ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
6 mai 1997Â ( *1 )
«Fonctionnaires — Congé de maladie — Certificat médical —Visite médicale de contrôle — Conclusions contredisant le certificat médical»
Dans l'affaire T-169/95,
AgustÃn Quijano, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Luxembourg, représenté par Mes Jean-Noël Louis, Thierry Demaseure et Ariane Tornei, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Ana Maria Alves Vieira, membre du service juridique, en qualité d'agent, assistée de Me Alberto Dal Ferro, avocat au barreau de Vicence, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d'annulation d'une décision du 21 septembre 1994, par laquelle la Commission a considéré comme irrégulière une absence du requérant du 8 au 23 août 1994 et a imputé dix jours sur la durée de son congé annuel,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),
composé de MM. C. W. Bellamy, président, A. Kalogeropoulos et R. M. Moura Ramos, juges,
greffier: M. A. Mair, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale des 21 novembre 1996 et 18 mars 1997,
rend le présent
Arrêt
Faits et procédure
1 Le requérant, fonctionnaire de grade LA 4 affecté au service de traduction à Luxembourg, a suivi pendant l'année 1994 un traitement médical dans le cadre duquel il était autorisé à se rendre deux fois par semaine, les lundi et vendredi, en consultation chez son médecin traitant à Bruxelles.
2 En juillet 1994, le requérant a adressé à la défenderesse un certificat de son médecin traitant, daté du lundi 18 juillet 1994, le reconnaissant incapable de travailler pour la période du lundi 25 juillet au vendredi 19 août 1994 inclus, ainsi qu'une demande d'autorisation de séjourner en dehors de son lieu d'affectation.
3 Par lettre recommandée du 1er août 1994, le Dr Broutchoux, médecin-contrôleur de l'institution défenderesse à Luxembourg, l'a convoqué à une visite de contrôle. Cette visite s'est déroulée au service médical de la Commission à Luxembourg le vendredi 5 août 1994.
4 Le 5 août 1994, le médecin-contrôleur a adressé un rapport au médecin-chef du service médical de la Commission à Luxembourg.
5 Ce rapport énonçait notamment:
«Il résulte de l'examen médical et de l'entretien que [...] l'arrêt de travail prescrit par le médecin traitant n'est pas justifié à mon avis. J'ai invité Monsieur [...] à reprendre ses fonctions [...] En cas de contestation de l'intéressé, un examen d'expertise est à envisager.»
6 En marge de ces observations, figurait l'annotation manuscrite suivante, partiellement soulignée par le médecin-contrôleur:
«arrêt de travail du 22/07 - 21/08 injustifié».
7 Le requérant a repris son service le mardi 23 août 1994.
8 Par note datée du 21 septembre 1994, le directeur général adjoint de la direction générale du personnel et de l'administration de la Commission, en sa qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN»), a informé le requérant de sa décision de considérer son absence du 8 au 23 août comme irrégulière et d'imputer dix jours sur la durée de son congé annuel, conformément à l'article 60 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»).
9 Il a motivé cette décision dans les termes suivants:
«Conformément à l'article 59, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, le médecin-contrôleur vous a examiné le 5 août 1994. De cet entretien, il conclut que l'arrêt de travail prescrit par votre médecin traitant n'est pas justifié et il vous a invité à reprendre immédiatement votre travail.
Vous n'avez repris vos activités que le 23 août 1994 [...]»
10 Par note du 15 décembre 1994, remise le même jour à son supérieur hiérarchique, le requérant a introduit contre cette décision une réclamation dans laquelle il a fait valoir que, lors de l'entretien du 5 août 1994, le médecin-contrôleur ne l'avait en aucune façon invité à reprendre immédiatement son travail et que, après cet entretien, il n'avait reçu aucune communication écrite ou verbale à ce propos, jusqu'à la réception de la décision faisant l'objet de la réclamation.
11 Cette réclamation a été examinée par le groupe interservices lors de sa réunion du 2 mars 1995, au cours de laquelle ont été entendus le requérant et le médecin-contrôleur. Celui-ci a affirmé avoir signalé au requérant, lors de la visite de contrôle, qu'à son avis l'arrêt de travail prescrit par le médecin traitant n'était pas justifié et l'avoir invité à reprendre ses fonctions dès le lundi 8 août 1994. Le requérant a maintenu les termes de sa réclamation, en contestant la version des faits
présentée par le médecin-contrôleur. Il a soutenu qu'un refus du certificat médical aurait dû amener l'administration à saisir la commission d'invalidité pour avis, conformément à l'article 59, paragraphe 3, du statut.
12 Le médecin-contrôleur a adressé aux services de la défenderesse, le 8 mars 1995, le compte rendu écrit suivant de la visite médicale litigieuse:
«Le contrôle médical a eu lieu le 5 août 1994 - le patient a apporté un certificat d'incapacité de travail du 25 juillet au 19 août 1994. Lors de l'entretien, le patient me signale que le certificat est motivé par le fait que [son médecin traitant] part en vacances pendant cette période. Effectivement le certificat n'est en rien justifié par un état pathologique ou séméiologique aggravé - l'état médical est inchangé et je signale au patient qu'un tel type de certificat est inacceptable, car
injustifié médicalement. Ce refus entraîne donc une reprise immédiate du travail. Ceci fut clairement signifié au patient et figure dans le rapport d'entretien remis au médecin-chef, immédiatement après cet entretien.»
13 Par décision du 30 mai 1995, notifiée au requérant par lettre du 9 juin 1995, la défenderesse a explicitement rejeté la réclamation du requérant.
14 Après avoir rappelé, dans cette décision, que la disposition de l'article 59 du statut doit être interprétée en ce sens que les effets administratifs des conclusions de la visite médicale de contrôle commencent à courir à partir du moment où celle-ci est effectuée (arrêt de la Cour du 19 juin 1992, V./Parlement, C-18/91 P, Rec. p. I-3997), la défenderesse a tout d'abord indiqué qu'elle n'était pas tenue, en l'espèce, de saisir la commission d'invalidité pour avis. Le fait que cette procédure ne
concerne pas le cas d'un refus de certificat médical serait tout à fait évident compte tenu des délais nécessaires pour constituer ladite commission (voir article 7 de l'annexe II du statut).
15 La défenderesse a ensuite estimé nécessaire de vérifier si, lors de la visite de contrôle, le réclamant avait bien été avisé de ce que les conclusions de cette visite contredisaient celles du certificat médical produit par l'intéressé. Après avoir rappelé que ce n'était pas la coutume, à l'époque, de donner une information écrite au fonctionnaire après que le médecin-contrôleur eut constaté que son état de santé permettait la reprise de ses fonctions, elle a estimé que, compte tenu du rapport
d'entretien remis au médecin-chef immédiatement après la visite, des déclarations du médecin-contrôleur lors de la réunion interservices, de la note signée par celui-ci le 8 mars 1995 et de l'incapacité du requérant, lors de cette même réunion, à préciser ce que le médecin lui avait dit lors de l'entretien du 5 août 1994, il était vraisemblable que ledit requérant avait bien été informé que son certificat médical n'était pas acceptable et qu'une absence ultérieure du service était donc
injustifiée.
16 La défenderesse a dès lors estimé que l'administration avait agi conformément à l'article 60 du statut en imputant dix jours d'absence irrégulière sur la durée du congé annuel de l'intéressé.
17 Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 8 septembre 1995, le requérant a introduit le présent recours.
18 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Il a toutefois posé certaines questions écrites à la défenderesse, qui a répondu par lettre déposée le 29 octobre 1996. Le requérant et le médecin-contrôleur de la Commission ont également été invités à assister à l'audience.
19 Les représentants des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l'audience publique du 21 novembre 1996. Le Tribunal a entendu le requérant et le médecin-contrôleur. Cette audition s'est déroulée à huis clos afin d'assurer la confidentialité des informations d'ordre médical fournies par les intéressés.
20 Par suite de l'empêchement de l'un des membres de la chambre, le président du Tribunal a désigné un autre juge pour compléter celle-ci, en application des dispositions de l'article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure.
21 Eu égard à l'article 33, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal (deuxième chambre), dans sa nouvelle composition, a ordonné la réouverture de la procédure orale par ordonnance du 6 février 1997, conformément à l'article 62 du même règlement.
22 A l'audience publique du 18 mars 1997, les parties se sont référées à leurs plaidoiries du 21 novembre 1996 et ont accepté que les déclarations faites à cette dernière date par le requérant et le médecin-contrôleur soient prises en considération par le Tribunal, sans qu'il soit nécessaire de les réentendre.
Conclusions des parties
23 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— annuler la décision par laquelle l'AIPN a considéré son absence du 8 au 23 août 1994 comme irrégulière et a imputé dix jours sur son congé annuel;
— condamner la partie défenderesse aux dépens.
24 La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— rejeter le recours comme non fondé;
— statuer sur les dépens comme de droit.
Sur le fond
25 A l'appui de son recours, le requérant invoque deux moyens tirés, d'une part, de la violation de l'article 25 du statut et des droits de la défense, et, d'autre part, de la violation de l'article 59 du statut.
Sur le premier moyen tiré d'une violation de l'article 25 du statut et des droits de la défense
Argumentation des parties
26 Le requérant maintient que, lors de la visite de contrôle du 5 août 1994, le médecin-contrôleur ne l'a pas invité à reprendre le travail et n'a pas davantage mis en cause la validité de l'arrêt de travail prescrit par son médecin traitant. Ce ne serait qu'en prenant connaissance de la décision de l'AIPN du 21 septembre 1994 que le requérant aurait été informé des conclusions du médecin-contrôleur.
27 A cet égard, il incomberait à la défenderesse de rapporter la preuve que son médecin-contrôleur a indiqué au requérant que, nonobstant son certificat médical, il était tenu de reprendre immédiatement le travail. Cette preuve ne serait pas rapportée par le rapport médical interne du 5 août 1994, qui ne préciserait aucune date de reprise de travail, n'indiquerait pas qu'un ordre ait été donné en ce sens, et n'aurait été communiqué ni au requérant ni à son médecin traitant. Quant à la note
confirmative du 8 mars 1995, le requérant estime que ce document doit être écarté des débats, dès lors qu'il a été rédigé plus de sept mois après l'examen de contrôle et après une discussion particulièrement vive au cours de la réunion du groupe interservices du 2 mars 1995.
28 Dans sa réplique, le requérant conteste également avoir reconnu, au cours de la réunion du groupe interservices, qu'il ne se souvenait pas de ce qui s'était passé lors de l'entretien avec le médecin-contrôleur. Il joint, à l'appui de cette dénégation, une attestation signée par le fonctionnaire qui l'assistait lors de cette réunion.
29 Le requérant ajoute que, en toute hypothèse, le médecin-contrôleur, en sa qualité de simple médecin vacataire, n'a d'autre compétence que celle d'adresser à l'AIPN un avis quant à la validité du certificat médical établi par le médecin traitant. Il incomberait alors à la seule AIPN d'ordonner, sur la base de constatations médicales dûment établies, la reprise immédiate du travail, par une décision qui, en application de l'article 25 du statut, devrait être motivée et communiquée sans délai, par
écrit, à l'intéressé. Le Tribunal aurait d'ailleurs confirmé ce principe de séparation des pouvoirs dans son arrêt du 23 novembre 1995, Benecos/Commission (T-64/94, RecFP p. II-769), en soulignant que la Commission est obligée de respecter les constatations d'ordre médical et doit se limiter à apprécier les conséquences juridiques à en tirer.
30 Tel n'ayant pas été le cas en l'espèce, le requérant conclut à la violation de l'article 25 du statut.
31 En outre, n'ayant pu prendre connaissance de la motivation de cette décision, ou à tout le moins obtenir que son médecin traitant fût informé des raisons médicales précises pour lesquelles le médecin-contrôleur estimait que le certificat médical d'arrêt de travail n'était pas justifié, le requérant aurait été mis dans l'impossibilité de faire valoir ses moyens de défense en temps utile, de sorte que ses droits de la défense auraient également été violés.
32 En réponse au reproche fait par la défenderesse au médecin traitant du requérant d'avoir couvert, par un certificat non motivé du 18 juillet, une période d'incapacité commençant à courir le 25 juillet, le requérant fait valoir que les décisions et constatations médicales sont couvertes par le secret professionnel, qu'elles ne doivent en aucun cas être motivées à l'égard de l'institution et qu'il n'appartient pas à celle-ci ni même au Tribunal d'en apprécier le bien-fondé. Il ajoute qu'il
incombait, le cas échéant, au médecin-contrôleur de prendre contact avec son médecin traitant, afin de lui demander les précisions nécessaires.
33 Du point de vue de la charge de la preuve, la défenderesse se réfère au rapport adressé par le médecin-contrôleur au médecin-chef le 5 août 1994, soit le jour même de la visite médicale de contrôle, à son témoignage lors de la réunion interservices du 2 mars 1995 et à sa note confirmative du 8 mars 1995. Elle relève par ailleurs que le certificat médical présenté par le requérant était pour le moins singulier, en ce que, rédigé le 18 juillet, il reconnaissait une incapacité de travail à partir du
25 juillet, sans fournir la moindre motivation. Elle estime également que l'attestation jointe à la réplique est plutôt vague et qu'il y aurait lieu, le cas échéant, de tenir compte du témoignage des autres personnes qui ont assisté à la réunion interservices du 2 mars 1995.
34 La partie défenderesse expose que, dans le cas d'espèce, la décision faisant grief au requérant est celle du 21 septembre 1994. Cette décision étant dûment motivée et ayant été régulièrement communiquée par écrit audit requérant, il n'y aurait eu en l'espèce aucune violation de l'article 25 du statut ou des droits de la défense.
35 Le requérant confondrait la décision du 21 septembre 1994 et les faits sur lesquels elle est fondée, à savoir les constatations faites par le médecin-contrôleur le 5 août 1994. La défenderesse précise qu'elle n'était pas tenue d'adopter une décision ordonnant à l'intéressé de reprendre le travail. Elle souligne à cet égard que le médecin-contrôleur était en droit d'inviter le requérant à reprendre ses fonctions, après avoir constaté que son maintien en congé de maladie était injustifié d'un point
de vue médical. L'obligation pour le requérant de reprendre ses fonctions serait la conséquence directe de son état de santé, et la décision attaquée serait elle-même la conséquence du comportement du requérant qui, à l'issue de la visite médicale de contrôle, n'a ni repris le travail ni contesté l'invitation du médecin-contrôleur. Sur ce dernier point, la défenderesse estime, dans sa duplique, que si le requérant entendait contester les conclusions d'ordre médical du médecin-contrôleur il lui
incombait d'agir en ce sens, par exemple en notifiant son désaccord à la Commission.
36 Enfin, la défenderesse relève dans sa duplique que le médecin-contrôleur avait seulement le devoir de contrôler l'état de santé du requérant et de lui communiquer le résultat de son contrôle, tout en rendant compte au médecin-chef, mais qu'il n'était pas tenu de prendre contact avec le médecin traitant du requérant.
Appréciation du Tribunal
37 Aux termes de l'article 60, premier alinéa, du statut, «sauf en cas de maladie ou d'accident, le fonctionnaire ne peut s'absenter sans y avoir été préalablement autorisé par son supérieur hiérarchique», et «toute absence irrégulière dûment constatée est imputée sur la durée du congé annuel de l'intéressé».
38 Aux termes de l'article 59, paragraphe 1, premier alinéa, du statut, «le fonctionnaire qui justifie être empêché d'exercer ses fonctions par suite de maladie ou d'accident bénéficie de plein droit d'un congé de maladie». Il incombe donc à l'intéressé d'apporter la preuve d'un tel empêchement, mais, comme la Cour l'a jugé dans son arrêt du 27 avril 1989, Fedeli/Parlement (271/87, Rec. p. 993 — publication sommaire —), la présentation d'un certificat médical fait naître une présomption de
régularité de l'absence.
39 Selon une jurisprudence bien établie, l'administration ne peut nier la validité d'un tel certificat médical et conclure à l'irrégularité de l'absence du fonctionnaire concerné que si elle l'a auparavant soumis, conformément à l'article 59, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, à un contrôle médical dont les conclusions ne produisent leurs effets administratifs qu'à partir de la date de ce contrôle (arrêt V./Parlement, précité, point 34; arrêts du Tribunal du 26 janvier 1995, O/Commission,
T-527/93, RecFP p. II-29, point 36, et du 20 novembre 1996, Z/Commission, T-135/95, RecFP p. II-1413, point 32).
40 Il découle de ces dispositions que, une fois la présomption de validité du certificat médical renversée par la visite médicale de contrôle, le fonctionnaire intéressé est tenu de reprendre le travail, à moins qu'il ne conteste à son tour les conclusions de ladite visite médicale de contrôle (voir ci-après points 43 et suivants).
41 La Commission n'est donc pas tenue d'adopter, après la visite médicale de contrôle, une décision imposant à l'intéressé la reprise du travail.
42 La première branche du moyen, tirée de ce que l'article 25 du statut aurait été violé en ce qu'une telle décision soit n'a pas été adoptée, soit n'a pas été communiquée par écrit sans délai et de façon motivée au requérant, doit dès lors être rejetée comme non fondée.
43 Toutefois, l'absence de l'intéressé ne peut être tenue pour irrégulière, à la suite de la visite médicale de contrôle, que s'il a été dûment informé des conclusions du médecin-contrôleur et s'il a été mis en mesure de les contester. En effet, s'il n'en était pas ainsi, le fonctionnaire concerné ne serait pas à même de savoir que la validité de son certificat médical est mise en cause, avec les conséquences qui en découlent quant à l'obligation de reprendre le travail, ni d'exercer ses droits de
la défense. Compte tenu de la présomption de régularité qui s'attache au certificat médical, la preuve de cette information incombe, en cas de contestation, à l'institution concernée.
44 Appliqué à la procédure de contrôle médical visée par l'article 59 du statut, le principe du respect des droits de la défense, qui constitue un principe fondamental du droit communautaire dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, et doit être assuré même en l'absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (arrêts de la Cour du 29 juin 1994, Fiskano/Commission, C-135/92, Rec. p. I-2885, point 39, et du 24
octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C-32/95 P, Rec. p. II-5373, point 21), exige que l'intéressé, assisté le cas échéant par son médecin traitant, soit mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les conclusions de la visite médicale de contrôle, et d'en contester éventuellement le bien-fondé, ainsi que la partie défenderesse l'admet au point 15 du mémoire en duplique et comme l'envisage d'ailleurs le formulaire de rapport médical de contrôle utilisé en l'espèce (voir
point 4 ci-dessus).
45 Le contrôle juridictionnel ultérieurement exercé par le juge communautaire ne s'étendant pas aux appréciations médicales proprement dites (arrêts du Tribunal du 9 juin 1994, X/Commission, T-94/92, RecFP p. II-481, point 40, du 23 février 1995, F/Conseil, T-535/93, RecFP p. II-163, point 50, et du 21 mars 1996, Otten/Commission, T-376/94, RecFP p. II-401, point 47), il incombe à l'AIPN d'établir, dans le respect des dispositions du statut, la procédure à suivre en cas de contestation d'ordre
médical soulevée par l'intéressé ou son médecin traitant, étant entendu que, dans l'hypothèse où l'irrégularité du certificat médical établi par ce dernier serait confirmée, les effets administratifs de la visite médicale de contrôle commenceraient à courir à partir du moment où celle-ci a été effectuée (voir, par analogie, arrêt V./Parlement, précité).
46 Il importe de souligner que, lorsque la validité du certificat médical est mise en cause par le médecin-contrôleur, le principe de bonne administration exige également que l'intéressé soit clairement invité à reprendre le travail, notamment afin d'éviter tout malentendu quant à l'application éventuelle de l'article 60, deuxième et troisième phrases, du statut.
47 En l'espèce, il y a lieu de rechercher dans quelle mesure ces exigences ont été respectées.
48 Eu égard à la contestation soulevée par le requérant dans sa réclamation du 15 décembre 1994 sur le point de savoir s'il avait été dûment informé des conclusions de la visite médicale de contrôle du 5 août 1994 et des conséquences qui en découlaient quant à l'obligation de reprendre le travail, il convient tout d'abord de vérifier si la défenderesse s'est acquittée de la charge de la preuve qui lui incombe en la matière.
49 La Commission s'est fondée, tant dans sa décision du 30 mai 1995 rejetant la réclamation que dans son mémoire en défense, sur les quatre éléments de preuve suivants: a) le rapport de contrôle remis par le médecin-contrôleur au médecin-chef le jour même de la visite médicale de contrôle du 5 août 1994; b) les déclarations du médecin-contrôleur lors de la réunion interservices du 2 mars 1995; c) la note du médecin-contrôleur aux services de la Commission du 8 mars 1995, et d) l'imprécision totale
des souvenirs du requérant quant au déroulement de la visite de contrôle du 5 août 1994.
50 S'agissant du rapport de contrôle du 5 août 1994, il y a lieu de relever qu'il a été établi sur un formulaire préimprimé contenant un certain nombre de rubriques à compléter et de mentions à souligner ou à biffer. Le médecin-contrôleur a effectivement entouré la mention selon laquelle l'arrêt de travail prescrit par le médecin traitant ne lui paraissait pas justifié et il a confirmé cette opinion par une annotation manuscrite. En revanche, il a laissé en blanc la rubrique relative à la reprise du
travail, qu'il était pourtant invité à compléter par l'indication d'un nom et d'une date. Cette rubrique étant la seule du formulaire en cause à ne pas avoir été visée, complétée ou biffée, selon le cas, le document sous examen, loin de constituer la preuve dont la charge incombe à la Commission, inspire plutôt un doute quant à la question de savoir si le requérant a bien été informé des conclusions du médecin-contrôleur et invité à reprendre ses fonctions.
51 S'agissant ensuite de l'exposé circonstancié des faits présenté par le médecin-contrôleur lors de la réunion interservices du 2 mars 1995 et dans sa note du 8 mars 1995, il convient de relever qu'il est postérieur à l'introduction de la réclamation et qu'il a été catégoriquement contesté par le requérant, tant lors de ladite réunion que dans son recours. Chacun des intéressés a par ailleurs maintenu son point de vue à l'audience du 21 novembre 1996, en réponse aux questions du Tribunal, sans que
l'instruction menée par celui-ci permît de les départager.
52 S'agissant enfin de la prétendue totale imprécision des souvenirs du requérant quant au déroulement de la visite médicale de contrôle du 5 août 1994, elle est contredite tant par le témoignage écrit joint à la réplique (voir point 28 ci-dessus) que par ses réponses aux questions du Tribunal à l'audience du 21 novembre 1996.
53 Quel que soit le caractère vraisemblable de l'une ou l'autre version des faits, force est ainsi de constater que n'est pas rapportée à suffisance de droit la preuve que, à l'issue de la visite de contrôle du 5 août 1994, le médecin-contrôleur de l'institution défenderesse a dûment informé le requérant de ses conclusions et l'a invité à reprendre immédiatement ses fonctions.
54 En tout état de cause, à supposer même que le requérant ait bien été avisé des conclusions de la visite médicale de contrôle et invité à reprendre le travail, il résulte des déclarations du représentant de la partie défenderesse à l'audience du 21 novembre 1996, confirmées par le médecin-contrôleur en réponse à une question du Tribunal, que le requérant n'a pas été avisé, à l'issue de la visite médicale de contrôle, de ce qu'il lui était loisible de contester les conclusions du médecin-contrôleur
ni, a fortiori, de la procédure à suivre à cet effet. Il est constant par ailleurs que ces conclusions n'ont fait l'objet d'aucune communication écrite au requérant ou à son médecin traitant avant l'adoption de la décision attaquée.
55 II résulte de ce qui précède que le premier moyen d'annulation est fondé en sa seconde branche, tirée d'une violation des droits de la défense.
56 La décision attaquée doit dès lors être annulée, sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen tiré d'une violation de l'article 59 du statut.
Sur les dépens
57 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La défenderesse ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu, eu égard aux conclusions du requérant, de la condamner aux dépens.
 Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête:
 1) La décision du 21 septembre 1994, par laquelle la Commission a considéré comme irrégulière l'absence du requérant du 8 au 23 août 1994 et a imputé dix jours sur la durée de son congé annuel, est annulée.
 2) La Commission est condamnée aux dépens.
Bellamy
Kalogeropoulos
Moura Ramos
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 mai 1997.
Â
Le greffier
H. Jung
Le président
C. W. Bellamy
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( *1 ) Langue de procédure: le français.