La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/07/2000 | CJUE | N°C-413/98

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 13 juillet 2000., Directora-Geral do Departamento para os Assuntos do Fundo Social Europeu (DAFSE) contre Frota Azul-Transportes e Turismo Ldª., 13/07/2000, C-413/98


Avis juridique important

|

61998C0413

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 13 juillet 2000. - Directora-Geral do Departamento para os Assuntos do Fundo Social Europeu (DAFSE) contre Frota Azul-Transportes e Turismo Ldª. - Demande de décision préjudicielle: Supremo Tribunal Administrativo - Portugal.

- Fonds social européen - Certification factuelle et comptable - Pouvoi...

Avis juridique important

|

61998C0413

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 13 juillet 2000. - Directora-Geral do Departamento para os Assuntos do Fundo Social Europeu (DAFSE) contre Frota Azul-Transportes e Turismo Ldª. - Demande de décision préjudicielle: Supremo Tribunal Administrativo - Portugal. - Fonds social européen - Certification factuelle et comptable - Pouvoir de certification - Limtes. - Affaire C-413/98.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-00673

Conclusions de l'avocat général

1. Par ordonnance du 27 octobre 1998, déposée au greffe de la Cour le 20 novembre 1998, le Supremo Tribunal Administrativo (Portugal) demande à la Cour, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), d'interpréter les dispositions de la décision 83/516/CEE du Conseil, du 17 octobre 1983, concernant les missions du Fonds social européen , du règlement (CEE) n° 2950/83 du Conseil, du 17 octobre 1983, portant application de la décision 83/516/CEE concernant les missions du Fonds social
européen , et de la décision 83/673/CEE de la Commission, du 22 décembre 1983, concernant la gestion du Fonds social européen (FSE) , dans le cadre d'un litige opposant la société de droit portugais Frota Azul-Transportes e Turismo Ld.ª (ci-après «Frota Azul») et le Directora-Geral do Departamento para os Assuntos do Fundo Social Europeu (directeur général du département chargé des affaires du Fonds social européen, ci-après le «DAFSE»), représentant le service chargé sur le plan national de la
gestion financière des opérations cofinancées par le Fonds social européen (ci-après le «FSE»).

Les faits

2. En 1987, Frota Azul sollicite l'octroi du concours du FSE et de l'organisme de la sécurité sociale portugais (ci-après l'«OSS») en vue du financement d'actions de formation professionnelle. Après avoir réalisé, en 1988, les actions pour lesquelles elle avait obtenu l'agrément, Frota Azul présente une demande de paiement du solde des aides nationale et communautaire au DAFSE. Le directeur général du DAFSE certifie les dépenses présentées et communique la demande au FSE. Six ans plus tard, en 1995,
le DAFSE annonce qu'il a réexaminé la demande en paiement de solde et que les montants qui peuvent être certifiés sont inférieurs à ceux antérieurement transmis à la Commission. Il décide dès lors de ne pas certifier certaines dépenses et enjoint à Frota Azul, sans préjudice de la décision finale de la Commission sur le sort de la demande en paiement de solde, de restituer la somme de 3 777 465 PTE à la suite des ajustements des soldes du concours du FSE et de la contribution nationale de l'OSS.

3. Saisi par Frota Azul, le Tribunal Administrativo do Círculo de Lisboa annule la décision du directeur général du DAFSE, au motif que la certification par l'administration de l'exactitude factuelle et comptable est une vérification purement technique préparant la décision finale qui incombe à la Commission, de sorte que l'administration a excédé ses compétences en considérant que certaines dépenses n'étaient pas éligibles en raison de critères de raisonnabilité et de bonne gestion financière et en
ordonnant le remboursement des sommes correspondantes.

4. Le DAFSE interjette appel devant le Supremo Tribunal Administrativo, qui pose à la Cour les sept questions préjudicielles que nous reproduirons après avoir tracé le cadre juridique dans lequel elles s'insèrent.

Le cadre juridique

5. Le texte de base en la matière est la décision 83/516 dont deux dispositions doivent être rappelées ici:

L'article 2 prévoit que:

«1. Le concours du Fonds est octroyé pour des actions réalisées par des opérateurs relevant aussi bien du droit public que du droit privé.

2. Les États membres intéressés garantissent la bonne fin des actions...»

6. Quant à l'article 5, paragraphe 1, il dispose que, «Sans préjudice des dispositions des paragraphes suivants, le concours du Fonds est octroyé à raison de 50 % des dépenses éligibles, sans qu'il puisse toutefois dépasser le montant de la contribution financière des pouvoirs publics de l'État membre intéressé».

7. À la même date, le Conseil a adopté le règlement n° 2950/83. Celui-ci comporte les dispositions suivantes auxquelles nous devrons principalement nous référer pour répondre aux questions posées:

Article 5, paragraphe 4:

«Les demandes de paiement du solde contiennent un rapport détaillé sur le contenu, les résultats et les aspects financiers de l'action concernée. L'État membre certifie l'exactitude factuelle et comptable des indications contenues dans les demandes de paiement.»

Article 6, paragraphe 1:

«Lorsque le concours du Fonds n'est pas utilisé dans les conditions fixées par la décision d'agrément, la Commission peut suspendre, réduire ou supprimer ce concours, après avoir donné à l'État membre concerné l'occasion de présenter ses observations.»

Article 6, paragraphe 2:

«Les sommes versées qui n'ont pas été utilisées dans les conditions fixées par la décision d'agrément donnent lieu à répétition. L'État membre intéressé est subsidiairement responsable du remboursement des sommes indûment versées...»

Article 7, paragraphe 1:

«Sans préjudice des contrôles effectués par les États membres, la Commission peut procéder à des vérifications sur place.»

Article 7, paragraphe 5:

«À la demande de la Commission et avec l'accord de l'État membre concerné, des vérifications sont effectuées par les autorités compétentes de cet État. Des représentants de la Commission peuvent y participer.»

8. Enfin, la décision 83/673 est venue préciser ce qui suit:

Article 1er, paragraphe 2, premier tiret:

«Les demandes de paiement:

- de solde visées à l'article 5 paragraphe 4 du règlement (CEE) n° 2950/83 doivent être introduites au moyen du formulaire figurant à l'annexe 2.»

Article 6, paragraphes 1 et 2:

«1. Les demandes de paiement des États membres doivent parvenir à la Commission dans un délai de dix mois après la date de fin des actions. Le paiement du concours pour lequel la demande est présentée après l'expiration de ce délai est exclu.

2. Les avances doivent être restituées lorsque les coûts de l'action visée ne peuvent pas être justifiés au moyen du formulaire de l'annexe 2 dans les trois mois suivant la fin du délai de dix mois visé au paragraphe 1.»

Article 7

«Lorsque la gestion d'une action pour laquelle le concours a été accordé fait l'objet d'une enquête en raison d'une présomption d'irrégularité, l'État membre en avertit la Commission sans délai.»

Les questions préjudicielles

9. Les sept questions posées par le Supremo Tribunal Administrativo sont rédigées comme suit:

«1) Dans le cadre de l'application du règlement n° 2950/83 du Conseil, la décision de l'État membre de ne pas certifier l'exactitude factuelle et comptable d'une partie des dépenses d'une action de formation cofinancée par le FSE, parce qu'elles ne correspondent pas aux prix réels des biens et des services sur le marché national, parce qu'elles présentent des prix de services supérieurs aux prix maximaux fixés dans l'État membre, parce qu'elles imputent des frais administratifs excessifs, parce
qu'elles présentent des quantités et types de matériaux consommés qui n'ont pas de rapport avec l'action ou dans des quantités non justifiées par cette action concrète, ou pour des raisons analogues, doit-elle être considérée comme une décision d'inéligibilité des dépenses, ou est-ce au contraire une décision qui se borne à certifier négativement l'exactitude factuelle et comptable des indications contenues dans la demande de paiement, au sens de l'article 5, paragraphe 4, deuxième phrase, de ce
règlement?

2) La réduction de la contribution nationale décidée par l'organe national compétent dans la phase d'apurement et de paiement du solde, à la suite de la décision de ne pas certifier une partie de certaines dépenses pour les motifs indiqués dans la question précédente, entraîne-t-elle, en vertu des dispositions combinées des articles 5, paragraphe 4, et 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 2950/83 et de l'article 5, paragraphes 1 et 5, de la décision 83/516, la réduction correspondante
et proportionnelle de l'aide communautaire, de telle manière que le réexamen par les organes communautaires de la correction ou de l'exactitude factuelle et comptable de ces dépenses, pour permettre que le FSE contribue encore intégralement à cette ou à ces dépenses, est inutile et irréalisable?

3) De la même manière, lorsqu'un État membre décide, après avoir décelé de graves irrégularités qui affectent tout le cadre dans lequel le financement a été apprécié et accordé, de supprimer l'aide nationale après la demande de paiement de solde prévue à l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83, qu'une partie de l'action de formation ait été développée ou qu'il n'y ait eu qu'un simulacre d'action, l'organe de gestion du FSE ne dispose-t-il plus d'aucune marge d'appréciation et n'est-il
plus justifié qu'il prenne une décision finale, parce que toute possibilité de contribution communautaire à cette action est irrémédiablement exclue, et aussi parce que l'effet juridique prévu, la suppression de l'aide, s'est déjà produit, même au niveau communautaire, du simple fait que l'organe national a statué en ce sens, en liaison avec le fonctionnement nécessaire et automatique de forclusion prévue à cet effet dans les articles précités du règlement n° 2950/83 et de la décision 83/516 et dans
les dispositions générales figurant dans ces textes du droit communautaire qui régissent la participation au financement et le concours du Fonds, ces conditions n'étant plus réunies en l'espèce?

4) Le fait de certifier l'exactitude factuelle et comptable des indications contenues dans les demandes de paiement doit-il être entendu comme exclusif de tout jugement sur l'adéquation des dépenses à la réalité de l'action entreprise, aux prix des biens et des services sur le marché national, à la raisonnabilité de l'imputation des coûts dans une structure complexe, et comme devant donc se borner à la vérification formelle que les dépenses présentées se rapportent aux types de dépenses agréés,
qu'elles restent dans les limites globales de chaque poste et qu'elles sont comptabilisées à partir de documents formellement acceptables et selon les règles de comptabilité applicables?

5) L'application aux dépenses effectuées de critères d'appréciation de leur bien-fondé, tendant à vérifier si elles correspondent à la réalité des prix du marché, à l'imputation correcte des frais administratifs à l'intérieur de l'entreprise qui a conduit la formation, s'il est déraisonnable de consommer certaines quantités de matériel, ou même un certain type de matériel (par exemple plus coûteux que d'autres, tout aussi appropriés) pour effectuer une action de formation concrète, impose-t-elle que
cette appréciation soit réservée aux organes communautaires, de manière que ces critères soient identiques et que tous les opérateurs économiques soient ainsi soumis à l'intérieur de la Communauté à un traitement égal, avec la répercussion que cela implique sur l'interprétation et l'application de l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83?

6) La compétence réservée à la Commission, à l'exclusion de tout autre organe, de suspendre, réduire ou supprimer le concours du Fonds, qui découle de l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 2950/83, s'étend-elle à la suspension, à la réduction ou à la suppression de la contribution nationale par l'organe national qui gère les aides à la formation?

Si le droit communautaire n'empêche pas l'organe compétent au niveau national de suspendre, réduire ou supprimer l'aide nationale, l'adoption d'une telle décision après la demande de paiement de solde a-t-elle ainsi des effets immédiats et automatiques sur la partie correspondante du concours communautaire, et ouvre-t-elle en outre la possibilité que l'organe national exige le remboursement immédiat

- de la contribution nationale?

- de la contribution nationale et du concours communautaire?

Ou, au contraire, le droit communautaire impose-t-il obligatoirement que l'organe national se borne à ne pas certifier certaines dépenses et attende une décision finale de la Commission et qu'il ne puisse exiger qu'alors le remboursement de quelque montant que ce soit qui aurait été avancé au titre du solde de l'action, parce que c'est alors seulement que, les conditions requises ratione temporis pour agir étant réunies, il serait légitimement compétent pour statuer sur la répétition ou le
remboursement de ce qui a été indûment fourni ou versé?

7) La certification factuelle et comptable des indications contenues dans la demande de paiement de solde d'une action de formation, à laquelle se réfère l'article 5, paragraphe 4, deuxième phrase, du règlement n° 2950/83, ne peut-elle être valablement effectuée qu'en remplissant la case 18 du formulaire constituant l'annexe 2 de la décision 83/673/CEE de la Commission, du 22 décembre 1983, lors de la remise de la demande de paiement de solde, conformément aux dispositions de l'article 1er,
paragraphes 2, premier tiret, 3 et 4, et de l'article 6, paragraphes 1 et 2, de cette même décision, ou s'agit-il de dispositions relatives à de simples formalités de la procédure interorganique, inopposables à l'extérieur et non substantielles, qui n'excluent pas la possibilité que ce même organe effectue ultérieurement une certification différente de la première dans un document autonome ou dans un formulaire de substitution, dès lors qu'il se conforme dans chaque cas à la nature juridique des
actes en cause et observe les limites et conditions posées par la loi nationale pour la modification en cause?»

Remarque introductive

10. Dans l'exposé des motifs de son ordonnance de renvoi, le Supremo Tribunal Administrativo précise en ces termes le problème qu'il est appelé à trancher:

«Dans le cadre du présent recours, il convient seulement de juger si la décision ressortant du jugement entrepris, qui annule l'acte administratif émanant du directeur général du DAFSE au motif qu'il n'était pas compétent pour décider de ne pas certifier certaines dépenses et d'ordonner le remboursement des sommes correspondant à la partie de ces mêmes dépenses non certifiées, est ou non correcte. Le jugement entrepris est fondé sur le raisonnement selon lequel, puisque la Commission est le seul
organisme compétent pour agréer les demandes de concours du FSE, et donc pour décider de l'éligibilité de certaines dépenses, la décision adoptée par le directeur du DAFSE a empiété sur la compétence de cet organe communautaire et est de ce fait entachée d'incompétence.»

11. Cette définition du problème nous amène à examiner, en premier lieu, quelle est la portée exacte de la certification «de l'exactitude factuelle et comptable des indications contenues dans les demandes de paiement» à laquelle est appelé à se livrer l'organe national compétent.

12. Cette certification doit-elle se limiter à une vérification formelle des pièces comptables (quatrième question)? Si elle porte sur l'adéquation des dépenses par rapport à l'action entreprise, ou leur bien-fondé, doit-elle être réservée à la Commission (cinquième question)?

13. La décision de ne pas certifier l'exactitude factuelle et comptable d'une partie des dépenses pour le motif qu'elles ne sont pas justifiées, doit-elle être considérée comme une décision d'inéligibilité de ces dépenses (première question).

14. Nous aurons ensuite à examiner si l'autorité nationale compétente est libre de décider une réduction ou une suppression de l'aide nationale et, dans l'affirmative, si cette décision comporte des conséquences automatiques pour le volet communautaire de la subvention (deuxième et troisième questions). À l'inverse, la compétence réservée à la Commission par les textes pertinents de suspendre, réduire ou supprimer le concours du Fonds s'étend-elle à la «contribution nationale» (première partie de la
sixième question)?

15. La juridiction de renvoi se demande aussi si l'organe national compétent peut demander le remboursement de l'aide nationale et du concours du FSE avant que la Commission n'ait pris sa décision finale (deuxième partie de la sixième question).

16. Enfin, nous devrons répondre à la question de savoir si, après avoir opéré la certification (qui s'effectue en remplissant la case 18 du formulaire annexé à la décision 83/673), l'organe national compétent peut encore, ultérieurement, procéder à de nouvelles vérifications et les transmettre à la Commission, sous une autre forme (septième question).

Quant à la quatrième et à la cinquième question

17. À travers la quatrième et la cinquième question, la juridiction de renvoi se demande si le fait de certifier «l'exactitude factuelle et comptable des indications contenues dans les demandes de paiement du solde» doit être entendu «comme exclusif de tout jugement sur l'adéquation des dépenses à la réalité de l'action entreprise, aux prix des biens et services sur le marché national, à la raisonnabilité de l'imputation des coûts dans une structure complexe et comme devant donc se borner à la
vérification formelle que les dépenses présentées se rapportent aux types de dépenses agréés, qu'elles restent dans les limites globales de chaque poste et qu'elles sont comptabilisées à partir de documents formellement acceptables et selon les règles de comptabilité applicables». Une appréciation allant au-delà de cette vérification formelle et portant sur le bien-fondé des dépenses ne devrait-elle pas être réservée aux organes communautaires, de manière que les critères appliqués soient identiques
et que tous les opérateurs économiques soient ainsi soumis à un traitement égal, avec la répercussion que cela implique sur l'interprétation et l'application de l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83?

18. À cet égard, le gouvernement portugais estime que l'opération de certification ne se réduit pas à une simple vérification comptable, mais qu'elle implique nécessairement un jugement sur le caractère éligible des dépenses contenues dans la demande de paiement, «afin de pouvoir attester à la Commission de la véracité et de la légalité des éléments qui y figurent, de manière que les coûts réels de l'action coïncident avec les coûts certifiés».

19. La Commission rappelle de son côté que tous les bénéficiaires d'un concours du FSE doivent signer un document d'acceptation de la décision de la Commission, qui comprend notamment la déclaration des bénéficiaires que «les aides accordées seront utilisées conformément aux dispositions nationales et communautaires applicables et, également, dans le respect de tous les éléments qui ont été décisifs pour l'adoption de la décision d'agrément du dossier précité...»

20. Elle défend ensuite une position semblable à celle du gouvernement portugais, en affirmant qu'il «incombe à l'État membre de vérifier si les concours alloués ont été utilisés selon des critères de légalité et dans le respect des conditions fixées pour l'exécution de l'action». Elle ajoute cependant que la décision de certification de l'État membre ne lie toutefois pas la Commission et ne préjuge pas sa décision finale puisque celle-ci peut, si elle le souhaite, effectuer ses propres
vérifications et demander à l'État membre les éléments justificatifs de la certification prévue à l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83 (voir article 7, paragraphe 3, de ce règlement).

21. Sous cette réserve, la Commission conclut que «la certification factuelle et comptable effectuée par l'État membre doit inclure toute appréciation sur l'adéquation des dépenses à la réalité de l'action entreprise, aux prix des biens et services sur le marché national et au caractère raisonnable de l'imputation des coûts dans une structure complexe». L'État membre doit vérifier s'il y a eu une bonne gestion financière des fonds publics et si la règle du rapport coût/efficacité a été respectée.

Appréciation

22. Nous ne pouvons que souscrire aux avis du gouvernement portugais et de la Commission.

23. La mise en oeuvre des programmes d'aide communautaire se fait toujours à travers les États membres et les organes qu'ils désignent à cet effet. Ces organes sont proches des bénéficiaires de l'aide et ils peuvent donc, beaucoup mieux que la Commission, vérifier dans quelles conditions l'activité subventionnée par la Communauté s'est déroulée. Voilà pourquoi l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83 prévoit avant tout que «Les demandes de paiement du solde contiennent un rapport détaillé
sur le contenu, les résultats et les aspects financiers de l'action concernée».

24. Si l'organe national compétent devait se limiter à certifier l'exactitude formelle des pièces comptables, son rôle ne serait pas d'une grande utilité. Dans ce cas, la Commission devrait, en effet, dans chaque cas, envoyer une mission sur place (au lieu de faire de simples sondages) pour vérifier si le programme de formation subventionné s'est effectivement déroulé d'une manière correcte.

25. De plus, comme en vertu de l'article 2, paragraphe 2, de la décision 83/516, les États membres doivent garantir la bonne fin des actions cofinancées, l'opération de certification ne saurait se limiter à une simple vérification comptable.

26. Le Tribunal a, pour sa part, déjà confirmé, dans l'arrêt Branco/Commission , que, «Conformément à l'article 7, paragraphe 1, du règlement, tant la Commission que l'État membre concerné peuvent contrôler l'utilisation du concours...»

27. Dans un contexte identique, le Tribunal a constaté également, à juste titre, dans l'arrêt Proderec/Commission , que «... il est constant que tant le droit portugais que le droit communautaire subordonnent l'utilisation des fonds publics à une exigence de bonne gestion financière».

28. Il a poursuivi, au point 88, que «l'application du critère tiré d'un caractère raisonnable et d'une bonne gestion financière ... entre parfaitement dans le cadre du contrôle que l'État membre est tenu d'effectuer, au-delà d'une simple certification factuelle et comptable, conformément à l'article 7 de la décision 83/673, lorsqu'il soupçonne l'existence d'irrégularités, frauduleuses ou non».

29. Cette définition du rôle des organes nationaux comporte-t-elle le risque que les mêmes critères ne soient pas appliqués dans tous les États membres et que tous les opérateurs économiques ne soient pas soumis, à l'intérieur de la Communauté, au même traitement?

30. Avec le gouvernement portugais et la Commission nous sommes d'avis que tel n'est pas le cas.

31. En effet, comme nous le rappelle la Commission, les critères utilisés pour l'appréciation des dépenses énoncées dans la demande de paiement de solde, notamment ceux d'une bonne gestion financière ou du respect coût/efficacité, sont des critères généralement applicables dans tous les États membres et consacrés par la législation communautaire. Ces critères sont prévus à l'article 2 du règlement financier des Communautés et ils sont donc directement applicables dans tous les États membres.

32. À cela s'ajoute, comme la Commission l'a indiqué à propos de la quatrième question, que la décision de certification de l'État membre ne lie pas la Commission et ne préjuge pas sa décision finale.

33. Dans son arrêt Commission/Lisrestal e.a. , la Cour s'est en effet exprimée de la manière suivante:

«Il convient d'ajouter que, s'il est vrai qu'une décision de suspension, de réduction ou de suppression d'un concours communautaire peut parfois refléter une appréciation et une évaluation effectuées par les autorités nationales compétentes, il n'en reste pas moins vrai que c'est la Commission qui, conformément à l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 2950/83, prend la décision finale et assure seule, à l'égard des bénéficiaires, la responsabilité juridique d'une telle décision.»

34. Le Tribunal a, de son côté, précisé que «toute certification visée à l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83 doit être considérée comme étant par nature une opération effectuée sous toute réserve par l'État membre» .

35. Au cas où l'organe compétent de l'État membre aurait accordé ou refusé à tort la certification d'une certaine dépense, la Commission garde donc toujours la possibilité de redresser l'erreur.

36. Le risque, évoqué par la juridiction de renvoi, que tous les opérateurs économiques de la Communauté ne soient pas soumis au même traitement se trouve ainsi écarté.

37. Nous vous proposons, dès lors, de réserver la réponse commune suivante à la quatrième et à la cinquième question.

38. Le fait de certifier l'exactitude factuelle et comptable des indications contenues dans les demandes de paiement de solde doit être entendu comme incluant toute appréciation sur l'adéquation ou le bien-fondé des dépenses effectuées.

Quant à la première question

39. Par cette question, la juridiction nationale demande si la décision de l'État membre de ne pas certifier l'exactitude factuelle et comptable d'une partie des dépenses au motif qu'elles ne sont pas justifiées ou qu'elles sont disproportionnées doit être considérée comme une décision d'inéligibilité de ces dépenses.

40. Le gouvernement portugais observe à ce propos que, si l'article 5 du règlement n° 2950/83 parle de «certification», c'est de façon délibérée. Il ne s'agit pas d'une simple appréciation ou d'une évaluation.

41. En effet, «face à une demande de paiement de solde, l'État membre n'émet pas un simple avis, mais démêle au fond ce qui est acceptable et ce qui doit être refusé, jouant le rôle de première instance de contrôle».

42. Il estime que le refus du DAFSE de certifier une partie des dépenses constitue une véritable décision d'inéligibilité, de sorte que la Commission ne peut plus connaître de l'éligibilité des dépenses non certifiées, mais qu'elle doit se borner à apprécier celles que le DAFSE a certifiées.

43. En ce qui concerne la notion de «dépense non éligible», le gouvernement portugais observe qu'elle ne se réfère pas exclusivement à la définition abstraite du type de dépenses susceptibles d'être financées conformément aux dispositions de l'article 1er du règlement n° 2950/83, mais sert également à identifier toutes les dépenses qui ne peuvent être prises en considération dans l'apurement final du solde.

44. La Commission fait observer que, lorsque l'organe compétent d'un État membre certifie l'exactitude factuelle et comptable d'une demande de paiement de solde, il peut être confronté à deux types de situations:

a) il détecte des dépenses qui peuvent être immédiatement considérées comme inéligibles dans la mesure où elles ne font pas partie du type de dépenses prévues à l'article 1er du règlement n° 2950/83; dans ce cas, ces dépenses sont, dès ce premier examen, exclues de la demande de paiement de solde;

b) il détecte des dépenses qui ne peuvent être considérées comme une utilisation du concours du FSE conforme aux conditions fixées par la décision d'agrément, conformément à l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 2950/83.

45. Dans cette seconde hypothèse, les dépenses concernées, éligibles de par leur nature pour le financement de l'action, sont toutefois considérées comme inéligibles aux fins du paiement du solde, car elles n'ont pas été effectuées dans les conditions fixées par la décision d'agrément ou conformément aux critères de légalité, de bonne administration et de rapport coût/efficacité prévus par les législations nationale et communautaire.

46. Il s'ensuit que, dans cette seconde hypothèse - du reste la plus fréquente - les dépenses qui ne peuvent être certifiées sont des dépenses qui sont éligibles aux fins du financement de l'action, mais qui, en raison de la manière dont elles ont été effectuées, ne peuvent être acceptées lors du paiement du solde.

47. Par conséquent, pour procéder à la certification de l'exactitude factuelle et comptable des indications contenues dans la demande de paiement, conformément à l'article 5, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 2950/83, le DAFSE classe les dépenses en dépenses éligibles et dépenses inéligibles, dans les deux sens, étroit et large, définis aux points a) et b) ci-dessus.

Appréciation

48. À notre avis, il résulte de manière convaincante des observations du gouvernement portugais et de la Commission que la décision d'un État membre consistant à refuser la certification de certaines dépenses concerne bien l'inéligibilité de ces dépenses au titre de l'action à laquelle le concours du FSE avait été accordé.

49. Nous avons cependant vu, à propos des quatrième et cinquième questions, que l'État membre ne peut faire qu'une proposition à cet égard, car seule la Commission «peut suspendre, réduire ou supprimer ce concours» (article 6 du règlement n° 2950/83).

50. Contrairement à l'avis exprimé par le gouvernement portugais, les dépenses en question ne seront donc effectivement inéligibles qu'à partir du moment où la Commission en aura décidé ainsi. Cela implique que l'État membre fournisse également à la Commission des explications au sujet des raisons pour lesquelles il ne s'est pas estimé en mesure de certifier certaines dépenses.

51. Nous vous proposons, dès lors, de répondre à la première question que la décision d'un État membre de ne pas certifier l'exactitude factuelle et comptable d'une partie des dépenses d'une action de formation cofinancée par le FSE doit être considérée comme une proposition adressée à la Commission de considérer ces dépenses comme inéligibles.

Quant aux deuxième et troisième questions et à la première partie de la sixième question

52. Dans sa deuxième question, la juridiction nationale demande en substance si la réduction de la contribution nationale, décidée par l'organe national compétent, à la suite de sa décision de ne pas certifier une partie de certaines dépenses, entraîne la réduction correspondante et proportionnelle de l'aide communautaire, parce que le réexamen par les organes communautaires de la correction ou de l'exactitude factuelle et comptable de ces dépenses serait désormais inutile et irréalisable.

53. Dans l'exposé des motifs de sa décision de renvoi, la juridiction nationale explique sa position de la manière suivante:

«... si, dans l'exercice de sa compétence propre, celle de certifier que le montant des dépenses présentées est correct sur le fond, l'organe national compétent ne certifie pas certaines dépenses ou une partie de ces dépenses comme exactes, du point de vue factuel, il faut, semble-t-il, considérer que, sur le plan de la participation nationale , la question est dès lors tranchée, sans qu'un autre acte (notamment de la Commission) soit nécessaire, et sans qu'il soit davantage nécessaire d'attendre
une décision finale de la Commission sur le solde. Sur le plan de la participation du FSE , il faut, semble-t-il, considérer que le montant de l'aide communautaire est définitivement ramené à la partie certifiée positivement, le cofinancement de la partie non certifiée étant exclu , sans qu'il y ait pour autant empiétement sur la compétence de l'organe communautaire normalement compétent pour réduire l'aide».

54. Dans sa troisième question, la juridiction nationale s'interroge ensuite sur le point de savoir si, pareillement, la Commission ne dispose plus d'aucune marge d'appréciation et n'a plus besoin de prendre une décision finale au cas où l'État membre décide de supprimer totalement l'aide nationale après la demande de paiement du solde.

55. Enfin, dans la première partie de sa sixième question, le Supremo Tribunal Administrativo se demande, à l'inverse, si la compétence réservée à la Commission de suspendre, réduire ou supprimer le concours du FSE se répercute sur la «contribution nationale».

56. À cet égard, il suffirait, en soi, de répondre que, puisque la décision finale concernant le concours du FSE ne peut être prise que par la Commission, il ne saurait être question, pour l'État membre, de réduire ou de supprimer, avant cette décision, sa contribution nationale. A fortiori il n'est pas concevable que l'État membre puisse, pour ainsi dire, mettre la Commission devant un fait accompli, en décidant à sa place la réduction ou la suppression de l'aide communautaire. Vous opterez
peut-être pour cette réponse brève.

57. Toutefois, comme le gouvernement portugais défend le point de vue contraire, nous considérons qu'il incombe à l'avocat général de prendre position plus en détail sur ces questions.

58. Le gouvernement portugais estime que le refus de certification de certaines dépenses et le refus subséquent d'allouer la contribution financière nationale engendreraient automatiquement une décision de non-financement correspondante par le FSE.

59. Il en serait ainsi parce que l'État membre aurait une compétence exclusive pour concéder une aide financière nationale, empêchant la Commission d'approuver des dépenses et d'imposer la participation au financement de dépenses que l'État membre a jugées non justifiées.

60. De plus, si la Commission approuvait de telles dépenses, elle violerait les dispositions de l'article 5, paragraphe 1, de la décision 83/516, car «la structure de financement d'une action, fixée par la décision d'agrément d'une demande de concours, obéit à des taux d'intervention déterminés pour chacun des organismes qui la cofinancent (FSE et OSS), qui ne sont pas susceptibles de modification, même en cas de variation des montants à financer (voir article 5 de la décision 83/516 et article 3 du
règlement n° 2950/83, tel que modifié par le règlement n° 3823/85)».

61. Il estime par ailleurs que, «si l'État membre lui-même, qui est en définitive présumé avoir intérêt que les fonds structurels paient, a déjà pris l'initiative de déclarer qu'une partie de la demande est dépourvue de justification, il est inutile de surcharger la Commission en lui imposant l'obligation d'évaluer aussi cette partie de la demande».

62. La Commission considère, au contraire, que l'«on ne saurait affirmer qu'il existe une réduction de l'aide nationale décidée par l'organisme national compétent» et que «cette interprétation ne peut pas se déduire non plus de l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83».

63. Elle explique que, au contraire, «l'organe national compétent, en l'espèce le DAFSE, présente en réalité une proposition de réduction, qui porte sur la contribution nationale et sur le concours communautaire, et qui fait l'objet d'une décision finale de la Commission, laquelle ne porte que sur le concours du FSE».

64. La Commission ajoute que la décision de non-certification porte nécessairement sur le montant global alloué à l'action concernée et se répercute proportionnellement sur le concours communautaire et la contribution nationale, qui est toujours fixée en fonction dudit concours.

Appréciation

65. Il est certain que le FSE n'intervient qu'à la demande d'un État membre et que, d'après l'article 5, paragraphe 1, de la décision 83/516, le concours du FSE ne peut pas dépasser le montant de la contribution financière des pouvoirs publics de l'État membre intéressé.

66. Il est vrai aussi que, «Sur demande de l'État membre intéressé, introduite en temps utile, le versement des avances visées aux paragraphes 1 et 2 [de l'article 5 du règlement n° 2950/83] est suspendu». Reste à savoir si, au-delà de cette phase, l'État membre peut encore réduire ou supprimer unilatéralement sa contribution. Comme la Commission, nous ne pensons pas que cela soit possible.

67. Déjà en 1984, la Cour a déclaré que, lorsque l'État membre introduit auprès de la Commission une demande de cofinancement d'un projet, il s'engage en même temps à assumer une charge financière égale à celle demandée de la part du FSE .

68. À partir de ce moment-là, un partenariat est instauré entre l'État membre et la Commission. Celui-ci implique que toutes les décisions subséquentes seront prises en étroite concertation.

69. Dès lors, «Lorsqu'une action pour laquelle une demande de concours a été introduite ou un concours a été accordé ne peut être réalisée ou ne peut l'être que partiellement, l'État membre avertit la Commission sans délai» (article 5 de la décision 83/673).

70. De même, «Lorsque la gestion d'une action pour laquelle un concours a été accordé fait l'objet d'une enquête en raison d'une présomption d'irrégularité, l'État membre en avertit la Commission sans délai» (article 7 de la même décision).

71. Enfin, «Lorsque le concours du Fonds n'est pas utilisé dans les conditions fixées par la décision d'agrément, la Commission peut suspendre, réduire ou supprimer ce concours, après avoir donné à l'État membre concerné l'occasion de présenter ses observations» (article 6, paragraphe 1, du règlement n° 2950/83).

72. Certes, comme nous l'avons vu, l'État membre lui-même peut formuler une proposition de réduction ou de suppression du concours, soit en refusant de certifier, lors de la demande de paiement du solde, une partie ou l'ensemble des dépenses, soit en proposant la réduction ou la suppression du concours du FSE, à la suite de vérifications intervenues après le paiement de la totalité de l'aide nationale et communautaire.

73. Toutefois, même dans cette hypothèse, «c'est la Commission qui, conformément à l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 2950/83, prend la décision finale et assume seule, à l'égard du bénéficiaire, la responsabilité juridique d'une telle décision» .

74. Dès lors, si l'État pouvait, après avoir constaté des irrégularités, réduire ou supprimer unilatéralement sa contribution, en invoquant simultanément à l'égard de la Commission la règle selon laquelle le concours du FSE ne peut pas dépasser le montant de la contribution financière nationale, il accaparerait, au détriment de la Commission, la décision finale sur la réduction ou la suppression du concours du FSE.

75. C'est donc à juste titre, selon nous, que, dans l'arrêt Branco/Commission , le Tribunal a rejeté la thèse, défendue à l'époque par la Commission elle-même, selon laquelle il ne lui appartenait pas de prendre une décision de réduction du concours, lorsque l'autorité nationale avait estimé que certaines dépenses n'étaient pas éligibles et qu'elle avait remboursé à la Commission les avances indûment versées au bénéficiaire.

76. Comme l'a précisé le Tribunal au point 40 du même arrêt, «il appartient à la Commission, et non à l'État membre, de se prononcer sur la conformité des dépenses exposées par la bénéficiaire avec les conditions qu'elle a imposées dans la décision d'agrément, l'État membre étant uniquement appelé à coopérer avec la Commission pour en contrôler le respect».

77. Lorsque la Commission, à la suite d'une proposition en ce sens de l'État membre, décide que les dépenses en cause sont effectivement inéligibles, il en découlera automatiquement et immédiatement des conséquences, aussi bien en ce qui concerne le niveau de la contribution du FSE que celui de la contribution nationale.

78. Nous répondons ainsi par l'affirmative à la partie de la sixième question où la juridiction de renvoi s'est demandée si la compétence réservée à la Commission s'étend à la suspension, à la réduction ou à la suppression de la contribution nationale.

79. Précisons encore que, à notre avis, et contrairement à ce que semble penser le gouvernement portugais, il n'y a guère lieu de craindre que la Commission insiste pour maintenir, malgré tout, le cofinancement par le FSE de dépenses dont l'État membre estime qu'elles ont été excessives ou frauduleuses, puisque l'une des missions de la Commission est, précisément, d'éviter que des fonds communautaires ne soient dépensés à mauvais escient.

80. Il peut, cependant, se présenter des cas limites, où la gravité de l'infraction et l'importance de la réduction de la contribution qui doit en découler sont susceptibles de donner lieu à des appréciations délicates, notamment sous l'angle du respect du principe de proportionnalité. Le fait que l'organe national compétent et la Commission soient obligés, par le système mis en place, de confronter leurs vues à cet égard est de nature à protéger les intérêts légitimes du bénéficiaire de l'aide. Le
cas échéant, la juridiction communautaire devra trancher la question.

81. Compte tenu des observations qui précèdent, nous proposons de répondre comme suit aux deuxième et troisième questions et à la première partie de la sixième question:

«La réduction ou la suppression d'une contribution, proposée par l'organe national compétent, fait toujours l'objet d'une décision finale de la part de la Commission, portant sur la partie de la contribution correspondant au concours du FSE. Cette décision finale se répercute sur la contribution nationale.»

Quant à la sixième question

82. Dans le cadre de sa sixième question, la juridiction nationale demande encore si, à supposer que le droit communautaire n'empêche pas l'organe compétent au niveau national de suspendre, réduire ou supprimer l'aide nationale, l'adoption d'une telle décision, après la demande de paiement de solde, a des effets immédiats et automatiques sur la partie correspondante du concours communautaire et si elle ouvre, en outre, la possibilité que l'organe national exige le remboursement immédiat:

- de la contribution nationale;

- de la contribution nationale et de la contribution communautaire.

83. Or, nous avons expliqué ci-dessus que les prémisses sur lesquelles se fonde cette question ne sauraient être retenues.

84. Il en découle que c'est seulement à partir du moment où la décision finale de la Commission est intervenue que l'organe national peut définitivement réclamer au bénéficiaire de l'aide le remboursement total ou partiel de la contribution nationale et du concours communautaire.

85. En revanche, comme le fait observer la Commission, le droit communautaire n'exclut pas que l'organe national compétent puisse, à titre conservatoire, réclamer au bénéficiaire le remboursement de ce qu'il estime être un trop-perçu même avant la décision de la Commission, par exemple lorsqu'il y a lieu de craindre une faillite de ce dernier.

86. Le souci de l'État membre de s'assurer du remboursement de l'aide nationale indûment perçue par le bénéficiaire est évidemment compréhensible. De plus, d'après l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 2950/83, «L'État membre intéressé est subsidiairement responsable du remboursement des sommes indûment versées ... [par le FSE]». Il peut donc avoir un intérêt légitime à faire en sorte que le remboursement de ces sommes ne reste pas, en fin de compte, à sa charge.

87. Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, dès lors, de retenir, comme le fait la Commission, «qu'aucune disposition de la législation communautaire n'empêche l'État membre d'exiger le remboursement immédiat de la contribution nationale et/ou du concours communautaire, après la transmission de la demande de paiement de solde à la Commission, dès lors qu'il respecte la réserve selon laquelle sa décision est prise sans préjudice de la décision finale de la Commission», et que la question de
savoir si l'État membre est en mesure d'exiger un tel remboursement sous réserve «est un problème de droit interne qui doit être réglé au niveau national».

Quant à la septième question

88. Dans sa septième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la certification factuelle et comptable des indications contenues dans la demande de paiement de solde d'une action de formation, à laquelle se réfère l'article 5, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 2950/83, ne peut être valablement effectuée qu'en remplissant la case 18 du formulaire constituant l'annexe 2 de la décision 83/673 lors de la remise de la demande de paiement de solde ou si l'organe national
compétent peut encore effectuer ultérieurement une certification différente de la première dans un document autonome ou dans un formulaire de substitution.

89. Le gouvernement portugais est d'avis que le délai de forclusion prévu à l'article 6, paragraphe 1, de la décision 83/673 ne s'applique qu'à la transmission des demandes de paiement de solde, mais qu'il n'oblige pas les États membres à transmettre en même temps la certification des données qui y sont contenues.

90. Il soutient que le DAFSE peut, dès lors, prendre sa décision de certification tant que la Commission, qui ne serait soumise à aucun délai, n'a pas statué sur les demandes de paiement de solde.

91. La Commission, de son côté, souligne que, en l'occurrence, en procédant au contrôle qu'il est habilité à effectuer en vertu de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 2950/83 ... au moyen de vérifications et/ou d'enquêtes supplémentaires, le DAFSE n'a pas procédé à une certification au sens de l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83. Elle renvoie, à cet égard, à l'arrêt Proderec/Commission, précité, aux termes duquel «toute certification visée à l'article 5, paragraphe 4, du
règlement n° 2950/83 doit être considérée comme étant par nature une opération effectuée sous toute réserve par l'État membre. Une interprétation différente porterait atteinte à l'effet utile de l'article 7 de la décision 83/673, qui enjoint à l'État membre de dénoncer les irrégularités constatées dans la gestion des actions à financer par le biais du FSE».

92. Selon la Commission, «la certification factuelle et comptable des indications contenues dans la demande de paiement de solde d'une action de formation, à laquelle se réfère l'article 5, paragraphe 4, deuxième phrase, du règlement n° 2950/83, n'interdit pas à un État membre de procéder à un réexamen postérieur à la demande de paiement de solde et de présenter, le cas échéant, à la Commission une demande de paiement de solde révisée en proposant une réduction du concours».

Appréciation

93. Il découle de l'article 1er de la décision 83/673 que la Commission ne peut statuer sur les demandes de paiement de solde que sur la base de formulaires au moyen desquels ces demandes doivent être soumises à l'organe national et transmises à la Commission. Il s'agit d'une formalité substantielle, car les demandes de paiement de solde qui ne sont pas introduites sur les formulaires prévus à l'annexe 2 de la décision 83/673 sont irrecevables .

94. L'annexe 2 de la décision 83/673 contient le modèle du formulaire que l'organe bénéficiaire doit remplir s'il veut obtenir le paiement du solde du concours octroyé. C'est ce formulaire qu'il doit remettre à l'organe national pour lui permettre de procéder à la certification prévue à l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83. Au point 18 du formulaire, une case est spécialement réservée à cet effet.

95. Le Tribunal a souligné au point 68 de l'arrêt Proderec/Commission, précité, que:

«Lorsqu'un bénéficiaire transmet une demande de paiement du solde d'un concours financier du FSE aux autorités compétentes d'un État membre, ces dernières peuvent adopter trois attitudes. Elles peuvent transmettre la demande telle quelle, en certifiant l'exactitude factuelle et comptable de l'ensemble des dépenses présentées. Elles peuvent aussi transmettre cette demande à la Commission en précisant qu'elles certifient l'exactitude factuelle et comptable d'une partie seulement des données présentées
... Elles peuvent enfin ne rien faire, au risque d'entraîner la déchéance du droit du bénéficiaire de percevoir le montant non encore versé du concours communautaire qui lui a été accordé si l'inaction des autorités nationales de l'État membre se prolonge au-delà du délai fixé à cet effet par l'article 6, paragraphe 1, de la décision 83/673. Comme l'affirme la requérante, l'absence de certification factuelle et comptable d'une dépense constitue donc une décision finale en matière de financement, le
pouvoir de certification prévu à l'article 5, paragraphe 4, devant être exercé dans un certain délai» .

96. L'article 6 de la décision 83/673 prévoit en effet que les demandes de paiement de solde doivent parvenir à la Commission dans un délai de dix mois après la fin des actions de formation et que tout paiement du concours pour lequel la demande est présentée après l'expiration de ce délai est exclu.

97. Comme la certification doit donc avoir lieu dans ce délai de forclusion et figurer à l'endroit qui lui est réservé sur le formulaire de demande de paiement de solde prévu à l'annexe 2 de la décision 83/673, il n'est pas étonnant que l'organe national, devant l'afflux des demandes de paiement de solde, se voit pris au piège entre l'obligation de contrôler la régularité des dépenses figurant à la demande, eu égard aux responsabilités encourues par l'État membre, et l'obligation de certifier et de
transmettre la demande à la Commission, sous peine d'irrecevabilité de la demande.

98. Cette circonstance permet de mieux comprendre pourquoi la Cour, dans son ordonnance du 12 novembre 1999, Branco/Commission , a entériné le raisonnement suivi par le Tribunal dans l'arrêt qu'il avait rendu entre les mêmes parties, le 15 septembre 1998 .

99. Aux points 77 et 78 de cette ordonnance, on peut lire ce qui suit:

«77 À cet égard, ainsi que le Tribunal l'a relevé au point 48 de l'arrêt attaqué, l'article 6 de la décision 83/673 prévoit que les demandes de paiement de solde doivent parvenir à la Commission dans un délai de dix mois après la fin des actions de formation et que tout paiement du concours pour lequel la demande est présentée après l'expiration de ce délai est exclu. Ainsi que le Tribunal l'a à juste titre constaté, si des contrôles de régularité ne pouvaient être effectués qu'avant la
certification de l'exactitude factuelle et comptable d'une demande de paiement de solde, il pourrait arriver que l'État membre ne soit pas en mesure de présenter cette demande à la Commission dans ledit délai, de sorte que le paiement du solde du concours serait exclu. C'est donc à bon droit que le Tribunal a conclu que, dans certaines hypothèses, la certification de l'exactitude factuelle et comptable d'une demande de paiement de solde antérieurement à un contrôle de régularité ou avant
l'achèvement de celui-ci peut être de l'intérêt du bénéficiaire du concours.

78 Le Tribunal a donc pu considérer que rien ne s'opposait à ce que le DAFSE ait recours à un auditeur professionnel, tel que l'IGF, afin de contrôler, après la date de certification, l'exactitude des indications contenues dans la demande de paiement de solde.»

100. En réexaminant le dossier et en modifiant son appréciation antérieure, le DAFSE n'a pas, comme il a été souligné à bon droit par la Commission, procédé une deuxième fois à une certification factuelle et comptable au sens de l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 2950/83.

101. Il a, en revanche, exercé le pouvoir de contrôle que lui reconnaît l'article 7 de la décision 83/673. Ce pouvoir n'est pas soumis au délai de forclusion prévu à l'article 6 de la décision 83/673 et peut donc être exercé postérieurement à la certification de la demande de paiement de solde, si une vérification antérieure à la remise de la demande de paiement de solde par le bénéficiaire aurait exposé le DAFSE au risque d'encourir la forclusion susmentionnée.

102. En conséquence, nous vous proposons de répondre à la septième question préjudicielle que la certification factuelle et comptable des indications contenues dans la demande de paiement de solde d'une action de formation, au sens de l'article 5, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 2950/83, ne peut être valablement effectuée qu'en remplissant la case 18 du formulaire intitulé «Demande de paiement de solde au Fonds social européen», tel qu'il est prévu à l'annexe 2 de la décision 83/673.
Cette certification n'interdit cependant pas à un État membre de procéder à un réexamen postérieur de la demande de paiement de solde et de présenter, le cas échéant, à la Commission, une demande de paiement de solde révisée en proposant une réduction du concours.

Conclusions

103. Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, nous vous proposons d'apporter les réponses suivantes aux questions posées par le Supremo Tribunal Administrativo:

Quant à la quatrième et à la cinquième question

«Le fait de certifier l'exactitude factuelle et comptable des indications contenues dans les demandes de paiement de solde doit être entendu comme incluant toute appréciation sur l'adéquation ou le bien-fondé des dépenses effectuées.»

Quant à la première question

«La décision d'un État membre de ne pas certifier l'exactitude factuelle et comptable d'une partie des dépenses d'une action de formation cofinancée par le Fonds social européen doit être considérée comme une proposition, adressée à la Commission, de considérer ces dépenses comme inéligibles.»

Quant aux deuxième et troisième questions et à la première partie de la sixième question

«La réduction ou la suppression d'une contribution, proposée par l'organe national compétent, fait toujours l'objet d'une décision finale de la part de la Commission, portant sur la partie de la contribution correspondant au concours du Fonds social européen. Cette décision finale se répercute sur la contribution nationale.»

Quant à la sixième question

«La législation communautaire n'empêche pas l'État membre d'exiger le remboursement immédiat de la contribution nationale et du concours communautaire après la transmission à la Commission de la demande de paiement de solde, sans préjudice de la décision finale de la Commission. Compte tenu de cette réserve, la question posée est une question de droit interne qui doit être résolue au niveau national.»

Quant à la septième question

«La certification factuelle et comptable des indications contenues dans la demande de paiement de solde d'une action de formation, au sens de l'article 5, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement (CEE) n° 2950/83 du Conseil, du 17 octobre 1983, portant application de la décision 83/516/CEE concernant les missions du Fonds social européen, ne peut être valablement effectuée qu'en remplissant la case 18 du formulaire intitulé Demande de paiement de solde au Fonds social européen, tel qu'il est prévu
à l'annexe 2 de la décision 83/673/CEE de la Commission, du 22 décembre 1983, concernant la gestion du Fonds social européen (FSE). Cette certification n'interdit cependant pas à un État membre de procéder à un réexamen postérieur de la demande de paiement de solde et de présenter, le cas échéant, à la Commission, une demande de paiement de solde révisée en proposant une réduction du concours.»


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-413/98
Date de la décision : 13/07/2000
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Supremo Tribunal Administrativo - Portugal.

Fonds social européen - Certification factuelle et comptable - Pouvoir de certification - Limtes.

Fonds social européen (FSE)


Parties
Demandeurs : Directora-Geral do Departamento para os Assuntos do Fundo Social Europeu (DAFSE)
Défendeurs : Frota Azul-Transportes e Turismo Ldª.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mischo
Rapporteur ?: Macken

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2000:400

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award