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22/04/1997 | CJUE | N°C-180/95

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour du 22 avril 1997., Nils Draehmpaehl contre Urania Immobilienservice OHG., 22/04/1997, C-180/95


Avis juridique important

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Arrêt de la Cour du 22 avril 1997. - Nils Draehmpaehl contre Urania Immobilienservice OHG. - Demande de décision préjudicielle: Arbeitsgericht Hamburg - Allemagne. - Politique sociale - Egalité de traitement entre travailleurs masculins et féminins - Directive 76/207/CEE - Droit

à réparation en cas de discrimination dans l'accès à l'emploi - Choix ...

Avis juridique important

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61995J0180

Arrêt de la Cour du 22 avril 1997. - Nils Draehmpaehl contre Urania Immobilienservice OHG. - Demande de décision préjudicielle: Arbeitsgericht Hamburg - Allemagne. - Politique sociale - Egalité de traitement entre travailleurs masculins et féminins - Directive 76/207/CEE - Droit à réparation en cas de discrimination dans l'accès à l'emploi - Choix des sanctions par les Etats membres - Fixation d'un plafond d'indemnité - Fixation d'un plafond des indemnités cumulées. - Affaire C-180/95.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-02195

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1 Politique sociale - Travailleurs masculins et travailleurs féminins - Accès à l'emploi et conditions de travail - Égalité de traitement - Mise en oeuvre par les États membres - Choix des sanctions réprimant les discriminations - Recours à la responsabilité civile - Inapplicabilité des causes d'exonération prévues par le droit national - Exigence d'une faute - Inadmissibilité

(Directive du Conseil 76/207, art. 2, § 1, et 3, § 1)

2 Politique sociale - Travailleurs masculins et travailleurs féminins - Accès à l'emploi et conditions de travail - Égalité de traitement - Mise en oeuvre par les États membres - Choix des sanctions réprimant les discriminations - Nécessité d'une sanction efficace, dissuasive et analogue à celles applicables aux violations similaires du droit national - Octroi d'une indemnité - Plafonnement de l'indemnité susceptible d'être octroyée à un candidat discriminé en raison du sexe lors du recrutement -
Admissibilité uniquement en cas de discrimination n'ayant pas été déterminante dans le refus d'embauche - Plafonnement des indemnités cumulées susceptibles d'être octroyées en cas de pluralité de candidats discriminés - Inadmissibilité

(Directive du Conseil 76/207)

Sommaire

3 Lorsqu'un État membre choisit de sanctionner la violation de l'interdiction de discrimination entre travailleurs masculins et travailleurs féminins dans le cadre d'un régime de responsabilité civile de l'employeur, la violation de l'interdiction de discrimination doit suffire pour engager, à elle seule, la responsabilité entière de son auteur, sans que puissent être retenues les causes d'exonération prévues par le droit national. Il s'ensuit que la directive 76/207 et, en particulier, ses articles
2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, s'opposent à des dispositions législatives nationales qui subordonnent à la condition d'une faute la réparation du préjudice subi du fait d'une discrimination fondée sur le sexe lors d'un recrutement.$

4 Si un État membre choisit de sanctionner la violation de l'interdiction de discrimination entre travailleurs masculins et travailleurs féminins par l'octroi d'une indemnité, celle-ci doit être de nature à assurer une protection juridictionnelle effective et efficace, doit avoir un effet dissuasif réel à l'égard de l'employeur et doit être en tout cas adéquate au préjudice subi.$

Un tel régime indemnitaire doit permettre de sanctionner cette violation dans des conditions de fond et de procédure analogues à celles applicables aux violations du droit national d'une nature et d'une importance similaires.

Il s'ensuit que

- la directive 76/207 s'oppose à des dispositions législatives nationales qui, à la différence des autres dispositions nationales du droit civil et du droit du travail, fixent a priori un plafond maximal de trois mois de salaire au montant du dédommagement auquel un candidat qui a été discriminé en raison du sexe lors d'un recrutement peut prétendre, dans le cas où ce candidat aurait obtenu le poste à pourvoir si la sélection s'était opérée sans discrimination, mais qu'elle ne s'oppose pas à des
dispositions législatives nationales qui fixent a priori un plafond maximal de trois mois de salaire au montant du dédommagement auquel peut prétendre un candidat lorsque l'employeur peut prouver que, en raison de la supériorité de la qualification du candidat recruté, il n'aurait pas obtenu le poste à pourvoir, même si la sélection s'était opérée sans discrimination, et que$

- la directive 76/207 s'oppose à des dispositions législatives nationales qui, à la différence des autres dispositions nationales du droit civil et du droit du travail, fixent a priori un plafond global de six mois de salaire au montant des dédommagements cumulés auxquels des candidats qui ont été discriminés en raison du sexe lors d'un recrutement peuvent prétendre, lorsque plusieurs candidats prétendent à une indemnisation.

Parties

Dans l'affaire C-180/95,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par l'Arbeitsgericht Hamburg (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Nils Draehmpaehl

et

Urania Immobilienservice OHG,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40),

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, G. F. Mancini (rapporteur), J. C. Moitinho de Almeida et L. Sevón, présidents de chambre, C. N. Kakouris, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, G. Hirsch, H. Ragnemalm, M. Wathelet et R. Schintgen, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

- pour M. Draehmpaehl, par Me Klaus Bertelsmann, avocat à Hambourg, et Mme Heide M. Pfarr, professeur,

- pour le gouvernement allemand, par MM. Ernst Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, et Gereon Thiele, Assessor au même ministère, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme Marie Wolfcarius, membre du service juridique, et M. Horstpeter Kreppel, fonctionnaire national détaché auprès de ce service , en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de M. Draehmpaehl, représenté par Me Klaus Bertelsmann, du gouvernement allemand, représenté par M. Ernst Röder, et de la Commission, représentée par M. Bernhard Jansen, conseiller juridique, en qualité d'agent, et Mme Marie Wolfcarius, à l'audience du 26 novembre 1996,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 14 janvier 1997,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par ordonnance du 22 mai 1995, parvenue à la Cour le 9 juin suivant, l'Arbeitsgericht Hamburg a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, quatre questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 2 et 3 de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40,
ci-après la «directive»).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant M. Draehmpaehl à Urania Immobilienservice ohG (ci-après «Urania» ), au sujet de la réparation du préjudice prétendument subi par M. Draehmpaehl du fait d'une discrimination fondée sur le sexe lors d'un recrutement.

Sur la directive

3 La directive a pour objet, selon son article 1er, la mise en oeuvre, dans les États membres, du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, y compris la promotion, et à la formation professionnelle, ainsi que les conditions de travail.

4 A cet effet, l'article 2, paragraphe 1, de la directive dispose que le principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes implique «l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l'état matrimonial ou familial».

5 En vertu de l'article 3, paragraphe 1, de la directive, l'application de ce principe implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe dans les conditions d'accès, y compris les critères de sélection, aux emplois ou postes de travail. L'article 3, paragraphe 2, sous a), dispose que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires afin que soient supprimées les dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l'égalité de traitement.

6 Enfin, l'article 6 de la directive fait obligation aux États membres d'introduire dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour permettre à toute personne qui s'estime lésée par la non-application à son égard du principe de l'égalité de traitement de faire valoir ses droits par voie juridictionnelle après, éventuellement, le recours à d'autres instances compétentes.

Sur le cadre normatif national

7 Les dispositions législatives nationales concernant l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans la vie professionnelle applicables en l'espèce au principal figurent dans le Bürgerliches Gesetzbuch (code civil allemand, ci-après le «BGB»).

8 Aux termes de l'article 611 a, paragraphe 1, du BGB, un employeur ne peut désavantager un travailleur en raison de son sexe, dans le cadre d'une convention ou de l'adoption de dispositions, en particulier en ce qui concerne l'établissement d'une relation de travail, la promotion professionnelle, des instructions ou un licenciement. Une différence de traitement en raison du sexe est cependant permise si la convention ou les dispositions adoptées concernent une activité qui, en raison de sa nature
spécifique, ne peut être exercée que par des travailleurs de l'un ou l'autre sexe. La charge de la preuve que l'activité ne pouvait être exercée que par des travailleurs de l'un ou l'autre sexe incombe à l'employeur.

9 L'article 611 a, paragraphe 2, du BGB dispose que, si un employeur se rend responsable, dans l'établissement d'une relation de travail, d'une violation de l'interdiction de discrimination énoncée au paragraphe 1, le candidat lésé peut demander une indemnisation pécuniaire adéquate dont le montant ne peut dépasser trois mois de salaire. Le salaire mensuel correspond aux prestations en espèces et en nature auxquelles le candidat aurait eu droit pendant le mois de l'établissement de la relation de
travail pour un travail régulier.

10 En vertu de l'article 611 b du BGB, un employeur ne peut offrir un emploi uniquement à des travailleurs de l'un ou l'autre sexe, sauf dans le cas visé par l'article 611 a, paragraphe 1, deuxième phrase.

11 Conformément à l'article 61 b, paragraphe 2, de l'Arbeitsgerichtsgesetz (loi sur l'organisation des juridictions du travail, ci-après l'«ArbGG»), si plusieurs personnes désavantagées dans le cadre de l'établissement d'une relation de travail font valoir, par voie juridictionnelle, un droit à une indemnisation en vertu de l'article 611 a, paragraphe 2, du BGB, le montant des indemnités doit être limité, lorsque l'employeur en fait la demande, à six mois de salaire, ou à douze mois lorsqu'une
procédure de recrutement unique avait été organisée pour conduire à l'établissement de plusieurs relations de travail. Lorsque l'employeur a déjà satisfait à des demandes d'indemnisation, le montant maximal, tel qu'il est fixé à la première phrase, est réduit en proportion. Si les indemnités cumulées auxquelles auraient droit les demandeurs dépassent globalement ce montant maximal, chaque indemnité est réduite proportionnellement à ce montant.

Sur les antécédents du litige

12 Il ressort du dossier au principal que, par lettre du 17 novembre 1994, M. Draehmpaehl a posé sa candidature à une offre d'emploi d'Urania publiée dans le quotidien «Hamburger Abendblatt», qui était ainsi libellée:

«Nous recherchons une assistante expérimentée pour notre direction des ventes. Si vous êtes capable de venir à bout des esprits brouillons d'une entreprise axée sur la vente, si vous êtes disposée à leur faire du café, si vous pouvez accepter de recevoir peu de louanges tout en travaillant beaucoup, vous avez votre place chez nous. Chez nous, il faut pouvoir travailler sur son ordinateur et en équipe avec les autres. Si vous voulez vraiment relever ce défi, nous attendons votre dossier de
candidature. Mais vous ne direz pas que nous ne vous avions pas prévenue...»

Urania n'a pas répondu à la lettre de M. Draehmpaehl et ne lui a pas non plus retourné son dossier de candidature.

13 Faisant valoir qu'il était le candidat le plus qualifié pour ce poste et qu'il avait subi une discrimination fondée sur le sexe lors du recrutement, M. Draehmpaehl a intenté auprès de l'Arbeitsgericht Hamburg une procédure visant à obtenir réparation du préjudice subi par le versement d'une indemnité d'un montant égal à trois mois et demi de salaire.

14 Il ressort également du dossier au principal que, dans le cadre d'une procédure parallèle devant une autre chambre de la juridiction de renvoi, un autre candidat masculin a également introduit une demande en réparation contre Urania pour des faits analogues.

15 La juridiction de renvoi a considéré que le requérant au principal avait fait l'objet d'une discrimination en raison de son sexe de la part d'Urania, l'offre d'emploi de cette dernière étant formulée d'une manière qui n'était pas neutre et qui était manifestement destinée à s'adresser aux femmes. En outre, la juridiction de renvoi a constaté qu'il n'existait apparemment pas de motifs justifiant une exception, au sens de l'article 611 a, paragraphe 1, du BGB, et en a conclu qu'Urania était tenue,
en principe, d'indemniser le requérant au principal. Estimant, cependant, que l'issue du litige dépendait de l'interprétation du droit communautaire, l'Arbeitsgericht Hamburg a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Des dispositions législatives nationales qui subordonnent à la condition d'une faute de l'employeur la réparation du préjudice subi du fait d'une discrimination fondée sur le sexe dans le cadre du recrutement sont-elles contraires aux articles 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la directive du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion
professionnelles, et les conditions de travail (76/207/CEE)?

2) Des dispositions législatives nationales qui - à la différence des autres dispositions nationales du droit civil et du droit du travail - fixent a priori un plafond maximal de trois mois de salaire au montant du dédommagement pouvant être obtenu en cas de discrimination fondée sur le sexe dans le cadre du recrutement pour les candidats/candidates qui ont fait l'objet d'une discrimination dans la procédure de recrutement mais qui, en raison de la supériorité de la qualification du candidat ou de
la candidate recruté(e), n'auraient pas obtenu le poste à pourvoir, même si la sélection s'était opérée sans discrimination sont-elles contraires aux articles 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la directive du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (76/207/CEE)?

3) Des dispositions législatives nationales qui - à la différence des autres dispositions nationales du droit civil et du droit du travail - fixent a priori un plafond maximal de trois mois de salaire au montant du dédommagement pouvant être obtenu en cas de discrimination fondée sur le sexe dans le cadre du recrutement pour les candidats/candidates qui ont fait l'objet d'une discrimination dans la procédure de recrutement et qui auraient obtenu le poste à pourvoir si la sélection s'était opérée
sans discrimination sont-elles contraires aux articles 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la directive du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (76/207/CEE)?

4) Des dispositions législatives nationales qui - à la différence des autres dispositions nationales du droit civil et du droit du travail - fixent a priori un plafond global de six mois de salaire au montant des dédommagements cumulés de l'ensemble des personnes lésées par une discrimination fondée sur le sexe dans le cadre du recrutement, lorsque plusieurs personnes prétendent à indemnisation, sont-elles contraires aux articles 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la directive du Conseil, du 9
février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (76/207/CEE)?»

Sur la première question

16 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si la directive et, en particulier, ses articles 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, s'opposent à des dispositions législatives nationales qui subordonnent à la condition d'une faute la réparation du préjudice subi du fait d'une discrimination fondée sur le sexe lors d'un recrutement.

17 A cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans l'arrêt du 8 novembre 1990, Dekker (C-177/88, Rec. p. I-3941, point 22), la Cour a considéré que la directive ne subordonne nullement l'engagement de la responsabilité de l'auteur d'une discrimination à la preuve d'une faute ou à l'absence de toute cause d'exonération de la responsabilité.

18 La Cour a également précisé dans l'arrêt Dekker, précité, point 25, que, lorsque la sanction choisie par un État membre s'inscrit dans le cadre d'un régime de responsabilité civile de l'employeur, la violation de l'interdiction de discrimination doit suffire pour engager, à elle seule, la responsabilité entière de son auteur, sans que puissent être retenues les causes d'exonération prévues par le droit national.

19 Force est donc de constater que la directive s'oppose à des dispositions législatives nationales qui, telles que l'article 611 a, paragraphes 1 et 2, du BGB, subordonnent à la condition d'une faute la réparation du préjudice subi du fait d'une discrimination fondée sur le sexe lors d'un recrutement.

20 Cette conclusion ne saurait être infirmée par l'argument du gouvernement allemand selon lequel la preuve d'une telle faute serait aisée à rapporter, puisque la faute, au sens du droit allemand, entraînerait la responsabilité de son auteur pour les actes commis délibérément ou par négligence.

21 Il convient, à cet égard, de rappeler que, comme il a été constaté dans l'arrêt Dekker, précité, point 25, la directive ne prévoit aucune cause d'exonération de la responsabilité dont pourrait bénéficier l'auteur d'une discrimination et ne subordonne pas la réparation d'un tel préjudice à l'existence d'une faute, aussi facile soit-il d'en rapporter la preuve.

22 Dès lors, il y a lieu de répondre à la première question que, lorsqu'un État membre choisit de sanctionner la violation de l'interdiction de discrimination dans le cadre d'un régime de responsabilité civile, la directive et, en particulier, ses articles 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, s'opposent à des dispositions législatives nationales qui subordonnent à la condition d'une faute la réparation du préjudice subi du fait d'une discrimination fondée sur le sexe lors d'un recrutement.

Sur les deuxième et troisième questions

23 Par ces questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si la directive s'oppose à des dispositions législatives nationales qui fixent un plafond maximal de trois mois de salaire au montant du dédommagement auquel des candidats qui ont été discriminés en raison de leur sexe lors d'un recrutement peuvent prétendre. Elle demande en outre si la réponse à cette question s'impose de la même manière tant à l'égard des candidats qui ont fait l'objet d'une
discrimination dans la procédure de recrutement mais qui, en raison de la supériorité de la qualification du candidat recruté, n'auraient pas obtenu ce poste même si la sélection s'était opérée sans discrimination, qu'à l'égard de ceux qui ont fait l'objet d'une discrimination lors du recrutement et qui auraient obtenu le poste à pourvoir si la sélection s'était opérée sans discrimination.

24 A cet égard, il convient d'abord de rappeler que, même si la directive n'impose pas aux États membres une sanction déterminée, il n'en demeure pas moins que l'article 6 leur fait obligation de prendre des mesures qui soient suffisamment efficaces pour atteindre l'objet de la directive et de faire en sorte que ces mesures puissent être effectivement invoquées devant les tribunaux nationaux par les personnes concernées (arrêt du 10 avril 1984, Von Colson et Kamann, 14/83, Rec. p. 1891, point 18).

25 Par ailleurs, la directive implique que, si un État membre choisit de sanctionner la violation de l'interdiction d'une discrimination par l'octroi d'une indemnité, celle-ci doit être de nature à assurer une protection juridictionnelle effective et efficace, doit avoir un effet dissuasif réel à l'égard de l'employeur et doit être en tout cas adéquate au préjudice subi. Une indemnisation purement symbolique ne saurait être conforme aux exigences d'une transposition efficace de la directive (arrêt
Von Colson et Kamann, précité, points 23 et 24).

26 De même, la thèse du gouvernement allemand selon laquelle un dédommagement de trois mois de salaire au maximum dépasse le cadre du dédommagement symbolique et impose à l'employeur une charge financière considérable, sensible et dissuasive, accordant ainsi à la personne qui a été discriminée un dédommagement appréciable, ne peut être considérée comme fondée.

27 En effet, ainsi que la Cour l'a précisé dans l'arrêt Von Colson et Kamann, précité, point 23, dès lors que les États membres choisissent de réparer les dommages subis en raison d'une discrimination interdite par la directive dans le cadre d'un régime de responsabilité civile de l'employeur, cette réparation doit être adéquate au préjudice subi.

28 En outre, il ressort de la demande préjudicielle, de la réponse donnée aux questions posées par la Cour et des précisions apportées lors de l'audience que les dispositions du droit allemand applicables en l'espèce au principal fixent un plafond de dédommagement spécifique, qui n'est pas prévu par les autres dispositions nationales du droit civil et du droit du travail.

29 En choisissant la solution adéquate pour garantir l'objet de la directive, les États membres doivent veiller à ce que les violations du droit communautaire soient sanctionnées dans des conditions de fond et de procédure qui soient analogues à celles applicables aux violations du droit national d'une nature et d'une importance similaires (arrêt du 21 septembre 1989, Commission/Grèce, 68/88, Rec. p. 2965, point 24).

30 Il résulte de ce qui précède que des dispositions législatives nationales qui, à la différence des autres dispositions nationales du droit civil et du droit du travail, fixent a priori un plafond maximal de trois mois de salaire au montant du dédommagement pouvant être obtenu en cas de discrimination fondée sur le sexe lors d'un recrutement ne remplissent pas ces conditions.

31 Il convient dès lors de se demander si cette réponse s'impose de la même manière tant à l'égard des candidats au recrutement qui, en raison de la supériorité de la qualification du candidat recruté, n'auraient pas obtenu ce poste, même si la sélection s'était opérée sans discrimination, qu'à l'égard de ceux qui auraient obtenu le poste à pourvoir si la sélection s'était opérée sans discrimination.

32 A cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu'il a été précisé aux points 25 et 27 du présent arrêt, la réparation doit être adéquate au préjudice subi.

33 Il n'en demeure pas moins qu'une telle réparation peut tenir compte du fait que, même si la sélection s'était opérée sans discrimination, certains candidats n'auraient pas obtenu le poste à pourvoir en raison des qualifications supérieures du candidat recruté. Il est incontestable que de tels candidats, n'ayant subi qu'un préjudice résultant de leur exclusion de la procédure de recrutement, ne peuvent prétendre que l'étendue du préjudice qu'ils ont subi est identique à celui de candidats qui
auraient obtenu le poste à pourvoir si la sélection s'était opérée sans discrimination.

34 Dès lors, un candidat appartenant à la première catégorie, mentionnée au point 31 du présent arrêt, n'a subi qu'un préjudice découlant du défaut de prendre en considération sa candidature, en raison d'une discrimination fondée sur le sexe, tandis qu'un candidat appartenant à la seconde catégorie a subi un préjudice résultant d'un refus de l'embaucher en raison, précisément, de l'appréciation objectivement erronée de son dossier faite par l'employeur, due à une discrimination fondée sur le sexe.

35 Eu égard à ces considérations, il n'apparaît pas déraisonnable qu'un État membre institue une présomption légale en vertu de laquelle le préjudice subi par un candidat appartenant à la première catégorie ne peut excéder un plafond de trois mois de salaire.

36 A cet égard, il y a lieu de préciser qu'il incombe à l'employeur, qui dispose de l'ensemble des dossiers de candidature présentés, de rapporter la preuve que le candidat n'aurait pas obtenu le poste à pourvoir, même en l'absence de toute discrimination.

37 Dans ces conditions, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que la directive 76/207 ne s'oppose pas à des dispositions législatives nationales qui fixent a priori un plafond maximal de trois mois de salaire au montant du dédommagement auquel peut prétendre un candidat lorsque l'employeur peut prouver que, en raison de la supériorité de la qualification du candicat recruté, il n'aurait pas obtenu le poste à pourvoir, même si la sélection s'était opérée sans discrimination. En
revanche, la directive s'oppose à des dispositions législatives nationales qui, à la différence des autres dispositions nationales du droit civil et du droit du travail, fixent a priori un plafond maximal de trois mois de salaire au montant du dédommagement auquel un candidat qui a été discriminé en raison du sexe lors d'un recrutement peut prétendre, dans le cas où ce candidat aurait obtenu le poste à pourvoir si la sélection s'était opérée sans discrimination.

Sur la quatrième question

38 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande en substance si la directive s'oppose à des dispositions législatives nationales prévoyant un plafonnement des dédommagements cumulés dus à plusieurs candidats discriminés en raison du sexe lors d'un recrutement.

39 Ainsi que la Cour l'a précisé dans l'arrêt Von Colson et Kamann, précité, point 23, la directive implique que la sanction choisie par les États membres doit avoir un effet dissuasif réel à l'égard de l'employeur et doit être adéquate par rapport aux préjudices subis, afin d'assurer une protection juridictionnelle effective et efficace.

40 Il est manifeste qu'une disposition telle que l'article 61 b, paragraphe 2, de l'ArbGG, qui fixe a priori un plafond global de six mois de salaire au montant des dédommagements cumulés de l'ensemble des candidats lésés par une discrimination fondée sur le sexe dans le cadre d'un recrutement, lorsque plusieurs candidats prétendent à une indemnisation, peut donner lieu à l'octroi d'indemnités réduites et peut avoir pour conséquence de dissuader les candidats lésés de faire valoir leurs droits.
Pareille conséquence ne correspondrait pas à la protection juridique effective et efficace et n'aurait pas d'effet réellement dissuasif à l'égard de l'employeur exigés par la directive.

41 En outre, il ressort de la demande préjudicielle, de la réponse donnée aux questions posées par la Cour et des précisions apportées lors de l'audience qu'un tel plafonnement des dédommagements cumulés n'est pas prévu par les autres dispositions nationales du droit civil et du droit du travail.

42 Or, ainsi que la Cour l'a déjà constaté, les modalités et les conditions d'un droit à réparation fondé sur le droit communautaire ne doivent pas être moins favorables que celles prévues dans le cadre du régime national comparable (arrêt Commission/Grèce, précité, point 24).

43 Dès lors, il convient de répondre que la directive s'oppose à des dispositions législatives nationales qui, à la différence des autres dispositions nationales du droit civil et du droit du travail, fixent a priori un plafond global de six mois de salaire au montant des dédommagements cumulés auxquels des candidats qui ont été discriminés en raison du sexe lors d'un recrutement peuvent prétendre, lorsque plusieurs candidats prétendent à une indemnisation.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

44 Les frais exposés par le gouvernement allemand et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par l'Arbeitsgericht Hamburg, par ordonnance du 22 mai 1995, dit pour droit:

1) Lorsqu'un État membre choisit de sanctionner la violation de l'interdiction de discrimination dans le cadre d'un régime de responsabilité civile, la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, et, en particulier, ses articles 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, s'opposent à des
dispositions législatives nationales qui subordonnent à la condition d'une faute la réparation du préjudice subi du fait d'une discrimination fondée sur le sexe lors d'un recrutement.

2) La directive 76/207 ne s'oppose pas à des dispositions législatives nationales qui fixent a priori un plafond maximal de trois mois de salaire au montant du dédommagement auquel peut prétendre un candidat lorsque l'employeur peut prouver que, en raison de la supériorité de la qualification du candicat recruté, il n'aurait pas obtenu le poste à pourvoir, même si la sélection s'était opérée sans discrimination. En revanche, la directive s'oppose à des dispositions législatives nationales qui, à la
différence des autres dispositions nationales du droit civil et du droit du travail, fixent a priori un plafond maximal de trois mois de salaire au montant du dédommagement auquel un candidat qui a été discriminé en raison du sexe lors d'un recrutement peut prétendre, dans le cas où ce candidat aurait obtenu le poste à pourvoir si la sélection s'était opérée sans discrimination.

3) La directive 76/207 s'oppose à des dispositions législatives nationales qui, à la différence des autres dispositions nationales du droit civil et du droit du travail, fixent a priori un plafond global de six mois de salaire au montant des dédommagements cumulés auxquels des candidats qui ont été discriminés en raison du sexe lors d'un recrutement peuvent prétendre, lorsque plusieurs candidats prétendent à une indemnisation.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-180/95
Date de la décision : 22/04/1997
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Arbeitsgericht Hamburg - Allemagne.

Politique sociale - Egalité de traitement entre travailleurs masculins et féminins - Directive 76/207/CEE - Droit à réparation en cas de discrimination dans l'accès à l'emploi - Choix des sanctions par les Etats membres - Fixation d'un plafond d'indemnité - Fixation d'un plafond des indemnités cumulées.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Nils Draehmpaehl
Défendeurs : Urania Immobilienservice OHG.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mancini

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1997:208

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