Avis juridique important
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61997J0240
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 5 octobre 1999. - Royaume d'Espagne contre Commission des Communautés européennes. - FEOGA - Apurement des comptes - Exercice 1993 - Restitutions à l'exportation de beurre et de viande bovine - Aides à des opérations de transformation d'agrumes. - Affaire C-240/97.
Recueil de jurisprudence 1999 page I-06571
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
1 Agriculture - FEOGA - Apurement des comptes - Refus de prise en charge de dépenses découlant d'irrégularités dans l'application de la réglementation communautaire - Contestation par l'État membre concerné - Charge de la preuve
(Règlement du Conseil n_ 729/70, art. 8)
2 Agriculture - Politique agricole commune - Financement par le FEOGA - Principes - Conformité des dépenses aux règles communautaires - Obligation de contrôle incombant aux États membres
(Traité CE, art. 5 (devenu article 10 CE); règlement du Conseil n_ 729/70, art. 8, § 1)
Sommaire
1 Lorsque la Commission refuse de mettre à la charge du FEOGA certaines dépenses, au motif qu'elles ont été provoquées par des infractions à la réglementation communautaire imputables à un État membre, il appartient à ce dernier de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission. Cette même charge de la preuve pèse sur l'État membre dont la Commission considère qu'il ne s'est pas acquitté de l'obligation de vérifier correctement les différentes
opérations en cause et de procéder à la récupération des restitutions à l'exportation et des aides indûment perçues par les bénéficiaires.
2 L'article 8, paragraphe 1, du règlement n_ 729/70, qui constitue dans le domaine agricole une expression des obligations imposées aux États membres par l'article 5 du traité (devenu article 10 CE), définit les principes selon lesquels la Communauté et les États membres doivent organiser la mise en oeuvre des décisions communautaires d'interventions agricoles financées par le FEOGA ainsi que la lutte contre la fraude et les irrégularités en rapport avec ces opérations. Il impose aux États membres
l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEOGA, même si l'acte communautaire spécifique ne prévoit pas expressément l'adoption de telle ou telle mesure de contrôle, d'autant plus lorsqu'on est en présence d'éléments de nature à éveiller de sérieux soupçons de fraude à la législation communautaire.
Parties
Dans l'affaire C-240/97,
Royaume d'Espagne, représenté par M. S. Ortiz Vaamonde, abogado del Estado, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade d'Espagne, 4-6, boulevard E. Servais,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. Díaz-Llanos La Roche, conseiller juridique, et C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de ce dernier, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet l'annulation partielle de la décision 97/333/CE de la Commission, du 23 avril 1997, relative à l'apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie», pour l'exercice financier 1993 (JO L 139, p. 30),
LA COUR
(sixième chambre),
composée de MM. P. J. G. Kapteyn, président de chambre, G. Hirsch et J. L. Murray (rapporteur), juges,
avocat général: M. P. Léger,
greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 14 janvier 1999,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 22 avril 1999,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 juin 1997, le royaume d'Espagne a, en vertu de l'article 173, premier alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, premier alinéa, CE), demandé l'annulation partielle de la décision 97/333/CE de la Commission, du 23 avril 1997, relative à l'apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie», pour l'exercice financier 1993 (JO
L 139, p. 30).
2 Le recours tend à l'annulation de ladite décision en tant qu'elle a refusé de mettre à la charge du FEOGA, tout d'abord, une somme de 518 290 080 ESP concernant des restitutions à l'exportation de beurre, ensuite, une somme de 74 468 109 ESP relative à des restitutions à l'exportation de viande bovine et, enfin, une somme de 58 804 012 ESP concernant des aides à des opérations de transformation de fruits et légumes (agrumes).
Sur les restitutions à l'exportation de beurre
3 Le règlement (CEE) n_ 804/68 du Conseil, du 27 juin 1968 (JO L 148, p. 13), institue une organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers.
4 L'article 17 de ce règlement, tel que modifié par le règlement (CEE) n_ 3904/87 du Conseil, du 22 décembre 1987 (JO L 370, p. 1), prévoit que, dans la mesure nécessaire pour permettre l'exportation des produits régis par ledit règlement, dont le beurre, sur la base des prix de ces produits dans le commerce international, la différence entre ces prix et les prix dans la Communauté peut être couverte par une restitution à l'exportation.
5 En vertu de l'article 1er, paragraphe 2, sous a), du règlement (CEE) n_ 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), la section «garantie» du FEOGA finance les restitutions à l'exportation vers les pays tiers.
6 Selon l'article 2, paragraphe 1, dudit règlement, les restitutions à l'exportation vers les pays tiers sont financées par la section «garantie» du FEOGA, lorsqu'elles sont accordées selon les règles communautaires dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles.
7 Aux termes de l'article 8, paragraphe 1, du règlement n_ 729/70:
«Les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour:
- s'assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le Fonds,
- prévenir et poursuivre les irrégularités,
- récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités ou de négligences.
...»
8 Il ressort de l'article 8, paragraphe 2, du même règlement que les conséquences financières des irrégularités ou des négligences imputables aux administrations ou organismes des États membres ne sont pas supportées par la Communauté.
9 L'article 5, paragraphe 1, du règlement (CEE) n_ 565/80 du Conseil, du 4 mars 1980, relatif au paiement à l'avance des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles (JO L 62, p. 5), précise que «À la demande de l'intéressé un montant égal à la restitution à l'exportation est payé dès que les produits ou marchandises sont mis sous le régime douanier de l'entrepôt ou de la zone franche en vue de leur exportation dans un délai déterminé».
10 Le règlement (CEE) n_ 3665/87 de la Commission, du 27 novembre 1987, établit les modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles (JO L 351, p. 1). L'article 4, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que le paiement de la restitution est subordonné à la production de la preuve que les produits pour lesquels la déclaration d'exportation a été acceptée ont, au plus tard dans un délai de 60 jours à compter de cette acceptation, quitté en l'état
le territoire douanier de la Communauté.
11 L'article 5, paragraphe 1, premier et dernier alinéas, dudit règlement dispose:
«1. Le paiement de la restitution différenciée ou non différenciée est subordonné, en sus de la condition que le produit ait quitté le territoire douanier de la Communauté, à la condition que le produit ait été, sauf s'il a péri en cours de transport par suite d'un cas de force majeure, importé dans un pays tiers et, le cas échéant, dans un pays tiers déterminé dans les douze mois suivant la date d'acceptation de la déclaration d'importation:
a) lorsque des doutes sérieux existent quant à la destination réelle du produit
ou
b) lorsque le produit est susceptible d'être réintroduit dans la Communauté par suite de la différence entre le montant de la restitution applicable au produit exporté et le montant des droits à l'importation applicables à un produit identique à la date d'acceptation de la déclaration d'exportation.
...
En outre, les services compétents des États membres peuvent exiger des preuves supplémentaires de nature à démontrer à la satisfaction des autorités compétentes que le produit a été effectivement mis en l'état, sur le marché du pays tiers d'importation.»
12 L'article 13 du même règlement prévoit:
«Aucune restitution n'est octroyée lorsque les produits ne sont pas de qualité saine, loyale et marchande et, si ces produits sont destinés à l'alimentation humaine, lorsque leur utilisation à cette fin est exclue ou considérablement diminuée en raison de leurs caractéristiques ou de leur état.»
13 Le règlement (CEE) n_ 595/91 du Conseil, du 4 mars 1991, concerne les irrégularités et la récupération des sommes indûment versées dans le cadre du financement de la politique agricole commune ainsi que l'organisation d'un système d'information dans ce domaine (JO L 67, p. 11). Il dispose, en son article 5, paragraphe 2:
«Lorsqu'un État membre estime que la récupération totale d'un montant ne peut pas être effectuée ou attendue, il indique à la Commission, à l'occasion d'une communication spéciale, le montant non récupéré et les raisons selon lesquelles ce montant est, à son avis, à la charge de la Communauté ou de l'État membre».
14 Aux termes de l'article 6, paragraphe 1, du même règlement:
«Lorsque la Commission estime que des irrégularités ont été commises dans un ou plusieurs États membres, elle en informe le ou les États membres concernés et celui-ci ou ceux-ci procède(nt), dans les meilleurs délais, à une enquête à laquelle des agents de la Commission peuvent participer».
15 Il est précisé, à l'article 6, paragraphe 2, premier alinéa, que, «Dans les délais les plus brefs, l'État membre communique à la Commission les conclusions établies à la suite de l'enquête».
16 Le 21 janvier 1992, la société Quesos Frías SA (ci-après «Quesos Frías») a conclu avec l'entreprise publique d'État All-Union Association for Foreign Economic Affairs «Prodintorg» (ci-après «Prodintorg»), dont le siège est à Moscou, un contrat de vente portant sur 1 550 tonnes de beurre à destination de Kaliningrad (Russie).
17 Le prix de vente, fixé par les parties dans un avenant au contrat en date du 8 mai 1992, était de 1 959 USD la tonne, prix CIF dans un port de la mer Baltique.
18 Le 28 mai 1992, Quesos Frías a rempli trois documents uniques douaniers, au bureau des douanes de Bilbao, en vue de l'exportation de beurre vers la Russie, le prix total indiqué s'élevant à la somme de 3 036 450 USD.
19 Les 3 juin et 8 juillet 1992, Quesos Frías a déposé trois demandes d'avance de restitutions à l'exportation auprès de l'organisme compétent, le Servicio Nacional de Productos Agrarios (ci-après le «Senpa»), assorties d'une garantie de 120 % de leur montant et subordonnées à la réalisation de l'opération d'exportation du beurre hors du territoire douanier communautaire.
20 Le Senpa a consenti une avance de 431 909 672 ESP à Quesos Frías après vérification des avals accordés, conformément à l'article 5, paragraphe 1, du règlement n_ 565/80.
21 Informée du fait que la couverture des risques liés aux opérations d'exportation vers la Russie n'était plus assurée en raison de l'instabilité politique affectant cet État et qu'elle ne pouvait plus recourir à la ligne de crédit correspondant au financement de l'opération d'exportation, compte tenu des manquements de l'institution prestataire russe, Quesos Frías a recherché un nouvel acheteur en dehors du territoire douanier communautaire afin d'éviter la perte de la garantie constituée pour le
paiement de l'avance des restitutions à l'exportation.
22 Quesos Frías a vendu 500 tonnes de beurre stocké au dépôt franc de Bilbao à la société Rossmarsh Ltd, à destination d'Alexandrie (Égypte).
23 À la suite de négociations menées parallèlement, Quesos Frías a conclu, le 24 novembre 1992, un contrat de vente avec la société française Union Commerciale pour l'Europe et l'Afrique, portant sur un lot de 1 050 tonnes de beurre, au prix de 1 185 USD par tonne, prix FOB à Bilbao, en vue de sa commercialisation en Algérie.
24 L'exécution de ce contrat a été transférée à la société anglaise du même groupe Commagric UK (ci-après «Commagric»), dont le siège est à Londres.
25 Le 21 décembre 1992, les 1 550 tonnes de beurre ont été embarquées dans le port de Bilbao, sur le navire Maere, lequel est parti le 24 décembre 1992 à destination du port de Skikda (Algérie) où il est arrivé le 29 décembre suivant.
26 Le déchargement du beurre a été suspendu à la suite d'un contrôle de l'inspection vétérinaire algérienne, celle-ci ayant constaté la présence de taches sur certains emballages.
27 Le 3 février 1993, Quesos Frías et Commagric ont conclu une transaction aux termes de laquelle le contrat de vente a été annulé. La vente du lot de 500 tonnes destiné à l'Égypte a également été annulée en raison de l'impossibilité de livrer la marchandise dans les délais.
28 Le lot de beurre a ensuite été transporté par le navire Maere du port de Skikda vers le port de Limassol (Chypre) où il est arrivé le 22 février 1993. Il a été entreposé dans des dépôts frigorifiques francs de Limassol et de Larnaka.
29 Le 18 juin 1993, la marchandise a été embarquée sur le navire Reefer Sea dans le port de Limassol à destination de Kaliningrad, après la vente des 1 550 tonnes de beurre à la firme suédoise Handelshuset Redline AP, qui a servi d'intermédiaire pour l'opération d'exportation vers la Russie, le destinataire final de la marchandise étant Prodintorg.
30 La marchandise a été déchargée le 5 juillet 1993 à Kaliningrad et y a été dédouanée. Le prix des 1 550 tonnes vendues à Prodintorg a été fixé à 936 USD par tonne, prix CIF dans un port de la mer Baltique. Quesos Frías a perçu pour cette opération un montant brut de 200 864 500 ESP.
31 Le gouvernement espagnol estime que le problème qui se pose est totalement factice, la Commission ayant refusé de lui verser les fonds avancés au motif que, en raison de la mauvaise qualité du beurre, il n'a pas été prouvé que celui-ci a effectivement été exporté vers un pays tiers. Il considère que la preuve fournie par l'exportateur et les justifications données par ce dernier, jointes à la requête, étaient plus que suffisantes pour établir la sortie de la marchandise du territoire
communautaire et que leur pertinence rendait inutile toute vérification supplémentaire. Il soutient qu'il est établi à suffisance que la qualité du beurre exporté remplissait les conditions requises, tant au moment où le beurre a quitté le territoire douanier communautaire que lorsqu'il est arrivé à sa destination définitive et y a été dédouané en vue d'être livré à la consommation humaine.
32 La Commission a des doutes quant à la réalité de la transaction en cause par rapport à trois éléments. Elle se réfère, d'abord, à la mauvaise qualité de la marchandise à l'embarquement en Espagne, en raison de laquelle son débarquement a été suspendu à la suite d'une inspection effectuée dans le port de Skikda. Elle allègue, ensuite, une absence de correspondance entre la marchandise finalement vendue en Russie et celle qui a donné initialement lieu à la restitution. Enfin, elle se prévaut de la
modicité de la somme finalement perçue par Quesos Frías, la vente du beurre ayant été effectuée à un prix inférieur au minimum prévu dans les accords internationaux ainsi qu'au prix initialement convenu avec l'organisme acquéreur.
33 À cet égard, la Commission fait valoir qu'un État membre est tenu d'effectuer toutes les enquêtes nécessaires pour lever les doutes et les contradictions qui peuvent apparaître lors d'une opération d'exportation. C'est l'État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires et c'est à lui, en définitive, qu'il incombe de fournir la preuve complète de l'exactitude des données mises en cause et de démontrer que les doutes de la Commission sont sans fondement.
34 Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, ainsi qu'il ressort des articles 4, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, du règlement n_ 3665/87, le paiement des restitutions est subordonné à la production de la preuve que la marchandise a quitté en l'état le territoire douanier de la Communauté pour être importée dans un pays tiers.
35 Il ressort également de l'article 13 du même règlement que la restitution à l'exportation ne peut être allouée que si les produits exportés sont de qualité saine, loyale et marchande.
36 S'agissant des obligations incombant aux États membres dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles, il ressort des articles 2 et 3 du règlement n_ 729/70 que ne peuvent être prises en charge par le FEOGA que les opérations effectuées en conformité avec les règles en vigueur.
37 Il résulte de l'article 8, paragraphe 1, du même règlement que les États membres doivent prendre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour s'assurer de la réalité des opérations financées par le FEOGA et pour prévenir et poursuivre les irrégularités. Or, si les autorités nationales restent libres de choisir les mesures qu'elles jugent appropriées pour la protection des intérêts financiers communautaires, cette liberté
ne saurait aucunement affecter la rapidité, la bonne organisation et le caractère complet des contrôles et des enquêtes requis (voir arrêt du 21 janvier 1999, Allemagne/Commission, C-54/95, Rec. p. I-35, point 96).
38 Il y a lieu également de rappeler que, s'il appartient à la Commission de justifier une décision constatant l'absence ou les défaillances des contrôles mis en oeuvre par l'État membre concerné, lorsque la Commission refuse de mettre à la charge du FEOGA certaines dépenses au motif qu'elles ont été provoquées par des infractions à la réglementation communautaire imputables à un État membre, il appartient à ce dernier de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé
par la Commission (voir arrêts du 24 mars 1988, Royaume-Uni/Commission, 347/85, Rec. p. 1749, point 14, et du 4 juillet 1996, Grèce/Commission, C-50/94, Rec. p. I-3331, point 27). Cette jurisprudence est également applicable lorsque la Commission considère que l'État membre ne s'est pas acquitté de l'obligation de vérifier correctement les différentes opérations et de procéder à la récupération des restitutions et des aides indûment perçues par les bénéficiaires.
39 Il s'ensuit que, dès lors que la Commission a des doutes à propos d'une transaction, qu'elle considère comme justifiés par des éléments de fait ou des circonstances relatifs aux conditions dans lesquelles celle-ci est intervenue, elle est tenue de ne pas payer les montants correspondant à cette transaction, sauf si l'État membre concerné produit des éléments qui sont suffisants pour lever ces mêmes doutes.
40 En l'espèce, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé à juste titre aux points 55 à 110 de ses conclusions, la Commission a fait état de nombreux éléments qui sont de nature à accréditer le fait que la marchandise en charge ne satisfaisait pas aux conditions de qualité prévues à l'article 13 du règlement n_ 3665/87 ni au moment de l'exportation ni à son arrivée à destination.
41 Lesdits éléments sont, notamment:
- Le certificat officiel des services vétérinaires espagnols du 17 décembre 1992, qui constatait que le beurre avait moins de six mois, constatation qui est en contradiction avec le fait qu'il est constant que le beurre avait déjà été stocké le 28 mai 1992;
- des réserves émises par Commagric sur la qualité du beurre à l'embarquement de la marchandise sur le navire Maere, à Bilbao;
- des observations du service vétérinaire algérien du 29 décembre 1992, constatant la présence de taches anormales sur certains emballages du beurre embarqué sur le navire Maere;
- un procès-verbal contradictoire dressé le 2 janvier 1993 à bord du navire Maere et signé par des experts représentant l'armateur, l'affréteur et le réceptionnaire des marchandises, ainsi que par le commandant du navire, constatant la présence de taches anormales sur quelques cartons dans la cale n_ 1 et l'odeur de rance dans cette même cale,
- et l'expertise effectuée à la demande de Commagric par l'Institut scientifique d'hygiène alimentaire constatant que la marchandise dégageait une odeur de rance, un goût de rance ou très légèrement oxydé et qu'il y avait des taches plus ou moins nombreuses et plus ou moins noires, ainsi que des indices d'acide et de peroxyde élevés et la présence de moisissures et de germes de contamination et caséolytiques.
42 Dans ces conditions, une telle cargaison ne pouvait faire l'objet d'une restitution à l'exportation tant que les doutes, découlant des circonstances décrites au point 41 du présent arrêt, n'étaient pas levés.
43 À la lumière des informations dont disposait la Commission, cette dernière était donc en droit de demander aux autorités espagnoles d'effectuer une enquête dans ce dossier.
44 Dans le cas où des doutes graves persisteraient malgré les réponses fournies par les autorités espagnoles, la Commission serait alors fondée à ne pas prendre en charge les dépenses correspondant à cette exportation de beurre dans le cadre de l'apurement des comptes FEOGA.
45 Il en résulte que l'exigence d'une enquête menée par les autorités espagnoles était justifiée par le doute sérieux éprouvé par la Commission sur l'état sanitaire de la marchandise tel que révélé par les éléments de preuve versés au dossier et que l'absence de diligence de la part desdites autorités est de nature à exposer le royaume d'Espagne au risque de corrections financières lors de l'apurement des comptes FEOGA.
46 En l'espèce, le royaume d'Espagne n'a fourni aucun élément concret et significatif susceptible d'infirmer l'analyse de la Commission ni les conséquences qu'elle en a tirées. Par ailleurs, les éléments de preuve fournis par les autorités espagnoles sont, pour l'essentiel, fondés sur des documents transmis par l'exportateur et ces dernières n'ont produit aucun autre élément résultant de leurs propres investigations, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé, à juste titre, aux points 103 et 104 de
ses conclusions. Lesdits éléments de preuve sont manifestement insuffisants pour lever les doutes de la Commission au sujet de la qualité de la marchandise.
47 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, en ne recourant pas aux mesures propres à éclaircir les circonstances dans lesquelles la cargaison de beurre embarquée à Bilbao en direction de Skikda puis de Kaliningrad, via Limassol, a été exportée vers un pays tiers, afin de justifier le paiement de la restitution à l'exportation dont la régularité était contestée par la Commission sur le fondement d'indices sérieux et concordants, les autorités espagnoles ont méconnu les obligations qui
incombent aux États membres en vertu de l'article 8 du règlement n_ 729/70.
48 Il résulte de ce qui précède que, dans le cadre de l'apurement des comptes FEOGA, la Commission était en droit de refuser les dépenses liées à la restitution à l'exportation de beurre pour un montant de 518 290 080 ESP.
Sur les restitutions à l'exportation de viande de boeuf
49 Le règlement (CEE) n_ 805/68 du Conseil, du 27 juin 1968 (JO L 148, p. 24), institue une organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine.
50 L'article 18, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que, dans la mesure nécessaire pour permettre l'exportation des produits régis par ce règlement sur la base des cours ou des prix de ces produits sur le marché mondial, la différence entre ces cours ou prix et les prix dans la Communauté peut être couverte par une restitution à l'exportation.
51 L'article 1er du règlement (CEE) n_ 2721/81 de la Commission, du 17 septembre 1981, relatif à la fixation à l'avance des restitutions à l'exportation dans le secteur de la viande bovine (JO L 265, p. 17), précise que les restitutions à l'exportation prévues à l'article 18 du règlement n_ 805/68 sont fixées à l'avance pour tous les produits de ce secteur.
52 Aux termes de l'article 68 du règlement (CEE) n_ 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le «code des douanes communautaire»):
«Pour la vérification des déclarations acceptées par elles, les autorités douanières peuvent procéder:
...
b) à l'examen des marchandises accompagné d'un éventuel prélèvement d'échantillons en vue de leur analyse ou d'un contrôle approfondi.»
53 L'article 70, paragraphe 1, du code des douanes communautaire prévoit:
«Lorsque l'examen ne porte que sur une partie des marchandises faisant l'objet d'une même déclaration, les résultats de l'examen sont valables pour l'ensemble des marchandises de cette déclaration».
54 L'article 71, paragraphe 2, du code des douanes communautaire dispose que, lorsqu'il n'est pas procédé à la vérification de la déclaration, l'application des dispositions régissant le régime douanier sous lequel les marchandises sont placées s'effectue d'après les énonciations de la déclaration.
55 Aux termes de l'article 78, paragraphe 3, du même code des douanes communautaire:
«Lorsqu'il résulte de la révision de la déclaration ou des contrôles a posteriori que les dispositions qui régissent le régime douanier concerné ont été appliquées sur la base d'éléments inexacts ou incomplets, les autorités douanières prennent dans le respect des dispositions éventuellement fixées, les mesures nécessaires pour rétablir la situation en tenant compte des nouveaux éléments dont elles disposent.»
56 Il ressort du dossier que la correction relative à l'exportation de la viande de boeuf porte sur une somme de 74 468 109 ESP et concerne deux envois.
L'exportation de viande bovine vers la Côte d'Ivoire
57 Le premier envoi a été effectué vers la Côte d'Ivoire par la société Rubiato Paredes SA (ci-après l'«exportateur») qui a reçu une somme de 20 701 950 ESP à titre d'acompte pour l'exportation de 75 548 kg de viande bovine.
58 Ce paiement était fondé sur la déclaration en douane de l'exportateur selon laquelle la viande exportée était de la viande désossée. Il est constant que les fonctionnaires des douanes n'ont pas examiné la marchandise et ont simplement entériné les informations inscrites dans la déclaration.
59 Un contrôle a posteriori a révélé qu'une partie de la marchandise ne correspondait pas à ce qui avait été déclaré, les autorités douanières ayant découvert la présence de 700 kg d'abats au lieu de viande désossée. Par la suite, la Commission a demandé l'ouverture d'une enquête au département des douanes espagnoles. L'exportateur a modifié sa déclaration et a donc dû rembourser la partie de la restitution à l'exportation correspondant à la proportion de la marchandise irrégulièrement déclarée,
majorée de 15 %.
60 Toutefois, la marchandise ayant déjà été exportée, elle n'était plus susceptible de faire l'objet d'une enquête du département des douanes.
61 La Commission a alors informé les autorités espagnoles que, étant donné que la seule partie du lot qui avait été examinée était constituée d'abats et que la déclaration mentionnait un lot homogène, le lot exporté devait être considéré comme homogène quant à sa composition. Toutefois, les autorités espagnoles, jugeant qu'il n'était pas établi que la partie non contrôlée de la marchandise était composée d'abats, ont refusé de procéder à la récupération intégrale de la restitution à l'exportation.
62 Dans ces conditions, la Commission a opéré une correction financière à l'égard du royaume d'Espagne égale au montant total de la restitution versée à l'exportateur, majoré de 15 %.
63 Le gouvernement espagnol fait valoir que, en vertu de l'article 71, paragraphe 2, du code des douanes communautaire, en l'absence de vérification en douane, le contenu de la marchandise doit être tenu pour exact jusqu'à ce que la preuve contraire soit rapportée. La déclaration en douane de l'exportateur ne peut donc être corrigée dans son intégralité que sur la base d'éléments de preuve incontestables de nature à renverser la présomption d'exactitude des informations inscrites dans ladite
déclaration et non sur la base de simples soupçons.
64 La Commission considère, tout d'abord, qu'un commencement de preuve réfutant ladite présomption d'exactitude a été fourni par l'exportateur lui-même qui, à la suite de l'enquête ouverte à la demande de la Commission, s'est vu dans la nécessité de modifier sa déclaration. Elle fait valoir que, dès lors qu'une partie de la marchandise exportée n'était pas conforme à ce document, il incombait à l'exportateur d'apporter les éléments de nature à établir la conformité du reste de la marchandise et à
l'administration nationale de procéder aux enquêtes nécessaires.
65 La Commission prétend, ensuite, que, en application de l'article 70, paragraphe 1, du code des douanes communautaire, les résultats des examens réalisés peuvent raisonnablement être étendus à l'ensemble des marchandises comprises dans une même déclaration.
66 Enfin, la Commission soutient que le manque de diligence des autorités espagnoles pour rechercher les preuves requises justifie pleinement la correction financière effectuée.
67 Il convient de rappeler que, compte tenu de la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres dans le cadre de la politique agricole commune, dès lors qu'il existe des éléments de nature à éveiller de sérieux soupçons de fraude à la législation communautaire, ces indices requièrent de la part desdits États des inspections et des contrôles (voir, en ce sens, l'arrêt du 1er octobre 1998, Royaume-Uni/Commission, C-209/96, Rec. p. I-5655, point 40).
68 En l'espèce, il ressort des pièces versées au dossier, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé à juste titre aux points 146 à 155 de ses conclusions, que la Commission a transmis aux autorités espagnoles, par lettre du 6 avril 1993, des éléments précis de nature à justifier des mesures d'investigation quant à la nature des marchandises exportées vers la Côte d'Ivoire, et que le gouvernement espagnol n'a pas fourni de précisions susceptibles d'établir la composition exacte du lot de la
marchandise en cause ni les preuves de la réalité et de la nature des mesures prises pour la déterminer.
69 Il y a donc lieu de constater que, en s'abstenant de procéder à de telles investigations, le royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 8, paragraphe 1, du règlement n_ 729/70.
70 Cette disposition, qui constitue dans le domaine agricole une expression des obligations imposées aux États membres par l'article 5 du traité CE (devenu article 10 CE), définit, en effet, les principes selon lesquels la Communauté et les États membres doivent organiser la mise en oeuvre des décisions communautaires d'interventions agricoles financées par le FEOGA ainsi que la lutte contre la fraude et les irrégularités en rapport avec ces opérations (voir arrêt du 6 mai 1982, BayWa e.a., 146/81,
192/81 et 193/81, Rec. p. 1503, point 13). Elle impose aux États membres l'obligation de prendre les mesure nécessaires pour s'assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEOGA, même si l'acte communautaire spécifique ne prévoit pas expressément l'adoption de telle ou telle mesure de contrôle (voir arrêt du 12 juin 1990, Allemagne/Commission, C-8/88, Rec. p. I-2321, points 16 et 17).
71 Au vu des considérations qui précèdent, la Commission était dès lors en droit de ne pas prendre en charge les dépenses afférentes à l'exportation de viande bovine en Côte d'Ivoire.
L'exportation de viande bovine vers le Bénin
72 Le second envoi concerne l'exportation de viande de boeuf vers le Bénin par la société Avícolas El Chico SA (ci-après l'«exportateur»). Une restitution à l'exportation a été versée à ce titre.
73 À la suite d'informations communiquées par le FEOGA, les autorités douanières espagnoles se sont rendues chez l'exportateur où elles ont constaté que la marchandise déclarée comme «viande de boeuf désossée et congelée, morceaux désossés, chaque morceau emballé individuellement, code 0202 30 90 400» était composée, en réalité, de collier de bovin sans os et congelé, en morceaux d'environ un kilogramme, non emballé individuellement.
74 Le Senpa a laissé en suspens les demandes de restitution de cette société.
75 Celle-ci a été invitée à rembourser la somme de 11 162 098 ESP.
76 La Commission a cependant considéré que ni l'exportateur ni les autorités espagnoles n'étaient en mesure de garantir que l'ensemble de la marchandise exportée n'était pas dans le même état que la partie contrôlée. Elle a donc estimé qu'il y avait lieu d'exiger de l'exportateur le remboursement de l'intégralité de la restitution versée.
77 L'administration espagnole n'a pas procédé à la récupération de l'aide, ce qui a conduit la Commission à opérer une correction financière.
78 Le gouvernement espagnol invoque les mêmes arguments que ceux qu'il a fait valoir à propos de l'exportation de viande en Côte d'Ivoire. Il ajoute que la Commission ayant accepté la vérification effectuée par les autorités espagnoles comme preuve de ce qu'une partie de la déclaration n'était pas correcte, elle ne peut refuser d'admettre le contenu de la même déclaration en ce qui concerne la partie de celle-ci dont il n'a pu être prouvé qu'elle était fausse. Il soutient que l'administration
espagnole n'est fondée à réclamer le remboursement de l'aide qu'à hauteur du montant correspondant à la partie de la déclaration pour laquelle il a été constaté qu'elle était entachée d'inexactitude.
79 La Commission prétend qu'il y avait lieu d'exiger de l'exportateur le remboursement total de la restitution reçue, étant donné que ni ce dernier ni les autorités espagnoles n'étaient à même de garantir que le reste des exportations effectuées n'était pas dans le même état que la partie ayant fait l'objet du contrôle. Sur le fondement de l'article 78, paragraphe 3, du code des douanes communautaire, ainsi que de l'article 8 du règlement n_ 729/70, la Commission considère que, eu égard au fait que
l'inexactitude des déclarations avait été constatée a posteriori et que les autorités douanières espagnoles ne disposaient pas d'autres données ou preuves à cet égard, celles-ci auraient dû rétablir la situation en classifiant la viande exportée sous la position «autres» qui n'ouvre pas droit à restitution.
80 Il convient de relever que, à la lumière des informations dont elle disposait, la Commission était en droit d'exiger des autorités espagnoles qu'elles effectuent une enquête afin de lever les doutes qu'elle éprouvait quant à la réalité et à la nature de cet envoi et qui étaient justifiés par lesdites informations.
81 Or, bien que la Commission ait transmis aux autorités espagnoles, par lettre du 6 avril 1993, des éléments précis de nature à justifier des mesures d'investigation quant à la nature des marchandises exportées vers le Bénin, le gouvernement espagnol n'a pas fourni les précisions susceptibles d'établir la composition exacte du lot de la marchandise en cause ni les preuves de la réalité et de la nature des mesures prises pour la déterminer.
82 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en s'abstenant de procéder à de telles investigations, le royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 8, paragraphe 1, du règlement n_ 729/70.
83 Il s'ensuit que la Commission était dès lors en droit de ne pas prendre en charge les dépenses afférentes à l'envoi de viande bovine au Bénin.
Sur les restitutions concernant la transformation des agrumes
84 Le règlement (CEE) n_ 2601/69 du Conseil, du 18 décembre 1969, tel que modifié, notamment, par le règlement (CEE) n_ 2483/75 du Conseil, du 29 septembre 1975 (JO L 254, p. 5), et par le règlement (CEE) n_ 1123/89 du Conseil, du 27 avril 1989 (JO L 118, p. 25), prévoit des mesures spéciales en vue de favoriser le recours à la transformation pour les mandarines, les satsumas, les clémentines et les oranges (JO L 324, p. 21, ci-après le «règlement n_ 2601/69»). Ce règlement a institué un régime de
compensations financières destinées à favoriser la transformation de certaines variétés d'oranges dans le cadre de contrats assurant, à un prix minimal d'achat versé au producteur, l'approvisionnement régulier des industries de transformation.
85 L'article 1er du règlement n_ 2601/69 prévoit que les actions entreprises dans le cadre des règles prévues à l'article 2 et visant à assurer aux mandarines, aux satsumas, aux clémentines et aux oranges une utilisation plus conforme à leurs caractéristiques, grâce à un recours accru à la transformation en jus, bénéficient du concours du FEOGA, section «garantie», dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 3.
86 Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n_ 2601/69:
«Les actions visées à l'article 1er doivent être fondées sur des contrats liant producteurs et transformateurs communautaires. Ces contrats, qui sont souscrits avant le début de chaque campagne, doivent préciser les quantités sur lesquelles ils portent, l'échelonnement des livraisons aux transformateurs et le prix à payer aux producteurs. Dès leur conclusion, les contrats sont transmis aux autorités compétentes des États membres intéressés, qui sont chargées d'effectuer les contrôles qualitatifs et
quantitatifs des livraisons aux transformateurs.»
87 Il ressort de l'article 2, paragraphe 2, du même règlement que, pour les livraisons effectuées au titre de ces contrats, il est fixé, avant le début de chaque campagne de commercialisation, un prix minimal que les transformateurs doivent payer aux producteurs.
88 L'article 3, paragraphe 1, premier et dernier alinéas, du règlement n_ 2601/69 dispose:
«Les États membres octroient une compensation financière aux transformateurs qui ont passé des contrats conformément aux dispositions de l'article 2.
...
Le montant de la compensation financière est fixé avant le début de chaque campagne de commercialisation».
89 Par la suite, le règlement (CE) n_ 3119/93 du Conseil, du 8 novembre 1993, établissant des mesures spéciales pour favoriser le recours à la transformation de certains agrumes (JO L 279, p. 17), a abrogé les règlements nos 2601/69 et 1123/89 avec effet au 12 novembre 1993.
90 La troisième correction appliquée au royaume d'Espagne concerne des contrats de transformation d'agrumes.
91 À la suite d'une visite de l'entreprise de transformation Vital Schneider (ci-après le «transformateur»), les inspecteurs du FEOGA ont constaté que 78 contrats passés avec des producteurs d'agrumes avaient été postdatés de plusieurs jours.
92 La date du 9 février 1993 étant remplacée par celle du 13 février de la même année, l'opération économique envisagée était soumise au prix minimal applicable à cette dernière date, lequel était moins élevé que le prix précédemment arrêté.
93 Le prix mentionné dans les contrats litigieux, qui n'avait pas été modifié, était de 1 985 ESP/100 kg.
94 Avant le 12 février 1993, le prix minimal qui devait être payé aux producteurs pour l'obtention d'une compensation financière était de 12,84 écus/100 kg soit 2 023,62 ESP. À partir de cette date, le prix minimal a été ramené à 12,56 écus/100 kg soit 1 979,49 ESP.
95 Par lettre du 18 juillet 1994, la Commission a informé les autorités espagnoles de ses soupçons de fraude en ce qui concerne la modification de la date desdits contrats.
96 Après instruction du dossier, lesdites autorités ont estimé que les faits relevés ne justifiaient pas le remboursement des aides versées. Malgré les explications qui lui avaient été fournies, la Commission a opéré une correction financière portant sur l'ensemble de l'aide reçue par le bénéficiaire pour les 78 contrats dont la date avait été modifiée.
97 Le royaume d'Espagne soutient que les contrats conclus entre les producteurs et le transformateur remplissaient les conditions requises par la réglementation communautaire pour bénéficier de la compensation financière, à savoir un prix fixé par le contrat de vente égal ou supérieur au prix minimal en vigueur pendant la campagne concernée et la transformation effective des fruits, qui faisaient l'objet du contrat, en jus de fruits. Il prétend que ce sont les parties qui décident souverainement de
la date à laquelle ces dernières aboutissent à un accord définitif sur le prix d'achat de la marchandise. Dans le cas d'espèce, il ne saurait leur être reproché d'avoir déterminé la date des contrats en fonction des conditions légales d'attribution d'une aide communautaire, dès lors que cette date n'était pas postérieure à l'exécution des contrats et que la modification ne vise pas à atteindre un résultat contraire à l'ordre juridique communautaire.
98 La Commission fait valoir, en revanche, que le changement de date d'un contrat réalisé pour obtenir un avantage découlant de la modification du prix fixé par un règlement communautaire adopté après la conclusion de ce contrat constitue une fraude puisqu'elle permet à un opérateur économique de bénéficier d'une aide à laquelle il n'aurait pas eu droit à la date initialement fixée, le prix contractuel étant alors inférieur au prix minimal en vigueur.
99 Il convient, à titre liminaire, de constater que le droit des parties de modifier les contrats qu'elles ont conclus repose sur le principe de la liberté contractuelle et ne saurait, dès lors, être limité en l'absence d'une réglementation communautaire instaurant des restrictions spécifiques à cet égard.
100 Il s'ensuit que, pour autant que l'objet de la modification contractuelle ne s'oppose pas à l'objectif visé par la réglementation communautaire applicable et n'entraîne pas de risque de fraude, une telle modification ne peut être considérée comme illicite.
101 En l'espèce, il ressort de son premier considérant que le règlement n_ 2601/69 a pour but de remédier aux difficultés graves d'écoulement de la production communautaire d'oranges, notamment, en augmentant les débouchés communautaires grâce à un recours accru à la transformation de ces fruits en jus.
102 Le même règlement précise, dans son deuxième considérant, que le régime d'incitations financières destinées à favoriser la transformation de certaines variétés d'oranges a pour objet d'assurer l'approvisionnement régulier des industries de transformation tout en garantissant un prix d'achat minimal au producteur.
103 Il en résulte que l'objet du règlement consiste à inciter les transformateurs à payer un prix minimal aux producteurs d'oranges, lequel est établi par rapport au prix de référence fixé à certaines dates par le législateur communautaire.
104 En l'espèce, alors même qu'une nouvelle date a été substituée par les parties à celle initialement mentionnée dans les contrats, dont les autres clauses n'ont pas été modifiées, ceux-ci demeurent conformes aux finalités économiques de la réglementation communautaire. À cet égard, les contrats remplissent les conditions prévues par la législation pertinente dans la mesure où les marchandises sont vendues au prix minimal tel qu'il résulte de la réglementation communautaire et que ce prix a été
fixé, d'un commun accord par les parties contractantes, à la date choisie par ces dernières.
105 Quant aux risques de fraude qu'une telle modification de date est susceptible de faire courir au budget communautaire, il est constant que, d'une part, celle-ci est intervenue dans des conditions conformes à la réalité des faits, alors que la campagne de commercialisation et l'exécution des contrats en cause n'avaient pas encore commencé et que, d'autre part, il eût été loisible aux parties contractantes de prononcer la résolution des contrats à la seule fin d'en souscrire de nouveaux, dont les
clauses auraient été identiques, à une date permettant au transformateur de bénéficier des aides communautaires.
106 Par ailleurs, la Commission n'apporte pas d'éléments susceptibles d'étayer ses allégations selon lesquelles l'appréciation portée par les autorités espagnoles sur les pratiques du transformateur seraient de nature à favoriser les fraudes ou à diminuer l'efficacité des contrôles.
107 Par conséquent, il y a lieu de conclure que la correction financière appliquée par la Commission aux 78 contrats, conclus le 9 février 1993 et comportant la postdate du 13 février 1993, n'est pas justifiée. Dès lors, il y a lieu de faire droit à ce chef des conclusions de la requête en annulant la décision 97/333 dans la mesure où elle n'a pas retenu définitivement à la charge du FEOGA la somme de 58 804 012 ESP correspondant à des compensations financières avancées par le royaume d'Espagne au
titre d'opérations de transformation d'agrumes.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
108 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon la même disposition, paragraphe 3, premier alinéa, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens. Le royaume d'Espagne et la Commission ayant partiellement succombé en leurs moyens, il y a lieu de décider que chaque partie
supportera ses propres dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR
(sixième chambre)
déclare et arrête:
1) La décision 97/333/CE de la Commission, du 23 avril 1997, relative à l'apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie», pour l'exercice financier 1993, est annulée dans la mesure où elle n'a pas retenu définitivement à la charge du FEOGA la somme de 58 804 012 ESP correspondant à des compensations financières avancées par le royaume d'Espagne au titre d'opérations de transformation
d'agrumes.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) Chaque partie supportera ses propres dépens.