Avis juridique important
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61997C0424
Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 19 mai 1999. - Salomone Haim contre Kassenzahnärztliche Vereinigung Nordrhein. - Demande de décision préjudicielle: Landgericht Düsseldorf - Allemagne. - Responsabilité d'un Etat membre en cas de violation du droit communautaire - Violations imputables à un organisme de droit public d'un Etat membre - Conditions de la responsabilité de l'Etat membre et d'un organisme de droit public de ce même Etat - Compatibilité d'une exigence linguistique avec
la liberté d'établissement. - Affaire C-424/97.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-05123
Conclusions de l'avocat général
1 Pour la seconde fois, la Cour est appelée à statuer par voie préjudicielle sur des questions que lui soumet une juridiction allemande ayant à connaître du contentieux qui, depuis plus de dix ans, oppose M. Haim aux autorités allemandes.
2 M. Haim est un ressortissant italien qui, au terme d'études de médecine dentaire suivies en Turquie, a obtenu dans cet État le diplôme de dentiste et y a exercé cette profession jusqu'en 1980. En 1981, il a obtenu l'autorisation («Approbation») lui permettant d'exercer la profession de dentiste en Allemagne. C'est cependant en Belgique, où son diplôme turc a été reconnu comme équivalent au diplôme belge de dentiste par les autorités compétentes en 1982, qu'il va, jusqu'en 1991, exercer sa
profession en tant que dentiste conventionné. Fin 1991, il a interrompu cette activité en Belgique pour venir exercer comme assistant dans le cabinet de son fils en Allemagne, avant de retourner en 1993 en Belgique pour y reprendre son activité antérieure.
3 Entre-temps, M. Haim avait sollicité de la Kassenzahnärztliche Vereinigung Nordrhein (association des dentistes mutualistes de Rhénanie du Nord, ci-après la «KVN») son inscription au registre des dentistes, de manière à pouvoir prodiguer ses soins, en tant que dentiste conventionné, aux affiliés à une caisse de maladie.
4 Cette demande s'était vu, le 10 août 1988, opposer un refus, motivé par le fait que la réglementation allemande pertinente subordonne cette inscription à l'accomplissement d'un stage de deux années, qui n'avait pas été accompli par M. Haim. Or, ne peuvent être dispensés de cette condition que les dentistes ayant obtenu dans un autre État membre de la Communauté un diplôme reconnu selon les dispositions du droit communautaire et habilités à exercer cette profession. Tel n'était pas le cas de M.
Haim, dont le diplôme turc n'avait fait l'objet que d'une reconnaissance d'équivalence dans un État membre.
5 Contestant le bien-fondé de ce refus, M. Haim a engagé une action contentieuse contre la KVN, dans le cadre de laquelle le Bundessozialgericht a saisi la Cour de justice de plusieurs questions préjudicielles.
6 Dans son arrêt du 9 février 1994 (1), la Cour a jugé, d'une part, en substance, que la décision de la KVN ne se heurtait pas, compte tenu de ce que le diplôme de M. Haim lui avait été délivré en Turquie, aux dispositions de la directive 78/686/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres du praticien de l'art dentaire et comportant des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre
prestation de services (2), et, d'autre part, que «L'article 52 du traité CEE ne permet pas aux autorités compétentes d'un État membre de refuser le conventionnement en tant que dentiste d'une caisse d'assurance maladie à un ressortissant d'un autre État membre, qui ne possède aucun diplôme mentionné à l'article 3 de la directive 78/686, mais qui a été autorisé à exercer, et qui a exercé, sa profession tant dans le premier que dans le second État membre, au motif qu'il n'a pas accompli le stage
préparatoire requis par la législation du premier État, sans vérifier si, et dans l'affirmative dans quelle mesure, l'expérience dont l'intéressé justifie d'ores et déjà correspond à celle exigée par cette législation» (3).
7 A la suite de cet arrêt, M. Haim a obtenu, début 1995, son inscription au registre, mais, en raison de son âge, il n'a pas poursuivi les démarches à accomplir pour devenir dentiste conventionné.
8 M. Haim entend maintenant obtenir réparation du préjudice économique, tenant à un manque à gagner, qu'il prétend avoir subi du fait que, en méconnaissance du droit communautaire, il a été empêché, de 1988 à fin 1994, d'exercer l'activité de dentiste conventionné en Allemagne. Il a, à cette fin, assigné la KVN devant le Landgericht Düsseldorf.
9 Selon cette juridiction, la demande d'indemnisation de M. Haim ne saurait prospérer sur le fondement du droit allemand. Elle estime, en effet, qu'au regard de ce droit, d'une part, la KVN n'a pas commis de faute en refusant d'inscrire M. Haim sur le registre des dentistes, bien qu'elle ait adopté un acte illégal, et, d'autre part, le demandeur ne peut se prévaloir des règles relatives aux atteintes assimilables à une expropriation, étant donné qu'il n'a été privé que d'une chance de se constituer
en Allemagne une clientèle de dentiste conventionné, éventuellement de bon rapport.
10 Le Landgericht croit, cependant, devoir vérifier si, au vu de la jurisprudence de la Cour et notamment des arrêts Francovich e.a., Brasserie du pêcheur et Factortame, et Hedley Lomas (4), et compte tenu de ce que la décision de refus de 1988 violait une disposition d'effet direct, l'article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE), M. Haim ne tirerait pas un droit à réparation directement du droit communautaire. A cet effet, il nous pose, dans son ordonnance du 8 décembre 1997,
les questions suivantes:
«1) Lorsque, en faisant application du droit national dans le cadre d'une décision individuelle, un fonctionnaire d'un organisme de droit public juridiquement indépendant d'un État membre viole des dispositions de droit communautaire primaire, la responsabilité de l'organisme de droit public peut-elle être engagée en plus de celle de l'État membre?
2) Dans l'affirmative, y a-t-il violation caractérisée du droit communautaire dans le cas où un fonctionnaire national a appliqué des dispositions nationales contraires au droit communautaire ou a appliqué le droit national de manière non conforme au droit communautaire, du simple fait que le fonctionnaire n'avait pas de marge d'appréciation lors de sa décision?
3) Les instances compétentes d'un État membre sont-elles autorisées à soumettre le conventionnement d'un ressortissant d'un autre État membre, habilité à exercer dans cet État membre et ne disposant d'aucun diplôme cité dans l'article 3 de la directive 78/686, à la condition que ce ressortissant ait les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de sa profession dans le pays d'établissement?»
11 Je les examinerai dans cet ordre.
Sur la première question
12 Cette question concerne la possibilité de mettre en cause à la fois la responsabilité de l'État et celle de l'organe public autonome dont relève le fonctionnaire ayant violé le droit communautaire lors de l'adoption d'une décision individuelle.
13 Elle est très directement liée aux circonstances dans lesquelles est intervenue la décision méconnaissant les exigences du droit communautaire dont M. Haim prétend qu'elle lui aurait causé un préjudice, dont il serait en droit d'obtenir réparation.
14 En effet, c'est un organisme de droit public juridiquement indépendant non seulement du gouvernement fédéral allemand, mais aussi du Land de Rhénanie du Nord, la KVN qui, sous la signature de l'un de ses fonctionnaires, a, s'appuyant sur un acte ayant, selon la juridiction de renvoi, valeur législative, à savoir la Zulassungsordnung für Zahnärzte (ci-après la «ZOZ»), arrêté ladite décision.
15 Pour la juridiction nationale, on se trouve ainsi placé dans une situation où peuvent être identifiés deux actes illégaux, l'un administratif et l'autre législatif, et où se pose donc la question, qui n'a pas encore été examinée en tant que telle dans la jurisprudence de la Cour, de savoir quelles doivent être, sur le plan de la responsabilité, les conséquences de cette superposition de deux illégalités.
16 Le destinataire de l'acte individuel illégal doit-il mettre en jeu la responsabilité de l'organisme de droit public autonome dont il émane ou, étant donné que ce dernier n'a fait qu'appliquer la législation en vigueur, celle de l'État, tenu de répondre des violations du droit communautaire dont le législateur peut être l'auteur, ou bien est-il en droit de diriger son action cumulativement contre les deux?
17 Je dirai, dès l'abord, que le juge national a, à la fois, raison et tort, lorsqu'il affirme que cette question «n'a, jusqu'à présent, pas encore été tranchée» dans la jurisprudence de la Cour.
18 Il est dans le vrai, en ce sens que, dans aucun des arrêts qu'elle a rendus en matière de responsabilité des États membres pour violation du droit communautaire, la Cour n'a été amenée à prendre position sur le point de savoir si la responsabilité d'un organisme public autonome ayant arrêté une décision individuelle emportant violation du droit communautaire «peut-être engagée, en plus de celle de l'État membre».
19 Mais, il interprète mal la jurisprudence de la Cour, lorsqu'il considère qu'il s'agit là d'une question relevant du droit communautaire laissée ouverte par cette jurisprudence.
20 En effet, même si, faute d'avoir été posée, la question qui préoccupe le juge national n'a pas, à ce jour, reçu de réponse explicite dans la jurisprudence de la Cour, elle a néanmoins, et à de nombreuses reprises, reçu une réponse qui, pour être implicite, n'en est pas moins claire. Cette réponse, qui est donnée dans l'arrêt Francovich e.a., précité, et qui n'a pas varié depuis, puisqu'on la retrouve aussi bien dans l'arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame, précité, que dans l'arrêt Hedley
Lomas, précité, tient en deux mots: autonomie procédurale.
21 Que faut-il entendre par là, s'agissant de la responsabilité encourue par un État membre vis-à-vis d'un particulier en cas de violation par le premier du droit communautaire? Tout simplement, ainsi que l'énonce l'arrêt Francovich e.a., précité, que, sous réserve de ce que le droit à réparation trouve directement son fondement dans le droit communautaire, lorsque sont réunies les conditions d'engagement de la responsabilité de l'État membre vis-à-vis du particulier qu'a dégagées le juge
communautaire, «c'est dans le cadre du droit national de la responsabilité qu'il incombe à l'État de réparer les conséquences du préjudice causé» (5).
22 Cette dichotomie, qui conduit à distinguer le droit substantiel dont est titulaire le particulier, parce que le droit communautaire lui-même l'en investit, et les modalités selon lesquelles il pourra le faire valoir, qui sont définies par le droit national, n'est pas propre à la matière de la responsabilité de l'État membre pour violation du droit communautaire. Elle est, au contraire, présente chaque fois que l'ordre juridique communautaire crée des droits dans le chef des particuliers, sans
pour autant réglementer les conditions dans lesquelles il est possible de les faire valoir face aux autorités étatiques. On la rencontre déjà dans l'arrêt Rewe (6), rendu à propos du droit des opérateurs économiques de s'opposer à la perception des taxes d'effet équivalent, où il est dit que, «en l'absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des
recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l'effet direct du droit communautaire...».
23 Elle n'est cependant pas inhérente aux rapports entre l'ordre juridique communautaire et l'ordre juridique interne, car il est des domaines, tel celui de la passation des marchés publics, où le droit communautaire ne se limite pas à créer des droits, laissant aux États membres le soin de définir les modalités selon lesquelles ils pourront être mis en oeuvre, mais prévoit lui-même les procédures que les États membres doivent mettre à la disposition des intéressés pour les faire valoir.
24 Tel n'est cependant pas le cas en matière de responsabilité pour violation du droit communautaire, et nul ne s'en étonnera, dans la mesure où le principe de cette responsabilité, même s'il est, selon l'arrêt Francovich e.a., «inhérent au système du traité» (7), est une création jurisprudentielle.
25 C'est donc au droit national qu'il revient de définir l'ensemble des modalités selon lesquelles pourra être atteint le résultat prescrit par le droit communautaire, à savoir la réparation du dommage subi par le particulier.
26 Mais cette liberté laissée aux États membres pour fixer le régime de leur propre responsabilité, à défaut de pouvoir en remettre en cause le principe, est strictement encadrée, comme dans tous les cas où leur est reconnue une autonomie procédurale.
27 D'une part, en effet, chaque fois que la Cour reconnaît l'autonomie procédurale des États membres dans un domaine donné, elle assortit cette reconnaissance de l'énoncé de certaines règles devant être impérativement respectées à l'occasion de son exercice. L'arrêt Francovich e.a. ne fait pas exception à cette pratique, inspirée par le souci d'éviter tout malentendu, puisqu'il y est dit que «les conditions de fond et de forme fixées par les diverses législations nationales en matière de réparation
des dommages ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne et ne sauraient être aménagées de manière à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'obtention de la réparation» (8).
28 D'autre part, la Cour a été amenée, dans l'arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame, précité, à préciser que certaines modalités d'aménagement du régime de réparation des dommages subis par un particulier, du fait de la violation du droit communautaire par un État membre, sont, en tant que telles, inacceptables, indépendamment de la question de savoir si elles sont d'application lorsqu'est mise en cause la responsabilité de l'État pour violation d'une norme de droit interne. Elle a ainsi jugé que
«le juge national ne saurait, dans le cadre de la législation nationale qu'il applique, subordonner la réparation d'un préjudice à l'existence d'une faute intentionnelle ou de négligence dans le chef de l'organe étatique auquel le manquement est imputable, allant au-delà de la violation suffisamment caractérisée du droit communautaire» (9), et que «n'est pas conforme au droit communautaire une réglementation nationale qui limiterait, de manière générale, le dommage réparable au seul dommage causé à
certains biens individuels spécialement protégés, à l'exclusion totale du manque à gagner subi par les particuliers» (10).
29 Si l'on en revient maintenant à la question qui nous est posée par la juridiction nationale, on doit constater que l'admissibilité d'une mise en cause cumulative de l'État et de l'organisme public indépendant, dans l'hypothèse où le second a violé le droit communautaire en faisant simplement application de la législation édictée par le premier, constitue à l'évidence, ainsi que s'accordent à le reconnaître les différents gouvernements ayant présenté des observations ainsi que la Commission, une
modalité du régime de réparation qu'il appartient à l'État membre de régler au titre de son autonomie procédurale.
30 Vis-à-vis de la Communauté il est, certes, incontestable, et une abondante jurisprudence dans le domaine du recours en manquement le rappelle (11), que c'est l'État membre qui doit répondre de toute violation du droit communautaire, indépendamment de la question de savoir quelle est, en fonction de la répartition des compétences qu'il a opérée en son sein, l'autorité publique, État, collectivité locale, organisme public indépendant, qui s'est révélée défaillante. A cet égard, le droit
communautaire a emprunté au droit international public qui, classiquement, ne reconnaît que l'État comme sujet de droits et d'obligations et se veut totalement indifférent à la manière dont l'ordre juridique interne de chaque État agence l'exercice des compétences étatiques.
31 Mais, vis-à-vis des particuliers, rien ne s'oppose à ce que l'État s'efface devant ses démembrements, lorsqu'il s'agit de faire face aux conséquences d'une violation du droit communautaire dont ceux-ci se sont rendus coupables dans l'exercice de leurs compétences propres. On peut, à l'appui de cette solution, faire valoir que, la responsabilité devant, en un régime démocratique, être le corollaire du pouvoir, il serait irrationnel que l'État ait à répondre des agissements de collectivités dont il
est tenu, de par la constitution, de respecter l'autonomie. Mais il peut, à l'inverse, être soutenu qu'il serait peu rationnel, compte tenu de la stricte hiérarchie des normes que connaît en principe le droit interne, de faire porter sur un organisme indépendant une quelconque responsabilité pour un acte qui lui est, certes, juridiquement imputable, mais dont le contenu était prédéterminé par une législation qu'il est strictement tenu de respecter.
32 Cette thèse peut, cependant, à son tour, se voir objecter que l'organisme indépendant ne saurait éluder sa responsabilité en invoquant le respect de la législation nationale, dès lors que la jurisprudence de la Cour, telle qu'initiée par l'arrêt Simmenthal (12) et précisée, s'agissant des autorités administratives, par l'arrêt Fratelli Costanzo (13), lui-même confirmé, tout récemment, par l'arrêt Ciola (14), fait obligation à toutes les autorités nationales, y compris les autorités
administratives, d'assurer la primauté effective du droit communautaire, en écartant au besoin toute règle nationale qui pourrait y faire obstacle. Le débat, on le voit, est particulièrement complexe, et il n'est pas question de le trancher ici. Si je l'ai esquissé, c'est uniquement pour faire apparaître combien diverses peuvent être les réponses à la question de savoir vers qui le particulier doit diriger son action. Le choix qu'opérera chaque ordre juridique national sera, selon toute
vraisemblance, influencé par les solutions qui y prévalent dans les cas de figure similaires, par exemple celui dans lequel il s'avère qu'une décision individuelle adoptée par un organisme décentralisé, bien que conforme aux exigences de la loi, méconnaît un droit conféré au particulier par la constitution.
33 A cette transposition des solutions appliquées lorsqu'est engagée la responsabilité des autorités publiques sur le fondement du seul droit interne il n'y a aucune objection à opposer du point de vue du droit communautaire. Bien au contraire, puisqu'il sera ainsi satisfait aux exigences posées par l'arrêt Francovich e.a., rappelé plus haut, selon lesquelles les modalités de fond et de forme de l'action en responsabilité pour violation du droit communautaire ne doivent pas être moins favorables que
celles prévues pour des actions semblables de nature strictement interne.
34 S'il apparaît ainsi que l'on ne saurait tirer du droit communautaire aucune objection de principe à l'encontre des choix que peut opérer un ordre juridique national quant à la collectivité publique devant être mise en cause dans un cas de violation du droit communautaire tel que celui auquel a été confronté M. Haim, il va de soi que c'est à la condition que ce choix n'ait pas pour effet de conduire le requérant dans une impasse. Pareille situation pourrait, par exemple, se présenter si le droit
national n'ouvrait une possibilité de recours qu'à l'encontre de l'organisme auquel doit être imputée la décision individuelle, tout en ayant prévu, s'agissant de ce dernier, un régime de responsabilité fondé sur une faute caractérisée ou retenant le respect strict de la loi comme cause d'exonération de responsabilité. Point n'est besoin, ici, de s'étendre sur pareille éventualité, d'une part, parce que c'est celle à propos de laquelle l'arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame a considéré, à juste
titre, qu'elle ne pouvait être avalisée au titre de l'autonomie procédurale et, d'autre part, parce qu'elle ne se présente pas dans l'affaire dont doit trancher le juge de renvoi. Le Landgericht ne nous demande pas, en effet, si le droit communautaire s'oppose à ce que M. Haim n'ait d'autre recours que celui dirigé contre un organisme dont le régime de responsabilité est défini de telle manière que son action n'a, en l'espèce, que peu de chances de prospérer. Il nous demande uniquement si, au regard
du droit communautaire, la responsabilité de l'organisme ayant adopté la décision dans laquelle M. Haim voit l'origine de son préjudice, en l'occurrence la KVN, peut être engagée en plus de celle de la République fédérale d'Allemagne, et à cette question la réponse ne fait pas de doute au vu des éléments que je viens de rappeler, et ne peut être que positive.
35 Mais cette réponse positive ne va pas au-delà d'un «nihil obstat», c'est-à-dire qu'elle traduit le fait que le droit communautaire n'impose ni n'exclut une solution qui s'inscrit dans le cadre de l'autonomie procédurale reconnue aux États membres, lorsqu'il s'agit pour eux d'assurer la réparation des violations du droit communautaire qui se sont produites dans leur ordre juridique interne. Aussi, la réponse à la première question du juge national pourrait-elle également être que le droit
communautaire ne lui apporte pas de réponse, les règles pertinentes relevant du seul droit national, pour autant, bien entendu, qu'elles ne soient pas agencées de telle manière qu'elles pourraient compromettre le résultat final qu'impose le droit communautaire, à savoir l'octroi d'une réparation conforme à ses exigences.
Sur la deuxième question
36 Par sa deuxième question, le Landgericht Düsseldorf nous demande s'il y a violation suffisamment caractérisée du droit communautaire dans le cas où un fonctionnaire a appliqué des dispositions contraires au droit communautaire ou a appliqué le droit national de manière non conforme au droit communautaire, du simple fait que le fonctionnaire n'avait pas de marge d'appréciation lors de sa décision.
37 On peut raisonnablement assumer que, en faisant référence au «cas où un fonctionnaire national a appliqué», la juridiction nationale s'interroge en fait sur la responsabilité de l'organisme qui emploie ce fonctionnaire. Le recours est, en effet, dirigé contre cet organisme, et ce n'est qu'à un stade ultérieur que la question d'une éventuelle responsabilité personnelle du fonctionnaire vis-à-vis de cet organisme pourrait se poser. Elle relèverait exclusivement du droit national.
38 Il convient, à titre liminaire, de situer cette deuxième question dans le cadre de la jurisprudence de la Cour en matière de responsabilité de l'État pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire qui lui sont imputables. Cette jurisprudence a été précisée, en dernier lieu, dans les arrêts Dillenkofer e.a. (15) et Denkavit e.a. (16), qui concernaient la transposition de directives, ainsi que dans l'arrêt Norbrook Laboratories (17), qui concernait une décision
administrative.
39 Dans l'arrêt Dillenkofer e.a., vous avez rappelé que:
«Dans ses arrêts Brasserie du pêcheur et Factortame [précité], points 50 et 51, British Telecommunications (18) et Hedley Lomas [précité], points 25 et 26, ... la Cour, eu égard aux circonstances de l'espèce (19), a jugé que les particuliers lésés ont un droit à réparation dès lors que trois conditions sont réunies, à savoir que la règle de droit communautaire violée a pour objet de leur conférer des droits, que la violation est suffisamment caractérisée et qu'il existe un lien de causalité direct
entre cette violation et le préjudice subi par les particuliers.»
40 Toutefois, dans l'arrêt Norbrook Laboratories, les mots «eu égard aux circonstances de l'espèce» ne sont plus repris. On peut, en effet, lire au point 107 de cet arrêt que,
«pour ce qui est des conditions dans lesquelles un État membre est tenu de réparer les dommages ainsi causés, il résulte de la jurisprudence précitée qu'elles sont au nombre de trois, à savoir...».
41 Il est donc, désormais, incontestable que les trois conditions s'appliquent dans tous les cas.
42 Ceci est confirmé par le fait que, au point 24 de l'arrêt Dillenkofer e.a., vous avez déclaré:
«En affirmant que les conditions dans lesquelles la responsabilité ouvre un droit à réparation dépendent de la nature de la violation du droit communautaire qui est à l'origine du dommage causé, la Cour a, en fait, considéré que l'appréciation de ces conditions (20) était fonction de chaque type de situation». Cette dernière phrase est reprise au point 107 de l'arrêt Norbrook Laboratories.
43 En ce qui concerne la première condition posée par votre jurisprudence, le Landgericht Düsseldorf a, d'ores et déjà, constaté, dans son ordonnance de renvoi, qu'elle est remplie, car «la disposition violée en l'espèce, à savoir l'article 52 du traité, a pour objet de conférer des droits au demandeur». Le Landgericht renvoie, à ce propos, à l'arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame, précité (21), où vous avez confirmé que «l'article 52 du traité confère, par essence, des droits aux particuliers».
44 La troisième condition, à savoir le lien de causalité direct entre la violation du droit communautaire et le préjudice subi par le particulier, devra être appréciée par la juridiction nationale pour autant que cela soit encore nécessaire après la réponse que vous lui donnerez en ce qui concerne la deuxième condition.
45 Il nous reste donc à examiner plus en détail cette deuxième condition.
46 A cet égard, il résulte de l'arrêt Norbrook Laboratories, précité, que,
«d'une part, une violation est suffisamment caractérisée lorsqu'un État membre, dans l'exercice de son pouvoir normatif, a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s'imposent à l'exercice de ses pouvoirs (voir arrêts précités Brasserie du pêcheur et Factortame, point 55, British Telecommunications, point 42, et Dillenkofer, point 25) et que, d'autre part, dans l'hypothèse où l'État membre en cause, au moment où il a commis l'infraction, n'était pas confronté à des choix normatifs et
disposait d'une marge d'appréciation considérablement réduite, voir inexistante, la simple infraction au droit communautaire peut suffire à établir l'existence d'une violation suffisamment caractérisée (voir arrêts précités Hedley Lomas, point 28, et Dillenkofer, point 25)».
47 Une simple infraction au droit communautaire peut donc être suffisante, mais elle ne le sera pas nécessairement.
48 En ce qui concerne le litige au principal, une première constatation s'impose: depuis l'arrêt Haim I, il est clair que ni l'État allemand, ni l'organisme compétent, ni le fonctionnaire qui a pris la décision négative ne disposaient d'une quelconque marge d'appréciation par rapport au droit communautaire.
49 Il résulte, en effet, de cet arrêt, rappelons-le encore une fois, que «L'article 52 du traité CEE ne permet pas aux autorités compétentes d'un État membre de refuser le conventionnement en tant que dentiste d'une caisse d'assurance maladie à un ressortissant d'un autre État membre, qui ne possède aucun diplôme mentionné à l'article 3 de la directive 78/686/CEE, mais qui a été autorisé à exercer, et qui a exercé, sa profession tant dans le premier que dans le second État membre, au motif qu'il n'a
pas accompli le stage préparatoire requis par la législation du premier État, sans vérifier si, et dans l'affirmative dans quelle mesure, l'expérience dont l'intéressé justifie d'ores et déjà correspond à celle exigée par cette législation».
50 S'agissant de l'interprétation d'une disposition du traité, cette règle est censée avoir été en vigueur depuis le moment où cette disposition s'est appliquée pleinement, c'est-à-dire depuis la fin de la période de transition prévue par le traité CEE.
51 En droit strict, l'article 3, paragraphe 2, de la ZOZ, qui exige l'accomplissement d'un stage préparatoire de deux ans pour tous les demandeurs, indépendamment de leur expérience professionnelle antérieure, aurait dû prévoir que puissent être prises en compte des situations exceptionnelles du type de celle de M. Haim.
52 De leur côté, l'organisme ou le fonctionnaire compétent auraient dû écarter la disposition en question de la ZOZ et procéder à la vérification prescrite par l'arrêt Haim I (22).
53 Faut-il, pour autant, conclure que ces infractions constituent ipso facto des violations suffisamment caractérisées du droit communautaire ouvrant le droit à une indemnisation?
54 Tel n'est pas nécessairement le cas. En effet, le juge national ne pourra arriver à cette conclusion qu'après avoir dûment tenu compte du «type de situation» auquel il se trouve confronté (23).
55 Or, il résulte du point 56 de l'arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame que, «parmi les éléments que la juridiction compétente peut être amenée à prendre en considération, il y a lieu de relever le degré de clarté et de précision de la règle violée, l'étendue de la marge d'appréciation que la règle enfreinte laisse aux autorités nationales ou communautaires, le caractère intentionnel ou involontaire du manquement commis ou du préjudice causé, le caractère excusable ou inexcusable d'une
éventuelle erreur de droit, la circonstance que les attitudes prises par une institution communautaire ont pu contribuer à l'omission, l'adoption ou au maintien de mesures ou de pratiques nationales contraires au droit communautaire».
56 Toutefois, dans les affaires British Telecommunications et Denkavit e.a., précitées, vous avez estimé que vous disposiez de tous les éléments nécessaires pour apprécier, vous-mêmes, si les faits de l'espèce devaient être qualifiés de violation suffisamment caractérisée du droit communautaire. A mon avis, vous pourriez adopter la même attitude dans la présente affaire.
57 Aussi bien la juridiction nationale que les États membres qui ont présenté des observations et la Commission ont exprimé l'opinion que, en l'occurrence, le législateur national ainsi que l'organisme compétent sur le plan administratif ou son fonctionnaire n'ont commis qu'une erreur de droit excusable et que leur responsabilité ne saurait, dès lors, être engagée. Je vous propose de retenir cette appréciation.
58 C'est la Commission qui a exposé, de la manière la plus claire et la plus exhaustive, les éléments qui plaident en ce sens, et je ne saurais mieux faire que de reprendre son raisonnement.
59 En ce qui concerne la responsabilité de l'État membre du fait de l'incompatibilité du règlement national sur les dentistes avec l'article 52 du traité, la Commission constate, à juste titre, ce qui suit.
60 Premièrement, la réglementation allemande en question n'était pas manifestement contraire à l'esprit et à la lettre de la directive 78/686 (24). Au contraire, comme la Cour de justice l'a constaté dans l'affaire Haim I, l'article 20 de la directive 78/686 n'interdit pas à un État membre d'imposer un stage préparatoire en vue du conventionnement en tant que dentiste d'une caisse d'assurance maladie. En outre, la Cour de justice a dit pour droit, dans cet arrêt, que l'article 20 ne dispense pas du
stage préparatoire le ressortissant d'un État membre qui possède un diplôme délivré par un État tiers, lorsque ce diplôme a été reconnu par un autre État membre comme équivalant à un diplôme délivré dans un État membre.
61 Deuxièmement, le règlement national sur les dentistes ne méconnaissait pas de manière évidente l'article 52 du traité CE. En effet, la situation du demandeur était tout à fait exceptionnelle et relevait de l'article 52 au seul motif que trois conditions cumulatives étaient réunies: à savoir l'obtention d'un diplôme dans un pays tiers, l'exercice d'une activité professionnelle dans un État membre ayant reconnu l'équivalence de ce diplôme avec ceux qu'il délivre et une demande de conventionnement
dans un autre État membre.
62 Pour les mêmes raisons, de l'avis de la Commission, le législateur allemand n'avait pas à prévoir ce cas particulier, c'est-à-dire la possibilité de dispenser de stage préparatoire les personnes ayant obtenu un diplôme dans un pays tiers, puis exercé dans un État membre.
63 Il y a également lieu de noter que, en 1988, date de la décision administrative de la défenderesse fondée sur le règlement en cause, la jurisprudence de la Cour ne contenait aucune indication sur l'interprétation à donner à l'article 52 du traité CE en matière de liberté d'établissement des dentistes et dans le contexte des circonstances particulières de l'affaire au principal (25). A plus forte raison, à cette époque, il n'existait aucune jurisprudence pertinente, bien établie, de la Cour de
justice, dont il aurait résulté que le règlement national sur les dentistes n'était pas compatible avec l'article 52 du traité CE (26).
64 Dans ce contexte, il est à noter que la Cour n'avait pas encore rendu son arrêt dans l'affaire Vlassopoulou (27). Selon cet arrêt, le pays d'accueil n'est pas seulement tenu de reconnaître les diplômes obtenus dans un autre État membre, mais, dans le cas où il est nécessaire d'effectuer un stage préparatoire professionnel ou une pratique professionnelle dans le pays d'accueil, il y a lieu d'apprécier si une expérience professionnelle acquise soit dans l'État de provenance, soit dans l'État
d'accueil peut être considérée comme satisfaisant, en tout ou en partie, à cette exigence. En outre, à la différence de la procédure au principal, cet arrêt se rapportait à un diplôme de droit obtenu dans un État membre.
65 Enfin, l'arrêt rendu par la Cour de justice dans l'affaire Haim I a incité la Commission à proposer une modification correspondante de la directive 78/686. La nécessité d'une clarification législative qui s'est exprimée montre également que le législateur allemand ne pouvait pas prévoir l'importance de l'article 52 du traité CE dans une situation telle que celle de la procédure au principal.
66 Pour ces raisons, la Commission conclut que, en ne prévoyant pas la possibilité d'exempter du stage préparatoire à effectuer par les dentistes les personnes ayant obtenu leur diplôme dans un État tiers et exercé leur profession dans un État membre autre que l'État d'accueil, le législateur allemand a commis une erreur de droit excusable au sens de l'arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame.
67 La Commission examine, ensuite, si la défenderesse au principal a commis une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire. Elle considère, là encore, que la défenderesse a commis une erreur de droit excusable en ne tenant pas compte de l'expérience professionnelle du demandeur aux fins d'une exemption du stage préparatoire.
68 Elle estime que les explications qu'elle a données en ce qui concerne la responsabilité de l'État membre législateur et les circonstances exceptionnelles de l'affaire au principal vont en ce sens.
69 Je partage entièrement la façon de voir de la Commission.
70 Il reste, cependant, à clarifier un aspect particulier de la deuxième question, à savoir si la juridiction nationale s'est référée à la marge d'appréciation du fonctionnaire par rapport au droit communautaire ou par rapport au droit national.
71 Le gouvernement suédois et la Commission semblent avoir compris que le Landgericht Düsseldorf visait ici l'absence d'une marge d'appréciation du fonctionnaire par rapport au droit national. Or, même si nous ne sommes que des observateurs externes par rapport au droit allemand, nous pouvons partir de l'hypothèse qu'une telle marge d'appréciation n'existait pas dans le chef de l'organisme national et de ses fonctionnaires. Comme la Commission l'a fait remarquer, le règlement national sur les
dentistes ne contenait aucune disposition qui aurait permis au fonctionnaire compétent d'exempter d'autres personnes que celles mentionnées à l'article 3, paragraphe 4, de la ZOZ de l'obligation d'effectuer un stage préparatoire, et l'organisme et son fonctionnaire ont appliqué correctement le règlement au regard du droit allemand.
72 Si c'est cela qui est visé par la juridiction nationale, alors il convient de répondre, comme le propose le gouvernement suédois, que la marge d'appréciation que le droit national laisse au fonctionnaire individuel est sans importance au regard du problème qui nous est posé. Seul compte, en ce qui concerne l'appréciation de la responsabilité de l'État au titre du droit communautaire, la marge d'appréciation que le droit communautaire laisse à l'État législateur ou à l'État administrateur, cette
dernière notion englobant un organisme paraétatique tel que la KVN, défenderesse au principal.
73 Dans son exposé des motifs relatifs à la deuxième question, la juridiction nationale évoque encore, en passant, une toute autre hypothèse, à savoir celle où un fonctionnaire aurait appliqué de manière erronée des dispositions nationales conformes au droit communautaire.
74 J'estime que, dans ce cas, la responsabilité de l'État devrait s'apprécier uniquement selon les règles en matière de responsabilité administrative en vigueur dans l'État en question, y compris, le cas échéant, celles subordonnant la réparation du préjudice à l'existence d'une faute intentionnelle ou d'une négligence.
75 En revanche, je ne crois pas qu'il faille revenir, comme vous le demande le gouvernement allemand, sur ce que vous avez dit dans l'arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame, à propos des notions de faute intentionnelle ou de négligence (28). Certes, dans cette affaire, il s'agissait d'une violation du droit communautaire imputable à un État dans un domaine dans lequel il disposait d'un large pouvoir d'appréciation. Mais je crois que votre raisonnement vaut également en matière de responsabilité de
l'État pour un acte administratif contraire au droit communautaire, dans le cas où les autorités nationales ne disposent d'aucune marge d'appréciation.
76 Après avoir observé, au point 76 de cet arrêt, que «la notion de faute n'a pas le même contenu dans les différents systèmes juridiques», vous avez constaté, aux points 78 et 79, que:
«Certains éléments objectifs et subjectifs qui, dans le cadre d'un système juridique national, peuvent être rattachés à la notion de faute sont ... pertinents pour apprécier si une violation du droit communautaire est ou non caractérisée. Il en résulte que l'obligation de réparer les dommages causés aux particuliers ne saurait être subordonnée à une condition tirée de la notion de faute allant au-delà de la violation suffisamment caractérisée du droit communautaire. En effet, l'imposition d'une
telle condition supplémentaire reviendrait à remettre en cause le droit à réparation qui trouve son fondement dans l'ordre juridique communautaire».
77 Vous avez ensuite confirmé cette position au point 28 de l'arrêt Dillenkofer e.a., et je crois que votre raisonnement reste pleinement valable. Les références faites au point 56, précité, de l'arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame au «caractère intentionnel ou involontaire du manquement commis» ou au «caractère excusable ou inexcusable d'une éventuelle erreur de droit» permettent de tenir compte suffisamment des éléments de faute et de négligence.
78 Mais, revenons maintenant à la question de la marge d'appréciation. J'ai plutôt tendance à penser que la juridiction nationale s'est référée à la marge d'appréciation du fonctionnaire par rapport au droit communautaire, étant donné qu'elle aborde cette question immédiatement après s'être référée à l'arrêt Hedley Lomas.
79 Or, à ce propos, il résulte des développements qui précèdent que, même lorsque l'organisme national ou son fonctionnaire ne disposaient pas d'une telle marge, il n'en découle pas nécessairement que l'on soit en présence d'une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire.
80 Je vous propose donc de répondre par la négative à la deuxième question.
Sur la troisième question
81 La troisième question porte sur le point de savoir si l'admission au conventionnement d'un dentiste ressortissant d'un autre État membre et titulaire d'un diplôme délivré par un État tiers peut être soumise à une condition tenant aux connaissances linguistiques de l'intéressé. Essayons, tout d'abord, d'en cerner très précisément la portée.
82 En tout premier lieu, il est bien clair que, si la question nous est posée, c'est parce que la juridiction nationale tient pour acquis que le droit allemand pose effectivement une exigence linguistique pour l'accès au conventionnement. La Cour n'a pas à s'interroger sur le bien-fondé de cette conviction. Tout débat sur la portée de l'article 21 de la ZOZ doit donc être exclu, car il conduirait la Cour à sortir des limites de sa compétence.
83 En second lieu, il doit être souligné que la formulation de la question tient également pour acquis que l'intéressé est habilité à exercer sa profession dans l'État membre d'accueil, de sorte que ce qu'il nous est demandé d'apprécier, c'est uniquement si une condition tenant aux connaissances linguistiques peut encore être posée ultérieurement, au moment où l'intéressé demande son admission au statut de médecin conventionné. Il résulte, cependant, du commentaire qui accompagne cette troisième
question que la juridiction de renvoi ne vise pas particulièrement les connaissances linguistiques nécessaires au bon déroulement des rapports entre le médecin et la caisse de maladie, mais une «insuffisance sur le plan linguistique qui limite considérablement la possibilité d'apporter des soins utiles aux clients».
84 En troisième lieu, la juridiction nationale se demande, dans le même commentaire, si le fait de poser une condition linguistique au moment du conventionnement «pourrait être contraire à l'article 18, paragraphe 3, de la directive 78/686/CEE, car la possibilité de lier le conventionnement à des connaissances linguistiques n'y est pas prévue. En outre, il convient de se demander si cette disposition est applicable à un ressortissant d'un État membre qui n'a pas un diplôme reconnu de cet État
membre. Par ailleurs, il est possible d'envisager une discrimination illégale en violation de l'article 52 du traité CEE».
85 Examinons d'abord la question de l'applicabilité de l'article 18, paragraphe 3, de la directive 78/686. Cette disposition prévoit que:
«Les États membres font en sorte que, le cas échéant, les bénéficiaires acquièrent, dans leur intérêt et dans celui de leurs patients, les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de leur activité professionnelle dans l'État membre d'accueil.»
86 Ce texte se trouve dans le chapitre 6 de la directive consacré aux dispositions destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation de services des praticiens de l'art dentaire, et plus précisément dans sa partie C, regroupant les dispositions communes au droit d'établissement et à la libre prestation de services. Peut-il jouer un rôle dans la présente affaire?
87 Dans l'arrêt Haim I, vous avez jugé que la directive 78/686 ne vise que les titulaires d'un diplôme délivré par les États membres.
88 Il est donc certain que, dans la mesure où la directive 78/686 a pour objet d'accorder des facilités aux titulaires de tels diplômes, elle ne saurait être invoquée par M. Haim.
89 Mais, dans la mesure où elle autorise les États membres à imposer des conditions aux ressortissants communautaires titulaires de diplômes délivrés par un autre État membre, ces conditions pourront s'appliquer a fortiori aux ressortissants d'autres États membres titulaires de diplômes de pays tiers.
90 Or, l'article 18, paragraphe 3, de la directive 78/686 impose aux États membres une obligation de résultat puisqu'elle leur enjoint de «faire en sorte» que les bénéficiaires de la libre circulation «acquièrent les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de leur activité professionnelle».
91 Il est donc clair que la libre circulation des dentistes suppose non seulement la possession d'un diplôme attestant des connaissances que l'on pourrait qualifier de «techniques», mais aussi la maîtrise de la langue ou des langues du pays d'accueil.
92 On retrouve ici, dans le domaine de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services, une exigence qui a été prise en compte, s'agissant des professions salariées, par le règlement (CEE) n_ 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (29), qui, dans son article 3, paragraphe 1, dernier alinéa, admet qu'il peut exister des emplois qui, par nature, supposent certaines connaissances linguistiques (30).
93 Il est vrai que l'article 18, paragraphe 3, de la directive 78/686 ne précise pas à quel moment ces connaissances doivent être acquises. On peut raisonnablement supposer qu'elles ne doivent pas exister au moment où les bénéficiaires entament leur activité dans l'État membre d'accueil, car sinon le Conseil aurait utilisé l'expression «les États membres vérifient si les bénéficiaires disposent des connaissances linguistiques nécessaires».
94 Il est vrai aussi, comme le souligne le Landgericht, que cette disposition ne prévoit pas que le conventionnement peut être subordonné à l'existence de ces connaissances.
95 Toutefois, l'article 18, paragraphe 3, de la directive 78/686 serait dépourvu d'effet utile si, à aucun moment, l'État membre ne pouvait vérifier l'existence des connaissances linguistiques «nécessaires».
96 On ne voit aucune raison qui s'opposerait à ce que cette vérification soit effectuée à l'occasion de l'examen d'une demande de conventionnement, mais elle pourrait également être effectuée indépendamment d'une telle demande (à condition que le requérant ait bénéficié d'un délai raisonnable pour acquérir les connaissances nécessaires).
97 En ce qui concerne le mode de contrôle des connaissances, je partage l'avis de la Commission selon lequel «un test linguistique écrit ou oral constituera, par exemple, un moyen approprié».
98 Quant au niveau des connaissances susceptibles d'être exigées, il appartiendra au juge national d'appliquer le principe de proportionnalité.
99 En vertu de celui-ci, les connaissances linguistiques exigées ne doivent pas aller au-delà du niveau objectivement requis pour assurer que les intérêts des patients soient sauvegardés.
100 Il ne saurait, d'ailleurs, guère faire de doute que, lorsque le dentiste a les connaissances nécessaires à cet effet, il disposera, ipso facto, également de celles dont il a besoin pour remplir les formulaires de la caisse de maladie, comprendre les circulaires de celle-ci et participer à des réunions organisées par elle.
101 A mon avis, les développements qui précèdent suffisent à motiver une réponse positive à la troisième question.
102 Toutefois, pour le cas où vous ne partageriez pas le raisonnement a fortiori que, tout comme la Commission, je viens de préconiser, et en raison du fait que la juridiction de renvoi, dans ses commentaires, se demande également si l'exigence d'une condition linguistique au moment du conventionnement pourrait constituer une discrimination illégale violant l'article 52 du traité CE, je crois devoir examiner aussi la question sous cet aspect.
103 Selon l'arrêt Gebhard (31), «les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent remplir quatre conditions: qu'elles s'appliquent de manière non discriminatoire, qu'elles se justifient par des raisons impérieuses d'intérêt général, qu'elles soient propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et qu'elles n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre» (32).
104 Quant à la première de ces conditions, j'estime qu'elle est remplie, en ce sens que l'on se trouve en présence d'une mesure indistinctement applicable à tous les candidats au conventionnement.
105 Quant à la deuxième, les avis qui se sont exprimés dans les observations soumises à la Cour, y compris celles de M. Haim, convergent très largement pour reconnaître que, dans la relation entre un professionnel de la santé et le patient qui s'adresse à lui, la possibilité de communication est essentielle. Qui songerait, d'ailleurs, à nier que, pour qu'un médecin ou un dentiste puisse apporter une aide efficace à un malade, il est indispensable, d'une part, que le premier puisse prendre la pleine
mesure de la souffrance dont vient lui faire part le second pour qu'il y soit remédié et, d'autre part, que les explications fournies quant à la nature de sa maladie ainsi que les conseils qui accompagnent la prescription d'un traitement soient parfaitement compris du malade, de manière qu'il puisse concourir à sa guérison?
106 On peut, d'ailleurs, considérer, comme le suggère la Commission, qui se réfère à l'arrêt du 25 juillet 1991 (33), que la règle imposant au dentiste de maîtriser la langue officielle ou nationale de l'État où il entend s'établir doit s'analyser comme une règle protectrice de l'intérêt du consommateur, et qu'à ce titre elle ne fait que concrétiser une exigence impérieuse d'intérêt général.
107 On peut aussi, si l'on répugne à ne voir dans le malade qu'un consommateur, faire tout simplement valoir que la qualité des soins, objectif central de toute politique de santé publique, passe par la possibilité d'un véritable dialogue entre le soignant et le patient. Cette nécessité a d'ailleurs, rappelons-le, trouvé son expression dans l'article 18, paragraphe 3, de la directive 78/686, que nous avons examiné plus haut.
108 Comme je l'ai déjà signalé plus haut, le praticien qui a les connaissances nécessaires pour mener ce dialogue sera également en mesure de s'intégrer dans l'environnement quasi administratif qui va de pair avec le conventionnement.
109 C'est pourquoi je n'examinerai qu'à titre subsidiaire les considérations tenant spécifiquement à l'exercice de l'activité de dentiste conventionné dont il a été fait état devant nous. Ainsi le dentiste devra appliquer des barèmes de tarification, fournir des décomptes de prestations, participer à des activités de formation spécifiques et rendre compte aux caisses de maladie de son activité. Pour satisfaire à toutes ces obligations inséparables du conventionnement, il est nécessaire que le
dentiste conventionné dispose d'une maîtrise suffisante de la langue du pays d'accueil.
110 M. Haim, sans nier l'existence desdites obligations, fait valoir que le praticien peut satisfaire à la plupart d'entre elles en se faisant assister par du personnel qualifié qui, par exemple, prendra en charge l'établissement des décomptes sous la surveillance du dentiste lui-même.
111 Si je suis d'accord pour ne pas accorder une importance démesurée aux charges administratives du dentiste conventionné, dont l'activité essentielle doit consister à prodiguer ses soins, et pour reconnaître que l'accomplissement du travail administratif propre à un cabinet dentaire peut, pour l'essentiel, être confié à un secrétariat, j'estime, cependant, d'une part, que le dentiste doit pouvoir en conserver le contrôle effectif et, d'autre part, que, lorsqu'on sort des tâches strictement
administratives et comptables, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit des autres obligations du dentiste conventionné évoquées ci-dessus, il n'est pas réaliste d'affirmer, comme le fait M. Haim, que le dentiste qui se heurterait à des difficultés linguistiques pourrait aisément les surmonter en recourant à des services de traduction.
112 Est-il réellement envisageable que le dentiste fasse traduire par des spécialistes toutes les circulaires des caisses de maladie qui lui seraient adressées et se fasse accompagner d'un professionnel de l'interprétation simultanée, chaque fois qu'il sera amené à participer à des réunions organisées à l'intention des praticiens conventionnés?
113 Pour ma part, je ne le pense pas. Aussi suis-je d'avis qu'un État membre peut légitimement refuser de laisser, comme le suggère M. Haim, chaque dentiste décider lui-même, en son âme et conscience, si ses connaissances linguistiques sont suffisantes pour lui permettre de soigner correctement un patient déterminé et que l'exigence de la connaissance de la langue de l'État membre d'accueil peut s'autoriser de raisons impérieuses d'intérêt général.
114 J'en arrive maintenant à la troisième condition, qui tient à l'adéquation de la mesure à l'objectif poursuivi. Il résulte de tout ce qui précède que l'objectif éminent que constituent les soins adéquats auxquels ont droit les patients justifie pleinement que le praticien apporte la preuve de connaissances linguistiques suffisantes.
115 Reste alors la question de savoir si l'accès au conventionnement est le moment adéquat pour poser des exigences linguistiques.
116 On pourrait, en effet, se demander si ce n'est pas en amont, c'est-à-dire au moment de l'octroi de l'autorisation d'exercer la profession de dentiste sur le territoire national qu'il faudrait exiger des connaissances linguistiques minimales. En effet, une incompréhension entre le dentiste et son patient peut avoir des conséquences dramatiques, alors qu'une incompréhension entre le dentiste et la caisse de maladie ne conduira qu'à des dysfonctionnements administratifs.
117 A cette interrogation légitime, je crois que deux réponses peuvent être fournies.
118 La première est que le législateur communautaire lui-même n'a, comme nous l'avons constaté en examinant l'article 18, paragraphe 3, de la directive 78/686, pas estimé inconséquent de ne faire intervenir l'exigence de connaissances linguistiques qu'après l'octroi de l'autorisation d'exercer.
119 La seconde est qu'il serait pour le moins paradoxal que, dans le cas où un État membre a renoncé à effectuer ce contrôle dans un premier temps, comme cela semble avoir été le cas à propos de M. Haim, il ne puisse plus invoquer à un stade ultérieur la nécessité d'une maîtrise de la langue de la part du titulaire d'un diplôme d'un pays tiers sans se voir opposer la jurisprudence Gebhard, alors que, pour les titulaires d'un diplôme délivré par un autre État membre, il est tenu par l'article 18,
paragraphe 3, de la directive 78/686 de se préoccuper de leur niveau de connaissances en ce domaine.
120 En d'autres termes, le bon sens commande de considérer que, quelles qu'aient pu être les connaissances linguistiques de M. Haim lorsqu'il s'est vu accorder l'autorisation d'exercer sa profession en Allemagne, les autorités allemandes étaient en droit, dès lors qu'il a entendu accéder au statut de dentiste conventionné, de s'assurer qu'il maîtrisait suffisamment la langue allemande.
121 En ce qui concerne, enfin, la quatrième condition que pose l'arrêt Gebhard, celle tenant au respect du principe de proportionnalité, je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai déjà exposé plus haut. Le contrôle du respect de cette exigence de proportionnalité doit être exercé par la juridiction nationale.
Conclusion
122 Pour les motifs exposés, je vous propose de répondre comme suit aux questions posées par le Landgericht Düsseldorf:
«1) Lorsque, en faisant application du droit national dans le cadre d'une décision individuelle, un fonctionnaire d'un organisme de droit public juridiquement indépendant d'un État membre viole des dispositions de droit communautaire primaire, rien ne s'oppose, du point de vue du droit communautaire, à ce que la responsabilité de l'organisme du droit public puisse être engagée en plus de celle de l'État membre.
2) Dans le cas où un fonctionnaire national a appliqué des dispositions nationales contraires au droit communautaire ou a appliqué le droit national de manière non conforme au droit communautaire, il n'y a pas violation caractérisée du droit communautaire du simple fait que le fonctionnaire n'avait pas de marge d'appréciation lors de sa décision.
3) L'article 52 du traité CE doit être interprété en ce sens que les instances compétentes d'un État membre peuvent soumettre le conventionnement d'un ressortissant d'un autre État membre, habilité à exercer sa profession de dentiste dans cet État membre et ne disposant d'aucun diplôme cité dans l'article 3 de la directive 78/686/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres du praticien de l'art dentaire et comportant des mesures
destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation de services, à la condition que ce ressortissant ait les connaissances de la langue officielle ou nationale de l'État d'accueil nécessaires à la sauvegarde de l'intérêt de ses patients.»
(1) - Haim (C-319/92, Rec. p. I-425, ci-après l'«arrêt Haim I»).
(2) - JO L 233, p. 1.
(3) - Voir dispositif, point 3.
(4) - Arrêts du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357); du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C-46/93 et C-48/93, Rec. p. I-1029), et du 23 mai 1996, Hedley Lomas (C-5/94, Rec. p. I-2553).
(5) - Voir point 42.
(6) - Arrêt du 16 décembre 1976 (33/76, Rec. p. 1989, point 5).
(7) - Voir point 35.
(8) - Voir point 43.
(9) - Voir dispositif, point 3.
(10) - Voir dispositif, point 4.
(11) - Voir, par exemple, l'arrêt du 13 décembre 1991, Commission/Italie (C-33/90, Rec. p. I-5987).
(12) - Arrêt du 9 mars 1978 (106/77, Rec. p. 629).
(13) - Arrêt du 22 juin 1989 (103/88, Rec. p. 1839).
(14) - Arrêt du 29 avril 1999 (C-224/97, non encore publié au Recueil).
(15) - Arrêt du 8 octobre 1996 (C-178/94, C-179/94 et C-188/94 à C-190/94, Rec. p. I-4845).
(16) - Arrêt du 17 octobre 1996 (C-283/94, C-291/94 et C-292/94, Rec. p. I-5063).
(17) - Arrêt du 2 avril 1998 (C-127/95, Rec. p. I-1531).
(18) - Arrêt du 26 mars 1996 (C-392/93, Rec. p. I-1631, points 39 et 40).
(19) - Souligné par l'auteur.
(20) - Souligné par l'auteur.
(21) - Voir point 54.
(22) - Voir arrêt Fratelli Costanzo, précité.
(23) - Voir arrêt Dillenkofer e.a., précité, point 24.
(24) - Voir, à cet égard, arrêt British Telecommunications, précité.
(25) - Voir, à cet égard, arrêt Denkavit e.a., point 52.
(26) - Voir, à cet égard, arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame, précité, point 57.
(27) - Arrêt du 7 mai 1991 (C-340/89, Rec. p. I-2357, points 20 et 21).
(28) - Voir point 27 ci-dessus.
(29) - JO L 257, p. 2.
(30) - Pour l'application jurisprudentielle de cette disposition, voir l'arrêt du 28 novembre 1989, Groener (C-379/87, Rec. p. I-3967).
(31) - Arrêt du 30 novembre 1995 (C-55/94, Rec. p. I-4165).
(32) - Voir dispositif, point 6.
(33) - Collectieve Antennevoorziening Gouda e.a. (C-288/89, Rec. p. I-4007).