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17/07/1997 | CJUE | N°C-270/96

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Elmer présentées le 17 juillet 1997., Laboratoires Sarget SA contre Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre (FIRS)., 17/07/1997, C-270/96


Avis juridique important

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61996C0270

Conclusions de l'avocat général Elmer présentées le 17 juillet 1997. - Laboratoires Sarget SA contre Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre (FIRS). - Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Paris - France. - Restitution pour l'utilisa

tion de sucre dans la fabrication de certains produits chimiques - Produi...

Avis juridique important

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61996C0270

Conclusions de l'avocat général Elmer présentées le 17 juillet 1997. - Laboratoires Sarget SA contre Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre (FIRS). - Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Paris - France. - Restitution pour l'utilisation de sucre dans la fabrication de certains produits chimiques - Produits antiasthéniques - Classement tarifaire. - Affaire C-270/96.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-01121

Conclusions de l'avocat général

1 Le «Sargenor», le «Sarvit», le «Lysivit» et le «Dynamisan» sont-ils des préparations alimentaires visées au chapitre 21 du tarif douanier commun ou des produits pharmaceutiques visés au chapitre 30 du tarif douanier commun?

Telle est la question sur laquelle la Cour est appelée à se prononcer en l'espèce.

Les dispositions pertinentes du droit communautaire

2 Le chapitre 21 du tarif douanier commun vise des «Préparations alimentaires diverses».

La position 2106 couvre les «préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs».

La note 1, sous f), de l'introduction au chapitre 21 est libellée comme suit:

«1. Le présent chapitre ne comprend pas:

...

f) les levures conditionnées comme médicaments et les autres produits des nos 3003 ou 3004».

3 Le chapitre 30 du tarif douanier vise les «Produits pharmaceutiques».

La position 3004 regroupe les «médicaments ... constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail».

Les notes explicatives du conseil de coopération douanière sont libellées comme suit en ce qui concerne la position 3004:

«Les diverses dispositions énoncées dans le libellé de la position ne s'appliquent ni aux aliments ni aux boissons (tels que: aliments diététiques, aliments enrichis, aliments pour diabétiques, boissons toniques et eaux minérales naturelles ou artificielles), lesquels suivent leur régime propre. Tel est essentiellement le cas des préparations alimentaires ne contenant que des substances nutritives. Les éléments nutritifs les plus importants contenus dans les aliments sont les protéines, les hydrates
de carbone et les graisses. Les vitamines et les sels minéraux jouent également un rôle dans l'alimentation.

...

En outre, la présente position ne couvre pas les compléments alimentaires contenant des vitamines ou des sels minéraux qui sont destinés à conserver l'organisme en bonne santé, mais qui n'ont pas d'indications relatives à la prévention ou au traitement d'une maladie. Ces produits, qui sont présentés d'ordinaire sous une forme liquide, mais peuvent également être présentés sous forme de poudres ou de comprimés, relèvent généralement du n_ 21.06 ou du chapitre 22.»

La note 1, sous a), de l'introduction au chapitre 30 est libellée comme suit:

«1. Le présent chapitre ne comprend pas:

a) les aliments diététiques, aliments enrichis, aliments pour diabétiques, compléments alimentaires, boissons toniques et eaux minérales (section IV)».

4 Aux termes du règlement (CEE) n_ 1010/86 du Conseil, du 25 mars 1986, établissant les règles générales applicables à la restitution à la production pour certains produits du secteur du sucre utilisés dans l'industrie chimique (1), dans sa rédaction modifiée par l'article 9 du règlement (CEE) n_ 1714/88 de la Commission (2) (ci-après le «règlement n_ 1010/86»), une restitution à la production est accordée pour le sucre utilisé pour la fabrication de certains produits chimiques, notamment les
produits qui sont visés par le chapitre 30 du tarif douanier commun relatif aux produits pharmaceutiques.

5 Le règlement (CE) n_ 214/96 de la Commission, du 2 février 1996, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée (3) (ci-après le «règlement de classement») dispose que la préparation suivante doit être classée dans la position 2106 90 92 du tarif douanier commun:

«... Préparation sous forme de comprimés effervescents conditionnés pour la vente au détail et comportant des indications sur la posologie et la composition, utilisée comme antiasthénique.

Chaque comprimé (2 g) contient:

- aspartate d'arginine: 1 g

- excipients [acide citrique, bicarbonate de sodium, carbonate de sodium, citrate de sodium dihydraté, saccharine sodique, jaune orange (E 110), silice colloïdale, arôme]: 1 g».

La procédure devant la juridiction nationale et les questions préjudicielles

6 Les Laboratoires Sarget (ci-après «Sarget») ont perçu, pour la période de 1987 à 1989, 2 545 059,66 FF de restitutions à la production au titre du règlement n_ 1010/86 après avoir déclaré le «Sargenor», le «Sarvit», le «Lysivit» et le «Dynamisan» comme produits pharmaceutiques.

7 Le Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre, qui gère le régime des aides en France, n'a toutefois pas admis qu'il s'agissait de produits pharmaceutiques relevant du chapitre 30 du tarif douanier commun, mais a en revanche classé les produits sous le chapitre 21 du tarif douanier commun («Préparations alimentaires diverses») et exigé le remboursement des restitutions versées. Sarget a agi en annulation de cette demande de remboursement devant le tribunal administratif de Paris.

8 Il ressort du dossier que le Sargenor existe sous forme de comprimés à croquer, de comprimés effervescents et de solution buvable en ampoules. La composition en principe actif est identique dans ces trois présentations du Sargenor. Un comprimé effervescent de 1,966 g contient:

principe actif: - aspartate d'arginine 1 g

excipients, conservateurs, etc.: - acide citrique anhydre - bicarbonate de sodium - carbonate de sodium anhydre - citrate de sodium - saccharine sodique - jaune orangé S - silice colloïdale anhydre - arôme orange - sodium 100 mg

9 Le Dynamisan existe sous forme de poudre pour solution buvable et de solution buvable en ampoules. La composition en principe actif est la même dans ces deux formes du Dynamisan. Une ampoule de 10 ml contient:

principe actif: - glutamate d'arginine 3 g

excipients, conservateurs, etc.: - sorbitol à 70 % non cristallisable - saccharine sodique - parahydroxybenzoate de méthyle - parahydroxybenzoate de propyle - arôme fruit de la passion - eau purifiée

10 Le Lysivit, qui existe sous forme de solution buvable en ampoules de 5 ou 10 ml, contient:

5 ml 10 ml

principes actifs: - lysine monochlorhydrate 0,2 g 0,4 g - meso-inositol 0,3 g 0,6 g

- vitamine B12 15 ìg 30 ìg

excipients, conservateurs, etc.: - parahydroxybenzoate de méthyle et propyle 0,005 g 0,01 g - saccharose - solution alcoolique d'essence de citron titrant à 72 degrés alcooliques - eau purifiée

11 Le Sarvit, qui n'est plus commercialisé depuis 1987, existait sous forme de solution buvable en ampoules de 5 ou 10 ml. Le Sarvit contenait:

principes actifs: - calcium 0,9 g - vitamine B12 500 ìg

excipients, conservateurs, etc.: - parahydroxybenzoate de méthyle - parahydroxybenzoate de propyle - saccharose - érythrosine - essence de mandarine - alcool éthylique - acide chlorhydrique - eau potable

12 Le tribunal administratif de Paris a sursis à statuer et a saisi la Cour d'une question préjudicielle au motif que:

«la solution du litige est subordonnée au point de savoir si, compte tenu de leurs composition, présentation et fonctions, les produits `Sargenor', `Sarvit', `Lysivit' et `Dynamisan' relèvent de l'application du règlement n_ 1010/86 du Conseil, du 25 mars 1986, relatif au classement de marchandises dans la sous-position 30 du tarif douanier commun ou d'une autre sous-position.»

La procédure devant la Cour

13 Sarget et le gouvernement français ont soutenu que le Sargenor, le Dynamisan, le Lysivit et le Sarvit relevaient de la position 3004 du tarif douanier commun.

Le Sargenor, qui contient de l'aspartate d'arginine, a des effets thérapeutiques et prophylactiques sur l'asthénie, qui est une maladie nécessitant un traitement médical. Le Sargenor présente un profil thérapeutique et prophylactique nettement défini, dont l'effet se concentre sur des fonctions précises de l'organisme humain et contient de l'aspartate d'arginine dans une proportion telle qu'il ne peut être utilisé qu'à des fins thérapeutiques et prophylactiques. Il en est de même du Dynamisan, qui a
la même composition et les mêmes effets que le Sargenor, étant donné qu'il contient du glutamate d'arginine, qui présente les mêmes effets thérapeutiques que l'aspartate d'arginine. L'aspartate d'arginine n'est pas sans risque toxicologique. Un avis médical est nécessaire en cas d'utilisation par un enfant de moins de 12 ans.

La posologie journalière de Lysivit recommandée par Sarget est de deux ampoules de 5 ml en moyenne chez l'enfant, soit 30 ìg de vitamine B12 et de deux ampoules à 10 ml en moyenne chez l'adulte, soit 60 ìg de vitamine B12, cette dernière dose pouvant être multipliée par deux. La posologie de Lysivit recommandée chez l'enfant et chez l'adulte représente donc un apport en vitamine B12 qui va bien au-delà de l'apport journalier recommandé par la directive 90/496/CEE du Conseil, du 24 septembre 1990,
relative à l'étiquetage nutritionnel des denrées alimentaires (JO L 276, p. 40), qui est de 1 ìg. Le Sarvit, qui n'est plus commercialisé depuis 1987, contenait 500 ìg de vitamine B12, ce qui excède de loin l'apport journalier recommandé dans la directive précitée. La teneur en vitamine B12 était si élevée que le Sarvit ne pouvait être utilisé qu'à des fins thérapeutiques ou prophylactiques. Le gouvernement français a indiqué en particulier que le Lysivit et le Sarvit étaient utilisés pour traiter
l'asthénie fonctionnelle, qui est une maladie. La carence en vitamine B12 peut se manifester par des troubles fonctionnels du système nerveux central, des troubles du myocarde et de l'appareil circulatoire ainsi que par de l'anémie fonctionnelle. Sarget a indiqué en particulier que le classement du Sargenor dans la position 2106 par le règlement n_ 214/96 n'avait pas d'effet rétroactif. Le Sargenor est enregistré comme médicament en France et dans huit pays européens ainsi que dans une quarantaine
d'autres pays.

14 La Commission a soutenu à cet égard que le Sargenor, le Dynamisan, le Sarvit et le Lysivit relevaient tous de la position 2202 du tarif douanier commun. Elle a indiqué dans ce contexte que le Sargenor et le Dynamisan contenaient essentiellement des acides aminés, du sucre et des conservateurs, que le Sarvit contenait essentiellement du calcium, de la vitamine B12, des conservateurs et du sucre et que le Lysivit contenait essentiellement des acides aminés, de la vitamine B12 et des conservateurs.
L'asthénie doit être considérée comme un affaiblissement de l'état général qui accompagne pratiquement toutes les maladies. Le Sargenor, le Dynamisan, le Sarvit et le Lysivit n'ont pas d'effets thérapeutiques ou prophylactiques sur une maladie particulière et ne relèvent dès lors pas de la position 3004.

Observations générales

15 Nous rappellerons que le règlement n_ 1010/86 permet d'accorder des restitutions à la production pour le sucre utilisé dans la fabrication de produits énumérés en annexe au règlement. L'annexe mentionne le «Chapitre 30 - Produits pharmaceutiques» du tarif douanier mais non pas le «Chapitre 21 - Préparations alimentaires diverses». Si les produits en question relèvent effectivement du chapitre 21, ils ne sont donc pas visés par le règlement. Ce n'est que si les produits relèvent du chapitre 30
qu'ils sont visés par le règlement et ce n'est que dans ce cas qu'il y a lieu d'accorder des restitutions à la production. Le litige au principal porte donc sur le point de savoir si les produits relèvent ou non du chapitre 30 du tarif douanier commun et il convient par conséquent d'interpréter la question préjudicielle comme une invitation à interpréter ce chapitre.

16 Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans l'intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d'une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies dans le libellé de la position du tarif douanier commun et des notes de sections ou de chapitres. De même, aux fins de l'interprétation du tarif douanier commun, il est de jurisprudence
constante que tant les notes qui précèdent les chapitres du tarif douanier commun que les notes explicatives de la nomenclature du conseil de coopération douanière constituent des moyens importants pour assurer une application uniforme de ce tarif dans toute la Communauté et en tant que tels peuvent être considérés comme des moyens valables pour son interprétation, voir arrêts du 1er juin 1995, Thyssen Haniel Logistic (4), et du 14 décembre 1995, Colin et Dupré (5).

17 Il y a dès lors lieu de vérifier si les produits litigieux en l'espèce possèdent les caractéristiques et particularités objectives qui sont mentionnées à la position 3004.

18 Il est à supposer que le critère décisif du classement d'un produit donné en tant que médicament dans le tarif douanier commun doit être recherché dans le fait de savoir s'il a un usage thérapeutique ou prophylactique spécifique. Cela ressort du libellé de la position 3004 du tarif douanier commun et des notes explicatives y afférentes. La Cour a ainsi constaté, dans l'arrêt du 14 janvier 1993, Bioforce I (6) que les «gouttes d'aubépine» doivent être classées dans la position 3004 étant donné que
ce produit présente un profil thérapeutique et, surtout, prophylactique nettement défini, dont l'effet se concentre sur des fonctions précises de l'organisme humain, à savoir les fonctions cardiaque, circulatoire et neuro-végétative. La Cour a également constaté, par arrêt du 15 mai 1997, Bioforce II (7), que les gouttes à base d'extrait d'echinacea purpurea doivent être classées dans la position 3004, ces produits présentant un profil thérapeutique ou prophylactique nettement défini, dont l'effet
se concentre sur les fonctions du système immunitaire de l'organisme humain.

19 Sur la portée de la concentration de certaines substances pour la question de l'inclusion de préparations vitaminées dans la notion de médicament au sens de la directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques (8), la Cour a déclaré ce qui suit dans l'arrêt du 30 novembre 1983, Van Bennekom (9):

«Dans la mesure où les vitamines se définissent habituellement comme des substances indispensables en infime quantité à l'alimentation quotidienne et au bon fonctionnement de l'organisme, elles ne sauraient, en règle générale, être considérées comme des médicaments dès lors qu'elles sont consommées en petite quantité [point 26].

De même, il est constant que des préparations vitaminées ou polyvitaminées sont parfois utilisées, généralement à fortes doses, à des fins thérapeutiques contre certaines maladies dans lesquelles la carence en vitamines n'est pas la cause morbide. Dans ces cas, il est incontestable que lesdites préparations vitaminées constituent des médicaments [point 27].

Il apparaît cependant du dossier, et de l'ensemble des observations déposées devant la Cour, qu'il est impossible, dans l'état actuel de la science, d'indiquer si le critère de la concentration peut, à lui seul, toujours suffire à considérer qu'une préparation vitaminée constitue un médicament, ni a fortiori de préciser à partir de quel degré de concentration une telle préparation vitaminée tomberait sous la définition communautaire du médicament [point 28]». (10)

20 Le classement d'un produit donné dans le tarif douanier ne saurait dépendre de sa qualification au regard de la législation communautaire ou nationale sur les médicaments. Cela ressort également des considérations générales sur le chapitre 30 dans les notes explicatives du tarif douanier commun, qui précisent : «... pour le classement dans ce chapitre, n'a pas de valeur déterminante la description d'un produit comme médicament dans la législation communautaire ... dans la législation nationale
des États membres ou dans toute pharmacopée».

La notion de médicament au sens du tarif douanier se distingue par conséquent de la notion de médicament définie par la directive 65/65/CEE du Conseil. Cette directive a pour but d'éliminer - au moins partiellement - les entraves aux échanges intracommunautaires de spécialités pharmaceutiques tout en réalisant l'objectif essentiel de la sauvegarde de la santé publique (11). Pour favoriser les échanges tout en sauvegardant la santé publique, la directive soumet ainsi une gamme de produits
relativement large au régime de contrôle instauré par la législation sur les médicaments. Eu égard à l'objectif de protection des consommateurs de la directive, la Cour a par conséquent interprété de façon extensive la première définition du médicament de la directive, qui se base sur la présentation du produit (12).

Le fait qu'un produit soit mis sur le marché sur autorisation des autorités nationales et, partant, considéré comme un médicament par la législation nationale n'implique donc pas en lui-même que le produit doive également être classé comme médicament dans le tarif douanier. Selon l'arrêt de la Cour Bioforce II, précité, cela peut toutefois constituer un indice de ce qu'il présente les caractéristiques et propriétés objectives définies à la position 3004.

Le Sargenor et le Dynamisan

21 Le règlement de classement dispose que les préparations sous forme de comprimés effervescents conditionnés pour la vente au détail et comportant des indications sur la posologie et la composition, contenant 1 g d'aspartate d'arginine et 1 g d'excipients, doivent être classées dans la position 2106 90 92. Cette description correspond exactement au Sargenor. Le litige au principal porte toutefois sur une demande de remboursement de restitutions à la production pour du sucre utilisé dans la
fabrication du Sargenor avant l'adoption et l'entrée en vigueur du règlement de classement. Le litige au principal ne saurait dès lors être résolu par application du règlement de classement. Il faut au contraire classer le Sargenor en appliquant les principes généraux en la matière (13).

22 Sarget a produit un rapport sur le Sargenor rédigé par le professeur P. Galley, Centre régional de gériatrie, Centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Il est indiqué à la page 5 de ce rapport que le Sargenor est commercialisé en France depuis 1965 dans le traitement de l'asthénie fonctionnelle à raison de trois ampoules de 5 ml par jour, en cures de 15 à 30 jours. Page 30, la posologie est définie comme étant de deux ou trois ampoules par jour chez l'adulte et de une demi à deux ampoules par
jour chez l'enfant selon l'âge. Il est également indiqué dans le rapport que l'asthénie doit être considérée comme un état morbide que le simple repos ne peut faire disparaître, au contraire de la fatigue qui est un état physiologique transitoire.

23 A notre avis, il n'appartient pas à la Cour d'établir si l'asthénie est une pathologie qui se distingue de la fatigue normale. La réponse à cette question ne permettrait d'ailleurs pas de résoudre le problème du classement du Sargenor. Même si l'on admettait que l'asthénie est une maladie, le point de savoir si un effet thérapeutique ou prophylactique nettement défini du Sargenor sur un tel état peut être démontré demeurerait déterminant pour le classement.

24 La documentation de base se compose, selon le rapport, de plusieurs études sur les effets de l'aspartate d'arginine, notamment sur les sportifs, qui auraient montré que l'aspartate d'arginine à certaines doses, souvent 3 g par jour, prise pendant des périodes d'une certaine durée, a un effet sur la fatigue physique et intellectuelle ainsi que sur les difficultés d'endormissement, les difficultés de concentration et le désintérêt pour les passe-temps, qui sont eux-mêmes décrits comme des symptômes
de l'asthénie.

25 Comme nous l'avons indiqué, il s'agit d'études sur l'aspartate d'arginine et non pas sur le Sargenor ou le Dynamisan. Toutefois, le seul principe actif du Sargenor est constitué par 1 g d'aspartate d'arginine dans chaque ampoule de 5 ml. Le seul principe actif du Dynamisan est constitué par 3 g de glutamate d'arginine dans chaque ampoule de 10 ml qui a, selon Sarget, les mêmes effets thérapeutiques que l'aspartate d'arginine.

26 L'asthénie se manifeste par de nombreux symptômes différents plus ou moins diffus et les études citées, qui portent sur l'aspartate d'arginine, indiquent d'ailleurs également que l'on peut penser que le Sargenor et le Dynamisan ont, selon la posologie, un effet sur de nombreuses fonctions différentes de l'organisme humain. A notre avis, on ne saurait admettre, précisément pour cette raison, que le Sargenor et le Dynamisan ont un profil thérapeutique ou prophylactique défini de façon suffisamment
nette pour qu'ils puissent être classés dans le chapitre 30 du tarif douanier commun.

Le Lysivit et le Sarvit

27 Il ressort du dossier que la posologie recommandée par Sarget pour le Lysivit est de deux ampoules de 5 ml en moyenne chez l'enfant, soit 30 ìg de vitamine B12 et de deux ampoules de 10 ml en moyenne chez l'adulte, soit 60 ìg de vitamine B12, cette dernière dose pouvant toutefois être multipliée par deux. A titre de comparaison, l'apport journalier de vitamine B12 recommandé par les «Rapports du comité scientifique de l'alimentation humaine (31e série). Substances nutritives et consommation
énergétique pour la Communauté européenne» (14) est de 1 ìg. La teneur en vitamine B12 du Lysivit excède donc nettement l'apport journalier recommandé. Cela était d'autant plus vrai pour le Sarvit, qui contenait 500 ìg par ampoule.

28 Il a été indiqué au cours de la procédure qu'une carence en vitamine B12 pouvait se manifester par une anémie pernicieuse, qui est une maladie caractérisée par le fait que l'organisme ne peut pas absorber la vitamine B12. Toutefois, il ne ressort pas du dossier que le Sarvit ou le Lysivit soient commercialisés pour traiter l'anémie pernicieuse. A cela s'ajoute que l'absorption de vitamine B12 a principalement lieu, en cas d'anémie pernicieuse, par injections intramusculaires. Il n'a d'ailleurs
pas non plus été indiqué de quelle façon les autres principes actifs du Lysivit et du Sarvit pouvaient contribuer au traitement de l'anémie pernicieuse.

29 Il ressort du dossier que le Lysivit et le Sarvit sont commercialisés en traitement de l'asthénie fonctionnelle. Toutefois, comme nous l'avons indiqué plus haut, l'asthénie se manifeste par de nombreux symptômes différents, plus ou moins diffus et on peut dès lors penser que les deux produits, comme cela a été exposé au point 26, agissent sur de nombreuses fonctions différentes de l'organisme humain.

30 En résumé, il n'est pas possible d'affirmer que le Lysivit et le Sarvit ont un profil thérapeutique ou prophylactique défini de façon suffisamment nette pour qu'ils puissent être classés dans la position 3004.

Conclusion

31 Pour les raisons qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle:

«Le tarif douanier commun doit être interprété en ce sens que la notion de `produits pharmaceutiques' au sens du chapitre 30 ne comprend pas des produits ayant la composition du Sargenor, du Dynamisan, du Lysivit et du Sarvit.»

(1) - JO L 94, p. 9.

(2) - JO L 152, p. 23.

(3) - JO L 28, p. 7.

(4) - C-459/93, Rec. p. I-1381.

(5) - C-106/94 et C-139/94, Rec. p. I-4759.

(6) - C-177/91, Rec. p. I-45, notamment aux points 12 et 13.

(7) - C-405/95, Rec. p. I-2581.

(8) - JO 22, p. 369.

(9) - 227/82, Rec. p. 3883.

(10) - L'affaire portait sur la notion de médicament au sens de la directive 65/65.

(11) - Voir l'arrêt Van Bennekom, précité à la note 8.

(12) - Voir le point 17 de l'arrêt Van Bennekom, précité à la note 8, ainsi que les arrêts du 16 avril 1991, Upjohn (C-112/89, Rec. p. I-1703, point 16) et du 28 octobre 1992, Ter Voort (C-219/91, Rec. p. I-5485, point 16).

(13) - Selon le règlement de classement, le classement a précisément été opéré par application des principes généraux. En effet, le règlement de classement indique que le classement est déterminé par les dispositions des règles générales 1 et 6 pour l'interprétation de la nomenclature combinée, par la note 1, sous a), du chapitre 30 ainsi que par le libellé des codes NC 2106, 2106 90 et 2106 90 92.

(14) - Avis émis le 11 décembre 1992.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-270/96
Date de la décision : 17/07/1997
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Paris - France.

Restitution pour l'utilisation de sucre dans la fabrication de certains produits chimiques - Produits antiasthéniques - Classement tarifaire.

Agriculture et Pêche

Union douanière

Tarif douanier commun

Libre circulation des marchandises

Sucre


Parties
Demandeurs : Laboratoires Sarget SA
Défendeurs : Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre (FIRS).

Composition du Tribunal
Avocat général : Elmer
Rapporteur ?: Murray

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1997:389

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