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24/03/1998 | CJUE | N°T-232/97

CJUE | CJUE, Ordonnance du Tribunal de première instance, Micheline Becret-Danieau contre Parlement européen., 24/03/1998, T-232/97


ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

24 mars 1998 ( *1 )

«Fonctionnaires — Recours en annulation — Bulletins de rémunération — Recevabilité — Délais — Fait nouveau et substantiel — Forclusion»

Dans l'affaire T-232/97,

Micheline Becret-Danieau, Jeremiah Cadogan, Madeleine Mesenburg, Rainer Moriarty, Anne-Marie Nilles, Teresa Rodrigues, Fernando Simões, Jean-Louis Spellini, Jeanne Pica-Borruto et Nicole Schulte, fonctionnaires du Parlement européen, demeurant respectivement à Bertrange (Luxembourg), à Steinsel (Luxembourg), à

Biwer (Luxembourg), à Colmar-Berg (Luxembourg), à Marner (Luxembourg), à Mondercange (Luxembourg...

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

24 mars 1998 ( *1 )

«Fonctionnaires — Recours en annulation — Bulletins de rémunération — Recevabilité — Délais — Fait nouveau et substantiel — Forclusion»

Dans l'affaire T-232/97,

Micheline Becret-Danieau, Jeremiah Cadogan, Madeleine Mesenburg, Rainer Moriarty, Anne-Marie Nilles, Teresa Rodrigues, Fernando Simões, Jean-Louis Spellini, Jeanne Pica-Borruto et Nicole Schulte, fonctionnaires du Parlement européen, demeurant respectivement à Bertrange (Luxembourg), à Steinsel (Luxembourg), à Biwer (Luxembourg), à Colmar-Berg (Luxembourg), à Marner (Luxembourg), à Mondercange (Luxembourg), à Munsbach (Luxembourg), à Bascharage (Luxembourg), à Thionville (France) et à Leudelange
(Luxembourg), représentés par Mes Jean-Noël Louis, Ariane Tornei et Françoise Parmentier, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par MM. Manfred Peter, chef de division au service juridique, et Yannis Pantalis, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation des décisions explicites de rejet des demandes des requérants tendant au remboursement de sommes déduites du montant de leur allocation de foyer, en application de l'article 67, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, au titre de la prime de ménage perçue par leur conjoint, et, pour autant que de besoin, des décisions des 15, 21 mai, 16 et 17 juillet 1997 portant rejet explicite de leurs réclamations,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. A. Kalogeropoulos, président, C. W. Bellamy et J. Pirrang, juges,

greffier: M. H. Jung,

rend la présente

Ordonnance

Faits, procédure et conclusions des parties

1 L'article 62, troisième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») prévoit que la rémunération des fonctionnaires comprend, entre autres, des allocations familiales. En vertu de l'article 67, paragraphe 1, du statut, les allocations familiales comprennent, notamment, l'allocation de foyer. D'après le paragraphe 2 de cet article, «les fonctionnaires bénéficiaires des allocations familiales [...] sont tenus de déclarer les allocations de même nature versées
par ailleurs». Il est précisé que ces dernières allocations viennent en déduction de celles payées en vertu du statut.

2 Se fondant sur la règle anticumul de l'article 67, paragraphe 2, du statut, précitée, l'institution défenderesse a déduit de l'allocation de foyer à laquelle chacun des requérants a droit en vertu du statut:

— pour la première requérante, du 1er janvier 1983 au 30 juin 1996, la prime de ménage allouée à son conjoint, employé dans le secteur bancaire luxembourgeois, au titre de la convention collective en vigueur dans ce secteur;

— pour le deuxième requérant, du 1er janvier 1993 (selon le requérant) ou 1994 (selon la partie défenderesse) au 30 juin 1996, la prime de ménage allouée à sa conjointe, employée dans le secteur bancaire luxembourgeois, au titre de la convention collective en vigueur dans ce secteur;

— pour la troisième requérante, du 1er septembre 1980 au 1er juillet 1982 et du 1er juillet 1983 au 30 juin 1996, la prime de ménage allouée à son conjoint, employé dans le secteur bancaire luxembourgeois, au titre de la convention collective en vigueur dans ce secteur;

— pour le quatrième requérant, du 1er avril 1992 au 30 juin 1996, la prime de ménage allouée à sa conjointe, employée dans le secteur bancaire luxembourgeois, au titre de la convention collective en vigueur dans ce secteur;

— pour la cinquième requérante, du 1er avril 1978 au 30 juin 1996, la prime de ménage allouée à son conjoint, employé dans le secteur des assurances luxembourgeois, au titre de la convention collective en vigueur dans ce secteur;

— pour la sixième requérante, du 15 février 1990 au 30 septembre 1995, la prime de ménage allouée à son conjoint, employé dans le secteur bancaire luxembourgeois, au titre de la convention collective en vigueur dans ce secteur;

— pour le septième requérant, du 1er mars 1992 au 1er mars 1993, la prime de ménage allouée à sa conjointe, employée dans le secteur bancaire luxembourgeois, au titre de la convention collective en vigueur dans ce secteur;

— pour le huitième requérant, du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1993, l'allocation de famille allouée à sa conjointe, employée dans le secteur hospitalier luxembourgeois, en vertu de la législation applicable à ce secteur;

— pour la dixième requérante, du 1er avril 1982 au 30 juin 1996, la prime de ménage allouée à son conjoint, employé dans le secteur bancaire luxembourgeois, au titre de la convention collective en vigueur dans ce secteur.

3 La Cour des comptes des Communautés européennes, au service de laquelle se trouvait la neuvième requérante entre le 1er décembre 1992 et le 1er septembre 1994, a pareillement déduit de son allocation de foyer le supplément familial alloué à son conjoint, fonctionnaire territorial français, au titre de la législation sociale française.

4 Par arrêt du 11 juin 1996, Pavan/Parlement (T-147/95, RecFP p. II-861, ci-après «arrêt Pavan»), le Tribunal a considéré que la prime de ménage allouée aux employés des brasseries luxembourgeoises, en vertu de leur convention collective de travail, n'était pas une «allocation de même nature» que l'allocation de foyer, au sens de l'article 67, paragraphe 2, du statut, et a dès lors annulé la décision par laquelle le Parlement, en application dudit article, avait déduit les montants perçus par le
conjoint de la requérante à titre de prime de ménage des montants perçus par la requérante à titre d'allocation de foyer (voir le point 46 de l'arrêt).

5 Agissant de concert avec les autres institutions communautaires établies à Luxembourg, la partie défenderesse a fait savoir aux requérants concernés, par lettres datées du 2 juillet 1996, que, en application de l'arrêt Pavan, et à la lecture des conditions d'octroi de la prime de ménage prévue par la convention collective luxembourgeoise pour les employés de banque, elle avait «constaté que cette prime ne [pouvait] plus être considérée comme étant de même nature que l'allocation de foyer», et
qu'elle avait dès lors décidé de ne plus procéder à sa déduction du montant de leur allocation de foyer, à compter du 1er juillet 1996. La cinquième requérante a reçu une lettre de teneur semblable le 10 janvier 1997.

6 Les requérants, à l'exception de la neuvième requérante, ont introduit auprès de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») de la partie défenderesse, entre le 6 août et le 13 décembre 1996, des demandes identiquement libellées, au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut, tendant au remboursement de toutes les sommes déduites du montant de leur allocation de foyer au titre de la règle anti-cumul, majorées des intérêts moratoires. La neuvième requérante a introduit une
demande analogue auprès de la Cour des comptes.

7 Ces demandes ont fait l'objet de décisions explicites de rejet de la partie défenderesse, notifiées entre le 5 septembre 1996 et le 10 janvier 1997. De même, la demande de la neuvième requérante a été rejetée en décembre 1996 par décision de la Cour des comptes.

8 Chacun des requérants, y compris la neuvième requérante, a adressé à l'AIPN de la partie défenderesse, entre le 17 janvier et le 27 mars 1997, une réclamation contre la décision portant rejet explicite de sa demande.

9 Ces réclamations ont fait l'objet de décisions explicites de rejet en date du 15 mai 1997, à l'exception des septième, neuvième et dixième requérants, dont les réclamations ont été explicitement rejetées par décisions respectivement datées des 21 mai, 16 et 17 juillet 1997.

10 Le motif essentiel invoqué à l'appui de ces décisions de rejet est que les requérants n'ont pas attaqué dans les délais statutaires les actes leur faisant grief, à savoir les bulletins de rémunération dans lesquels les déductions contestées avaient été opérées, et que l'introduction par eux d'une demande de remboursement rétroactif au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut ne suffisait pas à ouvrir un nouveau délai de réclamation.

11 Le rejet de la demande du huitième requérant a également été motivé par le fait que l'allocation de famille versée à son épouse, qui travaille dans le secteur hospitalier luxembourgeois, était distincte de la prime de ménage versée dans le secteur des brasseries luxembourgeoises, et qu'elle devait être considérée comme étant de même nature que l'allocation de foyer.

12 Le rejet de la réclamation de la neuvième requérante a également été motivé par la double considération que cette réclamation n'avait pas été précédée d'une demande auprès de 1'AIPN de l'institution défenderesse, et que les déductions contestées avaient été opérées par une autre institution communautaire, au service de laquelle la requérante se trouvait entre décembre 1992 et août 1994.

13 C'est dans ces conditions que les requérants ont introduit le présent recours, par requête enregistrée au greffe le 7 août 1997, dans laquelle ils concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

— annuler les décisions portant rejet explicite de leurs demandes de remboursement des sommes déduites indûment au titre de primes de ménage;

— condamner la partie défenderesse à leur rembourser toutes les sommes indûment déduites, majorées des intérêts calculés au taux de 8 % l'an depuis la date à laquelle chaque déduction a été opérée jusqu'au jour du remboursement à intervenir;

— condamner la partie défenderesse aux dépens.

14 La partie défenderesse a déposé au greffe, le 15 octobre 1997, une demande au titre de l'article 114 du règlement de procédure, dans laquelle elle conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

— rejeter le recours comme irrecevable;

— condamner les requérants aux dépens.

15 Dans leurs observations sur cette demande, déposées au greffe le 25 novembre 1997, les requérants concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

— déclarer le recours recevable;

— rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse ou, à tout le moins, joindre cette exception au fond;

— statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la recevabilité

16 Aux termes de l'article 114 du règlement de procédure, si une partie demande que le Tribunal statue sur l'irrecevabilité de la requête, sans engager le débat au fond, elle présente sa demande par acte séparé. Le Tribunal peut décider qu'il n'y a pas lieu d'ouvrir la procédure orale et statuer sur la demande par voie d'ordonnance motivée.

17 En l'espèce, le Tribunal s'estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.

Argumentation des parties

18 A l'appui de son exception d'irrecevabilité, la partie défenderesse fait valoir, en substance, que les bulletins de rémunération faisant apparaître les déductions litigieuses constituent, selon une jurisprudence constante, des actes faisant grief au sens de l'article 91, paragraphe 1, du statut et qu'ils sont donc susceptibles de faire l'objet d'une réclamation et d'un recours. Or, les requérants n'auraient pas contesté lesdits actes dans les délais statutaires, et leur recours serait dès lors
tardif.

19 La partie défenderesse complète cette argumentation en se référant à une jurisprudence constante selon laquelle la faculté d'introduire une demande au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut ne permet pas au fonctionnaire d'écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 pour l'introduction de la réclamation et du recours, en mettant indirectement en cause, par le biais d'une demande, une décision antérieure qui n'avait pas été contestée dans les délais.

20 De même, en réponse à l'allégation des requérants selon laquelle leur recours serait un recours en indemnité, la partie défenderesse invoque une jurisprudence constante selon laquelle, dans l'hypothèse où le dommage dont la réparation est demandée a été causé par un acte faisant grief au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, la recevabilité du recours en indemnité est subordonnée à la condition que l'intéressé ait saisi l'AIPN, dans les délais impartis, d'une réclamation contre l'acte
qui lui a causé préjudice et qu'il ait introduit le recours dans un délai de trois mois à compter du rejet de cette réclamation.

21 La partie défenderesse fait valoir, par ailleurs, que l'arrêt Pavan ne saurait être considéré comme constituant un fait nouveau à l'égard des requérants, susceptible de rouvrir le délai de réclamation à leur profit.

22 Enfin, la partie défenderesse soutient que la solution retenue par le Tribunal dans l'arrêt du 10 juillet 1997, AssiDomän Kraft Products e.a./Commission (T-227/95, Rec. p. II-1185, ci-après «arrêt AssiDomän»), n'est pas transposable au cas d'espèce, au motif que les requérants n'étaient pas destinataires de l'acte annulé par l'arrêt Pavan.

23 Quant à la neuvième requérante, la partie défenderesse estime que son recours est manifestement irrecevable non seulement pour les motifs invoqués ci-dessus, mais encore en raison du fait qu'elle n'a pas fait précéder sa réclamation d'une demande, et que cette réclamation est de surcroît adressée à une AIPN qui ne saurait être tenue pour responsable des déductions litigieuses, opérées, en l'espèce, par l'AIPN de la Cour des comptes.

24 Pour justifier la recevabilité de leur recours, les requérants soutiennent qu'ils demandent non pas l'annulation d'actes leur faisant grief, constitués par les bulletins de rémunération faisant apparaître les déductions contestées, mais la réparation du préjudice découlant d'une succession de fautes de service de l'administration, à savoir, la déduction du montant de leur allocation de foyer, sur la base d'une interprétation erronée du statut, de la prime de ménage versée à leur conjoint.

25 Ils se réfèrent par ailleurs à l'arrêt du Tribunal du 6 mars 1996, Scheibeek/Parlement (T-141/95, RecFP p. II-315, ci-après «arrêt Scheibeck», point 40), aux termes duquel, dans l'hypothèse où l'institution, dans l'exercice du devoir qui lui incombe en vertu de l'article 67, paragraphe 2, du statut, constate qu'elle n'a pas qualifié de façon correcte, selon des critères objectifs d'application uniforme, les allocations nationales déclarées par l'intéressé et, de ce fait, a procédé indûment à leur
déduction, la décision obligatoire de mettre fin à l'application de l'article 67, paragraphe 2, du statut prend effet au moment où la première déduction indue est intervenue, et soutiennent qu'ils se trouvent précisément dans le cas de figure envisagé par cet arrêt.

26 Les requérants invoquent également l'arrêt AssiDomän, dont les principes leur paraissent transposables au cas d'espèce. Selon eux, le remboursement des sommes indûment déduites de leur allocation de foyer fait partie des mesures d'exécution que les institutions communautaires auraient dû prendre pour réparer l'intégralité du préjudice causé par l'acte annulé par l'arrêt Pavan.

27 La neuvième requérante souligne qu'elle est fonctionnaire des Communautés européennes, et non d'une institution en particulier. Elle estime avoir régulièrement adressé sa réclamation, par la voie hiérarchique, à l'AIPN compétente, à savoir l'AIPN de l'institution au service de laquelle elle était affectée en mars 1997. Quant à l'introduction de sa demande auprès de la Cour des comptes, elle fait valoir qu'il appartenait à l'AIPN de cette institution, dans l'hypothèse où elle aurait été saisie
erronément, et en application de son devoir de sollicitude, de transmettre d'office ladite demande à l'AIPN du Parlement ou, à tout le moins, d'indiquer à la requérante la procédure à suivre.

Appréciation du Tribunal

28 En vue d'apprécier le bien-fondé de l'exception d'irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse, il convient de rappeler que, dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, un recours en indemnité, qui constitue une voie de droit autonome par rapport au recours en annulation, n'est recevable que s'il a été précédé d'une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires.

29 Cette procédure diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d'un acte faisant grief au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, ou d'un comportement de l'administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l'intéressé de saisir, dans les délais impartis, l'AIPN d'une réclamation dirigée contre l'acte en cause. Dans le second cas, en revanche, la procédure administrative doit débuter par l'introduction d'une demande au sens de
l'article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement, et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (ordonnance du Tribunal du 25 février 1992, Marcato/Commission, T-64/91, Rec. p. II-243, points 30 à 35; arrêts du Tribunal du 28 juin 1996, Y/Cour de justice, T-500/93, RecFP p. II-977, points 64 à 66, et du 6 novembre 1997, Liao/Conseil, T-15/96, RecFP p. II-897, points 57 et 58).

30 En l'espèce, le dommage dont la réparation est demandée résulte de la déduction des allocations nationales litigieuses du montant de l'allocation de foyer à laquelle les requérants ont droit, opérée par l'AIPN, jusqu'en juin 1996, dans les fiches mensuelles de traitement des requérants.

31 Or, selon une jurisprudence constante, les bulletins de rémunération constituent des actes faisant grief et sont donc susceptibles de faire l'objet d'une réclamation et éventuellement d'un recours (arrêts de la Cour du 21 février 1974, Schots-Kortner e.a./Conseil, Commission et Parlement, 15/73 à 33/73, 52/73, 53/73, 57/73 à 109/73, 116/73, 117/73, 123/73, 132/73 et 135/73 à 137/73, Rec. p. 177, point 18, et du 4 juillet 1985, Allo/Commission, 176/83, Rec. p. 2155, point 13; arrêt du Tribunal du
29 janvier 1997, Adriaenssens e.a./Commission, T-7/94, RecFP p. II-1, point 29).

32 La jurisprudence précise que la communication de la fiche mensuelle de traitement a pour effet de faire courir les délais de recours contre une décision administrative lorsque cette fiche fait apparaître clairement l'existence et la portée de cette décision (arrêts de la Cour du 22 septembre 1988, Canters/Commission, 159/86, Rec. p. 4859, point 6, et du 27 juin 1989, Giordani/Commission, 200/87, Rec. p. 1877, point 13; arrêts du Tribunal du 1er octobre 1992, Schavoir/Conseil, T-7/91, Rec. p.
II-2307, point 34, et du 22 juin 1994, Di Marzio et Lebedef/Commission, T-98/92 et T-99/92, RecFP p. II-541, point 24).

33 Tel est le cas de la fiche de rémunération révélant au fonctionnaire concerné une retenue effectuée, conformément à l'article 67, paragraphe 2, du statut, sur la base des renseignements qu'il a lui-même fournis à l'AIPN.

34 Il s'ensuit que la recevabilité du présent recours est subordonnée à la condition que les intéressés aient saisi l'AIPN, dans les délais impartis, de réclamations contre leurs fiches mensuelles de traitement, et qu'ils aient introduit le recours dans un délai de trois mois à compter du rejet de ces réclamations (arrêts de la Cour du 15 décembre 1966, Schreckenberg/Commission, 59/65, Rec. p. 785, et du 22 octobre 1975, Meyer-Burckhardt/Commission, 9/75, Rec. p. 1171, 1182 et suivantes; arrêt du
Tribunal du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T-27/90, Rec. p. II-35, point 28; ordonnance Marcato/Commission, précitée, point 33).

35 A cet égard, le Tribunal relève que l'arrêt Scheibeek, invoqué par les requérants, vise une situation très particulière, dans laquelle l'institution défenderesse avait admis que l'acte faisant grief était une décision de l'AIPN postérieure aux bulletins de rémunération faisant apparaître les déductions litigieuses, ce qui est précisément contesté en l'espèce.

36 En tout état de cause, l'arrêt Scheibeek ne comporte aucun examen des conditions de recevabilité d'un recours dirigé, directement ou indirectement, contre un bulletin de rémunération, et ne saurait dès lors être interprété comme opérant un renversement de la jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal en la matière, d'autant que cette jurisprudence a été confirmée entre-temps par l'arrêt Adriaenssens e.a./Commission, précité.

37 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que les requérants sont forclos à attaquer les bulletins de rémunération faisant apparaître les déductions litigieuses, dès lors qu'ils ne l'ont pas fait dans les délais statutaires.

38 Par ailleurs, la faculté d'introduire une demande au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut ne permet pas au fonctionnaire d'écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 pour l'introduction de la réclamation et du recours, en mettant indirectement en cause, par le biais d'une demande, une décision antérieure qui n'avait pas été contestée dans les délais (arrêt de la Cour du 13 novembre 1986, Becker/Commission, 232/85, Rec. p. 3401, point 8, et arrêt Adriaenssens e.a./Commission,
précité, point 27).

39 A supposer, néanmoins, que les demandes présentées par les requérants entre le 6 août et le 13 décembre 1996 puissent être interprétées comme des réclamations formées contre leurs bulletins de rémunération (voir l'arrêt Adriaenssens e.a./Commission, précité, point 28), et pour autant que ces réclamations, dans la mesure où elles visent les plus récents de ces bulletins, ont été introduites dans le délai statutaire de trois mois, force est de constater qu'elles ont fait l'objet de décisions
explicites de rejet notifiées entre le 5 septembre 1996 et le 10 janvier 1997. Le présent recours, dès lors qu'il n'a été introduit que le 7 août 1997, a été introduit plus de six mois après ces rejets et doit donc être déclaré irrecevable pour cause de tardiveté au regard de l'article 91, paragraphe 3, du statut.

40 Les délais de recours étant d'ordre public et n'étant à la discrétion ni du juge ni des parties, l'irrecevabilité du présent recours n'est pas remise en cause par le fait que l'institution défenderesse a, par décisions des 15 mai, 21 mai, 16 et 17 juillet 1997, rejeté les prétendues réclamations au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, introduites par les requérants entre le 17 janvier et le 27 mars 1997.

41 Il est toutefois de jurisprudence constante que l'existence de faits nouveaux substantiels peut justifier la présentation d'une demande ou d'une réclamation tendant au réexamen d'une décision qui n'a pas été contestée dans les délais (arrêts de la Cour du 15 mai 1985, Esly/Commission, 127/84, Rec. p. 1437, point 10, et du 14 juin 1988, Muysers et Tülp/Cour des comptes, 161/87, Rec. p. 3037, point 11; ordonnance du Tribunal du 11 juillet 1997, Chauvin/Commission, T-16/97, RecFP p. II-681, point
37).

42 A ce stade du raisonnement, il reste donc à examiner si, comme le soutiennent les requérants, l'arrêt Pavan constitue un fait nouveau et substantiel leur permettant d'introduire, après l'expiration du délai de réclamation, une nouvelle contestation des bulletins de rémunération litigieux.

43 A cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les effets juridiques d'un arrêt de la Cour ou du Tribunal rendu dans le cadre du contentieux de l'annulation ne touchent, outre les parties, que les personnes directement concernées par l'acte annulé lui-même, et qu'un tel arrêt n'est susceptible de constituer un fait nouveau qu'à l'égard de ces personnes (arrêts de la Cour du 17 juin 1965, Müller/Conseils CEE, CEEA et CECA, 43/64, Rec. p. 499, 515, du 14 décembre 1965,
Pfloeschner/Commission, 52/64, Rec. p. 1211, 1219, Schots-Kortner e.a./Conseil, Commission et Parlement, précité, point 38, et du 8 mars 1988, Brown/Cour de justice, 125/87, Rec. p. 1619, point 13; ordonnance du président de la Cour du 17 juin 1997, National Power et PowerGen/Commission, C-151/97 P (I) et C-157/97 P (I), Rec. p. I-3491, point 73; conclusions de l'avocat général M. Gand sous l'arrêt de la Cour du 14 juillet 1965, Loebisch e.a./Conseils CEE, CEEA et CECA, 50/64, 51/64, 53/64, 54/64
et 57/64, Rec. p. 1015, 1027; ordonnances du Tribunal du 15 décembre 1995, Progoulis/Commission, T-131/95, RecFP p. II-907, point 41, et Chauvin/Commission, précitée, point 43).

44 Or, en l'espèce, les requérants n'étaient pas parties au litige dans l'affaire Pavan et ne prétendent pas avoir été concernés directement par l'acte annulé dans cette affaire. L'arrêt Pavan ne saurait, dès lors, être considéré comme un fait nouveau substantiel susceptible de rouvrir le délai de réclamation à leur profit.

45 Quant à la jurisprudence résultant de l'arrêt AssiDomän, elle ne saurait être transposée au cas d'espèce. En effet, à la différence des actuels requérants, la requérante AssiDomän était l'une des destinataires de la décision de la Commission annulée par le Tribunal, et elle pouvait donc être considérée comme directement concernée par l'acte annulé, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 43 ci-dessus, bien qu'elle-même n'ait pas formé un recours en annulation contre ledit acte. C'est en
considération de cette situation particulière que le Tribunal a, exceptionnellement (voir le point 69 de l'arrêt), admis que l'institution concernée puisse, en vertu de l'article 176 du traité, être tenue d'examiner, sur la base d'une demande introduite dans un délai raisonnable, s'il y a lieu, pour elle, de prendre des mesures à l'égard non seulement des parties ayant obtenu gain de cause, mais aussi à l'égard des destinataires de cet acte qui n'ont pas formé un recours en annulation (point 72
de l'arrêt).

46 En tout état de cause, l'arrêt AssiDomän se situe dans un contexte juridique très différent de celui de la présente espèce, puisqu'il concerne les effets d'un arrêt d'annulation d'une décision de la Commission imposant des sanctions du chef d'infractions aux règles de concurrence du traité, dans des circonstances où le Tribunal constate que les faits sur la base desquels ces sanctions ont été infligées ne sont pas établis.

47 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le présent recours comme irrecevable.

Sur les dépens

48 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. En l'espèce, chaque partie supportera donc ses propres dépens.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne:

  1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

  2) Chaque partie supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 24 mars 1998.

Le greffier

  H. Jung

Le président

A. Kalogeropoulos

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( *1 ) Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : T-232/97
Date de la décision : 24/03/1998
Type de recours : Recours de fonctionnaires - irrecevable

Analyses

Fonctionnaires - Recours en annulation - Bulletins de rémunération - Recevabilité - Délais - Fait nouveau et substantiel - Forclusion.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Micheline Becret-Danieau
Défendeurs : Parlement européen.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1998:65

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