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18/06/1998 | CJUE | N°C-207/97

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 18 juin 1998., Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique., 18/06/1998, C-207/97


Avis juridique important

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61997C0207

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 18 juin 1998. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement d'Etat - Directive 76/464/CEE du Conseil - Pollution aquatique - Non-transposition. - Affaire C-207/97.
Recueil de jurisprud

ence 1999 page I-00275

Conclusions de l'avocat général

1 La Commissio...

Avis juridique important

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61997C0207

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 18 juin 1998. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement d'Etat - Directive 76/464/CEE du Conseil - Pollution aquatique - Non-transposition. - Affaire C-207/97.
Recueil de jurisprudence 1999 page I-00275

Conclusions de l'avocat général

1 La Commission a introduit un recours en manquement au sujet de la mise en oeuvre par le royaume de Belgique de la directive 76/464/CEE du Conseil, du 4 mai 1976, concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté (1).

2 La Commission reproche plus particulièrement au royaume de Belgique de ne pas avoir, en violation de l'article 7 de ladite directive, adopté des programmes de réduction de la pollution comprenant des objectifs de qualité - pour ce qui concerne les 99 substances reprises en annexe I au recours - ou de ne pas avoir communiqué à la Commission, sous forme résumée, lesdits programmes ainsi que les résultats de leur application. De ce fait, le royaume de Belgique aurait manqué à ses obligations en vertu
du traité CE.

Le cadre général de la directive 76/464

3 La directive 76/464, adoptée sur la base des articles 100 et 235 du traité CEE, énonce dans son premier considérant que:

«une action générale et simultanée de la part des États membres en vue de la protection du milieu aquatique de la Communauté contre la pollution, notamment celle causée par certaines substances persistantes, toxiques et bioaccumulables, s'impose de toute urgence».

4 L'article 2 de la directive 76/464 dispose que:

«Les États membres prennent les mesures appropriées pour éliminer la pollution des eaux visées à l'article 1er par les substances dangereuses incluses dans les familles et groupes de substances énumérés sur la liste I de l'annexe, ainsi que pour réduire la pollution desdites eaux par les substances dangereuses incluses dans les familles et groupes de substances énumérés sur la liste II de l'annexe, conformément à la présente directive, dont les dispositions ne constituent qu'un premier pas vers cet
objectif.»

5 La liste I comprend certaines substances individuelles qui font partie des familles et groupes de substances qui y sont énumérés, à choisir principalement sur la base de leur toxicité, de leur persistance et de leur bioaccumulation. Aux termes de l'article 6 de la directive 76/464, le Conseil devra arrêter, pour les substances relevant de la liste I, les valeurs limites que les normes d'émission ne doivent pas dépasser, ainsi que des objectifs de qualité.

6 Selon les dispositions de l'annexe de la directive 76/464, la liste II comprend:

«- les substances qui font partie des familles et groupes de substances énumérés sur la liste I et pour lesquelles les valeurs limites visées à l'article 6 de la directive ne sont pas déterminées,

- certaines substances individuelles et certaines catégories de substances qui font partie des familles et groupes de substances énumérés ci-dessous,

et qui ont sur le milieu aquatique un effet nuisible qui peut cependant être limité à une certaine zone et qui dépend des caractéristiques des eaux de réception et de leur localisation.»

7 L'article 7 de la directive 76/464 dispose:

«1. Afin de réduire la pollution des eaux visées à l'article 1er par les substances relevant de la liste II, les États membres arrêtent des programmes pour l'exécution desquels ils appliquent notamment les moyens considérés aux paragraphes 2 et 3.

2. Tout rejet effectué dans les eaux visées à l'article 1er et susceptible de contenir une des substances relevant de la liste II est soumis à une autorisation préalable, délivrée par l'autorité compétente de l'État membre concerné et fixant les normes d'émission. Celles-ci sont calculées en fonction des objectifs de qualité établis conformément au paragraphe 3.

3. Les programmes visés au paragraphe 1 comprennent des objectifs de qualité pour les eaux, établis dans le respect des directives du Conseil lorsqu'elles existent.

4. Les programmes peuvent également contenir des dispositions spécifiques relatives à la composition et à l'emploi de substances ou groupes de substances ainsi que de produits, et ils tiennent compte des derniers progrès techniques économiquement réalisables.

5. Les programmes fixent les délais de leur mise en oeuvre.

6. Les programmes et les résultats de leur application sont communiqués à la Commission sous forme résumée.

7. La Commission organise régulièrement avec les États membres une confrontation des programmes en vue de s'assurer que leur mise en oeuvre est suffisamment harmonisée. Si elle l'estime nécessaire, elle présente au Conseil, à cette fin, des propositions en la matière.»

8 Conformément à l'article 12 de la directive:

«1. Le Conseil, statuant à l'unanimité, se prononce dans un délai de neuf mois sur toute proposition de la Commission faite en application de l'article 6...

2. La Commission transmet, si possible dans un délai de vingt-sept mois après la notification de la présente directive, les premières propositions faites en application de l'article 7, paragraphe 7. Le Conseil, statuant à l'unanimité, se prononce dans un délai de neuf mois.»

9 L'article 13 dispose enfin que, aux fins de l'application de la directive, les États membres fournissent à la Commission, sur sa demande, entre autres, des informations complémentaires concernant les programmes visés à l'article 7.

10 La directive 76/464, entrée en vigueur à la date de sa notification, à savoir le 5 mai 1976, ne prévoit expressément aucun délai pour la mise en oeuvre concrète des obligations qu'elle énonce. Toutefois, l'absence d'une date limite pour la mise en oeuvre n'a pas été évoquée par le royaume de Belgique pour éventuellement contester l'obligation à laquelle il lui est reproché d'avoir manqué. De toute façon, cette absence de délai ne saurait enlever le caractère contraignant, pour les États membres,
des obligations que contient la directive. Le fait que la Cour a déclaré que la République hellénique et le grand-duché de Luxembourg ont manqué à leurs obligations découlant de l'article 7, paragraphe 2, de la directive 76/464, sans même aborder la question de l'absence de délai, confirme ce point de vue (2).

Remarques préliminaires

11 Avant de pouvoir procéder à l'analyse du bien-fondé des arguments avancés par la Commission, il convient de se pencher sur la recevabilité du recours.

12 Il ressort, en effet, du dossier que le gouvernement belge, sans formellement soulever une exception d'irrecevabilité à l'encontre du présent recours, invoque néanmoins un moyen de défense qui, s'il s'avérait fondé, aurait pour résultat l'irrecevabilité du recours.

13 Selon ce gouvernement, le fait qu'aucune action n'ait été entreprise par la Commission après la lettre de mise en demeure du 26 février 1991 (et la réponse du gouvernement belge du 28 février 1991), et ceci jusqu'au 6 août 1996, date de l'avis motivé, aurait laissé croire au gouvernement belge que la procédure engagée était suspendue et lui donnait l'impression que la Commission avait reconnu le caractère non fondé de son action.

14 A l'encontre de l'argumentation ainsi développée par le gouvernement défendeur, il suffit de relever, comme le fait d'ailleurs à juste titre la Commission, que la Cour a jugé (3) que «les règles de l'article 169 du traité, à la différence de celles de l'article 93 qui y dérogent expressément, doivent trouver application sans que la Commission soit tenue au respect d'un délai déterminé».

15 Dans ce même arrêt (4), la Cour a toutefois également jugé que, «dans certaines hypothèses, une durée excessive de la procédure précontentieuse prévue par l'article 169 est susceptible d'augmenter, pour l'État mis en cause, la difficulté de réfuter les arguments de la Commission et de violer ainsi les droits de la défense». Il appartient donc à l'État membre qui invoque la durée excessive de prouver en quoi celle-ci aurait violé ses droits de défense.

16 Or, le gouvernement belge se limite au constat qu'en l'occurrence la durée de la procédure était excessive et qu'il serait donc évident que l'inaction de la Commission a eu une incidence sur les moyens de défense, sans toutefois avancer le moindre argument quant à la question de savoir en quoi consisterait cette évidence.

17 A défaut de preuve de la part des autorités belges visant à démontrer que la durée de la procédure précontentieuse a eu une incidence négative sur leurs possibilités d'organiser leur défense, je ne peux que conclure au rejet de l'argumentation du royaume de Belgique sur ce point.

Quant au fond

18 Dans sa requête, la Commission reproche au royaume de Belgique de ne pas avoir adopté de programmes de réduction de la pollution comprenant des objectifs de qualité, à tout le moins pour ce qui concerne les 99 substances reprises en annexe I au recours.

19 En réponse à une question écrite que lui a posée la Cour, la Commission a précisé que le présent litige ne porte que sur les 99 substances.

20 La Commission dit ainsi tirer les conséquences du fait qu'elle a concentré la discussion sur les 99 substances en cause lors de la procédure précontentieuse et orienté le débat contradictoire avec le royaume de Belgique sur le défaut d'adoption ou de communication de programmes de réduction de la pollution des eaux par ces substances.

21 La Commission fait valoir qu'il résulte du passage introductif de la liste II (cité au point 6 ci-dessus) que les 99 substances en question, qui relèvent en soi de la liste I, doivent suivre le régime des autres substances de la liste II, puisque le Conseil n'a pas encore arrêté, en ce qui les concerne, les valeurs limites d'émission et les objectifs de qualité prévus par l'article 6 de la directive 76/464.

22 En effet, étant donné que la liste I comprend, hormis le mercure et le cadmium, essentiellement des familles et groupes de substances, il est nécessaire, avant de pouvoir procéder à la définition de valeurs limites d'émission ou d'objectifs de qualité, de définir à l'intérieur de ces groupes et familles, les substances individuelles visées.

23 Les travaux menés à cette fin par la Commission, en coopération avec les États membres, ont abouti à l'établissement d'une liste de 129 substances annexée à la communication de la Commission au Conseil, du 22 juin 1982, relative aux substances dangereuses susceptibles de figurer sur la liste I de la directive 76/464 (5).

24 Dans sa résolution du 7 février 1983, concernant la lutte contre la pollution des eaux, le Conseil, considérant, entre autres, qu'il est souhaitable d'intensifier les recherches sur un certain nombre de substances, de manière à pouvoir décider s'il est nécessaire d'adopter des directives particulières pour ces substances, prend acte de la communication de la Commission et se félicite des efforts déployés par celle-ci pour préparer la poursuite de la mise en oeuvre de la directive 76/464.

25 Le Conseil précise, notamment, dans cette résolution que la liste des 129 substances figurant dans la communication de la Commission servira de base à la Communauté pour poursuivre ses travaux sur la mise en oeuvre de la directive 76/464 et que, dans un premier stade, une attention particulière sera accordée dans la mesure du possible et lorsque cela est approprié à une liste de 11 substances mentionnées en annexe à la résolution.

26 Entre-temps, trois autres substances ont été ajoutées à la liste de la Commission qui comprend, dès lors, 132 substances. Mais, parmi celles-ci, 18 substances ont fait l'objet de directives du Conseil, fixant des valeurs limites d'émission et des objectifs de qualité, et 15 autres ont donné lieu à la proposition de directive du Conseil portant modification de la directive 76/464, présentée par la Commission le 14 février 1990 (6).

27 Le présent recours porte donc sur les 99 substances restantes de la liste annexée à la communication précitée de la Commission et dont le Conseil a pris acte par sa résolution du 7 février 1983.

Quant au statut de la liste des 99 substances

28 Le royaume de Belgique, quant à lui, conteste principalement le caractère juridiquement contraignant de la liste des 99 substances, même pour des actions au titre de l'article 7. En effet, selon le gouvernement défendeur, «le droit communautaire ne s'est pas concrétisé au-delà des 18 substances qui ont été reprises dans des directives-filles». La résolution du Conseil (7) du 7 février 1983 démontrerait à quel point la liste des 99 substances est à voir comme une simple base pour la poursuite de
travaux de définition communautaire.

29 Le gouvernement belge estime que «la Commission fait une association tout à fait incorrecte entre, d'une part, une brève et vague annexe de la directive 76/464, qui est une directive-cadre, et, d'autre part, une résolution politique du Conseil reconnaissant 129 substances comme base pour la poursuite d'études communautaires et comme base provisoire d'éventuelles actions nationales».

30 De plus, le royaume de Belgique cite encore la communication de la Commission (8) du 22 juin 1982 pour démontrer «à quel point l'identification d'une liste de substances - via la résolution - était purement tentative et était à considérer comme une phase intermédiaire, qui aurait dû mener à des propositions de directives concrètes et des directives-filles adoptées par le Conseil».

31 La Commission réplique à l'argumentation du royaume de Belgique que, d'une part, il ressort de la requête que la Commission n'a jamais considéré que la résolution du Conseil avait un caractère juridiquement contraignant et que, d'autre part, «l'obligation à laquelle il est reproché au royaume de Belgique d'avoir manqué découle non de cette résolution, mais de l'article 7 de la directive et de la liste II à laquelle cet article se réfère».

32 Quant à l'argument des autorités belges selon lequel la directive 76/464 ne serait qu'une directive-cadre qui nécessite l'adoption par le Conseil de directives-filles, la Commission objecte que cette analyse est contraire au système mis en place par la directive, système qui définit deux niveaux de protection. Le premier niveau (liste II) viserait la réduction (9) de la pollution des eaux à travers la définition de programmes arrêtés conformément à l'article 7 de la directive. Le second niveau
(liste I) viserait l'élimination (10) de la pollution des eaux à travers les mesures prévues par les articles 3 à 6 de la directive 76/464.

33 La Commission en conclut qu'«il ne peut être soutenu que l'absence de directives-filles concernant la détermination des valeurs limites applicables à une substance équivaut à l'absence de toute obligation au regard du droit communautaire».

34 Le gouvernement belge constate dans sa duplique que «la Commission continue à tirer des conclusions erronées de la lecture de la directive et de la résolution». De l'avis du gouvernement belge, «d'une part, la directive est une directive-cadre qui nécessite des décisions juridiques pour définir de quelles substances il s'agit dans les annexes et, d'autre part, il y a la résolution politique reconnaissant 129 substances comme base pour la poursuite des discussions afin d'arriver à une base
juridique qui établit la liste des substances».

35 Or, ce raisonnement du gouvernement belge comporte, à mon avis, une faille.

36 D'une part, il est, certes, indéniable que, pour ce qui concerne les substances relevant de la liste I, il faut des «décisions juridiques» émanant du Conseil pour définir quelles substances sont individuellement visées. Toutefois, cette détermination par le Conseil des substances individuelles est requise uniquement en vue de les soumettre aux mesures prévues par les articles 3 à 6 de la directive 76/464.

37 Il ressort clairement du système instauré par la directive 76/464 que, en l'absence de détermination par le Conseil des valeurs limites d'émission, les substances relevant de la liste I sont à traiter comme des substances relevant de la liste II, avec pour conséquence qu'elles doivent faire l'objet, conformément à l'article 7 de la directive, d'un programme de réduction de la pollution des eaux, à établir par chaque État membre.

38 Dans le cadre du régime prévu à l'article 7 de la directive 76/464, la détermination des substances visées par la liste II, c'est-à-dire aussi bien celles qui ne relèvent de la liste II qu'à défaut de détermination par le Conseil des valeurs limites d'émission que celles qui relèvent du contenu propre de la liste II, incombe à chaque État membre individuellement. En effet, la directive 76/464 ne confie, en ce qui concerne la détermination des substances relevant de la liste II et devant, à ce
titre, faire l'objet d'un programme de réduction, aucun rôle particulier au Conseil. C'est aux seuls États membres qu'il revient d'individualiser, parmi les familles et les groupes de substances de la liste II, celles qui sont pertinentes dans le contexte national de chaque État membre. Or, ce pouvoir ne saurait être interprété comme équivalant à une liberté laissée aux États membres dans le choix de celles des substances qu'ils vont finalement retenir dans l'élaboration de leur programme national
de réduction. En effet, la directive 76/464 ne prévoit aucune dérogation et, par voie de conséquence, toute substance, dès lors qu'elle relève du premier tiret de la liste II et si elle est pertinente dans le contexte national, doit être incluse dans le programme national établi au titre de l'article 7 de la directive 76/464.

39 D'autre part, alors qu'il est incontesté que la liste des 99 substances ne saurait être considérée comme juridiquement contraignante du seul fait que le Conseil en a pris acte par une résolution, il convient néanmoins de lui reconnaître une certaine pertinence. En effet, dans le cadre de la présente affaire, le seul objectif que sert ladite résolution est de prouver que les 99 substances litigieuses appartiennent, scientifiquement, aux familles et groupes de substances de la liste I. A défaut de
preuve scientifique du contraire de la part du gouvernement belge, je ne peux pas présumer que le Conseil ait entériné, ne fût-ce que par une résolution, des inexactitudes scientifiques.

Quant à l'obligation d'élaborer des programmes

40 Il faut donc considérer que les 99 substances mentionnées à l'annexe de la requête de la Commission relèvent des substances visées au premier tiret de la liste II et elles doivent, par conséquent, faire l'objet d'un programme de réduction de la pollution du milieu aquatique.

41 A ce titre, il ressort du dossier que le royaume de Belgique ne conteste pas l'obligation d'élaborer, en vertu de l'article 7 de la directive 76/464, des programmes visant la réduction de la pollution des eaux. Au contraire, les autorités belges maintiennent qu'elles ont «oeuvré dans l'esprit de l'article 7 de la directive» en adoptant un ensemble de programmes et de mesures, tant au niveau fédéral qu'au niveau régional et que «ces efforts doivent être considérés comme des programmes de réduction
au sens de l'article 7.1».

42 Plus particulièrement, le royaume de Belgique met l'accent sur trois types d'actions:

- la réglementation existante,

- les actions entreprises dans le cadre de la protection de la mer du Nord,

- les codes de bonnes pratiques agricoles.

43 Le royaume de Belgique fait état, tout d'abord, en ce qui concerne la réglementation existante, de plus de 50 arrêtés sectoriels, comportant des normes de déversement contraignantes (ou valeurs limites d'émission) en fonction des secteurs industriels. Ensuite, il indique que l'arrêté royal du 21 novembre 1997 relatif à la qualité de base pour les eaux de surface a fixé les objectifs de qualité relatifs à certaines substances de la liste des 99 substances. Cet arrêté serait encore utilisé en
Région wallonne pour la fixation de conditions particulières plus sévères que les normes sectorielles lorsque les objectifs de qualité ne sont pas respectés. La Région flamande aurait suivi la même démarche et fixé ses propres objectifs de qualité. En outre, celle-ci utiliserait les objectifs de qualité proposés par le Comité scientifique pour la toxicité et l'écotoxicité des substances dangereuses (CSTE). En dernier recours, les autorités régionales compétentes utiliseraient les objectifs de
qualité fixés dans les législations d'autres États membres ou trouvés dans la littérature.

44 Ensuite, le royaume de Belgique rappelle avoir transmis à la Commission un dossier, intitulé «Flux vers la mer du Nord», sur la réduction des émissions de 36 substances vers le milieu aquatique et en conséquence vers la mer du Nord. Selon le gouvernement défendeur, le choix des 36 substances aurait été fondé sur des examens et «screenings» démontrant qu'il y avait priorité à donner, en termes d'objectifs de qualité, à ces substances.

45 Finalement, le royaume de Belgique fait état de codes de bonnes pratiques agricoles visant à réduire les apports diffus de substances phytopharmaceutiques. Ces codes couvriraient également un grand nombre de substances de la liste II, en ce compris les composés organochlorés et organophosphorés qui font partie de la liste des 99 substances annexée à la requête de la Commission.

46 La Commission répond qu'il résulte des informations fournies sur la réglementation belge que «62 substances seraient contrôlées par la Région flamande par le biais de l'application cumulée de valeurs limites d'émission et d'objectifs de qualité environnementaux». Or, poursuit la Commission, le nombre de substances faisant l'objet d'un contrôle similaire à Bruxelles et en Wallonie ne serait que de 36. Elle en conclut que «le royaume de Belgique n'a pas encore adopté, pour l'ensemble de son
territoire, les mesures satisfaisantes permettant de réduire la pollution causée par 63 des 99 substances faisant l'objet de la procédure d'infraction, sans pour autant arguer que lesdites substances ne seraient pas présentes sur le territoire».

47 En ce qui concerne les actions entreprises par le royaume de Belgique dans le cadre de la protection de la mer du Nord, la Commission relève tout d'abord que, sur les 36 substances évoquées, 13 sont des substances de la liste I de l'annexe de la directive 76/464 pour lesquelles des valeurs limites d'émission ont été fixées par directives du Conseil et que, par conséquent, les 23 substances qui restent, et qui relèvent de la liste II, ne sauraient être considérées comme suffisantes. La Commission
évoque encore le fait que ce document «Flux vers la mer du Nord» ne prévoit aucun objectif de qualité des eaux, contrairement à ce que requiert l'article 7 de la directive 76/464.

48 Quant à l'argumentation belge relative aux codes de bonnes pratiques agricoles, la Commission dit ne pas nier que de tels codes concourent à réduire la pollution des eaux. Cependant, la Commission remarque, à juste titre, que «les autorités belges n'ont fourni aucune information permettant de conclure que, par ce biais, les insuffisances ou imperfections de leur dispositif ... seraient corrigées ou comblées» et qu'elles n'ont pas «précisé si ces codes comportent des objectifs de qualité, quelles
substances sont exactement couvertes, etc.».

49 Or, puisqu'il ressort de ce qui est dit plus haut que les programmes de réduction de la pollution, à établir en vertu de l'article 7 de la directive 76/464, doivent, en tout cas, couvrir les 99 substances sur lesquelles porte le présent recours, je dois nécessairement conclure que le royaume de Belgique a manqué à ses obligations découlant dudit article 7 de la directive.

50 En effet, il est constant que le royaume de Belgique n'a pas adopté de programmes visant à réduire, sur l'ensemble de son territoire, la pollution des eaux causée par les substances de la liste II de l'annexe de la directive 76/464 et, plus spécialement, par les 99 substances relevant de la liste annexée au recours.

51 Cependant, ce constat ne clôt pas encore les débats puisque la Commission, au-delà de la problématique des substances devant être couvertes, fait grief au royaume de Belgique de ne pas avoir adopté, formellement, un programme. Selon la Commission, la directive 76/464 «semble postuler au minimum la conception et l'adoption d'un document distinct des mesures prises pour le mettre en oeuvre dans lequel une politique cohérente de réduction de la pollution est décrite». En l'absence d'adoption
formelle d'un programme, la Commission pourrait, dit-elle, difficilement apprécier si un programme est effectivement mis en oeuvre et, dans l'affirmative, en évaluer le contenu et l'efficacité.

52 Le royaume de Belgique conteste cette interprétation de la Commission en relevant que, «nulle part, la directive ne donne une telle interprétation restrictive, qui ne trouve aucun fondement juridique et est, d'ailleurs, contraire à la définition, dans le traité, d'une directive: un instrument qui harmonise les buts à atteindre, laissant le choix du moyen d'action aux États membres». A ce titre, il ressort du dossier que, selon les autorités belges, les arrêtés sectoriels, mentionnés précédemment,
ne remplaceraient pas l'idée de programmation, mais constitueraient, au contraire, un élément indispensable de celle-ci. De plus, l'autorisation de déversement, obligatoire dans tous les cas, serait bien la concrétisation de la programmation implicite contenue dans ces arrêtés sectoriels.

53 A mon avis, alors qu'il est, certes, vrai que la directive 76/464 ne donne pas de définition de la notion de programme, l'interprétation de la Commission semble davantage aller dans le sens voulu par le législateur communautaire. Celui-ci, par l'emploi du terme «programme», a certainement entendu imposer aux États membres une obligation allant au-delà de l'adoption de mesures ponctuelles visant à réduire la pollution.

54 La protection de l'environnement dépend dans une grande mesure de la planification de l'activité globale des institutions publiques nationales et communautaires (11).

55 C'est, en effet, cette idée de planification de l'action des États membres qu'implique l'obligation d'arrêter des programmes. Il s'agit donc d'élaborer des politiques globales en matière de pollution du milieu aquatique dans lesquelles viennent s'insérer les mesures concrètes déjà prises ou encore à prendre, telles que les arrêtés sectoriels belges.

56 La réglementation dont a fait état le royaume de Belgique constitue, mis à part les critiques émises précédemment, indéniablement un instrument utile pour arriver, à terme, à une réduction de la pollution. Cependant, de l'aveu des autorités belges elles-mêmes, les arrêtés sectoriels constituent le reflet d'une programmation implicite. Or, une programmation implicite sous-jacente à une série d'arrêtés sectoriels ne saurait en aucun cas être considérée comme un programme au sens de l'article 7 de
la directive 76/464.

57 Cette conclusion est encore renforcée par le fait que les paragraphes 6 et 7 de l'article 7 instaurent une coopération, voire une coordination, entre tous les États membres et la Commission au sujet des programmes nationaux. La protection de l'environnement, et, plus particulièrement, la réduction de la pollution du milieu aquatique de la Communauté, implique nécessairement, de par le caractère transfrontalier de la pollution aquatique, une coordination entre les États membres. Or, la
confrontation des programmes nationaux, instituée à cette fin par l'article 7 de la directive 76/464, serait impossible à opérer à partir de programmes implicites.

58 Toutefois, avant de conclure, il reste à examiner deux autres arguments développés par le gouvernement défendeur.

59 D'une part, le royaume de Belgique invoque la directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (12). L'adoption de cette directive confirmerait «l'absence de caractère juridiquement contraignant de la liste» en ce qu'elle se substituerait à un certain nombre de dispositions de la directive 76/464, dont notamment l'article 7, paragraphe 2, relatif au principe d'autorisation préalable. De plus, la directive 96/61 tenterait
pour la première fois d'imposer une définition communautaire des substances couvertes. Toutefois, déplore le royaume de Belgique, le texte en question n'offrirait pas la clarté voulue et, de par son caractère indicatif, ne ferait rien d'autre que prolonger l'incertitude juridique et technique qui existerait depuis la directive 76/464.

60 Force est, cependant, de constater que la directive 96/61 laisse inchangée l'obligation incombant aux États membres d'établir des programmes de réduction de la pollution puisqu'elle ne modifie, pour les nouvelles installations, que le régime des autorisations qui devront dorénavant «comporter des valeurs limites d'émission pour les substances polluantes, notamment celles figurant à l'annexe III» (13) de la nouvelle directive. Il ne ressort pas non plus de la directive 96/61 que le législateur
communautaire ait entendu modifier l'annexe de la directive 76/464.

61 D'autre part, le royaume de Belgique soutient que son argumentation serait confirmée par la proposition de directive en cours d'examen par le Conseil, tendant à établir un cadre pour une action de la Communauté dans le domaine de la politique de l'eau, qui prévoit l'abrogation, entre autres, de la directive 76/464. Une version révisée de cette proposition, soumise pour consultation aux États membres, exposerait à sa page 3 «exactement quel était le problème de cette directive (et donc de la
saisine)». On y lit: «One of the problems of directive 76/464 was the lack of any means of identifying priority substances for action among the 129 substances listed in its Annex I. It is essential for the success and credibility of any programme on dangerous substances that the substances be tackled in manageable tranches, that the criteria for prioritisation be open and transparent, and that the substances selected according to those criteria be endorsed by the Community as a whole according to
the procedures established in the Treaty. The Commission shall therefore come forward within a separate proposal for a first priority list, probably comprising around 30 dangerous substances, which will be adopted according to the Treaty procedures, and will produce that list by December 1998.»

62 Je ne saurais cacher que cet argument du royaume de Belgique ne me laisse pas indifférent. L'article 13 de la proposition de directive enjoint, en effet, aux États membres d'élaborer un programme de mesures par district hydrographique. La date prévue pour la mise au point de ces programmes est le 31 décembre 2004. D'autre part, la dernière version de la proposition de directive, versée au dossier par le royaume de Belgique, prévoit effectivement que la directive 76/464 sera abrogée dès la date
d'entrée en vigueur de la nouvelle directive.

63 Il résulte, toutefois, de la jurisprudence de la Cour que «la circonstance que le Conseil soit saisi d'une proposition qui pourrait mettre fin à l'infraction ne saurait lever l'obligation de l'État membre responsable de cette infraction de se conformer aux dispositions communautaires en vigueur» (14).

Conclusion

64 Au vu de tout ce qui précède, je propose à la Cour de:

- constater que, en n'adoptant pas de programmes de réduction de la pollution comprenant des objectifs de qualité pour les 99 substances annexées au recours, et en ne communiquant pas à la Commission, sous forme résumée, lesdits programmes ainsi que les résultats de leur application, en violation de l'article 7 de la directive 76/464/CEE du Conseil, du 4 mai 1976, concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté, le royaume de
Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE;

- condamner le royaume de Belgique aux dépens.

(1) - JO L 129, p. 23.

(2) - Voir arrêts du 11 juin 1998, Commission/Grèce (C-232/95 et C-233/95), et Commission/Luxembourg (C-206/96), non encore publiés au Recueil.

(3) - Voir arrêt du 16 mai 1991, Commission/Pays-Bas (C-96/89, Rec. p. I-2461, point 15).

(4) - Point 16.

(5) - JO C 176, p. 4.

(6) - JO C 55, p. 7.

(7) - Précitée.

(8) - Précitée.

(9) - Souligné dans l'original.

(10) - Souligné dans l'original.

(11) - Voir les conclusions de l'avocat général M. Cosmas du 19 mars 1998, présentées sous l'arrêt du 28 mai 1998, Commission/Espagne (C-298/97, non encore publiées au Recueil, point 11).

(12) - JO L 257, p. 26.

(13) - Article 9, paragraphe 3.

(14) - Arrêt du 12 juillet 1990, Commission/France (C-236/88, Rec. p. I-3163, point 19).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-207/97
Date de la décision : 18/06/1998
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d'Etat - Directive 76/464/CEE du Conseil - Pollution aquatique - Non-transposition.

Données provisoires

Environnement

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Royaume de Belgique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mischo
Rapporteur ?: Ioannou

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1998:311

Source

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