Avis juridique important
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62003A0175
Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 7 juillet 2004. - Norbert Schmitt contre Agence européenne pour la reconstruction (AER). - Agent temporaire - Résiliation du contrat - Article 47, paragraphe 2, sous a), du RAA - Respect des dispositions du contrat - Confiance légitime. - Affaire T-175/03.
Recueil de jurisprudence 2004 page 00000
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Parties
Dans l'affaire T-175/03,
Norbert Schmitt , ancien agent temporaire de l'Agence européenne pour la reconstruction, demeurant à Koellerbach (Allemagne), représenté par Me L. Polanz, avocat,
partie requérante,
contre
Agence européenne pour la reconstruction (AER), représentée par M. C. Manolopoulos, en qualité d'agent, assisté de Me J.-N. Louis, avocat,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de l'AER portant résiliation du contrat d'agent temporaire du requérant et, à titre subsidiaire, une demande de dommages-intérêts,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),
composé de M. H. Legal, président, Mme V. Tiili et M. M. Vilaras, juges,
greffier : M. I. Natsinas, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du
17 mars 2004,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
Cadre juridique et faits à l'origine du recours
1. L'Agence européenne pour la reconstruction (AER) a été instituée par le règlement (CE) n° 2454/1999 du Conseil, du 15 novembre 1999, portant modification du règlement (CE) n° 1628/96 relatif à l'aide à la Bosnie-Herzégovine, à la Croatie, à la République fédérale de Yougoslavie et à l'ancienne République yougoslave de Macédoine, notamment par la création de l'Agence européenne pour la reconstruction (JO L 299, p. 1). Le considérant 19 du règlement n° 2454/1999 indique que l'AER est créée pour les
besoins de la reconstruction des régions visées par ce règlement et que, une fois cet objectif accompli, il sera proposé de la dissoudre.
2. L'article 23 du règlement n° 2454/1999 dispose :
« Le personnel de l'[AER] est soumis aux règles et réglementations applicables aux fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes. Le conseil de direction, en accord avec la Commission, arrête les modalités d'application nécessaires.
Le personnel de l'[AER] sera composé d'un nombre strictement limité de fonctionnaires affectés ou détachés par la Commission ou les États membres pour exercer les tâches d'encadrement. Le reste des effectifs sera composé d'autres agents recrutés par l'[AER] pour une durée strictement limitée aux besoins de l'[AER]. »
3. Par règlement (CE) n° 2666/2000 du Conseil, du 5 décembre 2000, relatif à l'aide à l'Albanie, à la Bosnie-et-Herzégovine, à la Croatie, à la République fédérale de Yougoslavie et à l'ancienne République yougoslave de Macédoine et abrogeant le règlement (CE) nº 1628/96 ainsi que modifiant les règlements (CEE) nº 3906/89 et (CEE) nº 1360/90 et les décisions 97/256/CE et 1999/311/CE (JO L 306, p. 1), le Conseil a fourni un cadre juridique unifié pour l'assistance communautaire à ces pays. Il est
prévu à l'article 19 du règlement n° 2666/2000 que ce dernier est applicable jusqu'au 31 décembre 2006.
4. Les dispositions relatives à la création et au fonctionnement de l'AER ont été adaptées et reprises dans le règlement (CE) nº 2667/2000 du Conseil, du 5 décembre 2000, relatif à l'Agence européenne pour la reconstruction (JO L 306, p. 7).
5. En particulier, les dispositions de l'article 23 du règlement n° 2454/1999 ont été reprises à l'article 10 du règlement n° 2667/2000.
6. Le requérant a été recruté par l'AER en qualité d'agent temporaire au sens de l'article 2, sous a), du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le « RAA »), à compter du 1er mars 2000 pour une durée déterminée de 18 mois selon l'article 4 de son contrat d'engagement (ci-après le « contrat »). L'article 2 du contrat stipule que le requérant est engagé comme cadre financier et qu'il est affecté à Pristina.
7. L'article 5, sous b), du contrat prévoit ce qui suit :
« Ce contrat peut être résilié par l'institution ou par le membre du personnel pour toute raison spécifiée dans les articles 47 à 50 du [RAA] conformément aux conditions figurant dans ces articles.
Aux fins de l'article 47, paragraphe 1, sous b), du [RAA], la période de préavis sera de 3 mois. En cas de renouvellement du contrat, la période de préavis sera de 1 mois pour chaque année de service, sans toutefois dépasser 6 mois. »
8. Le 1er septembre 2001, les parties sont convenues, sous la forme d'un avenant au contrat, de poursuivre leurs relations contractuelles. L'article 4 du contrat, ainsi modifié, se lit comme suit :
« Le contrat est conclu pour une période indéterminée. Toutefois, sa durée n'ira pas au-delà de la date de fin de l'[AER].
L'[AER] se réserve le droit de résilier le contrat à la suite d'une réduction significative ou de l'arrêt de ses opérations avant la date de fin de l'[AER]. »
9. Selon cet avenant, tous les autres articles du contrat initial restent inchangés.
10. Le 1er mars 2002, les parties contractantes ont accepté de modifier l'article 2 du contrat comme suit :
« Le membre du personnel est employé comme trésorier. Le lieu de son emploi est Skopje. »
11. Par lettre du 25 février 2003, le directeur de l'AER a informé le requérant de la décision de résilier le contrat (ci-après la « décision attaquée ») en ces termes :
« J'ai le regret de vous informer qu'il a été décidé de mettre fin à votre contrat de travail avec l'[AER]. Conformément à l'article 47, paragraphe 2, du [RAA] et à l'article 5, sous b), deuxième alinéa, de votre contrat, votre contrat prendra fin le 30 juin 2003. »
12. Le 5 mars 2003, le comité du personnel a adressé une note au directeur de l'AER lui demandant de retirer la décision attaquée.
13. Par note du 7 mars suivant, le directeur de l'AER a répondu au comité du personnel ce qui suit :
« [...]
(i) Il relève de la compétence de l'autorité investie du pouvoir de nomination de prendre des décisions et de faire des propositions auprès du conseil de direction concernant l'organigramme de l'[AER] et le tableau des effectifs. Par ailleurs, le personnel a été informé en bonne et due forme que les changements portant sur le tableau des effectifs sont nécessaires afin de tenir compte de la diminution du budget de l'[AER] ainsi que du changement des priorités.
(ii) L'autorité investie du pouvoir de nomination peut consulter le comité du personnel sur des questions générales de politique du personnel mais n'a aucune obligation de le consulter pour des cas individuels.
(iii) Si des postes vacants sont publiés dans n'importe quel centre de l'[AER], [le requérant], de même que tout autre membre du personnel, pourra poser sa candidature.
(iv) Il n'existe aucune disposition dans le [RAA] prévoyant l'obligation de l'autorité investie du pouvoir de nomination d'indiquer une raison pour la résiliation d'un contrat.
L'article 5, [sous b], de chaque contrat d'agent temporaire stipule que : Pour l'agent dont l'engagement a été renouvelé, le délai de préavis sera d'un mois par année de service accomplie, avec un maximum de six mois '.
Dans le cas particulier [du requérant], l'[AER] a rempli ses obligations en informant celui-ci quatre mois à l'avance, soit un mois avant l'obligation réglementaire. Compte tenu de ce qui précède, l'[AER] a respecté ses obligations contractuelles. »
14. Le 13 mars 2003, le requérant a demandé au directeur de l'AER de lui communiquer par écrit les raisons ayant justifié la décision attaquée.
15. Le 3 avril 2003, le directeur de l'AER lui a répondu ce qui suit :
« [...] Les membres du personnel ont été dûment informés des changements nécessaires à apporter à l'organigramme, de manière à répondre aux nouveaux besoins de l'[AER]. Selon l'organigramme approuvé par le conseil de direction du 18 février 2003, le poste de trésorier a dû être annulé et remplacé par un poste d'agent local comme c'est le cas dans tous les autres centres de l'[AER] [...] »
16. Le 29 avril 2003, le requérant a introduit, en vertu de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), applicable conformément à l'article 46 du RAA, une réclamation contre la décision attaquée.
17. Cette réclamation a été rejetée par décision explicite de l'autorité habilitée à conclure les contrats (ci-après l'« AHCC ») du 30 juin 2003.
Procédure et conclusions des parties
18. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 mai 2003, le requérant a introduit le présent recours.
19. Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, il a également introduit une demande de sursis à l'exécution de la décision attaquée. Cette demande a été rejetée par ordonnance du président du Tribunal du 25 juin 2003.
20. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité, d'une part, l'AER à déposer un document et, d'autre part, les parties à répondre par écrit à certaines questions. Il a été déféré à ces demandes dans le délai imparti.
21. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l'audience du 17 mars 2004.
22. Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- à titre principal, annuler la décision attaquée ;
- à titre subsidiaire, condamner l'AER à lui verser des dommages-intérêts correspondant à deux années de salaires ;
- condamner l'AER aux dépens.
23. L'AER conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours ;
- statuer sur les dépens comme de droit.
En droit
Sur la recevabilité
Arguments des parties
24. Sans soulever formellement d'exception d'irrecevabilité, l'AER conteste, dans son mémoire en duplique, la recevabilité du recours en ce qu'il aurait pour véritable objet de remettre en cause la qualification du contrat de contrat à durée indéterminée. Selon l'AER, l'argumentation du requérant, selon laquelle la résiliation de son contrat devait être motivée, vise en réalité à contester la « transformation » du contrat initial à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et à s'opposer au
contrat tel que modifié le 1er septembre 2001. Or, à défaut d'avoir contesté la décision portant modification dudit contrat dans les délais statutaires prévus, le présent recours serait irrecevable.
25. L'AER estime que le recours est également irrecevable au motif qu'une décision de résiliation d'un contrat notifiée en application de l'article 47 du RAA ne saurait être regardée comme un acte faisant grief que dans l'hypothèse où elle survient pour un motif disciplinaire en cas de manquements graves aux obligations auxquelles un agent est tenu.
Appréciation du Tribunal
26. En ce qui concerne, d'abord, l'argument de l'AER selon lequel le requérant tenterait, en réalité, par le présent recours de contester la modification des termes de son contrat, il suffit de constater qu'il ressort clairement de l'argumentation du requérant qu'il vise seulement à démontrer que la modification du contrat initial par l'avenant du 1er septembre 2001, notamment son article 4, deuxième alinéa, a lié la possibilité de l'AER de résilier le contrat du requérant à la diminution
significative ou à la cessation des opérations de l'AER avant la date de la fin de la mission de cette dernière, limitant en conséquence le large pouvoir d'appréciation reconnu à l'article 47, paragraphe 2, sous a), du RAA. En effet, le requérant estime que, bien que son contrat soit un contrat à durée indéterminée, l'AER ne pouvait le résilier que pour les motifs mentionnés ci-dessus, de manière analogue à ce qui est prévu à l'article 47, paragraphe 1, sous b), du RAA en ce qui concerne les
contrats à durée déterminée.
27. Ainsi, l'argumentation du requérant sur cette question ne vise pas à mettre en cause la qualification de son contrat de contrat à durée indéterminée, résultant de l'avenant du 1er septembre 2001, mais à contester le cadre juridique qui réglait, selon l'AER, son droit de résilier ledit contrat. Partant, la recevabilité du recours ne saurait être remise en cause pour cette raison.
28. En ce qui concerne, ensuite, l'argumentation de l'AER selon laquelle la décision portant résiliation du contrat du requérant ne constitue pas un acte faisant grief, il suffit de constater qu'une lettre résiliant le contrat d'un agent temporaire doit être qualifiée d'acte faisant grief, étant donné qu'il s'agit d'une mesure émanant de l'autorité compétente et produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant en modifiant, de
façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci (voir arrêts du Tribunal du 30 novembre 1994, Düchs/Commission, T558/93, RecFP p. I-A-265 et II-837, point 36, et du 12 mai 1998, O'Casey/Commission, T-184/94, RecFP p. I-A-183 et II-565, point 63, et la jurisprudence citée).
29. Il s'ensuit que le recours est recevable.
Sur le fond
30. Le requérant invoque deux moyens à l'appui de son recours en annulation, tirés, respectivement, d'une violation de l'obligation de motivation ainsi que des principes de protection de la confiance légitime, de bonne administration et de proportionnalité.
31. Le Tribunal considère qu'il convient d'examiner, en premier lieu, le moyen tiré d'une violation des principes de protection de la confiance légitime, de bonne administration et de proportionnalité.
Arguments des parties
32. Dans le cadre de son moyen tiré d'une violation des principes de protection de la confiance légitime, de bonne administration et de proportionnalité, le requérant fait valoir que l'AER a été créée pour une durée limitée, jusqu'en 2004 dans un premier temps et, selon les dernières informations, jusqu'en 2006. Il estime que l'obtention d'un contrat à durée indéterminée a créé une confiance légitime dans le fait qu'il pouvait figurer parmi le personnel de l'AER jusqu'à la date d'expiration de la
mission de celle-ci. Cette confiance légitime résulterait de l'obligation contractuelle de l'AER de justifier la résiliation du contrat par un des motifs mentionnés dans l'avenant du 1er septembre 2001. Le requérant fait valoir que l'AER a écarté l'application des dispositions de l'article 47, paragraphe 2, du RAA, en prévoyant, dans l'avenant du 1er septembre 2001, que la possibilité de résilier son contrat est conditionnée par une diminution significative ou une cessation des opérations de l'AER.
Or, ni la décision attaquée, ni la lettre du 7 mars 2003, ni la lettre du 3 avril 2003 ne mentionneraient une diminution significative ou une cessation des opérations de l'AER comme motif de résiliation du contrat.
33. La mesure prise à son égard ne serait pas non plus conforme au principe de bonne administration. Selon lui, le financement des dépenses administratives aurait dû être assuré au moment de la création de l'AER. Aussi, les effectifs de l'AER et la durée des contrats des agents auraient dû être définis préalablement.
34. Le requérant reproche également à l'AER de ne pas avoir consulté ou informé le comité du personnel de l'AER ni de la mesure prise à son égard, ni de la prétendue suppression de son poste, ni sur les motifs de celle-ci.
35. Enfin, le requérant soutient que, conformément au principe de proportionnalité, l'AER aurait dû se concerter avec lui aux fins de vérifier si une autre fonction pouvait lui être attribuée. À cet égard, il fait valoir que son poste n'a pas été supprimé, mais qu'il a été confié au personnel local. Il s'agirait, en l'occurrence, d'une personne qui aurait été formée par le requérant afin de le remplacer durant les périodes de congés annuels.
36. L'AER soulève, à titre liminaire, l'irrecevabilité du moyen tiré d'une violation de la confiance légitime au motif que le requérant ne l'aurait pas invoqué dans sa réclamation.
37. À titre subsidiaire, l'AER indique que le requérant a été recruté en qualité d'agent temporaire et qu'il était, au moment de l'adoption de la décision attaquée, soumis à un contrat à durée indéterminée. De ce fait, il ne pourrait prétendre à une quelconque continuité d'emploi.
38. L'AER considère qu'elle était en droit, compte tenu du très large pouvoir d'appréciation des institutions dans l'organisation de leur service et conformément aux articles 47 et suivants du RAA, de mettre fin à tout moment au contrat du requérant moyennant notification d'un préavis. Elle estime que le requérant ne pouvait pas l'ignorer.
39. L'AER soutient que la décision attaquée a été prise dans le cadre de la réorganisation de ses services et, plus précisément, en raison des changements survenus dans la répartition des tâches, rendus nécessaires par ses nouveaux besoins, de la mise en application du nouveau règlement financier et de la suppression de la fonction de comptable non seulement au centre de l'AER à Skopje (Macédoine), mais également dans tous ses autres centres.
40. En ce qui concerne le défaut de consultation du comité du personnel, l'AER relève qu'aucune disposition n'oblige cette dernière à consulter le comité du personnel préalablement à l'adoption d'une décision de résiliation d'un contrat d'agent temporaire.
Appréciation du Tribunal
41. Il y a lieu d'examiner, à titre liminaire, l'argumentation de l'AER selon laquelle le grief tiré d'une violation de la confiance légitime est irrecevable à défaut d'avoir été soulevé dans la réclamation administrative du requérant.
42. À cet égard, il convient de rappeler que la règle de concordance entre la réclamation administrative au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut et le recours subséquent exige, sous peine d'irrecevabilité, qu'un moyen soulevé devant le juge communautaire l'ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l'autorité investie du pouvoir de nomination ait été en mesure de connaître d'une manière suffisamment précise les critiques que l'intéressé formule à l'encontre de la
décision attaquée. Si les conclusions présentées devant le juge communautaire ne peuvent contenir que les mêmes « chefs de contestation », reposant sur une cause identique, que ceux invoqués dans la réclamation, ces chefs de contestation peuvent, cependant, devant le juge communautaire, être développés par la présentation de moyens et d'arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s'y rattachant étroitement (voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Wieme/Commission, T-174/02,
non encore publié au Recueil, point 18, et la jurisprudence citée).
43. En l'espèce, il est certes vrai que le requérant ne mentionne pas explicitement la violation de la confiance légitime dans sa réclamation du 29 avril 2003. Toutefois, dans cette réclamation, le requérant a soutenu que son contrat « devait prendre fin à l'expiration de la mission de l'[AER] ». Il a également fait valoir que la décision attaquée aurait dû être motivée afin de lui permettre de connaître les raisons de son licenciement. Il a ajouté que, « [b]ien que des raisons aient existé pour
procéder à la résiliation [de son contrat], telle[s] que par [exemple] celles qui lui ont été communiqué[es] par [la] note interne du [3] avril 2003, il aurait fallu chercher ensemble avec [lui] si une autre fonction pouvait lui être attribuée ». Il a également mentionné le fait que son poste a été confié à du personnel local.
44. En outre, dans la décision explicite de rejet de la réclamation du requérant, l'AER a pris position sur ce grief dans les termes suivants :
« Dans ces circonstances, le réclamant ne peut raisonnablement invoquer une attente légitime de rester parmi les effectifs de l'AER jusqu'à la fin de celle-ci. »
45. Ainsi, l'AER a pu déduire de la réclamation du requérant, en l'interprétant dans un esprit d'ouverture, conformément à la jurisprudence (arrêts du Tribunal du 16 septembre 1998, Jouhki/Commission, T215/97, RecFP p. I-A-503 et II-1513, point 31, et du 23 janvier 2002, Gonçalves/Parlement, T386/00, RecFP p. I-A-13 et II-55, point 42), qu'elle visait également l'annulation de la décision portant résiliation du contrat du requérant pour violation du principe de confiance légitime. La règle de
concordance entre la réclamation administrative préalable et le recours contentieux n'ayant pas été violée, le grief tiré d'une violation de la confiance légitime doit être déclaré recevable.
46. Quant au bien-fondé de ce grief, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui constitue un des principes fondamentaux de la Communauté, s'étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l'administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître dans son chef des espérances fondées (arrêts du Tribunal du 21 juillet 1998, Mellett/Cour de justice,
T-66/96 et T221/97, RecFP p. I-A-449 et II-1305, point 104, et du 26 septembre 2002, Borremans e.a./Commission, T319/00, RecFP p. IA171 et II905, point 63).
47. En outre, ses assurances doivent, en tout état de cause, être conformes aux dispositions du statut (arrêt du Tribunal du 5 novembre 2002, Ronsse/Commission, T205/01, RecFP p. I-A-211 et II-1065, point 54).
48. Ainsi, en l'espèce, il y a lieu d'examiner, en premier lieu, si l'article 4 du contrat, tel que modifié par l'avenant du 1er septembre 2001, donnait au requérant l'assurance légitime que son contrat ne serait pas résilié, sauf pour les motifs prévus à l'article 47, paragraphe 2, sous b), et aux articles 48 à 50 du RAA, sans violer les dispositions du RAA.
49. Comme il a été déjà rappelé ci-dessus, l'article 4 du contrat, tel que modifié par l'avenant du 1er septembre 2001, prévoit :
« Le contrat est conclu pour une période indéterminée. Toutefois, sa durée n'ira pas au-delà de la date de fin de l'[AER].
L'[AER] se réserve le droit de résilier le contrat en cas de diminution significative ou de cessation de ses opérations avant la date de fin de l'[AER]. »
50. Par ailleurs, selon cet avenant, tous les autres articles du contrat initial restent inchangés.
51. À cet égard, il y a lieu de remarquer que la modification de l'article 4 du contrat initial par l'avenant du 1er septembre 2001 a créé une situation ambiguë en ce qui concerne le contenu de ce contrat, dans la mesure où l'article 5, sous b), premier alinéa, du contrat, non modifié et restant toujours en vigueur, contenait une référence au droit de l'AER de résilier le contrat pour toute raison spécifiée aux articles 47 à 50 du RAA. Parmi ces dispositions figure l'article 47, paragraphe 2, sous
a), du RAA, qui vise les contrats à durée indéterminée et qui prévoit que l'engagement de l'agent temporaire prend fin « à l'issue de la période de préavis, prévue au contrat ». En outre, comme il ressort d'une jurisprudence constante, la résiliation d'un contrat d'agent temporaire à durée indéterminée, conformément à l'article 47, paragraphe 2, du RAA et dans le respect du préavis prévu au contrat, relève d'un large pouvoir d'appréciation de l'autorité compétente, le contrôle du juge communautaire
devant, dès lors, se limiter à la vérification de l'absence d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 26 février 1981, De Briey/Commission, 25/80, Rec. p. 637, point 7, et du Tribunal du 28 janvier 1992, Speybrouck/Parlement, T-45/90, Rec. p. II-33, points 97 et 98).
52. Par conséquent, sans l'ajout du deuxième alinéa de l'article 4, l'AER aurait eu le droit de résilier le contrat du requérant pour l'une des raisons mentionnées aux articles 47 à 50 du RAA, sous réserve du respect des conditions fixées par ces articles, comme prévu par l'article 5, sous b), du contrat initial.
53. Admettre l'argumentation de l'AER, selon laquelle elle gardait son pouvoir de résilier le contrat conformément à l'article 47, paragraphe 2, sous a), du RAA sans motifs spécifiques, moyennant le respect d'un préavis, équivaudrait à priver de tout effet utile le deuxième alinéa de l'article 4 du contrat, tel que modifié par l'avenant du 1er septembre 2001.
54. En conséquence, il y a lieu de considérer que cette disposition contractuelle avait comme finalité d'indiquer, par anticipation, le motif d'une éventuelle résiliation ultérieure - à savoir la diminution significative ou la cessation des opérations de l'AER avant la date d'expiration de la mission de cette dernière -, de sorte que, sous le régime du contrat du 1er septembre 2001, l'article 5, sous b), du contrat ne pouvait être appliqué que partiellement. Ainsi, à compter du 1er septembre 2001,
l'article 5, sous b), du contrat devait être interprété en ce sens que l'article 5, sous b), premier alinéa, du contrat se référait à l'article 47, paragraphe 2, sous a), du RAA, mais que la résiliation du contrat devait être justifiée par une des raisons mentionnées à l'article 4, deuxième alinéa, du contrat, tel que figurant dans la version du 1er septembre 2001. Partant, l'article 4, deuxième alinéa, du contrat a limité le droit de l'AER de résilier le contrat du requérant. Or, l'article 4 du
nouveau contrat ne prévoyant pas de période de préavis, l'article 5, sous b), deuxième alinéa, dernière phrase, du contrat initial n'avait pas perdu toute sa signification, mais avait comme vocation de définir le délai de préavis.
55. Cette interprétation est, d'ailleurs, conforme au principe du droit de travail selon lequel les dispositions imprécises d'un contrat doivent être interprétées en faveur de la partie contractante la plus faible.
56. Cette interprétation découle également d'un raisonnement « a majore ad minus ». En effet, la résiliation des contrats à durée indéterminée, avec le préavis prévu au contrat et conformément à l'article 47, paragraphe 2, du RAA, relevant du pouvoir d'appréciation de l'autorité compétente, aucune disposition du RAA n'interdit que cette autorité limite son pouvoir de résiliation, dans l'intérêt du personnel, par des dispositions contractuelles (voir, en ce sens, arrêt Düchs/Commission, précité,
point 43).
57. Par ailleurs, comme il ressort de la jurisprudence constante, la base des rapports d'un agent temporaire avec l'institution concernée est constituée par un contrat d'engagement d'agent temporaire (arrêt de la Cour du 19 juin 1992, V./Parlement, C18/91 P, Rec. p. I-3997, point 39, et arrêt Speybrouck/Parlement, précité, point 90). La résiliation unilatérale d'un tel contrat, expressément prévue par l'article 47 du RAA, trouvant sa justification dans ce contrat et n'ayant pas besoin, dès lors,
d'être motivée, d'une façon analogue, un tel contrat peut limiter ce droit de résiliation.
58. Cette considération est confortée par la jurisprudence selon laquelle un licenciement d'un agent temporaire, décidé en application de l'article 47, paragraphe 2, du RAA, n'a pas à être motivé, à moins qu'une telle obligation de motivation ait été expressément énoncée dans le contrat de travail temporaire (voir arrêt du Tribunal du 5 décembre 2002, Hoyer/Commission, T-70/00, RecFP p. I-A-247 et II-1231, point 55, et la jurisprudence citée).
59. En conséquence, il y a lieu de constater que le requérant pouvait nourrir une confiance légitime dans le fait que l'article 4 du contrat, tel que modifié par l'avenant du 1er septembre 2001, avait limité le pouvoir de l'AER de résilier son contrat, en vertu de l'article 47, paragraphe 2, sous a), du RAA, aux seuls cas de diminution significative ou de cessation des opérations de l'AER avant la date d'expiration de sa mission.
60. En ce qui concerne, en second lieu, l'examen de la question de savoir si l'AER a violé cette confiance légitime, il y a lieu de contrôler si elle s'est tenue dans ses limites contractuelles et n'a pas usé de son pouvoir d'appréciation de manière manifestement erronée.
61. À cet égard, la lettre du 7 mars 2003 prévoit que « le personnel a été informé en bonne et due forme que les changements portant sur le tableau des effectifs sont nécessaires afin de tenir compte de la diminution du budget de l'[AER] ainsi que du changement des priorités ». Quant à la lettre du 3 avril 2003, elle indique que « [l]es membres du personnel ont été dûment informés des changements nécessaires à apporter à l'organigramme, de manière à répondre aux nouveaux besoins de l'[AER]. Selon
l'organigramme approuvé par le conseil de direction du 18 février 2003, le poste de trésorier a dû être annulé et remplacé par un poste d'agent local comme c'est le cas dans tous les autres centres de l'[AER] ». La réponse de l'AER à la réclamation du requérant ne fournit pas d'explications supplémentaires à ce sujet.
62. Aucune des explications fournies par l'AER n'est donc liée à une diminution significative ou à la cessation de ses opérations.
63. En outre, il ressort de l'organigramme du 18 février 2003 relatif au centre de Skopje, que l'AER a fourni au Tribunal dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, qu'un emploi de trésorier (« Treasury Officer TA B ») figure toujours dans cet organigramme. Par ailleurs, comme il ressort de la réponse de l'AER à la question écrite du Tribunal, l'ancien emploi du requérant a été confié à un agent local.
64. Dès lors, il y a lieu de considérer que l'AER n'a pas démontré à suffisance de droit que le motif de résiliation du contrat du requérant était lié à une diminution significative ou à la cessation de ses opérations.
65. Il s'ensuit que le grief tiré d'une violation du principe de confiance légitime doit être accueilli sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs articulés au soutien de ce moyen, ni le premier moyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation.
66. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler la décision attaquée.
67. Dès lors qu'il est fait droit à la demande principale du requérant, il n'y a pas non plus lieu d'examiner la demande en indemnité, formulée à titre subsidiaire.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
68. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La défenderesse ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter l'ensemble des dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé, conformément aux conclusions en ce sens du requérant.
Dispositif
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de l'Agence européenne pour la reconstruction (AER) du 25 février 2003 portant résiliation du contrat d'agent temporaire du requérant est annulée.
2) L'AER est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.