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24/01/2002 | CJUE | N°C-118/99

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, République française contre Commission des Communautés européennes., 24/01/2002, C-118/99


Avis juridique important

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61999J0118

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 24 janvier 2002. - République française contre Commission des Communautés européennes. - Apurement des comptes - FEOGA - Exercice 1995 - Cultures arables. - Affaire C-118/99.
Recueil de jurisprudence 2002 page I-00747

Sommair

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Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

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Avis juridique important

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61999J0118

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 24 janvier 2002. - République française contre Commission des Communautés européennes. - Apurement des comptes - FEOGA - Exercice 1995 - Cultures arables. - Affaire C-118/99.
Recueil de jurisprudence 2002 page I-00747

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1. Agriculture - Politique agricole commune - Financement par le FEOGA - Principes - Aide versée en violation de la réglementation communautaire - Non-respect des formalités de preuve ou de contrôle - Prise en charge par le Fonds - Inadmissibilité

(Règlement du Conseil n° 729/70, art. 2 et 3)

2. Agriculture - FEOGA - Apurement des comptes - Refus de prise en charge de dépenses découlant d'irrégularités dans l'application de la réglementation communautaire - Correction financière - Évaluation du niveau de la carence et du degré de risque pour le Fonds - Contestation par l'État membre concerné - Charge de la preuve

(Règlement de la Commission n° 3887/92, art. 6)

Sommaire

1. Les articles 2 et 3 du règlement n° 729/70, relatif au financement de la politique agricole commune, ne permettent à la Commission de prendre en charge pour le FEOGA que les montants versés en conformité avec les règles établies dans les différents secteurs des produits agricoles. Dans l'hypothèse où il se révélerait impossible d'établir avec certitude la mesure dans laquelle une mesure nationale incompatible avec le droit communautaire a provoqué une augmentation des dépenses figurant sur un
poste budgétaire du FEOGA, la Commission n'a d'autre choix que de refuser le financement de la totalité des dépenses en question.

( voir points 38-39 )

2. Lorsque la Commission, dans le cadre de sa mission d'apurer les comptes du FEOGA, constate des déficiences structurelles dans le système de contrôle mis en oeuvre par les autorités de l'État membre concerné, la qualité insuffisante des contrôles sur place fait naître des doutes sérieux quant à la mise en place d'un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle au sens de l'article 6 du règlement n° 3887/92, portant modalités d'application du système intégré de gestion et
de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, de nature à justifier l'application d'une correction forfaitaire. Par ailleurs, si la Commission, au lieu de rejeter la totalité des dépenses concernées par l'infraction, s'est efforcée d'établir des règles visant à instaurer un traitement différencié des cas d'irrégularités, selon le niveau de carences des contrôles et le degré de risque encouru par le FEOGA, l'État membre doit démontrer que ces critères sont arbitraires et
inéquitables.

( voir points 48-50 )

Parties

Dans l'affaire C-118/99,

République française, représentée par M. J.-F. Dobelle ainsi que Mmes K. Rispal-Bellanger et C. Vasak, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par

République de Finlande, représentée par Mme T. Pynnä, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. P. Oliver, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation partielle de la décision 1999/187/CE de la Commission, du 3 février 1999, relative à l'apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section «garantie», pour l'exercice 1995 (JO L 61, p. 37), dans sa partie concernant la République française,

LA COUR

(sixième chambre),

composée de Mme F. Macken, président de chambre (rapporteur), Mme N. Colneric, MM. C. Gulmann, R. Schintgen et V. Skouris, juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 25 janvier 2001,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 8 mars 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 12 avril 1999, la République française a, en vertu de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE), demandé l'annulation partielle de la décision 1999/187/CE de la Commission, du 3 février 1999, relative à l'apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section «garantie», pour l'exercice 1995 (JO L 61, p. 37, ci-après la «décision
attaquée»), dans sa partie la concernant.

2 Le recours tend à l'annulation de cette décision dans la mesure où la Commission a appliqué une correction forfaitaire de 2 % aux dépenses déclarées au titre des paiements compensatoires accordés pour certaines cultures arables lors de la récolte de 1994, en sorte qu'elle a décidé de ne pas imputer au Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (ci-après le «FEOGA») la somme de 567 733 352 FRF.

Le cadre juridique

3 Il ressort de l'article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement (CEE) n_ 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), tel que modifié par le règlement (CE) n_ 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1, ci-après le «règlement n_ 729/70»), que le FEOGA, section «garantie», finance, notamment, les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles.

4 L'article 5, paragraphe 2, sous c), quatrième alinéa, du règlement n_ 729/70 dispose:

«La Commission évalue les montants à écarter au vu notamment de l'importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte, à cet effet, de la nature et de la gravité de l'infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.»

5 Aux termes de l'article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n_ 729/70:

«Les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour:

- s'assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le Fonds,

- prévenir et poursuivre les irrégularités,

- récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités ou de négligences.»

6 Il ressort de l'article 8, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement que les conséquences financières des irrégularités ou des négligences imputables aux administrations ou organismes des États membres ne sont pas supportées par la Communauté.

7 Les règles spécifiques instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables sont fixées dans le règlement (CEE) n_ 1765/92 du Conseil, du 30 juin 1992 (JO L 181, p. 12), dont l'article 2 précise que les producteurs communautaires de cultures arables peuvent revendiquer un paiement compensatoire fixé à l'hectare dans les conditions mentionnées au titre I.

8 Selon l'article 10, paragraphe 3, première phrase, du règlement n_ 1765/92, la demande d'aides «surfaces» instituées par ledit règlement doit être accompagnée des documents de référence permettant d'identifier les terres considérées.

9 L'article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) n_ 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires (JO L 355, p. 1), dispose:

«Chaque État membre crée un système intégré de gestion et de contrôle, ci-après dénommé `système intégré', qui s'applique:

a) dans le secteur de la production végétale:

- au régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables, établi par le règlement (CEE) n_ 1765/92».

10 L'article 2 de ce même règlement précise:

«Le système intégré comprend les éléments suivants:

a) une base de données informatisée;

b) un système alphanumérique d'identification des parcelles agricoles;

c) un système alphanumérique d'identification et d'enregistrement des animaux;

d) des demandes d'aides;

e) un système intégré de contrôle.»

11 Il résulte de l'article 13 du règlement n_ 3508/92, tel que modifié par le règlement (CE) n_ 2466/96 du Conseil, du 17 décembre 1996 (JO L 335, p. 1), que le système intégré de gestion et de contrôle (ci-après le «SIGC») est applicable, à partir du 1er février 1993, pour ce qui concerne les demandes d'aides, le système alphanumérique d'identification et d'enregistrement des espèces bovines et le système intégré de contrôle visé à l'article 7 et, à partir du 1er janvier 1997, pour ce qui concerne
les autres éléments visés à l'article 2.

12 Aux termes de l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CEE) n_ 3887/92 de la Commission, du 23 décembre 1992, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires (JO L 391, p. 36):

«Sans préjudice des exigences établies dans les règlements sectoriels, la demande d'aides `surfaces' contient toute information nécessaire, et notamment:

- l'identification de l'exploitant,

- les éléments devant permettre l'identification de toutes les parcelles agricoles de l'exploitation, leur superficie, leur localisation, leur utilisation, le cas échéant s'il s'agit d'une parcelle irriguée, ainsi que le régime d'aides concerné,

- une déclaration du producteur d'avoir pris connaissance des conditions pour l'octroi des aides concernées.»

13 L'article 6, paragraphes 1 à 3, de ce même règlement précise:

«1. Les contrôles administratifs et sur place sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions pour l'octroi des aides et primes.

2. Le contrôle administratif visé à l'article 8 paragraphe 1 du règlement (CEE) n_ 3508/92 comporte notamment des vérifications croisées relatives aux parcelles et aux animaux déclarés afin d'éviter tout double octroi d'aides injustifié au titre de la même année civile.

3. Les contrôles sur place portent au moins sur un échantillon significatif de demandes. Cet échantillon doit représenter au moins:

- [...]

- 5 % des demandes d'aides `surfaces'; toutefois, ce pourcentage est réduit à 3 % pour les demandes d'aides `surfaces' au-delà du nombre de 700 000 par État membre et année civile.

Au cas où des visites sur place font apparaître des irrégularités significatives dans une région ou partie de région, les autorités compétentes effectuent des contrôles supplémentaires dans l'année en cours et augmentent le pourcentage des demandes à contrôler l'année suivante pour cette région ou partie de région.»

14 Aux termes de l'article 17, paragraphe 1, du règlement n_ 3887/92:

«Dans la mesure où, en vertu de l'article 13 du règlement (CEE) n_ 3508/92, certains éléments du système intégré ne sont pas encore d'application, chaque État membre prend les mesures nécessaires afin d'appliquer des mesures de gestion et de contrôle assurant le respect des conditions prévues pour l'octroi des aides concernées.»

15 Selon l'article 19 du règlement n_ 3887/92, ce règlement est applicable à partir du 1er février 1993.

16 Enfin, il ressort de l'article 2, paragraphe 2, du règlement n_ 1287/95 que les refus de financement visés à l'article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n_ 729/70 ne peuvent porter sur les dépenses déclarées au titre d'un exercice antérieur au 16 octobre 1992.

L'évaluation des corrections (rapport Belle)

17 Le rapport Belle de la Commission (document n_ VI/216/93, du 1er juin 1993) définit les lignes directrices à suivre lorsque des corrections financières doivent être appliquées à l'encontre d'un État membre.

18 À côté de trois techniques de calcul principales, le rapport Belle prévoit, pour les cas difficiles, trois catégories de corrections forfaitaires:

«A. 2 % des dépenses, si la carence se limite à certains éléments du système de contrôle de moindre importance ou à l'exécution de contrôles qui ne sont pas essentiels pour garantir la régularité de la dépense, de sorte qu'il peut raisonnablement être conclu que le risque de pertes pour le FEOGA était mineur.

B. 5 % de la dépense, si la carence concerne des éléments importants du système de contrôle ou l'exécution de contrôles qui jouent un rôle important pour la détermination de la régularité de la dépense, de sorte qu'il peut être raisonnablement conclu que le risque de pertes pour le FEOGA était significatif.

C. 10 % de la dépense, si la carence concerne l'ensemble ou les éléments fondamentaux du système de contrôle ou encore l'exécution de contrôles essentiels destinés à garantir la régularité de la dépense, de sorte que l'on peut raisonnablement conclure qu'il existait un risque élevé de pertes généralisées pour le FEOGA.»

19 Les lignes directrices prévoient encore que, lorsqu'il existe un doute sur la correction à appliquer, il y a lieu de tenir compte des points suivants en tant que circonstances atténuantes:

«- les autorités nationales ont-elles pris des mesures efficaces pour remédier aux carences dès lors que celles-ci ont été décelées?

- les carences provenaient-elles de difficultés d'interprétation des textes communautaires?»

Le cadre factuel

20 Il résulte du dossier que, en 1994, les autorités françaises n'ont pas exigé des producteurs de certaines cultures arables qu'ils joignent systématiquement à leur demande d'aides au titre du règlement n_ 1765/92 le relevé de «surfaces», bien que ces derniers eussent reçu ce document des caisses de la Mutualité sociale agricole (ci-après le «relevé MSA»).

21 Par lettre du 18 mai 1994, la Commission a reproché aux autorités françaises le fait que, contrairement à la réglementation relative au SIGC, les dossiers de demande d'aides ne contenaient pas les éléments devant permettre l'identification de toutes les parcelles agricoles.

22 Par lettre du 14 juin 1994, les autorités françaises ont informé la Commission que, eu égard aux observations formulées par cette dernière, il avait été décidé de réaliser au minimum 10 000 contrôles supplémentaires au-delà de l'«échantillon significatif de demandes» fixé à 5 % des demandes par l'article 6, paragraphe 3, second tiret, du règlement n_ 3887/92.

23 Le 9 juillet 1997, la Commission a notamment reproché aux autorités françaises leur décision de ne pas exiger des agriculteurs qu'ils soumettent leur relevé MSA et a indiqué que ce «manquement [...] ne saurait être intégralement compensé par un doublement du taux de contrôle et par les autres mesures prises par les autorités françaises». Elle a indiqué que la carence lui paraissait se limiter à certains éléments du système de contrôle et qu'elle envisageait d'appliquer une correction forfaitaire
de 2 %. Elle a toutefois ajouté qu'elle pourrait considérer qu'il y avait carence concernant des éléments importants du système de contrôle, eu égard notamment à l'absence virtuelle de contrôles croisés, à la faible qualité des contrôles sur place effectués par du personnel sans formation adéquate et sans recours significatif à la télédétection ainsi qu'au défaut d'augmentation du taux de contrôle malgré un taux d'erreur élevé des demandes contrôlées.

24 Par lettre du 11 mai 1998, la Commission a officiellement notifié aux autorités françaises la correction de 2 % sur les paiements compensatoires versés aux producteurs de certaines cultures arables au cours de l'exercice considéré. Elle a souligné que, si elle avait implicitement accepté l'augmentation du nombre des contrôles pour compenser l'absence des relevés MSA dans les demandes d'aides, la qualité de ces contrôles lui était apparue insuffisante.

25 Saisi par les autorités françaises, l'organe de conciliation a rendu son rapport final le 23 novembre 1998. Il ressort de ce rapport que la Commission a justifié sa proposition de correction par l'«insuffisance de la qualité des contrôles effectués par les autorités françaises», approche que l'organe de conciliation a estimé «manifestement moins objective que celle basée sur l'absence des relevés MSA». Cet organe a considéré qu'une correction financière était justifiée par les insuffisances des
contrôles nationaux. Toutefois, il a souligné que, malgré le caractère systématique des faiblesses constatées, leur extrapolation à l'ensemble du territoire français paraissait fragile et que les limites des possibilités d'application des corrections forfaitaires étaient, en l'occurrence, atteintes.

26 C'est dans ces conditions que, estimant que le niveau réel des dépenses irrégulières ne pouvait être en l'espèce déterminé, la Commission a adopté la décision attaquée.

Le recours

27 Dans le cadre du présent recours, la République française conclut à ce qu'il plaise à la Cour annuler la décision attaquée dans sa partie la concernant et condamner la Commission aux dépens.

28 La Commission conclut au rejet du recours et à la condamnation de la requérante aux dépens.

29 Par ordonnance du président de la Cour du 18 novembre 1999, la république de Finlande a été admise à intervenir à l'appui des conclusions de la requérante.

30 La république de Finlande conclut à ce qu'il plaise à la Cour faire droit au recours formé par la République française à l'encontre de la Commission.

Sur le premier moyen

31 Le gouvernement français reproche à la Commission d'avoir tiré du constat que les contrôles effectués étaient d'une qualité insuffisante des conséquences financières disproportionnées.

32 En 1994, seules huit exploitations situées dans deux départements qui ne représentaient que 2,28 % des demandes d'aides auraient été contrôlées par les services de la Commission. Dès lors, l'extrapolation à l'ensemble du territoire français à partir d'un nombre si restreint de vérifications, à laquelle s'est livrée la Commission, apparaîtrait fragile.

33 Selon le gouvernement français, une correction forfaitaire de 2 % telle que celle appliquée pour l'année 1994 équivaudrait à un constat d'anomalies sur plus de 12 % des surfaces contrôlées. Or, le pourcentage des surfaces contrôlées pour lesquelles ont été relevées des anomalies qu'a accepté la Commission au cours des années suivantes s'élèverait en 1995 à 0,54 %, en 1996 à 0,93 % et en 1997 à 0,61 %, ce qui prouverait que le chiffre de 12 % en 1994 ne correspond pas à la réalité.

34 Dans ces conditions, la Commission aurait pu et dû évaluer concrètement le préjudice résultant des irrégularités constatées en 1994 en procédant par extrapolation à partir de celles constatées au cours des années 1995 à 1997. La correction financière n'aurait donc dû s'élever qu'à la somme de 44,3 millions de FRF.

35 En revanche, la Commission prétend que, en l'occurrence, le préjudice réel n'est pas chiffrable, en sorte que la correction forfaitaire s'imposait. À cet égard, elle rejette la méthode par extrapolation proposée par le gouvernement français dès lors que, d'une part, les irrégularités constatées au cours d'une année déterminée ne se reproduisent pas nécessairement l'année suivante et que, d'autre part, cette approche s'oppose au principe de l'annualité des comptes en vertu duquel chaque année doit
être appréciée de façon autonome par rapport aux années antérieures ou postérieures.

36 Dans ces conditions, elle considère que seule une correction forfaitaire pouvait être ordonnée et fait valoir, en outre, que, le taux de 2 % étant le plus bas, elle n'a pas violé le principe de proportionnalité.

37 À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que la gestion du financement du FEOGA repose principalement sur les administrations nationales chargées de veiller à la stricte observation des règles communautaires. Ce régime, fondé sur la confiance entre les autorités nationales et les autorités communautaires, ne comporte aucun contrôle systématique de la part de la Commission, que celle-ci serait d'ailleurs matériellement dans l'impossibilité d'assurer. Seul l'État membre est en mesure
de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l'élaboration des comptes du FEOGA, la Commission ne jouissant pas de la proximité nécessaire pour obtenir les renseignements dont elle a besoin auprès des agents économiques (arrêt du 1er octobre 1998, Irlande/Commission, C-238/96, Rec. p. I-5801, point 30).

38 En second lieu, les articles 2 et 3 du règlement n_ 729/70 ne permettent à la Commission de prendre en charge pour le FEOGA que les montants versés en conformité avec les règles établies dans les différents secteurs des produits agricoles (voir, notamment, arrêt du 8 janvier 1992, Italie/Commission, C-197/90, Rec. p. I-1, point 38).

39 En troisième lieu, dans l'hypothèse où il se révélerait impossible d'établir avec certitude la mesure dans laquelle une mesure nationale incompatible avec le droit communautaire a provoqué une augmentation des dépenses figurant sur un poste budgétaire du FEOGA, la Commission n'a d'autre choix que de refuser le financement de la totalité des dépenses en question (arrêt du 4 juillet 1996, Grèce/Commission, C-50/94, Rec. p. I-3331, point 26).

40 En dernier lieu, lorsque la Commission, au lieu de rejeter la totalité des dépenses concernées par l'infraction, s'est efforcée d'établir l'impact financier de l'action illégale au moyen de calculs fondés sur une appréciation de la situation qui se serait produite sur le marché en cause en l'absence d'infraction, il appartient à l'État membre de démontrer que ses calculs ne sont pas exacts (arrêt Irlande/Commission, précité, point 37).

41 En l'espèce, il convient de relever, premièrement, que le gouvernement français ne conteste pas l'insuffisance dans la qualité des contrôles constatée par la Commission, mais critique le fait que, malgré le nombre restreint des vérifications opérées, la Commission a extrapolé à l'ensemble du territoire français les résultats obtenus dans deux départements.

42 Cependant, ce gouvernement n'a pas démontré ni même soutenu que les contrôles sur place effectués dans d'autres départements en 1994 étaient exempts des déficiences structurelles constatées par la Commission (à savoir, notamment, le recours à du personnel sans formation adéquate et l'absence de recours à la télédétection), mais s'est borné à faire valoir que les faiblesses constatées n'ont pas été reprises lors des missions de contrôle postérieures.

43 Dans ces conditions, la Commission pouvait raisonnablement présumer que les vérifications qu'elle avait effectuées étaient représentatives de la situation existant en France en 1994.

44 Deuxièmement, c'est à juste titre que la Commission n'a pas pris en considération le pourcentage des irrégularités constatées les années suivantes.

45 En effet, il convient d'abord de relever que, outre qu'une telle méthode ne saurait constituer une base sûre de calcul, il est tout à fait envisageable que, à la suite des observations formulées par la Commission, ces irrégularités ne se soient pas reproduites les années suivantes.

46 Ensuite, le gouvernement français, d'une part, reconnaît lui-même que, en 1994, la mise en place du SIGC s'est heurtée à des difficultés et, d'autre part, fait état des améliorations qui sont survenues à partir de l'année 1995, ce qui tend à prouver que le nombre des irrégularités était plus élevé en 1994 qu'au cours des années suivantes.

47 Enfin, contrairement aux dispositions de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n_ 729/70, la méthode préconisée par le gouvernement français fait abstraction de la gravité de l'infraction.

48 Or, ainsi qu'il a rappelé au point 42 du présent arrêt, la Commission a constaté des déficiences structurelles dans le système de contrôle mis en oeuvre par les autorités françaises. En effet, dans la mesure où les dossiers de demande d'aides ne permettaient pas d'identifier les surfaces concernées, rendant ainsi les contrôles administratifs plus difficiles, l'État membre aurait dû, afin de compenser cette absence, garantir que les contrôles sur place étaient exécutés d'une manière rigoureuse
afin de s'assurer qu'aucune subvention ne serait illégalement accordée.

49 Force est donc de conclure que la qualité insuffisante des contrôles sur place fait naître des doutes sérieux quant à la mise en place d'un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle au sens de l'article 6 du règlement n_ 3887/92 (voir, notamment, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2000, Grèce/Commission, C-46/97, Rec. p. I-5719, point 58), de nature à justifier l'application d'une correction forfaitaire telle que prévue par le rapport Belle.

50 Par ailleurs, il convient de rappeler que, lorsque la Commission, au lieu de rejeter la totalité des dépenses concernées par l'infraction, s'est efforcée d'établir des règles visant à instaurer un traitement différencié des cas d'irrégularités, selon le niveau de carences des contrôles et le degré de risque encouru par le FEOGA, l'État membre doit démontrer que ces critères sont arbitraires et inéquitables (arrêt du 22 avril 1999, Pays-Bas/Commission, C-28/94, Rec. p. I-1973, point 56). Le
gouvernement français n'ayant pas apporté une telle preuve, il y a lieu de rejeter son argumentation sur ce point.

51 Dans ces conditions, le gouvernement français ne saurait faire grief à la Commission d'avoir effectué une correction forfaitaire d'un montant de 2 %.

Sur le deuxième moyen

52 Le gouvernement finlandais prétend que, en ayant omis, dans la décision attaquée, de faire ressortir les éléments fondamentaux permettant à la Cour d'assurer son contrôle, la Commission a violé l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE). Il considère également que les motifs de la décision attaquée auraient dû être présentés de manière si claire et manifeste que même une tierce personne aurait pu être en mesure d'en apprécier le contenu.

53 À cet égard, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, la portée de l'obligation de motiver, consacrée par l'article 190 du traité, dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (arrêt Pays-Bas/Commission, précité, point 81).

54 Dans le contexte particulier de l'élaboration des décisions relatives à l'apurement des comptes, la motivation d'une décision doit être considérée comme suffisante dès lors que l'État destinataire a été étroitement associé au processus d'élaboration de cette décision et qu'il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA la somme litigieuse (arrêts Pays-Bas/Commission, précité, point 82, et du 18 mai 2000, Belgique/Commission, C-242/97,
Rec. p. I-3421, point 95).

55 En l'espèce, il ressort, d'une part, de la lettre de la Commission du 11 mai 1998 que celle-ci a exposé les raisons pour lesquelles elle entendait pratiquer une correction forfaitaire et, d'autre part, des correspondances échangées entre la Commission et les autorités françaises que ces dernières ont été associées au processus d'élaboration de la décision attaquée. En effet, les doutes qu'éprouvait la Commission quant à la qualité et à la fiabilité des contrôles dans le secteur des cultures
arables ont été portés à plusieurs reprises à l'attention des autorités françaises par écrit, des discussions ont eu lieu et l'organe de conciliation a été saisi.

56 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les autorités françaises ont été informées de la mise en oeuvre d'une correction financière et ont été associées à la procédure préalable à l'adoption de la décision attaquée, en sorte qu'il convient de rejeter le moyen tiré de la violation de l'article 190 du traité.

Sur le troisième moyen

57 Le gouvernement finlandais prétend que la Commission, en procédant à une modification des éléments de fait invoqués pour justifier la décision attaquée, a violé le principe de la protection de la confiance légitime et celui du respect des droits de la défense. En effet, après avoir initialement reproché aux autorités françaises l'absence de relevés MSA dans les dossiers de demande d'aides, la Commission aurait très tardivement modifié sa position en incriminant la qualité insuffisante des
contrôles. Or, la protection de la confiance légitime ainsi que les droits de la défense exigeraient que les éléments de fait allégués à titre de justification d'une correction financière ne soient pas modifiés au cours de l'examen d'une affaire.

58 À cet égard, il suffit de rappeler que, dès la lettre du 9 juillet 1997, la Commission a évoqué la qualité insuffisante des contrôles en attirant l'attention des autorités françaises sur les «contrôles sur place de faible qualité effectués par du personnel sans formation adéquate et sans recours significatif à la télédétection». Si la Commission a renoncé au grief concernant le caractère incomplet des dossiers de demande d'aides, c'est au motif que les autorités françaises avaient déclaré
augmenter le nombre des contrôles sur place qu'elles effectueraient. C'est à la suite de cette décision des autorités françaises que la Commission s'est fondée sur la qualité insuffisante des contrôles opérés.

59 Dans ces conditions, il convient de rejeter ce moyen.

Sur le quatrième moyen

60 Le gouvernement finlandais prétend que l'application d'une correction financière forfaitaire injustifiée remet en cause le principe de coopération loyale entre la Commission et les États membres en vue d'assurer l'effet utile du droit communautaire.

61 À cet égard, il suffit de rappeler que la Cour a déjà jugé au point 38 de l'arrêt Italie/Commission, précité, que, dans les cas où la réglementation communautaire n'autorise le paiement d'une aide qu'à la condition que certaines formalités de preuve ou de contrôle soient observées, une aide versée en méconnaissance de cette condition n'est pas conforme au droit communautaire et la dépense y afférente ne saurait donc être mise à la charge du FEOGA.

62 Il s'ensuit que l'application d'une correction financière forfaitaire telle que prévue par le rapport Belle ne saurait être de nature à affecter le devoir de coopération entre les États membres et la Commission.

63 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter ce moyen.

64 Il convient de relever que la Commission a soulevé, dans ses observations sur l'intervention, le fait que, selon elle, la république de Finlande met en cause des éléments de fait qui n'ont pas été contestés par la République française, ce qui ne serait pas possible aux termes de l'article 93, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, qui dispose que «[l]'intervenant accepte le litige dans l'état où il se trouve lors de son intervention».

65 Compte tenu du fait que les moyens de la république de Finlande ont été rejetés au fond, il n'est pas nécessaire de prendre position sur cette question.

66 Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

67 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. En vertu de l'article 69, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, la république de Finlande, qui est intervenue au litige, supporte ses propres dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La République française est condamnée aux dépens.

3) La république de Finlande supporte ses propres dépens.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-118/99
Date de la décision : 24/01/2002
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Apurement des comptes - FEOGA - Exercice 1995 - Cultures arables.

Agriculture et Pêche

Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA)


Parties
Demandeurs : République française
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Alber
Rapporteur ?: Macken

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2002:39

Source

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