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06/11/1997 | CJUE | N°T-15/96

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Lino Liao contre Conseil de l'Union européenne., 06/11/1997, T-15/96


ARRÊT DU TRIBUNAL(deuxième chambre)

6 novembre 1997 ( *1 )

«Fonctionnaires — Recours en annulation — Rapport de notation tardif — Recours en indemnité — Recevabilité — Préjudice»

Dans l'affaire T-15/96,

Lino Liao, fonctionnaire du Conseil de l'Union européenne, demeurant à Bruxelles, représenté par Mes Pierre-Paul Van Gehuchten et Constantin Nikis, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Louis Schiltz, 2, rue du Fort Rheinsheim,

partie requérante,

contre

Con

seil de l'Union européenne, représenté par M. Diego Canga Fano et Mme Marie-Jeanne Vernier, membres du service juri...

ARRÊT DU TRIBUNAL(deuxième chambre)

6 novembre 1997 ( *1 )

«Fonctionnaires — Recours en annulation — Rapport de notation tardif — Recours en indemnité — Recevabilité — Préjudice»

Dans l'affaire T-15/96,

Lino Liao, fonctionnaire du Conseil de l'Union européenne, demeurant à Bruxelles, représenté par Mes Pierre-Paul Van Gehuchten et Constantin Nikis, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Louis Schiltz, 2, rue du Fort Rheinsheim,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par M. Diego Canga Fano et Mme Marie-Jeanne Vernier, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Komad Adenauer,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation du rapport de notation définitif pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1993, daté du 6 novembre 1995, notifié au requérant le 9 novembre 1995, ainsi qu'une demande d'indemnité,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. C. W. Bellamy, président, A. Kalogeropoulos et R. M. Moura Ramos, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale des 5 décembre 199618 mars et 24 avril 1997,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1 Le requérant est fonctionnaire de grade B 5 du Conseil de l'Union européenne depuis le 1er novembre 1990. Lauréat d'un concours général pour informaticiens, il a été successivement affecté au service des archives, au service «diffusion/production et archivage» de la direction III («traduction et production des documents») de la direction générale A (Personnel et administration - Protocole, organisation, sécurité, infrastructures - Traduction et production des documents), puis de nouveau au service
des archives. Depuis le 24 juin 1996, il est affecté au service de presse et information d'actualité.

2 Le présent recours trouve son origine dans l'établissement du rapport de notation du requérant pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1993. Le requérant a reçu trois versions de ce rapport de notation.

3 La première version porte la signature du premier notateur sous la date du 7 novembre 1994 et celle du second notateur sous la date du 28 novembre 1994. Le requérant l'a signée le 8 décembre 1994 en ajoutant le commentaire suivant: «Je ne suis pas d'accord avec les évaluations du premier notateur et souhaite une rencontre avec le deuxième notateur pour la révision du rapport.»

4 Par lettre du 25 avril 1995, le Conseil a informé le requérant qu'une demande de révision par le comité des rapports devait être introduite auprès du second notateur avant la signature du rapport par celui-ci. Par lettre du 12 mai 1995, le requérant a attiré l'attention du Conseil sur le fait que le rapport de notation était déjà signé par les premier et second notateurs lorsqu'il l'a reçu. Il lui était donc impossible de demander une révision avant le visa du second notateur.

5 Suite à un entretien, le 17 mai 1995, entre le second notateur et le requérant, une deuxième version du rapport de notation - couvrant la même période que la première - a été établie et signée par le second notateur, ainsi que par le premier notateur en tant que «personne consultée», le 19 mai 1995. Cette deuxième version confirme l'évaluation et la notation de la première. Le requérant l'a signée le 31 mai 1995 en ajoutant le commentaire suivant: «Je ne partage pas les évaluations des premier et
deuxième notateurs.»

6 Par lettre du 18 août 1995, enregistrée au service postal du Conseil le 22 août 1995, le requérant a introduit une demande d'intervention du comité des rapports à l'égard de la deuxième version du rapport de notation du 19 mai 1995.

7 Par acte déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a formé un recours (T-161/95) contre le Conseil, ayant pour objet «l'annulation du rapport de notation pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1993» ainsi que l'octroi d'une somme de 250000 BFR à titre de dommage matériel et d'une somme de 75000 BFR à titre de dommage moral.

8 Le 30 octobre 1995, après avoir entendu le requérant et d'autres personnes citées par lui, le comité des rapports a émis un avis sur la demande du 18 août 1995. Dans cet avis, le comité reconnaît qu'il y a eu un «retard considérable» dans l'établissement de la première version du rapport de notation du 7 novembre 1994, et constate que «la procédure semble s'être déroulée de manière peu satisfaisante entre le début novembre 1994 et la fin mai 1995». Le comité n'a toutefois pas émis de critiques
quant aux appréciations analytiques contenues dans ledit rapport.

9 Suite à l'avis du comité des rapports, une notation définitive pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1993 a été faite le 6 novembre 1995 et notifiée au requérant le 9 novembre 1995. Cette notation confirme, sur le fond, la version antérieure du 19 mai 1995.

10 C'est dans ces circonstances que, par requête enregistrée au greffe le 1er février 1996, le requérant a introduit le présent recours.

11 Le recours dans l'affaire T-181/95, introduit le 18 août 1995, a été rejeté comme irrecevable par une ordonnance du Tribunal du 21 mars 1996, non publiée au Recueil.

12 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

13 La procédure orale s'est déroulée le 5 décembre 1996. Les représentants des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal. Ils ont notamment été invités à se prononcer sur la recevabilité du recours en indemnité eu égard à l'arrêt du Tribunal du 1er décembre 1994, Schneider/Commission (T-54/92, RecFP p. II-887).

14 Par suite de l'empêchement de l'un des membres de la chambre, le président du Tribunal a désigné un autre juge pour compléter celle-ci, en application des dispositions de l'article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure.

15 Eu égard à l'article 33, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal (deuxième chambre), dans sa nouvelle composition, a ordonné la réouverture de la procédure orale conformément à l'article 62 du même règlement.

16 La procédure orale prévue pour la date du 18 mars 1997 a été reportée au 24 avril 1997 afin de permettre aux parties de négocier un règlement amiable de l'affaire. La seconde procédure orale s'est déroulée le 24 avril 1997, après que le Tribunal eut tenu une réunion informelle avec les parties.

Conclusions des parties

17 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

— déclarer le recours recevable et fondé;

— annuler le rapport de notation définitif pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1993, daté du 6 novembre 1995, notifié au requérant le 9 novembre 1995;

— allouer au requérant une somme de 250000 BFR sous réserve d'augmentation ou de diminution en cours d'instance, en réparation du préjudice matériel subi par lui du fait de sa perte de toute chance de promotion;

— allouer au requérant une somme de 75000 BFR sous réserve d'augmentation ou de diminution en cours d'instance à titre de réparation du dommage moral subi;

— condamner le Conseil aux dépens.

18 Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

— rejeter le recours et les demandes d'indemnisation qu'il contient;

— condamner le requérant aux dépens de l'instance.

Sur le fond

Sur les conclusions en annulation

19 A l'appui de son recours, le requérant invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré de ce que le rapport de notation litigieux aurait été établi tardivement, en violation de l'article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»), de la décision du Conseil du 19 octobre 1981, fixant les dispositions générales d'exécution de l'article 43 du statut, relatif aux rapports de notation (ci-après «DGE»), et du guide de la notation du Conseil (Communication au
personnel du 28 juillet 1989, no 99/89, ci-après «guide de la notation»). Le second moyen est tiré de l'irrégularité de la procédure, en ce que l'examen des versions du rapport de notation des 7 novembre 1994 et 19 mai 1995 ferait apparaître que les premier et second notateurs les ont signées avant que le requérant n'eût été en mesure de formuler des observations ou de demander un entretien avec le second notateur.

Sur le premier moyen, tiré du retard pris dans l'établissement du rapport de notation

— Arguments des parties

20 Le requérant fait valoir que l'article 43 du statut, l'article 11 des DGE et le point C.5 de l'introduction du guide de la notation prévoient qu'un rapport de notation est établi tous les deux ans, à la date du 1er juillet des années impaires. En l'espèce, la première version du rapport, couvrant la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1993, aurait été communiquée au requérant avec plus de quinze mois de retard, en novembre 1994, et la dernière version avec près de deux ans de retard, en mai
1995.

21 En conséquence, les qualités du requérant n'auraient pu être évaluées, à l'occasion des réunions des commissions de promotions, que sur la base de son rapport de fin de stage du 6 juin 1991 et de son rapport de notation couvrant la période allant du 1er novembre 1990 au 31 janvier 1992, ce dernier rapport étant moins favorable que son rapport de fin de stage. Le requérant n'aurait bénéficié d'aucune promotion pendant la période en cause. Il ne serait pas déraisonnable de penser que sa situation
professionnelle eût été grandement facilitée si le rapport de notation avait été établi en temps utile.

22 Le Conseil, dans son mémoire en défense, ne conteste pas l'établissement tardif du rapport de notation du requérant, mais calcule différemment ce retard. Le retard réel dans l'établissement des première et seconde notations serait respectivement de onze et de douze mois, étant donné que les délais pour l'établissement des rapports avaient été fixés au 1er novembre 1993 pour les premiers notateurs et au 1er janvier 1994 pour les seconds notateurs (voir la Communication au personnel no 68/93, du 9
juillet 1993). Or, les premier et second notateurs auraient signé la première version du rapport de notation respectivement le 7 et le 28 novembre 1994.

23 De plus, le Conseil s'étonne que le requérant ait attendu le 18 août 1995 pour saisir le comité des rapports, alors que la nécessité d'une telle saisine lui avait été signalée dans une note du 25 avril 1995. Il ressortirait ainsi de la chronologie des faits que le requérant a lui-même contribué au retard dans la procédure de notation.

24 Le Conseil renvoie ensuite à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, selon laquelle le retard mis pour mener à son terme la procédure de notation ne saurait, à lui seul, affecter la validité du rapport de notation ni, par conséquent, en justifier l'annulation (voir, notamment, les arrêts de la Cour des 9 février 1988, Picciolo/Commission, 1/87, Rec. p. 711, et 15 mars 1989, Bevan/Commission, 140/87, Rec. p. 701, et les arrêts du Tribunal des 24 janvier 1991, Latham/Commission, T-63/89, Rec.
p. II-19, 26 octobre 1994, Marcato/Commission, T-18/93, RecFP p. II-681, et Schneider/Commission, précité).

25 Quant à l'allégation du requérant selon laquelle son rapport de notation pour la période allant du 1er novembre 1990 au 31 janvier 1992 représente une «révision à la baisse» par rapport à son rapport de stage, le Conseil considère que tel n'est pas le cas. En toute hypothèse, une telle prétendue révision à la baisse serait sans pertinence pour la présente affaire dès lors que le Tribunal ne saurait substituer sa propre appréciation à celle des notateurs.

26 Enfin, le Conseil souligne que le statut ne confère aucun droit au candidat à une promotion qui réunit toutes les conditions statutaires pour pouvoir être promu (voir l'arrêt du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T-3/92, RecFP p. II-83, point 50) et que l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») dispose d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire en ce qui concerne l'examen comparatif des mérites respectifs des fonctionnaires ayant vocation à la promotion (voir
l'arrêt du Tribunal du 16 octobre 1990, Brumter/Conseil, T-128/89, Rec. p. II-545). Il ne serait donc pas certain que, même si le rapport avait été établi à temps, le requérant eût été promu.

27 Dans sa réplique, le requérant soutient que les délais d'établissement des rapports de notation fixés par la Communication au personnel no 68/93, du 9 juillet 1993, sont contraires à l'article 43 du statut, à l'article 11 des DGE et au point C.5 de l'introduction du guide de la notation, dont il ressortirait que la date des notations est fixée au 1er juillet des années impaires «dans le souci de coordonner la notation avec les travaux des commissions consultatives de promotion». Son rapport de
notation étant, d'après lui, devenu définitif le 6 novembre 1995, il aurait été établi avec un retard de deux ans et quatre mois.

28 Le requérant souligne qu'il a saisi le comité des rapports dans le délai de trois mois prévu par les DGE. De plus, selon la jurisprudence du Tribunal (voir l'arrêt du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T-27/90, Rec. p. II-35, point 49), pour que le fonctionnaire se trouve privé de tout droit à réparation du préjudice moral allégué, il faudrait qu'il ait lui-même concouru notablement au retard, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce.

29 En réponse à l'argument du Conseil, selon lequel un retard dans l'établissement d'un rapport de notation ne saurait à lui seul justifier son annulation, le requérant invoque notamment l'arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Turner/Commission (178/86, Rec. p. 5367, points 8 et 9), selon lequel un tel retard peut entraîner l'annulation du rapport s'il porte préjudice au fonctionnaire concerné, notamment lorsqu'une décision favorable le concernant, telle qu'une promotion, aurait dû être prise au
cours de la période pendant laquelle le rapport de notation a fait défaut, sans que le fonctionnaire concerné doive établir un lien de causalité entre la non-adoption d'une telle décision et la non-existence du rapport. Or, selon le point 36 de l'arrêt Latham/Commission, T-63/89, précité, le retard survenu dans l'établissement d'un rapport de notation est en soi de nature à porter préjudice au fonctionnaire, du seul fait que le déroulement de sa carrière peut être affecté par le défaut d'un tel
rapport à un moment où des décisions le concernant doivent être prises. De même, l'AIPN ne pourrait préjuger de l'avis qu'aurait émis le comité des promotions s'il avait disposé d'un rapport de notation (voir arrêt Marcato/Commission, précité, point 27).

30 Dans sa duplique, le Conseil soutient que la Communication au personnel no 68/93, du 9 juillet 1993, fixant les délais pour l'établissement des rapports de notation pour l'exercice 1991/1993, est conforme à l'article 43 du statut et à l'article 11 des DGE. Compte tenu des délais prévus pour les différentes étapes de la procédure de notation (voir point A de la 3e partie du guide de la notation) et du nombre élevé des personnes à noter, les notateurs doivent pouvoir disposer d'un délai raisonnable
pour établir les notations. Pour l'exercice de notation 1993, les commissions consultatives de promotion n'auraient disposé, en décembre 1993, d'aucun des rapports concernant l'exercice 1991/1993.

31 II ne serait pas certain que le requérant eût été promu, et la jurisprudence Turner/Commission ne serait donc pas pertinente en l'espèce. En effet, le requérant figurait sur les listes de promotion des fonctionnaires de la catégorie B proposées pour les exercices 1993, 1994 et 1995, et était même en tête de liste pour ces deux dernières années. Bien que, en 1993 et en 1995, les commissions consultatives de promotion aient disposé de son rapport de notation, et que la commission de promotion de
1994 ait disposé de son rapport de notation relatif à la période antérieure, le requérant n'a pas été promu, n'ayant pas satisfait à l'examen comparatif des mérites.

— Appréciation du Tribunal

32 Contrairement à ce que soutient le requérant, le Tribunal considère que la Communication au personnel no 68/93, du 9 juillet 1993, fixant les délais pour l'établissement des rapports de notation au 1er novembre 1993, pour les premiers notateurs, et au 1er janvier 1994, pour les seconds notateurs, n'est pas entachée d'illégalité. En effet, bien que les dispositions combinées de l'article 43 du statut et des articles 1er et 11 des DGE prévoient qu'un rapport de notation est établi tous les deux ans
et que cette notation «est établie à la date du 1er juillet» (voir également point C.5 de l'introduction du guide de la notation), il est de jurisprudence constante que l'administration dispose d'un délai raisonnable pour établir le rapport de notation après la date prévue par les DGE (arrêt du Tribunal du 1er décembre 1994, Ditterich/Commission, T-79/92, RecFP p. II-907, point 72). Le Tribunal estime que ces délais sont raisonnables en l'espèce, compte tenu, notamment, des exigences de la
procédure de notation explicitées dans les DGE et le guide de la notation.

33 Le Tribunal estime, ensuite, que le retard dans l'établissement du rapport de notation, postérieur au 19 mai 1995, n'est pas à prendre en considération. En effet, le requérant ayant saisi le comité des rapports, comme le prévoit le guide de la notation, le retard supplémentaire qui en est résulté n'est pas imputable à l'administration (voir l'arrêt Bevan/Commission, précité). Par conséquent, le retard imputable à l'administration, dans l'établissement du rapport de notation du requérant, est en
l'espèce d'environ 17 mois, à savoir du 1er janvier 1994, délai prévu pour l'intervention du second notateur, au 19 mai 1995, date à laquelle la deuxième version du rapport de notation a été établie suite à l'entretien entre le requérant et le second notateur du 17 mai 1995. Le Tribunal considère, en effet, que la première version du rapport de notation, signée par les deux notateurs respectivement le 7 et le 28 novembre 1994, ne peut être considérée comme mettant fin au retard en cause, étant
donné qu'elle a été établie en violation des articles 4 à 8 des DGE et de la troisième partie du guide de la notation, qui prévoient, notamment, que le premier notateur doit renvoyer le rapport de notation au fonctionnaire noté, afin, notamment, que ce dernier puisse faire valoir son point de vue en cas de désaccord avec lui, avant que le rapport ne soit transmis au second notateur (voir notamment les articles 7 et 8 des DGE).

34 Toutefois, il est de jurisprudence constante que, sauf circonstances exceptionnelles, un rapport de notation ne peut pas être annulé pour la seule raison qu'il a été établi tardivement en violation de l'article 43 du statut. En effet, si un rapport de notation pouvait être annulé au seul motif de sa tardiveté, d'une part, il deviendrait impossible d'établir un rapport valable passé un certain délai et, d'autre part, le rapport qui devrait remplacer le rapport annulé ne pourrait en aucun cas être
moins tardif que celui-ci (voir, par exemple, les arrêts du Tribunal Marcato/Commission, précité, point 36, Schneider/Commission, précité, points 26 à 27, et du 18 juin 1996, Vela Palacios/CES, T-150/94, RecFP p. II-877, point 52).

35 Quant à l'arrêt de la Cour Turner/Commission, précité, invoqué par le requérant, il ressort de la jurisprudence postérieure de la Cour et du Tribunal que, si le retard dans l'établissement d'un rapport de notation est susceptible, le cas échéant, d'ouvrir un droit à réparation au profit du fonctionnaire concerné, ce retard ne saurait, en tout état de cause, affecter la validité du rapport de notation ni, par conséquent, en justifier l'annulation (voir les arrêts Picciolo/Commission, précité,
point 32, Bevan/Commission, précité, et Latham/Commission, précité, point 15).

36 II s'ensuit que le premier moyen d'annulation du requérant doit être rejeté.

Sur le second moyen, tiré de l'irrégularité de la procédure

— Arguments des parties

37 Le requérant fait valoir que le fait que les premier et second notateurs ont signé les versions du rapport du 7 novembre 1994 et du 19 mai 1995 avant qu'il ne puisse faire des observations ou demander un entretien avec le second notateur constitue une violation de la procédure prévue par les articles 4 à 8 des DGE et par la troisième partie du guide de la notation. Le requérant fait de plus état des difficultés qu'il aurait eu à affronter du fait que ses affectations successives ont donné lieu à
des conflits d'organisation et de structure, en raison notamment de ses compétences en matière informatique.

38 Le Conseil ne conteste pas les faits avancés par le requérant en ce qui concerne la première version du rapport de notation. Toutefois, il ne considère pas qu'il y ait eu une violation de la procédure contradictoire dans le cas de la deuxième version du rapport de notation, du 19 mai 1995. En effet, ce dernier rapport résultait précisément de l'entretien que le requérant avait eu avec le second notateur, le 17 mai 1995. Le fait que les signatures des premier et second notateurs apparaissent sous
la date du 19 mai 1995, sur ce deuxième rapport, ne pouvait donc raisonnablement avoir une incidence quelconque sur la procédure de notation ultérieure. Comme l'entretien du 17 mai 1995 avait précisément pour but la révision du premier rapport, une autre entrevue n'aurait servi à rien.

39 Dans sa réplique, le requérant insiste sur le fait que le Conseil ne conteste pas que la procédure contradictoire n'a pas été respectée dans le cas du premier rapport de notation. Il estime qu'il s'agit d'une procédure de notation unique, de sorte que le vice de procédure affectant la première version du rapport affecte également la deuxième version. En effet, le second notateur aurait, en prenant position sur la version initiale, préjugé de son accord, de sorte que la demande de révision du
requérant se serait trouvée par avance dépourvue d'utilité. Le requérant estime que, si la procédure avait été respectée, le nouveau rapport du second notateur aurait pu être différent de celui du premier notateur. Un rapport de notation entaché de telles irrégularités devrait être annulé (arrêt du Tribunal du 10 décembre 1992, Williams/Cour des comptes, T-33/91, Rec. p. II-2499).

40 Dans sa duplique, le Conseil considère que le requérant ne peut pas préjuger de ce qu'aurait été l'opinion du second notateur si la procédure contradictoire avait été respectée dans le cas du rapport initial. Le Conseil rappelle, enfin, que dans son avis du 16 octobre 1995 le comité des rapports a constaté qu'il s'agissait d'un «bon rapport dans son ensemble d'un point de vue objectif», et que ses travaux n'avaient «pas permis de déceler de raisons objectives» justifiant la révision de certaines
appréciations analytiques dans un sens favorable au requérant.

— Appréciation du Tribunal

41 II est constant, en l'espèce, que la première version du rapport de notation était entachée d'irrégularité, en ce qu'elle avait été signée par les premier et second notateurs, respectivement le 7 et le 28 novembre 1994, sans que le requérant eût été en mesure d'ajouter ses propres observations ou d'exprimer son désaccord avec la notation du premier notateur. Il a donc été privé du droit, prévu par les DGE, soit d'introduire une demande en révision, soit de demander un entretien avec le second
notateur (voir articles 7 et 8 des DGE).

42 Toutefois, il est également constant que le second notateur a accordé un entretien au requérant, à sa demande, le 17 mai 1995, avant d'établir la deuxième version du rapport de notation du 19 mai 1995. Lors de cet entretien, le requérant a pu faire valoir son point de vue. Contrairement à ses affirmations, il ne saurait être présumé que le second notateur n'était plus en mesure de modifier son avis à la lumière des observations faites par le requérant lors de l'entretien du 17 mai 1995.

43 Le requérant a ensuite saisi le comité des rapports visé à l'article 9 des DGE. A cet égard, il n'a pas contesté l'affirmation du Conseil selon laquelle le comité des rapports, tout en critiquant la procédure suivie, n'a émis aucune critique à l'encontre des appréciations analytiques contenues dans la deuxième version du rapport. Au contraire, le comité des rapports a considéré qu'il s'agissait d'un «bon rapport dans son ensemble d'un point de vue objectif».

44 De même, dans son recours, le requérant n'a critiqué de façon concrète le bien-fondé d'aucune des appréciations analytiques contenues dans la version définitive de son rapport de notation, établie suite à l'avis du comité des rapports.

45 Dans ces circonstances, le Tribunal estime que l'irrégularité commise lors de l'établissement de la première version du rapport de notation, en novembre 1994, a été effectivement corrigée par la suite. Par conséquent, cette irrégularité ne peut être considérée comme étant susceptible de mettre en cause la validité de la version définitive du rapport, du 6 novembre 1995, qui fait l'objet du présent recours (voir, par exemple, l'arrêt Picciolo/Commission, précité, point 25). Il en va de même en ce
qui concerne le fait que le premier notateur a signé la version du 19 mai 1995 en tant que «personne consultée».

46 II s'ensuit que le second moyen d'annulation du requérant n'est pas fondé et que, par voie de conséquence, les conclusions en annulation doivent être rejetées.

Sur les conclusions en indemnité

Arguments des parties

47 A l'appui de sa demande en indemnité, le requérant se prévaut des mêmes moyens que ceux déjà invoqués à l'appui de ses conclusions en annulation.

48 II estime avoir perdu toute chance d'être promu en conséquence des irrégularités qu'il invoque, alors que, d'après lui, ses qualifications et sa situation le justifient. La perte d'une telle chance constituerait un préjudice matériel important en ce que, d'une part, son niveau de rémunération serait inférieur à celui qu'il aurait pu légitimement escompter, et que, d'autre part, la progression future de sa carrière serait retardée. Il évalue son préjudice matériel, résultant de la tardiveté du
rapport de notation et de l'irrégularité de la procédure ayant mené à son établissement, à la somme de 250000 BFR.

49 Quant au préjudice moral, le requérant estime que, compte tenu de ses excellents états de service et de l'évolution normale de sa carrière, il avait une confiance légitime en sa promotion, laquelle aurait été trompée par la défenderesse. Le requérant évalue ce dommage moral à la somme de 75000 BFR.

50 Dans sa réplique, le requérant se réfère en outre à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal selon laquelle le retard survenu dans l'établissement des rapports de notation est en soi de nature à porter préjudice au fonctionnaire, du seul fait que le déroulement de sa carrière peut être affecté à un moment où des décisions le concernant doivent être prises (arrêt de la Cour du 6 février 1986, Castille/Commission, 173/82, 157/83 et 186/84, Rec. p. 497), ainsi qu'à la jurisprudence selon laquelle
un fonctionnaire dont le dossier individuel est irrégulier et incomplet subit de ce fait un préjudice moral tenant à l'état d'incertitude et d'inquiétude dans lequel il se trouve quant à son avenir professionnel (arrêt du Tribunal du 8 novembre 1990, Barbi/Commission, 73/89, Rec. p. II-619).

51 Enfin, le requérant fait valoir qu'il n'avait d'autre possibilité que d'introduire le recours sans réclamation préalable. Il invoque, d'une part, le fait qu'il conteste des procédures et appréciations afférentes à un rapport de notation (voir les arrêts de la Cour du 3 juillet 1980, Grassi/Conseil, 6/79 et 97/79, Rec. p. 2141, et du 19 février 1981, Schiavo/Conseil, 122/79 et 123/79, Rec. p. 473) et, d'autre part, le fait qu'une réclamation administrative préalable serait inopérante en raison de
l'indépendance du notateur, dont les décisions ne peuvent être modifiées ou annulées par l'AIPN.

52 Le Conseil réitère ses moyens de défense quant au fond et estime que le préjudice allégué n'est ni suffisamment direct ni suffisamment certain pour ouvrir un droit à réparation. En effet, la promotion se faisant au choix, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation de l'AIPN (arrêt du Tribunal du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T-25/92, Rec. p. II-201, point 49), le requérant ne pourrait pas prétendre avoir subi un préjudice matériel du fait que «ses qualifications et sa situation d'espèce le
justifiaient», ni avoir perdu une chance d'être promu.

53 Quant au préjudice moral, le Conseil considère que rien ne permet de conclure que les perspectives de carrière du requérant ont été affectées par le retard en cause, et qu'il est encore moins possible de déterminer l'ampleur du préjudice éventuellement subi. Quant à ľ «état d'incertitude et d'inquiétude» invoqué, la jurisprudence citée par le requérant ne serait pas pertinente (voir notamment l'arrêt Bevan/Commission, précité, et l'arrêt Barbi/Commission, précité, points 42 et 43).

Appréciation du Tribunal

— Sur la recevabilité du recours

54 Les articles 90 et 91 du statut subordonnent la recevabilité du recours contentieux introduit par un fonctionnaire contre l'institution à laquelle il appartient à la condition de principe d'un déroulement régulier de la procédure administrative préalable qu'ils instituent. Ces règles sont d'ordre public et les parties ne peuvent s'y soustraire (voir l'ordonnance du Tribunal du 11 mai 1992, Whitehead/Commission, T-34/91, Rec. p. II-1723, points 18 et 19). Selon l'article 113 du règlement de
procédure, le Tribunal peut à tout moment examiner d'office les fins de non-recevoir d'ordre public.

55 Aux termes de l'article 91, paragraphe 2, du statut, un recours ne peut être introduit devant le Tribunal que si l'AIPN a été préalablement saisie d'une réclamation au sens de l'article 90, paragraphe 2, du stamt, dans le délai prévu par cette disposition, et si cette réclamation a fait l'objet d'une décision explicite ou implicite de rejet. L'article 90, paragraphe 2, du statut dispose que l'AIPN peut être saisie d'une réclamation dirigée contre un acte faisant grief au fonctionnaire, soit que
l'AIPN ait pris une décision, soit qu'elle se soit abstenue de prendre une mesure imposée par le statut. Un acte faisant grief peut consister, entre autres, dans le rejet, implicite ou explicite, d'une demande préalable adressée par le fonctionnaire à l'AIPN conformément à l'article 90, paragraphe 1, du statut.

56 Toutefois, lorsque l'acte faisant grief est un rapport de notation, il est de jurisprudence constante que le fonctionnaire a la faculté, par dérogation à la procédure prévue par les articles 90 et 91 du statut, de saisir directement la juridiction communautaire d'un recours en annulation du rapport en cause (voir, par exemple, les arrêts du Tribunal du 16 juillet 1992, Della Pietra/Commission, T-l/91, Rec. p. II-2145, et du 26 septembre 1996, Maurissen/Cour des comptes, T-192/94, RecFP p.
II-1229, point 22). Il ressort de la jurisprudence que cette dérogation trouve sa justification dans le fait que le rapport de notation exprime l'opinion librement formulée des notateurs et non pas l'appréciation de l'AIPN. L'introduction d'une réclamation au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut n'est donc pas un préalable nécessaire à l'introduction d'un recours contentieux, pour des motifs analogues à ceux retenus par la Cour à l'égard des décisions des jurys de concours qui, par leur
nature, ne sont pas susceptibles d'être annulées ou modifiées par l'AIPN (voir les arrêts Grassi/Conseil, précité, et Della Pietra/Commission, précité, point 23).

57 S'agissant d'un recours en indemnité, il est également de jurisprudence constante que, dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, un tel recours, qui constitue une voie de droit autonome par rapport au recours en annulation, n'est recevable que s'il a été précédé d'une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires. Cette procédure diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d'un acte faisant grief au sens de
l'article 90, paragraphe 2, du statut, ou d'un comportement de l'administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l'intéressé de saisir, dans les délais impartis, l'AIPN d'une réclamation dirigée contre l'acte en cause. Dans le second cas, en revanche, la procédure administrative doit débuter par l'introduction d'une demande au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement, et se poursuivre, le cas échéant, par une
réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (voir, par exemple, l'arrêt du Tribunal du 28 juin 1996, Y/Cour de justice, T-500/93, RecFP p. II-977, point 64).

58 Ce n'est que s'il existe un lien direct entre le recours en annulation et le recours en indemnité que ce dernier est recevable, en tant qu'accessoire au recours en annulation, sans devoir être nécessairement précédé tant d'une demande invitant l'AIPN à réparer le préjudice prétendument subi que d'une réclamation contestant le bien-fondé du rejet implicite ou explicite de la demande. En revanche, lorsque le préjudice allégué ne résulte pas d'un acte dont l'annulation est poursuivie, mais de
plusieurs fautes et omissions prétendument commises par l'administration, la procédure précontentieuse doit impérativement débuter par une demande invitant l'AIPN à réparer ce préjudice (arrêt Y/Cour de justice, précité, point 66).

59 II est constant que le présent recours a été introduit sans avoir été précédé d'une procédure précontentieuse. Par ailleurs, le Tribunal constate que le requérant n'a critiqué de façon concrète aucune des appréciations analytiques contenues dans le rapport de notation litigieux.

60 Quant à la question de savoir si, en de telles circonstances, le recours en indemnité est recevable, il y a tout d'abord lieu de relever que, dans son arrêt Schneider/Commission, précité, où le requérant demandait à la fois l'annulation de son rapport de notation, en raison de sa tardiveté, et l'indemnisation du préjudice moral qu'il estimait avoir subi du fait du non-établissement dudit rapport, le Tribunal a considéré que le recours en indemnité était effectivement fondé sur l'omission de
l'administration à agir pendant la période qui avait précédé l'établissement du rapport de notation, tandis que, dans sa demande en annulation, le requérant avait contesté la validité du rapport déjà établi. Dans ces circonstances, le Tribunal a estimé que le préjudice moral dont la réparation était demandée ne découlait pas d'un acte faisant grief au sens du statut mais trouvait son origine dans une faute de service indépendante d'un tel acte, de sorte qu'une procédure administrative en deux
étapes, à savoir une demande suivie d'une réclamation, s'imposait (arrêt Schneider/Commission, précité, points 58 à 62).

61 En revanche, dans son arrêt Marcato/Commission, précité, où le requérant demandait, entre autres, la réparation du préjudice moral subi du fait du non-établissement de son rapport de notation, dont il demandait également l'annulation, le Tribunal a estimé (au point 59) que le préjudice invoqué par le requérant était lié de façon suffisamment directe au contenu même ou aux conditions d'élaboration du rapport de notation faisant l'objet du recours en annulation, ainsi qu'aux conséquences de ce
rapport sur la procédure de promotion, de sorte que la recevabilité des conclusions en annulation entraînait la recevabilité des conclusions en indemnité. De même, dans son arrêt du 18 juin 1996, Vela Palacios/CES, précité, le Tribunal a constaté (aux points 32 et 33) qu'il existait un lien étroit entre la demande en annulation fondée sur le caractère tardif, incomplet et erroné d'un rapport de notation et une demande en indemnité fondée sur le même comportement irrégulier, de sorte que la
requérante n'était pas tenue de faire précéder sa demande en indemnité d'une procédure précontentieuse (voir également le point 52).

62 Afin de déterminer si cette jurisprudence peut être transposée au cas d'espèce, il convient de souligner, premièrement, que la faculté d'introduire directement devant le Tribunal un recours visant à l'annulation d'un rapport de notation constitue une dérogation au système des voies de recours établi par les articles 90 et 91 du statut. Selon la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, cette dérogation est justifiée par la considération que le rapport de notation exprime l'opinion librement
formulée des notateurs, et non celle de l'AIPN (point 56 ci-dessus).

63 Or, le requérant n'a avancé aucun moyen tiré d'une erreur d'appréciation des notateurs ou d'un défaut de motivation, que ce soit dans le cadre de son recours en annulation ou dans le cadre du recours en indemnité. La raison d'être de la dérogation susvisée ne trouve donc pas à s'appliquer en l'espèce.

64 Le Tribunal rappelle, en second lieu, que la finalité de la procédure précontentieuse est, d'une part, d'assurer que l'AIPN soit mise en mesure de connaître les griefs de l'intéressé d'une façon suffisamment précise avant l'introduction d'un recours juridictionnel et, d'autre part, de permettre le règlement à l'amiable des différends surgis entre les fonctionnaires ou agents des Communautés et les institutions (voir notamment les arrêts du Tribunal du 16 décembre 1993, Moat/Commission, T-58/92,
Rec. p. II-1443, point 39, et du 12 mars 1996, Weir/Commission, T-361/94, RecFP p. II-381, points 27 et 28).

65 En l'espèce, la demande en indemnité se fonde uniquement sur l'établissement tardif du rapport de notation, sans qu'aucun moyen ne vise également son contenu. En de telles circonstances, rien n'empêchait l'AIPN d'apprécier elle-même le bien-fondé de la demande et, le cas échéant, de régler l'affaire à l'amiable, avant qu'un recours ne soit introduit. Il ne serait donc pas conforme à la finalité des articles 90 et 91 du statut de permettre au requérant d'introduire un tel recours en indemnité sans
procédure précontentieuse préalable.

66 Les considérations évoquées ci-dessus sont d'autant plus pertinentes en l'espèce que dans son recours en indemnité le requérant réclame des dommages-intérêts non négligeables, évalués par lui à au moins 375000 BFR, en réparation d'une prétendue «perte de la chance d'être promu», qui, selon lui, résulte de l'établissement tardif de son rapport. Dans le système des voies de recours instauré par le statut, l'appréciation d'une telle demande relève au premier chef de la compétence de l'AIPN, dans le
cadre de la procédure précontentieuse qu'il institue.

67 Le Tribunal conclut de ce qui précède que la connexité entre le recours en annulation et le recours en indemnité invoquée par le requérant, ne suffit pas à établir la recevabilité du recours en indemnité, dès lors que la procédure précontentieuse fait totalement défaut.

68 Contrairement aux affirmations du requérant (voir point 51 ci-dessus), celui-ci n'était pas obligé d'introduire le présent recours sans suivre la voie de la procédure précontentieuse. Le comité des rapports ayant, en substance, entériné les appréciations des notateurs, qui ne sont pas sérieusement mises en question devant le Tribunal, il incombait au requérant de poursuivre, le cas échéant, sa demande en indemnité pour établissement tardif de son rapport par les voies normales prévues par les
articles 90 et 91 du statut.

69 Les considérations sus visées ne sont pas infirmées par l'arrêt Barbi/Commission, précité, invoqué par le requérant à l'audience. Dans cette affaire, en effet, le recours avait été introduit suite à une procédure précontentieuse, conformément aux articles 90 et 91 du statut (voir points 23 à 25), ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

70 II résulte de ce qui précède que les conclusions en indemnité doivent être rejetées comme irrecevables.

71 A titre surabondant, le Tribunal estime que le requérant n'a pas démontré avoir subi un préjudice matériel du fait de l'établissement tardif du rapport de notation litigieux. En effet, ses allégations d'ordre général ne suffisent pas à établir que l'absence dudit rapport a eu une incidence décisive sur les procédures de promotion pour les exercices 1993 ou 1994. Un lien de causalité entre l'absence du rapport litigieux et la non-promotion du requérant, lors des exercices en question, fait donc
défaut (voir, par exemple, les arrêts Barbi/Commission, précité, point 45, et Latham/Commission, T-63/85, précité, point 32).

72 De même, le requérant n'a pas établi avoir «perdu une chance» d'être promu. Il est constant qu'il figurait sur les listes de promotion pour les exercices en cause, et la seule absence d'un rapport de notation ne suffit pas en soi à démontrer que l'AIPN a outrepassé son pouvoir d'appréciation lors de l'examen comparatif des mérites des fonctionnaires intéressés. En tout état de cause, le requérant n'a pas attaqué directement, dans les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut, soit la
décision de l'AIPN de ne pas le promouvoir, soit les décisions de promotion des autres candidats.

73 Quant au préjudice moral, il y a lieu de rappeler que la simple circonstance que le requérant réunissait toutes les conditions pour pouvoir être promu ne saurait faire naître dans son chef une quelconque confiance légitime (arrêt du Tribunal du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T-262/94, RecFP p. II-739, point 67).

74 En ce qui concerne le préjudice moral tenant à l'état d'incertitude et d'inquiétude dans lequel le requérant aurait été placé du fait qu'il ne possédait pas de dossier individuel régulier et complet, le Tribunal relève que ce préjudice n'a été invoqué qu'au stade de la réplique et que le requérant n'a pas avancé d'éléments précis à cet égard, à tout le moins pour ce qui concerne la période courant jusqu'en novembre 1994.

75 Dans ces circonstances, et eu égard au fait que le requérant se trouve encore à un stade relativement précoce dans sa carrière, le Tribunal estime que, en tout état de cause, la constatation, par le présent arrêt, de la mauvaise gestion de son dossier par le défendeur, déjà remarquée par le comité des rapports, suffit à réparer de manière adéquate le préjudice moral allégué par le requérant.

76 II s'ensuit que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

77 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 de ce même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

  1) Le recours est rejeté.

  2) Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Bellamy

Kalogeropoulos

Moura Ramos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 novembre 1997.
 
Le greffier

H. Jung

Le président

A. Kalogeropoulos

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( *1 ) Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : T-15/96
Date de la décision : 06/11/1997
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé, Recours en responsabilité - irrecevable

Analyses

Fonctionnaires - Recours en annulation - Rapport de notation tardif - Recours en indemnité - Recevabilité - Préjudice.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Lino Liao
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1997:169

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