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27/11/2001 | CJUE | N°C-270/99

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Z contre Parlement européen., 27/11/2001, C-270/99


Avis juridique important

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61999J0270

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 27 novembre 2001. - Z contre Parlement européen. - Pourvoi - Fonctionnaires - Procédure disciplinaire - Dépassement des délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut des fonctionnaires des Communautés européennes. - Affaire C-270/

99 P.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-09197

Sommaire
Parties...

Avis juridique important

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61999J0270

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 27 novembre 2001. - Z contre Parlement européen. - Pourvoi - Fonctionnaires - Procédure disciplinaire - Dépassement des délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut des fonctionnaires des Communautés européennes. - Affaire C-270/99 P.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-09197

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1. Fonctionnaires - Régime disciplinaire - Procédure devant le conseil de discipline - Délais fixés par l'article 7 de l'annexe IX - Inobservation - Délais non péremptoires

(Statut des fonctionnaires, annexe IX, art. 7)

2. Pourvoi - Moyens - Appréciation erronée des faits - Irrecevabilité - Rejet - Qualification juridique des faits - Recevabilité

(Art. 225 CE; statut CE de la Cour de justice, art. 51, al. 1)

3. Fonctionnaires - Régime disciplinaire - Procédure devant le conseil de discipline - Délais fixés par l'article 7 de l'annexe IX - Dépassement considérable - Violation des principes généraux du droit communautaire - Conditions

(Statut des fonctionnaires, annexe IX, art. 7)

Sommaire

1. Les délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut ne sont pas péremptoires mais constituent des règles de bonne administration dont la non-observation peut engager la responsabilité de l'institution concernée pour le préjudice éventuellement causé aux intéressés, sans affecter, à elle seule, la validité de la sanction disciplinaire infligée après leur expiration.

( voir point 21 )

2. Le pourvoi ne peut s'appuyer que sur des moyens portant sur la violation de règles de droit, à l'exclusion de toute appréciation des faits. Le Tribunal est seul compétent, d'une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l'inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d'autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l'article 225 CE,
un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal.

( voir point 37 )

3. Il ne saurait être exclu qu'un dépassement considérable des délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut puisse, dans certains cas, équivaloir à une violation d'un principe général du droit communautaire applicable en la matière. Plus concrètement, il se peut qu'un tel dépassement empêche la personne concernée de se défendre efficacement ou crée dans le chef de celle-ci la confiance légitime qu'elle ne se verra pas infliger de sanction disciplinaire.

Or, en pareilles circonstances exceptionnelles, le retard pris dans l'adoption d'une décision disciplinaire constituerait une violation des droits de la défense ou du principe du respect de la confiance légitime, qui justifierait l'annulation de cette décision par les juridictions communautaires.

( voir points 43-44 )

Parties

Dans l'affaire C-270/99 P,

Z, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me J.-N. Louis, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (première chambre) du 4 mai 1999, Z/Parlement (T-242/97, RecFP p. I-A-77 et II-401), et tendant à l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a rejeté le recours de Z dirigé contre la décision du secrétaire général du Parlement européen, du 28 octobre 1996, lui infligeant la sanction disciplinaire de la rétrogradation, l'autre partie à la procédure étant: Parlement européen, représenté par M. H.
Krück, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg, partie défenderesse en première instance,

LA COUR

(sixième chambre),

composée de Mme F. Macken, président de chambre, Mme N. Colneric, MM. C. Gulmann, J.-P. Puissochet et V. Skouris (rapporteur), juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 1er février 2001,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 22 mars 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 19 juillet 1999, Z a, en vertu de l'article 49 du statut CE et des dispositions correspondantes des statuts CECA et CEEA de la Cour de justice, formé un pourvoi ayant pour objet, d'une part, l'annulation de l'arrêt du Tribunal de première instance du 4 mai 1999, Z/Parlement (T-242/97, RecFP p. I-A-77 et II-401, ci-après l'«arrêt attaqué»), en tant qu'il a rejeté le recours de Z dirigé contre la décision du secrétaire général du Parlement européen, du 28
octobre 1996, lui infligeant la sanction disciplinaire de la rétrogradation (ci-après la «décision litigieuse»), et, d'autre part, l'annulation de cette décision.

Le cadre juridique

2 L'article 7 de l'annexe IX du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose:

«Au vu des pièces produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations écrites ou verbales de l'intéressé et des témoins, ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, le conseil de discipline émet, à la majorité, un avis motivé sur la sanction que lui paraissent devoir entraîner les faits reprochés et transmet cet avis à l'autorité investie du pouvoir de nomination et à l'intéressé dans le délai d'un mois à compter du jour où il a été saisi. Le délai est
porté à trois mois lorsque le conseil a fait procéder à une enquête.

En cas de poursuite devant un tribunal répressif, le conseil peut décider qu'il y a lieu de surseoir à émettre son avis jusqu'à ce que soit intervenue la décision du tribunal.

L'autorité investie du pouvoir de nomination prend sa décision dans le délai d'un mois au plus, l'intéressé ayant été entendu par elle.»

Les antécédents du litige devant le Tribunal

3 Il ressort de l'arrêt attaqué que le requérant est entré au service du Parlement en 1977. À l'époque des faits litigieux, soit entre 1988 et 1995, il était responsable du service «Courrier des membres» relevant de la direction générale du greffe (DG 1) à Bruxelles. Il a été nommé commis principal de grade C 1 à compter du 1er mai 1989.

4 En décembre 1994, MM. XB, C et D, les trois fonctionnaires appartenant au service du requérant et subordonnés à ce dernier, ont adressé une plainte à l'encontre de celui-ci au président du comité du personnel du Parlement. Ils y formulaient plusieurs accusations relatives au comportement du requérant dans ses relations professionnelles. À la suite de cette plainte, le secrétaire général du Parlement a, par note du 27 janvier 1995, chargé le directeur du personnel d'effectuer une enquête
administrative.

5 Le rapport d'enquête du 2 juin 1995 a retenu à la charge du requérant les griefs suivants:

- comportement vexatoire envers des agents placés sous son autorité,

- harcèlement sexuel,

- commerce de véhicules d'occasion sans autorisation préalable et utilisation des moyens de l'institution (téléphone, garage) à ces fins,

- désorganisation du service «Courrier des membres», et

- soustraction d'une partie du courrier.

Ce rapport a recommandé au secrétaire général du Parlement, agissant en qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN»), l'ouverture d'une procédure disciplinaire.

6 Le 7 juillet 1995, le requérant, auquel avaient été communiqués les griefs retenus dans le rapport d'enquête du 2 juin 1995, a été entendu par l'AIPN, conformément à l'article 87, second alinéa, du statut. Le procès-verbal de l'audition a été soumis au requérant, qui a présenté ses observations écrites par lettre du 20 juillet 1995.

7 Le 31 août 1995, l'AIPN a décidé d'entamer une procédure disciplinaire à l'encontre du requérant et de saisir le conseil de discipline. En même temps, le requérant a été suspendu de ses fonctions sans réduction de sa rémunération, en vertu de l'article 88, premier et deuxième alinéas, du statut.

8 Le même jour, l'AIPN a transmis le dossier administratif au conseil de discipline. Le 11 décembre 1995, le requérant a adressé audit conseil une lettre par laquelle il critiquait le rapport d'enquête du 2 juin 1995. Le conseil de discipline a procédé, en présence du requérant et de son défenseur, à des auditions de témoins entre le 18 décembre 1995 et le 23 avril 1996. Il a entendu le requérant et son défenseur le 25 juillet 1996.

9 Le 3 septembre 1996, le conseil de discipline a rendu son avis motivé. Dans cet avis, il constatait qu'il existait des preuves suffisantes concernant un certain nombre des accusations portées contre le requérant, dont celles de comportement vexatoire, de harcèlement sexuel, d'utilisation des moyens du Parlement aux fins du commerce de véhicules d'occasion et de désorganisation du service «Courrier des membres». Pour ces motifs, le conseil de discipline recommandait la révocation du requérant
conformément à l'article 86, paragraphe 2, sous f), du statut, sans réduction toutefois de ses droits à pension.

10 Après avoir entendu le requérant le 3 octobre 1996, conformément à l'article 7, troisième alinéa, de l'annexe IX du statut, l'AIPN a, le 28 octobre 1996, adopté la décision litigieuse. Celle-ci rétrograde le requérant au grade C 5, échelon 1.

Le recours en annulation et l'arrêt attaqué

11 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 août 1997, le requérant a introduit un recours contre la décision litigieuse. À l'appui de celui-ci, il a notamment invoqué plusieurs moyens tirés de prétendues irrégularités dans le déroulement des procédures prédisciplinaire, disciplinaire et administrative. Parmi ces moyens, figurait celui tiré de la violation de l'article 7, premier et troisième alinéas, de l'annexe IX du statut en raison du non-respect d'un délai raisonnable entre les
différents actes de poursuite.

12 Quant à ce moyen, le Tribunal a jugé, aux points 39 à 42 de l'arrêt attaqué, ce qui suit:

«39 Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêts du 4 février 1970, Van Eick/Commission, 13/69, Rec. p. 3, points 3 et suivants; du 29 janvier 1985, F./Commission, 228/83, Rec. p. 275, point 30, et du 19 avril 1988, M./Conseil, 175/86 et 209/86, Rec. p. 1891, point 16), les délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut ne sont pas péremptoires, mais constituent des règles de bonne administration dont la non-observation peut engager la responsabilité de l'institution
concernée pour le préjudice éventuellement causé aux intéressés, sans affecter, à elle seule, la validité de la sanction disciplinaire infligée après leur expiration.

40 S'il est vrai que le Tribunal a jugé, dans les deux arrêts De Compte/Parlement et D/Commission, précités, que le dépassement desdits délais `est également susceptible d'entraîner la nullité de l'acte pris hors délai', cette jurisprudence ne saurait être interprétée comme sanctionnant par une annulation automatique tout dépassement de délai. Par ailleurs, dans les deux affaires, le Tribunal s'est précisément abstenu de prononcer une annulation (voir, en ce sens, aussi l'arrêt du Tribunal du 18
décembre 1997, Daffix/Commission, T-12/94, RecFP p. II-1197, points 130 à 133).

41 Il résulte de ce qui précède que seule la réunion de conditions particulières peut avoir pour effet d'affecter, dans des cas spécifiques, la validité d'une sanction disciplinaire infligée hors délai. Or, le requérant se limite à démontrer qu'il y a eu effectivement dépassement de délai. Le Parlement, en revanche, expose, sans être contredit par le requérant, la complexité de la procédure disciplinaire qui s'est déroulée en l'espèce, le nombre élevé - d'ailleurs convenu avec l'avocate du requérant
- des témoins entendus, ainsi que les difficultés et les contraintes auxquelles le conseil de discipline a été confronté [...].

42 Il y a lieu d'ajouter que, au moment où l'AIPN a décidé d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'encontre du requérant, ce dernier a été suspendu de ses fonctions sans réduction de sa rémunération. Après l'adoption de la décision attaquée, il a été muté à une autre direction générale. Tout au long de la procédure disciplinaire, le requérant conservait donc ses droits pécuniaires au titre de son grade C 1 sans devoir se présenter dans son ancien service, ce qui lui a permis de se soustraire, sans
pertes financières, d'une atmosphère qui pouvait être devenue difficile pour lui. Au terme de cette procédure, grâce à sa mutation, il n'a pas été tenu de retourner dans son service, mais a eu la chance d'entrer dans un nouvel entourage professionnel et de se bâtir une nouvelle réputation.»

13 Sur le fondement de ces considérations, le Tribunal a conclu, au point 43 de l'arrêt attaqué, que le dépassement des délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut ne justifiait pas en l'espèce l'annulation de la décision litigieuse. Il a donc rejeté le moyen du requérant tiré du dépassement des délais prévus audit article 7.

Le pourvoi

14 À l'appui de son pourvoi, le requérant fait valoir que, en ne sanctionnant pas, dans le cas d'espèce, l'illégalité du dépassement des délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut, le Tribunal a commis une erreur de droit.

15 Le moyen du requérant s'articule en deux branches qu'il convient d'examiner séparément. Le requérant soutient que l'arrêt attaqué a méconnu, d'une part, la portée de l'article 7 de l'annexe IX du statut et, d'autre part, les règles de bonne conduite et de bonne administration imposées aux autorités disciplinaires.

Appréciation de la Cour

Sur la première branche du moyen

16 Au soutien de la première branche de son moyen, le requérant fait en substance valoir que, en ne considérant pas que les délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut sont impératifs et de stricte application, le Tribunal a commis une erreur de droit.

17 À l'appui de cette thèse, le requérant avance deux arguments.

18 Il invoque, en premier lieu, l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la «CEDH») qui, selon lui, s'applique dans l'ordre juridique communautaire en vertu de l'article F, paragraphes 1 et 2, du traité sur l'Union européenne (devenu, après modification, article 6, paragraphes 1 et 2, UE). Conformément à l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, toute personne aurait droit à un procès juste, équitable et
intervenant dans des délais raisonnables. Selon le requérant, un procès ne peut répondre à ces conditions que s'il s'inscrit dans un système où les délais de procédure sont fixes et de stricte application.

19 En outre, les délais spécifiques prévus à l'annexe IX du statut constitueraient une réglementation complète que les autorités disciplinaires devraient respecter pour se conformer au principe de sécurité juridique ainsi que pour éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire.

20 En second lieu, le requérant fait valoir que sa thèse est corroborée par la jurisprudence constante selon laquelle l'application stricte des règles communautaires concernant les délais de procédure répond à l'exigence de sécurité juridique et à la nécessité d'éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l'administration de la justice (voir, notamment, arrêts du 12 juillet 1984, Ferriera Valsabbia/Commission, 209/83, Rec. p. 3089, et du 26 novembre 1985,
Cockerill-Sambre/Commission, 42/85, Rec. p. 3749).

21 À cet égard, il y a lieu, premièrement, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut ne sont pas péremptoires mais constituent des règles de bonne administration dont la non-observation peut engager la responsabilité de l'institution concernée pour le préjudice éventuellement causé aux intéressés, sans affecter, à elle seule, la validité de la sanction disciplinaire infligée après leur expiration (voir, en ce sens, arrêts précités
Van Eick/Commission, points 3 à 7, F./Commission, point 30, et M./Conseil, point 16).

22 Il convient, deuxièmement, de constater que cette jurisprudence ne saurait être remise en question par l'argumentation du requérant.

23 En ce qui concerne, d'une part, l'argument relatif à l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, et sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur l'applicabilité de cette disposition aux procédures disciplinaires prévues au statut, il convient de rappeler que, aux termes dudit article, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses
droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Ainsi qu'il ressort clairement de son libellé, l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH ne prescrit pas de délais précis et ne dispose pas que les délais fixés par un texte législatif, tels ceux prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut, doivent nécessairement être considérés comme péremptoires.

24 S'agissant de l'application du principe général du droit communautaire selon lequel toute personne a droit à un procès dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P, Rec. p. I-8417, point 21), il ressort de la jurisprudence de la Cour comme de celle de la Cour européenne des droits de l'homme que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de
l'enjeu du litige pour l'intéressé, de la complexité de l'affaire ainsi que du comportement de l'intéressé et de celui des autorités compétentes (voir, en ce sens, arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, point 29, ainsi que Cour eur. D. H., arrêts Erkner et Hofauer du 23 avril 1987, série A n_ 117, § 66; Kemmache du 27 novembre 1991, série A n_ 218, § 60; X c. France du 31 mars 1992, série A n_ 234-C, § 32; Phocas c. France du 23 avril 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-II, p. 546, § 71,
et Garyfallou AEBE c. Grèce du 27 septembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-V, p. 1821, § 39).

25 D'autre part, s'agissant de l'argument tiré par le requérant de la jurisprudence de la Cour mentionnée au point 20 du présent arrêt (arrêts précités Ferriera Valsabbia/Commission, point 14, et Cockerill-Sambre/Commission, point 10), il y a lieu de constater que cette jurisprudence n'est pas pertinente en l'espèce. En effet, elle a trait à des délais prévus pour l'engagement de procédures judiciaires devant la Cour et le Tribunal. Or, ces délais ont une nature qui diffère de celle des délais
prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut et ne sont donc pas comparables avec ces derniers.

26 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter la première branche du moyen comme non fondée.

Sur la seconde branche du moyen

27 Par la seconde branche de son moyen, le requérant fait valoir que, en tout état de cause, même si les délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut ne sont pas péremptoires, ils témoignent que le législateur communautaire a entendu imposer aux autorités disciplinaires une règle de bonne administration, qui consiste en l'obligation de mener avec diligence la procédure disciplinaire et d'agir de sorte que chaque acte de poursuite intervienne dans un délai raisonnable par rapport à l'acte
précédent.

28 À l'appui de cette argumentation, le requérant invoque l'arrêt du Tribunal du 17 octobre 1991, De Compte/Parlement (T-26/89, Rec. p. II-781). Il fait valoir que, selon cette jurisprudence, la non-observation des délais en cause - qui ne peut être appréciée qu'en fonction des circonstances particulières de l'affaire - non seulement peut engager la responsabilité de l'institution concernée, mais est susceptible d'entraîner la nullité de l'acte pris hors délai.

29 Or, selon le requérant, le Tribunal a manqué dans l'arrêt attaqué à son obligation d'apprécier les circonstances particulières de l'affaire lorsqu'il connaît d'un moyen fondé sur un dépassement des délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut. Il se serait limité à l'examen de la légalité du déroulement de la procédure disciplinaire ainsi que de la réalité et de la gravité des griefs retenus par l'AIPN. Au lieu de procéder à une analyse circonstanciée de la procédure, il aurait tout
simplement fait sienne l'argumentation du Parlement, présentée aux points 36 à 38 de l'arrêt attaqué, qui tendait à justifier le dépassement des délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut dans le cas d'espèce.

30 Le requérant critique cette argumentation et conclut qu'aucune circonstance exceptionnelle n'a été invoquée par le Parlement pour justifier un dépassement des délais prévus. Dès lors, le Tribunal aurait violé les principes énoncés dans sa jurisprudence.

Sur la recevabilité

31 Le Parlement conteste la recevabilité de cette seconde branche du moyen en invoquant deux arguments.

32 En premier lieu, il fait valoir que, dans la mesure où le requérant paraît invoquer la prétendue «méconnaissance des règles de bonne conduite et de bonne administration imposées aux autorités disciplinaires» en tant que moyen indépendant et séparé, ce moyen doit être rejeté comme irrecevable puisqu'aucune argumentation spéciale n'est avancée à son appui.

33 À cet égard, il convient de rappeler qu'il résulte des articles 51, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent cette demande (voir, notamment, ordonnances du 6 mars 1997, Bernardi/Parlement, C-303/96 P, Rec. p. I-1239, point 37, et du 9 juillet 1998, Smanor
e.a./Commission, C-317/97 P, Rec. p. I-4269, point 20, ainsi que arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C-257/98 P, Rec. p. I-5251, point 61).

34 En l'occurrence, ainsi qu'il a été exposé aux points 27 à 30 du présent arrêt, le requérant reproche au Tribunal de ne pas avoir respecté les principes énoncés dans sa propre jurisprudence. Relevant que, selon cette jurisprudence, la non-observation des délais en cause - qui ne peut être appréciée qu'en fonction des circonstances particulières de l'affaire - non seulement peut engager la responsabilité de l'institution concernée, mais est susceptible d'entraîner la nullité de l'acte pris hors
délai, le requérant fait valoir que le Tribunal a manqué à son obligation d'apprécier les circonstances particulières de l'affaire et, en conséquence, à celle d'annuler la décision litigieuse.

35 À la lumière de ces éléments, force est de constater que la seconde branche du moyen du pourvoi indique de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt attaqué ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent la demande d'annulation de cet arrêt.

36 En second lieu, le Parlement soutient que les critiques du requérant concernant l'argumentation du Parlement devant le Tribunal visent l'appréciation des faits effectuée par ce dernier et sont, dès lors, irrecevables au stade du pourvoi. De même, dans la mesure où les griefs du requérant relatifs à l'appréciation par le Tribunal des circonstances particulières de l'affaire reviendraient à demander à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation des faits, ils seraient nécessairement
irrecevables dans le cadre d'une procédure de pourvoi qui, selon l'article 51 du statut CE de la Cour de justice, est limitée aux questions de droit.

37 À cet égard, il convient de rappeler que le pourvoi ne peut s'appuyer que sur des moyens portant sur la violation de règles de droit, à l'exclusion de toute appréciation des faits. Le Tribunal est seul compétent, d'une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l'inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d'autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente
pour exercer, en vertu de l'article 225 CE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir, notamment, arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C-136/92 P, Rec. p. I-1981, points 48 et 49, et du 16 mars 2000, Parlement/Bieber, C-284/98 P, Rec. p. I-1527, point 31).

38 En l'occurrence, ainsi qu'il ressort clairement des points 27 à 30 du présent arrêt, les critiques du requérant relatives à l'argumentation du Parlement devant le Tribunal visent à remettre en cause la qualification juridique par celui-ci des éléments factuels invoqués par le Parlement pour justifier le dépassement des délais en cause. En effet, c'est précisément au vu de ces éléments que le Tribunal a jugé que les conditions d'annulation fixées dans sa propre jurisprudence n'étaient pas
remplies.

39 À la lumière de ces considérations, il convient de conclure que la seconde branche du moyen est recevable.

Sur le fond

40 Quant au fond, il y a lieu de relever que la jurisprudence rappelée au point 21 du présent arrêt, selon laquelle les délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut ne sont pas péremptoires, a uniquement précisé qu'un dépassement de ces délais n'a pas, à lui seul, nécessairement pour conséquence l'annulation de la décision disciplinaire prise après leur expiration.

41 En effet, ainsi qu'il ressort clairement de cette jurisprudence (arrêts précités Van Eick/Commission, point 1; F./Commission, point 29, et M./Conseil, point 15), la Cour y a seulement statué sur le moyen selon lequel une mesure disciplinaire prise en dehors des délais fixés à l'article 7 de l'annexe IX du statut doit être annulée.

42 Il s'ensuit que, dans cette jurisprudence, la Cour ne s'est pas prononcée sur la question de savoir si un dépassement considérable des délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut constituant une violation des règles de bonne administration peut, dans certains cas, aboutir à l'annulation de la décision disciplinaire prise après leur expiration.

43 À cet égard, il ne saurait être exclu qu'un dépassement considérable de ces délais puisse, dans certains cas, équivaloir à une violation d'un principe général du droit communautaire applicable en la matière. Plus concrètement, il se peut qu'un tel dépassement empêche la personne concernée de se défendre efficacement ou crée dans le chef de celle-ci la confiance légitime qu'elle ne se verra pas infliger de sanction disciplinaire.

44 Or, en pareilles circonstances exceptionnelles, le retard pris dans l'adoption d'une décision disciplinaire constituerait une violation des droits de la défense ou du principe du respect de la confiance légitime, qui justifierait l'annulation de cette décision par les juridictions communautaires.

45 Toutefois, tel n'est pas le cas en l'espèce. En effet, s'il est exact que le dépassement d'environ neuf mois du délai de trois mois prévu à l'article 7 de l'annexe IX du statut pour l'avis du conseil de discipline en cas d'enquête est considérable, il n'en reste pas moins que le requérant n'a invoqué aucun argument juridique ou élément factuel susceptible d'établir que ce dépassement l'aurait empêché de se défendre efficacement ou aurait créé dans son chef la confiance légitime qu'une sanction
disciplinaire ne lui serait pas infligée. De même, aucun argument de cet ordre n'a été invoqué par le requérant s'agissant du dépassement du délai d'un mois donné à l'AIPN pour statuer.

46 Par conséquent, eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter la seconde branche du moyen comme non fondée.

47 Dans ces conditions, le pourvoi doit être rejeté.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

48 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement du procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118 de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Selon l'article 70 dudit règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Cependant, en vertu de l'article 122, deuxième alinéa, de ce même règlement, l'article 70 n'est pas
applicable aux pourvois formés par un fonctionnaire ou tout autre agent d'une institution contre celle-ci. Le Parlement ayant conclu à la condamnation du requérant et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre)

déclare et arrête:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Z est condamné aux dépens.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-270/99
Date de la décision : 27/11/2001
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi - Fonctionnaires - Procédure disciplinaire - Dépassement des délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut des fonctionnaires des Communautés européennes.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Z
Défendeurs : Parlement européen.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Skouris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2001:639

Source

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