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21/01/1999 | CJUE | N°C-207/97

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique., 21/01/1999, C-207/97


Avis juridique important

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61997J0207

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 21 janvier 1999. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement d'Etat - Directive 76/464/CEE du Conseil - Pollution aquatique - Non-transposition. - Affaire C-207/97.
Recueil de jurisprudence 1999 page

I-00275

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur l...

Avis juridique important

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61997J0207

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 21 janvier 1999. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement d'Etat - Directive 76/464/CEE du Conseil - Pollution aquatique - Non-transposition. - Affaire C-207/97.
Recueil de jurisprudence 1999 page I-00275

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1 Recours en manquement - Droit d'action de la Commission - Exercice discrétionnaire (Traité CE, art. 169) 2 Recours en manquement - Droit d'action de la Commission - Délai d'exercice - Absence - Exception - Durée excessive de la procédure précontentieuse préjudiciable aux droits de la défense - Charge de la preuve (Traité CE, art. 169) 3 Environnement - Pollution aquatique - Directive 76/464 - Obligation d'établir des programmes spécifiques en vue de réduire la pollution causée par certaines
substances dangereuses - Portée - Notion de programme (Directive du Conseil 76/464, art. 7, et annexe, listes I et II)

Sommaire

1 Eu égard à son rôle de gardienne du traité, la Commission est seule compétente pour décider s'il est opportun d'engager une procédure en constatation de manquement et s'il est opportun de poursuivre la procédure précontentieuse par l'envoi d'un avis motivé. En outre, elle a la faculté, mais non l'obligation, au terme de cette procédure, de saisir la Cour en vue de faire constater par cette dernière le manquement présumé. 2 La Commission n'est pas tenue au respect d'un délai déterminé pour
introduire, au titre de l'article 169 du traité, un recours en manquement à l'encontre d'un État membre, sous réserve des hypothèses dans lesquelles une durée excessive de la procédure précontentieuse prévue par cet article violerait les droits de la défense, en rendant plus difficile pour l'État membre mis en cause la réfutation des arguments avancés à l'appui du recours. Il appartient à cet État membre d'apporter la preuve d'une telle incidence. 3 Il ressort du système instauré par la directive
76/464 et du libellé du premier tiret de la liste II de son annexe que, s'agissant de substances relevant de la liste I mais qui nécessitent des mesures de concrétisation, telles que l'adoption de directives spécifiques de la part du Conseil, en vue notamment de la fixation de leurs valeurs limites d'émission, aussi longtemps que ces valeurs n'ont pas été déterminées pour lesdites substances, il n'y a nullement besoin de mesures ultérieures de concrétisation pour que les substances en question, qui
ont été individualisées, soient traitées comme des substances relevant de la liste II par les États membres. Ceux-ci ont en effet l'obligation d'établir les programmes visés à l'article 7 de la directive en vue de la réduction de la pollution causée au moins par celles des substances considérées qui sont susceptibles d'être contenues dans les rejets effectués sur le territoire de chaque État membre. Ces programmes doivent être spécifiques, c'est-à-dire qu'ils doivent constituer une approche globale
et cohérente, ayant le caractère d'une planification concrète et articulée couvrant l'ensemble du territoire national et concernant la réduction de la pollution causée par toutes les substances de la liste II qui sont pertinentes dans le contexte national de chaque État membre, en rapport avec les objectifs de qualité des eaux réceptrices fixés dans ces mêmes programmes. Ne sauraient, dès lors, être considérés comme programmes au sens de l'article 7 de la directive ni des mesures nationales ne
couvrant qu'une partie des substances individualisées comme relevant de la liste I et ne comportant pas de planification globale de réduction de la pollution en fonction d'objectifs de qualité fixés pour les eaux réceptrices, ni différents arrêtés sectoriels et codes de bonnes pratiques agricoles ne constituant que des mesures ponctuelles et non pas la matérialisation d'une telle programmation globale et cohérente de réduction de la pollution.

Parties

Dans l'affaire C-207/97,

Commission des Communautés européennes, initialement représentée par MM. Richard B. Wainwright, conseiller juridique principal, et Jean-Francis Pasquier, fonctionnaire national mis à la disposition du service juridique, puis par MM. Richard B. Wainwright et Olivier Couvert-Castéra, fonctionnaire national mis à la disposition du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté par M. Jan Devadder, conseiller général au service juridique du ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de Belgique, 4, rue des Girondins,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en n'adoptant pas les programmes de réduction de la pollution comprenant des objectifs de qualité pour les eaux, à tout le moins pour ce qui concerne 99 substances énumérées en annexe au recours, ou en ne communiquant pas à la Commission, sous une forme résumée, lesdits programmes ainsi que les résultats de leur application, en violation de l'article 7 de la directive 76/464/CEE du Conseil, du 4 mai 1976, concernant la pollution causée par certaines
substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté (JO L 129, p. 23), le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE,

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. P. J. G. Kapteyn, président de chambre, G. F. Mancini, H. Ragnemalm, R. Schintgen et K. M. Ioannou (rapporteur), juges,

avocat général: M. J. Mischo,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 14 mai 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 18 juin 1998,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 mai 1997, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE, un recours visant à faire constater que, en n'adoptant pas les programmes de réduction de la pollution comprenant des objectifs de qualité pour les eaux, à tout le moins pour ce qui concerne 99 substances énumérées en annexe au recours, ou en ne lui communiquant pas, sous une forme résumée, lesdits programmes ainsi que les résultats de leur
application, en violation de l'article 7 de la directive 76/464/CEE du Conseil, du 4 mai 1976, concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté (JO L 129, p. 23, ci-après la «directive»), le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu dudit traité.

Le cadre réglementaire

2 La directive, adoptée sur la base des articles 100 et 235 du traité, énonce dans son premier considérant qu'«une action générale et simultanée de la part des États membres en vue de la protection du milieu aquatique de la Communauté contre la pollution, notamment celle causée par certaines substances persistantes, toxiques et bioaccumulables, s'impose de toute urgence».

3 La directive établit à cet effet une distinction entre deux catégories de substances dangereuses, reprises respectivement dans la liste I et dans la liste II de son annexe.

4 Il ressort des sixième et septième considérants de la directive, ainsi que de ses articles 2 et 3, que la liste I contient des substances particulièrement dangereuses, choisies sur la base de leur toxicité, de leur persistance et de leur bioaccumulation. Les États membres doivent prendre les mesures appropriées pour que la pollution des eaux causée par ces substances soit éliminée et que les rejets actuels des substances en question soient soumis à une autorisation préalable délivrée par
l'autorité compétente de l'État membre concerné.

5 L'article 6 de la directive prévoit:

«1. Le Conseil, statuant sur proposition de la Commission, arrête, pour les différentes substances dangereuses incluses dans les familles et groupes de substances relevant de la liste I, les valeurs limites que les normes d'émission ne doivent pas dépasser.

...

Les valeurs limites applicables aux substances relevant de la liste I sont arrêtées principalement sur la base:

- de la toxicité,

- de la persistance,

- de la bio-accummulation,

compte tenu des meilleurs moyens techniques disponibles.

2. Le Conseil, statuant sur proposition de la Commission, fixe des objectifs de qualité pour les substances relevant de la liste I.

...»

6 Par ailleurs, conformément aux sixième et neuvième considérants et à l'article 2 de la directive, la liste II comprend des substances ayant sur le milieu aquatique un effet nuisible qui peut cependant être limité à une certaine zone et qui dépend des caractéristiques des eaux de réception et de leur localisation. La pollution causée par ces substances devrait être réduite et les rejets actuels de celles-ci devraient être soumis à une autorisation préalable qui fixe les normes d'émission.

7 Aux termes de l'article 7 de la directive:

«1. Afin de réduire la pollution des eaux visées à l'article 1er par les substances relevant de la liste II, les États membres arrêtent des programmes pour l'exécution desquels ils appliquent notamment les moyens considérés aux paragraphes 2 et 3.

2. Tout rejet effectué dans les eaux visées à l'article 1er et susceptible de contenir une des substances relevant de la liste II est soumis à une autorisation préalable, délivrée par l'autorité compétente de l'État membre concerné et fixant les normes d'émission. Celles-ci sont calculées en fonction des objectifs de qualité établis conformément au paragraphe 3.

3. Les programmes visés au paragraphe 1 comprennent des objectifs de qualité pour les eaux, établis dans le respect des directives du Conseil lorsqu'elles existent.

...

5. Les programmes fixent les délais de leur mise en oeuvre.

6. Les programmes et les résultats de leur application sont communiqués à la Commission sous forme résumée.

7. La Commission organise régulièrement avec les États membres une confrontation des programmes en vue de s'assurer que leur mise en oeuvre est suffisamment harmonisée...»

8 L'article 12 de la directive dispose:

«1. Le Conseil, statuant à l'unanimité, se prononce dans un délai de neuf mois sur toute proposition de la Commission faite en application de l'article 6...

2. La Commission transmet, si possible dans un délai de vingt-sept mois après la notification de la présente directive, les premières propositions faites en application de l'article 7, paragraphe 7. Le Conseil, statuant à l'unanimité, se prononce dans un délai de neuf mois.»

9 L'annexe de la directive prévoit:

«...

La liste II comprend:

- les substances qui font partie des familles et groupes de substances énumérés sur la liste I et pour lesquelles les valeurs limites visées à l'article 6 de la directive ne sont pas déterminées,

- certaines substances individuelles et certaines catégories de substances qui font partie des familles et groupes de substances énumérés ci-dessous,

...»

La procédure précontentieuse

10 La directive ne comporte aucun délai de transposition. Néanmoins, son article 12, paragraphe 2, prévoit que la Commission transmet au Conseil, dans un délai de 27 mois après la notification de la directive, les premières propositions faites sur la base de l'examen comparé des programmes établis par les États membres. Considérant que les États membres ne seraient pas en mesure de lui fournir des éléments pertinents dans ce délai, la Commission leur a proposé, par lettre du 3 novembre 1976, de
retenir la date du 15 septembre 1981 pour l'établissement des programmes et celle du 15 septembre 1986 pour leur mise en oeuvre.

11 Pour ce qui est de la liste I, étant donné que celle-ci comprend essentiellement des familles et groupes de substances, la Commission a considéré qu'il était nécessaire de définir à l'intérieur de ceux-ci les substances individuelles concernées. Les travaux menés à cette fin par la Commission, en coopération avec les États membres, ont abouti à l'établissement d'une liste de 129 substances annexée à la communication de la Commission au Conseil, du 22 juin 1982, relative aux substances dangereuses
susceptibles de figurer sur la liste I de la directive (JO C 176, p. 3).

12 Dans sa résolution du 7 février 1983 concernant la lutte contre la pollution des eaux (JO C 46, p. 17), le Conseil a pris acte de la communication de la Commission. Il a précisé que la liste des 129 substances figurant dans cette communication servira de base à la Communauté pour poursuivre ses travaux sur la mise en oeuvre de la directive et noté que les États membres reconnaissent la liste des 129 substances comme base provisoire d'éventuelles mesures nationales de lutte contre la pollution des
eaux par ces substances lorsqu'ils appliquent les mesures prévues dans la directive.

13 Postérieurement à cette résolution, trois autres substances ont été ajoutées à la liste en cause, qui comprenait dès lors 132 substances. Parmi celles-ci, 18 ont fait l'objet de directives du Conseil, fixant des valeurs limites d'émission et des objectifs de qualité, et 15 autres ont donné lieu à la proposition de directive du Conseil portant modification de la directive 76/464, présentée par la Commission le 14 février 1990 (JO C 55, p. 7). La Commission a toujours considéré que les 99
substances restantes de la liste en question ont vocation à figurer sur la liste I mais, aussi longtemps qu'elles ne seront pas réglementées pour être comprises dans cette liste, elles devront être traitées comme des substances prioritaires relevant de la liste II, conformément à l'annexe précitée de la directive.

14 Par lettre du 26 septembre 1989, la Commission a rappelé au gouvernement belge que la réunion des experts nationaux des 31 janvier et 1er février 1989, relative à la mise en oeuvre de la directive, avait permis d'établir une liste prioritaire des substances de la liste II, en l'invitant à lui fournir les programmes de réduction de la pollution concernant ces substances. Le gouvernement belge a répondu par lettre du 14 décembre 1989, en communiquant une série de normes d'émission fixées dans des
arrêtés sectoriels pour certaines de ces substances. La Commission souhaitait cependant recevoir des informations sur la fixation des objectifs de qualité pour ces substances et les programmes de réduction les concernant.

15 Le 4 avril 1990, la Commission s'est adressée de nouveau au gouvernement belge, au sujet cette fois-ci des 99 substances prioritaires susmentionnées. La Commission a invité ce gouvernement à lui communiquer, d'abord, une liste à jour indiquant lesquelles des 99 substances étaient déversées dans le milieu aquatique en Belgique, ensuite, les objectifs de qualité applicables au moment où les autorisations de déversement ont été accordées et, enfin, les raisons pour lesquelles de tels objectifs
n'avaient pas été établis, ainsi qu'un calendrier indiquant la date à laquelle le royaume de Belgique les établirait. Le gouvernement belge n'a pas répondu à cette lettre.

16 Par lettre du 26 février 1991, la Commission a engagé la procédure de l'article 169 du traité et mis en demeure le gouvernement belge de présenter, dans un délai de deux mois, ses observations sur la violation de l'article 7 de la directive résultant de l'absence d'élaboration de programmes de réduction de la pollution causée par les substances mentionnées dans les lettres des 26 septembre 1989 et 4 avril 1990.

17 Par lettre du 28 février 1991, le gouvernement belge a répondu à la lettre de mise en demeure en faisant référence à sa réponse du 15 juin 1990 portant sur une plainte concernant le fonctionnement d'une entreprise de production de cellulose en Ardenne. Le gouvernement y faisait valoir que cette réponse «... contient des précisions sur la façon dont les autorités belges estiment qu'elles appliquent les obligations liées aux programmes de réduction».

18 Par courrier du 3 avril 1996, les autorités belges ont communiqué à la Commission le document intitulé «Flux vers la mer du Nord - les émissions belges de substances dangereuses dans l'air et dans l'eau durant la période 1985-1995». Ce document a été établi dans le cadre des obligations des autorités belges résultant de la déclaration finale de la 3e conférence internationale sur la protection de la mer du Nord (La Haye 1990) et réunit, sous forme de fiches, les données disponibles sur les
émissions de certaines substances dangereuses dans l'air et dans l'eau susceptibles d'affecter la mer du Nord.

19 Considérant que ni la réponse apportée à la lettre de mise en demeure ni le document communiqué le 3 avril 1996 ne permettaient de conclure que les autorités belges avaient adopté des programmes de réduction de la pollution des eaux au sens de l'article 7 de la directive, la Commission a adressé au gouvernement belge, le 6 août 1996, un avis motivé par lequel elle considérait que, en n'adoptant pas les programmes de réduction de la pollution comprenant des objectifs de qualité pour les 99
substances dangereuses énumérées en annexe ou en ne communiquant pas, sous une forme résumée, lesdits programmes ainsi que les résultats de leur application, en violation dudit article 7 de la directive, et en ne fournissant pas les informations requises sur ce sujet, en violation de l'article 5 du traité CE, le royaume de Belgique avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ce traité.

20 Par lettre du 20 janvier 1997, les autorités belges ont répondu à l'avis motivé en arguant, notamment, de l'absence de caractère contraignant de la liste des 99 substances et, à titre subsidiaire, du fait que le royaume de Belgique a établi les programmes et mesures requis par la Commission.

21 Considérant que cette réponse n'était pas satisfaisante, la Commission a introduit le présent recours.

22 Invitée par la Cour à préciser l'étendue du litige dans la présente affaire, la Commission a répondu que l'objet de celui-ci est limité aux 99 substances reprises en annexe du recours.

Sur la recevabilité du recours

23 Le gouvernement belge fait valoir que le fait qu'entre le 28 février 1991, date de sa réponse à la lettre de mise en demeure de la Commission, et le 6 août 1996, date de l'avis motivé, se sont écoulées plus de cinq années pourrait créer un doute et donner légitimement l'impression à l'État membre concerné que la Commission avait reconnu le caractère non fondé de son action. Il serait ainsi évident que cette inaction de longue durée aurait eu une incidence sur les moyens de défense.

24 Dans la mesure où cette allégation du gouvernement défendeur viserait à mettre en doute la recevabilité du recours, il convient de souligner en premier lieu que, conformément à une jurisprudence constante, la Commission, eu égard à son rôle de gardienne du traité, est seule compétente pour décider s'il est opportun d'engager une procédure en constatation de manquement (arrêt du 11 août 1995, Commission/Allemagne, C-431/92, Rec. p. I-2189, point 22). Elle est également seule compétente pour
décider s'il est opportun de poursuivre la procédure précontentieuse par l'envoi d'un avis motivé tout comme elle a la faculté, mais non l'obligation, au terme de cette procédure, de saisir la Cour en vue de faire constater par cette dernière le manquement présumé (voir, en ce sens, arrêts du 14 février 1989, Star Fruit/Commission, 247/87, Rec. p. 291, point 12, et du 29 septembre 1998, Commission/Allemagne, C-191/95, non encore publié au Recueil, point 46).

25 Il y a lieu de relever ensuite que, conformément à la jurisprudence de la Cour, les règles de l'article 169 du traité doivent trouver application sans que la Commission soit tenue au respect d'un délai déterminé, sous réserve des hypothèses dans lesquelles une durée excessive de la procédure précontentieuse prévue par cette disposition est susceptible d'augmenter, pour l'État mis en cause, la difficulté de réfuter les arguments de la Commission et de violer ainsi les droits de la défense (arrêt
du 16 mai 1991, Commission/Pays-Bas, C-96/89, Rec. p. I-2461, points 15 et 16). Il appartient par conséquent à l'État membre intéressé d'apporter la preuve d'une telle incidence.

26 En l'occurrence, le gouvernement défendeur se borne à alléguer que la durée de la procédure précontentieuse était excessive et que, à l'évidence, l'inaction de la Commission a eu une incidence sur ses moyens de défense.

27 Aussi, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la question de savoir si le temps qui s'est écoulé entre la date d'envoi de la lettre de mise en demeure et celle de l'avis motivé peut être considéré en l'espèce comme excessif, il convient de constater que le gouvernement belge n'avance aucun argument spécifique susceptible de démontrer que ce délai aurait rendu plus difficile la réfutation des arguments de la Commission et que les droits de la défense auraient ainsi été violés. Les allégations du
gouvernement défendeur doivent donc être rejetées.

Sur le fond

Quant au moyen tiré du défaut de caractère juridiquement contraignant de la liste des 99 substances

28 Le gouvernement belge conteste, tout d'abord, le caractère juridiquement contraignant de la liste des 99 substances. Cette absence de nature contraignante ressortirait non seulement du fait que la résolution du Conseil, du 7 février 1983, n'a aucune force juridique, mais aussi du contenu de cette résolution, suivant lequel la liste en question constituerait une simple base pour la poursuite des travaux de définition communautaire et une base provisoire d'éventuelles mesures nationales. La
Commission ferait ainsi une association incorrecte entre la brève et vague annexe de la directive et une résolution politique du Conseil.

29 Par ailleurs, la directive constituerait une directive-cadre ayant besoin de directives d'application pour être mise en oeuvre, telles les directives du Conseil établissant des valeurs limites d'émission et des objectifs de qualité pour certaines substances. L'absence de caractère juridiquement contraignant de la liste serait enfin confirmée par l'adoption de la directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (JO L 257, p.
26), qui se substituerait à un certain nombre d'articles de la directive.

30 La Commission relève qu'elle n'a jamais considéré que la résolution du Conseil, du 7 février 1983, était juridiquement contraignante. Elle aurait simplement considéré les 99 substances litigieuses comme juridiquement pertinentes du seul fait de leur appartenance à la liste II de l'annexe de la directive.

31 Par ailleurs, l'argument selon lequel la directive ne serait qu'une directive-cadre méconnaîtrait le système mis en place par la directive elle-même, qui définirait deux niveaux de protection. Le premier niveau viserait la réduction de la pollution des eaux, causée par les substances de la liste II, à travers l'établissement de programmes conformément à l'article 7 de la directive. Le second niveau viserait l'élimination de la pollution des eaux, causée par les substances de la liste I, au moyen
des mesures prévues à l'article 6 de la directive.

32 Il convient de relever à cet égard que la question pertinente, en l'occurrence, n'est pas celle concernant la nature juridique, contraignante ou non, de la résolution en cause, mais celle de savoir si les 99 substances considérées font partie des familles et groupes de substances énumérés sur la liste I de l'annexe de la directive et si elles nécessitent des mesures ultérieures de concrétisation pour être traitées comme relevant de la liste II.

33 Il n'est pas contesté que les 99 substances en question font scientifiquement partie des familles et groupes de substances de la liste I et ont été individualisées lors des travaux menés par la Commission en coopération avec des représentants des États membres. Ces travaux ont abouti à la communication de la Commission, du 22 juin 1982, et à la résolution du Conseil, du 7 février 1983, qui a reconnu l'appartenance de ces substances individuelles aux familles et groupes de substances de la liste
I, ainsi que leur aptitude à faire l'objet de mesures du Conseil fixant des valeurs limites d'émission et des objectifs de qualité, conformément à l'article 6 de la directive.

34 Par conséquent, les substances en question relèvent de la liste I, mais elles nécessitent des mesures de concrétisation, telles que l'adoption de directives spécifiques de la part du Conseil, en vue de la fixation de leurs valeurs limites d'émission et de l'élimination de la pollution causée par elles.

35 En revanche, il ressort sans équivoque du système instauré par la directive et du libellé du premier tiret de la liste II de son annexe que, aussi longtemps que des valeurs limites d'émission n'ont pas été déterminées par le Conseil, il n'y a nullement besoin de mesures ultérieures de concrétisation pour que les substances en question, qui ont été individualisées, soient traitées comme des substances relevant de la liste II par les États membres. Ceux-ci ont en effet l'obligation d'établir les
programmes visés à l'article 7 de la directive en vue de la réduction de la pollution causée au moins par celles des substances considérées qui sont susceptibles d'être contenues dans les rejets effectués sur le territoire de chaque État membre (voir arrêt du 11 juin 1998, Commission/Luxembourg, C-206/96, Rec. p. I-3401). La directive ne saurait ainsi être considérée comme une directive-cadre à l'égard de cette obligation.

36 Il convient de relever, en dernier lieu, qu'une directive reste en vigueur et continue à déployer pleinement ses effets quant aux obligations des États membres jusqu'à la date de son abrogation ou de son remplacement. Dans ces conditions, dès lors que n'est pas encore venu à expiration le délai de transposition de la directive 96/61, il n'y a pas lieu d'examiner si celle-ci est susceptible, ainsi que le soutient le gouvernement belge, d'avoir une incidence sur les obligations incombant aux États
membres en vertu de la directive.

37 L'argumentation du gouvernement belge doit donc être rejetée.

Quant au moyen tiré du caractère de programmes, au sens de la directive, des mesures nationales adoptées

38 Le gouvernement belge soutient que des programmes au sens de l'article 7 de la directive ont été établis. Il se réfère à cet égard au document intitulé «Flux vers la mer du Nord», transmis à la Commission le 3 avril 1996, et fait valoir par ailleurs que la réglementation nationale existante en la matière, composée d'une cinquantaine d'arrêtés sectoriels ainsi que de l'arrêté royal du 21 novembre 1987 concernant la Région wallonne et du décret du gouvernement flamand du 21 octobre 1987, satisfait
aux exigences de l'article 7 de la directive. En outre, les codes de bonnes pratiques agricoles couvriraient également un grand nombre de substances de la liste II. Les autorités belges auraient donc oeuvré dans l'esprit de l'article 7 de la directive.

39 Il convient de relever à cet égard que, conformément à la jurisprudence de la Cour, les programmes à établir en application de l'article 7 de la directive doivent être spécifiques. Ainsi, l'objectif de réduction de la pollution poursuivi par des programmes généraux d'assainissement ne correspond pas nécessairement à celui plus spécifique de la directive (arrêt du 11 juin 1998, Commission/Grèce, C-232/95 et C-233/95, Rec. p. I-3343, point 35).

40 Le caractère spécifique des programmes en question consiste dans le fait qu'ils doivent constituer une approche globale et cohérente, ayant le caractère d'une planification concrète et articulée couvrant l'ensemble du territoire national et concernant la réduction de la pollution causée par toutes les substances de la liste II qui sont pertinentes dans le contexte national de chaque État membre, en rapport avec les objectifs de qualité des eaux réceptrices fixés dans ces mêmes programmes. Ils se
distinguent donc tant d'un programme général d'assainissement que d'un ensemble de mesures ponctuelles visant à réduire la pollution des eaux.

41 Il y a lieu d'ajouter que c'est en fonction des objectifs de qualité établis dans les programmes en question, sur la base de l'examen des eaux réceptrices, que doivent être calculées les normes d'émission fixées dans les autorisations préalables. Par ailleurs, lesdits programmes doivent être communiqués à la Commission sous une forme qui permette leur examen aisé aux fins de leur confrontation et de leur mise en oeuvre harmonisée dans tous les États membres.

42 Or, les mesures nationales en cause ne répondent pas à ces critères.

43 Il convient en effet de relever, en premier lieu, que les mesures en question ne couvrent pas la totalité des substances sur lesquelles porte le recours de la Commission. En tout état de cause, le gouvernement belge n'a pas spécifié quelles sont les substances pertinentes dans son contexte national.

44 En second lieu, il importe de souligner plus particulièrement qu'il ressort du dossier que le document intitulé «Flux vers la mer du Nord», établi dans le cadre des obligations des autorités belges résultant de la déclaration finale de la 3e conférence internationale sur la protection de la mer du Nord, réunit les données disponibles sur les émissions, entre 1985 et 1995, de certaines substances dangereuses dans l'air et dans l'eau susceptibles d'affecter la mer du Nord pour en déduire un
pourcentage de réduction présumé. Il ne comporte donc pas une planification globale de réduction de la pollution en fonction d'objectifs de qualité fixés pour les eaux réceptrices.

45 De même, si les différents arrêtés sectoriels ainsi que les codes de bonnes pratiques agricoles peuvent éventuellement concourir à la réduction de la pollution du milieu aquatique, ils ne constituent toutefois que des mesures ponctuelles et non pas la matérialisation d'une programmation globale et cohérente de réduction de la pollution, fondée sur une étude de la situation des eaux réceptrices et fixant des objectifs de qualité à atteindre. Le fait que les mesures en question pourraient
éventuellement être considérées comme la traduction d'une programmation implicite, ainsi que le prétend le gouvernement belge, n'est pas suffisant pour leur donner le caractère de programmes au sens de l'article 7 de la directive.

46 Par conséquent, il convient de rejeter également le moyen tiré de ce que les mesures nationales en cause constituent des programmes au sens de l'article 7 de la directive.

47 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en n'adoptant pas de programmes de réduction de la pollution comprenant des objectifs de qualité pour les eaux en ce qui concerne les 99 substances énumérées en annexe au recours, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 7 de la directive.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

48 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Le royaume de Belgique ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre)

déclare et arrête:

1) En n'adoptant pas de programmes de réduction de la pollution comprenant des objectifs de qualité pour les eaux en ce qui concerne les 99 substances énumérées en annexe au recours, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu l'article 7 de la directive 76/464/CEE du Conseil, du 4 mai 1976, concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté.

2) Le royaume de Belgique est condamné aux dépens.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-207/97
Date de la décision : 21/01/1999
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d'Etat - Directive 76/464/CEE du Conseil - Pollution aquatique - Non-transposition.

Pollution

Environnement

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Royaume de Belgique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mischo
Rapporteur ?: Ioannou

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1999:17

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