Avis juridique important
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61994J0069
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 29 mai 1997. - République française contre Commission des Communautés européennes. - Lait - Régime de prélèvement supplémentaire - Modalités d'application - Décision 93/673/CE - Compétence de la Commission. - Affaire C-69/94.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-02599
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
Agriculture - Organisation commune des marchés - Lait et produits laitiers - Prélèvement supplémentaire sur le lait - Questionnaire annuel sur l'application du régime adressé aux États membres - Communication à la Commission - Réduction forfaitaire des avances sur la prise en compte des dépenses agricoles en cas de non-respect du délai imparti - Décision 93/673 - Base juridique - Violation du règlement n_ 729/70 ou du principe de proportionnalité - Absence
(Règlement du Conseil n_ 729/70; règlement de la Commission n_ 536/93, art. 8, quatrième tiret; décision de la Commission 93/673)
Sommaire
En adoptant la décision 93/673, fixant la réduction forfaitaire des avances sur la prise en compte des dépenses agricoles en cas de non-respect du délai de communication du questionnaire annuel sur l'application du régime du prélèvement supplémentaire sur le lait et prévoyant, plus particulièrement, un taux de réduction de 1 % du montant global payé à l'État membre au titre de l'exercice budgétaire précédent en cas de communication tardive, un taux de 0,5 % du même montant global en cas de calcul du
prélèvement inexact de plus de 10 % et un taux de 0,04 % par donnée manquante, la Commission s'est valablement fondée sur l'article 8, quatrième tiret, du règlement n_ 536/93, fixant les modalités d'application du prélèvement supplémentaire, qui soumet les États membres à l'obligation de communiquer le questionnaire en cause, dûment rempli, avant la date indiquée et qui autorise la Commission à procéder à une réduction des avances non seulement lorsque le questionnaire est communiqué tardivement,
mais également lorsqu'il est incomplet ou inexact.
La décision précitée ne viole pas le règlement n_ 729/70 relatif au financement de la politique agricole commune, puisque la réduction des avances, qui ne peut pas avoir un caractère définitif, n'exclut pas le contrôle de son bien-fondé dans le cadre de l'apurement des comptes prescrit par ledit règlement, à l'occasion duquel l'État membre intéressé sera à même de présenter son point de vue sur la légalité de la réduction, de sorte que les droits de la défense seront garantis.
Enfin, la décision ne viole pas le principe de proportionnalité, dans la mesure où elle vise à préciser, dans un souci d'application uniforme et de sécurité juridique, la façon dont la réduction des avances est appliquée et définit, à cet effet, les différents cas d'inobservation donnant lieu à un taux de réduction correspondant. A cet égard, les caractéristiques résultant de la nature forfaitaire des modalités de la réduction ne sauraient la rendre disproportionnée par rapport à son objectif, ces
modalités ne paraissant pas en soi démesurées par rapport à l'importance que représente une communication en bonne et due forme pour la gestion du régime du prélèvement.
Parties
Dans l'affaire C-69/94,
République française, représentée par Mme Edwige Belliard, directeur adjoint à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. Jean-Louis Falconi, secrétaire des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de France, 9, boulevard du Prince Henri,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. Gérard Rozet, conseiller juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet un recours tendant à l'annulation de la décision 93/673/CE de la Commission, du 10 décembre 1993, fixant la réduction forfaitaire des avances sur la prise en compte des dépenses agricoles en cas de non-respect du délai de communication du questionnaire annuel sur l'application du régime du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers établi par le règlement (CEE) n_ 3950/92 du Conseil (JO L 310, p. 44),
LA COUR
(sixième chambre),
composée de MM. J. L. Murray, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, C. N. Kakouris, P. J. G. Kapteyn, G. Hirsch (rapporteur) et H. Ragnemalm, juges,
avocat général: M. G. Tesauro,
greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 27 juin 1996, au cours de laquelle le gouvernement français était représenté par M. Frédéric Pascal, attaché d'administration centrale à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, et la Commission par M. Gérard Rozet,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 26 septembre 1996,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 21 février 1994, la République française a, en vertu de l'article 173, premier alinéa, du traité CE, demandé l'annulation de la décision 93/673/CE de la Commission, du 10 décembre 1993, fixant la réduction forfaitaire des avances sur la prise en compte des dépenses agricoles en cas de non-respect du délai de communication du questionnaire annuel sur l'application du régime du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers
établi par le règlement (CEE) n_ 3950/92 du Conseil (JO L 310, p. 44, ci-après la «décision litigieuse»).
2 Dans le cadre de l'organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers, un régime de prélèvement supplémentaire sur le lait a été institué par le règlement (CEE) n_ 856/84 du Conseil, du 31 mars 1984, modifiant le règlement (CEE) n_ 804/68 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 90, p. 10), et par le règlement (CEE) n_ 857/84 du Conseil, du 31 mars 1984, portant règles générales pour l'application du prélèvement
visé à l'article 5 quater du règlement (CEE) n_ 804/68 dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 90, p. 13). Ce régime, qui a été prorogé jusqu'au 31 mars 1993, a été reconduit, pour sept périodes de douze mois consécutives, avec certaines modifications destinées à l'améliorer et à le simplifier, par le règlement (CEE) n_ 3950/92 du Conseil, du 28 décembre 1992, établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 405, p. 1).
3 S'agissant de la nature et de l'utilisation du prélèvement, l'article 10 du règlement n_ 3950/92 prévoit:
«Le prélèvement est considéré comme faisant partie des interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles et est affecté au financement des dépenses du secteur laitier.»
4 Sur la base de l'habilitation prévue à l'article 11 de ce dernier règlement, selon lequel «les modalités d'application du présent règlement et notamment les caractéristiques du lait, dont les matières grasses, considérées comme représentatives afin d'établir les quantités de lait livrées ou achetées sont arrêtées selon la procédure prévue à l'article 30 du règlement (CEE) n_ 804/68», la Commission a arrêté le règlement (CEE) n_ 536/93, du 9 mars 1993, fixant les modalités d'application du
prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 57, p. 12). Son article 8, quatrième tiret, dispose:
«Les États membres communiquent à la Commission:
- ... - ... - ...
- avant le 1er septembre de chaque année, le questionnaire en annexe dûment rempli. En cas de non-respect du délai, la Commission procède à une réduction forfaitaire des avances sur la prise en compte des dépenses agricoles.»
5 A l'égard du non-respect du délai, le cinquième considérant de ce règlement indique:
«que l'expérience acquise a montré que des retards importants et dans la transmission des chiffres de collecte ou de ventes directes, et dans le paiement du prélèvement, empêchaient le régime d'être pleinement efficace; qu'il convient, dès lors, de tirer des leçons du passé les conclusions nécessaires en posant des exigences strictes en matière de délais de communication et de paiement, lesquelles doivent être assorties de sanctions».
6 Sur le fondement de l'article 8, quatrième tiret, du règlement n_ 536/93, la Commission a adopté la décision litigieuse, qui comporte les trois articles suivants:
«Article premier
Dans le cas où le questionnaire annexé au règlement (CEE) n_ 536/93 n'a pas été communiqué avant le 1er septembre de chaque année, la Commission procède, vis-à-vis des États membres concernés, à la réduction pour le mois de septembre des avances sur la prise en compte des dépenses, à concurrence de 1 % du montant global payé à l'État membre concerné pour le secteur du lait et des produits laitiers au titre de l'exercice budgétaire précédent.
Article 2
Dans le cas où, sur la base des données communiquées en réponse au questionnaire en annexe du règlement (CEE) n_ 536/93, le calcul du prélèvement dû à la Communauté s'avère inexact de plus de 10 %, la Commission procède vis-à-vis des États membres concernés à la réduction des avances sur la prise en compte des dépenses, à concurrence de 0,5 % du montant global payé à l'État membre concerné pour le secteur du lait et des produits laitiers au titre de l'exercice budgétaire précédant celui au cours
duquel l'inexactitude a pu être démontrée.
Article 3
Dans le cas où la réponse au questionnaire en annexe du règlement (CEE) n_ 536/93 est incomplète, la Commission procède vis-à-vis des États membres concernés à la réduction des avances sur la prise en compte des dépenses, à concurrence de 0,04 % par donnée manquante du montant global payé à l'État membre concerné pour le secteur du lait et des produits laitiers au titre de l'exercice budgétaire précédent.»
7 A l'appui du recours qu'elle a introduit contre la décision litigieuse, la République française invoque trois moyens d'annulation tirés
- de la violation des articles 8, quatrième tiret, du règlement n_ 536/93 et 11 du règlement n_ 3950/92, ainsi que de certaines formes substantielles;
- de la violation du règlement (CEE) n_ 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), ainsi que
- de la violation du principe de proportionnalité.
Sur le premier moyen tiré de la violation des articles 8, quatrième tiret, du règlement n_ 536/93 et 11 du règlement n_ 3950/92
8 Ce moyen se décompose en deux branches.
Sur le grief tiré d'une violation de l'article 8, quatrième tiret, du règlement n_ 536/93
9 Le gouvernement français soutient que l'article 8, quatrième tiret, du règlement n_ 536/93 ne constituait pas le fondement juridique permettant d'adopter, à la différence de l'article 1er de la décision litigieuse, les articles 2 et 3. Cette disposition prévoirait une réduction forfaitaire des avances sur la prise en compte des dépenses agricoles dans la seule hypothèse où le questionnaire en cause serait communiqué tardivement à la Commission, à savoir après le délai imparti; l'hypothèse d'un
questionnaire inexact, qui fait l'objet de l'article 2 de la décision litigieuse, et celle d'un questionnaire incomplet, figurant à l'article 3 de cette décision, seraient dès lors exclues.
10 S'agissant plus particulièrement des sanctions prévues dans les cas de questionnaires inexacts ou incomplets, les principes généraux de droit et, en particulier, celui de la légalité de l'incrimination exigeraient que les sanctions soient limitativement prévues dans un texte et qu'elles reçoivent une interprétation restrictive.
11 La Commission estime, en revanche, que l'article 8, quatrième tiret, du règlement n_ 536/93 est une base juridique suffisante pour adopter la décision litigieuse prévoyant des conséquences financières négatives dans l'hypothèse d'un questionnaire indûment rempli. Les données fournies par les questionnaires seraient indispensables pour la pleine efficacité du régime des quotas laitiers et pour que la Commission puisse assumer ses responsabilités de gestion en temps utile. Cette tâche serait
compromise en cas de réponses incomplètes.
12 Il ressort du libellé de l'article 8, quatrième tiret, première phrase, du règlement n_ 536/93 que cette disposition soumet les États membres à une double obligation. Ceux-ci doivent non seulement communiquer le questionnaire en cause avant la date indiquée, à savoir avant le 1er septembre de chaque année, mais également le communiquer dûment rempli.
13 Ainsi, les obligations imposées par l'article 8, quatrième tiret, première phrase, du règlement n_ 536/93 ne sauraient être considérées comme étant remplies si le contenu du questionnaire communiqué à temps n'est ni exact ni complet. Une réduction forfaitaire des avances, au sens de la seconde phrase de cette disposition, s'opère dès lors lorsque l'un des trois cas de figure énumérés dans la décision litigieuse survient, à savoir si le questionnaire en cause n'est pas communiqué avant le 1er
septembre ou si le questionnaire communiqué à cette date est incomplet ou, dans une certaine mesure, inexact.
14 Cette interprétation est corroborée par l'objectif du questionnaire et par le rôle que joue ce document dans le cadre de la gestion du régime du prélèvement supplémentaire institué par le règlement n_ 3950/92.
15 La gestion de ce régime qui a créé un mécanisme de responsabilité financière, à savoir le prélèvement supplémentaire, est confiée tant aux États membres qu'à la Commission. Elle comprend, notamment, deux sortes d'activités, à savoir, d'une part, la perception du prélèvement, son contrôle et le versement du produit du prélèvement à la Communauté et, d'autre part, l'adoption d'éventuelles mesures d'intervention correctrices en vue des évolutions et des adaptations structurelles, ainsi qu'il ressort
des seizième et dix-septième considérants du règlement n_ 3950/92.
16 Conformément à son deuxième considérant, le règlement n_ 536/93 énonce les règles de contrôle permettant la vérification de la régularité de la perception du prélèvement. Les mesures de contrôle sont, selon l'article 7 du règlement n_ 536/93, confiées aux autorités nationales compétentes; celles-ci sont tenues, selon l'article 8, quatrième tiret, de ce règlement, d'informer la Commission annuellement, au moyen dudit questionnaire, des résultats reflétant la situation relative à la perception du
prélèvement.
17 Selon les affirmations de la Commission, que le gouvernement français n'a pas contestées, cette institution doit obtenir ces informations relatives à la perception des prélèvements pour évaluer en temps utile si et comment les résultats escomptés du régime des quotas laitiers sur la production seront réalisés et pour déterminer leur impact budgétaire sur l'exercice en cours et sur les exercices suivants résultant de l'évolution de ladite production. En effet, le produit du prélèvement collecté
par l'État membre est versé par ce dernier à la Communauté, plus exactement au Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (ci-après le «FEOGA»), qui l'utilise, conformément à l'article 10 du règlement n_ 3950/92, pour financer les dépenses relatives à la stabilisation et à la régularisation du marché des produits laitiers.
18 Or, le questionnaire n'a de valeur pour la Commission, pour qu'elle puisse exercer correctement sa mission dans le cadre de la procédure budgétaire, que s'il reflète fidèlement la situation relative à la perception des prélèvements. Tel ne peut être le cas que si les données qu'il contient sont exactes et complètes.
19 S'agissant des mesures d'intervention éventuelles, celles-ci ne peuvent être proposées par la Commission que si elle dispose des informations correctes et complètes. Eu égard à la nécessité d'éventuelles mesures adéquates et appropriées à l'évolution réelle, le questionnaire doit dès lors être fiable, en sorte qu'il doit contenir des données exactes et complètes.
20 En dernier lieu, il convient de rappeler les arrêts du 17 octobre 1991, Allemagne/Commission (C-342/89, Rec. p. I-5031, point 16), et Italie/Commission (C-346/89, Rec. p. I-5057, point 16), selon lesquels la Commission a le pouvoir de diminuer le versement des sommes dues à titre d'avances mensuelles lorsqu'elle constate que, en violation du droit communautaire, l'organisme national n'a pas prélevé certaines recettes destinées au FEOGA.
21 Or, la Commission ne peut exercer le pouvoir qui lui est ainsi conféré, indépendamment de son pouvoir au sens de l'article 8, quatrième tiret, du règlement n_ 536/93, que si les données contenues dans le questionnaire sont exactes et complètes, lui permettant ainsi de vérifier si les autorités nationales n'ont pas omis de percevoir des prélèvements dus par des opérateurs en dépassement de quotas.
22 Il convient, dès lors, de rejeter le grief du gouvernement français relatif à la violation de l'article 8, quatrième tiret, du règlement n_ 536/93.
Sur le grief tiré d'une violation de l'article 11 du règlement n_ 3950/92
23 Le gouvernement français soutient que les articles 2 et 3 de la décision litigieuse ne pouvaient davantage être fondés sur l'article 11 du règlement n_ 3950/92. Cette disposition autoriserait la Commission à adopter les modalités d'application du régime du prélèvement supplémentaire selon la procédure dite du «comité de gestion» conformément à l'article 30 du règlement (CEE) n_ 804/68 du Conseil, du 27 juin 1968 (JO L 148, p. 13). Même si les sanctions prévues aux articles 2 et 3 de la décision
litigieuse pouvaient être assimilées à des modalités d'application au sens de l'article 11 du règlement n_ 3950/92, le comité de gestion, dont la participation à la procédure d'adoption des mesures d'application en question serait expressément prescrite, n'avait pas été consulté lors de l'adoption de la décision litigieuse.
24 Il y a lieu de constater que la décision litigieuse précise les conditions d'application du pouvoir de réduction qui est conféré à la Commission par l'article 8, quatrième tiret, du règlement n_ 536/93, en sorte qu'elle ne saurait être considérée comme relevant, en qualité de modalité d'application, de l'article 11 du règlement n_ 3950/92.
25 En effet, pour autant que la décision litigieuse fixe, de manière générale et égale pour tous les États membres, les différents taux de réduction applicables aux divers types de manquements dont peut être entachée la communication du questionnaire, elle précise, dans l'intérêt de la sécurité juridique, la manière dont la Commission entend procéder à des réductions des avances dans les différents cas de figure.
26 Il résulte des considérations qui précèdent que le grief tiré d'une violation de l'article 11 du règlement n_ 3950/92 n'est également pas fondé.
Sur le deuxième moyen tiré de la violation du règlement n_ 729/70
27 A l'appui de ce moyen, le gouvernement français se fonde, à défaut d'une définition explicite des pouvoirs conférés à la Commission par la réglementation communautaire en cause, sur les arrêts Allemagne/Commission et Italie/Commission, précités.
28 Il soutient que les sanctions financières à l'encontre des États membres telles qu'instituées par la décision litigieuse se présentent, à la différence d'une diminution en cause dans les arrêts Allemagne/Commission et Italie/Commission, précités, comme des sanctions définitives. L'application de ces sanctions serait ainsi automatique. Par ailleurs, le gouvernement français indique, s'agissant du respect des droits de la défense, que ni la décision litigieuse ni le règlement n_ 536/93
n'autoriseraient l'État membre concerné à préciser, à propos d'une mesure de réduction prise à son encontre, son point de vue, notamment en ce qui concerne les justifications du retard sanctionné.
29 Ce moyen doit être rejeté. D'une part, ainsi qu'il a déjà été relevé au point 20 du présent arrêt, dans les arrêts Allemagne/Commission et Italie/Commission, précités, la Cour a reconnu à la Commission le pouvoir de réduire, en attendant la décision définitive sur l'apurement des comptes annuels, le versement des sommes dues à titre d'avances mensuelles dans l'hypothèse où l'organisme national n'a pas prélevé, en violation du droit communautaire, certaines recettes destinées au FEOGA.
30 D'autre part, la Cour a également constaté, au point 18 des arrêts Allemagne/Commission et Italie/Commission, précités, que les décisions relatives aux avances mensuelles intervenant en cours d'exercice, sur la base des seuls éléments disponibles à ce moment, ne revêtent qu'un caractère intérimaire et provisoire et ne sauraient préjuger la décision finale et définitive relative à l'apurement annuel des comptes. Cette décision est prise à l'issue de la procédure contradictoire spécifique au cours
de laquelle les États membres concernés disposent de toutes les garanties requises pour présenter leur point de vue.
31 Or, si une telle décision de diminuer les avances mensuelles prise en cas d'omission de prélever, en violation du droit communautaire, certaines recettes destinées au FEOGA n'est qu'intérimaire, provisoire et soumise à la procédure d'apurement, il doit en être de même d'une décision de réduire les mêmes avances mensuelles, au sens de l'article 8, quatrième tiret, du règlement n_ 536/93, en raison de l'omission de communiquer en bonne et due forme les données obligatoires relatives à de telles
recettes, décision qui ne peut dès lors pas avoir un caractère définitif et ne peut empêcher un contrôle lors de l'apurement des comptes.
32 Il en résulte que, contrairement à l'affirmation de la requérante, la réduction des avances au sens de l'article 8, quatrième tiret, du règlement n_ 536/93 n'exclut pas le contrôle de son bien-fondé dans le cadre de l'apurement des comptes prescrit par le règlement n_ 729/70. A cette occasion, le gouvernement français sera à même de présenter son point de vue sur la légalité d'une réduction des avances, en sorte que les droits de la défense seront garantis.
Sur le troisième moyen tiré d'une violation du principe de proportionnalité
33 A titre liminaire, le gouvernement français relève qu'il existe d'autres sources d'informations que le questionnaire permettant à la Commission de gérer le marché du lait et qu'un rapport entre le respect de l'échéance fixée pour la communication du questionnaire et l'efficacité du régime fait défaut.
34 Sur le fondement des arrêts du 20 février 1979, Buitoni (122/78, Rec. p. 677); du 24 septembre 1985, Man (Sugar) (181/84, Rec. p. 2889), et du 18 avril 1989, Drewes (358/87, Rec. p. 891), le gouvernement français soutient ensuite que l'obligation de transmission du questionnaire dans le délai imparti est une obligation secondaire dont l'inobservation ne saurait faire l'objet d'une sanction analogue, voire supérieure, à l'inobservation d'une obligation principale comme celle applicable en cas de
non-perception du prélèvement supplémentaire dont seraient redevables les producteurs ayant commis un dépassement de leurs quantités de référence.
35 Les sanctions instituées par la décision litigieuse seraient disproportionnées en raison de leur caractère automatique, de leur absence de gradation et du montant des retenues. Ainsi, des sanctions forfaitaires et automatiques en cas de mauvaise application de mesures de gestion administrative seraient trop rigoureuses au sens de l'arrêt Buitoni, précité. Il n'existerait aucun lien entre le montant de la retenue et celui du préjudice financier subi par le FEOGA; en effet, ce préjudice, constitué
par le retard mis dans la perception, serait déjà compensé par les intérêts de retard dus par les opérateurs. Par ailleurs, les sanctions prévues aux articles 1er et 3 de la décision litigieuse pourraient être infligées à un État membre même sans qu'il y ait de prélèvement supplémentaire à verser au FEOGA.
36 S'agissant en particulier des sanctions, l'article 1er de la décision litigieuse ne comporterait aucune gradation en fonction de l'importance du retard. Quant à l'article 2, le gouvernement français estime que les raisons pour lesquelles un État membre devrait être sanctionné pour les fraudes qu'il a lui-même mises en évidence par les contrôles qu'il avait effectués seraient difficilement compréhensibles. Cette disposition permettrait en outre d'infliger une pénalité le plus souvent égale, voire
supérieure, au redressement qu'aurait provoqué, dans le cadre d'un apurement, un écart de 10 % entre la somme réellement due et celle calculée à partir des données communiquées en réponse au questionnaire en cause. L'article 3 ne comporterait également aucune gradation en fonction de l'importance de l'absence de telle ou telle donnée.
37 La Commission rétorque que la jurisprudence relative aux obligations primaires et secondaires ne serait pas applicable puisque la Cour l'avait développée dans le cadre tout à fait particulier de la constitution des cautions. Par ailleurs, la communication des données sollicitées par le questionnaire avant le 1er septembre ne constituerait pas une mission impossible puisque les États membres disposeraient de ces dernières avant cette date. Les conséquences financières négatives, et notamment
celles prévues à l'article 2 de la décision litigieuse résultant de l'inexactitude, ne mettraient en cause qu'un nombre limité des données visées par le questionnaire. Ainsi, la marge de 10 % d'écart, sanctionnée par l'article 2 de la décision litigieuse, n'aurait été dépassée par la République française qu'une fois pour la période 1987/1988 avec un écart de 12,67 %. La Commission conclut que la décision litigieuse a introduit une gradation des conséquences financières négatives en fonction du type
de manquement de l'État membre à son obligation de communiquer le questionnaire avant le 1er septembre.
38 Pour apprécier la conformité d'une disposition de droit communautaire, en particulier dans le secteur des organisations communes des marchés agricoles, avec le principe de proportionnalité, il y a lieu d'examiner si les mesures instituées par cette disposition dépassent la limite de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché par la réglementation en cause. Plus particulièrement, il convient de vérifier si les mesures que la disposition en cause met en oeuvre pour réaliser
l'objectif qu'elle vise s'accordent avec l'importance de celui-ci et si elles sont nécessaires pour l'atteindre (voir arrêt du 21 janvier 1992, Pressler, C-319/90, Rec. p. I-203, point 12).
39 S'agissant de son objectif, la décision litigieuse vise à préciser, dans un souci d'application uniforme et de sécurité juridique, la façon dont la réduction forfaitaire des avances est appliquée. A cet effet, elle définit les différents cas d'inobservation de l'obligation de communiquer le questionnaire dans le délai imparti et établit, pour chaque cas, un taux de réduction correspondant.
40 En premier lieu, il convient de relever que la proportionnalité des modalités de réduction prévues par la décision litigieuse ne saurait être mise en cause ni par l'existence d'autres sources d'informations ni par le prétendu manque d'un rapport entre le respect de l'échéance fixée pour le renvoi du questionnaire et l'efficacité du régime.
41 Même si la Commission dispose effectivement d'autres sources d'informations, il n'est pas établi que ces dernières fournissent les mêmes informations disponibles à la même date que celles exigées par le questionnaire.
42 En ce qui concerne la prétendue absence de rapport entre l'efficacité du régime et l'échéance, il suffit de relever que la République française a elle-même fait état de la fonction et de l'importance de l'échéance dans le cadre de la procédure budgétaire. Les résultats obtenus dans le cadre de cette procédure grâce aux données communiquées par le questionnaire permettent à la Commission d'exercer son rôle de gestionnaire, ne serait-ce qu'en proposant aux institutions compétentes les éventuelles
mesures de corrections qui s'imposent.
43 S'agissant, en second lieu, d'une différenciation nécessaire, selon le gouvernement français, entre une obligation principale et une obligation secondaire, il y a lieu de rejeter ce grief dès lors qu'une réduction mensuelle, à caractère provisoire, des avances sur la prise en compte des dépenses agricoles en raison d'un non-respect du délai de communication du questionnaire en cause ne saurait être comparée avec le refus définitif d'une prise en compte d'un montant en raison d'un prélèvement
indûment non perçu par l'État membre.
44 Il convient ensuite de relever que, en établissant des taux de réduction qui diffèrent selon les cas d'inobservation de l'obligation résultant de l'article 8, quatrième tiret, du règlement n_ 536/93, la décision litigieuse tient compte de l'importance que chaque cas d'inobservation représente pour la Commission dans l'accomplissement de son rôle de gestionnaire du régime du prélèvement supplémentaire.
45 Il est vrai que, malgré la gradation des taux de réduction en fonction des différents cas d'inobservation, les modalités de réduction instituées par la décision litigieuse conservent un certain caractère forfaitaire, comme l'a relevé le gouvernement français.
46 Ainsi, les différents degrés d'importance des éléments du questionnaire ne sont pas pris en considération lors de l'application des articles 1er et 3 de la décision litigieuse; l'article 2 de cette décision ne comporte aucun lien entre le montant de réduction et celui du redressement provoqué par un écart de plus de 10 % entre la somme du prélèvement réellement due et celle calculée grâce au questionnaire; la décision litigieuse ne tient nullement compte du préjudice financier subi par le FEOGA
en raison de l'inobservation de l'obligation imposée par l'article 8, quatrième tiret, du règlement n_ 536/93.
47 Cependant, ces caractéristiques résultant de la nature forfaitaire des modalités de la réduction ne sauraient la rendre disproportionnée par rapport à son objectif. Ces modalités de réduction (taux de réduction de 1 % du montant global payé à l'État membre au titre de l'exercice budgétaire précédent, mais uniquement applicable aux avances pour le mois de septembre en cas d'une communication tardive du questionnaire, taux de réduction de 0,5 % du même montant global en cas d'un calcul du
prélèvement inexact de plus de 10 % et taux de 0,04 % par donnée manquante) ne paraissent pas en soi démesurées par rapport à l'importance que représente une communication en bonne et due forme pour la gestion du régime du prélèvement. Elles sont d'autant moins démesurés qu'elles ne s'appliquent pas en définitive aux dépenses éligibles, mais seulement, comme il résulte des considérations relatives à la violation du règlement n_ 729/70, aux avances mensuelles, en sorte qu'elles n'ont qu'un caractère
provisoire, leur bien-fondé étant soumis à un contrôle lors de l'apurement des comptes.
48 En conséquence, il y a lieu de considérer ce dernier moyen comme étant également non fondé.
49 Dès lors, eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
50 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La République française ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR
(sixième chambre)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) La République française est condamnée aux dépens.