ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
11 juillet 1997 ( *1 )
«Fonctionnaires — Indemnité compensatrice pour congés non pris — Congé de maladie — Préavis»
Dans l'affaire T-29/96,
Bernd Schoch, ancien agent temporaire du groupe du parti européen des libéraux, démocrates et réformateurs du Parlement européen, demeurant à Gottmadingen (Allemagne), représenté par Mes Lucas Vogel et Gisèle Stépanian, avocats au barreau de Bruxelles, et, lors de la procédure orale, par Me Béatrice Gribomont, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Christian Kremer, 8-10, rue Mathias Hardt,
partie requérante,
contre
Parlement européen, représenté par MM. Manfred Peter et Arnaldo Pinto, chefs de division au service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet l'annulation de la décision du Parlement européen refusant de payer au requérant la somme de 124120 BFR à titre de compensation pour 19,5 jours de congé prétendument non pris au moment de son départ, suite à la résiliation de son contrat d'agent temporaire,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),
composé de MM. R. Garcia-Valdecasas, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,
greffier: M. A. Mair, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 15 avril 1997,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du litige
1 Le 1er février 1993, le requérant a été engagé par contrat à durée indéterminée en qualité d'agent temporaire du groupe du parti européen des libéraux, démocrates et réformateurs (ci-après «groupe ELDR») du Parlement européen.
2 A partir du 25 mars 1994, le requérant a été absent de son travail pour raison de maladie. Selon le requérant, des certificats médicaux ont été régulièrement remis au secrétariat du service médical du Parlement. Le Parlement affirme que, si le requérant a effectivement présenté au groupe ELDR des certificats médicaux justifiant son absence jusqu'au 31 août 1994, en revanche, ni le service médical du Parlement, ni le groupe ELDR n'ont reçu de certificat médical couvrant la période du 1er au 30
septembre 1994.
3 Par lettre du 26 juillet 1994, le président du groupe ELDR a notifié au requérant la décision du bureau du groupe de mettre fin à son contrat en raison des modifications survenues dans la composition du groupe ELDR à la suite des élections au Parlement. Le préavis de trois mois, courant à partir de la date d'envoi de la lettre, devait prendre fin le 26 octobre 1994.
4 Le 14 septembre 1994, le conseil du requérant a eu un entretien avec le vice-président du groupe ELDR lors duquel il a été convenu que, quelle que soit la situation administrative du requérant, celui-ci serait dispensé de l'obligation d'exercer ses fonctions durant le préavis.
5 Le 14 septembre 1994, le requérant, par l'entremise de son conseil, a interrogé la division du personnel du Parlement sur sa situation administrative et notamment sur la durée du préavis, compte tenu de ce qu'il n'avait pas encore pris ses congés annuels pour l'année 1994 et qu'il était toujours en congé de maladie pour incapacité de travail.
6 Par lettre du 23 septembre 1994, la division du personnel du Parlement a informé le conseil du requérant qu'il avait été décidé de reporter au 31 décembre 1994 la cessation définitive des fonctions des agents temporaires des groupes politiques dont le contrat avait été résilié à la suite des élections au Parlement et que le préavis de trois mois prendrait donc effet le 1er octobre 1994. Elle a également précisé que les congés non pris avant le départ ne s'ajouteraient pas à la durée du préavis
mais seraient payés lors de la cessation des fonctions, conformément à l'article 4, deuxième alinéa, de l'annexe V du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»), applicable aux agents temporaires en vertu de l'article 16 du régime applicable aux autres agents (ci-après «RAA»).
7 Le 4 octobre 1994, le conseil du requérant a demandé confirmation à la division du personnel du Parlement de ce que le requérant «bénéficierait, outre sa rémunération jusqu'au 31 décembre 1994, d'un paiement correspondant à ses congés annuels» non pris.
8 Par lettre du 17 février 1995, le conseil du requérant a demandé le paiement des rémunérations afférentes à la période de congé dont il n'avait pas bénéficié au cours de l'année 1994.
9 Le 8 mars 1995, la division du personnel du Parlement a répondu que «M. Schoch étant un agent d'un groupe politique, c'est le groupe lui-même qui gère les congés de ses agents» et qu'il avait été demandé au groupe de calculer les jours de congé du requérant pour l'année 1994.
10 Le 12 mai 1995, la division du personnel a transmis au conseil du requérant copie de la réponse du secrétaire général du groupe ELDR, laquelle est rédigée comme suit:
«M. Schoch ne s'est plus présenté dans notre groupe depuis son premier certificat médical daté du 22 mars 1994. Je vous précise que son dernier certificat médical allait jusqu'au 15 juillet 1994.
Lors de notre rencontre le 14 septembre 1994, avec son avocat, Me Lucas Vogel, nous lui avions précisé qu'il serait dispensé de l'obligation de prester son activité professionnelle au cours de la durée de son préavis.
[...] le préavis de l'intéressé a commencé à courir à partir du 1er octobre 1994, [...] M. Schoch était en congé de facto, entre le 19 juillet 1994 et le 30 septembre 1994, bien qu'aucune demande n'ait été introduite auprès du groupe, et ce en violation du statut. M. Schoch ayant pris deux mois et quinze jours de congé, [...] n'a plus droit à aucun congé.»
11 Le 18 mai 1995, le conseil du requérant a prié la division du personnel du Parlement de revoir sa décision.
12 Par lettre du 21 juin 1995, la division du personnel a rappelé que le groupe ELDR avait «mis fin au contrat de M. Schoch par lettre du 26 juillet 1994» et que «son préavis avait commencé à courir à partir de cette date», mais que, ultérieurement, le Parlement avait décidé que «les contrats des agents temporaires seraient résiliés avec effet au 31 décembre 1994 et que donc, pour tous, les préavis commenceraient à courir à partir du 1er octobre 1994 au lieu du 26 juillet 1994». Par ailleurs, la
division du personnel était d'avis que M. Schoch avait épuisé ses congés avant le 1er octobre 1994 et donc avant la période de préavis de trois mois qui est la période maximale prévue par le RAA.
13 Par lettre du 26 juin 1995, le conseil du requérant a contesté que M. Schoch avait pris ses congés avant le 1er octobre 1994 et précisé que, «en effet, il avait été en congé de maladie, en tout cas jusqu'au 1er septembre 1994», ajoutant: «Je vous remets en annexe la copie des deux certificats médicaux qui le confirment.»
14 Par lettre du 12 juillet 1995, la division du personnel du Parlement a contesté à nouveau que M. Schoch ait fait parvenir des certificats médicaux couvrant toute la période de son absence jusqu'au 30 septembre 1994.
15 Le 9 août 1995, le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du Parlement, contenue dans les courriers précités, de lui refuser la rémunération afférente aux jours de congé qu'il n'avait pas pris en 1994.
16 Le 22 août 1995, le requérant a transmis en complément à sa réclamation une attestation de son médecin traitant, datée du 14 août 1995, et un «duplicata», daté du même jour, d'un certificat médical couvrant la période du 25 mars au 30 septembre 1994.
17 Par décision du 26 février 1996, le secrétaire général du Parlement a accueilli partiellement la réclamation du requérant au motif qu'il avait été constaté qu'un certificat de maladie, couvrant la période du 16 juillet 1994 au 31 août 1994, figurait dans le dossier du requérant au service médical du Parlement à Bruxelles, mais que ce certificat n'avait jamais été transmis au groupe ELDR. Le secrétaire général relevait que, en revanche, pour la période du 1er au 30 septembre 1994, ni le service
médical ni le groupe ELDR ne possédaient d'autre certificat de maladie. En conséquence, il a considéré que, pendant la période du 1er au 30 septembre 1994, le requérant avait pris de facto une partie de son congé annuel.
Procédure et conclusions des parties
18 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mars 1996, le requérant a introduit le présent recours.
19 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé, d'une part, d'adopter une mesure d'organisation de la procédure en invitant les parties à répondre par écrit à certaines questions avant l'audience et, d'autre part, d'ouvrir la procédure orale.
20 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 15 avril 1997.
21 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— annuler la décision implicite de rejet et la décision explicite du 26 février 1996 de rejet partiel opposées par le Parlement à la réclamation introduite par le requérant le 9 août 1995;
— condamner le Parlement à payer au requérant la somme de 124120 BFR brut pour les 19,5 jours de congé non pris en 1994, augmentée d'intérêts moratoires au taux de 8 % l'an à dater du 31 décembre 1994, date à laquelle cette somme aurait dû lui être payée;
— condamner le Parlement aux dépens.
22 Le défendeur conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— rejeter le recours;
— condamner le requérant aux dépens.
23 Par décision du 28 mai 1997, le président de la cinquième chambre a prononcé la clôture de la procédure orale.
Sur le fond
Sur le moyen unique tiré de la violation des articles du RAA, 57, 59 et 60 du statut et 1 à 4 de l'annexe V du statut
Arguments des parties
24 Le requérant soutient que, en estimant que son absence durant le mois de septembre 1994 était irrégulière et devait être imputée sur ses congés annuels, le Parlement a violé les articles 16 du RAA, 57, 59 et 60 du statut et 1 à 4 de l'annexe V du statut. Ce moyen est divisé en trois branches.
25 Par la première branche, le requérant soutient que, durant la période du 1er au 30 septembre 1994, il était dans l'incapacité totale de travailler pour cause de maladie et qu'il a effectivement remis, dans les délais requis, un certificat médical pour cette période. N'ayant pas gardé de preuve de cette remise, le requérant relève les deux éléments suivants en vue d'établir le bien-fondé de ses affirmations.
26 D'une part, ni le groupe ELDR, dont le président était pourtant en contact avec son conseil en septembre 1994, ni le Parlement, informé par lettre du 14 septembre 1994 que le requérant était dans l'incapacité de travailler, ne lui ont reproché à ce moment d'être absent de manière irrégulière. Il rappelle que ce n'est que le 12 mai 1995 que le Parlement a soulevé pour la première fois l'irrégularité de son absence durant le mois de septembre 1994.
27 D'autre part, le requérant fait observer que le Parlement, après avoir affirmé qu'aucun certificat médical n'avait été transmis pour la période postérieure au 15 juillet 1994, a néanmoins retrouvé par la suite des certificats couvrant la période du 16 juillet au 1er septembre 1994.
28 Par la deuxième branche, le requérant soutient que le reproche qui lui est fait de ne pas avoir transmis de certificat médical relatif au mois de septembre 1994, formulé sept mois après les faits, est trop tardif pour justifier l'application de l'article 60 du statut. Une invocation si tardive de l'absence de communication d'un certificat médical violerait le principe de sollicitude et de confiance légitime.
29 Enfin, par la troisième branche, le requérant soutient que son absence doit, en tout état de cause, être considérée comme justifiée par la décision du groupe ELDR, communiquée le 14 septembre 1994, de le dispenser de l'obligation d'exercer ses fonctions durant le préavis. La décision du Parlement de reporter la date du début du préavis du 26 juillet 1994 au 1er octobre 1994 ne pourrait être interprétée que comme une décision de prolongation du préavis, dès lors que cette décision est intervenue
alors que le préavis était déjà en cours. Qu'il y ait eu prolongation ou report du préavis, le groupe ELDR aurait, en tout état de cause, clairement exprimé sa volonté de ne plus voir le requérant occuper son emploi après le 26 juillet 1994.
30 Le Parlement affirme, en premier lieu, que ni le groupe ELDR ni le service médical du Parlement n'ont reçu de certificat médical couvrant la période du 1er au 30 septembre 1994.
31 Le Parlement rappelle que, conformément à l'article 59 du statut, le fonctionnaire en congé de maladie est tenu de produire, à partir du quatrième jour de son absence, un certificat médical. Aussi, l'attestation du médecin traitant et le «duplicata» d'un certificat médical, datés du 14 août 1995, adressés au secrétaire général du Parlement le 22 août 1995, ne sauraient justifier l'absence du requérant, onze mois plus tôt, du 1er au 30 septembre 1994. Cette période d'absence non justifiée devrait
donc être considérée comme un congé de facto pris par le requérant et être imputée sur son congé annuel par application de l'article 60 du statut.
32 Le Parlement estime, en deuxième lieu, que l'absence irrégulière du requérant n'a pas été constatée de manière trop tardive. Les congés annuels et de maladie des agents des groupes politiques étant gérés par ces derniers, la division du personnel ne pouvait pas connaître cette absence avant qu'elle n'en soit informée par la lettre du secrétaire général du groupe ELDR du 24 avril 1995. Le Parlement souligne que les allusions à une incapacité de travail pour cause de maladie, contenues dans la
lettre que le conseil du requérant a adressée au chef de la division du personnel du Parlement, ne peuvent remplacer l'exigence, inscrite à l'article 59 du statut, de produire un certificat médical à partir du quatrième jour d'absence pour maladie.
33 Le Parlement soutient, en troisième lieu, que la décision du groupe ELDR de dispenser le requérant de l'obligation d'exercer ses fonctions durant son préavis ne saurait justifier son absence durant le mois de septembre 1994. En effet, le Parlement ayant ultérieurement décidé que tous les contrats d'agents temporaires seraient résiliés avec effet au 31 décembre 1994, les préavis auraient commencé à courir à partir du 1er octobre 1994. La dispense concernant l'exercice de ses fonctions au cours de
la durée du préavis n'aurait donc produit ses effets qu'à partir du 1er octobre 1994. En tout état de cause, elle ne pourrait être considérée comme un refus du Parlement de donner du travail au requérant.
34 Lors de l'audience, l'agent du défendeur a fait valoir que le vice-président du groupe ELDR à l'époque des faits, M. Mario David, lui a déclaré, le matin du 15 avril 1997, qu'il était convenu avec le conseil du requérant, durant l'entretien du 14 septembre 1994, que le requérant serait dispensé de l'obligation d'exercer ses fonctions durant le préavis après avoir épuisé ses congés annuels. Le requérant n'aurait donc été dispensé de son obligation d'exercer ses fonctions que pour la durée du
préavis restant à courir après qu'il eut épuisé ses jours de congé annuel.
35 Le défendeur a offert de rapporter la preuve de ces nouvelles affirmations par le témoignage de M. David.
36 Le conseil représentant le requérant à l'audience a soulevé la tardiveté de cette offre de preuve et, n'ayant pas assisté à l'entretien du 14 septembre 1994, a estimé ne pouvoir prendre position sur cette nouvelle version de cet entretien sans en conférer préalablement avec le conseil du requérant qui était l'interlocuteur de M. David le 14 septembre 1994.
Appréciation du Tribunal
37 Dans la première branche, le requérant soutient que son absence durant le mois de septembre 1994 doit être considérée comme justifiée au motif qu'il était, durant cette période, en congé de maladie.
38 Il convient de rappeler, d'une part, que, selon l'article 59 du statut, applicable aux agents temporaires en vertu de l'article 16 du RAA, lorsque le fonctionnaire fait état d'une maladie ou d'un accident l'empêchant d'exercer ses fonctions, il doit aviser, dans les délais les plus brefs, son institution de son indisponibilité en précisant le lieu où il se trouve et produire, à partir du quatrième jour de son absence, un certificat médical justifiant son absence, d'autre part, que
l'administration ne peut nier la validité d'un tel certificat médical et conclure à l'irrégularité de l'absence du fonctionnaire concerné que si elle l'a soumis, auparavant, à un contrôle médical dont les conclusions ne produisent leurs effets administratifs qu'à partir de la date de ce contrôle (arrêt du Tribunal du 20 novembre 1996, Z/Commission, T-135/95, RecFP p. II-1413, point 32). L'obligation des institutions de faire procéder à un tel contrôle avant de refuser d'accepter un certificat
médical a nécessairement pour corollaire l'obligation des fonctionnaires concernés de leur soumettre, dans les plus brefs délais, des certificats dont il ressort avec une précision suffisante et de façon concluante, l'incapacité dont ils entendent se prévaloir, sous peine de rendre sans effet les dispositions des articles 59 et 60 du statut.
39 Il s'ensuit que l'attestation du médecin traitant du requérant, datée du 14 août 1995, ainsi que le «duplicata», daté du même jour, d'un certificat médical couvrant la période du 25 mars au 30 septembre 1994, transmis en complément à sa réclamation le 22 août 1995, soit près de onze mois après la période d'absence litigieuse, ne sauraient valablement justifier l'absence du requérant durant le mois de septembre 1994. Par ailleurs, le Tribunal relève que les dates indiquées sur le «duplicata» ne
correspondent pas à celles mentionnées sur les certificats médicaux dont dispose le Parlement.
40 Il convient donc d'examiner si le requérant a fourni des indices suffisants pour établir qu'il a effectivement remis, dans les délais impartis, un certificat médical justifiant son absence durant le mois de septembre 1994.
41 Le Tribunal observe à cet égard, en premier lieu, que le requérant admet explicitement ne pas disposer de preuve qu'il a effectivement remis, dans les délais requis, un certificat médical pour la période litigieuse, mais se borne à soutenir qu'il a remis un tel certificat, sans fournir aucune précision quant à la date, aux circonstances ou à l'identité de la personne qui aurait procédé à cette remise, ni, a fortiori, offrir de rapporter le témoignage de cette personne.
42 Le Tribunal estime, ensuite, que le fait que ni le groupe ELDR ni la division du personnel, avec lesquels le conseil du requérant a eu, durant le mois de septembre 1994, un entretien ou des échanges épistolaires dans le cadre desquels son incapacité de travail a, incidemment, été mentionnée, n'ont soulevé, à ce moment, la question de l'absence de communication d'un certificat médical ne peut être interprété comme un indice suffisant pour établir que le requérant a remis, dans les délais, un
certificat médical. En effet, la répartition des compétences et attributions entre les groupes politiques, qui gèrent les congés de leurs agents, le service médical et la division du personnel implique inévitablement l'écoulement de délais dans la transmission des documents et des informations entre ceux-ci, de sorte que l'absence de réaction immédiate de leur part, suite à l'absence d'un agent temporaire, ne peut se voir attribuer aucune signification, en particulier lorsque, comme en l'espèce,
l'agent concerné est en congé de maladie, dûment justifié, depuis déjà plusieurs mois.
43 De même, contrairement à ce que soutient le requérant, le fait que, à la suite de sa réclamation, un certificat de maladie pour la période du 16 juillet au 1er septembre 1994 ait été ultérieurement retrouvé au service médical du Parlement ne peut constituer un indice valable. En effet, d'une part, la découverte tardive provient de ce que le certificat avait été déposé auprès du service médical et non du groupe ELDR, qui gère normalement les congés de ses agents, d'autre part, cet élément confirme
que, suite à cette réclamation, des recherches approfondies ont été effectuées, mais qu'en dépit de celles-ci aucun certificat médical couvrant la période du mois de septembre 1994 n'a été retrouvé dans les dossiers des différents services du Parlement.
44 Il résulte de ce qui précède que le requérant n'a pas rapporté la preuve qu'il a remis, dans les délais, un certificat médical justifiant son absence durant le mois de septembre 1994.
45 Le Tribunal observe, à titre surabondant, que, dans son courrier du 26 juin 1995 adressé au chef de la division du personnel du Parlement, le conseil du requérant, informé de ce que le Parlement ne disposait pas de certificat médical pour la période du 15 juillet au 1er octobre 1994, écrit ce qui suit: «Il est impossible que M. Schoch ait pris ses congés avant le 1er octobre 1994. En effet, il avait été en congé de maladie, en tout cas jusqu'au 1er septembre 1994. Je vous remets en annexe la
copie des deux certificats médicaux qui le confirment.» Il s'avère ainsi que même le conseil du requérant ne possédait dans ses dossiers de traces de certificat médical que jusqu'au 1er septembre 1994.
46 Dans la deuxième branche, le requérant soutient que le reproche qui lui est fait de ne pas avoir transmis de certificat médical justifiant son absence durant le mois de septembre 1994, formulé sept mois après l'absence, est trop tardif pour justifier l'application de l'article 60 du statut. Il convient de relever, à cet égard, que, à la différence de l'obligation claire pour le fonctionnaire de remettre un certificat médical dès le quatrième jour de son absence, aucune disposition du statut ou
des règlements d'exécution n'impose à l'institution l'obligation d'informer, dans un délai précis, le fonctionnaire ou l'agent concerné qu'elle n'a pas reçu de certificat médical justifiant son absence. Par ailleurs, le Parlement n'a pas dépassé, en l'espèce, un délai raisonnable pour imputer, en application de l'article 60 du statut, l'absence irrégulière du requérant sur ses congés annuels, ni violé les principes de sollicitude ou de confiance légitime. En effet, il ressort du dossier que ce
n'est que par lettre du 17 février 1995, adressée à la division du personnel, que le conseil du requérant a demandé le paiement des rémunérations afférentes aux jours de congés annuels non pris en 1994. Or, dès réception de cette demande, la division du personnel s'est enquise du solde éventuel des congés annuels du requérant et, dès qu'elle a été informée par le groupe ELDR, qui gère les congés de ses agents, de l'irrégularité de l'absence du requérant durant le mois de septembre 1994, elle en a
fait part au requérant.
47 Il s'ensuit que la deuxième branche du moyen doit être rejetée.
48 Dans la troisième branche, le requérant soutient que son absence doit être considérée comme justifiée par la décision du 14 septembre 1994 du groupe ELDR de ne plus lui donner de travail et de le dispenser de son obligation d'exercer ses fonctions durant le préavis.
49 Il convient, à titre liminaire, de déclarer, en application de l'article 48 du règlement de procédure, irrecevable l'offre de preuve et l'argument nouveau soulevé par l'agent du défendeur lors de l'audience. La nouvelle interprétation de l'entretien du 14 septembre 1994 ne repose en effet sur aucun élément de fait ou de droit nouveau qui se serait révélé durant la procédure et que le défendeur n'aurait pu soulever plus tôt.
50 Il convient de rappeler, ensuite, que la décision du bureau du groupe ELDR de mettre fin au contrat du requérant avec un préavis de trois mois, communiquée au requérant par lettre du 26 juillet 1994, n'était assortie d'aucune dispense pour le requérant de son obligation d'exercer ses fonctions durant la période de préavis et ne peut dès lors avoir eu pour effet de justifier, à partir du 26 juillet 1994, son absence.
51 En revanche, il appert du dossier que, lors de l'entretien du 14 septembre 1994, le vice-président du groupe ELDR a informé le conseil du requérant qu'il le déchargeait de son obligation d'exercer ses fonctions durant le préavis. Il s'ensuit que, à partir de cette date, et dans les limites précisées ci-après, l'absence du requérant peut être considérée comme régulière.
52 Par lettre du chef de la division du personnel du 23 septembre 1994, le requérant a été informé qu'il avait été décidé de reporter au 31 décembre 1994 la cessation définitive de son contrat et que son préavis de trois mois prendrait donc effet le1er octobre 1994. Cette décision du 23 septembre 1994 ne saurait, sans violer le principe de la confiance légitime, avoir un quelconque effet rétroactif. Il s'ensuit que le requérant, qui avait été dispensé à partir du 14 septembre 1994 de son obligation
d'exercer ses fonctions, ne peut, a posteriori, être considéré comme ayant été en situation d'absence irrégulière entre le 14 et le 23 septembre 1994.
53 Néanmoins, le Parlement ayant informé le requérant, par lettre du 23 septembre 1994, de sa décision de reporter le début de la période de préavis au 1er octobre 1994, il y a lieu de considérer que cette décision a eu pour effet de suspendre jusqu'au 1er octobre 1994 la dispense qui avait été accordée au requérant quant à l'exercice de ses fonctions. De nature dérogatoire, cette dispense doit en effet recevoir une interprétation restrictive, de sorte que l'absence du requérant ne peut plus être
justifiée par celle-ci pour la période comprise entre le 23 septembre 1994 et le 1er octobre 1994.
54 Il résulte de tout ce qui précède que le recours n'est fondé que dans la mesure où l'absence du requérant ne peut être considérée comme irrégulière pendant la période comprise entre le 14 septembre et le 23 septembre 1994.
55 S'agissant de la demande d'intérêts moratoires, il y a lieu de constater qu'elle n'a été formulée pour la première fois que dans la requête. Il s'ensuit que la demande d'intérêts n'est fondée que pour la période postérieure à l'introduction du recours.
Sur les dépens
56 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels. En vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les
Communauté et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celle-ci, sans préjudice des dispositions de l'article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa.
57 Chacune des parties ayant succombé sur certains chefs, le Tribunal considère qu'il sera fait une juste appréciation de ces dispositions en décidant que chacune des parties supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) La décision du Parlement du 26 février 1996 est annulée dans la mesure où elle considère que l'absence du requérant était irrégulière pendant la période comprise entre le 14 septembre et le 23 septembre 1994.
2) Le Parlement versera à M. Schoch une indemnité compensatrice correspondant à neuf jours de congé non pris dont le montant sera déterminé conformément aux dispositions de l'article 4, deuxième alinéa, de l'annexe V du statut. Ce montant sera majoré d'intérêts moratoires au taux de 8 % l'an à compter du 8 mars 1996 jusqu'au jour du paiement effectif.
3) Le recours est rejeté pour le surplus.
4) Chacune des parties supportera ses propres dépens.
Garcia-Valdecasas
Azizi
Jaeger
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 1997.
Le greffier
H. Jung
Le président
R. Garcia-Valdecasas
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( *1 ) Langue de procédure: le français.