ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
19 février 1998 ( *1 )
«Fonctionnaires — Cure thermale — Article 59 du statut — Congé de maladie — Congé spécial»
Dans l'affaire T-196/97,
Donato Continolo, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, représenté par Mes Jean-Noël Louis, Thierry Demaseure, Ariane Tornei et Françoise Parmentier, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes Christine Berardis-Kayser et Florence Duvieusart-Clotuche, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 24 juin 1996, telle que confirmée par la décision de rejet de la réclamation du requérant du 30 janvier 1997, de ne pas accorder au requérant un congé supplémentaire pour cure thermale,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),
composé de Mme P. Lindh, président, MM. K. Lenaerts et J. D. Cooke, juges,
greffier: M. A. Mair, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 17 décembre 1997,
rend le présent
Arrêt
Cadre réglementaire
1 Le collège des chefs d'administration des Communautés européennes a, au cours de sa 205e réunion du 8 décembre 1994, approuvé la conclusion no 207/94 relative au congé spécial pour des cures thermales autres que postopératoires ou de convalescence (ci-après «conclusion du 8 décembre 1994»).
2 Le 28 décembre 1994, la Commission a repris, dans la directive interne no 8927, publiée aux Informations administratives du 9 janvier 1995 (ci-après «directive interne du 28 décembre 1994»), les conditions d'octroi d'un congé spécial posées par la conclusion précitée. Applicable aux cures thermales autres que postopératoires ou de convalescence à partir du 1er janvier 1995, cette directive interne prévoit que, «en cas de cure thermale jugée strictement nécessaire pour des raisons médicales et
dûment autorisée par le médecin-conseil du [régime d'assurance maladie commun aux institutions des Communautés européennes (ci-après ‘RCAM’1'[autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après ‘AIPN’)] peut octroyer un congé spécial d'une durée égale à la moitié du temps de séjour nécessaire à cette cure - mais ne dépassant pas sept jours et demi ouvrables - et à condition que la cure s'effectue dans des établissements agréés par les instances nationales compétentes. A la lumière du rapport de
fin de cure, et sur proposition du médecin-conseil de l'institution, 1'AIPN peut octroyer jusqu'à sept jours et demi de congé supplémentaire».
3 La Commission a publié le 23 mai 199d les Informations administratives no 894 intitulées «Procédure à suivre pour obtenir le remboursement des frais pour cures thermales et l'octroi d'un congé spécial».
4 Le 1er février 1996, les chefs d'administration de toutes les institutions ont confirmé le critère proposé par le collège médical interinstitutionnel pour l'octroi de la seconde tranche du congé spécial pour cure thermale. Celle-ci ne devrait être octroyée que dans le cas d'une cure thermale liée à une maladie grave remboursable à 100 % (ci-après «conclusion du 1er février 1996»).
Faits à l'origine du recours
5 Le 10 mars 1995, le requérant a introduit auprès du bureau liquidateur du RCAM d'Ispra (ci-après «bureau liquidateur») une demande d'autorisation préalable pour une cure thermale de 20 jours qu'il désirait effectuer en deux périodes, en mai et en septembre de la même année. Cette demande était justifiée par un certificat médical du 9 mars 1995, qui faisait état de ce que le requérant souffrait d'une sciatique lombaire et d'une hernie discale.
6 Le 21 mars 1995, le médecin-conseil du bureau liquidateur d'Ispra a accordé l'autorisation demandée par le requérant.
7 Le requérant a fait une cure thermale du 8 au 20 mai 1995 et du 25 septembre au 6 octobre 1995, d'une durée totale de 19 jours ouvrables. En application de la directive interne du 28 décembre 1994, le requérant a obtenu un congé spécial pour cure thermale de sept jours et demi.
8 Le 20 décembre 1995, le requérant a introduit, sur le fondement de la directive interne du 28 décembre 1994, une demande auprès du médecin-conseil tendant à la réattribution de la totalité des jours de congé qu'il avait pris à l'occasion de sa cure thermale.
9 Par note du 2 avril 1996, le Dr Orth, chef du service médical d'Ispra, a fait savoir au requérant que, «sur la base de la conclusion du 8 décembre 1994, le médecin-conseil de l'institution n'était pas en mesure de proposer à l'AIPN l'octroi d'un congé supplémentaire».
10 Par note du 10 juin 1996, le requérant a transmis au chef de l'unité 3 («gestion des droits individuels») de la direction B («droits et obligations») de la direction générale IX (Personnel et administration) (ci-après «unité IX.B.3»), en tant qu'AIPN, le refus du service médical et demandé à bénéficier de sept jours et demi de congé supplémentaire pour cure thermale.
11 La demande du requérant a été rejetée par note du 24 juin 1996 en raison du fait que l'octroi de ce congé supplémentaire était subordonné à un avis positif du médecin-conseil, qui, dans le cas d'espèce, faisait défaut.
12 Le 16 septembre 1996, le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») contre cette décision.
13 La décision explicite de rejet de la réclamation a été adoptée le 30 janvier 1997. Cette décision a été notifiée au requérant le 19 mars 1997.
Procédure et conclusions des parties
14 C'est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 juin 1997, le requérant a introduit le présent recours.
15 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— annuler la décision de la Commission refusant de lui accorder la totalité du congé de maladie prescrit par son médecin traitant pour suivre un traitement médical par cure thermale;
— condamner la Commission aux dépens.
16 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— rejeter le recours comme non fondé;
— statuer sur les dépens comme de droit.
17 Par lettre du 29 octobre 1997, le requérant a renoncé au dépôt du mémoire en réplique dans la présente affaire. La procédure écrite a ainsi été clôturée le 29 octobre 1997.
18 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, par lettre du 27 novembre 1997, le Tribunal a invité le requérant à répondre à certaines questions écrites et la Commission à produire certains documents. Les parties ont donné suite à ces demandes dans le délai qui leur avait été imparti.
19 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 17 décembre 1997.
Sur le fond
20 A l'appui de ses conclusions, le requérant invoque deux moyens. Le premier est tiré de la violation de l'article 59 du statut ainsi que de l'illégalité de la conclusion du 8 décembre 1994, de la directive interne du 28 décembre 1994 et de la conclusion du 1er février 1996. Le second est pris de la violation du devoir de motivation ainsi que des principes de sécurité juridique, de confiance légitime, de respect des droits acquis et de non-rétroactivité.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l'article 59 du statut ainsi que de l'illégalité de la conclusion du 8 décembre 1994, de la directive interne du 28 décembre 1994 et de la conclusion du 1er février 1996
Arguments des parties
21 Le requérant fait valoir que l'article 59 du statut dispose explicitement qu'un fonctionnaire «qui justifie être empêché d'exercer ses fonctions par suite de maladie ou d'accident bénéficie de plein droit d'un congé de maladie». Il ajoute que, en vertu de la même disposition, l'intéressé «est tenu de produire, à partir du quatrième jour de son absence, un certificat médical» et il «peut être soumis à tout contrôle médical organisé par l'institution».
22 Se référant à l'arrêt de la Cour du 19 juin 1992, V./Parlement (C-18/91 P, Rec. p. I-3997, points 32 et suivants), et à l'arrêt du Tribunal du 6 mai 1997, Quijano/Commission (T-169/95, RecFP p. II-273, points 38 et 39), le requérant soutient que la présentation d'un certificat médical fait naître une présomption de régularité de l'absence du fonctionnaire. Cette présomption ne pourrait être renversée que par des conclusions en sens contraire résultant d'un contrôle médical organisé en temps utile
par l'institution.
23 Or, comme le requérant a adressé, en temps utile, un certificat motivé de son médecin traitant prescrivant un traitement médical de 20 jours par cure thermale, et comme le médecin-conseil du bureau liquidateur a reconnu que le traitement médical par cure thermale était strictement nécessaire pour des raisons médicales, le requérant estime que, en application de l'article 59 du statut, il aurait dû bénéficier de plein droit d'un congé de maladie couvrant toute la durée de son absence pour suivre
le traitement prescrit. Le bien-fondé du traitement prescrit n'aurait, par ailleurs, pas été mis en cause par 1'AIPN, qui n'a pas fait procéder, pendant le traitement médical, à un examen de contrôle.
24 Le requérant en conclut que le refus de l'administration d'accepter le certificat médical, sans avoir fait usage de sa faculté de soumettre le requérant à une visite médicale de contrôle, est contraire à l'article 59 du statut. La décision de l'AIPN du 24 juin 1996 telle que confirmée par la décision de rejet de la réclamation du 30 janvier 1997, serait donc illégale.
25 A titre subsidiaire, le requérant fait valoir que la décision attaquée est illégale en ce qu'elle se fonde sur des dispositions réglementaires illégales, à savoir la conclusion du 8 décembre 1994, la directive interne du 28 décembre 1994 et la conclusion du 1er février 1996. L'article 59 du statut étant une disposition claire, les chefs d'administration ne seraient pas en droit d'en restreindre la portée en autorisant l'administration à ne pas tenir compte d'un certificat médical ou en prévoyant
que le congé de maladie ne peut être octroyé que si le traitement médical est lié à une maladie remboursable à 100 % (arrêt du Tribunal du 14 décembre 1990. Brems/Conseil, T-75/89. Rec. p. II-899, point 29, et arrêt de la Cour du 7 mai 1992, Conseil/Brems, C-70/91 P, Rec. p. I-2973, points 16 à 18). Les conclusions des 8 décembre 1994 et 1er février 1996, soumettant l'octroi d'un congé de maladie pour suivre un traitement par cure thermale prescrit par un médecin à des conditions supplémentaires
qui ne sont pas prévues à l'article 59 du statut, seraient dès lors illégales.
26 A l'audience, le requérant a encore fait valoir que l'article 6 de l'annexe V du statut règle les modalités des congés spéciaux. Comme ces dispositions ne prévoiraient pas la possibilité de bénéficier d'un congé spécial pour cure thermale, un congé pour cure thermale devrait nécessairement être considéré comme un congé de maladie au sens de l'article 59 du statut.
27 La Commission rétorque que le requérant a assimilé à tort la cure thermale à la maladie. Elle rappelle que la directive interne du 28 décembre 1994 est fondée sur l'annexe V du statut et non sur son article 59 et que les Informations administratives no 894 du 23 mai 1995 disposent explicitement que «la cure thermale n'est pas considérée comme une absence maladie».
28 Elle explique que la différence entre un congé de maladie et un congé pour cure thermale provient de ce que le premier est justifié par le fait que le fonctionnaire est «empêché d'exercer ses fonctions par suite de maladie ou d'accident» (article 59, paragraphe 1, du statut), attesté, le cas échéant, par un certificat médical, dont la durée et la fréquence ne sont pas déterminées. En revanche, le second serait une absence programmée et le certificat du médecin traitant qui prescrit la cure
thermale n'attesterait nullement un empêchement du fonctionnaire d'exercer ses fonctions.
29 Ensuite, la Commission nie avoir refusé le certificat médical du requérant. L'autorisation qui lui a été accordée le 21 mars 1995 démontrerait le contraire. Elle ajoute que le fait que la cure a été appréciée au regard du critère de nécessité est lié au point XI de l'annexe I à la réglementation relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «réglementation de couverture»), afin de permettre le remboursement de 80 % des frais pour les
traitements suivis lors de la cure et des frais de logement. L'appréciation de la cure au regard du critère de nécessité relèverait donc du RCAM et serait étranger à la question de l'octroi du congé spécial.
Appréciation du Tribunal
30 A titre liminaire, le Tribunal constate que le requérant a introduit le 10 mars 1995 une demande d'autorisation préalable pour une cure thermale de 20 jours et que cette demande était justifiée par un certificat médical du 9 mars 1995. La seule finalité de la demande formulée par le requérant, et du certificat médical accompagnant cette demande, était l'obtention d'une autorisation préalable au titre du point XI de l'annexe I à la réglementation de couverture pour le remboursement de certains
frais relatifs à son séjour planifié dans une institution thermale. Le dépôt du certificat médical, le 10 mars 1995, ne tendait donc pas à l'octroi d'un congé de maladie en vertu de l'article 59 du statut. Le Tribunal constate à cet effet que ce n'est qu'après avoir effectué la seconde période de sa cure thermale en septembre-octobre 1995 que le requérant s'est opposé pour la première fois à. l'imputation de ses jours d'absence pour cure thermale sur ses jours de congé annuel. Ni avant de partir
en cure thermale, ni même au cours de cette dernière, le requérant ne s'est prévalu du bénéfice de l'article 59 du statut.
31 II est constant que la partie défenderesse a accordé au requérant l'autorisation préalable prévue au point XI de l'annexe I à la réglementation de couverture qu'il avait demandée. Dans de telles circonstances, il ne saurait donc être question d'un refus de la partie défenderesse de reconnaître la validité du certificat médical qui avait été joint à la demande du requérant dans le seul but d'obtenir cette autorisation.
32 II convient encore d'examiner la question de savoir si un certificat médical qui justifie, lorsqu'il atteste de la nécessité pour un fonctionnaire de faire une cure thermale, l'octroi d'une autorisation préalable pour cure thermale au titre du point XI de l'annexe I à la réglementation de couverture, ouvre automatiquement droit, au fonctionnaire concerné, à un congé de maladie au titre de l'article 59 du statut.
33 Le point XI, paragraphe 1, premier alinéa, de l'annexe I de la réglementation de couverture dispose que les «frais de logement, à l'exclusion des frais de nourriture, relatifs à une cure prescrite par le médecin traitant, pour autant que cette cure ait été reconnue strictement nécessaire par le médecin-conseil du bureau liquidateur, qu'elle ait fait l'objet d'une autorisation préalable et qu'elle ait été effectuée sous contrôle médical, sont remboursés à 80 %». Le point XI, paragraphe 1,
troisième alinéa, précise que «la demande d'autorisation préalable devra être accompagnée, à l'intention du médecin-conseil du bureau liquidateur, de la prescription médicale ainsi que d'un rapport médical détaillé justifiant la nécessité de la cure». Le point XI, paragraphe 2, de l'annexe I à la réglementation de couverture prévoit en outre que les «frais de traitement et de contrôle médical exposés pendant les cures sont remboursés dans la limite des taux et des plafonds prévus pour chaque
prestation».
34 Quant au congé de maladie, il ressort de l'article 59, paragraphe 1, du statut, qu'il n'est octroyé qu'au fonctionnaire qui est «empêché d'exercer ses fonctions par suite de maladie ou d'accident». Il s'ensuit que c'est l'incapacité de travail du fonctionnaire, au moment de son absence, pour cause de maladie ou d'accident, qui constitue le critère d'application de l'article 59 du statut. Le fonctionnaire absent pour cause de maladie ou d'accident «est tenu de produire, à partir du quatrième jour
de son absence, un certificat médical» (article 59, paragraphe 1, du statut). Ce certificat médical doit faire ressortir «avec une précision suffisante et de façon concluante, l'incapacité» de travail (arrêt du Tribunal du 20 novembre 1996, Z/Commission, T-135/95, RecFP p. II-1413, point 34).
35 Le Tribunal estime que les dispositions de l'article 59 du statut doivent donc être interprétées en ce sens qu'un fonctionnaire qui fait une cure thermale peut uniquement bénéficier d'un congé de maladie s'il est en mesure de justifier que, au moment de cette cure, il est incapable de travailler, en raison d'une maladie ou d'un accident.
36 Le certificat médical soumis par un fonctionnaire en vue d'obtenir une autorisation préalable au titre du point XI de l'annexe I à la réglementation de couverture atteste uniquement de la nécessité d'un traitement par cure thermale au sens de cette réglementation. La nécessité de faire une cure, qui justifie l'octroi de l'autorisation préalable, ne démontre toutefois pas, en soi. une incapacité de travail du fonctionnaire au moment de sa cure. En effet, le fonctionnaire qui fait une cure n'est
pas pour autant «empêché d'exercer ses fonctions» au moment de la cure par suite de maladie ou d'accident. Il l'est toutefois à cause de son séjour dans une institution thermale.
37 La cure thermale se distingue d'un traitement médical qui affecte le patient dans son intégrité physique et le rend ainsi incapable de travailler, tel qu'une opération, une dialyse ou une chimiothérapie. Dans ce dernier cas, un fonctionnaire qui subit un tel traitement est empêché d'exercer ses fonctions par suite de maladie au sens de l'article 59 du statut pendant la durée de ce traitement, même si celui-ci, tout comme une cure thermale, peut être programmé à l'avance.
38 II convient donc de conclure qu'un certificat médical qui justifie l'octroi d'une autorisation préalable pour cure thermale dans le cadre de la réglementation de couverture n'ouvre pas automatiquement droit à un congé de maladie en vertu de l'article 59 du stamt.
39 Il y a, toutefois, lieu d'ajouter que le fait de subir une cure thermale n'exclut pas non plus, en soi, que le fonctionnaire puisse bénéficier d'un congé de maladie au sens de l'article 59 du statut. En effet, lorsque les conditions de l'article 59 du statut sont réunies, le fonctionnaire a droit à un congé de maladie même s'il se trouve en cure.
40 Ainsi, les conditions de l'article 59 du statut sont réunies lorsqu'un fonctionnaire prouve par certificat médical que, au cours de sa cure, il souffrait d'une maladie qui l'aurait empêché d'assurer son service s'il ne s'était pas trouvé en cure. Tout comme un fonctionnaire qui tombe malade pendant son congé annuel a droit à la récupération des jours de congé pendant lesquels il a été malade, un fonctionnaire qui fait une cure thermale a droit à un congé de maladie pour les jours de sa cure
pendant lesquels il aurait été incapable de travailler par suite de maladie s'il ne s'était pas trouvé en cure.
41 En l'espèce, le certificat du médecin traitant du requérant du 9 mars 1995 ne constitue pas un certificat médical attestant de son incapacité de travail du fait d'une maladie ou d'un accident. En effet, le certificat médical atteste uniquement de la nécessité d'un traitement par cure thermale au sens de la réglementation de couverture.
42 Il ressort de ce qui précède que le requérant n'a pas démontré qu'il était empêché d'exercer ses fonctions par suite de maladie ou d'accident au sens de l'article 59 du statut au moment de sa cure. Il ne satisfaisait donc pas aux conditions requises pour bénéficier d'un congé de maladie pour la période de sa cure thermale.
43 En ce qui concerne, ensuite, la prétendue illégalité des conclusions des 8 décembre 1994 et 1er février 1996 et de la directive interne du 28 décembre 1994, le Tribunal constate que l'article 57, second alinéa, du statut dispose que, en dehors du congé annuel, un fonctionnaire «peut se voir accorder, à titre exceptionnel, sur sa demande, un congé spécial. Les modalités d'octroi de ces congés sont fixées à l'annexe V». L'article 6 de l'annexe V du statut prévoit que, «[e]n dehors du congé annuel,
le fonctionnaire peut se voir accorder, sur sa demande, un congé spécial» et ajoute que, «[e]n particulier, les cas prévus ci-après ouvrent droit à ce congé dans les limites suivantes [...]». Le Tribunal estime qu'il ressort sans équivoque de cette dernière disposition, et notamment de l'utilisation des mots «en particulier», que les cas mentionnés à cet article constituent une enumeration non limitative des situations pouvant ouvrir droit à un congé spécial. L'annexe V du statut auquel renvoie
l'article 57, second alinéa, dudit statut constitue donc la base légale appropriée pour l'octroi d'un congé spécial, même pour des absences, comme les absences pour cure thermale, qui ne sont pas prévues par l'article 6 de l'annexe V du statut. C'est donc, à juste titre, que la directive interne du 28 décembre 1994 a été fondée sur l'annexe V du statut.
44 II s'ensuit que les dispositions réglementaires dont le requérant conteste la légalité, à titre subsidiaire, règlent le «congé spécial» qui peut être octroyé pour cure thermale. Elles ne sont nullement fondées sur l'article 59 du statut et n'ont pas pour vocation de réglementer certains cas de congés de maladie ou de restreindre la portée de l'article 59 du statut. En effet, un fonctionnaire qui doit faire une cure thermale bénéficiera de plein droit d'un congé de maladie s'il démontre que les
conditions de l'article 59 sont satisfaites.
45 L'argument tiré de l'illégalité des conclusions des 8 décembre 1994 et 1er février 1996 et de la directive interne du 28 décembre 1994 doit donc être rejeté. En tout état de cause, le Tribunal estime que le requérant n'a même plus un intérêt à faire valoir un tel argument. Il convient en effet de rappeler que le requérant n'a pas démontré avoir été empêché d'exercer ses fonctions par suite de maladie ou d'accident au moment de sa cure, de sorte qu'il ne réunit pas les conditions pour pouvoir
bénéficier d'un congé de maladie pour la cure thermale qu'il a subie. C'est donc grâce au cadre réglementaire dont le requérant conteste la légalité que ce dernier a pu bénéficier d'un congé spécial de sept jours et demi pour sa cure thermale, lesquels, en l'absence de cette réglementation, auraient, en principe, dû être imputés sur son congé annuel.
46 II s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.
Sur le second moyen, tiré de la violation du devoir de motivation ainsi que des principes de sécurité juridique, de confiance légitime, de respect des droits acquis et de non-rétroactivité
Arguments des parties
47 Le requérant fait valoir que la Commission n'a pas suffisamment motivé la décision attaquée en violation de l'article 25, deuxième alinéa, du statut. Il rappelle que l'obligation de motiver toute décision faisant grief constitue un principe essentiel du droit communautaire (arrêt du Tribunal du 18 mars 1997, Picciolo et Caló/Comité des régions, T-178/95 et T-179/95, RecFP p. II-155, points 33 et 34).
48 II explique que ni la note du 2 avril 1996 du Dr Orth ni la décision du 24 juin 1996 de l'AIPN ne contiennent une indication lui permettant d'apprécier le bien-fondé de la décision refusant de lui accorder la totalité du congé de maladie prescrit par son médecin traitant. La décision explicite de rejet de sa réclamation serait aussi entachée d'un défaut de motivation. Le requérant se réfère à cet égard à l'extrait suivant de cette dernière décision: «S'il est vrai [...] qu'un des critères
principaux pour accorder un congé supplémentaire réside dans le fait qu'une cure est indiquée dans le contexte d'une maladie grave, il existe d'autres situations où le médecin-conseil peut proposer le congé supplémentaire à l'AIPN, par exemple quand une cure sert à retarder une intervention chirurgicale ou à stabiliser une pathologie préopératoire. Toutes ces évaluations relèvent d'un aspect purement médical et sont confiées à l'appréciation du médecin-conseil.» Or, l'AIPN se serait ainsi référée
à des critères pour l'octroi d'un congé de maladie couvrant la totalité de l'absence causée par la cure thermale, sans toutefois faire clairement état de ces critères et sans mentionner la base juridique justifiant leur détermination.
49 Ensuite, le requérant rappelle qu'il a suivi son traitement par cure thermale en mai et septembre-octobre 1995. Ce ne serait que le 1er février 1996 que le collège des chefs d'administration a confirmé le critère proposé par le collège médical interinstitutionnel pour l'octroi de la seconde tranche du congé spécial, c'est-à-dire que celle-ci ne devrait être octroyée que dans le cas d'une cure thermale liée à une maladie remboursable à 100 %. En appliquant au cas d'espèce le critère adopté le 1er
février 1996 par le collège des chefs d'administration, la Commission aurait violé les principes de non-rétroactivité et de sécurité juridique (arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Banaux e.a./Commission.T-177/95. RecFPp. 1451, point 45).
50 La Commission rétorque qu'il ressort de la réclamation introduite par le requérant qu'il connaissait bien les dispositions applicables concernant l'octroi d'un congé spécial pour cure thermale. Elle fait valoir que. dans sa décision de rejet de la réclamation, elle a exposé la procédure à suivre ainsi que les critères d'octroi de la seconde tranche du congé spécial pour cure thermale.
51 En ce qui concerne l'argument du requérant, selon lequel la Commission aurait violé le principe de non-rétroactivité, la Commission fait valoir que le requérant lui-même reconnaît dans sa requête que la note du Dr Orth du 2 avril 1996 était fondée sur la conclusion du 8 décembre 1994. Il ne saurait donc être question d'une violation du principe de non-rétroactivité.
Appréciation du Tribunal
52 Le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, l'obligation de motiver une décision a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non bien fondée et, d'autre part, de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision (voir, par exemple, arrêts du Tribunal du 19 septembre 1996, Brunagel/Parlement, T-158/94, RecFP p. II-1131, point 106, et Picciolo et Caló/Comité des régions, précité,
point 33). Pour juger du caractère suffisant de la motivation d'un acte, il y a lieu de le replacer dans le contexte dans lequel s'est inscrite son adoption (voir notamment arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission. C-350/88, Rec. p. I-395, point 16, et arrêts du Tribunal du 5 juin 1992. Finsider/Commission, T-26/90, Rec. p. II-1789, point 72, et du 17 mai 1995, Benecos/Commission, T-16/94, RecFP p. II-335, point 33).
53 En ce qui concerne le contexte dans lequel la décision du 24 juin 1996 portant rejet de la demande du requérant a été prise, il convient d'observer que le requérant avait sollicité, dans sa demande du 10 juin 1996, «l'octroi de sept jours et demi de congé supplémentaire pour cures thermales». Le Tribunal constate que, par cette demande, le requérant sollicitait le bénéfice de la seconde tranche du congé spécial prévu par la directive interne du 28 décembre 1994. Il convient de rappeler à cet
effet que la directive interne du 28 décembre 1994 limite le congé spécial pour cure thermale (autre que postopératoire ou de convalescence) en principe à la moitié de la période de cure, avec un plafond de sept jours et demi ouvrables. A la lumière du rapport de fin de cure et sur proposition du médecin-conseil de l'institution, 1'AIPN peut octroyer jusqu'à sept jours et demi de congé supplémentaire. Comme il ressort des réponses aux questions écrites du Tribunal que le requérant avait déjà
bénéficié d'un congé spécial de sept jours et demi ouvrables au moment de l'introduction de sa demande, le Tribunal estime que, si le requérant avait cru avoir droit, en vertu de l'article 59 du statut, à un congé de maladie pour la totalité de son absence, qui était de 19 jours ouvrables, il aurait demandé un congé supplémentaire de onze jours et demi et non un congé supplémentaire de sept jours et demi.
54 Dans sa demande du 10 juin 1996, le requérant ne s'est donc pas fondé sur l'article 59 du statut pour obtenir des jours de congé de maladie. Il a demandé à bénéficier de la seconde tranche du congé spécial prévu pour cure thermale sur la base de la directive interne du 28 décembre 1994.
55 Or, la décision de rejet de la demande du requérant du 24 juin 1996 explique que cette dernière devait être rejetée parce que le médecin conseil avait estimé que, «après avoir examiné [son] rapport de fin de cure, il ne pouvait pas, sur la base de la conclusion du collège des chefs d'administration, proposer à l'AIPN l'octroi d'un congé supplémentaire». Eu égard au fait que, en vertu des dispositions de la conclusion du 8 décembre 1994, telles que reprises dans la directive interne du 28 décembre
1994, la seconde tranche du congé spécial pour cure thermale ne peut être octroyée par l'AIPN qu'«[à] la lumière du rapport de fin de cure et sur proposition du médecin-conseil de l'institution», la motivation contenue dans la décision de rejet de la demande doit être considérée comme étant suffisante. En outre, cette motivation a encore été complétée dans la décision de rejet de la réclamation du 30 janvier 1997.
56 A ce dernier égard, le Tribunal constate que, dans sa réclamation, le requérant avait demandé l'annulation de la décision de rejet de sa demande pour vice de procédure. La réclamation contenait deux moyens. D'une part, le requérant dénonçait le fait que le médecin-conseil dispose d'un pouvoir décisionnel en matière d'octroi de congé spécial pour cure thermale, lequel n'appartiendrait qu'à 1'AIPN. D'autre part, en octroyant la seconde tranche du congé spécial uniquement aux personnes qui
bénéficient d'un remboursement des frais de maladie à 100 % pour cause de maladie grave, la pratique administrative des institutions violerait le secret médical (points 6 et 7 de la réclamation).
57 Or, force est de constater que la décision de rejet de la réclamation répond explicitement aux deux moyens précités. Ainsi, en ce qui concerne le premier moyen, l'AIPN explique la procédure à suivre en ce qui concerne la seconde tranche du congé spécial pour cure thermale. Elle fait observer que ľ AIPN ne peut octroyer ce congé spécial que sur la base d'un avis positif du service médical. En ce qui concerne le second moyen, l'AIPN fait observer que, s'il «est vrai [...] qu'un des critères
principaux pour accorder un congé supplémentaire réside dans le fait qu'une cure est indiquée dans le contexte d'une maladie grave, il existe d'autres situations où le médecin-conseil peut proposer le congé supplémentaire à l'AIPN, par exemple quand une cure sert à retarder une intervention chirurgicale ou à stabiliser une pathologie préopératoire. Toutes ces évaluations relèvent d'un aspect purement médical et sont confiées à l'appréciation du médecin-conseil. [...] Pour ce qui concerne le
respect du secret médical, la Commission relève que seulement le médecin-conseil du RCAM et celui de l'institution d'appartenance du fonctionnaire ont connaissance du dossier médical. Le fait que par le biais de l'octroi du congé spécial supplémentaire le service d'appartenance et le service congés puissent présumer qu'une des causes de ce congé supplémentaire pourrait être une ‘maladie grave’ de l'intéressé, sans autre précision, ne compromet pas le respect du secret médical auquel le
fonctionnaire a droit. En plus, la Commission tient à rappeler que toute personne associée au traitement des questions liées, directement ou indirectement, aux aspects médicaux est soumise à un véritable devoir de confidentialité». Ainsi, l'extrait de la décision de rejet de la réclamation, qui. selon le requérant, serait caractérisée par une insuffisance de motivation (voir ci-dessus points 47 et 48), n'est rien d'autre qu'une réponse à l'argument du requérant selon lequel l'octroi de la seconde
tranche du congé spécial serait réservé aux personnes qui bénéficient d'un remboursement des frais de maladie à 100 % pour cause de maladie grave.
58 II s'ensuit que la décision de rejet de la demande ainsi que la décision de rejet de la réclamation sont suffisamment motivées. L'argument tiré d'une violation de l'article 25, deuxième alinéa, du statut, doit donc être rejeté.
59 En ce qui concerne, ensuite, la prétendue violation des principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que, en l'espèce, 1'AIPN aurait appliqué les critères de la conclusion du 1er février 1996 lors du traitement de la demande du requérant pour la seconde tranche de son congé spécial. En effet, la décision de rejet de la demande renvoie à la note du Dr Orth qui se réfère exclusivement à la conclusion du 8 décembre 1994. La décision de rejet de la
réclamation est fondée sur la directive interne (mettant en œuvre cette conclusion) et se réfère en outre aux Informations administratives no 894 du 23 mai 1995, mais nullement à la conclusion du 1er février 1996. Cet argument doit donc aussi être rejeté.
60 Enfin, pour ce qui est de la prétendue violation de la confiance légitime et des droits acquis, le Tribunal considère qu'il faut rejeter également ces aspects du présent moyen, le requérant ne les ayant pas développés spécifiquement.
61 II s'ensuit que le second moyen ne peut pas non plus être accueilli.
62 II résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son entièreté.
Sur les dépens
63 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ces sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. En conséquence, chaque partie supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL6 (quatrième chambre)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) Chacune des parties supportera ses propres dépens.
Lindh
Lenaerts
Cooke
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 février 1998.
Le greffier
H. Jung
Le président
P. Lindh
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( *1 ) Langue dc procedure: le français.