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17/12/1997 | CJUE | N°T-159/95

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Luigia Dricot et 29 autres requérants contre Commission des Communautés européennes., 17/12/1997, T-159/95


ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

17 décembre 1997 ( *1 )

«Fonctionnaires — Concours interne de passage de la catégorie C à la catégorie B — Décision du jury constatant l'échec de candidats à l'épreuve orale — Concordance entre la réclamation et la requête — Principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes — Principe de non-discrimination — Portée de l'obligation de motivation — Appréciation du jury»

Dans l'affaire T-159/95,

Luigia Dricot et 29 autres requérants, fonctionnaires de la Commission des Communauté

s européennes, représentés par Mes Jean-Noël Louis, Thierry Demaseure, Véronique Leclercq et Ariane Tornei...

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

17 décembre 1997 ( *1 )

«Fonctionnaires — Concours interne de passage de la catégorie C à la catégorie B — Décision du jury constatant l'échec de candidats à l'épreuve orale — Concordance entre la réclamation et la requête — Principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes — Principe de non-discrimination — Portée de l'obligation de motivation — Appréciation du jury»

Dans l'affaire T-159/95,

Luigia Dricot et 29 autres requérants, fonctionnaires de la Commission des Communautés européennes, représentés par Mes Jean-Noël Louis, Thierry Demaseure, Véronique Leclercq et Ariane Tornei, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Gianluigi Valsesia, conseiller juridique principal, et Mme Ana Maria Alves Vieira, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation des décisions du jury du concours interne COM/B/9/93, attribuant aux requérants, à l'épreuve orale dudit concours, une note inférieure au minimum requis par l'avis de concours et refusant, en conséquence, l'inscription de leur nom sur la liste d'aptitude,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. K. Lenaerts, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 9 juillet 1997,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1 Les requérants, fonctionnaires de la Commission de catégorie C, ont présenté leur candidature au concours interne COM/B/9/93 permettant le passage de la catégorie C à la catégorie B et ayant pour but d'établir une liste d'aptitude d'assistants adjoints de grades 5 et 4 de la catégorie B pour l'exercice de fonctions d'application, sous contrôle, consistant en des travaux de bureau courants en qualité d'assistant adjoint, d'assistant de secrétariat adjoint et d'assistant technique adjoint.

2 L'avis de concours prévoyait:

«IV. NATURE DES ÉPREUVES ÉCRITES ET ORALE

1. Le concours se compose de deux épreuves écrites et d'une épreuve orale.

2. Les deux épreuves écrites comprennent:

a) une épreuve de présélection constituée d'une série de questions à choix multiple visant à évaluer les connaissances de la Communauté européenne et de l'actualité, notamment en Europe,

b) une épreuve rédactionnelle comportant, au choix du candidat:

1. le traitement d'un dossier dans le domaine administratif,

2. le traitement d'un dossier dans le domaine budgétaire, financier ou comptable,

3. le traitement d'un dossier dans le domaine technique.

Le choix entre les trois options est fait par le candidat lors de l'épreuve, après en avoir pris connaissance.

Cette épreuve vise à évaluer la qualité d'expression écrite et les capacités de raisonnement et d'analyse des candidats(tes).

La durée des deux épreuves écrites est déterminée par le jury qui en informe les candidats(tes) à l'occasion de leur convocation.

3. L'épreuve orale: consiste en un entretien du jury avec les candidats(tes) admis(ses) à participer à cette épreuve.

L'entretien vise à apprécier, en fonction des éléments qui se sont dégagés des épreuves écrites, la capacité d'expression orale et d'aptitude des candidats(tes) à l'exercice de fonctions de la catégorie B.

V. NOTATION DES ÉPREUVES a) ET b)

a) L'épreuve de présélection est notée sur 20 points.

b) L'épreuve rédactionnelle est notée sur 40 points.

VI. ADMISSION AUX ÉPREUVES b) ET ORALE c)

Il est procédé en premier lieu à la correction de l'épreuve de présélection. L'épreuve rédactionnelle n'est corrigée que dans le cas des candidats qui pour l'épreuve a) ont obtenu les 360 meilleures notations ( *2 ) à condition qu'ils aient obtenu au minimum la moitié des points pour cette épreuve.

Sont admis à l'épreuve orale les candidats qui, pour l'épreuve rédactionnelle b), ont obtenu les 120 meilleures notations ( ) à condition qu'ils aient obtenu au minimum la moitié des points pour cette épreuve.

VII. NOTATION DE L'ÉPREUVE ORALE c)

L'épreuve orale est notée sur 40 points.

VIII. INSCRIPTION SUR LA LISTE D'APTITUDE

Le jury arrête la liste d'aptitude comprenant au maximum les 60 candidats ayant obtenu les meilleures notes au total des épreuves a), b) et c) ( ). Ceux-ci doivent avoir obtenu au moins la moitié des points pour chacune des épreuves a), b) et c).

La liste d'aptitude est établie par ordre alphabétique.

3 Les requérants, ayant obtenu un résultat satisfaisant à l'épreuve de présélection et à l'épreuve rédactionnelle, ont été admis à l'épreuve orale qui s'est déroulée du mois de septembre au 17 novembre 1994.

4 Par lettre du 18 novembre 1994, les requérants ont été informés que, faute d'avoir obtenu le minimum de points requis à l'épreuve orale, leur nom n'avait pu être inscrit sur la liste d'aptitude.

5 Les requérants ont introduit, entre le 12 et le 17 février 1995, des réclamations au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»). Celles-ci ont toutes été rédigées d'une manière identique et ultérieurement complétées par des notes additionnelles des requérants du 10 mai 1995 également rédigées d'une manière identique. Désormais, il est fait référence à ces réclamations et notes comme la réclamation et la note.

6 Après l'expiration du délai qui lui était imparti pour répondre à la réclamation, la Commission l'a rejetée explicitement par une décision du 25 juillet 1995, adressée aux requérants à la fin d'août 1995.

Procédure

7 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 août 1995, les requérants ont introduit le présent recours.

8 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, la Commission a été invitée à produire certains documents concernant le déroulement du concours litigieux.

10 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 9 juillet 1997.

Conclusions des parties

11 Les requérants concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

— annuler les décisions du jury du concours interne COM/B/9/93 d'attribuer aux requérants, pour l'épreuve orale, une note inférieure au minimum requis et de ne pas les inscrire sur la liste d'aptitude;

— condamner la Commission aux dépens.

12 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

— rejeter le recours;

— statuer sur les dépens comme de droit.

Sur les conclusions en annulation

13 Les requérants invoquent deux moyens à l'appui de leur recours. Le premier est tiré d'une violation de l'obligation de motivation, en ce que la communication du résultat obtenu lors du concours ne constituerait pas une motivation suffisante. Le second moyen se subdivise en six branches. La première est tirée d'une violation de l'avis de concours, en ce que les questions posées aux candidats lors de l'épreuve orale ne se seraient pas rapportées aux épreuves écrites, contrairement à ce que
prévoyait l'avis de concours. La deuxième est tirée d'une violation des règles présidant aux travaux du jury. Les requérants affirment, à cet égard, que les membres titulaires du jury, bien qu'ils aient noté les candidats, n'ont pas tous assisté à l'ensemble des épreuves orales des candidats. La troisième est tirée d'une violation de l'article 5, cinquième alinéa, de l'annexe III du statut , en ce que la liste d'aptitude aurait dû comporter un nombre de candidats au moins double du nombre des
emplois à pourvoir. La quatrième est tirée d'une erreur manifeste d'appréciation par le jury de l'aptitude des requérants à exercer un emploi de catégorie B. La cinquième est tirée d'une violation du principe d'égalité de traitement et de non-discrimination entre les candidats au concours, en ce que les thèmes choisis pour les épreuves écrite et orale auraient, pour les requérants, moins été en rapport avec leur expérience professionnelle que pour certains autres candidats au concours. Enfin, la
sixième branche est tirée d'une violation du principe d'égalité de traitement entre'hommes et femmes. Par cette branche, les requérants font valoir que les participants aux concours de passage de la catégorie C à la catégorie B, qui seraient principalement des femmes, font l'objet d'une discrimination par rapport aux participants aux concours de passage de la catégorie B à la catégorie A, qui seraient principalement des hommes.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

14 La Commission conteste la recevabilité de plusieurs branches du second moyen invoqué par les requérants au motif qu'elles n'ont pas été avancées dans la réclamation. Devraient, dès lors, être déclarées irrecevables les branches du moyen tirées:

— d'une prétendue violation de l'avis de concours (première branche du second moyen),

— d'une prétendue violation des règles présidant aux travaux du jury (deuxième branche du second moyen),

— d'une prétendue violation du principe d'égalité de traitement et de non-discrimination entre candidats (cinquième branche du second moyen).

15 Elle admet que le grief tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement et de non-discrimination a été avancé dans la note additionnelle du 10 mai 1995 déposée par les requérants au cours de la procédure précontentieuse. Néanmoins, dans la mesure où cette note ajoutait des moyens nouveaux, elle ne serait pas recevable, car le délai de dépôt de la réclamation était déjà expiré. Elle insiste, à cet égard, sur le caractère impératif des délais statutaires et sur la nécessaire concordance
entre la réclamation administrative et le recours juridictionnel.

16 Le seul fait que la Commission a répondu à tous les griefs avancés par les requérants, dans son rejet explicite de la réclamation, n'est pas de nature, selon elle, à infirmer cette constatation. En effet, le fait qu'une institution n'a pas abordé des questions d'irrecevabilité au stade précontentieux ne saurait la priver de la faculté de soulever, au stade de la procédure juridictionnelle, de tels aspects.

17 Les requérants mettent, de leur côté, l'accent sur le fait que la décision explicite de rejet de leur réclamation, qui est intervenue après l'expiration des délais statutaires prévus pour l'introduction du recours en annulation, répond aux moyens que la Commission estime irrecevables.

18 Ils en déduisent que la Commission ne saurait, au stade du mémoire en défense, soutenir que certains moyens n'avaient pas été invoqués au cours de la phase précontentieuse.

19 En outre, la Commission aurait tort de prétendre que la réclamation ne faisait pas allusion au principe de non-discrimination, car celle-ci renvoyait expressément à l'arrêt de la Cour du 11 juillet 1985, Appelbaum/Commission (119/83, Rec. p. 2423), qui est consacré audit principe. Par ailleurs, les requérants indiquent que la note additionnelle avait pour but de préciser l'objet de leur réclamation telle qu'elle avait été présentée et débattue lors d'une réunion du groupe interservice.

20 Enfin, les requérants rappellent qu'il est de jurisprudence constante que la phase précontentieuse n'est soumise à aucun formalisme. En vertu de son devoir de sollicitude, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») serait, dès lors, en mesure de demander au réclamant de préciser la portée de ses arguments au cours de la réunion du groupe interservice, ce qu'elle a fait. Ils se réfèrent, entre autres, à l'arrêt du Tribunal du 22 juin 1990, Marcopoulos/Cour de justice (T-32/89
etT-39/89, Rec. p. II-281).

Appréciation du Tribunal

21 En l'espèce, les requérants ont, au lieu de saisir directement le Tribunal de la décision du jury de concours, introduit une réclamation administrative devant l'AIPN. En agissant de la sorte, ils doivent respecter l'ensemble des contraintes procédurales attachées à la voie de la réclamation préalable qu'ils ont choisie (voir arrêt de la Cour du 7 mai 1986, Rihoux e.a./Commission, 52/85, Rec. p. 1555, point 11).

22 Sous peine d'être déclaré irrecevable, un moyen soulevé devant le juge communautaire doit préalablement être invoqué dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l'AIPN soit en mesure de connaître d'une façon suffisamment précise les critiques que l'intéressé formule à l'encontre de la décision contestée (voir, entre autres, arrêts du Tribunal du 29 mars 1990, Alexandrakis/Commission, T-57/89, Rec. p. II-143, point 8, du 3 mars 1993, Booss et Fischer/Commission, T-58/91, Rec. p.
II-147, point 83, et du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T-262/94, RecFP p. II-739, point 40).

23 II faut encore que le moyen soit invoqué dans la réclamation elle-même.

24 Certes, un moyen visé dans la réclamation peut être développé au cours de la procédure précontentieuse par des notes additionnelles, à condition que la critique y figurant repose sur la même cause que les chefs de contestation invoqués dans la réclamation initiale. Cette condition vaut également pour qu'un moyen puisse être présenté devant le Tribunal (voir arrêts Alexandrakis/Commission, précité, point 9, Booss et Fischer/Commission, précité, point 83, et Baiwir/Commission, précité, point 41).

25 Toutefois, il en va différemment si un moyen, n'ayant aucun rapport avec les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, est présenté pour la première fois après l'expiration des délais prévus par l'article 90 du statut. En effet, la procédure de réclamation instaurée par cet article est soumise à des conditions strictes de délais qui répondent à l'exigence de la sécurité juridique et à la nécessité d'éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l'administration de la justice
(voir arrêt de la Cour du 4 février 1987, Cladakis/Commission, 276/85, Rec. p. 495, point 11).

26 Il y a aussi lieu de souligner que le fait que les griefs des requérants dont l'irrecevabilité est excipée sont présentés comme branches d'un moyen plutôt que comme moyens individuels ne signifie pas qu'ils échappent aux exigences posées par la jurisprudence susmentionnée.

27 Dès lors, il est nécessaire de vérifier, pour chaque branche du moyen dont l'irrecevabilité est excipée, si la Commission, comme le prévoit la jurisprudence, en interprétant la réclamation dans un esprit d'ouverture, était en mesure de connaître d'une façon suffisamment précise les critiques que les requérants avaient formulées à l'encontre des décisions attaquées (voir arrêt de la Cour du 14 mars 1989, Del Amo Martinez/Parlement, 133/88, Rec. p. 689, point 11, et arrêt Baiwir/Commission,
précité, point 42).

28 En ce qui concerne les branches du second moyen, tirées, respectivement, d'une prétendue violation de l'avis de concours, en ce que le jury aurait posé des questions sans rapport avec les indications reprises dans cet avis, et d'une prétendue violation des règles présidant aux travaux du jury, en ce que tous les membres titulaires du jury n'ont pas assisté à l'ensemble des épreuves orales de tous les candidats, force est de constater que la réclamation ne contient aucune référence explicite ou
implicite à celles-ci. Dès lors, ces branches doivent être déclarées irrecevables au motif qu'elles ne reposent pas sur la même cause que les chefs de contestation invoqués dans la réclamation.

29 Le fait que la Commission a néanmoins pu se pencher sur le fond de ces branches du moyen, dans son rejet explicite de la réclamation, et qu'elle n'a pas souligné le caractère tardif de celles-ci ne peut les rendre recevables étant donné que cela serait contraire au système des délais d'ordre public institués par les articles 90 et 91 du statut et, partant, reconstituerait un droit de recours définitivement périmé (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 décembre 1990, B./Commission, T-130/89,
Rec. p. II-761, publication sommaire, Petrilli/Commission, T-6/90, Rec. p. II-765, publication sommaire, et du 11 juillet 1991, von Hoessle/Cour des comptes, T-19/90, Rec. p. II-615, point 23).

30 Quant à la branche tirée d'une prétendue violation du principe d'égalité de traitement et de non-discrimination entre candidats du concours, il y a lieu d'observer que la réclamation porte notamment sur une prétendue discrimination fondée sur le sexe ainsi que sur une prétendue violation de la part du jury de l'article 5, cinquième alinéa, de l'annexe III du statut. La réclamation fait également allusion au principe d'égalité de traitement et de non-discrimination par référence à l'article 5,
paragraphe 3, du statut, et à l'arrêt Appelbaum/Commission, précité.

31 L'argument concernant ce dernier principe a, par la suite, été développé dans la note du 10 mai 1995, dans laquelle les requérants invoquent une discrimination en ce que les dossiers à traiter lors de l'épreuve rédactionnelle ne se rapportaient qu'au domaine administratif, au domaine budgétaire, financier ou comptable, et au domaine technique, et, en conséquence, un grand nombre de fonctionnaires de catégorie C exerçant des fonctions relevant du domaine du secrétariat aurait été défavorisée par
rapport aux fonctionnaires exerçant les emplois qui ont plus en commun avec les thèmes des dossiers à traiter lors de cette épreuve.

32 A cet égard, il importe également d'examiner la manière dont ce grief est présenté. La note du 10 mai 1995 se lit comme suit:

«Je souhaiterais ajouter quelques éléments importants à ma réclamation dont références ci-dessus, basée sur la discrimination indirecte.

[...]

Dans le concours COM/B/9/93, plusieurs éléments de discrimination sont à relever, notamment:

1. Qu'un concours de passage de catégorie prévu pour une population à majorité féminine essentiellement secrétaires ne prévoie pas l'option d'assistants de secrétariat, alors que l'annexe I du statut accepte dans ses emplois types de catégorie B 5/B 4, les assistants de secrétariat adjoints.

[...]»

33 Ce grief est donc présenté, dans la note additionnelle, dans le cadre du moyen tiré d'une discrimination indirecte fondée sur le sexe que les requérants ont présenté dans leur réclamation. Il s'ensuit que ce grief peut être considéré comme se rattachant étroitement à des chefs de contestation invoqués dans la réclamation. Cette conclusion est en outre corroborée par le fait que, dans son rejet de la réclamation, la Commission a décrit ce grief comme un développement du point de la réclamation
concernant la discrimination indirecte des femmes.

34 Partant, la branche tirée d'une prétendue violation du principe d'égalité de traitement et de non-discrimination entre les candidats du concours a le même objet que les conclusions exposées dans la réclamation et ne contient que des chefs de contestation reposant sur la même cause que ceux invoqués dans la réclamation. Elle n'est pas, en conséquence, irrecevable par défaut de concordance avec la réclamation.

Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l Obligation de motivation

Arguments des parties

35 Les requérants relèvent d'abord que, selon une jurisprudence constante, l'obligation de motivation d'une décision faisant grief a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non fondée et, d'autre part, d'en rendre possible le contrôle juridictionnel.

36 Ils reconnaissent qu'en cas de concours à participation nombreuse, le jury peut, dans un premier stade, ne communiquer aux candidats évincés que les critères et le résultat de la sélection et ne fournir qu'ultérieurement des explications individuelles aux candidats qui le demandent expressément (voir, entre autres, arrêt du Tribunal du 15 juillet 1993, Camera-Lampitelli e.a./Commission, T-27/92, Rec. p. II-873, point 51).

37 Ils reconnaissent aussi que le jury dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour évaluer les résultats des épreuves d'un concours et que le bien-fondé des jugements de valeur du jury ne saurait, dès lors, être contrôlé par le juge communautaire qu'en cas de violation évidente des règles qui président à ses travaux (voir arrêt du Tribunal du 14 juillet 1995, Pimley-Smith/Commission, T-291/94, RecFP p. II-637).

38 Cependant, en l'espèce, les requérants font valoir qu'ils ont demandé expressément des explications individuelles, notamment par leur réclamation et leur note additionnelle. En outre, leurs moyens portent, entre autres, sur les règles présidant aux travaux du jury, sur la violation du principe de non-discrimination et sur la violation du principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes.

39 Cela étant, la seule communication des points obtenus lors des épreuves ne constituerait pas une motivation suffisante.

40 En effet, la Commission ne leur aurait pas fourni les indications nécessaires pour vérifier si les décisions attaquées étaient bien fondées. De plus, en l'absence de toute indication quant à la régularité des travaux du jury et, notamment, quant au respect des règles devant présider à ces travaux, le Tribunal ne pourrait pas exercer son contrôle juridictionnel.

41 La Commission fait valoir, de son côté, que les requérants, ayant reçu communication des résultats chiffrés obtenus lors de l'épreuve orale, étaient en mesure de connaître la raison de leur échec et d'apprécier l'opportunité de saisir le juge communautaire. Ce dernier serait également en mesure d'exercer son contrôle juridictionnel.

42 Elle insiste sur le caractère des décisions attaquées, faisant valoir que la jurisprudence communautaire établit une distinction entre, d'une part, les décisions de non-admission aux épreuves et, d'autre part, les décisions par lesquelles le jury constate l'échec d'un candidat à une épreuve (voir, notamment, arrêts du Tribunal Pimley-Smith/Commission, précité, point 61, et du 15 février 1996, Belhanbel/Commission, T-125/95, RecFP p. II-115, point 22).

43 S'agissant des décisions de non-admission, il ressort d'une jurisprudence constante que, si le jury peut, dans des concours à participation nombreuse, se limiter dans un premier stade à ne communiquer aux candidats évincés que les critères et les résultats de la sélection, il est obligé par la suite de fournir aux candidats qui le demandent une explication individuelle précisant les raisons pour lesquelles ils n'ont pas été admis à concourir (voir, entre autres, arrêts du Tribunal du 13 décembre
1990, Gonzalez Holguera/Parlement, T-115/89, Rec. p. II-831, du 21 mai 1992, Fascilla/Parlement, T-55/91, Rec. p. II-1757, et Pimley-Smith/Commission, précité, point 62).

44 Cependant, en ce qui concerne les décisions par lesquelles le jury constate l'échec d'un candidat à une épreuve, il faut prendre en compte le fait que de telles décisions sont l'expression d'un jugement de valeur quant à la prestation du candidat lors de l'épreuve et que, conformément à une jurisprudence constante, le jury dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour évaluer les résultats des épreuves d'un concours, et le bien-fondé de ses jugements de valeur ne saurait être contrôlé par le
juge communautaire qu'en cas de violation évidente des règles qui président à ses travaux (voir, entre autres, arrêt Pimley-Smith/Commission, précité, point 63).

45 Il s'ensuit qu'un jury ne saurait être tenu, pour motiver l'échec d'un candidat à une épreuve, de préciser les réponses du candidat qui ont été jugées insuffisantes ou d'expliquer pourquoi ces réponses ont été jugées insuffisantes. Un tel degré de motivation n'est pas nécessaire pour permettre au juge d'exercer son contrôle juridictionnel et, par conséquent, pour permettre au candidat d'apprécier l'opportunité de l'introduction d'une réclamation ou, le cas échéant, d'un recours (voir, entre
autres, arrêt Pimley-Smith/Commission, précité, point 64).

46 Lors de l'audience, la Commission a encore ajouté que sa thèse était confirmée par l'arrêt de la Cour du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati (C-254/95 P, Rec. p. I-3423).

47 Au demeurant, en réponse à l'argument des requérants consistant à faire valoir qu'ils ont demandé expressément des explications individuelles, la Commission fait observer que le libellé de leur réclamation type ainsi que de la note additionnelle ne faisait nullement apparaître qu'ils demandaient au jury une motivation plus ample de la décision constatant leur échec à l'épreuve orale, ou encore l'indication des critères généraux établis par le jury pour évaluer les prestations des candidats à
ladite épreuve.

48 Il s'ensuit, selon la Commission, que la communication des résultats chiffrés obtenus par les requérants aux différentes épreuves constitue une motivation suffisante du jugement de valeur porté par le jury en l'espèce.

Appréciation du Tribunal

49 L'exigence de motivation formulée par l'article 25 du statut doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (voir arrêt du Tribunal du 16 décembre 1993, Turner/Commission T-80/92, Rec. p. II-1465, point 62).

50 Il ressort de l'avis de concours que, pour être inscrit sur la liste d'aptitude, il fallait obtenir au minimum la moitié des points à chaque épreuve du concours. Il en ressort également que l'épreuve orale consistait en un entretien du jury avec les candidats durant lequel le jury avait à apprécier, en fonction des éléments qui s'étaient dégagés des épreuves écrites, la capacité d'expression orale et l'aptitude des candidats à exercer une fonction de catégorie B (voir titre IV, paragraphe 3, et
titre VIII de l'avis de concours, repris au point 2 ci-dessus).

51 Par les décisions attaquées, les requérants ont été informés qu'ils n'avaient pas obtenu la moitié des points requis à l'épreuve orale, et leur note précise leur a été communiquée à cet égard.

52 Certes, cette motivation n'est pas exhaustive dans la mesure où elle ne révèle ni les appréciations du jury ni des critères de correction plus détaillés que ceux indiqués dans l'avis de concours. Cependant, conformément à la jurisprudence, ces éléments sont couverts par le secret des délibérations du jury, et l'obligation de motivation doit alors être conciliée avec le respect du secret qui entoure les travaux du jury en vertu de l'article 6 de l'annexe III du statut (voir arrêt
Parlement/Innamorati, précité, point 24).

53 Il s'ensuit que la communication des notes obtenues aux différentes épreuves constitue une motivation suffisante des décisions du jury (voir arrêt Parlement/Innamorati, précité, point 31).

54 Une telle motivation ne lèse pas les droits des candidats. Elle leur permet de connaître le jugement de valeur qui a été porté sur leurs prestations et elle leur permet de vérifier, le cas échéant, qu'ils n'ont effectivement pas obtenu le nombre de points requis par l'avis de concours pour être admis à certaines épreuves ou à l'ensemble des épreuves (voir arrêt Parlement/Innamorati, précité, point 32).

55 En ce qui concerne l'argument des requérants selon lequel ils ont demandé des explications individuelles pendant la procédure administrative, il suffit de constater qu'il ne ressort pas du dossier qu'ils ont demandé la communication des éléments qui ne sont pas couverts par le secret des délibérations du jury.

56 Il s'ensuit que les décisions du jury étaient suffisamment motivées.

57 Par conséquent, le moyen doit être écarté.

Sur le second moyen, tiré de l'existence de plusieurs irrégularités commises lors du déroulement de l'épreuve orale

Sur la branche tirée d'une violation de l'article 5, cinquième alinéa, de l'annexe III du statut

— Arguments des parties

58 Les requérants rappellent que l'article 5, cinquième alinéa, de l'annexe III du statut énonce que la liste d'aptitude établie par le jury doit comporter, dans toute la mesure du possible, un nombre de candidats au moins double du nombre des emplois à pourvoir. Ils relèvent ensuite que la Commission s'est engagée, lors des négociations avec les représentants du personnel, à prévoir, pour l'exercice budgétaire litigieux, 60 postes destinés à la revalorisation d'emplois relevant de la catégorie C en
emplois de la catégorie B.

59 Ils en concluent que, en application du «système en cascade», la Commission devait prévoir, dans la mesure du possible, d'établir une liste d'aptitude de 120 candidats et, dès lors, d'admettre à l'épreuve orale environ 240 candidats au lieu de décider à l'avance de limiter à 120 le nombre de candidats admis à l'épreuve orale.

60 Les requérants critiquent enfin la volonté même de l'administration de limiter à l'avance le nombre de lauréats à 60 dans un concours comme celui de l'espèce.

61 La Commission souligne que l'article 5, cinquième alinéa, de l'annexe III du statut n'implique qu'une recommandation au jury tendant à faciliter les décisions de l'AIPN, et dont l'appréciation dépend du caractère et des circonstances du concours, du nombre des candidats et de leurs qualifications (voir arrêt de la Cour du 26 octobre 1978, Agneessens e.a./Commission, 122/77, Rec. p. 2085, point 22).

62 Elle rappelle que sous le titre VIII de l'avis de concours, il est précisé que «le jury arrête la liste d'aptitude comprenant au maximum les 60 candidats ayant obtenu les meilleures notes au total des épreuves a), b) et c). Ceux-ci doivent avoir au minimum la moitié des points pour chacune des épreuves a), b) et c)».

63 Partant, l'établissement d'une liste d'aptitude comprenant moins de 60 candidats n'aurait pas été exclu, et le jury, en arrêtant une liste d'aptitude de 37 lauréats, n'aurait donc violé ni ledit avis ni les dispositions de l'article 5, cinquième alinéa, de l'annexe III du statut.

64 En effet, selon la Commission, le jury ne pouvait pas inscrire les requérants sur la liste d'aptitude, dans la mesure où, en procédant ainsi, il aurait modifié substantiellement les conditions du concours.

65 Enfin, quant à son engagement de mettre 60 postes budgétaires à disposition pour les suites à donner aux résultats du concours, la Commission invoque l'arrêt du Tribunal du 1 er décembre 1994, Michaël-Chiou/Commission (T-46/93, RecFP p. II-929, point 57), duquel il ressort qu'«un tel engagement ne saurait affecter le devoir du jury, agissant en toute indépendance, de décider, selon son propre pouvoir d'appréciation, du nombre de candidats ayant satisfait aux exigences du concours».

— Appréciation du Tribunal

66 L'avis de concours prévoit que «le jury arrête la liste d'aptitude comprenant au maximum les 60 candidats ayant obtenu les meilleures notes au total des épreuves a), b) et c)». Il en résulte que, le jury étant lié par les termes de l'avis de concours, il n'avait pas le droit de dresser une liste comprenant plus de 60 candidats (voir arrêt du Tribunal du 28 novembre 1991, Van Hecken/CES, T-158/89, Rec. p. II-1341, point 23).

67 Pour ce qui est de l'article 5, cinquième alinéa, de l'annexe III du statut, il convient de souligner que, s'il est vrai que celui-ci prévoit que la liste d'aptitude établie par le jury doit comporter, dans toute la mesure du possible, un nombre de candidats au moins double du nombre des emplois à pourvoir, il n'implique, cependant, qu'une recommandation au jury tendant à faciliter les décisions de l'AIPN (voir arrêt Agneessens e.a./Commission, précité, point 22), et n'est donc pas susceptible
d'autoriser le jury à dépasser le cadre qui lui est imposé par l'avis de concours.

68 Par ailleurs, à supposer qu'il faille interpréter cette branche du moyen comme une exception d'illégalité contre le libellé de l'avis de concours, selon lequel le nombre de candidats à inscrire sur la liste d'aptitude ne peut excéder 60, force est de constater que les requérants n'ont pas été inscrits par le jury sur la liste d'aptitude en raison du fait qu'ils n'ont pas obtenu la moitié des points à l'épreuve orale, une exigence de l'avis de concours qu'ils n'ont aucunement contestée. Il
s'ensuit que, en tout état de cause, compte tenu de l'appréciation du jury sur leur épreuve orale, ils n'auraient pas pu être inscrits sur la liste d'aptitude, même si l'avis de concours avait permis d'inscrire plus de 60 candidats sur cette liste. L'argument est donc dénué de pertinence.

69 Il s'ensuit que cette branche du moyen doit être rejetée.

Sur la branche tirée d'une erreur manifeste d'appréciation par le jury de l'aptitude des requérants à exercer un emploi de catégorie B

— Arguments des parties

70 Les requérants font observer qu'ils ont tous obtenu une note satisfaisante à l'épreuve rédactionnelle. Ils soutiennent que la plupart d'entre eux ont même obtenu une très bonne note, dans certains cas supérieure à 70 % de la note maximale. Il serait, dès lors, incompréhensible qu'ils aient pu obtenir, pour leur épreuve orale, laquelle devait porter sur les mêmes sujets, une note inférieure au minimum requis. Ils en déduisent que les décisions attaquées ne peuvent qu'être entachées d'une erreur
manifeste d'appréciation.

71 La Commission fait remarquer que la circonstance que les requérants ont obtenu de bonnes notes à l'écrit ne saurait suffire à établir l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation dans la notation de leur épreuve orale (voir arrêt Michaël-Chiou/Commission, précité, point 50).

— Appréciation du Tribunal

72 Selon une jurisprudence constante, un jury de concours dispose d'un large pouvoir d'appréciation, et le bien-fondé de ses jugements de valeur ne saurait être contrôlé par le juge communautaire qu'en cas de violation des règles qui président aux travaux du jury (voir arrêts du Tribunal du 15 juillet 1993, Cámara Alloisio e.a./Commission, T-17/90, T-28/91 et T-17/92, Rec. p. II-841, point 90, du 15 juin 1994, Pérez Jiménez/Commission, T-6/93, RecFP p. II-497, point 42, et Michaël-Chiou, précité,
point 48).

73 Il en résulte qu'il n'appartient pas au Tribunal de contrôler l'appréciation portée par le jury sur l'aptitude des requérants à exercer un emploi de catégorie B.

74 De surcroît, et en tout état de cause, quels que soient les résultats des requérants aux épreuves écrites, ceux-ci ne sauraient suffire pour établir l'existence d'une erreur manifeste dans l'évaluation de leur prestation lors de l'épreuve orale.

75 Il s'ensuit que cette branche du moyen doit être écartée.

Sur la branche tirée d'une violation du principe d'égalité de traitement et de non-discrimination entre les candidats du concours

— Arguments des parties

76 En invoquant le but du concours, qui était de permettre à des fonctionnaires de catégorie C d'accéder à un changement de fonctions ou à un changement de niveau de responsabilité équivalant à un changement de fonctions, les requérants considèrent comme une discrimination le fait que les dossiers à traiter, au choix, lors de l'épreuve rédactionnelle ne se rapportaient qu'au domaine administratif, au domaine budgétaire, financier ou comptable, et au domaine technique. En effet, un grand nombre de
fonctionnaires de catégorie C exercent des fonctions relevant du domaine du secrétariat et auraient ainsi été défavorisés par rapport aux fonctionnaires exerçant un emploi technique ou un emploi relevant du domaine administratif ou du domaine budgétaire, financier ou comptable.

77 Quant à l'épreuve orale, ils exposent que, puisque le jury devait apprécier, au cours de l'entretien, les capacités d'expression orale et l'aptitude des candidats à l'exercice des fonctions de catégorie B au vu des éléments qui s'étaient dégagés des épreuves écrites, tous les candidats qui exerçaient des tâches relevant du secrétariat, et notamment les requérants, auraient été défavorisés par rapport à leurs collègues qui exerçaient un emploi relevant directement du domaine administratif, du
domaine budgétaire, financier ou comptable, ou du domaine technique.

78 La Commission fait d'abord valoir que ce grief concerne les modalités de l'avis de concours, lesquelles n'ont pas été attaquées par les requérants. Elle l'estime donc irrecevable du fait qu'un fonctionnaire ne saurait, à l'appui d'un recours dirigé contre une décision d'un jury de concours, invoquer des moyens tirés de la prétendue irrégularité de l'avis de concours dont il n'a pas attaqué en temps utile les dispositions qu'il estime lui faire grief (voir arrêts du Tribunal du 16 octobre 1990,
Gallone/Conseil, T-132/89, Rec. p. II-549, et du 16 septembre 1993, Noonan/Commission, T-60/92, Rec. p. II-911).

79 Par ailleurs, dans la mesure où la décision attaquée est une décision du jury refusant de reconnaître aux intéressés le minimum de points requis à l'épreuve orale, la Commission soutient que le grief de discrimination ne pourrait pas être pertinent pour le présent litige (voir arrêt Michaël-Chiou/Commission, précité, point 46).

— Appréciation du Tribunal

80 S'il est vrai qu'un fonctionnaire ne saurait, à l'appui d'un recours dirigé contre une décision d'un jury de concours, invoquer des moyens tirés de la prétendue irrégularité de l'avis de concours, alors qu'il n'a pas attaqué en temps utile les dispositions de l'avis qu'il estime lui faire grief, il n'en demeure pas moins qu'un candidat à un concours ne saurait être privé du droit de contester en tous ses éléments, y compris ceux qui ont été définis dans l'avis de concours, le bien-fondé de la
décision individuelle adoptée à son égard en exécution des conditions définies dans cet avis, dans la mesure où seule cette décision d'application individualise sa situation juridique et lui permet de savoir avec certitude comment et dans quelle mesure ses intérêts particuliers sont affectés (voir arrêts Gallone/Conseil, précité, point 20, et Noonan/Commission, précité, points 21 et 23).

81 En l'espèce, il convient d'admettre que les requérants ne pouvaient guère savoir comment leurs intérêts seraient affectés avant qu'il soit apparent qu'aucun dossier à traiter lors de l'épreuve rédactionnelle ne correspondait à leur expérience particulière. En effet, les termes généraux de l'avis de concours n'excluent pas qu'un dossier, notamment celui dénommé «administratif», contienne des éléments liés au domaine du secrétariat. Ce n'est donc qu'au moment où les requérants ont été confrontés au
choix du dossier à traiter qu'ils ont été en mesure de savoir avec certitude comment et dans quelle mesure leurs intérêts particuliers étaient affectés. En conséquence, cette branche du moyen doit être considérée comme étant recevable.

82 Cependant, la thèse des requérants ne saurait être retenue.

83 En effet, il y a violation du principe d'égalité de traitement énoncé à l'article 5, paragraphe 3, du statut, lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelles et juridiques ne présentent pas de différence essentielle, se voient appliquer un traitement différent (voir arrêt du Tribunal du 7 février 1991, Tagaras/Cour de justice, T-18/89 et T-24/89, Rec. p. II-53, point 68).

84 Dans la présente hypothèse, les requérants prétendent que, puisque les questions posées oralement devaient se rattacher aux éléments qui s'étaient dégagés des épreuves écrites, ils auraient été discriminés du fait que, au regard de leur expérience professionnelle, ils connaissaient moins bien que certains autres candidats les domaines auxquels se rapportaient ces épreuves écrites.

85 Sans qu'il soit nécessaire de vérifier si les requérants ont interprété correctement l'avis de concours en ce sens qu'il prévoit que les épreuves écrite et orale doivent être consacrées aux mêmes sujets, il suffit de constater que les requérants, qui par ailleurs ont réussi les épreuves écrites, n'ont pas apporté le moindre élément de preuve de ce que les questions orales qui leur ont été posées portaient sur des sujets qui s'écartent de ce qui doit être compris dans leur expérience
professionnelle.

86 Il s'ensuit que, compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont 1'AIPN dispose pour déterminer les capacités nécessaires pour occuper les emplois à pourvoir et pour arrêter, en fonction de celles-ci et dans l'intérêt du service, les conditions et les modalités d'organisation d'un concours (voir, par exemple, arrêt Gallone/Conseil, précité, point 27), l'absence d'une option portant sur le domaine du secrétariat pour l'épreuve écrite ne fait pas apparaître que les requérants ont subi un
traitement discriminatoire lors de l'épreuve orale.

87 Par conséquent, cette branche du moyen doit être rejetée.

Sur la branche tirée d'une violation du principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes

— Arguments des parties

88 Les requérants soutiennent que les décisions attaquées ont été adoptées en méconnaissance du principe d'égalité entre hommes et femmes.

89 Ils font observer que les femmes représentent plus de 80 % des 4500 fonctionnaires de catégorie C, mais seulement 30 % des 2650 fonctionnaires de catégorie B.

90 Ils exposent que, alors que les concours de passage de la catégorie B vers la catégorie A ont permis aux jurys respectifs d'inscrire, en 1990, 16 lauréats pour les 16 postes à pourvoir, en 1991, 18 lauréats pour les 18 postes à pourvoir et, en 1992, 15 lauréats pour les 15 postes à pourvoir, les jurys de concours de passage de la catégorie C vers la catégorie B n'ont inscrit, en 1992, que 31 lauréats pour les 40 postes à pourvoir et, en 1993, 37 lauréats pour les 60 postes à pourvoir. Ils
remarquent en outre que, entre 1988 et 1992, la Commission n'a pas organisé de concours de passage de la catégorie C vers la catégorie B.

91 A l'appui de leur thèse, ils invoquent la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40). Ils se réfèrent aussi à l'arrêt de la Cour du 13 mai 1986, Weber von Hartz, 170/84 (Rec. p. 1607, point 31), dans lequel la Cour a dit pour droit qu'une mesure est discriminatoire
«[lorsqu'elle] frappe un nombre plus élevé de femmes que d'hommes, à moins que l'entreprise n'établisse que ladite mesure s'explique par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe».

92 Les requérants en concluent que les décisions attaquées ne peuvent résulter que d'une politique délibérée et systématique d'entrave au passage de fonctionnaires de la catégorie C à la catégorie B ou d'un manque de formation professionnelle permettant aux fonctionnaires de catégorie C d'accéder aux emplois de catégorie B.

93 Enfin, ils ajoutent qu'en application des principes énoncés dans l'arrêt Weber von Hartz, précité, il incombe à la Commission de démontrer que les requérants ne sont pas victimes d'une discrimination arbitraire, et donc illégale, mais que cette discrimination s'explique par des facteurs objectivement justifiés.

94 La Commission fait observer, tout d'abord, que le grief tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes ne saurait être rattaché à une violation des règles présidant aux travaux du jury, qui constitue une des limites du contrôle juridictionnel en matière d'épreuves orales. En effet, la simple circonstance invoquée par les requérants, à savoir que les candidats aux épreuves étaient majoritairement des femmes, ne saurait impliquer, en soi, que le principe de
l'égalité entre hommes et femmes ait été violé lors de l'adoption de l'acte litigieux, qui est représenté par la notation de l'épreuve orale.

95 Elle fait valoir que les requérants n'ont d'ailleurs jamais prétendu que le jury avait mieux noté les candidats masculins que les candidats féminins.

96 Par ailleurs, étant donné que le nom de 37 lauréats a été inscrit sur la liste d'aptitude, dont 36 femmes et 1 homme, les affirmations des requérants portant sur une discrimination des femmes par rapport aux hommes seraient dénuées de pertinence. La Commission s'interroge également sur l'utilité d'un tel grief pour les requérants de sexe masculin, parties au présent recours.

97 Elle ajoute que toute extrapolation fondée sur des comparaisons avec d'autres concours manque par définition de pertinence. A cet égard, elle insiste sur le fait que chaque procédure de sélection garde son caractère propre et son autonomie dans les résultats auxquels elle aboutit.

— Appréciation du Tribunal

98 Afin de vérifier s'il y a une différence de traitement, il faut comparer le traitement de deux catégories de personnes, dont les situations factuelles et juridiques ne présentent pas de différences essentielles (voir arrêt Tagaras/Cour de justice, précité, point 68).

99 En l'espèce, les requérants voient un traitement inégal dans le fait que les postes à pourvoir dans les concours de passage de la catégorie B vers la catégorie A sont toujours octroyés contrairement aux concours de passage de la catégorie C vers la catégorie B, ainsi que l'attestent les statistiques. Ils soutiennent qu'il incombe à la Commission de justifier cette différence.

100 Or, cet argument ne saurait être retenu. En effet, il s'agit d'une comparaison de concours qui, comme l'a observé à juste titre la Commission, ont chacun leur caractère propre et leur autonomie dans les résultats auxquels ils aboutissent. De plus, il est indéniable que les statistiques invoquées par les requérants visent les concours où le nombre des candidats ainsi que des postes à pourvoir ont varié et pour lesquels les modalités de l'avis de concours et la composition du jury étaient
différentes. A cela s'ajoute qu'il s'agit de catégories distinctes (B et C) et non pas, comme l'exige la jurisprudence, de deux fonctions de valeur égale.

101 Il en résulte que les situations factuelles et juridiques que les requérants ont présentées afin de démontrer un traitement inégal font apparaître des différences essentielles.

102 Le Tribunal considère par conséquent que les circonstances de l'espèce ne révèlent aucune discrimination à l'égard d'employées de sexe féminin.

103 Dès lors, cette branche du moyen doit être rejetée sans qu'il soit nécessaire d'aborder la question de savoir si les requérants de sexe masculin ont un intérêt personnel à l'invoquer.

104 Il ressort de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

105 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celle-ci.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

  1) Le recours est rejeté.

  2) Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Lenaerts

Lindh

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 décembre 1997.
 
Le greffier

H. Jung

Le président

P. Lindh

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( *1 ) Langue de procédure: le français.

( *2 ) Dans le cas où, pour la dernière place (360e, 120e, 60e respectivement), plusieurs candidats auraient obtenu des notes identiques, le jury prendra en compte tous ces candidats.»


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-159/95
Date de la décision : 17/12/1997
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaires - Concours interne de passage de la catégorie C à la catégorie B - Décision du jury constatant l'échec de candidats à l'épreuve orale - Concordance entre la réclamation et la requête - Principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes - Principe de non-discrimination - Portée de l'obligation de motivation - Appréciation du jury.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Luigia Dricot et 29 autres requérants
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1997:200

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