Avis juridique important
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62000J0001
Arrêt de la Cour du 13 décembre 2001. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Manquement d'Etat - Refus de mettre fin à l'embargo sur la viande bovine britannique. - Affaire C-1/00.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-09989
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
1. Recours en manquement - Procédure précontentieuse - Mise en demeure - Objet
(Art. 226 CE)
2. Recours en manquement - Procédure précontentieuse - Objet - Délais impartis à l'État membre - Exigence de délais raisonnables - Critères d'appréciation
(Art. 226 CE)
3. Recours en manquement - Décision de la Commission d'introduire un recours devant la Cour - Application du principe de collégialité - Portée - Délibération incombant au collège
(Art. 226 CE)
4. Recours en manquement - Non-respect de décisions de la Commission - Moyens de défense - Mise en cause de la légalité des décisions - Irrecevabilité
(Art. 226 CE, 227 CE, 230 CE et 232 CE)
5. États membres - Obligations - Manquement - Justification tirée de l'ordre juridique interne - Inadmissibilité - Force majeure - Défaut de clarté et de précision des obligations imposées - Conditions
(Art. 226 CE)
Sommaire
1. La régularité de la procédure précontentieuse prévue à l'article 226 CE constitue une garantie essentielle voulue par le traité non seulement pour la protection des droits de l'État membre en cause, mais également pour assurer que la procédure contentieuse éventuelle aura pour objet un litige clairement défini.
Il résulte de cette finalité que la lettre de mise en demeure a pour but, d'une part, de circonscrire l'objet du litige et d'indiquer à l'État membre qui est invité à présenter ses observations les éléments nécessaires à la préparation de sa défense et, d'autre part, de permettre à celui-ci de se mettre en règle avant que la Cour ne soit saisie.
( voir points 53-54 )
2. Dans le cadre du recours en manquement, la procédure précontentieuse a pour but de donner à l'État membre concerné l'occasion de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire ou de faire utilement valoir ses moyens de défense à l'encontre des griefs formulés par la Commission.
Ce double objectif impose à la Commission de laisser un délai raisonnable aux États membres pour répondre à la lettre de mise en demeure et pour se conformer à un avis motivé ou, le cas échéant, pour préparer leur défense. Pour apprécier le caractère raisonnable du délai fixé, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances qui caractérisent la situation d'espèce. Des délais très courts peuvent ainsi se justifier dans des situations particulières, notamment lorsqu'il y a urgence à
remédier à un manquement ou lorsque l'État membre concerné a pleine connaissance du point de vue de la Commission bien avant le début de la procédure.
( voir points 64-65 )
3. Le principe de collégialité repose sur l'égalité des membres de la Commission dans la participation à la prise de décision et implique notamment que les décisions soient délibérées en commun et que tous les membres du collège soient collectivement responsables, sur le plan politique, de l'ensemble des décisions arrêtées. Dès lors, une décision de la Commission d'introduire un recours en manquement contre un État membre doit être délibérée en commun par le collège et tous les éléments sur lesquels
cette décision est fondée doivent être disponibles pour les membres du collège.
( voir points 79-80 )
4. Le système des voies de recours établi par le traité distingue les recours visés aux articles 226 CE et 227 CE, qui tendent à faire constater qu'un État membre a manqué aux obligations qui lui incombent, et les recours visés aux articles 230 CE et 232 CE, qui tendent à faire contrôler la légalité des actes ou des abstentions des institutions communautaires. Ces voies de recours poursuivent des objectifs distincts et sont soumises à des modalités différentes. Un État membre ne saurait donc
utilement, en l'absence d'une disposition du traité l'y autorisant expressément, invoquer l'illégalité de décisions dont il est destinataire comme moyen de défense à l'encontre d'un recours en manquement fondé sur l'inexécution de ces décisions.
( voir point 101 )
5. Selon une jurisprudence constante, un État membre ne peut exciper des dispositions, des pratiques ou des situations de son ordre interne pour justifier le non-respect des obligations résultant du droit communautaire.
Par ailleurs, un État membre qui se heurte à des difficultés momentanément insurmontables l'empêchant de se conformer aux obligations résultant du droit communautaire ne peut invoquer une situation de force majeure que pour la période nécessaire pour remédier à ces difficultés.
Lorsqu'il existe des difficultés d'interprétation et, par voie de conséquence, de mise en oeuvre d'une décision, en ce que les exigences imposées à l'ensemble des États membres ne sont ni claires ni précises, un État membre ne peut cependant plus invoquer la force majeure à partir du moment où il a été pleinement informé, par la Commission, de l'étendue des obligations résultant pour lui de ladite décision et a disposé d'un délai raisonnable pour la mettre en oeuvre, telle qu'interprétée et
précisée.
( voir points 130-131, 134-136 )
Parties
Dans l'affaire C-1/00,
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. D. Booss et G. Berscheid, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
soutenue par
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté par M. J. E. Collins, en qualité d'agent, assisté de MM. D. Anderson, QC, et M. Hoskins, barrister, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie intervenante,
contre
République française, représentée initialement par Mme K. Rispal-Bellanger et M. J.-F. Dobelle, puis par Mme R. Loosli-Surrans et M. J.-F. Dobelle, puis par Mme R. Loosli-Surrans et M. G. de Bergues, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
ayant pour objet de faire constater que, par son refus d'adopter les mesures nécessaires pour se conformer
- à la décision 98/256/CE du Conseil, du 16 mars 1998, concernant certaines mesures d'urgence en matière de protection contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, modifiant la décision 94/474/CE et abrogeant la décision 96/239/CE (JO L 113, p. 32), dans sa version résultant de la décision 98/692/CE de la Commission, du 25 novembre 1998 (JO L 328, p. 28), en particulier à son article 6 et à son annexe III, et
- à la décision 1999/514/CE de la Commission, du 23 juillet 1999, fixant la date à laquelle l'expédition à partir du Royaume-Uni de produits bovins dans le cadre du régime d'exportation sur la base de la date peut commencer au titre de l'article 6, paragraphe 5, de la décision 98/256 (JO L 195, p. 42), en particulier à son article 1er,
notamment par son refus de permettre la commercialisation sur son territoire des produits éligibles au titre dudit régime visés à l'article 6 et à l'annexe III de la décision 98/256, telle que modifiée par la décision 98/692, après le 1er août 1999, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces deux décisions, en particulier de leurs dispositions susmentionnées, ainsi que du traité CE, notamment des articles 10 CE et 28 CE,
LA COUR,
composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, M. P. Jann, Mmes F. Macken et N. Colneric, et M. S. von Bahr, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, J.-P. Puissochet, L. Sevón (rapporteur), M. Wathelet, R. Schintgen et V. Skouris, juges,
avocat général: M. J. Mischo,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 19 juin 2001, au cours de laquelle la Commission a été représentée par MM. D. Boos et G. Berscheid, la République française par Mme R. Loosli-Surrans et M. F. Alabrune, en qualité d'agent, et le Royaume-Uni par MM. J. E. Collins, D. Anderson et M. Hoskins,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 20 septembre 2001,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 4 janvier 2000, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, par son refus d'adopter les mesures nécessaires pour se conformer
- à la décision 98/256/CE du Conseil, du 16 mars 1998, concernant certaines mesures d'urgence en matière de protection contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, modifiant la décision 94/474/CE et abrogeant la décision 96/239/CE (JO L 113, p. 32), dans sa version résultant de la décision 98/692/CE de la Commission, du 25 novembre 1998 (JO L 328, p. 28, ci-après la «décision 98/256 modifiée»), en particulier à son article 6 et à son annexe III, et
- à la décision 1999/514/CE de la Commission, du 23 juillet 1999, fixant la date à laquelle l'expédition à partir du Royaume-Uni de produits bovins dans le cadre du régime d'exportation sur la base de la date peut commencer au titre de l'article 6, paragraphe 5, de la décision 98/256 (JO L 195, p. 42), en particulier à son article 1er,
notamment par son refus de permettre la commercialisation sur son territoire des produits éligibles au titre dudit régime visés à l'article 6 et à l'annexe III de la décision 98/256 modifiée après le 1er août 1999, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces deux décisions, en particulier de leurs dispositions susmentionnées, ainsi que du traité CE, notamment des articles 10 CE et 28 CE.
2 Par ordonnance du président de la Cour du 13 juin 2000, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord a été autorisé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.
La législation communautaire
3 À la suite de la découverte d'un lien probable entre une variante de la maladie de Creutzfeldt-Jacob, maladie affectant l'être humain, et l'encéphalopathie spongiforme bovine (ci-après l'«ESB»), largement répandue à l'époque au Royaume-Uni, la Commission a adopté la décision 96/239/CE, du 27 mars 1996, relative à certaines mesures d'urgence en matière de protection contre l'encéphalopathie spongiforme bovine (JO L 78, p. 47, ci-après la «décision d'embargo»), par laquelle elle a interdit au
Royaume-Uni d'expédier, de son territoire vers les autres États membres et les pays tiers, notamment, des bovins vivants, de la viande bovine et des produits obtenus à partir de bovins.
4 Cette décision était fondée sur le traité, sur la directive 90/425/CEE du Conseil, du 26 juin 1990, relative aux contrôles vétérinaires et zootechniques applicables dans les échanges intracommunautaires de certains animaux vivants et produits dans la perspective de la réalisation du marché intérieur (JO L 224, p. 29), modifiée, en dernier lieu, par la directive 92/118/CEE du Conseil, du 17 décembre 1992, définissant les conditions de police sanitaire ainsi que les conditions sanitaires régissant
les échanges et les importations dans la Communauté de produits non soumis, en ce qui concerne lesdites conditions, aux réglementations communautaires spécifiques visées à l'annexe A chapitre Ier de la directive 89/662/CEE et, en ce qui concerne les pathogènes, de la directive 90/425 (JO 1993, L 62, p. 49, ci-après la «directive 90/425»), et notamment son article 10, paragraphe 4, ainsi que sur la directive 89/662/CEE du Conseil, du 11 décembre 1989, relative aux contrôles vétérinaires applicables
dans les échanges intracommunautaires dans la perspective de la réalisation du marché intérieur (JO L 395, p. 13), modifiée, en dernier lieu, par la directive 92/118 (ci-après la «directive 89/662»), et notamment son article 9.
5 La décision d'embargo prévoyait, en son article 3, que le Royaume-Uni adresserait toutes les deux semaines à la Commission un rapport sur l'application des mesures prises en matière de protection contre l'ESB, en conformité avec les dispositions communautaires et nationales.
6 Selon l'article 4 de cette décision, le Royaume-Uni était invité à présenter de nouvelles propositions pour contrôler l'ESB sur son territoire.
7 Le septième considérant de la décision d'embargo indiquait que cette dernière devrait être revue après un examen d'un ensemble d'éléments mentionnés dans cette décision.
8 Le 16 mars 1998, le Conseil a adopté la décision 98/256, par laquelle il a procédé à une levée de l'embargo pour certaines viandes et produits de viande provenant de bovins abattus en Irlande du Nord, dans les conditions strictes d'un régime fondé sur la certification des troupeaux («Export Certified Herds Scheme - ECHS», ci-après le «régime ECHS»).
9 La reprise des exportations sous ce régime a été fixée par la décision 98/351/CE de la Commission, du 29 mai 1998, fixant la date à partir de laquelle les expéditions d'Irlande du Nord de produits provenant de bovins peuvent débuter dans le cadre du régime d'exportation de troupeaux certifiés en vertu de l'article 6, paragraphe 5, de la décision 98/256 (JO L 157, p. 110).
10 Par la décision 98/692, le principe de l'autorisation d'expédition de produits bovins dans le cadre d'un régime d'exportation fondé sur la date («Date-Based Export Scheme - DBES», ci-après le «régime DBES») a été adopté par modification de l'article 6 de la décision 98/256.
11 Le régime DBES est décrit dans l'annexe III de la décision 98/256, ajoutée à cette décision par la décision 98/692.
12 L'annexe III, point 3, de la décision 98/256 modifiée décrit comme suit les animaux éligibles au titre du régime DBES:
«Un animal de l'espèce bovine est éligible au titre du DBES s'il est né et a été élevé au Royaume-Uni et si, au moment de l'abattage, il apparaît que les conditions suivantes sont réunies:
a) l'animal est clairement identifiable tout au long de sa vie pour permettre de le tracer jusqu'à sa mère et au troupeau d'origine; son numéro de marque auriculaire unique, sa date et son exploitation de naissance et tous les mouvements après la naissance sont enregistrés soit dans le passeport officiel de l'animal soit sur un système officiel de traçabilité et d'identification informatisé; l'identité de sa mère est connue;
b) l'animal est âgé de plus de 6 mois mais de moins de 30 mois, fait établi par l'enregistrement informatique officiel de sa date de naissance et, dans le cas d'animaux originaires de Grande-Bretagne, le passeport officiel de l'animal;
c) l'autorité compétente a obtenu et vérifié une preuve concrète officielle attestant que la mère de l'animal a vécu pendant au moins 6 mois après la naissance de l'animal éligible;
d) la mère de l'animal n'a pas développé l'ESB et n'est pas suspecte d'avoir contracté l'ESB.»
13 L'annexe III, point 4, de la décision 98/256 modifiée dispose:
«Si un animal présenté à l'abattage ou l'une des conditions de l'abattage n'est pas conforme à l'ensemble des exigences de la présente décision, l'animal doit être automatiquement refusé. Si une information dans ce sens est disponible après l'abattage, l'autorité compétente doit suspendre immédiatement la délivrance de certificats et annuler les certificats délivrés. Si l'exportation a déjà eu lieu, l'autorité compétente doit informer l'autorité compétente du lieu de destination. L'autorité
compétente du lieu de destination doit prendre les mesures appropriées.»
14 L'annexe III de la décision 98/256 modifiée prévoit en son point 5 que l'abattage des animaux éligibles doit être effectué dans des abattoirs spécialisés, ne traitant pas d'animaux non éligibles, et en son point 7 que la traçabilité doit être parfaitement assurée, en ce sens que:
«Les viandes doivent être traçables jusqu'à l'animal éligible au titre du DBES, ou après la découpe, jusqu'aux animaux découpés appartenant au même lot, à l'aide d'un système officiel de traçabilité jusqu'au moment de l'abattage. Après l'abattage, les étiquettes doivent permettre de tracer les viandes fraîches et les produits visés à l'article 6, paragraphe 1, points b) et c), jusqu'à l'animal éligible pour permettre le rappel du lot concerné. En ce qui concerne les aliments pour carnivores
domestiques, les documents et rapports d'accompagnement doivent en permettre le traçage.»
15 Le treizième considérant de la décision 98/692 indique à cet égard:
«[C]onsidérant que les animaux présentés à l'abattage au titre de l'ECHS ou du DBES doivent remplir l'ensemble des conditions fixées dans la présente décision; que s'il est découvert, après l'abattage d'un animal au titre d'un de ces régimes, que celui-ci aurait dû être considéré comme inéligible, l'autorité compétente est tenue de prendre les mesures nécessaires pour empêcher l'expédition de produits provenant de cet animal; que dans le cas où un produit provenant d'un animal qui s'est révélé par
la suite inéligible a été expédié, les mesures fixées à l'article 9 de la directive 89/662/CEE doivent être appliquées».
16 L'article 6, paragraphe 5, de la décision 98/256 modifiée prévoit que la Commission, après avoir vérifié l'application de toutes les dispositions de cette décision sur la base des inspections communautaires et informé les États membres, fixe la date à retenir pour le début des expéditions des produits visés à l'annexe III de cette décision.
17 En application de cette disposition, la décision 1999/514 a fixé cette date au 1er août 1999.
Faits et procédure
18 En droit français, l'interdiction de l'importation de viande bovine provenant du Royaume-Uni résulte de l'arrêté, du 28 octobre 1998, établissant des mesures particulières applicables à certains produits d'origine bovine expédiés du Royaume-Uni (JORF du 2 décembre 1998, p. 18169, ci-après l'«arrêté du 28 octobre 1998»). Cet arrêté a été modifié par un arrêté du 11 octobre 1999 (JORF du 12 octobre 1999, p. 15220), afin d'autoriser le transit de la viande bovine d'origine britannique.
19 Le 10 septembre 1999, la Commission a écrit à la République française une lettre où elle indiquait qu'elle s'étonnait de la saisine de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (ci-après l'«AFSSA») dans le cadre de la mise en oeuvre, dans l'ordre juridique français, des décisions 98/256 modifiée et 1999/514. La Commission insistait pour que la République française se conforme rapidement à ces décisions, afin de ne pas être contrainte de recourir à la procédure prévue à l'article 226
CE.
20 Par lettre du 1er octobre 1999, la République française a transmis à la Commission l'avis émis par l'AFSSA le 30 septembre 1999 et a demandé que cet avis et les données sur lesquelles il était fondé soient examinés par le comité scientifique directeur (ci-après le «CSD»), institué par la décision 97/404/CE de la Commission, du 10 juin 1997 (JO L 169, p. 85).
21 Selon cet avis, les récentes avancées scientifiques ainsi que le contexte factuel soulevaient encore des questions quant à la sécurité des produits soumis au régime DBES. Les experts y faisaient notamment valoir que le risque de contamination des bovins par l'ESB pourrait provenir d'une troisième voie, et non pas seulement des deux voies déjà connues, à savoir l'alimentation et la transmission maternelle. Compte tenu du délai d'incubation de la maladie, aucune donnée scientifique n'aurait permis
de vérifier le bien-fondé des critères d'éligibilité des animaux au régime DBES. Seuls des outils de diagnostic contribueraient à renforcer la maîtrise du risque. Par ailleurs, selon les experts, la fiabilité du programme mis en place reposait sur celle du système d'identification et de traçage des animaux alors que, selon la réglementation en vigueur, la traçabilité de certains produits n'était pas assurée.
22 La Commission a transmis cet avis au CSD, lui demandant de répondre aux questions suivantes:
1) Les avis et documents fournis par les autorités françaises contiennent-ils des informations scientifiques, des données épidémiologiques ou d'autres preuves qui n'auraient pas été prises en considération par le CSD?
2) Si ces documents contenaient des informations, données ou preuves nouvelles ou si le CSD avait à sa disposition une telle information nouvelle, cela nécessiterait-il un réexamen de l'un des quatre avis du CSD ayant trait directement à la justification scientifique du régime DBES?
3) À la lumière des réponses à la question ci-dessus, le CSD confirme-t-il ou non sa position selon laquelle les conditions du régime DBES, si elles sont respectées de façon appropriée, sont satisfaisantes en ce qui concerne la sécurité de la viande ou des produits à base de viande?
23 Ces questions ont tout d'abord été examinées par le groupe spécialisé dans les encéphalopathies spongiformes transmissibles, à savoir le groupe ad hoc EST/ESB. Lors de ses réunions des 14 et 25 octobre 1999, celui-ci a examiné l'avis de l'AFSSA et n'est pas parvenu à des conclusions unanimes en ce qui concerne les questions qui lui avaient été posées par la Commission.
24 Lors de ses réunions des 28 et 29 octobre 1999, le CSD a également examiné cet avis et les questions de la Commission. Il a relevé que de nouvelles données étaient continuellement disponibles et qu'elles étaient examinées par lui ainsi que par le groupe ad hoc EST/ESB lors de leurs réunions mensuelles. Il a constaté que l'utilité de tests diagnostiques rapides n'était pas nouvelle, mais que les tests nouvellement développés n'avaient pas encore fait l'objet d'une évaluation. Cette évaluation
serait complexe, mais il convenait d'y accorder une priorité. Ayant examiné les données épidémiologiques relatives à l'ESB au Royaume-Uni jusqu'à la mi-octobre 1999, il a constaté que l'incidence de la maladie continuait à décliner et qu'il n'y avait pas, dès lors, de raison de supposer l'existence d'une nouvelle voie d'infection. Il a conclu qu'il n'y avait aucune raison de réexaminer ses conclusions relatives à la justification du régime DBES. Il a insisté sur le fait que son évaluation du risque
dépendait de l'action de la Commission et des États membres en vue de faire respecter méticuleusement les mesures proposées visant à exclure ou à limiter le risque. Il a relevé que la garantie offerte par le régime DBES britannique dépendait étroitement du maintien de l'interdiction de l'alimentation à partir de farines animales, de la règle des 30 mois et de la preuve claire que le risque par transmission maternelle était réduit au minimum. En conclusion, il a considéré que les mesures adoptées par
le Royaume-Uni rendaient le risque du régime DBES britannique pour la santé de l'être humain à tout le moins comparable à celui existant dans les autres États membres.
25 La République française n'ayant pas levé son embargo, diverses réunions ont eu lieu les 2, 5, 12 et 15 novembre 1999 entre des représentants des autorités françaises et britanniques ainsi que de la Commission.
26 Le 17 novembre 1999, la Commission a adressé à la République française une lettre de mise en demeure au sens de l'article 226 CE. La Commission y constatait, notamment, que, par son refus de permettre que le boeuf britannique conforme aux exigences communautaires soit commercialisé sur son territoire après le 1er août 1999, cet État membre avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire. Par cette lettre, la Commission demandait au gouvernement français de lui
soumettre ses observations dans un délai de quinze jours et se réservait le droit, après les avoir examinées, d'émettre un avis motivé en vertu de l'article 226 CE.
27 Le 24 novembre 1999, les autorités françaises et britanniques ainsi que la Commission ont arrêté un mémorandum d'accord (ci-après le «mémorandum d'accord»). Selon ce mémorandum, les autorités françaises s'estiment satisfaites des clarifications apportées par les autorités britanniques et la Commission concernant la traçabilité des produits au Royaume-Uni et les contrôles sur place dans cet État membre. Le mémorandum d'accord prévoit la mise en oeuvre d'un projet d'épidémiosurveillance sur les
cohortes d'animaux issus d'élevages où un bovin né après le 1er janvier 1996 a été frappé par l'ESB ainsi que la mise en oeuvre de nouveaux tests diagnostiques post mortem.
28 S'agissant de la traçabilité des produits en dehors du Royaume-Uni, le mémorandum d'accord prévoit, en son point 5:
«Les envois de viande DBES, directement débarqués en France, pourront être soumis à une identification spécifique définie au titre de la réglementation française, permettant une traçabilité transparente, de nature à permettre, en cas de nécessité, une procédure de rappel dans les meilleurs délais.
Le cadre réglementaire communautaire actuel assure déjà une traçabilité mais de façon non transparente et peu rapide. Une amélioration du fonctionnement du système pour couvrir notamment les échanges triangulaires est assurée par voie de déclaration interprétative de la Commission et, le cas échéant, par un accord fondé sur l'assistance mutuelle entre les États membres».
29 L'annexe II du mémorandum d'accord contient la déclaration interprétative de la Commission rédigée comme suit:
«La Commission déclare que, conformément à ses obligations en matière de traçabilité et rappel, selon la décision 98/256/CE telle que modifiée par la décision 98/692/CE, chaque État membre prend, pour garantir l'effet utile de cette mesure basée sur le principe de précaution, des mesures contraignantes pour maintenir la traçabilité maximale en assurant que toute viande ou tout produit expédié du Royaume-Uni en conformité avec les annexes II et III de cette décision:
- est marqué ou étiqueté à l'arrivée sur son territoire avec une marque distincte qui ne peut pas être confondue avec la marque de salubrité communautaire;
- reste marqué ou étiqueté de cette façon lorsque la viande ou produit est découpé, transformé ou reconditionné sur son territoire.
Chaque État membre est invité à notifier à la Commission et aux autres États membres la marque distincte qu'il a choisie. À la lumière de l'expérience acquise, la Commission s'efforcera de préciser et de compléter, si besoin en est, le cadre réglementaire existant par exemple en faisant appel au système d'assistance mutuelle et/ou par la voie d'une décision adoptée sur la base de l'article 6, paragraphe 1, sous f), de la directive 64/433/CEE et/ou l'article 17 de la directive 77/99/CEE et/ou
l'article 7, paragraphe 5, de la directive 94/65.
Par ailleurs la Commission confirme que, si cette traçabilité n'est pas établie, un État membre est en mesure de refuser, dans le respect du droit communautaire et notamment de l'article 7 de la directive 89/662/CEE, la viande et tout produit en contenant ne remplissant pas clairement cette obligation.
La Commission adressera cette déclaration à l'ensemble des États membres.»
30 Le gouvernement français a sollicité, par lettre du 1er décembre 1999, une semaine de délai supplémentaire pour répondre à la lettre de mise en demeure, afin de pouvoir soumettre le mémorandum d'accord à l'AFSSA.
31 L'AFSSA a rendu son avis le 6 décembre 1999. Selon le point 2 de cet avis:
«Dans l'attente d'éléments d'ordre scientifique ou épidémiologique permettant formellement de confirmer ou d'infirmer les hypothèses sur lesquelles se fonde le DBES, les précisions et dispositions complémentaires relatives aux contrôles, à la traçabilité et à l'étiquetage peuvent utilement concourir, dans le cas où les autorités françaises décideraient de lever l'embargo, à mieux maîtriser, parmi les risques, ceux qui seraient dus à une application imparfaite du DBES ou à être mieux en situation de
pouvoir tirer les conséquences d'éléments nouveaux et notamment d'éventuels signaux d'alerte.»
32 Le point 4 de cet avis est rédigé comme suit:
«Toute décision doit prendre en compte:
- les éléments de risque, plausibles mais non quantifiables à l'heure actuelle, liés à l'absence de certitudes d'une part sur la distribution de l'infectiosité de l'ESB dans l'organisme au cours du temps chez les bovins et d'autre part sur l'ensemble des modes de transmission de l'agent infectieux chez les animaux;
- le fait que les mesures de renforcement des contrôles et du suivi du dispositif, de nature à garantir le respect effectif des dispositions prises, n'ont pas, cependant, d'impact direct et immédiat sur ces éléments de risque;
- la nécessité de prévoir une réversibilité des mesures prises, afin de faire cesser immédiatement une éventuelle exposition des consommateurs à un risque qui se confirmerait ultérieurement.»
33 Le 8 décembre 1999, les services de presse du Premier ministre français ont publié un communiqué annonçant que «[l]a France n'est pas en mesure aujourd'hui de lever l'embargo sur la viande bovine britannique». Après avoir rappelé les conclusions de l'AFSSA, le communiqué précise que la République française n'est pas en mesure de lever l'embargo, «faute de garanties suffisantes sur les points suivants:
- la définition et la mise en oeuvre des programmes de tests, lesquels doivent être améliorés et élargis. À cet effet, il apparaît nécessaire que soient organisées par la Commission des réunions de travail entre experts scientifiques, notamment britanniques et français;
- l'adoption d'une base réglementaire communautaire assurant la traçabilité et un étiquetage obligatoire en Europe des viandes bovines et des produits dérivés britanniques».
34 Par lettre du 9 décembre 1999, le gouvernement français a répondu à la mise en demeure de la Commission. Cette lettre reprend, pour l'essentiel, le texte du communiqué de presse du 8 décembre 1999.
35 Le 14 décembre 1999, la Commission a envoyé à la République française un avis motivé faisant état du communiqué de presse du 8 décembre 1999 et invitant la République française à prendre, dans un délai de cinq jours ouvrables, les mesures nécessaires pour se conformer à ses obligations communautaires.
36 Cet avis motivé a été remplacé par un second avis, du 16 décembre 1999, imposant également un délai de cinq jours ouvrables pour s'y conformer. À la demande de la République française, ce délai a été prolongé jusqu'au 30 décembre 1999.
37 Par lettre du 29 décembre 1999, le gouvernement français a répondu à l'avis motivé. Il a rappelé que, en application de la loi française, la consultation de l'AFSSA était requise avant toute modification de l'arrêté du 28 octobre 1998. Or, selon les avis rendus par l'AFSSA, des doutes sérieux auraient subsisté quant aux risques présentés par les produits soumis au régime DBES.
38 Le gouvernement français a également fait valoir que la Commission n'avait tenu compte ni d'avis minoritaires au sein du groupe ad hoc EST/ESB, violant ainsi le principe de précaution, ni du fait que la République française avait contesté la date fixée pour la levée de l'embargo, qu'elle considérait prématurée.
39 S'agissant des garanties apportées par le mémorandum d'accord, le gouvernement français a soutenu qu'elles étaient inopérantes dès lors qu'elles supposaient une traçabilité des produits d'origine britannique sur les territoires des États membres alors que cette traçabilité n'était pas réalisée. En effet, les discussions ayant eu lieu dans le cadre des réunions du comité vétérinaire permanent des 23 et 24 novembre et 6 décembre 1999 auraient montré qu'une majorité d'États membres n'était pas prête
à se conformer spontanément à l'interprétation de la Commission et donc à assurer la traçabilité des produits. Face à cette situation, la Commission aurait dû en imposer l'application et, à tout le moins, proposer une modification du règlement (CE) n° 820/97 du Conseil, du 21 avril 1997, établissant un système d'identification et d'enregistrement des bovins et relatif à l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine (JO L 117, p. 1). Au contraire, elle aurait proposé le
report de la mise en oeuvre de l'étiquetage obligatoire de la viande bovine au 31 décembre 2000.
40 Le gouvernement français a, par ailleurs, rappelé l'importance qu'il attachait à la mise en oeuvre rapide d'un programme de tests de détection, préoccupation à laquelle il n'aurait pas été répondu à ce stade.
41 Eu égard à ces éléments, le gouvernement français faisait valoir que les éléments scientifiques contenus dans l'avis de l'AFSSA auraient dû conduire la Commission à réviser la décision relative à la levée de l'embargo ou, en tout état de cause, à en suspendre l'application. En ne le faisant pas, la Commission aurait violé le principe de précaution.
42 Le gouvernement français soulignait aussi les délais très courts qui lui avaient été laissés pour répondre à la mise en demeure et à l'avis motivé, délais qui auraient montré la volonté de la Commission d'imposer à la République française la mise à exécution d'une décision n'offrant pas toutes les garanties requises pour assurer la sauvegarde de la santé humaine.
43 En outre, le gouvernement français faisait part de son intention de saisir la Cour d'un recours relatif au refus de modifier la décision 1999/514.
44 Le 29 décembre 1999, la République française a introduit devant la Cour un recours en annulation de la décision par laquelle la Commission aurait refusé de modifier ou d'abroger la décision 1999/514. Selon le gouvernement français, cette décision de refus aurait été révélée par une déclaration de M. le commissaire Byrne et par le choix opéré le 17 novembre 1999 par la Commission de mettre la République française en demeure de se conformer à la décision 1999/514.
45 Statuant sur une exception soulevée par la Commission, la Cour a cependant déclaré ce recours manifestement irrecevable, par une ordonnance du 21 juin 2000, France/Commission (C-514/99, Rec. p. I-4705). Au point 47 de cette ordonnance, la Cour a relevé que la Commission n'avait pas été saisie d'une demande explicite de modification de la décision 1999/514, mais avait seulement reçu communication d'éléments prétendument nouveaux, susceptibles de modifier le contexte juridique et factuel pris en
considération. Elle a considéré, au point 48 de cette ordonnance, que, «[s]i la requérante estimait que cette communication entraînait l'obligation, pour la Commission, d'adopter une décision nouvelle, il lui appartenait de suivre la procédure en carence instaurée par le traité».
46 Compte tenu de la réponse de la République française à l'avis motivé, la Commission a introduit le présent recours.
Sur l'exception d'irrecevabilité
47 La République française a soulevé, par acte séparé, une exception d'irrecevabilité à l'encontre du recours, conformément à l'article 91, paragraphe 1, du règlement de procédure.
48 Conformément à l'article 91, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Cour a joint l'exception au fond, par décision du 23 mai 2000, et de nouveaux délais ont été fixés pour la poursuite de l'instance.
49 Cette exception est fondée sur deux moyens. Le premier moyen est tiré de l'irrégularité de la procédure précontentieuse et le second moyen de la violation du principe de collégialité.
Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure précontentieuse
50 Ce moyen se subdivise en quatre griefs.
51 Par le premier grief, le gouvernement français fait valoir que l'envoi par la Commission de la mise en demeure avant l'émission du second avis de l'AFSSA était de nature à porter atteinte au principe selon lequel l'objet du litige doit être clairement défini. En agissant de cette manière, la Commission aurait méconnu l'objectif de la procédure précontentieuse qui serait de donner à l'État membre concerné l'occasion de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire ou de faire
valoir utilement ses moyens de défense.
52 La Commission répond que le grief n'est pas pertinent au motif qu'elle n'avait aucune obligation d'attendre cet avis. En tout état de cause, l'envoi de la mise en demeure aurait pour objet de fixer les griefs et n'empêcherait nullement une continuation des discussions. La République française n'aurait d'ailleurs fait état d'aucun préjudice causé par le caractère prétendument prématuré de l'envoi de la mise en demeure.
53 À cet égard, il convient de rappeler que l'objectif de la procédure précontentieuse prévue à l'article 226 CE est de donner à l'État membre concerné l'occasion de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire ou de faire utilement valoir ses moyens de défense à l'encontre des griefs formulés par la Commission. La régularité de cette procédure constitue une garantie essentielle voulue par le traité non seulement pour la protection des droits de l'État membre en cause, mais
également pour assurer que la procédure contentieuse éventuelle aura pour objet un litige clairement défini (ordonnance du 11 juillet 1995, Commission/Espagne, C-266/94, Rec. p. I-1975, points 16 et 17).
54 Il résulte de cette finalité que la lettre de mise en demeure a pour but, d'une part, de circonscrire l'objet du litige et d'indiquer à l'État membre qui est invité à présenter ses observations les éléments nécessaires à la préparation de sa défense et, d'autre part, de permettre à celui-ci de se mettre en règle avant que la Cour ne soit saisie (arrêt du 15 février 2001, Commission/France, C-230/99, Rec. p. I-1169, point 31).
55 En l'espèce, le manquement allégué était clairement défini dans la lettre de mise en demeure comme étant le refus d'adopter les mesures nécessaires pour se conformer aux décisions 98/256 modifiée et 1999/514 depuis le 1er août 1999.
56 La République française souhaitait sans doute convaincre la Commission, par la communication du second avis de l'AFSSA, du bien-fondé de la thèse qu'elle avait déjà défendue dans sa lettre du 1er octobre 1999 et lors de diverses réunions avec la Commission. La Commission était cependant en droit de maintenir inchangée la définition du manquement qu'elle reprochait à la République française et de considérer qu'un avis supplémentaire de l'AFSSA n'aurait aucune incidence sur cette définition.
57 Il s'ensuit que le grief tiré de l'irrégularité de la mise en demeure en raison du moment de son envoi n'est pas fondé.
58 Par le deuxième grief, le gouvernement français reproche à la Commission d'avoir violé la règle fondamentale qui lui impose d'apporter la preuve du manquement, en refusant de prendre en compte les arguments de droit qu'il avait développés pour justifier l'impossibilité d'appliquer la décision 1999/514.
59 La Commission répond à ce grief que la République française avait développé une argumentation qui n'était pas d'ordre juridique mais d'ordre politique et que, en tout état de cause, ce grief est clairement contredit par les faits. Elle rappelle à ce propos qu'elle a transmis l'avis de l'AFSSA au CSD et qu'elle a tenu de nombreuses réunions avec les autorités françaises.
60 Il suffit à cet égard de constater que ce grief a trait à un prétendu défaut de preuve du manquement, c'est-à-dire à une question de fond, et qu'il ne saurait, en tant que tel, mettre en cause la recevabilité du recours.
61 Par le troisième grief, le gouvernement français fait valoir que la Commission lui a imposé de répondre tant à la mise en demeure qu'à l'avis motivé dans des délais d'urgence qui n'étaient justifiés ni au regard des intérêts économiques des opérateurs ni au regard de la protection sanitaire des consommateurs. Ce faisant, la Commission aurait porté atteinte au principe du contradictoire. Elle aurait aussi commis un détournement de procédure en substituant une procédure précontentieuse raccourcie à
une procédure en référé, afin de faire pression sur le gouvernement français, sans respecter les conditions de forme et de fond d'une procédure en référé.
62 La Commission objecte à ce grief que le délai imparti à un État membre pour répondre à une lettre de mise en demeure et à un avis motivé doit être raisonnable et que, pour apprécier ce caractère, il faut tenir compte de l'ensemble des circonstances qui caractérisent la situation d'espèce (arrêt du 2 juillet 1996, Commission/Luxembourg, C-473/93, Rec. p. I-3207, point 20). Elle fait valoir que, dans la présente affaire, les autorités françaises étaient bien au courant de l'attitude de la
Commission avant l'envoi de la mise en demeure mais avaient manifesté leur volonté de ne pas appliquer les décisions litigieuses, annonçant d'ailleurs cette volonté à la presse avant d'en faire part à la Commission. La Commission souligne en outre qu'il ne s'agissait pas en l'occurrence d'une question d'interprétation délicate et nouvelle d'une disposition du traité ou d'un acte communautaire dérivé, mais bien d'une non-application d'actes communautaires bénéficiant de la présomption de légalité et
n'ayant pas fait l'objet d'un recours en annulation dans le délai prévu à cet effet. Elle rappelle aussi qu'elle a consenti à la prorogation de délai sollicitée par le gouvernement français.
63 La Commission conteste par ailleurs l'existence d'une prétendue obligation de motiver la brièveté des délais concernés ainsi que l'argumentation selon laquelle, sous peine de commettre un détournement de procédure, elle aurait dû introduire une procédure en référé parallèlement à la procédure au fond.
64 À cet égard, il convient de relever que la procédure précontentieuse a pour but de donner à l'État membre concerné l'occasion de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire ou de faire utilement valoir ses moyens de défense à l'encontre des griefs formulés par la Commission.
65 Ce double objectif impose à la Commission de laisser un délai raisonnable aux États membres pour répondre à la lettre de mise en demeure et pour se conformer à un avis motivé ou, le cas échéant, pour préparer leur défense. Pour apprécier le caractère raisonnable du délai fixé, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances qui caractérisent la situation d'espèce. Des délais très courts peuvent ainsi se justifier dans des situations particulières, notamment lorsqu'il y a urgence à
remédier à un manquement ou lorsque l'État membre concerné a pleine connaissance du point de vue de la Commission bien avant le début de la procédure (arrêt du 28 octobre 1999, Commission/Autriche, C-328/96, Rec. p. I-7479, point 51).
66 Or, ainsi qu'exposé au point 19 du présent arrêt, la République française avait été informée dès le 10 septembre 1999 du souci de la Commission de voir les décisions 98/256 modifiée et 1999/514 mises en oeuvre par cet État membre à bref délai, à défaut de quoi un recours en manquement serait introduit.
67 En outre, la Commission a pris en considération certaines demandes et observations de la République française, en sollicitant un nouvel avis du CSD et en organisant des négociations avec les autorités britanniques afin de trouver une solution amiable au litige. Les efforts qu'elle a déployés à cet effet pendant trois mois sont cependant restés vains.
68 Eu égard au caractère contraignant des décisions 98/256 modifiée et 1999/514, au délai écoulé depuis la date à laquelle les importations de viande bovine britannique auraient dû reprendre, aux intérêts économiques en jeu, à l'avertissement lancé par la Commission dès le 10 septembre 1999 et aux négociations en cours à l'époque, il y a lieu de considérer que les délais impartis par la Commission pour répondre à la lettre de mise en demeure et à l'avis motivé n'étaient pas déraisonnables.
69 Il importe de rappeler, au surplus, que la Commission n'a pas refusé de proroger ces délais de réponse lorsque la demande lui en a été faite.
70 Quant à la branche du grief tirée d'un détournement de procédure, il convient de préciser que, en introduisant un recours en manquement conformément à l'article 226 CE, la Commission a fait une juste application des règles du traité. En effet, elle a choisi le recours spécifiquement prévu par celui-ci pour l'hypothèse où elle considère qu'un État membre a manqué à l'une des obligations qui lui incombent en vertu du traité.
71 Aucune disposition du traité ne contraignait la Commission à introduire, en outre, une procédure en référé. À cet égard, le fait que le recours en manquement ait été introduit rapidement ne saurait être reproché à la Commission, dès lors que la procédure précontentieuse était régulière, ainsi qu'il a été constaté ci-dessus.
72 Il s'ensuit que le grief tiré de l'irrégularité de la procédure précontentieuse en raison de la brièveté des délais impartis pour les réponses à la mise en demeure et à l'avis motivé doit être rejeté.
73 Par le quatrième grief, le gouvernement français conteste le recours au motif que la République fédérale d'Allemagne, qui n'appliquerait pas non plus les décisions 98/256 modifiée et 1999/514, ne ferait l'objet d'aucune procédure contentieuse.
74 La Commission répond qu'elle poursuit ses efforts également à l'égard de cet État membre, qui se trouverait toutefois dans une situation différente. Elle rappelle par ailleurs qu'un État membre ne saurait justifier sa propre défaillance à se conformer au droit communautaire par celle d'un autre État membre.
75 À cet égard, l'absence de recours en manquement à l'encontre d'un État membre n'est pas pertinente pour apprécier la recevabilité d'un recours en manquement introduit à l'encontre d'un autre État membre. La recevabilité du présent recours ne saurait donc être mise en cause par le fait qu'un recours en manquement analogue n'a pas été introduit contre un autre État membre.
76 Par conséquent, le premier moyen, tiré de l'irrégularité de la procédure précontentieuse, doit être rejeté.
Sur le moyen tiré de la violation du principe de collégialité
77 Le gouvernement français fait valoir que la décision de la Commission agissant en collège d'habiliter son président, M. Prodi, et M. le commissaire Byrne à saisir la Cour a été prise le 22 décembre 1999, soit à un moment où le collège ne connaissait pas encore la réponse de ce gouvernement à l'avis motivé. Dès lors que, d'une part, cette réponse a fait une référence expresse au principe de précaution et à l'intention du gouvernement français de contester devant la Cour le refus de la Commission
de modifier les décisions 98/692 et 1999/514 et que, d'autre part, la Commission n'a pu prendre connaissance de manière collégiale de ces éléments avant d'introduire la requête devant la Cour, le gouvernement français en conclut que la décision d'introduire cette requête n'a pas eu un caractère collégial au sens strict.
78 La Commission répond que le collège était parfaitement au courant des griefs à l'égard de la République française, du déroulement des faits tels que réunions, mémorandum et avis du CSD, des bases juridiques de l'action à entreprendre ainsi que de l'argument de l'AFSSA qui servira d'appui au gouvernement français pour invoquer le principe de précaution. L'intention d'introduire un recours devant la Cour n'était pas mentionnée mais, en tout état de cause, il ne se serait agi, à ce moment, que d'une
simple menace procédurale. Puisque le collège disposait de tous les éléments utiles à la prise de décision, la collégialité de la décision aurait été scrupuleusement respectée.
79 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de collégialité repose sur l'égalité des membres de la Commission dans la participation à la prise de décision et implique notamment que les décisions soient délibérées en commun et que tous les membres du collège soient collectivement responsables, sur le plan politique, de l'ensemble des décisions arrêtées (arrêt du 29 septembre 1998, Commission/Allemagne, C-191/95, Rec. p. I-5449, point 39).
80 La Cour a précisé qu'une décision de la Commission d'introduire un recours en manquement contre un État membre doit être délibérée en commun par le collège et que tous les éléments sur lesquels cette décision est fondée doivent être disponibles pour les membres du collège (arrêt Commission/Allemagne, précité, point 48).
81 Il convient de constater que, en l'espèce, la «fiche d'infraction» jointe à la décision du collège mentionne les bases juridiques du recours envisagé, le fait incriminé ainsi que le dernier état du dossier. Cet état rappelle synthétiquement l'avis de l'AFSSA, celui du CSD, les négociations entreprises avec les autorités françaises et britanniques ainsi que la teneur du communiqué de presse du 8 décembre 1999 du gouvernement français.
82 Eu égard à ces éléments, il y a lieu de considérer que les membres du collège disposaient de toutes les informations pertinentes pour adopter une décision de saisine de la Cour en toute connaissance de cause.
83 S'agissant de la référence expresse au principe de précaution, qui n'aurait été faite que dans la réponse à l'avis motivé et qui, dès lors, n'aurait pas été à la disposition du collège au moment d'adopter la décision de saisine de la Cour, il convient de constater qu'elle ne modifiait pas l'état du dossier soumis au collège. En effet, le gouvernement français faisait valoir depuis plusieurs mois des arguments tirés de l'obligation de protéger la santé publique, de l'incertitude scientifique en la
matière et des problèmes liés à la gestion des risques. Le fait d'ajouter à ces arguments la qualification de «principe de précaution» n'ajoutait rien à leur contenu.
84 Il en est de même de l'intention du gouvernement français de saisir la Cour d'un recours. Il ne s'agissait en effet que d'une simple menace d'un recours d'une nature juridique incertaine lequel, en tout état de cause, n'aurait pas porté atteinte à la présomption de légalité des décisions 98/692 et 1999/514 et à leur caractère obligatoire (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2001, Commission/France, C-261/99, Rec. p. I-2537, point 26).
85 Par ailleurs, eu égard à la position prise par le gouvernement français dans le communiqué de presse du 8 décembre 1999 et dans la réponse du 9 décembre 1999 à la lettre de mise en demeure, la Commission était en droit de considérer que la procédure précontentieuse avait atteint ses objectifs et que le dossier était en état d'être soumis au collège afin qu'il adopte une décision relative à l'introduction d'un recours en manquement, pour le cas où le gouvernement français persisterait dans sa
position malgré l'envoi de l'avis motivé.
86 Il s'ensuit que le second moyen, tiré de la violation du principe de collégialité, n'est pas fondé.
87 Au vu des considérations qui précèdent, l'exception d'irrecevabilité doit être rejetée.
Sur le fond du litige
88 La Commission fait valoir que, en vertu de l'article 249 CE, une décision est contraignante pour ceux à qui elle s'adresse. L'article 1er de la décision 1999/514, qui fixe au 1er août 1999 la date de début des expéditions de produits soumis au régime DBES, n'aurait laissé aucune marge d'appréciation aux États membres quant à cette date et aux modalités de ces expéditions. Un État membre ne saurait, en se prévalant de l'avis scientifique d'une agence nationale, substituer sa propre appréciation
des risques à celle effectuée par la Commission conformément à ses compétences, en l'occurrence celles résultant des articles 10, paragraphe 4, de la directive 90/425 et 9, paragraphe 4, de la directive 89/662.
89 La Commission soutient que le principe de précaution, qui guide ses actions, n'a pas pour effet de l'obliger à suivre toute opinion scientifique sans aucune faculté d'appréciation, qu'il s'agisse d'une opinion émise par l'agence d'un État membre ou par des membres minoritaires d'un groupe de travail communautaire. Elle souligne à cet égard que l'article 7 de la décision 97/404 précise que les opinions minoritaires sont toujours incluses dans l'avis du CSD.
90 Selon la Commission, un État membre ne saurait arguer de raisons juridiques internes, d'éventuels problèmes d'interprétation ou de doutes allégués sur la validité d'une décision de la Commission pour justifier unilatéralement la non-application de cette décision. De même, il ne saurait soumettre l'exécution, par lui, de décisions à la condition que certaines modifications y soient apportées.
91 S'agissant de la décision 1999/514, la Commission précise qu'elle était tenue de fixer la date de début des expéditions des produits soumis au régime DBES, dès lors que les conditions fixées par l'article 6 et l'annexe III de la décision 98/256 modifiée étaient matériellement remplies. Le reproche de ne pas avoir tenu compte de considérations d'opportunité ne serait donc pas pertinent.
92 La Commission soutient que, outre la violation des décisions 98/256 modifiée et 1999/514, l'imposition de restrictions à l'entrée des marchandises d'autres États membres constitue une infraction à l'article 28 CE. Dès lors qu'il existe pour les produits concernés une harmonisation communautaire constituant un système cohérent et exhaustif destiné à assurer la protection de la santé humaine et de la santé animale, l'embargo ne pourrait être justifié par la République française sur le fondement de
l'article 30 CE.
93 La Commission fait également valoir que, en refusant de se conformer aux décisions 98/256 modifiée et 1999/514 durant plusieurs mois, la République française a manqué à l'obligation de coopérer dans la réalisation des tâches de la Communauté qui lui incombe en vertu de l'article 10 CE.
94 Le gouvernement français fait valoir en substance que les conditions de levée de l'embargo n'étaient pas réunies en raison, premièrement, du fait que le régime DBES ne tenait pas compte de nouvelles données telles que l'apparition d'un cas suspect d'ESB, deuxièmement, du fait que la viande bovine britannique n'était pas conforme aux conditions du régime DBES et, troisièmement, de l'inexistence du système de traçabilité des produits soumis à ce régime ainsi que du refus des États membres de mettre
en place un tel système, alors qu'il s'agit d'une condition essentielle du régime DBES. Il soutient que la Commission n'est pas en droit de le poursuivre pour le manquement à l'obligation d'exécuter une décision illégale alors qu'elle ne veille pas à ce que les autres États membres en respectent les éléments essentiels. Eu égard à ces circonstances, le gouvernement français aurait été en droit d'invoquer l'article 30 CE pour s'opposer à l'importation de viande bovine britannique. En outre, le
gouvernement français conteste avoir manqué à son obligation de coopération loyale au sens de l'article 10 CE.
Sur la mise en cause du régime DBES en raison de l'apparition d'un cas suspect d'ESB
95 Le gouvernement français fait valoir sa préoccupation quant à l'efficacité du régime DBES, préoccupation renforcée par des événements postérieurs à l'introduction du présent recours en manquement.
96 Ainsi, l'apparition d'un cas d'ESB chez une vache britannique née après le 1er août 1996, date à laquelle l'ensemble des mesures garantissant l'application du régime DBES était censé être pleinement efficace, serait un fait particulièrement significatif. Il supposerait l'existence d'un niveau d'infectiosité latent bien avant l'apparition des signes cliniques de la maladie, ce qui voudrait dire que des animaux abattus avant 30 mois pourraient être infectés tout en étant éligibles à l'exportation
dans le cadre du régime DBES. Le fait que les autorités britanniques aient été incapables d'expliquer ce cas et de préciser l'origine du décès de la mère du bovin affecté remettrait sérieusement en cause l'efficacité de l'ensemble du système de surveillance britannique, qui serait le pilier du régime DBES. Une telle situation rendrait nécessaires des moyens de contrôle adéquats tels que des tests.
97 La Commission soutient que, par cet argument, le gouvernement français remet en cause la validité des décisions dont elle poursuit l'exécution dans le cadre du présent recours. Or, il résulterait de la jurisprudence de la Cour que, dans le cadre d'un recours en manquement, un État membre ne peut exciper d'une éventuelle illégalité de la mesure dont la Commission poursuit l'exécution (arrêt du 27 juin 2000, Commission/Portugal, C-404/97, Rec. p. I-4897, point 34).
98 Dans la mesure où l'argument du gouvernement français fait référence à des faits nouveaux justifiant selon lui l'adoption d'une nouvelle décision, la Commission rappelle la décision de la Cour dans l'ordonnance France/Commission, précitée.
99 S'agissant plus précisément du cas d'un bovin né après le 1er août 1996 et atteint de l'ESB, la Commission soutient que, en toute hypothèse, il ne remet pas en cause le régime DBES. Tout d'abord, ainsi qu'il ressortirait de l'avis du CSD des 14 et 15 septembre 2000, un cas occasionnel d'ESB chez un animal né après le 1er août 1996 aurait toujours été considéré comme possible par les scientifiques, du fait de la transmission maternelle, et cela ne se serait, à ce jour, produit qu'une seule fois.
Ensuite, il n'aurait existé aucun risque que cet animal entre dans le régime DBES, car il n'en aurait pas rempli deux conditions d'éligibilité: d'une part, il aurait eu plus de 30 mois et, d'autre part, la mère n'aurait pas survécu au moins 6 mois après sa naissance. En outre, ainsi qu'il ressortirait de l'avis du CSD des 13 et 14 avril 2000, le nombre de cas de bovins infectés pouvant entrer dans la chaîne alimentaire à un âge inférieur à 30 mois dans leur dernière année d'incubation serait
extrêmement faible. Enfin, tout animal éligible au régime DBES serait découpé de manière appropriée, de façon à enlever certaines pièces et certains tissus, tandis que le risque d'être infecté en consommant de la viande provenant de muscles serait négligeable.
100 À cet égard, il y a lieu de considérer que la remise en cause de l'efficacité du régime DBES par le gouvernement français doit être interprétée comme une contestation, au regard du principe de précaution, de la légalité de la décision ayant instauré ce régime, à savoir la décision 98/692 qui a modifié à cet effet la décision 98/256.
101 Il convient toutefois de rappeler que le système des voies de recours établi par le traité distingue les recours visés aux articles 226 CE et 227 CE, qui tendent à faire constater qu'un État membre a manqué aux obligations qui lui incombent, et les recours visés aux article 230 CE et 232 CE, qui tendent à faire contrôler la légalité des actes ou des abstentions des institutions communautaires. Ces voies de recours poursuivent des objectifs distincts et sont soumises à des modalités différentes.
Un État membre ne saurait donc utilement, en l'absence d'une disposition du traité l'y autorisant expressément, invoquer l'illégalité de décisions dont il est destinataire comme moyen de défense à l'encontre d'un recours en manquement fondé sur l'inexécution de ces décisions (arrêts du 27 octobre 1992, Commission/Allemagne, C-74/91, Rec. p. I-5437, point 10, et du 22 mars 2001, Commission/France, précité, point 18).
Sur la mise en cause du régime DBES en raison de la prétendue non-conformité de la viande bovine britannique à la réglementation communautaire
102 Le gouvernement français fait valoir que, selon le point II.5.1 du rapport de la mission d'inspection effectuée au Royaume-Uni du 20 au 24 mars 2000 par l'Office alimentaire et vétérinaire, plus de 20 % des «enregistrements/animaux» ne remplissaient pas les conditions de l'article 3 du règlement n° 820/97. Par ailleurs, selon le point III.2 de ce rapport, le règlement (CE) n° 494/98 de la Commission, du 27 février 1998, arrêtant certaines modalités d'application du règlement n° 820/97 concernant
l'application de sanctions administratives minimales dans le cadre du système d'identification et d'enregistrement des bovins (JO L 60, p. 78), ne serait pas complètement mis en oeuvre au Royaume-Uni. Selon le rapport, «[c]ela signifie en pratique que les animaux pour lesquels aucune anomalie n'a été constatée, mais qui ont été maintenus dans une exploitation avec plus de 20 % d'animaux hors tolérances, peuvent entrer dans le régime d'exportation fondé sur la date, car il n'existe pas de base
juridique imposant une restriction sur ces animaux».
103 La Commission répond que les défaillances relevées par ledit rapport ne changent rien au fait que, le régime DBES étant basé sur le statut individuel de chaque animal, seuls des animaux conformes aux exigences d'identification et d'enregistrement peuvent y être éligibles. Ces défaillances auraient simplement pour conséquence que ces animaux peuvent provenir d'exploitations dans lesquelles 20 % d'animaux ou plus ne sont pas conformes à ces exigences. En tout état de cause, cette question ne
serait apparue qu'après l'adoption des décisions concernées et ne présenterait pas une gravité suffisante pour mettre le régime DBES en cause.
104 À cet égard, il convient de constater que le gouvernement français formule en substance le reproche que les critères d'éligibilité au régime DBES ne tiendraient pas compte d'une absence de respect de la réglementation communautaire en matière de traçabilité pour les bovins britanniques et, plus particulièrement, ceux élevés au sein d'une exploitation dans laquelle se trouvent des bovins répondant individuellement aux conditions du régime DBES et des bovins n'y répondant pas.
105 Ce faisant, le gouvernement français remet à nouveau en cause la validité de la réglementation ayant instauré le régime DBES, à savoir la décision 98/692. En effet, au contraire du régime ECHS prévu par la décision 98/256, qui est fondé sur la certification de troupeaux, le régime DBES est fondé sur le respect, pour chaque animal considéré individuellement, des conditions fixées.
106 Il convient cependant de rappeler que, ainsi qu'il a été exposé au point 101 du présent arrêt, un État membre ne saurait utilement, en l'absence d'une disposition du traité l'y autorisant expressément, invoquer l'illégalité de décisions dont il est destinataire comme moyen de défense à l'encontre d'un recours en manquement fondé sur l'inexécution de ces décisions.
107 Il s'ensuit que le gouvernement français ne saurait tirer argument de défaillances relatives à l'identification d'animaux autres que ceux éligibles au régime DBES pour remettre en cause ce régime et refuser de se conformer aux décisions 98/256 modifiée et 1999/514.
Sur l'absence de traçabilité des produits soumis au régime DBES
108 Le gouvernement français fait valoir, en substance, que la traçabilité des produits soumis au régime DBES était une des conditions essentielles de ce régime mais que, au moment de la reprise des exportations de viande britannique, une telle traçabilité n'existait pas au-delà de l'atelier de découpe britannique. Les autres États membres auraient, lors des réunions du comité vétérinaire permanent des 23 et 24 novembre et 6 décembre 1999, fait part de leur décision de ne pas appliquer les
dispositions de la décision 98/256 modifiée et la Commission aurait renoncé à exiger d'eux qu'ils les appliquent. Le gouvernement français n'aurait eu connaissance de ces éléments qu'après l'expiration du délai de recours en annulation de la décision 1999/514 fixant la date de reprise des exportations DBES, ce qui justifierait qu'il conteste la légalité de cette décision dans le cadre du présent recours.
109 Eu égard à l'absence d'harmonisation en matière d'étiquetage et de traçabilité, le gouvernement français soutient qu'il était en droit d'invoquer l'article 30 CE pour s'opposer à l'importation des produits soumis au régime DBES. Sa réaction aurait respecté le principe de proportionnalité puisqu'il ne se serait pas opposé au transit de ces produits sur son territoire. Il fait valoir que la Commission adopte une position trop formaliste en exigeant la notification d'une mesure de sauvegarde
faisant une référence expresse aux clauses de sauvegarde des directives 89/662 et 90/425. D'une part, des négociations étaient en cours. D'autre part, il ressortirait de l'exposé des faits dans l'arrêt du 5 décembre 2000, Eurostock (C-477/98, Rec. p. I-10695, point 24), que la Commission a fait preuve de plus de sollicitude envers un autre État membre qui avait commis une erreur de notification. Invoquant les circonstances de l'espèce et le fait que, notamment, c'est lui qui aurait attiré
l'attention de la Commission sur les problèmes posés par la traçabilité, le gouvernement français prétend s'être conformé à son obligation de coopération loyale au sens de l'article 10 CE.
110 La Commission reconnaît d'abord que la traçabilité était une des conditions essentielles du régime DBES. La traçabilité aurait cependant été suffisamment assurée par la réglementation communautaire en vigueur à l'époque des faits. Elle aurait en outre été améliorée par le règlement (CE) n° 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juillet 2000, établissant un système d'identification et d'enregistrement des bovins et concernant l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base
de viande bovine, et abrogeant le règlement n° 820/97 (JO L 204, p. 1).
111 La Commission fait ensuite valoir que la République française ne peut pas remettre en cause la légalité de la décision 1999/514 ni invoquer des manquements des autres États membres comme moyens de défense. En tout état de cause, les manquements des autres États membres à leurs obligations en matière de traçabilité n'auraient affecté que les échanges triangulaires, c'est-à-dire les cas où les produits provenant du Royaume-Uni passent par un autre État membre avant d'arriver en France. En
revanche, dès lors que les produits étaient correctement étiquetés au sortir des ateliers de découpe britanniques, le gouvernement français n'aurait pu invoquer l'absence de traçabilité sur son propre territoire pour s'opposer aux importations directes desdits produits depuis le Royaume-Uni.
112 Enfin, la Commission conteste le recours à l'article 30 CE dès lors que les décisions concernées réalisaient une harmonisation complète et que les directives 89/662 et 90/425 organisent la procédure de mise en oeuvre des clauses de sauvegarde.
113 À cet égard, il convient de constater, à titre liminaire, que la traçabilité des produits soumis au régime DBES était une condition essentielle du bon fonctionnement de ce régime dans un souci de protection de la santé publique.
114 Ainsi qu'il résulte, en effet, du treizième considérant de la décision 98/692 et du point 7 de l'annexe III de la décision 98/256 modifiée, il était indispensable que les produits soumis au régime DBES soient traçables jusqu'au point de vente afin de permettre le rappel d'un lot, notamment dans l'hypothèse où il se révélerait qu'un animal était inéligible à ce régime.
115 Or, il ressort des éléments soumis à la Cour que cette traçabilité n'était pas intégralement assurée par la réglementation communautaire existant au moment de l'adoption de la décision 1999/514, notamment pour ce qui concerne les viandes et produits soumis au régime DBES découpés, transformés ou reconditionnés.
116 La Commission a admis l'existence de cette lacune réglementaire puisque le point 5 du mémorandum d'accord indiquait que la traçabilité existant au moment de la signature de ce document était non transparente et peu rapide.
117 Afin de remédier à ce problème, le point 5 du mémorandum d'accord prévoyait que les envois sous le régime DBES directement débarqués en France pourraient être soumis à une identification spécifique définie au titre de la réglementation française et permettant une traçabilité transparente, de nature à permettre, en cas de nécessité, une procédure de rappel dans les meilleurs délais.
118 Pour ce qui concerne les échanges triangulaires, la déclaration interprétative de la Commission figurant à l'annexe II du mémorandum d'accord prévoyait que chaque État membre devait prendre des mesures contraignantes pour assurer que toute viande ou tout produit à base de viande expédié du Royaume-Uni dans le cadre du régime ECHS ou du régime DBES soit marqué ou étiqueté avec une marque distincte et le reste lorsque la viande ou le produit à base de viande est découpé, transformé ou
reconditionné sur son territoire. Le point 5 du mémorandum d'accord indiquait toutefois que, le cas échéant, une amélioration du fonctionnement du système de traçabilité devrait être assurée par un accord fondé sur «l'assistance mutuelle entre les États membres».
119 Il ressort à cet égard du rapport de la réunion du comité vétérinaire permanent du 6 décembre 1999 que, lors de cette réunion, les représentants de la plupart des États membres ont indiqué qu'ils n'avaient pas l'intention d'utiliser une marque distincte pour la viande britannique. Ils étaient néanmoins en faveur d'une harmonisation de l'étiquetage au niveau communautaire.
120 Lorsque la Commission a rappelé aux autorités vétérinaires des États membres, par lettre du 16 octobre 2000, que, conformément au treizième considérant de la décision 98/692 et au point 4 de l'annexe III de la décision 98/256 modifiée, elles pourraient, en cas de besoin, être tenues de prendre des mesures au lieu de destination et que le rappel des viandes ou des produits à base de viande serait facilité si les États membres avaient adopté un marquage spécifique persistant même en cas de
découpe, de transformation ou de reconditionnement de la viande ou des produits à base de viande, certains États membres ont répondu qu'ils considéraient que la législation communautaire était suffisante ou qu'un marquage supplémentaire ne pourrait être mis en oeuvre sans modifier la réglementation communautaire.
121 Le règlement n° 820/97 qui, malgré son titre, n'organisait que la faculté, pour les États membres, d'imposer un système d'étiquetage devait rester en vigueur jusqu'au 31 décembre 1999. Il prévoyait, en son article 19, paragraphe 1, qu'«[u]n système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine est mis en place et est obligatoire dans tous les États membres à compter du 1er janvier 2000». Ainsi que la Cour l'a constaté dans son arrêt de ce jour, Parlement/Conseil (C-93/00, non encore publié au
Recueil, points 8 et 10), ce n'est cependant que le 13 octobre 1999 que la Commission a présenté au Parlement européen et au Conseil deux propositions de règlements visant, la première, à établir un système d'étiquetage obligatoire avec effet au 1er janvier 2003 et, la seconde, à prolonger temporairement les effets du règlement n° 820/97.
122 Le 21 décembre 1999, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 2772/1999, prévoyant les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine (JO L 334, p. 1). Correspondant à la seconde proposition de la Commission, il n'avait cependant pour effet que de maintenir en vigueur le système d'étiquetage facultatif.
123 Ce n'est que le 17 juillet 2000 que le Parlement européen et le Conseil ont instauré par le règlement n° 1760/2000 un système de traçabilité et d'étiquetage obligatoire complet. Conformément à son article 25, second alinéa, ce règlement n'est cependant applicable qu'à la viande bovine provenant d'animaux abattus à partir du 1er septembre 2000.
124 Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, au moment où la décision 1999/514 a été adoptée, à savoir le 23 juillet 1999, il n'existait aucune réglementation contraignante permettant la mise en oeuvre du régime DBES dans le respect des conditions imposées par ce régime en matière de traçabilité. Il revenait donc aux États membres de prendre, de leur propre initiative, les mesures adéquates pour organiser un système de marquage spécifique et de traçabilité des produits soumis au régime DBES.
125 C'est à la lumière de ces circonstances qu'il convient d'apprécier l'objet du manquement et la défense présentée par la République française.
126 Il convient de constater que les arguments relatifs à l'absence de traçabilité invoqués par le gouvernement français pour sa défense sont pertinents pour autant qu'ils concernent les produits soumis au régime DBES qui ont été découpés, transformés ou reconditionnés sur le territoire d'un autre État membre et ultérieurement exportés vers la France sans qu'une marque distincte ait été apposée afin, notamment, de permettre le rappel éventuel des lots.
127 Toutefois, la Commission n'a pas établi que le gouvernement français se serait opposé à l'importation de toute viande bovine ou de tout produit à base de viande provenant des autres États membres et ne portant pas la marque distincte des produits soumis au régime DBES au motif que certains lots de viande ou de produits découpés, transformés ou reconditionnés pourraient comporter de la viande bovine ou des produits d'origine britannique qui ne seraient pas identifiables comme tels.
128 Il s'ensuit que la demande de constatation de manquement doit être rejetée dans la mesure où elle concerne cette catégorie de produits.
129 S'agissant des produits soumis au régime DBES correctement marqués ou étiquetés, qu'ils soient en provenance directe du Royaume-Uni ou en provenance d'un autre État membre, le gouvernement français n'a pas formulé de moyen de défense de nature à justifier la non-exécution des décisions 98/256 modifiée et 1999/514.
130 Il convient en effet de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un État membre ne peut exciper des dispositions, des pratiques ou des situations de son ordre interne pour justifier le non-respect des obligations résultant du droit communautaire (arrêt du 10 juillet 1990, Commission/Allemagne, C-217/88, Rec. p. I-2879, point 26).
131 Par ailleurs, un État membre qui se heurte à des difficultés momentanément insurmontables l'empêchant de se conformer aux obligations résultant du droit communautaire ne peut invoquer une situation de force majeure que pour la période nécessaire pour remédier à ces difficultés (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 1985, Commission/Italie, 101/84, Rec. p. 2629, point 16).
132 En l'espèce, le gouvernement français n'a pas fait état de difficultés particulières qui l'auraient empêché d'adopter, à tout le moins après l'expiration du délai imparti pour se conformer à l'avis motivé, la réglementation nécessaire pour assurer la traçabilité des produits soumis au régime DBES qui seraient découpés, transformés ou reconditionnés sur son propre territoire.
133 Il convient à cet égard de rappeler que les exigences de traçabilité de la viande et des produits à base de viande originaires du Royaume-Uni n'ont pas été établies par la décision 1999/514, mais existaient depuis le 1er juin 1998 dans le cadre du régime ECHS, instauré par la décision 98/256. Par ailleurs, la décision 98/692 précisait l'importance de la traçabilité pour le bon fonctionnement du régime DBES.
134 Il importe de relever qu'il existait certes des difficultés d'interprétation et, par voie de conséquence, de mise en oeuvre de la décision 98/256 modifiée, en ce que les exigences imposées à l'ensemble des États membres n'étaient ni claires ni précises. En effet, les exportations de produits soumis au régime DBES devaient débuter à un moment où il n'existait aucun système communautaire obligatoire permettant d'assurer la traçabilité de ces produits. Le mémorandum d'accord semble autoriser le
gouvernement français à organiser la traçabilité des produits débarqués directement en France, tandis que la Commission précise, par la déclaration interprétative annexée à ce mémorandum, les obligations imposées aux États membres tout en réservant la possibilité d'améliorer si nécessaire le fonctionnement du système par un accord négocié entre les États membres. Il résulte aussi des documents relatifs aux prises de position des autorités vétérinaires nationales que certains États membres estimaient
qu'une réglementation nationale n'était pas nécessaire ou que seule une harmonisation communautaire permettrait de réaliser la traçabilité exigée.
135 Il convient cependant de considérer que, par le mémorandum d'accord, conclu le 24 novembre 1999, la République française a été pleinement informée de l'étendue des obligations résultant pour elle des décisions 98/256 modifiée et 1999/514 en ce qui concerne la traçabilité de la viande et des produits à base de viande provenant du Royaume-Uni et débarqués directement sur le territoire français. Il en va de même pour les viandes et les produits à base de viande originaires du Royaume-Uni mais
provenant d'un autre État membre, correctement marqués ou étiquetés.
136 La République française devant disposer d'un délai raisonnable pour mettre en oeuvre les décisions 98/256 modifiée et 1999/514 telles qu'interprétées et précisées par le mémorandum d'accord, il y a lieu de considérer que le manquement consistant en une absence de mise en oeuvre de ces décisions n'est établi qu'à dater de l'expiration du délai imparti pour se conformer à l'avis motivé, c'est-à-dire après le 30 décembre 1999.
Sur la violation de l'article 28 CE
137 S'agissant de la demande de la Commission visant à la constatation d'un manquement à l'article 28 CE, il y a lieu de relever que la Commission n'a pas présenté à l'appui de cette demande des éléments distincts de ceux qui constituent le manquement résultant de l'absence de mise en oeuvre des décisions 98/256 modifiée et 1999/514.
138 En outre, la Commission n'explique pas ce qui justifierait la constatation d'un manquement distinct à l'article 28 CE alors qu'elle considère que la République française n'est pas en droit d'invoquer l'article 30 CE à l'appui de son refus d'importer les produits soumis au régime DBES au motif que la réglementation communautaire applicable constitue une harmonisation exhaustive et cohérente de la matière.
139 Eu égard à l'absence d'éléments présentés au soutien de cette partie du recours et à la contradiction apparente de celui-ci, il y a lieu de considérer que la demande visant à faire constater le manquement de la République française à l'article 28 CE n'est pas fondée.
Sur la violation de l'article 10 CE
140 S'agissant de la demande de la Commission visant à la constatation d'un manquement à l'obligation de coopération loyale au sens de l'article 10 CE, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu'il a été relevé au point 134 du présent arrêt, il existait des difficultés d'interprétation et de mise en oeuvre de la décision 98/256 modifiée. C'est précisément le gouvernement français qui a attiré l'attention de la Commission sur les problèmes posés par le manque de clarté de cette décision et de la
réglementation communautaire applicable en général en ce qui concerne la traçabilité des produits soumis au régime DBES.
141 Eu égard à ces éléments, il y a lieu de considérer que le manquement de la République française à l'obligation de coopération loyale au sens de l'article 10 CE n'est pas établi.
Conclusion
142 Il résulte de l'ensemble de ces considérations que le manquement n'est établi que dans la mesure où, par son refus d'adopter les mesures nécessaires pour se conformer à la décision 98/256 modifiée, en particulier à son article 6 et à son annexe III, et à la décision 1999/514, en particulier à son article 1er, notamment par son refus de permettre la commercialisation sur son territoire des produits soumis au régime DBES, correctement marqués ou étiquetés, après le 30 décembre 1999, la République
française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces deux décisions, en particulier de leurs dispositions susmentionnées.
143 Il y a lieu de rejeter le recours pour le surplus.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
144 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En vertu de l'article 69, paragraphe 3, du même règlement, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.
145 Il convient de tenir compte du fait que le recours n'a pas été accueilli pour l'intégralité du manquement tel que défini par la Commission. Il est par ailleurs ressorti du dossier que certaines des difficultés rencontrées par la République française dans l'exécution des décisions 98/256 modifiée et 1999/514 avaient pour origine un manque de clarté des obligations imposées aux États membres.
146 Eu égard à ces éléments, il y a lieu de décider que la République française est condamnée aux deux tiers des dépens. La Commission est condamnée à en supporter l'autre tiers.
147 Conformément à l'article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, le Royaume-uni supporte ses propres dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR
déclare et arrête:
1) Par son refus d'adopter les mesures nécessaires pour se conformer
- à la décision 98/256/CE du Conseil, du 16 mars 1998, concernant certaines mesures d'urgence en matière de protection contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, modifiant la décision 94/474/CE et abrogeant la décision 96/239/CE, dans sa version résultant de la décision 98/692/CE de la Commission, du 25 novembre 1998, en particulier à son article 6 et à son annexe III, et
- à la décision 1999/514/CE de la Commission, du 23 juillet 1999, fixant la date à laquelle l'expédition à partir du Royaume-Uni de produits bovins dans le cadre du régime d'exportation sur la base de la date peut commencer au titre de l'article 6, paragraphe 5, de la décision 98/256, en particulier à son article 1er,
notamment par son refus de permettre la commercialisation sur son territoire des produits soumis audit régime, correctement marqués ou étiquetés, après le 30 décembre 1999, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces deux décisions, en particulier de leurs dispositions susmentionnées.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La République française est condamnée à supporter deux tiers des dépens. La Commission des Communautés européennes est condamnée à en supporter l'autre tiers.
4) Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord supporte ses propres dépens.