ce sens serait prochainement publiée au Journal officiel des Communautés européennes.

25
Par lettre du 17 mai 2002, l’un des conseils de la FICF a accusé réception du rapport d’examen. Dans cette lettre, il s’est étonné des délais pris par la Commission pour lui adresser ce rapport et pour adopter la décision à venir dans l’affaire. En prenant note de l’indication faite par la Commission dans sa lettre du 23 avril 2002, selon laquelle une décision serait adoptée prochainement, le conseil de la FICF en a conclu que la Commission n’offrait pas à la plaignante un droit de réponse,
pratique lui paraissant contraire au respect des droits de la défense.

26
Dans sa réponse à cette lettre, en date du 4 juin 2002, la Commission a souligné qu’elle avait pleinement respecté les dispositions du règlement nº 3286/94, notamment son article 8, paragraphes 4 et 8. À cet égard, la Commission a relevé que la plaignante ne lui avait jamais adressé une demande, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 3286/94. La Commission a aussi rappelé à la plaignante qu’elle avait été régulièrement tenue informée de l’évolution de l’affaire et qu’elle
était au courant de l’issue de la procédure d’examen bien avant la date de la transmission officielle du rapport d’examen.

27
Le 6 juin 2002, le Comité économique agricole régional « fruits et légumes de la région Bretagne » a adressé une lettre à la Commission par laquelle il s’étonnait tout d’abord de ne pas avoir reçu directement le rapport d’examen, qui lui avait été transmis par l’intermédiaire de ses conseils. Il exprimait ensuite son désaccord avec la clôture annoncée de la procédure d’examen et considérait, enfin, que l’annonce de l’adoption prochaine de la décision de clore la procédure d’examen ne lui
permettait pas d’exercer son droit de réponse aux conclusions contenues dans le rapport d’examen.

28
Le 7 juin 2002, la Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de Roquefort a adressé une lettre à la Commission substantiellement identique à celle envoyée par le Comité économique agricole régional « fruits et légumes de la région Bretagne ».

29
Par lettres du 14 juin 2002, la Commission a adressé une version non confidentielle du rapport d’examen à la Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de Roquefort et au Comité économique agricole régional « fruits et légumes de la région Bretagne », tout en leur rappelant que ces organisations professionnelles étaient uniquement intervenues à la procédure d’examen en tant que parties intéressées, raison pour laquelle la Commission avait considéré ne pas
devoir leur transmettre directement le rapport d’examen, lequel, au demeurant, était un document public. Dans ses lettres, la Commission a également indiqué que, en tout état de cause, elle avait respecté les dispositions de l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94 et que les conseils des deux organisations avaient été régulièrement tenus informés de l’évolution de l’affaire et qu’ils étaient au courant de l’issue de la procédure d’examen bien avant la date de la transmission
officielle du rapport d’examen. La Commission a enfin souligné que la décision de clore la procédure d’examen serait adoptée prochainement.

30
Le 9 juillet 2002, la Commission a adopté la décision 2002/604/CE clôturant la procédure d’examen concernant des obstacles au commerce, au sens du règlement nº 3286/94, consistant en des pratiques commerciales maintenues par les États-Unis dans le cadre de l’importation de moutarde préparée (JO L 195, p. 72, ci‑après la « décision attaquée »). La décision attaquée a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes le 27 juillet 2002.

31
Au considérant 6 de la décision attaquée, la Commission a relevé :

« La procédure d’examen a conduit à la conclusion qu’il n’apparaissait pas que les effets commerciaux prétendument défavorables résultaient de l’obstacle au commerce cité dans la plainte, à savoir la suppression de concessions par les États-Unis d’Amérique, de manière sélective, à l’encontre de certains États membres seulement (‘sanction sélective’). En fait, l’enquête n’a pas démontré que l’application de la suspension des concessions au Royaume-Uni permettrait au plaignant d’exporter
davantage de moutarde préparée vers le marché américain. En conséquence, aucun effet commercial défavorable, au sens du règlement, ne peut être attribué à l’obstacle au commerce dénoncé par le plaignant, à l’exception des effets commerciaux résultant de la suspension des concessions, autorisée et légalement appliquée par les États-Unis d’Amérique dans le cadre de l’accord sur l’OMC. Conformément à l’article 11 [du règlement nº 3286/94], la procédure d’examen a donc démontré qu’aucune action
spécifique à l’encontre de l’obstacle au commerce allégué n’était nécessaire dans l’intérêt de la Communauté. »

32
La Commission a, par conséquent, à l’article unique de la décision attaquée, décidé de clore la procédure d’examen ouverte le 1^er août 2001.

Procédure et conclusions des parties

33
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 octobre 2002, la FICF, la Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de Roquefort, le Comité national interprofessionnel des palmipèdes à foie gras et le Comité économique agricole régional « fruits et légumes de la région Bretagne » (ci-après les « requérants ») ont introduit le présent recours.

34
En application de l’article 14 du règlement de procédure du Tribunal et sur proposition de la première chambre, le Tribunal a décidé, les parties entendues conformément à l’article 51 dudit règlement, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

35
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre élargie) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, a invité les parties à répondre à certaines questions et à produire certains documents.

36
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 14 septembre 2004.

37
Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :


annuler la décision attaquée ;


condamner la Commission aux dépens.

38
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :


rejeter le recours ;


condamner les requérants aux dépens.

Sur la recevabilité

39
Sans soulever une fin de non-recevoir à l’encontre du présent recours, la Commission a toutefois circonscrit ses écritures à la situation de la FICF, seule organisation à avoir déposé une plainte auprès de la Commission, conformément à l’article 4 du règlement nº 3286/94, à l’exclusion de la situation des autres organisations professionnelles, intervenues à la procédure d’examen en tant que parties intéressées.

40
À cet égard, il y a lieu de relever que les requérants n’ont introduit qu’une seule et même requête. Or, il résulte d’une jurisprudence constante que, s’agissant d’un seul et même recours, la constatation de sa recevabilité à l’égard d’un seul requérant exonère de la nécessité d’examiner la qualité pour agir des autres requérants, puisqu’il suffit que l’un au moins des requérants remplisse les conditions énoncées à l’article 230 CE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS
e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I-1125, point 31 ; arrêts du Tribunal du 27 avril 1995, CCE de Vittel e.a./Commission, T‑12/93, Rec. p. II‑1247, point 44, et du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, Rec. p. II‑3141, point 61).

41
Or, il convient de préciser que l’article 4 du règlement nº 3286/94 a entendu permettre, en particulier, à toute association agissant au nom d’une ou de plusieurs des entreprises de la Communauté, telle que, en l’espèce, la FICF, au nom des producteurs français de moutarde préparée, d’invoquer le droit de se prévaloir des règles commerciales internationales, contenues dans un accord commercial multilatéral ou plurilatéral, dans la plainte qu’elle dépose auprès de la Commission, dans les
conditions précisées par ledit règlement, ainsi que de se prévaloir des garanties procédurales prévues par les dispositions de ce même règlement. L’ensemble de ces garanties implique qu’un plaignant, au sens de l’article 4 du règlement nº 3286/94, a le droit de soumettre au contrôle du Tribunal une décision de la Commission clôturant une procédure d’examen ouverte à la suite du dépôt de sa plainte.

42
Il s’ensuit que la FICF, qui a déposé une plainte auprès de la Commission en vertu de l’article 4 du règlement nº 3286/94, est recevable à attaquer la décision attaquée devant le Tribunal et que, par conséquent, s’agissant d’un seul et même recours, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres requérants.

Sur le fond

43
Les requérants soulèvent huit moyens à l’appui de leur recours. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94 ; le deuxième moyen est pris de la violation de l’article 2, paragraphe 4, du règlement nº 3286/94 ; le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 10, paragraphe 5, du règlement nº 3286/94 ; le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94 ; le cinquième moyen est tiré du
défaut de motivation de la décision attaquée ; le sixième moyen est tiré d’erreurs manifestes dans l’appréciation des faits et de la violation de l’article 2, paragraphe 4, et de l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94 ; le septième moyen est tiré de la violation des droits de la défense ; enfin, le huitième moyen est pris de la violation de l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94 et du manquement au devoir de diligence de la Commission.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94

Arguments des parties

44
Selon les requérants, la définition d’un « obstacle au commerce », telle qu’elle ressort de l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94, repose sur deux éléments nettement identifiables et indissociables, à savoir un élément matériel (« toute pratique commerciale adoptée ou maintenue par un pays tiers ») et un « élément d’illégalité » (« le droit d’intenter une action » conféré à la Communauté européenne). Or, de l’avis des requérants, la décision attaquée a limité cette définition au
seul élément d’illégalité, c’est-à-dire à l’application « sélective » par les États-Unis de la suspension des concessions tarifaires. Selon les requérants, l’approche adoptée par la Commission viole non seulement l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94, mais dénature également la portée de la plainte déposée par la FICF et l’avis d’ouverture de la procédure d’examen. Contrairement à ce que semble prétendre la Commission, les mesures de suspension des concessions tarifaires prises
par les États-Unis ne pourraient être scindées entre, d’une part, les mesures autorisées par l’ORD et appliquées par les États-Unis et, d’autre part, l’obstacle au commerce allégué par la plaignante, à savoir l’application sélective desdites mesures. Selon les requérants, ce n’est pas parce que l’ORD a autorisé l’adoption des mesures de rétorsion que l’application de ces mesures par les États‑Unis est « légale », comme le considère la Commission.

45
La Commission rappelle, tout d’abord, que l’objet du règlement nº 3286/94 est d’établir des procédures communautaires dans le domaine de la politique commerciale commune qui doivent permettre à la Communauté d’exercer les droits qui lui sont reconnus par l’OMC. C’est en ce sens que l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94 définirait un obstacle au commerce comme toute pratique commerciale adoptée ou maintenue par un pays tiers au regard de laquelle le droit d’intenter une action
est consacré par les règles commerciales internationales.

46
La Commission conteste, ensuite, l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94, retenue par les requérants. Selon la Commission, il ne suffit pas qu’il existe un obstacle au commerce pour qu’une procédure de règlement des différends soit éventuellement engagée. Il faudrait surtout que des effets commerciaux défavorables soient relevés. Aux fins de l’application du règlement nº 3286/94, la notion d’obstacle au commerce ne peut donc être détachée de celle d’« effets
commerciaux défavorables ». En d’autres termes, de l’avis de la Commission, pour qu’il y ait « obstacle au commerce », au sens du règlement nº 3286/94, il faut que des entreprises démontrent qu’elles souffrent d’« effets commerciaux défavorables », au sens de l’article 2, paragraphe 4, du règlement nº 3286/94. Une interprétation contraire aurait pour effet de créer au profit des entreprises communautaires une véritable actio popularis.

47
Selon la Commission, c’est cette conception de la notion d’« obstacle au commerce » qui a été appliquée en l’espèce, tant dans le cadre du rapport d’examen que lors de l’adoption de la décision attaquée. Une telle conception ne serait donc pas nouvelle pour les requérants. À cet égard, la Commission renvoie à la décision attaquée selon laquelle l’enquête n’a pas été en mesure de démontrer que la plaignante avait subi des effets commerciaux défavorables du fait de la décision des États-Unis
d’appliquer sélectivement la suspension des concessions tarifaires, à l’exception des effets commerciaux résultant de cette suspension, qui a été « autorisée et légalement appliquée par les États-Unis d’Amérique dans le cadre de l’accord de l’OMC ». La Commission en conclut que, d’une part, les mesures américaines ont été adoptées dans le respect des principes édictés par l’OMC et que, d’autre part, aucun effet commercial défavorable n’ayant pu être démontré par la plaignante, il n’existe
pas d’« obstacle au commerce », au sens du règlement nº 3286/94, contrairement à ce que prétendent les requérants.

Appréciation du Tribunal

48
À titre liminaire, il convient d’observer que, en vertu du règlement n° 3286/94, l’engagement d’une action de la Communauté au titre des règles de commerce internationales à l’encontre d’un obstacle au commerce, adopté ou maintenu par un pays tiers et ayant un effet sur le marché de ce dernier, suppose, à tout le moins, la réunion de trois conditions cumulatives, à savoir l’existence d’un obstacle au commerce, tel que défini par le règlement, la présence d’effets commerciaux défavorables
résultant dudit obstacle et la nécessité de l’action dans l’intérêt de la Communauté. Lorsque, à l’issue d’une procédure d’examen ouverte conformément au règlement n° 3286/94, la Commission constate que l’une des conditions précitées n’est pas remplie, les institutions de la Communauté sont en droit de considérer qu’il n’y a pas lieu d’entamer une telle action.

49
S’agissant de la notion d’obstacle au commerce, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94 :

« Aux fins du présent règlement, on entend par ‘obstacle au commerce’ toute pratique commerciale adoptée ou maintenue par un pays tiers au regard de laquelle le droit d’intenter une action est consacré par les règles commerciales internationales. Un tel droit existe lorsque les règles commerciales internationales interdisent expressément une pratique ou reconnaissent à la partie lésée par la pratique le droit de chercher à éliminer l’effet de la pratique en question. »

50
En l’espèce, il est constant que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que la FICF se plaignait d’un obstacle au commerce constitué par la suspension des concessions tarifaires par les États-Unis à l’encontre des exportateurs de moutarde préparée des États membres de la Communauté, à l’exclusion de ceux du Royaume-Uni, sanction que la décision attaquée a qualifié de « sélective. »

51
Selon les requérants, en opérant de la sorte, la Commission aurait méconnu la définition de l’obstacle au commerce visée à l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94, dans la mesure où, en l’espèce, elle n’aurait retenu que l’élément d’« illégalité » de ladite définition.

52
Cette thèse ne saurait prospérer.

53
Tout d’abord, il convient de relever que les éléments qui composent la définition d’un obstacle au commerce, au sens du règlement nº 3286/94, ne sauraient être artificiellement scindés comme le suggèrent les requérants. En effet, un obstacle au commerce, dont l’existence peut être invoquée aux fins de l’application du règlement nº 3286/94, suppose l’existence d’un droit d’intenter une action consacré par les règles commerciales internationales. Cette interprétation découle notamment de la
référence faite à l’article 1^er, paragraphe 1, de ce règlement « au respect des obligations et procédures internationales existantes ». Elle est corroborée par le septième considérant du règlement nº 3286/94 qui précise que « [l]e mécanisme [mis en place par le règlement] a pour but de fournir une procédure permettant de demander aux institutions communautaires de réagir aux obstacles au commerce dressés par les pays tiers […], à condition qu’un droit d’action existe, à l’égard de tels
obstacles, dans les règles qui régissent le commerce international ». Une interprétation différente aurait pour effet que toute pratique commerciale adoptée ou maintenue par un pays tiers pourrait être considérée comme un obstacle au commerce, alors même qu’aucun droit d’intenter une action ne serait consacré par les règles commerciales internationales.

54
S’agissant, ensuite, de l’argument des requérants selon lequel l’interprétation retenue par la Commission aurait méconnu la portée de la plainte déposée par la FICF auprès de la Commission, il convient de relever que la plaignante n’alléguait pas, contrairement à ce que les requérants ont prétendu devant le Tribunal, que les mesures américaines de suspension des concessions tarifaires, pour un montant de 116,8 millions de USD, à l’encontre de certains produits originaires de la Communauté
relevaient de la qualification d’« obstacle au commerce ». En effet, la plainte admettait que ces mesures avaient été autorisées par l’ORD le 26 juillet 1999. En revanche, dans ses développements relatifs à la qualification d’« obstacle au commerce », au sens du règlement nº 3286/94, des mesures adoptées par les États-Unis (point IV de la plainte), la plaignante considérait qu’il existait une violation des règles de l’OMC en ce que « les États-Unis ne pouvaient légalement choisir d’appliquer
les mesures de rétorsion à certains États membres de l’Union européenne et pas à d’autres » (point IV.1, p. 8 de la plainte) et que « l’application sélective des mesures de rétorsion faite par les États‑Unis remet[tait] en cause la fixation par les arbitres d’un niveau de suspension des concessions » (point IV.2, p. 11 de la plainte). De plus, elle admettait que « les conclusions et recommandations du Groupe spécial et de l’Organe d’appel visaient les ‘Communautés européennes’ [et que] les
États-Unis devaient donc appliquer leurs mesures aux ‘Communautᄅs européennes’, sans pouvoir faire de distinction entre les États membres, qui ont tous appliqué les mesures communautaires contestées » (p. 13 de la plainte). Enfin, elle rappelait que « l’attitude des États-Unis avait pour effet de décommunautariser la politique commerciale prévue par le traité » en ce que les mesures de rétorsion ne visaient que quatorze des quinze États membres (p. 14 de la plainte).

55
Il s’ensuit que l’obstacle au commerce dénoncé par la plainte consistait uniquement en l’application sélective des mesures américaines de suspension des concessions tarifaires, sans que la Commission ait dénaturé la portée de la plainte. Au demeurant, le Tribunal relève que, en l’espèce, compte tenu de la définition de l’obstacle au commerce précisée au point 53 ci-dessus, l’obstacle au commerce au sens du règlement n° 3286/94 ne pouvait consister qu’en l’application sélective des mesures
américaines de suspension des concessions tarifaires. En effet, dès lors que seuls les obstacles au commerce à l’égard desquels il existe un droit d’action consacré par les règles commerciales internationales entrent dans le champ d’application du règlement nº 3286/94, une procédure au titre de ce règlement ne pouvait être ouverte à l’encontre des mesures américaines de suspension des concessions qui avaient été autorisées par l’ORD, dans la mesure où, en principe, aucun droit d’action de la
Communauté, consacré par les règles commerciales internationales, n’existait à leur égard. C’est la raison pour laquelle le point 4 de l’avis d’ouverture de la procédure d’examen, cité au point 20 ci-dessus, indiquait que l’obstacle au commerce allégué dans la plainte était constitué par le maintien des « mesures commerciales […] à l’encontre de plusieurs États membres plutôt qu’à l’encontre de la Communauté dans son ensemble » et que la FICF considérait, sans que l’exactitude d’une telle
appréciation ait été contestée devant le Tribunal, que « la pratique consistant à demander des mesures à l’encontre de la totalité des États membres pour ne les appliquer ensuite qu’à certains d’entre eux était préjudiciable à la prévisibilité du mécanisme de règlement des différends ». Par ailleurs, il y a également lieu de préciser que le point 1.4 du rapport d’examen établi par la Commission, intitulé « The obstacle to trade » (L’obstacle au commerce), indiquait :

« […] il est important de relever que l’obstacle au commerce en cause dans cette enquête ne consiste pas en la suspension des concessions par les États‑Unis d’Amérique à la suite de l’affaire dite des ‘hormones’, mais en la manière dont cette suspension a été mise en œuvre par les États‑Unis. Ainsi, le plaignant ne conteste pas le droit des États‑Unis de suspendre les concessions susmentionnées en vertu du mémorandum d’accord sur le règlement des différends dans le cadre de l’OMC, mais
uniquement leur droit de les suspendre à l’égard de certains États membres de la Communauté à l’exclusion d’autres. »

56
Or, contrairement à ce que prétendent les requérants, en retenant que l’obstacle au commerce identifié dans la plainte consistait en l’application sélective des mesures américaines aux États membres de la Communauté, les considérants 3 et 6 la décision attaquée sont conformes tant à la définition de l’« obstacle au commerce », visée à l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94, qu’à la qualification qui résultait, en l’espèce, de la plainte et qui a été retenue par l’avis d’ouverture
de la procédure et par le rapport d’examen.

57
Il résulte de l’ensemble de ces considérations que, en l’espèce, contrairement à ce qu’allèguent les requérants, la Commission ne s’est pas uniquement bornée à l’élément d’ « illégalité » de la définition d’un obstacle au commerce, mais a pris en considération l’ensemble des éléments indissociables de la notion d’obstacle au commerce, telle qu’elle est définie à l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94.

58
Dans ces conditions, le premier moyen est rejeté.

Sur le deuxième moyen, pris de la violation de l’article 2, paragraphe 4, du règlement nº 3286/94

Arguments des parties

59
Les requérants considèrent que l’approche restrictive de la notion d’obstacle au commerce, telle que retenue par la décision attaquée, entraîne également − et nécessairement − une analyse erronée des « effets commerciaux défavorables », au sens de l’article 2, paragraphe 4, du règlement nº 3286/94, en violation de cette disposition. Selon les requérants, la Commission aurait dû analyser les effets commerciaux défavorables de l’imposition illégale, depuis juillet 1999, des droits de douane
additionnels de 100 % ad valorem que contestaient les requérants, et non uniquement les effets de l’élément entachant d’illégalité les mesures américaines, à savoir l’application sélective desdites mesures.

60
Par ailleurs, les requérants estiment que la décision attaquée est également entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation des données contenues dans le rapport d’examen. En effet, la conclusion à laquelle est arrivée la Commission dans la décision attaquée, selon laquelle ce rapport « n’a pas démontré que l’application de la suspension des concessions [tarifaires] au Royaume-Uni permettrait à [la ] plaignant[e] d’exporter davantage de moutarde préparée vers le marché américain »,
serait infirmée par la lecture combinée des données relatives à la baisse des importations de moutarde en provenance des États membres, à l’exclusion du Royaume-Uni, et à la hausse des importations en provenance de ce dernier État membre, qui figurent dans le rapport d’examen.

61
La Commission rétorque qu’elle a correctement apprécié la nature des effets commerciaux entraînés par la suspension des concessions tarifaires adoptée par les États-Unis à l’encontre de la moutarde préparée.

62
La Commission indique que les conclusions du rapport d’examen n’ont pas mis en évidence l’existence d’un quelconque effet de « vases communicants » entre la baisse des exportations de la plaignante vers les États-Unis, d’une part, et une augmentation substantielle et à long terme des exportations britanniques, d’autre part. Selon la Commission, les données contenues dans le rapport d’examen montrent que la décision des États-Unis d’exclure les produits en provenance du Royaume-Uni de la
suspension des concessions tarifaires n’a pas profité aux exportations de moutarde britannique vers ce pays et n’est pas à l’origine d’effets commerciaux défavorables pour la plaignante. Ce n’est que si la procédure d’examen avait été en mesure de démontrer les conséquences durables et significatives que la sélectivité des mesures a entraînées sur le marché de la moutarde préparée en Europe que des effets commerciaux défavorables, au sens du règlement nº 3286/94, auraient été causés à la
plaignante. Toutefois, la Commission rappelle également que l’article 2, paragraphe 4, du règlement nº 3286/94 retient une définition précise de la notion d’« effets commerciaux défavorables », en visant les effets causés par les obstacles au commerce qui ont un impact important sur l’économie de la Communauté ou d’une région ou d’un secteur d’activité économique de la Communauté. Selon elle, le fait que le « plaignant soit victime d’effets défavorables n’est pas considéré comme suffisant en
soi pour justifier l’engagement d’une action par les institutions de la Communauté ».

63
En définitive, selon la Commission, la décision attaquée a bien indiqué que l’examen n’avait pas pu prouver que la nature sélective des mesures de rétorsion américaines a entraîné des effets commerciaux défavorables répondant aux critères du règlement nº 3286/94.

Appréciation du Tribunal

64
À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 2, paragraphe 4, du règlement nº 3286/94 :

« Les ‘effets commerciaux défavorables’ sont les effets qu’un obstacle au commerce entraîne ou risque d’entraîner, en relation avec un produit ou un service, pour les entreprises communautaires sur le marché d’un pays tiers et qui ont un impact important sur l’économie de la Communauté ou d’une région ou d’un secteur d’activité économique de la Communauté. Le fait que le plaignant soit victime d’effets défavorables n’est pas considéré comme suffisant en soi pour justifier l’engagement d’une
action par les institutions de la Communauté. »

65
Il ressort de cette définition que le règlement nº 3286/94 a entendu retenir l’existence d’un lien de causalité entre les effets commerciaux défavorables actuels (« entraîne ») ou potentiels (« risque d’entraîner ») et l’obstacle au commerce, tel qu’il est identifié dans les circonstances particulières de chaque espèce, au sens du règlement nº 3286/94. Cette interprétation est confortée par le septième considérant du règlement nº 3286/94, qui énonce que le mécanisme mis en place par ce
règlement vise à permettre de demander aux institutions communautaires de réagir aux obstacles au commerce dressés par des pays tiers « qui provoquent » des effets commerciaux défavorables, ainsi que par l’article 4, paragraphe 2, dudit règlement, relatif au contenu de la plainte, qui requiert que cette dernière contienne des éléments de preuve suffisants quant à l’existence des obstacles au commerce et aux effets commerciaux défavorables « en résultant ». De plus, les effets commerciaux
défavorables, au sens du règlement n° 3286/94, doivent également avoir un impact important sur l’économie de la Communauté ou d’une région ou d’un secteur d’activité économique de la Communauté.

66
À cet égard, s’agissant de l’argument des requérants selon lequel la Commission n’aurait pas dû limiter son analyse des effets commerciaux défavorables à ceux causés par l’application sélective de la suspension des concessions tarifaires, le Tribunal considère que, compte tenu de la réponse apportée au premier moyen ci-dessus et du lien de causalité qui doit exister entre un « obstacle au commerce » et les « effets commerciaux défavorables », au sens du règlement nº 3286/94, il doit être
rejeté. En effet, l’« obstacle au commerce », au sens du règlement nº 3286/94, dénoncé dans la présente affaire, étant constitué par l’application sélective de la suspension des concessions tarifaires à l’égard des exportations de moutarde préparée vers les États-Unis, la Commission devait limiter son analyse des « effets commerciaux défavorables » à ceux qui avaient un lien de causalité avec ledit obstacle.

67
Cela étant, il y a lieu de vérifier si, ainsi que le soutiennent les requérants, la Commission aurait commis une erreur manifeste dans l’appréciation des données résultant du rapport d’examen, en concluant, au considérant 6 de la décision attaquée, que « l’enquête n’a pas démontré que l’application de la suspension des concessions [tarifaires] au Royaume-Uni permettrait au plaignant d’exporter davantage de moutarde préparée vers le marché américain ».

68
À cet égard, il convient, tout d’abord, de relever une différence entre le libellé de la version française du passage précité du considérant 6 de la décision attaquée et celui de la plus grande majorité des autres versions linguistiques de ce texte. En effet, contrairement au texte en langues française qui utilise l’adverbe « davantage », la plus grande majorité des autres versions linguistiques fait référence à de « plus grandes » ou de « meilleures opportunités d’exportation ». Il en est
ainsi des versions du passage précité en langues anglaise (« […] would result in greater export opportunities […] »), allemande (« […] für den Antragsteller zu besseren Ausfuhrmöglichkeiten für Senf […] »), danoise (« […] at klageren ville få større muligheder for at eksportere […] »), espagnole (« […] traería consigo majores oportunidades para el denunciante de exportar […] »), finnoise (« […] valituksen tekijän […] viennin mahdollisuuksien laajenemiseen […] »), italienne
(« […] comporterebbe per il denunziante maggiori opportunità di esportazione […] »), portugaise (« […] se traduziria, para o autor da denúncia, em maiores oportunidades de exportação [...] ») et suédoise (« [...] bättre utsiker för den klagande att exportera […] »).

69
Le Tribunal considère que l’idée véhiculée par ces différentes versions linguistiques du passage précité, pertinente pour l’examen de la prétendue erreur manifeste d’appréciation, est, d’une part, celle d’une corrélation moins catégorique que celle qui est exprimée dans la version française par l’emploi de l’adverbe « davantage » entre la baisse des exportations de moutarde préparée vers les États-Unis en provenance de quatorze États membres de la Communauté et l’augmentation des
exportations de ce produit vers les États-Unis en provenance du Royaume-Uni et, d’autre part, celle d’une incidence dans la durée sur le niveau des exportations de la moutarde préparée vers les États-Unis.

70
Ensuite, il y a lieu de noter que les requérants ne contestent pas les données figurant dans le rapport d’examen relatives aux exportations de moutarde préparée vers les États-Unis en provenance, d’une part, des États membres de la Communauté, à l’exclusion du Royaume-Uni, et, d’autre part, en provenance de ce dernier État. Par ailleurs, les requérants ne contestent pas non plus la méthode qui a été adoptée par le rapport d’examen dans le but de déterminer les effets commerciaux défavorables
causés par l’obstacle au commerce, tel que celui-ci a été identifié au point 1.4 du rapport d’examen et rappelé au point 55 ci‑dessus.

71
Cela étant, il résulte tant des données reprises dans le rapport d’examen que de l’analyse qui y a été effectuée que la conclusion à laquelle la Commission est parvenue au considérant 6 de la décision attaquée n’est pas manifestement erronée.

72
En effet, il y a lieu de constater que, entre la moyenne des exportations au cours des années 1996‑1998 et l’année 2000, la progression des exportations de moutarde préparée vers les États-Unis en provenance du Royaume-Uni, tant en valeur qu’en volume, a représenté une part et une proportion extrêmement faibles par rapport aux exportations de moutarde préparée en provenance des autres États membres de la Communauté. Dès lors, même à supposer que les exportateurs des États membres autres que
le Royaume-Uni aient eux-mêmes profité de cette progression dans l’hypothèse où les mesures de rétorsion américaines auraient été étendues à la moutarde préparée originaire du Royaume-Uni – ce qui n’a pas été démontré par les requérants –, ces exportateurs n’auraient pas pu bénéficier de plus grandes opportunités d’exportation.

73
Au demeurant, il ressort des éléments d’information utilisés par la Commission au cours de la procédure d’examen que les importateurs américains de moutarde préparée ont recherché des fournisseurs alternatifs établis en dehors de la Communauté, lesquels ont largement bénéficié de la suspension des concessions tarifaires par les autorités américaines à l’encontre de la moutarde préparée en provenance des États membres.

74
Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 10, paragraphe 5, du règlement nº 3286/94

Arguments des parties

75
À titre liminaire, les requérants relèvent que la version française de l’article 10, paragraphe 5, du règlement nº 3286/94 contient une erreur de ponctuation. Se référant à la « version corrigée » de cette disposition, les requérants sont d’avis que l’article 10, paragraphe 5, du règlement nº 3286/94 exige que la Commission tienne compte, dans son examen des effets commerciaux défavorables, des dispositions, principes ou pratiques qui régissent le droit d’engager une action au titre des
règles de commerce internationales applicables. Or, selon les requérants, bien que la Commission ait, au stade du rapport d’examen, apprécié la compatibilité des mesures américaines au regard des règles de l’OMC, elle n’a effectué aucune analyse comparable dans la décision attaquée, ce qui, en l’espèce, constitue une violation de l’article 10, paragraphe 5, du règlement nº 3286/94. Par ailleurs, de l’avis des requérants, la décision attaquée est également entachée d’un défaut de motivation,
dans la mesure où la Commission n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles l’analyse juridique de l’obstacle au commerce dénoncé, qu’elle a effectuée dans le rapport d’examen, ne figure pas dans la décision attaquée.

76
Sans contester le fait que la version française de l’article 10, paragraphe 5, du règlement nº 3286/94 contient l’erreur mise en exergue par les requérants, la Commission soutient que ce moyen est non fondé.

Appréciation du Tribunal

77
La version française de l’article 10, paragraphe 5, du règlement nº 3286/94 dispose que « [l]a Commission tient compte aussi, dans son examen, des éléments de preuve concernant les effets commerciaux défavorables, des dispositions, principes ou pratiques qui régissent le droit d’engager une action au titre des règles de commerce internationales applicables évoquées à l’article 2, paragraphe 1 ».

78
À cet égard, ainsi que les requérants l’ont justement soutenu dans leurs écritures, sans être contestés sur ce point par la Commission, cette version recèle une erreur de syntaxe en ce qu’elle comporte une virgule après le terme « examen ». En effet, tant la structure du paragraphe 5 de l’article 10 du règlement nº 3286/94, qui imposerait l’insertion de la conjonction de coordination « et » après l’adjectif « défavorables » si cette virgule était pertinente, que la place de ce paragraphe au
sein de l’article en cause, qui vise l’« examen des éléments de preuve », conduisent à considérer que la virgule qui figure après le terme « examen » n’a pas lieu d’être. De plus, les autres versions linguistiques de l’article 10, paragraphe 5, du règlement nº 3286/94 se réfèrent, dans cette logique, à l’ « examen des éléments de preuve concernant les effets commerciaux défavorables ».

79
Il y a donc lieu de lire l’article 10, paragraphe 5, du règlement nº 3286/94 de la manière suivante : « [l]a Commission tient compte aussi, dans son examen des éléments de preuve concernant les effets commerciaux défavorables, des dispositions, principes ou pratiques qui régissent le droit d’engager une action au titre des règles de commerce internationales applicables évoquées à l’article 2, paragraphe 1 ».

80
Toutefois, en soutenant que cette disposition obligeait la Commission, dans la décision attaquée, à analyser la compatibilité de l’obstacle au commerce dénoncé avec les dispositions des accords adoptés dans le cadre de l’OMC, les requérants procèdent à une interprétation erronée de l’article 10, paragraphe 5, du règlement n° 3286/94.

81
En effet, à la lumière de ce qui a été indiqué à titre liminaire au point 48 ci-dessus, dans la mesure où, en l’espèce, la Commission a constaté à juste titre que les éléments de preuve de type quantitatif analysés dans son rapport d’examen ne permettaient pas de conclure à l’existence d’effets commerciaux défavorables, au sens du règlement n° 3286/94, elle n’était pas tenue de prendre en considération les dispositions, principes ou pratiques qui régissent le droit d’engager une action au
titre des règles de commerce internationales.

82
Quant à la prétention d’un défaut de motivation entachant la décision attaquée, il y a lieu d’observer que, dès lors que la Commission a justement constaté l’absence d’effets commerciaux défavorables au sens du règlement n° 3286/94, elle n’avait ni à procéder à l’examen des éléments additionnels mentionnés à l’article 10, paragraphe 5, dudit règlement, ni à motiver la décision attaquée à cet égard.

83
Partant, le troisième moyen est rejeté.

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94

Arguments des parties

84
Les requérants soutiennent que la décision attaquée a confondu l’« intérêt de la Communauté », visé à l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94, avec l’intérêt de la plaignante. Or, de l’avis des requérants, une telle démarche est non seulement contraire à cette disposition, mais méconnaît également, en l’espèce, le fait que d’autres parties sont intervenues au cours de la procédure d’examen et que, dès l’annonce de l’ouverture de cette procédure, le 1^er août 2001, la Commission
avait reconnu l’intérêt de la Communauté à « s’attaquer aux pratiques américaines qui peuvent représenter une menace systémique au rôle de la Communauté dans l’OMC et affecter gravement la cohésion et la solidarité de la [Communauté], toute exclusion d’un État membre de la suspension de concessions commerciales entraînant inévitablement une charge accrue pour tous les autres ».

85
De plus, les requérants considèrent que les remarques formulées par la Commission au stade de la procédure devant le Tribunal, selon lesquelles l’analyse de l’intérêt de la plaignante est une condition préalable à celle de l’intérêt de la Communauté, sont en contradiction avec la décision attaquée, dans la mesure où, pour clore la procédure d’examen, la Commission s’est fondée sur l’absence d’intérêt de la Communauté et non sur l’absence d’intérêt de la plaignante. En tout état de cause, les
requérants estiment que la reconnaissance par la Commission, au stade de la procédure écrite, de la distinction entre l’intérêt de la plaignante et celui de la Communauté vient conforter leur prétention selon laquelle la décision attaquée a, en l’espèce, enfreint l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94.

86
La Commission relève que le règlement nº 3286/94 ne définit pas la notion d’« intérêt de la Communauté » et qu’elle dispose, à cet égard, d’un très large pouvoir d’appréciation. Il n’en demeure pas moins, selon elle, que, eu égard à l’économie générale du règlement nº 3286/94, cette notion joue un rôle bien précis qui est d’exclure qu’une action soit introduite pour le principe ou in abstracto. En d’autres termes, la Commission estime qu’un plaignant ne peut se prévaloir du règlement
nº 3286/94 pour inciter la Communauté à entreprendre une action de principe en défense de l’intérêt général de la Communauté, s’il n’a pas lui-même souffert d’effets commerciaux défavorables. Or, en l’espèce, la plaignante n’ayant pas souffert de tels effets au‑delà de ce que les mesures de rétorsion ont pu (légalement) créer, la condition préalable à l’examen de l’intérêt de la Communauté à entreprendre une action n’était pas remplie. Par ailleurs, les conclusions du rapport d’examen
montreraient clairement que les requérants n’auraient eu aucun intérêt à ce que les mesures américaines soient appliquées uniformément à l’égard de l’ensemble des États membres de la Communauté.

87
Dans sa duplique, la Commission précise également qu’elle a tenu compte de l’ensemble des intérêts en cause, y compris ceux des entreprises qui sont intervenues au cours de la procédure d’examen, ainsi qu’il ressort du rapport d’examen, dont la décision attaquée a pleinement respecté les conclusions. En tout état de cause, la sélectivité des mesures américaines toucherait principalement la moutarde préparée, puisque, dans le cas d’espèce, seul ce produit était exporté par le Royaume‑Uni, à
l’exclusion donc du roquefort, du foie gras et des échalotes.

88
En définitive, la Commission considère qu’elle a correctement estimé que, au regard des conclusions du rapport d’examen, il n’était pas dans l’intérêt de la Communauté de poursuivre la procédure.

Appréciation du Tribunal

– Remarques préliminaires

89
Il y a lieu de relever que le règlement nº 3286/94 ne donne aucune définition de la notion d’« intérêt de la Communauté », pas plus qu’il ne précise les règles qui régissent l’examen de cet intérêt. Plusieurs dispositions du règlement nº 3286/94 se réfèrent toutefois à cette notion.

90
Ainsi, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94, la Commission ouvre une procédure d’examen « [l]orsque, à l’issue des consultations, il [lui] apparaît […] qu’il existe des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une procédure d’examen et que cela serait nécessaire dans l’intérêt de la Communauté ».

91
De plus, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94, « [l]orsqu’il résulte de la procédure d’examen qu’aucune action n’est nécessaire dans l’intérêt de la Communauté, la clôture de la procédure est décidée selon l’article 14 ».

92
Par ailleurs, l’article 12, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94 énonce que, « [s]auf si la situation de fait ou de droit est telle qu’une procédure d’examen n’est pas exigée, lorsqu’il résulte de la procédure d’examen qu’une action est nécessaire dans l’intérêt de la Communauté pour assurer le plein exercice des droits conférés à la Communauté par les règles de droit international en vue de mettre fin […] aux effets commerciaux défavorables causés par des obstacles au commerce adoptés ou
maintenus par des pays tiers, les mesures appropriées sont décidées ».

93
Ces dispositions doivent être lues à la lumière du quinzième considérant du règlement nº 3286/94, selon lequel « il incombe à la Commission […] de n’agir face aux obstacles au commerce dressés par les pays tiers, dans le cadre des droits et obligations internationaux de la Communauté, que dans les cas où les intérêts de la Communauté exigent une intervention ; que, lors de l’évaluation de ces intérêts, la Commission […] doi[t] tenir compte des avis exprimés par toutes les parties intéressées
à la procédure ».

94
La question de savoir si l’intérêt de la Communauté nécessite une action suppose l’appréciation de situations économiques complexes, et le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 mars 1992,
Sharp Corporation/Conseil, C‑179/87, Rec. p. I‑1635, point 58, et arrêt du Tribunal du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil, T‑2/95, Rec. p. II-3939, point 292). Lorsque le juge communautaire est saisi d’un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission clôturant une procédure d’examen concernant des obstacles au commerce pour des motifs tenant à l’absence d’intérêt communautaire, en vertu du règlement nº 3286/94, l’étendue du contrôle juridictionnel
comprend aussi l’examen de l’absence d’erreurs de droit (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2003, Euroalliages e.a./Commission, T‑132/01, non encore publié au Recueil, point 49). Une telle limite au contrôle juridictionnel, valable dans le cadre de l’examen de mesures antidumping, s’applique a fortiori dans une procédure qui présente une portée beaucoup plus générale et qui peut aboutir, le cas échéant, à introduire une plainte internationale.

95
C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de vérifier si, comme le soutiennent les requérants, d’une part, l’intérêt de la Communauté à agir à l’encontre de l’obstacle au commerce dénoncé dans la plainte a déjà été définitivement examiné et constaté au stade de l’avis d’ouverture de la procédure d’examen et, d’autre part, la Commission a assimilé ou réduit l’intérêt de la Communauté à l’intérêt individuel de la plaignante, sans tenir compte de l’intérêt des autres parties
intéressées.

– Sur l’appréciation de l’intérêt de la Communauté au stade de l’avis d’ouverture de la procédure d’examen

96
Au point 6 de l’avis d’ouverture de la procédure d’examen, la Commission a indiqué :

« Il est de l’intérêt de la Communauté de s’attaquer aux pratiques américaines qui peuvent représenter une menace systémique au rôle de la Communauté dans l’OMC et affecter gravement la cohésion et la solidarité de la [Communauté], toute exclusion d’un État membre de la suspension de concessions commerciales entraînant inévitablement une charge accrue pour tous les autres. Il est donc considéré qu’il est dans l’intérêt de la Communauté d’ouvrir une procédure d’examen. »

97
D’une manière générale, il y a lieu de considérer que l’appréciation de l’intérêt de la Communauté, faite au stade de l’ouverture d’une procédure d’examen, présente, par nature, un caractère préparatoire. Elle ne peut ainsi être assimilée à l’appréciation qui doit être faite au stade ultérieur, c’est-à-dire à l’issue de la procédure d’examen, au moment de décider si une action est nécessaire dans l’intérêt de la Communauté.

98
En effet, une interprétation différente aurait pour conséquence que, dès lors que la Commission décide d’ouvrir une procédure d’examen, elle serait automatiquement tenue, au stade de la décision relative à une éventuelle action de la Communauté, de considérer cette action comme nécessaire, pour autant que les autres conditions légales d’application du règlement nº 3286/94 ─ à savoir l’existence d’un obstacle au commerce et l’existence d’effets commerciaux défavorables en résultant ─ sont
remplies, privant ainsi la Commission de sa marge d’appréciation.

99
En l’espèce, la formulation générale du point 6 de l’avis d’ouverture de la procédure d’examen ne pouvait être interprétée comme signifiant que la Commission avait abandonné tout droit de constater, à l’issue de la procédure d’examen, si l’intérêt de la Communauté nécessitait ou non une action dans l’affaire en cause. En effet, il suffit de constater que le point 6 de l’avis d’ouverture s’est limité à conclure qu’il était dans l’intérêt de la Communauté d’« ouvrir une procédure d’examen ».

100
Par conséquent, il convient de rejeter le premier argument des requérants.

– Sur l’assimilation ou la réduction de l’intérêt de la Communauté à l’intérêt individuel de la plaignante et l’absence de prise en considération des intérêts des autres parties intéressées

101
Le présent argument repose, en substance, sur les deux griefs suivants, à savoir, d’une part, celui de l’absence de prise en compte de l’intérêt des parties intéressées, autres que la plaignante, et, d’autre part, celui de l’assimilation ou de la réduction par la Commission de l’intérêt de la Communauté à celui de la plaignante.

102
S’agissant du premier grief, il convient de relever que la décision attaquée ne se réfère aucunement auxdites parties.

103
Cette circonstance ne saurait toutefois, en l’espèce, constituer une violation de l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94.

104
Ainsi qu’il ressort de la lecture combinée des points 91 et 93 ci-dessus, l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94, tel qu’interprété à la lumière du quinzième considérant dudit règlement, garantit que, lors de l’évaluation de l’intérêt de la Communauté dans le cadre de la procédure d’examen, les avis exprimés par toutes les parties intéressées à la procédure soient pris en compte. Il s’ensuit que l’appréciation de l’intérêt de la Communauté requiert la mise en balance des
intérêts des différentes parties intéressées et de l’intérêt général, en particulier dans le cadre de la procédure d’examen (voir, par analogie, Euroalliages e.a./Commission, précité).

105
En l’espèce, il est constant que, à la suite de la publication de l’avis d’ouverture de la procédure d’examen, les parties intéressées ont fait part à la Commission de leur intérêt à être associées à la procédure initiée par la plaignante à l’encontre de l’obstacle au commerce dénoncé par cette dernière, pour ce qui concerne leurs produits respectifs. À l’instar de l’analyse opérée pour les exportations de moutarde préparée à destination des États-Unis, le rapport d’examen a évalué, pour ce
qui concerne les produits des parties intéressées, si l’obstacle au commerce dénoncé par la plainte engendrait des effets commerciaux défavorables. À l’issue de cette évaluation, à l’instar des conclusions que le rapport d’examen a tirées de la situation de la plaignante, le rapport a indiqué que les mesures sélectives américaines n’étaient pas à l’origine des effets commerciaux dont souffraient les parties intéressées, lesquelles, de surcroît, n’étaient pas concurrencées sur le marché
américain par des exportations de produits en provenance du Royaume-Uni. Enfin, dans le cadre de l’analyse de l’intérêt de la Communauté, le rapport d’examen a indiqué, en son point 4, en particulier, que, « ainsi qu’il a été relevé précédemment, l’engagement d’une procédure devant les instances de l’OMC n’est pas susceptible d’éliminer ou de réduire les problèmes économiques auxquels font face les plaignants ». Bien que ce passage du point 4 du rapport d’examen désigne erronément toutes les
parties comme des plaignants, il indique que l’intérêt des parties intéressées à la procédure a été pris en compte lors de l’évaluation de l’intérêt de la Communauté, dans le cadre du rapport d’examen.

106
De plus, les requérants n’ont à aucun moment durant la procédure écrite allégué que les parties intéressées possédaient des intérêts différents de ceux de la plaignante qui n’auraient pas été pris en compte par la Commission dans le cadre de la procédure d’examen.

107
Interrogés sur ce point à l’audience par le Tribunal, les requérants ont indiqué que les parties intéressées ne possédaient aucun intérêt à demander que les mesures de rétorsion américaines soient étendues au Royaume-Uni, puisqu’il était clair que le roquefort, le foie gras et les échalotes n’étaient pas produits au Royaume-Uni, mais qu’elles possédaient, en revanche, un intérêt à ce que l’application sélective des mesures américaines soit dénoncée par la Communauté devant les instances de
l’OMC, ce qui, dans l’hypothèse d’une condamnation des États-Unis, impliquerait, selon les requérants, que leurs produits soient retirés de la liste approuvée par l’ORD. Or, il y a lieu de relever que, même à supposer qu’un tel intérêt soit différent de celui de la plaignante, la Commission a pris en considération une telle argumentation dans le cadre de son examen, en indiquant le caractère hypothétique de la possibilité évoquée par les requérants, en particulier en raison de la compétence
exclusive des autorités américaines quant à la détermination de la liste des produits soumis à la suspension des concessions tarifaires. Cet intérêt a donc bien été pris en compte par la Commission.

108
Dès lors, le fait que la décision attaquée ne mentionne pas les parties intéressées, autres que la plaignante, qui sont requérants dans la présente affaire, ne peut, en tant que tel, être interprété comme une méconnaissance de l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94, lu à la lumière du quinzième considérant de ce règlement.

109
Partant, il y a lieu de rejeter le grief relatif à l’absence de prise en compte de l’intérêt des parties intéressées, autres que la plaignante.

110
Quant au grief relatif à la prétendue assimilation de l’intérêt de la Communauté à celui de la plaignante, il convient tout d’abord de se référer aux considérants 6 et 7 de la décision attaquée.

111
Au considérant 6 de la décision attaquée, la Commission, après avoir indiqué que, « [e]n fait, l’enquête n’a pas démontré que l’application de la suspension des concessions [tarifaires] au Royaume-Uni permettrait au plaignant d’exporter davantage de moutarde préparée vers le marché américain », puis précisé que, « [e]n conséquence, aucun effet défavorable, au sens du règlement, ne peut être attribué à l’obstacle au commerce dénoncé par le plaignant », a conclu que, « [c]onformément à
l’article 11 [du règlement nº 3286/94], la procédure d’examen a donc démontré qu’aucune action spécifique à l’encontre de l’obstacle au commerce allégué n’était nécessaire dans l’intérêt de la Communauté ».

112
Aux termes du considérant 7 de la décision attaquée, la Commission a conclu que « [l]a procédure d’examen n’a pas fourni des éléments de preuve suffisants montrant que l’intérêt de la Communauté nécessitait une action spécifique dans le cadre du règlement » et qu’ « [i]l y a donc lieu de clore la procédure d’examen ».

113
L’utilisation de la conjonction de coordination « donc » à la dernière phrase du considérant 6 de la décision attaquée indique que, de l’avis de la Commission, l’absence d’une action nécessaire dans l’intérêt de la Communauté découle, au moins de manière indirecte, de la constatation selon laquelle la plaignante n’avait aucun intérêt à ce que la suspension des concessions tarifaires soit étendue au Royaume-Uni, dans la mesure où elle ne souffrait pas d’effets commerciaux défavorables ayant
pour origine l’application sélective des mesures américaines.

114
Il y a lieu de relever que la nécessité d’une démonstration préalable d’un intérêt de la plaignante pour qu’un intérêt de la Communauté puisse lui‑même exister a d’ailleurs été confirmée par la Commission dans ses écritures. En effet, cette dernière a défendu l’idée selon laquelle le règlement nº 3286/94 ne peut pas être utilisé par un plaignant pour inciter la Communauté à entreprendre une action de principe en défense de l’intérêt général de la Communauté, sans avoir lui-même souffert
d’effets commerciaux défavorables.

115
Par conséquent, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’argumentation développée par la Commission au stade de la procédure écrite devant le Tribunal n’est pas en contradiction avec les motifs de la décision attaquée.

116
Ensuite, il y a lieu de se référer aux passages pertinents du rapport d’examen. Au point 4 du rapport d’examen (intitulé « Intérêt de la Communauté »), la Commission a indiqué :

« Les résultats de l’enquête ont démontré qu’il n’existe pas d’effets commerciaux défavorables à l’égard de la plaignante causés par l’obstacle au commerce allégué dans cette affaire. Ces résultats privent déjà la procédure d’une condition de base pour poursuivre cette action plus en avant, en vertu du règlement. Néanmoins, la Commission a examiné s’il existe d’autres voies d’action que la Communauté pourrait adopter afin de répondre aux violations et effets commerciaux potentiels identifiés
dans ce rapport. »

117
Elle a ensuite rappelé :

« L’engagement d’une procédure devant les instances de l’OMC n’est pas susceptible d’éliminer ou de réduire les problèmes économiques auxquels font face les plaignants. En revanche, l’impact juridique et politique des pratiques américaines peut difficilement être sous-estimé. En effet, les États-Unis apparaissent avoir adopté la pratique des ‘sanctions sélectives’ comme une ‘arme’ commerciale dans le but d’affaiblir la cohésion interne de la Communauté et, par conséquent, influencer ses
relations avec son principal partenaire économique. Au final, la Commission est d’avis que les intérêts plus larges et à long terme de la Communauté exigeraient une action dont l’objectif serait d’éviter que la pratique américaine consistant à suspendre des concessions à l’égard de certains États membres, à l’exclusion d’autres (c’est-à-dire les ‘sanctions sélectives’), se produise à l’avenir. Dans cette perspective, la Commission poursuivra ses discussions en vue d’une solution mutuellement
satisfaisante pour ce qui concerne l’affaire dite des hormones et discutera avec les autorités américaines les problèmes de nature systémique soulevés dans le présent rapport. »

118
Au point 6 du rapport d’examen, intitulé « Voie d’action envisagée », la Commission, après avoir rappelé les trois conditions nécessaires pour l’engagement d’une action de la Communauté [c’est-à-dire a) qu’il existe un droit de la Communauté en vertu des règles qui régissent le commerce international, b) qu’il existe des effets commerciaux défavorables causés par l’obstacle au commerce allégué et c) que l’action soit nécessaire dans l’intérêt de la Communauté], a souligné que, « [s]ur le
fondement de l’analyse et des conclusions ci-dessus, en particulier en ce qui concerne l’absence d’effets commerciaux défavorables, il est proposé de clôturer la procédure d’examen dans cette affaire » et que « la manière la plus appropriée de traiter les problèmes auxquels fait face la plaignante serait de poursuivre les discussions avec les autorités américaines dans le but de trouver une solution mutuellement satisfaisante à l’affaire dite des hormones ».

119
Le Tribunal relève que la procédure d’examen n’a pas exclu un intérêt général et à long terme de la Communauté à agir à l’avenir contre les violations potentielles analysées dans le rapport d’examen ; en revanche, dans la mesure où l’engagement d’une procédure dans le cadre de l’OMC n’était pas susceptible d’éliminer ou de réduire les problèmes économiques auxquels faisaient face les plaignants, il a été proposé de clore la procédure d’examen, en raison, en particulier, de l’absence d’effets
commerciaux défavorables, au sens du règlement nº 3286/94.

120
Or, la Commission ne méconnaît pas l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94, lorsqu’elle exige que l’éventuelle action de la Communauté soit liée aux faits et raisons de droit à l’origine de la procédure d’examen et que, bien qu’en présence d’un intérêt général et à long terme à agir à l’avenir contre les violations potentielles qui peuvent découler de la pratique de « sanctions sélectives » adoptées par les États-Unis, telles qu’elles ont été identifiées dans le rapport d’examen,
la Commission décide de clore la procédure d’examen.

121
En effet, l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94 doit être lu à la lumière de son sixième considérant, aux termes duquel le mécanisme juridique instauré par le règlement nº 3286/94 doit « garanti[r] que la décision d’invoquer les droits de la Communauté dans le cadre des règles du commerce international est fondée sur des faits et une analyse juridique ». Par voie de conséquence, si, à l’issue d’une procédure d’examen, le cadre factuel et juridique à l’origine de ladite
procédure ne permet pas de fonder une éventuelle décision d’invoquer les droits de la Communauté, en particulier en raison de l’absence de l’une des conditions légales requises pour l’application du règlement nº 3286/94, en l’occurrence celle de l’absence d’effets commerciaux défavorables résultant de l’obstacle au commerce allégué, la Commission est habilitée à constater l’absence de réunion des conditions requises par le règlement n° 3286/94.

122
Cette interprétation est également confortée par l’article 12, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94. En effet, il y a lieu de rappeler que, selon cette disposition, « lorsqu’il résulte de la procédure d’examen qu’une action est nécessaire dans l’intérêt de la Communauté pour assurer le plein exercice des droits conférés à la Communauté par les règles de droit international en vue de mettre fin […] aux effets commerciaux défavorables causés par des obstacles au commerce adoptés ou maintenus
par des pays tiers, les mesures appropriées sont décidées ». Or, il ressort clairement du libellé de l’article 12, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94 que l’action de la Communauté doit avoir pour objet de faire cesser les effets commerciaux défavorables causés par un obstacle au commerce et que, partant, cette action ne peut être initiée si elle ne permet pas de répondre à cet objectif. En d’autres termes, en vertu de l’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 3286/94, le règlement ne
peut pas être invoqué par un plaignant pour inciter la Communauté à entreprendre une action en défense de l’intérêt général de la Communauté, s’il n’a pas lui-même souffert d’effets commerciaux défavorables. En tout état de cause, même dans cette hypothèse, il ne suffit pas de constater un tel effet commercial défavorable pour qu’une action, au sens du règlement n° 3286/94, doive être entamée par la Communauté, la Commission disposant d’un large pouvoir d’appréciation pour apprécier
l’ensemble des intérêts commerciaux de la Communauté.

123
En l’espèce, le fait que la Commission ait estimé utile, à titre surabondant, dans le cadre de la procédure d’examen, d’apprécier si un intérêt plus général et à long terme de la Communauté pouvait éventuellement exister ne saurait impliquer que la Commission soit contrainte de conclure qu’une action dans l’intérêt de la Communauté résulte de la procédure d’examen. En effet, une telle démarche découle notamment de l’exigence de répondre à tous les arguments soulevés par le plaignant et/ou
les parties intéressées et participe du respect du principe de bonne administration. Elle ne saurait toutefois être opposée à la Commission aux fins de faire constater que celle-ci a enfreint l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94.

124
Par conséquent, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la Commission n’a pas limité l’intérêt de la Communauté à celui de la plaignante, ni méconnu l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94.

125
Pour l’ensemble de ces raisons, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen dans son intégralité.

Sur le cinquième moyen, tiré du défaut de motivation de la décision attaquée

126
Ce moyen se divise en deux branches prises, d’une part, du défaut de motivation quant à l’analyse de l’obstacle au commerce et, d’autre part, du défaut de motivation quant à l’intérêt de la Communauté à engager une action.

Sur la première branche du cinquième moyen, prise du défaut de motivation quant à l’analyse de l’obstacle au commerce

– Arguments des parties

127
Les requérants estiment que la Commission a enfreint l’obligation de motivation qui découle de l’article 253 CE en ce qu’elle n’a pas procédé, dans la décision attaquée, à une analyse juridique de l’obstacle au commerce allégué dans la plainte.

128
La Commission rappelle les principes établis par la jurisprudence en matière de motivation des actes des institutions communautaires. En l’espèce, selon elle, la motivation de la décision attaquée répondrait à l’ensemble de ces exigences jurisprudentielles. En effet, en reprenant l’essentiel des conclusions du rapport d’examen, explicitement visé au considérant 6 de la décision attaquée, celle-ci aurait pleinement satisfait à l’obligation de motivation qui lui incombe, d’autant plus que le
rapport d’examen a été élaboré au terme d’une procédure contradictoire au cours de laquelle les requérants ont pu exprimer leurs points de vue. Les requérants auraient donc été en mesure de connaître les justifications de la mesure prise et le juge communautaire serait en mesure d’effectuer le contrôle.

– Appréciation du Tribunal

129
Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’autorité communautaire, auteur de l’acte incriminé, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d’exercer son contrôle (arrêts de la Cour du 26 juin 1986, Nicolet Instrument, 203/85, Rec. p. 2049, point 10 ; du 7 mai 1987, NTN Toyo
Bearing e.a./Conseil, 240/84, Rec. p. 1809, point 31 ; Nachi Fujikoshi/Conseil, 255/84, Rec. p. 1861, point 39, et du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C‑76/00 P, Rec. p. I‑79, point 81). De plus, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à
recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, notamment, arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France,
C‑367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63, et Petrotub et Republica/Conseil, précité, point 81). Par conséquent, si l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution, il serait inutile d’exiger une motivation spécifique pour chacun des choix techniques qu’elle a opérés (arrêt de la Cour du 29 février 1996, Commission/Conseil, C‑122/94, Rec. p. I‑881, point 29).

130
En l’espèce, il convient de relever que la Commission a, dans la décision attaquée, identifié, d’une part, l’obstacle au commerce dénoncé dans la plainte, lequel « était constitué par la décision prise par les États-Unis d’Amérique à la suite de ‘l’affaire des hormones’ de suspendre les concessions commerciales appliquées à la moutarde préparée, mais uniquement à l’encontre des exportations originaires de certains États membres (Royaume-Uni exclu) » (considérant 3 de la décision attaquée).
D’autre part, au considérant 6 de la décision attaquée, la Commission a relevé que « [l]a procédure d’examen a conduit à la conclusion qu’il n’apparaissait pas que les effets commerciaux prétendument défavorables résultaient de l’obstacle au commerce cité dans la plainte, à savoir la suppression de concessions par les États-Unis, de manière sélective, à l’encontre de certains États membres seulement (‘sanction sélective’) ».

131
Or, compte tenu du contexte dans lequel s’inscrit la présente affaire, de telles indications satisfont aux exigences de l’article 253 CE.

132
En effet, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94 prévoit que, « [l]orsqu’il résulte de la procédure d’examen qu’aucune action n’est nécessaire […], la clôture de la procédure est décidée ». Il ressort de cette disposition qu’une décision clôturant une procédure d’examen peut limiter sa motivation au rappel des principales conclusions issues du rapport d’examen en renvoyant à celui-ci, sans qu’il soit nécessaire, compte tenu du contexte
dans lequel s’inscrit cette décision, qu’elle reprenne l’ensemble des éléments de fait et de droit développés dans ce rapport.

133
Il convient, ensuite, de rappeler que le rapport d’examen est, dans sa version non confidentielle, un document public et que, en l’espèce, il a été transmis aux requérants préalablement à l’adoption de la décision attaquée. Ces derniers pouvaient donc connaître à suffisance les justifications de la décision attaquée et, notamment, les raisons pour lesquelles, bien que le rapport d’examen eût mis en exergue certains indices de l’incompatibilité de l’obstacle au commerce dénoncé par la
plaignante au regard des règles des accords adoptés dans le cadre de l’OMC, l’analyse juridique de l’obstacle au commerce, dans la décision attaquée, n’était pas nécessaire, du fait de l’absence de lien de causalité entre cet obstacle et les effets commerciaux défavorables, au sens du règlement nº 3286/94.

134
Enfin, l’examen des premier et deuxième moyens auquel le Tribunal a procédé, respectivement, aux points 48 à 58 et 64 à 74 ci-dessus a fait ressortir que l’exercice du contrôle juridictionnel n’a pas été entravé.

135
Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du cinquième moyen.

Sur la seconde branche du cinquième moyen, prise du défaut de motivation quant à l’intérêt de la Communauté à engager une action

– Arguments des parties

136
En premier lieu, de l’avis des requérants, la Commission ayant uniquement arrêté sa position quant à l’intérêt de la Communauté en référence aux intérêts de la plaignante, la décision attaquée ne permet ni aux parties intéressées étant intervenues au cours de la procédure d’examen, qui sont elles-mêmes parties requérantes dans la présente affaire, de connaître les raisons de l’adoption de la décision attaquée, ni au juge d’exercer son contrôle juridictionnel.

137
En second lieu, les requérants considèrent que la Commission n’a pas répondu à l’ensemble des arguments soulevés dans la plainte quant à l’intérêt de la Communauté à engager une action. Premièrement, les requérants font remarquer que la décision attaquée est silencieuse à propos de l’intérêt de la Communauté, mentionné dans le rapport d’examen, qui serait d’éviter que les États-Unis portent atteinte à l’unité de la politique commerciale commune, en pratiquant des sanctions « sélectives »,
uniquement applicables à un certain nombre d’États membres. Deuxièmement, les requérants soulignent que la plainte indiquait qu’il ne pouvait être exclu que, à la suite d’une action de la Communauté, les États‑Unis, en étendant leurs mesures de rétorsion à l’ensemble des États membres de la Communauté, retirent la moutarde préparée de la liste des produits faisant l’objet desdites mesures. En effet, selon eux, dans la mesure où la suspension des concessions tarifaires ne pouvait dépasser le
montant de 116,8 millions de USD par an, les États-Unis auraient été obligés de retirer certains produits de la liste dont, le cas échéant, la moutarde préparée. Or, si les requérants admettent que ce point a été abordé dans le rapport d’examen, ils relèvent toutefois que la décision attaquée le passe sous silence, ce qui, à leur avis, constitue un défaut de motivation. Troisièmement, les requérants font grief à la Commission de ne pas avoir répondu, dans la décision attaquée, à l’argument,
soulevé dans la plainte, selon lequel la Communauté avait tout autant intérêt à engager une procédure dans la présente affaire qu’elle en avait à engager des consultations avec les États-Unis dans le cadre de l’application de l’article 306 de la loi américaine de 1974 sur le commerce extérieur. Enfin, quatrièmement, les requérants reprochent à la Commission de ne pas avoir, dans la décision attaquée, répondu à l’argument, pourtant abordé par le rapport d’examen, selon lequel une condamnation
des États-Unis à l’OMC leur permettrait de demander le remboursement des droits de douane indûment perçus.

138
La Commission renvoie pour l’ensemble de ces griefs à ses arguments développés dans le cadre de la première branche du présent moyen.

– Appréciation du Tribunal

139
Ainsi qu’il a été rappelé au point 129 ci-dessus, il n’est pas exigé que la motivation d’une décision spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, pour autant qu’elle permet aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d’exercer son contrôle, compte tenu, en particulier, du contexte juridique et factuel dans lequel s’inscrit cette décision.

140
S’agissant du premier argument des requérants, selon lequel la décision attaquée ne permettrait pas aux parties intéressées intervenues au cours de la procédure d’examen de connaître les raisons de la clôture de la procédure, le Tribunal considère qu’il doit être rejeté.

141
Certes, il convient de relever que la Commission a effectivement arrêté la décision attaquée uniquement en référence à la moutarde préparée.

142
Toutefois, dans le contexte dans lequel s’inscrit cette décision, une telle circonstance n’a pas empêché tous les requérants de connaître les raisons pour lesquelles la Commission a décidé de clôturer la procédure d’examen à laquelle les parties intéressées ont été associées. En effet, il ressort clairement du rapport d’examen, qui a été communiqué aux requérants préalablement à l’adoption de la décision attaquée, que les conclusions de ce rapport s’appliquaient au moins tout autant à leurs
produits qu’à ceux de la plaignante. Au demeurant, l’examen a mis en exergue que les produits des parties intéressées ne subissaient aucune concurrence de produits identiques en provenance du Royaume-Uni sur le marché américain, puisque ces produits n’y étaient pas exportés et que, dès lors, l’obstacle au commerce dénoncé ne leur causait aucun effet commercial défavorable, au sens du règlement nº 3286/94.

143
Enfin, si la Commission aurait dû, dans le respect du principe de bonne administration, préciser plus clairement le statut des organisations autres que la plaignante qui sont intervenues durant la procédure d’examen, l’absence d’une référence aux produits de ces dernières dans les motifs de la décision attaquée n’entrave toutefois pas l’exercice du contrôle juridictionnel du Tribunal, compte tenu du contexte dans lequel s’inscrit cette décision.

144
Pour ce qui concerne le second argument et les trois derniers griefs qui sont développés au point 137 ci-dessus, il convient de préciser que les requérants admettent que le rapport d’examen a analysé et rejeté l’ensemble des griefs qu’ils invoquent. Or, du point de vue de la motivation, le Tribunal considère que la Commission n’avait pas à se prononcer, dans les motifs de la décision attaquée, sur tous les éléments de fait et de droit soulevés par les requérants, pas plus que sur tous les
choix techniques que la Commission a opérés pour autant que l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution ressort clairement de la décision attaquée. Le silence de la décision attaquée sur les trois derniers griefs invoqués par les requérants pouvait donc se comprendre, dans le contexte du cas d’espèce, comme une confirmation de la position exprimée dans le rapport d’examen, lequel a été communiqué aux requérants préalablement à l’adoption de la décision attaquée et auquel celle-ci a
fait explicitement référence. De plus, l’absence de référence dans les motifs de la décision attaquée aux considérations hypothétiques à l’origine des trois griefs soulevés par les requérants n’entrave pas le contrôle de la légalité de la décision attaquée. Il convient donc de rejeter ces trois griefs.

145
Quant au grief pris de l’absence de motivation de la décision attaquée à propos de l’intérêt systémique que la Communauté aurait de défendre l’unité de la politique commerciale commune, il y a également lieu de l’écarter. En effet, il ressort du rapport d’examen que, ainsi qu’il a été souligné dans le cadre de l’examen du quatrième moyen ci-dessus, si l’unité de la politique commerciale commune a certes été considérée comme constituant un intérêt général et à long terme de la Communauté, une
action de la Communauté n’a pas été, en l’espèce, considérée comme nécessaire pour ce motif, notamment en raison de l’absence d’une des conditions légales d’application du règlement nº 3286/94. Par conséquent, dans le contexte de la présente affaire, les requérants ont pu connaître les raisons pour lesquelles l’action de la Communauté ne pouvait être envisagée en l’espèce et la motivation de la décision attaquée, bien que laconique, satisfait également à l’exigence de la possibilité du
contrôle juridictionnel.

146
Dans ces conditions, la seconde branche du présent moyen doit être rejetée ainsi que le cinquième moyen dans son intégralité.

Sur le sixième moyen, tiré d’erreurs manifestes dans l’appréciation des faits et de la violation de l’article 2, paragraphe 4, et de l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94

147
Le présent moyen se divise en deux branches. La première branche est prise d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission quant au retrait éventuel des produits des requérants de la liste des marchandises soumises à la surtaxe douanière américaine. La seconde branche est prise d’une erreur manifeste d’appréciation relative à la restitution de la surtaxe douanière indûment payée.

Sur la première branche du sixième moyen, prise d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission quant au retrait éventuel des produits des requérants de la liste des marchandises soumises à la surtaxe douanière américaine

– Arguments des parties

148
Les requérants précisent que, si le Tribunal devait écarter leur deuxième grief soulevé dans le cadre de la seconde branche du cinquième moyen, tiré du défaut de motivation, il y aurait lieu, en tout état de cause, de considérer que la Commission a, dans son rapport d’examen, commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits et violé l’article 2, paragraphe 4, et l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94.

149
Selon les requérants, il est évident que, si le Royaume-Uni avait été inclus dans la liste des États soumis à la suspension des concessions tarifaires américaines, de « petits » produits en provenance des autres États membres, tels ceux des requérants, auraient été susceptibles d’être exclus du champ d’application des mesures américaines, en raison de la limite maximale du montant de la suspension des concessions tarifaires, fixée par la décision arbitrale des instances de l’OMC. La
pertinence d’une telle approche aurait d’ailleurs été reconnue par la Commission elle-même dans son avis d’ouverture de la procédure d’examen. La Commission aurait donc dû analyser davantage la possibilité que les produits des requérants soient exclus de la liste établie par les autorités américaines. Les requérants estiment que l’incertitude quant au succès d’un règlement des différends ne doit pas empêcher une action de la Communauté dès lors qu’elle en aurait la possibilité. Or, tel
serait le cas en l’espèce.

150
La Commission, tout en estimant avoir déjà répondu à ce moyen dans ses observations relatives aux moyens précédents, souligne toutefois que la décision attaquée n’a, à aucun moment, dépassé les limites inhérentes à l’exercice de sa compétence discrétionnaire, telle que celle-ci est reconnue par la jurisprudence, quant au choix des moyens nécessaires pour la réalisation de la politique commerciale commune et dans l’examen de situations économiques revêtant un caractère complexe.

151
En l’espèce, la Commission considère qu’elle n’a commis aucune erreur manifeste dans l’appréciation des faits, tels qu’ils sont décrits dans le rapport d’examen, tant en ce qui concerne l’absence d’effets commerciaux défavorables qu’en ce qui concerne l’absence d’un intérêt de la Communauté à poursuivre la procédure. Cela s’appliquerait, en particulier, aux spéculations des requérants quant au retrait de la moutarde préparée de la liste des mesures américaines.

– Appréciation du Tribunal

152
Il y a lieu de rappeler tout d’abord que, après avoir conclu à l’absence de lien de causalité entre l’obstacle au commerce dénoncé dans la plainte de la FICF et les effets commerciaux défavorables, la Commission a, dans le rapport d’examen, examiné l’argument soulevé dans la plainte selon lequel, dans l’hypothèse où la Communauté obtiendrait gain de cause devant les instances de l’OMC, la suspension des concessions tarifaires par les États-Unis devrait être étendue au Royaume-Uni, ce qui les
conduirait inévitablement à modifier la liste des produits visés puisque, autrement, le montant total de la suspension dépasserait le montant autorisé par l’ORD (116,8 millions de USD). Selon les requérants, la moutarde préparée ainsi que les autres produits soumis à la procédure d’examen pourraient donc être exclus de la liste des produits soumise par les autorités américaines à l’ORD.

153
Ensuite, il convient de relever que la Commission a, dans le rapport d’examen (point 2.5, p. 32), répondu à cet argument de la manière suivante :

« Cependant, tout d’abord, le résultat d’une affaire portée devant les instances de l’OMC serait loin d’être certain, en raison de l’absence de précédents sur les questions en cause. De plus, la composition de la liste de produits sur lesquels une surtaxe douanière de 100 % est appliquée relève de la responsabilité des autorités américaines. Il n’existe aucune garantie (cela pourrait même être considéré comme hautement improbable) que les autorités américaines élimineraient de la liste les
produits du plaignant. En outre, étendre la mesure au roquefort, au foie gras ou aux échalotes en provenance du Royaume-Uni n’aurait aucun effet sur le statu quo puisque ces produits ne sont pas exportés par le Royaume-Uni. »

154
Le Tribunal considère que l’analyse développée dans le rapport d’examen, afin de répondre à l’argument soulevé par la plaignante et les parties intéressées, n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

155
Tout d’abord, ainsi que le rapport d’examen l’a mis en exergue et comme la Commission l’a rappelé à l’audience, à supposer que la Communauté ait engagé avec succès une action devant les instances de l’OMC, la modification éventuelle de la liste des produits soumis à la suspension des concessions tarifaires qu’effectueraient les États-Unis relèverait de la compétence des autorités américaines. À cet égard, il y a lieu de noter que, dans la décision arbitrale du 12 juillet 1999 (WT/DS26/ARB),
évoquée au point 17 ci-dessus et confirmée par l’ORD, les arbitres ont clairement indiqué que, sur le fondement des dispositions de l’article 22 du mémorandum d’accord, ils n’avaient pas compétence pour déterminer la liste définitive des produits qui peut être soumise à la suspension des concessions tarifaires. Or, les requérants n’ont ni invoqué ni a fortiori démontré que la Communauté pouvait avoir une telle compétence.

156
Ensuite, le Tribunal relève que l’inclusion sur la liste américaine des produits originaires du Royaume-Uni ne signifierait aucunement que les produits des requérants auraient été retirés de cette même liste. En effet, il est tout aussi possible et raisonnable d’imaginer que d’autres produits ou sous-produits de la nomenclature tarifaire puissent être retirés de la liste, tout en respectant le montant maximal de 116,8 millions de USD, autorisé par l’ORD.

157
Enfin, il convient de constater que les requérants n’avancent aucun élément de preuve permettant d’étayer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, mais reprochent uniquement à la Commission de ne pas avoir envisagé un possible retrait de leurs produits. Outre que cette prétention n’est pas exacte, puisque le rapport d’examen a répondu au grief soulevé dans la plainte de la FICF, tout en le rejetant, l’analyse faite dans le rapport d’examen ne saurait, en tout état de cause,
constituer une erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission, compte tenu du caractère hypothétique de la situation envisagée par les requérants.

158
Par conséquent, il y a lieu de rejeter la première branche du présent moyen.

Sur la seconde branche du sixième moyen, prise d’une erreur manifeste d’appréciation relative à la restitution de la surtaxe douanière indûment payée

– Arguments des parties

159
Quant à la possibilité de réclamer la restitution des droits de douane perçus par les autorités américaines jusqu’au moment d’une éventuelle condamnation des États-Unis à l’OMC, les requérants s’étonnent tout d’abord que la Commission, en écartant cet argument invoqué dans la plainte au motif que la législation américaine n’accorderait pas d’effet direct aux accords de l’OMC et exclurait les recours des particuliers fondés sur ces accords, ait pris position sur l’interprétation d’une
législation étrangère, ce qui excéderait ses compétences. Ensuite, les requérants estiment que la législation américaine n’empêcherait pas les particuliers d’introduire des demandes administratives visant à obtenir le remboursement de droits de douane indûment perçus. Les requérants invoquent à cet égard le rapport du groupe spécial du 15 juillet 2002 relatif à l’article 129 C), sous 1), de la loi américaine sur les accords du cycle d’Uruguay (Uruguay Round Agreements Act), qui confirmerait
que les autorités américaines peuvent tenir compte des recommandations rendues par les instances de l’OMC. Par conséquent, les requérants considèrent que, contrairement à ce que la Commission a conclu dans son rapport d’examen, un remboursement des droits de douane perçus par les autorités américaines serait possible.

160
La Commission renvoie, en substance, à sa position développée à propos de la première branche du présent moyen.

– Appréciation du Tribunal

161
Il convient de relever que la prémisse sur laquelle cette branche s’appuie repose sur l’hypothèse selon laquelle, à la suite d’une éventuelle décision des instances de l’OMC donnant gain de cause à la Communauté, les États‑Unis étendraient la suspension des concessions tarifaires à l’ensemble des États membres, ce qui entraînerait le retrait des produits des requérants de la liste américaine, ce retrait ayant lui-même pour conséquence que les requérants pourraient demander la restitution de
la surtaxe douanière payée jusque-là aux autorités américaines.

162
Or, dans la mesure où cette hypothèse est subordonnée à celle qui a été écartée par le Tribunal dans la première branche du présent moyen, elle est dépourvue de tout fondement.

163
De surcroît, sans qu’il soit besoin de trancher la question de l’interprétation de la législation et de la pratique américaines effectuée par la Commission, il convient de relever que le rapport d’examen a également écarté la thèse de la plaignante et des parties intéressées au motif que le règlement des différends de l’OMC repose sur le principe de la mise en conformité ex nunc avec les règles du GATT de 1994, lequel découle de l’article 19, paragraphe 1, du mémorandum d’accord. Cette
appréciation n’étant pas contestée par les requérants, il y a donc lieu de conclure que, à supposer qu’une erreur d’appréciation doive être constatée quant à la possibilité de demander le remboursement de droits de douane indûment perçus, cette erreur n’aurait, en tout état de cause, pas porté atteinte à la légalité de la décision attaquée. En effet, d’une part, cette erreur n’affecterait pas l’absence de lien de causalité entre l’obstacle au commerce dénoncé et les effets commerciaux
défavorables qui a été constatée par la décision attaquée ; d’autre part, elle ne porterait pas atteinte à l’appréciation de l’éventuel intérêt de la Communauté d’engager une action dans le cadre de l’OMC, une telle action n’ayant pas pour objet et ne pouvant avoir pour effet le remboursement rétroactif des droits de douane versés aux autorités d’un État tiers par des entreprises communautaires dont les produits sont soumis à une mesure de suspension de concessions tarifaires par cet État.

164
Partant, il y a lieu de rejeter la seconde branche du sixième moyen ainsi que ce moyen dans son intégralité.

Sur le septième moyen, tiré de la violation des droits de la défense

Arguments des parties

165
Dans le cadre de ce moyen, les requérants font grief à la Commission de ne pas leur avoir permis de faire valoir leur point de vue quant aux éléments factuels et juridiques contenus dans le rapport d’examen, préalablement à l’adoption de la décision attaquée.

166
En l’espèce, les requérants rappellent que la Commission leur a transmis le rapport d’examen, tout en leur indiquant que la décision attaquée serait adoptée prochainement. Selon les requérants, cette position laissait entendre que, dès la transmission du rapport d’examen, la décision attaquée était déjà arrêtée et que, dès lors, la Commission ne leur laisserait aucune possibilité de faire valoir leur point de vue sur les éléments contenus dans ledit rapport. Cette position aurait été
confirmée par la Commission dans sa lettre du 4 juin 2002 adressée au conseil des requérants. Or, bien que les requérants admettent, d’une part, que la plaignante a été informée du résultat de la procédure d’examen et, d’autre part, qu’aucune disposition du règlement nº 3286/94 ne prévoit la transmission d’informations aux autres parties intéressées après la fin de la procédure d’examen, ils considèrent toutefois que, en vertu du principe fondamental du respect des droits de la défense, tel
qu’il a notamment été consacré dans le cadre du contentieux de l’antidumping, la Commission aurait dû leur permettre de répondre aux arguments avancés dans le rapport d’examen. Le fait que les requérants ont entretenu des « contacts » avec les services de la Commission ne remet pas en cause cette conclusion, puisque les requérants soutiennent que, à aucun moment avant l’adoption du rapport d’examen, ils n’ont pu connaître avec précision le fondement factuel et juridique de la position de la
Commission.

167
La Commission rétorque que l’ensemble de ces arguments est dépourvu de pertinence. En effet, selon elle, les obligations découlant de l’article 8 du règlement nº 3286/94 ont été parfaitement respectées en l’espèce. Si les requérants ont eu la possibilité de présenter leurs observations pendant la procédure d’examen, le fait que, comme l’indiquent les requérants, ils n’aient pas pu user d’un « droit de réponse » avant l’adoption de la décision attaquée découle de l’application des
dispositions de l’article 8 du règlement nº 3286/94.

168
De plus, se référant à la jurisprudence développée dans le cadre en matière d’antidumping, la Commission précise qu’il importe que les entreprises concernées puissent faire connaître leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances alléguées, ainsi que sur les éléments de preuve retenus. Or, en transposant cette jurisprudence au cas d’espèce, la Commission estime qu’elle a respecté les droits de la défense des requérants. D’ailleurs, contrairement à ce que
prétendent les requérants, la plaignante aurait eu tout le temps de communiquer ses observations entre la date à laquelle le rapport d’examen lui a été transmis, le 23 avril 2002, et la date à laquelle la décision attaquée a été adoptée, le 9 juillet 2002.

169
En outre, la Commission relève que les requérants n’ont pas excipé de l’illégalité de l’article 8 du règlement nº 3286/94, motif pris de la violation du principe fondamental des droits de la défense.

Appréciation du Tribunal

170
Il convient tout d’abord de rappeler que le principe du respect des droits de la défense est un principe fondamental du droit communautaire (voir, notamment, arrêts de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission, 85/87, Rec. p. 3137, point 25 ; du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil, C‑49/88, Rec. p. I-3187, point 15, et arrêt du Tribunal du 18 décembre 1997, Ajinomoto et NutraSweet/Conseil, T‑159/94 et T‑160/94, Rec. p. II-2461, point 81).

171
Par ailleurs, dans l’économie générale du règlement nº 3286/94, une procédure d’examen et l’éventuelle action dans l’intérêt de la Communauté adoptée à son issue ne sont dirigées qu’à l’encontre d’un pays tiers ayant adopté ou maintenu un obstacle au commerce. Une entreprise plaignante au titre du règlement nº 3286/94 ne saurait donc se prévaloir du respect des droits de la défense que dans les conditions spécifiées par ce règlement, à moins que lesdites conditions soient elles‑mêmes
considérées comme attentatoires au principe général qu’elles entendent préciser.

172
À cet égard, il importe de relever que l’article 8, paragraphe 4, sous a), du règlement nº 3286/94 dispose que « [l]es plaignants, les exportateurs et les importateurs concernés ainsi que les représentants du ou des pays concernés peuvent prendre connaissance de tous les renseignements fournis à la Commission, à l’exception des documents à usage interne de la Commission et des administrations, pour autant que ces renseignements soient pertinents pour la défense de leurs intérêts, qu’ils ne
soient pas confidentiels au sens de l’article 9 et qu’ils soient utilisés par la Commission dans sa procédure d’examen », et que « [l]es personnes concernées adressent par écrit à la Commission une demande motivée en indiquant les renseignements souhaités ». De plus, le même paragraphe, sous b), indique que « [l]es plaignants, les exportateurs et importateurs concernés et les représentants du ou des pays concernés peuvent demander à être informés des principaux faits et considérations
résultant de la procédure d’examen . L’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94 impose à la Commission, au terme de son examen, de soumettre un rapport au comité visé à l’article 7 du règlement.

173
Il résulte de ces dispositions que le règlement nº 3286/94 accorde aux plaignants, aux exportateurs, aux importateurs concernés ainsi qu’aux représentants du ou des pays concernés un droit à l’information, soumis aux conditions précisées à son article 8, paragraphe 4, sous a) et b), qui doit notamment se concilier avec l’obligation des institutions communautaires de respecter le secret des affaires. Ces mêmes personnes peuvent demander à être informées des principaux faits et considérations
résultant de la procédure d’examen.

174
En l’espèce, il est constant que la version non confidentielle du rapport d’examen a été transmise aux requérants après l’avis du comité consultatif et préalablement à l’adoption de la décision attaquée. À cette occasion, les requérants auraient pu faire valoir leurs points de vue. Toutefois, les requérants ont considéré que, dans la mesure où la Commission leur a annoncé concomitamment que la décision attaquée serait adoptée prochainement, la position de la Commission était déjà fixée au
moment de la transmission dudit rapport. Ils en ont donc déduit que leurs observations éventuelles n’auraient aucune influence sur la position de l’institution. Il s’ensuit que, en substance, les requérants soutiennent que la Commission aurait dû leur transmettre le projet de rapport d’examen afin de pouvoir utilement formuler des observations avant sa transmission au comité consultatif ou, à tout le moins, les informer d’office des principaux faits et considérations résultant de la
procédure d’examen.

175
Cependant, le Tribunal constate qu’aucune disposition du règlement nº 3286/94 n’impose à la Commission de transmettre aux personnes visées à l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement le projet de rapport d’examen avant sa soumission au comité consultatif, afin que lesdites personnes puissent faire part de leurs éventuelles observations à l’institution, ni d’informer ces personnes d’office des principaux faits et considérations résultant de la procédure d’examen.

176
Au contraire, il y a lieu de rappeler que l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement nº 3286/94 oblige les personnes visées à cette disposition de formuler une demande d’information à la Commission. S’agissant des renseignements utilisés dans la procédure d’examen [visés sous a)], cette demande doit être adressée par écrit à la Commission et doit être motivée en indiquant les renseignements souhaités. Dans l’hypothèse où la demande vise les principaux faits et considérations
résultant de la procédure d’examen [visés sous b)], le règlement n’impose aucune forme et aucune condition particulières auxquelles cette demande doit répondre.

177
Or, en l’espèce, les requérants n’ont jamais prétendu avoir adressé à la Commission une demande d’information, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 3286/94, avant l’adoption du rapport d’examen. De plus, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, les requérants n’ont pas excipé de l’illégalité des dispositions de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 3286/94.

178
Il y a également lieu de relever que les requérants ont admis dans leurs écritures avoir été tenus informés de l’évolution et de l’orientation de la procédure d’examen, avoir pu donner leur opinion oralement quant à l’issue de celle-ci et avoir été informés, avant l’adoption du rapport d’examen, que la Commission considérait qu’il n’existait pas d’effet commercial défavorable, au sens du règlement nº 3286/94, dans le cas d’espèce. Force est, par conséquent, de constater que les requérants
ont été mis en mesure de faire valoir leur point de vue sur l’évolution et l’orientation de la procédure d’examen et, à tout le moins, sur un de ses éléments fondamentaux et de défendre leurs intérêts. Certes, dans le cadre de leur recours, les requérants ont soutenu que ces informations étaient trop générales pour satisfaire au respect de leurs droits procéduraux. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants aient, avant la fin de la procédure d’examen, demandé à la
Commission de préciser ces informations, le cas échéant, par écrit, notamment pour ce qui concernait les principaux faits et considérations, y compris juridiques, qui résultaient de la procédure d’examen, conformément à l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 3286/94. À cette occasion, la Commission étant soumise à l’obligation de répondre avec diligence à cette demande d’information, les requérants auraient été en mesure de faire valoir utilement leurs points de vue sur les éléments
contenus dans la réponse de la Commission. Dans la mesure où les requérants n’ont jamais prétendu avoir formulé une telle demande, ces derniers ne peuvent reprocher à la Commission dans le cadre du présent recours de ne pas leur avoir permis de présenter leurs observations sur les éléments factuels et juridiques qui résultaient de la procédure d’examen. Au demeurant, le fait que le droit d’être informé des principaux faits et considérations qui résultent de la procédure d’examen est
subordonné à la condition ─ et à la seule condition ─ que les requérants en formulent la demande auprès de la Commission n’est pas, en tant que tel, attentatoire à la défense de leurs intérêts, cette demande n’étant, de surcroît, soumise à aucune forme particulière.

179
En outre, il ressort du rapport d’examen que la Commission a examiné les différents arguments présentés dans la plainte et y a répondu. Elle a également examiné la situation des autres produits que la moutarde préparée, prétendument affectés de la même manière par les mesures américaines, à la suite de la participation des organisations intéressées à la procédure d’examen, lesquelles, ainsi qu’il ressort du rapport d’examen et sans que cela ait été contesté par les requérants, ont collaboré
à cette procédure.

180
Pour l’ensemble de ces raisons, il convient de rejeter le septième moyen.

Sur le huitième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94 et du manquement au devoir de diligence de la Commission

181
Ce moyen se fonde sur deux branches. La première branche est prise de la violation du délai prévu à l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94. La seconde branche est tirée du manquement au devoir de diligence de la Commission quant au délai écoulé entre la fin de la procédure de consultation du comité visé à l’article 7 du règlement nº 3286/94 et l’adoption de la décision attaquée.

Sur la première branche du huitième moyen, prise de la violation du délai prévu à l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94

– Arguments des parties

182
Les requérants rappellent que, aux termes de l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94, la Commission devrait normalement transmettre son rapport d’examen au comité visé à l’article 7 du même règlement dans un délai de cinq mois après l’avis d’ouverture de la procédure, à moins que la complexité de l’examen ne la conduise à porter ce délai à sept mois. Selon les requérants, le délai de sept mois ne souffre d’aucune dérogation et son existence vise à garantir aux entreprises
plaignantes une réponse rapide quant à l’issue du dossier soumis à la Commission. Or, dans la mesure où, en l’espèce, la Commission a effectivement considéré que la complexité de l’examen nécessitait de porter le délai à sept mois et que le comité n’a reçu le rapport d’examen que le 27 mars 2002, soit sept mois et vingt-sept jours après l’avis d’ouverture de la procédure, les requérants considèrent que la Commission a violé l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94.

183
La Commission considère que le délai pour clore la procédure n’est pas déraisonnable, eu égard à la complexité du domaine dans lequel la décision attaquée est intervenue et compte tenu de son souci d’examiner tous les arguments des différents intervenants avant de clore la procédure. La Commission rappelle également qu’elle a conduit la procédure en cause dans un esprit de coopération loyale, en tenant informé l’ensemble des parties concernées.

– Appréciation du Tribunal

184
À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94 dispose :

« Au terme de son examen, la Commission soumet au comité un rapport. Ce rapport devrait normalement être présenté dans les cinq mois après l’avis d’ouverture, à moins que la complexité de l’examen ne conduise la Commission à porter ce délai à sept mois. »

185
En l’espèce, les requérants ne contestent pas que l’examen auquel la Commission a procédé était complexe et nécessitait de porter le délai à sept mois. Il est tout aussi constant que le rapport d’examen a été transmis au comité visé à l’article 7 du règlement nº 3286/94 sept mois et vingt-sept jours après l’avis d’ouverture de la procédure d’examen. Le délai de sept mois prévu par l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94 a donc été dépassé.

186
Toutefois, il y a lieu de vérifier si un tel dépassement du délai prévu par l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94 est susceptible d’entraîner l’annulation de la décision attaquée.

187
Il convient tout d’abord de préciser que, alors que le dépassement d’un délai de nature impérative entraîne la nullité de tout acte adopté hors délai, le dépassement d’un délai de nature purement indicative ne saurait, en principe, entraîner l’annulation de l’acte adopté hors délai (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 2 mai 1995, NTN Corporation et Koyo Seiko/Conseil, T‑163/94 et T‑165/94, Rec. p. II-1381, point 119, et la jurisprudence citée).

188
Ensuite, s’agissant de la nature du délai visé à l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94, il convient de constater que l’emploi du conditionnel et de l’adverbe « normalement » dans la seconde phrase de cette disposition permet de considérer que le délai de cinq mois prévu pour la soumission du rapport d’examen est de nature indicative (voir, par analogie, arrêt NTN Corporation et Koyo Seiko/Conseil, précité, point 119).

189
Le Tribunal considère que la nature du délai pour la soumission du rapport d’examen ne saurait être altérée dès lors que la Commission estime que la complexité de l’examen doit la conduire à porter ce délai à sept mois. En effet, il convient de relever que le délai de sept mois auquel il est fait référence à l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94 constitue uniquement, dans l’hypothèse d’un examen dit « complexe », l’extension du délai de cinq mois initial prévu dans le cas d’un
examen dit « simple ou normal ». La fin de la seconde phrase de l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94 indique, en effet, qu’il s’agit de « porter ce délai à sept mois ». Ce libellé est également reproduit dans les autres versions linguistiques du règlement nº 3286/94. Il s’ensuit que, dans la mesure où le délai pour transmettre le rapport d’examen est de nature uniquement indicative dans l’hypothèse d’un examen qualifié de « simple ou normal », il ne saurait en aller autrement
dans le cas d’un examen dit « complexe », dès lors qu’il s’agit simplement de la prorogation du délai initial.

190
Cela étant, le Tribunal estime que la Commission ne saurait retarder la soumission du rapport d’examen au-delà d’un délai raisonnable (voir, par analogie, arrêt NTN Corporation et Koyo Seiko/Conseil, précité), cette circonstance étant, en effet, susceptible de contribuer à retarder l’adoption de la décision de clore la procédure d’examen.

191
Toutefois, en l’espèce, le dépassement de vingt-sept jours du délai indicatif de sept mois prévu par l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94 n’est pas constitutif d’une méconnaissance du délai raisonnable.

192
Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du huitième moyen.

Sur la seconde branche du huitième moyen, tirée du manquement au devoir de diligence de la Commission quant au délai écoulé entre la fin de la procédure de consultation du comité visé à l’article 7 du règlement nº 3286/94 et l’adoption de la décision attaquée

– Arguments des parties

193
Les requérants soutiennent que la Commission a manqué à son devoir de diligence qui lui imposait d’adopter la décision attaquée plus rapidement qu’elle ne l’a fait, à la suite de la consultation du comité visé à l’article 7 du règlement nº 3286/94. En effet, selon les requérants, ce n’est que trois mois après la fin de la procédure de consultation que la décision attaquée a été adoptée. Or, compte tenu de l’importance de la procédure prévue par le règlement nº 3286/94 pour les entreprises
concernées et du délai déjà très long qui s’est écoulé entre l’annonce de l’ouverture de la procédure d’examen et la transmission du rapport d’examen au comité, les requérants considèrent que la Commission a manqué à son devoir de diligence.

194
La Commission rétorque qu’elle a agi avec toute la diligence possible dans une affaire aux conséquences importantes.

– Appréciation du Tribunal

195
Il convient de relever que, en application de l’article 7, paragraphe 4, du règlement nº 3286/94, le comité consultatif dispose de huit jours ouvrables pour réagir au rapport d’examen transmis par la Commission en application de l’article 8, paragraphe 8, dudit règlement.

196
Selon l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94, une décision de la Commission qui clôt une procédure d’examen doit être adoptée conformément à la procédure prévue à l’article 14 dudit règlement. Aux termes du paragraphe 2 de cette disposition, « [l]e représentant de la Commission soumet au comité un projet de décision à prendre » et « [l]e comité délibère dans un délai que le président peut lui fixer en fonction de l’urgence ». L’article 14, paragraphe 3, du règlement nº 3286/94
dispose que « [l]a Commission arrête une décision qu’elle communique aux États membres et qui est applicable à l’expiration d’un délai de dix jours si aucun État membre n’a saisi le Conseil au cours de ce délai ».

197
Il s’ensuit que le règlement nº 3286/94 ne prévoit ni de délai dans lequel la Commission doit soumettre un projet de décision au comité consultatif, à la suite de la procédure de consultation portant sur le rapport d’examen, ni de délai entre le moment auquel le comité consultatif a délibéré sur le projet de décision et le moment auquel la Commission arrête une décision. Par conséquent, le règlement n’envisage aucun délai dans lequel une décision de clôture d’une procédure d’examen, telle
que, en l’espèce, la décision attaquée, doit intervenir à la suite de la consultation du comité visé à l’article 7 du règlement nº 3286/94.

198
Le Tribunal considère que le silence du règlement nº 3286/94 sur cette question peut être interprété comme la volonté du législateur communautaire de laisser à la Commission une certaine marge d’appréciation quant à la date à laquelle il convient d’adopter une décision clôturant une procédure d’examen, compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce, notamment des éventuelles démarches auxquelles la Commission envisagerait de procéder auprès des autorités de l’État tiers
concerné, avant de clore une procédure d’examen.

199
Toutefois, la reconnaissance d’une telle marge d’appréciation ne saurait signifier que la Commission est habilitée à retarder l’adoption d’une décision prise en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94 au-delà d’un délai raisonnable, lequel doit être apprécié en fonction des circonstances particulières de chaque espèce. Une telle limite vise, en effet, ainsi que les requérants l’ont soutenu, à satisfaire au respect du devoir de diligence et du principe de bonne
administration qui incombe à la Commission.

200
En l’espèce, il y a lieu de relever qu’un délai de deux mois et vingt‑quatre jours s’est écoulé entre la fin de la procédure de consultation du comité, le 15 avril 2002, et l’adoption de la décision attaquée, le 9 juillet 2002. Or, un tel délai n’est pas déraisonnable, compte tenu, en particulier, de l’obligation qui pèse sur la Commission de procéder à la consultation interne de ses différents services sur le projet de décision, à la consultation des États membres sur la décision, imposée
par l’article 14 du règlement nº 3286/94, ainsi que de respecter un délai suffisant pour permettre la traduction de la décision vers l’ensemble des langues officielles de la Communauté.

201
Il s’ensuit que la seconde branche du présent moyen doit être rejetée ainsi que le huitième moyen dans son entièreté.

202
Dans ces conditions, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

203
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
Les requérants sont condamnés aux dépens.

B. Vesterdorf P. Mengozzi M. E. Martins Ribeiro
F. Dehousse I. Labucka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2004.

Le greffier Le président

H. Jung B. Vesterdorf

Table des matières

Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

Sur la recevabilité

Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, pris de la violation de l’article 2, paragraphe 4, du règlement nº 3286/94

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 10, paragraphe 5, du règlement nº 3286/94

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Remarques préliminaires

– Sur l’appréciation de l’intérêt de la Communauté au stade de l’avis d’ouverture de la procédure d’examen

– Sur l’assimilation ou la réduction de l’intérêt de la Communauté à l’intérêt individuel de la plaignante et l’absence de prise en considération des intérêts des autres parties intéressées

Sur le cinquième moyen, tiré du défaut de motivation de la décision attaquée

Sur la première branche du cinquième moyen, prise du défaut de motivation quant à l’analyse de l’obstacle au commerce

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la seconde branche du cinquième moyen, prise du défaut de motivation quant à l’intérêt de la Communauté à engager une action

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le sixième moyen, tiré d’erreurs manifestes dans l’appréciation des faits et de la violation de l’article 2, paragraphe 4, et de l’article 11, paragraphe 1, du règlement nº 3286/94

Sur la première branche du sixième moyen, prise d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission quant au retrait éventuel des produits des requérants de la liste des marchandises soumises à la surtaxe douanière américaine

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la seconde branche du sixième moyen, prise d’une erreur manifeste d’appréciation relative à la restitution de la surtaxe douanière indûment payée

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le septième moyen, tiré de la violation des droits de la défense

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le huitième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94 et du manquement au devoir de diligence de la Commission

Sur la première branche du huitième moyen, prise de la violation du délai prévu à l’article 8, paragraphe 8, du règlement nº 3286/94

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la seconde branche du huitième moyen, tirée du manquement au devoir de diligence de la Commission quant au délai écoulé entre la fin de la procédure de consultation du comité visé à l’article 7 du règlement nº 3286/94 et l’adoption de la décision attaquée

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur les dépens

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1 –
Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Première chambre élargie
Numéro d'arrêt : T-317/02
Date de la décision : 14/12/2004
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Politique commerciale commune - Organisation mondiale du commerce (OMC) - Règlement (CE) nº 3286/94 - Obstacles au commerce - Moutarde préparée - Clôture de la procédure d'examen concernant des obstacles au commerce - Intérêt communautaire.

Politique commerciale

Organisation mondiale du commerce

Relations extérieures


Parties
Demandeurs : Fédération des industries condimentaires de France (FICF) et autres
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mengozzi

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2004:360

Source

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