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03/05/2001 | CJUE | N°C-347/98

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique., 03/05/2001, C-347/98


Avis juridique important

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61998J0347

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 3 mai 2001. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement d'Etat - Sécurité sociale - Règlement (CEE) nº 1408/71 - Article 13, paragraphe 2, sous f) - Réglementation d'un Etat membre prévoyant le prél

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Avis juridique important

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61998J0347

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 3 mai 2001. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement d'Etat - Sécurité sociale - Règlement (CEE) nº 1408/71 - Article 13, paragraphe 2, sous f) - Réglementation d'un Etat membre prévoyant le prélèvement de cotisations de sécurité sociale sur des prestations de maladie professionnelle dont les bénéficiaires ne résident pas dans cet Etat et ne sont plus soumis au régime de sécurité sociale de celui-ci. - Affaire C-347/98.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-03327

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

Recours en manquement - Preuve du manquement - Charge incombant à la Commission - Présentation d'éléments concrets permettant d'établir le manquement - Absence

raité CE, art. 169 (devenu art. 226 CE); règlement du Conseil n° 1408/71, art. 13, § 2, f))

Sommaire

$$Dans le cadre d'une procédure en manquement en vertu de l'article 169 du traité (devenu article 226 CE), il incombe à la Commission d'établir l'existence du manquement allégué et d'apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l'existence de ce manquement.

À cet égard, en se bornant à conclure, dans sa requête, qu'un État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, en prélevant des cotisations sur les pensions versées sur son territoire au titre d'une maladie professionnelle lorsque
les titulaires de celles-ci ne résident pas dans cet État membre et ne sont plus soumis au régime de sécurité sociale de ce dernier, la Commission infère de cette disposition des conséquences juridiques qui n'en découlent pas nécessairement. En effet, elle considère comme étant acquis que les conditions d'application de ladite disposition se trouvent réunies, alors que, pour établir le bien-fondé de sa position, il lui appartenait de démontrer que ces conditions sont en l'espèce effectivement
satisfaites, en précisant de manière concrète les situations dans lesquelles les titulaires de pensions versées dans cet État membre au titre d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne sont effectivement plus soumis à la législation de sécurité sociale dudit État membre lorsqu'ils ont leur résidence sur le territoire d'un autre État membre.

( voir points 38-39 )

Parties

Dans l'affaire C-347/98,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. D. Gouloussis et P. Hillenkamp, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté par Mme A. Snoecx, en qualité d'agent, assistée de Mes E. Gillet et G. Vandersanden, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume des Pays-Bas, représenté par MM. M. A. Fierstra et I. van der Steen, en qualité d'agents,

partie intervenante,

ayant pour objet de faire constater que, en prélevant des cotisations personnelles de 13,07 % sur les pensions belges de maladie professionnelle, dont les titulaires ne résident pas en Belgique et ne sont plus soumis au régime belge de sécurité sociale, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs
salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1),

LA COUR (sixième chambre),

composée de MM. C. Gulmann, président de chambre, V. Skouris, J.-P. Puissochet, R. Schintgen (rapporteur) et Mme N. Colneric, juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 23 janvier 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 22 septembre 1998, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, en prélevant des cotisations personnelles de 13,07 % sur les pensions belges de maladie professionnelle, dont les titulaires ne résident pas en Belgique et ne sont plus soumis au régime belge de sécurité sociale, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent
en vertu de l'article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1, ci-après le «règlement n° 1408/71»).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2 Le règlement n° 1408/71 dispose, à son article 13, intitulé «Règles générales»:

«1. Sous réserve de l'article 14 quater, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.

2. Sous réserve des articles 14 à 17:

a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre;

[...]

f) la personne à laquelle la législation d'un État membre cesse d'être applicable, sans que la législation d'un autre État membre lui devienne applicable en conformité avec l'une des règles énoncées aux alinéas précédents ou avec l'une des exceptions ou règles particulières visées aux articles 14 à 17, est soumise à la législation de l'État membre sur le territoire duquel elle réside, conformément aux dispositions de cette seule législation.»

3 Il résulte du troisième considérant du règlement (CEE) n° 2195/91 du Conseil, du 25 juin 1991, modifiant le règlement n° 1408/71 et le règlement (CEE) n° 574/72 fixant les modalités d'application du règlement n° 1408/71 (JO L 206, p. 2), que l'article 13, paragraphe 2, sous f), a été introduit dans ce dernier règlement à la suite de l'arrêt du 12 juin 1986, Ten Holder (302/84, Rec. p. 1821), dans lequel la Cour a dit pour droit que l'article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71 doit
être interprété en ce sens qu'un travailleur qui cesse ses activités exercées sur le territoire d'un État membre et qui n'est pas allé travailler sur le territoire d'un autre État membre reste soumis à la législation de l'État membre de son dernier emploi, quel que soit le temps qui s'est écoulé depuis la cessation des activités en question et la fin de la relation de travail.

4 Les articles 14 à 17 bis du règlement n° 1408/71 contiennent diverses règles particulières et exceptions aux règles générales édictées à son article 13. Les articles 13 à 17 bis du règlement n° 1408/71 forment le titre II de celui-ci, intitulé «Détermination de la législation applicable».

5 Le titre III du règlement n° 1408/71 contient des dispositions particulières aux différentes catégories de prestations auxquelles celui-ci est applicable en vertu de son article 4, paragraphe 1. En matière de prestations de maladie et de maternité, qui constituent l'objet du chapitre 1 du titre III dudit règlement, l'article 27 de celui-ci, intitulé «Pensions ou rentes dues en vertu de la législation de plusieurs États membres, un droit aux prestations existant dans le pays de résidence», dispose:

«Le titulaire de pensions ou de rentes dues au titre des législations de deux ou de plusieurs États membres, dont celle de l'État membre sur le territoire duquel il réside, et qui a droit aux prestations au titre de la législation de ce dernier État membre, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l'article 18 et de l'annexe VI, ainsi que les membres de sa famille, obtiennent ces prestations de l'institution du lieu de résidence et à la charge de cette institution, comme si l'intéressé était
titulaire d'une pension ou d'une rente due au titre de la seule législation de ce dernier État membre.»

6 Quant à l'article 28 du règlement n° 1408/71, intitulé «Pensions ou rentes dues en vertu de la législation d'un seul ou de plusieurs États, un droit aux prestations n'existant pas dans le pays de résidence», il énonce:

«1. Le titulaire d'une pension ou d'une rente due au titre de la législation d'un État membre ou de pensions ou de rentes dues au titre des législations de deux ou plusieurs États membres qui n'a pas droit aux prestations au titre de la législation de l'État membre sur le territoire duquel il réside bénéficie néanmoins de ces prestations pour lui-même et les membres de sa famille, dans la mesure où il y aurait droit en vertu de la législation de l'État membre ou de l'un au moins des États membres
compétents en matière de pension, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l'article 18 et de l'annexe VI, s'il résidait sur le territoire de l'État concerné. [...]

2. Dans les cas visés au paragraphe 1, la charge des prestations en nature incombe à l'institution déterminée selon les règles suivantes:

a) si le titulaire a droit auxdites prestations en vertu de la législation d'un seul État membre, la charge en incombe à l'institution compétente de cet État;

b) si le titulaire a droit auxdites prestations en vertu des législations de deux ou plusieurs États membres, la charge en incombe à l'institution compétente de l'État membre à la législation duquel le titulaire a été soumis le plus longtemps; au cas où l'application de cette règle aurait pour effet d'attribuer la charge des prestations à plusieurs institutions, la charge en incombe à celle de ces institutions qui applique la législation à laquelle le titulaire a été soumis en dernier lieu.»

7 L'article 33, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, qui figure au même chapitre du titre III de celui-ci et qui est intitulé «Cotisations à charge des titulaires de pensions ou de rentes», prévoit:

«L'institution d'un État membre débitrice d'une pension ou d'une rente qui applique une législation prévoyant des retenues de cotisations à la charge du titulaire d'une pension ou d'une rente, pour la couverture des prestations de maladie et de maternité, est autorisée à opérer ces retenues, calculées suivant ladite législation, sur la pension ou la rente dues par elle, dans la mesure où les prestations servies en vertu des articles 27, 28, 28 bis, 29, 31 et 32 sont à la charge d'une institution
dudit État membre.»

8 Le règlement n° 1408/71 consacre le chapitre 4 de son titre III aux prestations d'accident du travail et de maladie professionnelle. Son article 52, intitulé «Résidence dans un État membre autre que l'État compétent - Règles générales», est libellé comme suit:

«Le travailleur salarié ou non salarié qui réside sur le territoire d'un État membre autre que l'État compétent et qui est victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle bénéficie dans l'État de sa résidence:

a) des prestations en nature servies, pour le compte de l'institution compétente, par l'institution du lieu de résidence selon les dispositions de la législation qu'elle applique, comme s'il y était affilié;

b) des prestations en espèces servies par l'institution compétente selon les dispositions de la législation qu'elle applique. Toutefois, après accord entre l'institution compétente et l'institution du lieu de résidence, ces prestations peuvent être servies par cette dernière institution pour le compte de la première, selon la législation de l'État compétent.»

9 Les règles applicables aux prestations pour enfants à charge de titulaires de pensions ou de rentes et pour orphelins figurent au titre III, chapitre 8, du règlement n° 1408/71. Aux termes de l'article 77 de celui-ci, intitulé «Enfants à charge de titulaires de pensions ou de rentes»:

«1. Le terme prestations, au sens du présent article, désigne les allocations familiales prévues pour les titulaires d'une pension ou d'une rente de vieillesse, d'invalidité, d'accident du travail ou de maladie professionnelle, ainsi que les majorations ou les suppléments de ces pensions ou rentes prévues pour les enfants de ces titulaires, à l'exception des suppléments accordés en vertu de l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles.

2. Les prestations sont accordées selon les règles suivantes, quel que soit l'État membre sur le territoire duquel résident le titulaire de pensions ou de rentes ou les enfants:

a) au titulaire d'une pension ou d'une rente due au titre de la législation d'un seul État membre, conformément à la législation de l'État membre compétent pour la pension ou la rente;

b) au titulaire de pensions ou de rentes dues au titre des législations de plusieurs États membres:

i) conformément à la législation de celui de ces États sur le territoire duquel il réside, si le droit à l'une des prestations visées au paragraphe 1 y est ouvert en vertu de la législation de cet État, compte tenu le cas échéant des dispositions de l'article 79 paragraphe 1 point a)

ou

ii) dans les autres cas, conformément à celle des législations de ces États membres à laquelle l'intéressé a été soumis le plus longtemps, si le droit à l'une des prestations visées au paragraphe 1 est ouvert en vertu de ladite législation, compte tenu le cas échéant des dispositions de l'article 79 paragraphe 1 point a); si aucun droit n'est ouvert en vertu de cette législation, les conditions d'ouverture du droit sont examinées au regard des législations des autres États membres concernés dans
l'ordre dégressif de la durée des périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous la législation de ces États membres.»

10 Le règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement n° 1408/71 (JO L 74, p. 1), dans sa version résultant également du règlement n° 118/97 (ci-après le «règlement n° 574/72»), prévoit à son article 10 ter, intitulé «Formalités prévues en application de l'article 13 paragraphe 2 point f) du règlement»:

«La date et les conditions auxquelles la législation d'un État membre cesse d'être applicable à une personne visée à l'article 13 paragraphe 2 point f) du règlement sont déterminées conformément aux dispositions de cette législation. L'institution désignée par l'autorité compétente de l'État membre, dont la législation devient applicable à cette personne, s'adresse à l'institution désignée par l'autorité compétente du premier État membre pour connaître cette date.»

La réglementation nationale

11 L'article 46 des lois coordonnées, du 3 juin 1970, relatives à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles (Moniteur belge du 27 août 1970), dispose:

«La victime d'une maladie professionnelle, bénéficiaire d'une indemnité ou d'une allocation en vertu des présentes lois, reste tenue au paiement des cotisations dues en application de la législation sur la sécurité sociale.

Le Roi détermine les modalités de perception et de répartition de ces cotisations ainsi que les modalités d'exécution des dispositions de l'alinéa 1er.

[...]»

La procédure précontentieuse

12 Estimant que le prélèvement de ces cotisations, de l'ordre de 13,07 %, sur les pensions versées en Belgique au titre d'une maladie professionnelle est contraire au droit communautaire lorsque les titulaires d'une telle pension résident dans un autre État membre que le royaume de Belgique et y bénéficient d'une pension due par cet État, la Commission a, par lettre du 24 septembre 1996, mis le gouvernement belge en demeure de lui présenter ses observations dans un délai de deux mois.

13 N'ayant reçu aucune réponse du gouvernement belge, la Commission a réitéré son point de vue dans l'avis motivé qu'elle a adressé au royaume de Belgique par lettre du 6 novembre 1997. Dans cet avis motivé, la Commission a conclu que, en prélevant une cotisation personnelle de 13,07 % sur les pensions versées en Belgique au titre d'une maladie professionnelle dont les titulaires ne bénéficient pas de prestations de sécurité sociale autres que la pension en question tout en résidant dans un autre
État membre, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu notamment de l'article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71. Elle a invité le gouvernement belge à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à son avis motivé dans un délai de deux mois à compter de la notification de celui-ci.

14 Par lettre du 8 mai 1998, le gouvernement belge a répondu audit avis motivé. Dans cette lettre, il faisait notamment valoir que l'article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71 n'est pas applicable aux bénéficiaires d'une prestation versée en Belgique au titre d'une maladie professionnelle, dans la mesure où ceux-ci, même s'ils résident en dehors de la Belgique, restent assujettis à la sécurité sociale belge et du fait que non seulement ils reçoivent une prestation de maladie
professionnelle servie par le royaume de Belgique, mais ils ont également droit aux soins de santé et aux allocations familiales prévus par la législation de cet État membre.

15 La réponse du gouvernement belge à l'avis motivé n'ayant pas donné satisfaction à la Commission, cette dernière a introduit le présent recours.

16 Par ordonnance du président de la Cour du 1er mars 1999, le royaume des Pays-Bas a été admis à intervenir dans l'affaire à l'appui des conclusions du royaume de Belgique.

Sur le fond

Arguments des parties

17 La Commission fait valoir que, lorsque la législation de sécurité sociale d'un État membre cesse d'être applicable à une personne, l'article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71, qui met en oeuvre le principe de l'unicité de la législation applicable, détermine la législation de l'État membre de résidence de l'intéressé comme étant la seule législation applicable. Par conséquent, des personnes auxquelles la législation belge de sécurité sociale cesse d'être applicable et qui
résident sur le territoire d'un autre État membre ne pourraient être assujetties par le royaume de Belgique aux retenues de cotisations de sécurité sociale.

18 La Commission soutient que, à l'encontre de cette interprétation, ne sauraient être retenus les arguments invoqués par le gouvernement belge dans sa réponse à l'avis motivé et tirés de ce que l'article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71 ne serait pas applicable aux bénéficiaires de prestations versées en Belgique au titre d'une maladie professionnelle au motif que ceux-ci resteraient assujettis à la sécurité sociale belge. À cet égard, elle soutient notamment que, en vertu des
dispositions pertinentes du titre III du règlement n° 1408/71, intitulé «Dispositions particulières aux différentes catégories de prestations», il appartient à l'État membre de résidence de couvrir les soins de santé (article 27) et de servir les prestations familiales (article 77) des personnes qui bénéficient d'une pension due par cet État et qui n'exercent plus d'activité professionnelle sur le territoire belge et n'y résident pas. Il s'ensuivrait que, conformément à l'article 33 du règlement n°
1408/71, seul l'État membre de résidence pourrait opérer des retenues de cotisations sur les pensions dues pour couvrir les prestations de maladie et de maternité qu'il est appelé à prendre en charge.

19 La Commission ajoute que les prestations visées à l'article 52 du règlement n° 1408/71 ne sont pas des prestations de maladie au sens du titre III, chapitre 1, dudit règlement, mais constituent des prestations en nature qui ont pour but de satisfaire spécifiquement les besoins existant à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle et qui resteraient, de ce fait, toujours à la charge de l'institution de l'État compétent, même si le bénéficiaire réside dans un autre État
membre. Toutefois, le chapitre 4 du titre III du règlement n° 1408/71, relatif aux prestations en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles, ne contiendrait pas de disposition qui, à l'instar de l'article 33 du même règlement, autoriserait l'État membre compétent à opérer des retenues de cotisations pour financer lesdites prestations.

20 Le gouvernement belge fait valoir que l'article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71 n'est pas applicable aux retenues de cotisations litigieuses dans la mesure où les personnes concernées resteraient soumises à la législation belge, qui, dès lors, ne cesserait pas de leur être applicable. Il relève à cet égard que, en l'espèce, l'applicabilité de la législation belge se traduit par le versement des prestations dues au titre du régime belge des maladies professionnelles et par
d'autres mesures prévues au titre du régime belge de sécurité sociale en matière notamment de prestations familiales, de soins de santé et de prise en compte de périodes pour le calcul de la pension de retraite.

21 Le gouvernement belge soutient par ailleurs que la question de savoir si une législation cesse d'être applicable dépend du droit national, ainsi que le préciserait expressément l'article 10 ter du règlement n° 574/72, qui viendrait ainsi compléter l'article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71, dans la mesure où ce dernier ne préciserait pas à partir de quel moment ni dans quelles conditions une législation nationale de sécurité sociale «cesse d'être applicable». Il fait valoir que,
en jugeant, dans l'arrêt du 11 juin 1998, Kuusijärvi (C-275/96, Rec. p. I-3419), qu'un État membre peut légiférer d'une manière telle qu'il n'est obligé de poursuivre le paiement des prestations dues que si l'intéressé continue de résider sur son territoire, la Cour a reconnu qu'il appartient à la loi de l'État membre débiteur de déterminer la condition - en l'occurrence celle du changement de résidence - dont la réalisation a pour effet de rendre cette loi inapplicable.

22 Le gouvernement belge ajoute que, hormis son article 13, paragraphe 2, sous f), le règlement n° 1408/71 ne contient aucune disposition qui attribue expressément compétence à la loi d'un autre État membre. Au contraire, l'article 52 dudit règlement montrerait clairement que, s'il peut y avoir exécution de certaines prestations par les institutions du lieu de résidence, l'institution compétente resterait celle de l'État membre débiteur qui rembourse les frais et services des institutions dudit lieu
de résidence.

23 Le gouvernement néerlandais fait valoir que l'arrêt Kuusijärvi, précité, lu à la lumière de son contexte, doit être interprété en ce sens qu'une personne qui a cessé toute activité reste néanmoins soumise à la législation du dernier État membre dans lequel elle était employée lorsque cette législation le prévoit. Il résulterait de cet arrêt que, lorsque le travailleur a cessé toute activité sur le territoire d'un État membre et a transféré sa résidence sur le territoire d'un autre État membre
sans y entamer une nouvelle activité, les conditions de résidence figurant dans la législation du premier État peuvent lui être opposées: si de telles conditions existent, le travailleur ne serait plus soumis à la législation du premier État et, comme il a cessé ses activités, ce serait la législation de son État de résidence qui, en vertu de l'article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71, est applicable.

24 En revanche, selon le gouvernement néerlandais, lorsque la législation du premier État ne comporte pas de conditions de résidence pour l'affiliation au régime de sécurité sociale, cette législation continue de s'appliquer à l'ancien travailleur salarié, même s'il réside sur le territoire d'un autre État membre. Ce ne serait que si, à un stade ultérieur, le travailleur ne remplit plus les conditions d'affiliation de la législation du premier État que la législation de l'État membre de résidence
devient applicable.

Appréciation de la Cour

25 Il convient de constater que, dans sa requête, la Commission s'est bornée à conclure que, en vertu de l'article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71, la législation de l'État membre de résidence est la seule qui soit applicable aux titulaires de pensions versées en Belgique au titre d'une maladie professionnelle qui résident sur le territoire d'un État membre autre que le royaume de Belgique et que, partant, celui-ci n'est pas autorisé à prélever des retenues de cotisations sur une
telle pension.

26 Ce n'est qu'en réaction aux arguments que le gouvernement belge avait fait valoir dans sa réponse à l'avis motivé que la Commission s'est en outre fondée sur les articles 27, 33, 52 et 77 du règlement n° 1408/71 pour étayer sa thèse selon laquelle seule la législation de l'État membre de résidence est applicable aux titulaires de pensions versées en Belgique au titre d'une maladie professionnelle qui ne résident pas en Belgique.

27 Pour apprécier si, dans ces conditions, le recours de la Commission est fondé, il y a lieu de rappeler que les dispositions du titre II du règlement n° 1408/71, dont fait partie l'article 13, constituent un système complet et uniforme de règles de conflits de loi. Ces dispositions ont pour but non seulement d'éviter l'application simultanée de plusieurs législations nationales et les complications qui peuvent en résulter, mais également d'empêcher que les personnes entrant dans le champ
d'application du règlement n° 1408/71 soient privées de protection en matière de sécurité sociale, faute de législation qui leur serait applicable (voir, notamment, arrêt Kuusijärvi, précité, point 28).

28 Ainsi qu'il résulte des points 32 à 34 de l'arrêt Kuusijärvi, précité, l'article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71 a précisément pour objet de faire en sorte qu'une personne entrant dans le champ d'application de ce règlement demeure constamment soumise à la législation de sécurité sociale d'un État membre.

29 Il convient toutefois de relever que cette disposition ne prévoit l'application de la législation de l'État membre sur le territoire duquel la personne concernée réside que si aucune autre législation n'est applicable et, en particulier, que si celle à laquelle la personne concernée avait été soumise antérieurement cesse de lui être applicable.

30 Or, la Commission n'a pas démontré que tel est nécessairement le cas de la législation applicable aux titulaires de pensions versées en Belgique au titre d'une maladie professionnelle lorsque ceux-ci ont leur résidence sur le territoire d'un État membre autre que le royaume de Belgique.

31 À cette fin, en effet, le simple renvoi à l'article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71 n'est pas suffisant, dans la mesure où la cessation de l'application de la législation d'un État membre constitue une condition d'application de cette disposition et où celle-ci ne définit pas elle-même les conditions selon lesquelles la législation d'un État membre cesse d'être applicable.

32 En outre, aucun des arguments que la Commission a tirés des articles 27, 33, 52 et 77 du règlement n° 1408/71, pour démontrer que seule la législation de l'État membre de résidence est applicable aux titulaires de pensions versées en Belgique au titre d'une maladie professionnelle qui ne résident pas en Belgique, n'est concluant à cet égard.

33 S'agissant, tout d'abord, de l'article 27, il convient de relever, d'une part, que, en prévoyant que le titulaire de pensions ou de rentes dues au titre des législations de deux ou plusieurs États membres, dont celle de l'État membre sur le territoire duquel il réside, bénéficie des prestations de maladie et de maternité de cet État membre lorsqu'il y a droit au titre de la législation de celui-ci, cette disposition ne confère pas, par elle-même, un droit auxdites prestations.

34 Il importe de souligner, d'autre part, que, dans l'hypothèse où le titulaire d'une pension ou d'une rente due au titre de la législation d'un État membre n'a pas droit aux prestations de maladie et de maternité au titre de la législation de l'État membre sur le territoire duquel il réside, l'article 28 du règlement n° 1408/71 désigne expressément l'institution compétente d'un État membre autre que celui de la résidence pour servir de telles prestations.

35 Dans ces conditions, aucun argument ne saurait non plus être tiré de l'article 33 du règlement n° 1408/71, qui permet à l'institution d'un État membre débitrice d'une pension ou d'une rente d'opérer des retenues de cotisations à la charge du titulaire de celle-ci afin de couvrir les prestations de maladie et de maternité qu'elle pourrait être appelée à prendre en charge.

36 En ce qui concerne, ensuite, l'article 52 du règlement n° 1408/71, il y a lieu de relever qu'il prévoit expressément que, même dans le cas où le travailleur réside sur le territoire d'un État membre autre que l'État compétent, les prestations dues au titre d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle dont il bénéficie lui sont servies soit directement par l'institution de l'État compétent, soit pour le compte de celle-ci par l'institution du lieu de résidence.

37 S'agissant, enfin, de l'article 77 du règlement n° 1408/71, il convient de constater que, pour l'octroi au titulaire d'une pension ou d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle des prestations visées par cette disposition, celle-ci, à l'instar des articles 27 et 28 du même règlement, n'envisage l'application de la législation de l'État membre sur le territoire duquel réside ledit titulaire que si le droit à ces prestations est ouvert en vertu de cette législation elle-même
et, dans les autres cas, ladite disposition désigne expressément l'institution compétente d'un État membre autre que celui de la résidence pour servir de telles prestations.

38 Dans ces conditions, force est de constater que, en se bornant à conclure, dans sa requête, que le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1408/71 en prélevant des cotisations sur les pensions versées en Belgique au titre d'une maladie professionnelle lorsque les titulaires de celles-ci ne résident pas dans cet État membre et ne sont plus soumis au régime belge de sécurité sociale, la Commission infère de
cette disposition des conséquences juridiques qui n'en découlent pas nécessairement. En effet, elle considère comme étant acquis que les conditions d'application de ladite disposition se trouvent réunies, alors que, pour établir le bien-fondé de sa position, il lui appartenait de démontrer que ces conditions sont en l'espèce effectivement satisfaites, en précisant de manière concrète les situations dans lesquelles les titulaires de pensions versées en Belgique au titre d'un accident du travail ou
d'une maladie professionnelle ne sont effectivement plus soumis à la législation belge de sécurité sociale lorsqu'ils ont leur résidence sur le territoire d'un État membre autre que le royaume de Belgique.

39 Or, dans le cadre d'une procédure en manquement en vertu de l'article 169 du traité, il incombe à la Commission d'établir l'existence du manquement allégué et d'apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l'existence de ce manquement (voir, notamment, arrêt du 23 octobre 1997, Commission/France, C-159/94, Rec. p. I-5815, point 102).

40 Dès lors, le recours de la Commission doit être rejeté comme non fondé.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

41 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le royaume de Belgique ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. En application de l'article 69, paragraphe 4, dudit règlement de procédure, aux termes duquel les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens, il y
a lieu de décider que le royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

3) Le royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-347/98
Date de la décision : 03/05/2001
Type de recours : Recours en constatation de manquement - non fondé

Analyses

Manquement d'Etat - Sécurité sociale - Règlement (CEE) nº 1408/71 - Article 13, paragraphe 2, sous f) - Réglementation d'un Etat membre prévoyant le prélèvement de cotisations de sécurité sociale sur des prestations de maladie professionnelle dont les bénéficiaires ne résident pas dans cet Etat et ne sont plus soumis au régime de sécurité sociale de celui-ci.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Royaume de Belgique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Alber
Rapporteur ?: Schintgen

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2001:236

Source

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