Avis juridique important
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61995C0259
Conclusions de l'avocat général La Pergola présentées le 20 mars 1997. - Parlement européen contre Conseil de l'Union européenne. - Annulation de la décision nº 95/184/CE du Conseil - Prérogatives du Parlement. - Affaire C-259/95.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-05303
Conclusions de l'avocat général
1 Par le présent recours, le Parlement demande l'annulation de la décision 95/184/CE du Conseil, du 22 mai 1995, modifiant la décision n_ 3092/94/CE portant institution d'un système communautaire d'information sur les accidents domestiques et de loisirs (1). Il conteste la procédure de formation de cette décision, adoptée par le Conseil, sans participation du Parlement, sur la base de l'article 169 de l'acte d'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède
(2). De l'avis de l'institution requérante, l'acte attaqué aurait dû être adopté selon la procédure dite de codécision, prévue par l'article 189 B du traité CE.
Le Conseil conclut au rejet du recours, soutenu en cela par la Commission et le royaume de Suède, intervenus dans la procédure.
2 Avant d'analyser les arguments invoqués par les parties, il est utile d'évoquer les faits qui sont à la base de l'introduction du recours.
Par l'acte attaqué, le Conseil a modifié la décision n_ 3092/94/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 décembre 1994 (3). Ce système chargeait, entre autres, 54 hôpitaux, répartis entre les différents États membres, de collecter des données, et prévoyait un concours financier de la Communauté, divisé entre ces mêmes États. A la suite de l'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède, il fallait apporter à cette décision les adaptations nécessaires
pour permettre de l'appliquer aussi aux nouveaux États membres. A cette fin, le Conseil a adopté la décision 95/184: le nombre total des hôpitaux a été porté à 65 et le concours financier communautaire est passé à 2 808 millions d'écus.
Lors de l'adoption de l'acte attaqué, le Conseil a estimé pouvoir recourir à la procédure simplifiée prévue par l'article 169 de l'acte d'adhésion, lequel est ainsi formulé:
«1. Lorsque les actes des institutions doivent, avant l'adhésion, être adaptés du fait de l'adhésion et que les adaptations nécessaires n'ont pas été prévues dans le présent acte ou ses annexes, ces adaptations sont effectuées selon la procédure prévue au paragraphe 2. Elles entrent en vigueur dès l'adhésion.
2. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, ou la Commission, selon que les actes initiaux ont été adoptés par l'une ou l'autre de ces deux institutions, établit à cette fin les textes nécessaires.»
Le Parlement estime toutefois que les conditions pour recourir à cette procédure n'étaient pas remplies. Selon lui, la décision à modifier était fondée sur l'article 129 A du traité, et avait été adoptée selon la procédure de codécision. La même procédure aurait donc dû être suivie pour l'adoption de l'acte attaqué.
3 Il y a lieu de dire, à titre préliminaire, que la détermination de la procédure à suivre, dans le cas d'espèce, influence de manière substantielle les prérogatives institutionnelles de l'institution requérante: l'article 169 de l'acte d'adhésion dispose, en effet, que l'acte modificatif est exclusivement adopté par le Conseil, à la majorité qualifiée, alors que l'article 189 B du traité prévoit clairement une participation du Parlement au processus décisionnel. Il en résulte qu'établir le
caractère erroné de la procédure choisie ne mettrait pas en lumière un vice de pure forme, mais la violation de formes substantielles, qui porterait atteinte à la légalité de l'acte.
Le recours remplit donc les conditions de recevabilité posées par l'article 173, troisième alinéa, du traité, puisqu'il est présenté par le Parlement dans le but de protéger ses prérogatives institutionnelles et se fonde sur de prétendues violations de ces dernières.
4 Quant au fond, le requérant soutient que le Conseil ne pouvait pas adopter l'acte attaqué sur la base de l'article 169 de l'acte d'adhésion. A l'appui de cette thèse, il avance un double argument: d'abord, le recours à la procédure prévue par cette disposition n'était possible qu'avant l'entrée en vigueur du traité d'adhésion. En outre, cette procédure est exclusivement prévue pour l'adaptation des actes du Conseil et de la Commission, alors que, dans le cas d'espèce, l'acte à adapter relève
conjointement du Conseil et du Parlement, et ne rentre donc pas dans le champ d'application de l'article 169. Arrêtons-nous à l'examen détaillé de la thèse du requérant, sous les deux aspects indiqués.
5 Le premier aspect de l'argument du Parlement concerne, comme nous l'avons dit plus haut, l'incompétence du Conseil pour recourir à la procédure de l'article 169 de l'acte d'adhésion une fois le traité d'adhésion entré en vigueur. Cette thèse se fonde essentiellement sur le texte de la version française de l'article 169 précité, en vertu duquel «lorsque les actes des institutions doivent, avant l'adhésion, être adaptés du fait de l'adhésion et que les adaptations nécessaires n'ont pas été prévues
dans le présent acte ou ses annexes, ces adaptations sont effectuées, selon la procédure prévue au paragraphe 2...» De l'avis du requérant, l'incise «avant l'adhésion» introduit une limite dans le temps précise pour recourir à cette procédure simplifiée d'adaptation, laquelle devrait précisément intervenir avant l'adhésion et non, comme dans le cas d'espèce, après celle-ci. Cette conclusion, toujours selon le Parlement, est en outre confirmée par l'article 2 du traité d'adhésion, lequel, après avoir
établi que le traité entre en vigueur le 1er janvier 1995, prévoit, dans son paragraphe 3, que «par dérogation au paragraphe 2, les institutions de l'Union peuvent arrêter avant l'adhésion les mesures visées aux articles ... 169 de l'acte d'adhésion...». De l'examen de ces dispositions, l'institution requérante conclut que la ratio de l'article 169 est de permettre une adaptation sous une forme simplifiée des actes communautaires existant dans la période comprise entre la signature du traité
d'adhésion et son entrée en vigueur. Une fois passé ce délai, les adaptations qui seraient nécessaires à la suite de l'entrée de nouveaux États membres devraient être apportées selon les procédures ordinaires prévues dans le traité.
Cette thèse ne nous convainc toutefois pas. Comme l'ont à raison observé le Conseil, la Commission et le royaume de Suède, l'argument littéral sur lequel repose la thèse du Parlement figure exclusivement dans la version française de l'article 169 de l'acte d'adhésion. Toutes les autres versions linguistiques plaident par contre en sens contraire. Ainsi dans la version italienne, on lit que «quando gli atti delle istituzioni precedenti all'adesione richiedono adattamenti...», ceux-ci «sono effetuati
secondo la procedura di cui al paragrafo 2». De manière analogue, dans la version anglaise, il est dit que «where acts of the institutions prior to accession require adaptation by reason of accession, and the necessary adaptations have not been provided for in this Act or its Annexes, those adaptations shall be made in accordance with the procedure laid down by paragraph 2» (4).
Face à cette discordance entre les différentes versions, il convient de rappeler que la Cour, à une autre occasion, a exclu qu'un «texte soit considéré isolément dans une de ses versions» et a au contraire précisé que l'interprétation doit se faire «en fonction tant de la volonté réelle de son auteur que du but poursuivi par ce dernier à la lumière notamment des versions établies dans toutes les langues» (5). Compte tenu de cela, nous estimons décisif que, à l'exception de la version française, dans
toutes les autres versions la limite chronologique de l'adhésion a trait, non à la possibilité de recourir à l'article 169, mais plutôt aux actes à modifier: il faut donc que les actes nécessitant une adaptation soient antérieurs à l'adhésion. Et il nous paraît injustifié de faire prévaloir l'unique version linguistique qui se distingue de toutes les autres.
Cette solution est, du reste, la seule qui soit conforme à la finalité de l'article 169. Cette disposition est, en effet, applicable, de manière résiduelle, lorsque des adaptations sont nécessaires et qu'elles ne sont pas prévues par ailleurs dans le traité ou dans l'acte d'adhésion. Les parties contractantes ont donc voulu mettre à la disposition des institutions communautaires une procédure facile et rapide pour procéder à ces adaptations qui ont «échappé» à l'attention lors des négociations, mais
n'en sont pas moins essentielles pour permettre l'application d'un acte communautaire aux nouveaux États adhérents. Or, cette situation peut évidemment se rencontrer aussi après l'entrée en vigueur du traité d'adhésion. Et dans ce cas, il a été jugé préférable de procéder aux adaptations selon les formes simplifiées de l'article 169, plutôt que de suivre les procédures ordinaires prévues par le traité pour la modification de l'acte en question. Ce choix, qui s'inspire des critères d'économie de
procédure, permet ainsi d'assurer immédiatement, sans délai, l'application uniforme des actes communautaires dans tous les États membres. D'autre part, il convient d'observer que la procédure simplifiée examinée ne peut être invoquée pour n'importe quelle modification d'un acte existant; elle concerne uniquement les adaptations à caractère technique et n'a pas d'incidence, de manière dérogatoire, sur la portée normative de l'acte. Cela réduit, à notre avis, la portée des craintes du Parlement sur la
prétendue violation de ses prérogatives institutionnelles.
6 L'article 2 du traité d'adhésion, dont le Parlement prétend tirer une limite à l'utilisation de la procédure de l'article 169 postérieurement à l'entrée en vigueur de ce traité, est tout aussi dénué de pertinence. La disposition invoquée par l'institution requérante, comme l'observent à juste titre le Conseil et les autres parties intervenantes, répond à une tout autre logique. La date d'entrée en vigueur du traité est, en effet, le 1er janvier 1995; toutefois, par dérogation à cette disposition,
il est prévu que les «institutions peuvent arrêter avant l'adhésion les mesures visées aux articles ... 169 de l'acte d'adhésion...» La disposition est claire: les institutions peuvent, et non doivent, recourir à l'article 169 avant l'adhésion. Il s'agit d'une simple habilitation, dont ne ressort aucune interdiction d'utiliser cette procédure après l'adhésion. Du reste, la ratio de l'article 2 se comprend aisément: le traité est entré en vigueur le 1er janvier 1995, mais il voulait donner aux
institutions communautaires la possibilité de procéder, dès avant cette date, aux adaptations nécessaires. Il était donc nécessaire de prévoir un régime de dérogation correspondant afin de permettre le recours «anticipé» à la procédure simplifiée de l'article 169, recours qui aurait été sinon impossible, étant donné que les institutions ne pouvaient certainement pas avoir recours à une procédure prévue dans une disposition pas encore entrée en vigueur.
En conséquence, on ne peut déduire ni de l'article 2 précité ni de la formulation de l'article 169 (6) des limites, dans le temps, à l'utilisation que le Conseil a faite de la procédure simplifiée d'adaptation. On pourrait se demander si la procédure prévue par l'article 169 peut être utilisée après l'entrée en vigueur du traité d'adhésion sans aucune limite dans le temps, ou si le recours à cette disposition n'est licite que s'il intervient dans un bref délai. Ce point n'est pas pertinent, aux fins
du présent litige, étant donné que la décision 95/184 a été adoptée le 22 mai 1995, c'est-à-dire dans un laps de temps raisonnable depuis l'entrée en vigueur du traité d'adhésion. En tout état de cause, compte tenu de la finalité de l'article 169 et du fait que sa portée est exclusivement limitée aux simples adaptations de nature, pour ainsi dire, technique, nous estimons que son éventuelle application même ultérieurement n'aurait en tout cas pas justifié le moyen avancé par le Parlement.
7 Le Parlement observe, toutefois, que la possibilité d'appliquer la procédure de l'article 169 postérieurement à l'entrée en vigueur du traité d'adhésion serait contraire au principe selon lequel les États membres acceptent, lors de leur entrée dans la Communauté l'acquis communautaire tel qu'il est au moment de l'adhésion. Dans cette optique, on ne pourrait donc pas modifier indéfiniment les actes communautaires existants sans violer ce principe fondamental. Cet argument ne nous semble cependant
pas non plus décisif. Il ne fait aucun doute que les États adhérant à l'Union doivent accepter l'ensemble des actes communautaires déjà adoptés (7). Mais, dans notre cas, ce résultat n'est pas affecté par l'éventuel recours à la procédure simplifiée d'adaptation après l'entrée en vigueur du traité d'adhésion. Nous dirions même le contraire: une telle possibilité est propre à permettre la pleine application de l'acquis aux nouveaux adhérents, surtout lorsque - et c'est le cas en l'espèce - les actes
préexistants requièrent des adaptations précisément pour pouvoir les appliquer aussi à ces États.
Une dernière remarque. La décision attaquée a été adoptée le 22 mai 1995 mais ses effets, conformément aux dispositions de l'article 169, ont été rendus rétroactifs au 1er janvier 1995, c'est-à-dire à la date d'entrée en vigueur du traité d'adhésion. En accord avec les observations de la Commission, nous n'estimons pas que cela soit contraire au principe de sécurité juridique. La Cour a, en effet, affirmé que ce principe s'oppose, en règle générale, «à ce que la portée dans le temps d'un acte
communautaire voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication, il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsque le but à atteindre l'exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée» (8). Ces conditions, à notre avis, sont satisfaites en l'espèce. D'une part, aucune atteinte à la confiance légitime des intéressés n'est invoquée; d'autre part, l'objectif à atteindre est d'assurer, partir de l'adhésion, l'application uniforme de l'acquis
communautaire sur tout le territoire de l'Union. C'est la raison pour laquelle l'article 169 n'exclut pas une adaptation ultérieure des actes des institutions, mais prévoit, en même temps, qu'elle rétroagisse à la date d'entrée en vigueur du traité d'adhésion.
8 Le Parlement attaque en outre la décision 95/184 sous un autre angle. A son avis, la procédure simplifiée prévue par l'article 169 ne pouvait être invoquée que pour adapter les actes de la Commission ou du Conseil, alors que l'acte attaqué modifiait un acte, la décision n_ 3092/94, qui avait été adoptée à l'époque par le Conseil et par le Parlement. Cette thèse se fonde exclusivement sur la lettre de l'article 169 qui, selon le Parlement, ne prévoit pas, et donc exclut, la possibilité d'adapter,
sous une forme simplifiée, les actes adoptés conjointement par le Conseil et par le Parlement selon la procédure de codécision.
Cet argument nous laisse perplexe. Comme l'ont observé le Conseil, la Commission et le gouvernement suédois, l'article 169 prévoit la possibilité d'adapter tout acte «des institutions» aux exigences découlant de l'adhésion de nouveaux États. Certes le choix terminologique des parties contractantes peut sembler peu approprié, lorsqu'elles ont prévu, dans le paragraphe 2 de la disposition en question, que les adaptations seront apportées par le Conseil ou par la Commission, selon que l'acte à modifier
a été adopté par l'un ou par l'autre. Et ce dans la mesure où, à strictement parler, une décision adoptée sur la base de l'article 189 B du traité pourrait être considérée comme un acte du Parlement et du Conseil (9). Toutefois, il ne résulte ni de la lettre ni de la ratio de l'article 169 que les parties contractantes ont entendu exclure du champ d'application de cette disposition les actes adoptés selon la procédure rappelée ci-dessus; actes, d'ailleurs, qui sont adoptés conjointement par les deux
institutions, mais pour lesquels le traité ne fait référence, à plusieurs reprises, qu'au Conseil (10). Cela laisse supposer que le paragraphe 2 de l'article 169 a, en mentionnant les actes du Conseil, en réalité voulu se référer aussi à ceux que cette institution adopte conjointement avec le Parlement. En effet, la finalité de la disposition en question consiste à prévoir une procédure rapide d'adaptation pour permettre une application pleine et uniforme des actes communautaires également aux
nouveaux États adhérents; et cette exigence fondamentale existe évidemment aussi à l'égard des actes adoptés selon la procédure de codécision.
9 En définitive, il nous semble que le recours à la procédure simplifiée en question est subordonné à trois conditions. La première est que les actes nécessitant une adaptation soient antérieurs à l'adhésion; la deuxième est que les adaptations nécessaires ne soient pas prévues dans l'acte d'adhésion ou dans ses annexes; la troisième, enfin, est que la procédure en question soit destinée à assurer l'adaptation de l'acte afin d'en permettre l'application également aux nouveaux États adhérents. Cela
signifie qu'il faut qu'il s'agisse, comme nous l'avons expliqué plus haut, non pas d'une modification substantielle ayant une incidence sur le contenu de l'acte, mais, de manière plus limitée, d'une simple adaptation postérieure de celui-ci pour répondre aux exigences qui se manifestent à la suite des nouvelles adhésions.
L'ensemble de ces conditions est, pensons-nous, satisfait en l'espèce. En effet, la décision attaquée était destinée à adapter un acte communautaire antérieur à l'adhésion; aucune disposition en ce sens n'était prévue par l'acte d'adhésion ou par ses annexes; le contenu de l'acte attaqué était en outre exclusivement limité aux adaptations nécessaires pour permettre son application pratique aux nouveaux États membres. Du reste, ce dernier point, qui nous paraît essentiel, n'est pas contesté par le
Parlement avec des arguments convaincants. A l'audience, il s'est borné à observer que le Conseil, en adoptant la décision litigieuse, disposait d'un pouvoir discrétionnaire dans le choix des critères à utiliser pour procéder à l'adaptation de la décision n_ 3092/94; il aurait fallu que le Parlement puisse aussi intervenir dans le choix de ces critères, selon la procédure de codécision. Il n'en est cependant pas ainsi. La nécessité d'appliquer la décision précitée également aux nouveaux États
adhérents exigeait son adaptation seulement sur deux aspects: d'une part, le nombre des hôpitaux impliqués dans la collecte des données a été porté de 54 à 65; d'autre part, le montant de la participation communautaire a été augmenté en conséquence, passant à 2 808 millions d'écus. Comme l'a fait remarquer la Commission, en procédant à l'adaptation critiquée, le Conseil s'en est tenu aux critères suivis dans la décision n_ 3092/94, en fixant le nombre des hôpitaux pour les nouveaux États en fonction
de la population et en adaptant proportionnellement le concours financier; ces critères avaient, du reste, été approuvés par le Parlement, puisque la décision n_ 3092/94 avait été à l'époque adoptée selon la procédure de codécision. Il ne nous semble donc pas sérieusement défendable d'affirmer que l'acte attaqué n'est pas une simple adaptation, au sens de l'article 169, et comporte, au contraire, des choix discrétionnaires qui, du fait de leur contenu innovateur, doivent entraîner le recours à la
procédure de codécision. Nous estimons donc que le Conseil, en recourant à la procédure prévue à l'article 169, est resté dans les limites substantielles définies par cette disposition.
10 Le Conseil, la Commission et le royaume de Suède demandent en outre à la Cour, en cas d'annulation de la décision attaquée, de préserver les effets d'éventuelles décisions adoptées par la Commission en vertu de l'article 7 de la décision n_ 3092/94 relativement au concours financier en faveur des hôpitaux des nouveaux États membres. A cet égard, au-delà des difficultés d'ordre pratique qui résulteraient d'une décision d'annulation avec effet rétroactif, il a été allégué que sur la base de la
décision attaquée des sommes ont déjà été versées à quatre hôpitaux suédois et à trois hôpitaux finlandais.
Le Parlement, pour sa part, «s'en remet à la sagesse de la Cour», tout en manifestant, dans le principe, son opposition à la demande d'application de l'article 174.
Nous sommes, pour notre part, d'avis que la demande des parties doit être accueillie. En effet, nous estimons que l'annulation ex tunc de la décision visée porterait sérieusement atteinte aux actions déjà entreprises par la Commission à l'égard des nouveaux États membres, actions qui, du reste, sont essentiellement destinées à protéger les consommateurs. Nous proposons donc à la Cour de décider, en application de l'article 174, deuxième alinéa, que les effets des décisions adoptées par la Commission
au titre de l'article 7 de la décision n_ 3092/94, modifiée par la décision attaquée, sont considérés comme définitifs.
Conclusions
Sur la base des considérations ci-dessus exposées, nous proposons à la Cour de:
- rejeter le recours du Parlement;
- en cas d'annulation éventuelle de la décision 95/184/CE du Conseil, du 22 mai 1995, modifiant la décision n_ 3092/94/CE portant institution d'un système communautaire d'information sur les accidents domestiques et de loisirs, déclarer définitifs les effets des décisions adoptées par la Commission sur la base de l'article 7 de la décision n_ 3092/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 décembre 1994;
- condamner le Parlement aux dépens du litige, à l'exception de ceux encourus par la Commission et par le royaume de Suède.
(1) - JO L 120, p. 36.
(2) - JO 1994, C 241, p. 21.
(3) - JO L 331, p. 1.
(4) - Dans le même sens, à titre d'exemple, la version espagnole prévoit: «1. En caso de que los actos de las instituciones previos a la adhesión requieran una adaptación como consecuencia de esta y no se hayan previsto en la presente Acta o en sus Anexos las necesarias adaptaciones, dichas adaptaciones se harán con arreglo al procedimiento establecido en el apartado 2...»; et la version portugaise dispose que: «1. Quando os actos das Instituições anteriores à adesão, devam ser adaptados em virtude
da adesão, e as adaptações necessàrias não estiverem previstas no presente Acto ou nos Anexos, estas serão efectuadas nos termos do procedimento previsto no n_ 2...»
(5) - Arrêt du 7 juillet 1988, Moskel (55/87, Rec. p. 3845, point 15).
(6) - On pourrait dire, au contraire, que la lettre de l'article 169 plaide contre l'interprétation avancée par le Parlement. En effet, cette disposition prévoit la possibilité d'apporter les adaptations nécessaires «du fait de l'adhésion» et non «en vue» de cette dernière. Or, l'expression utilisée laisse supposer de manière évidente que l'adhésion a déjà eu lieu, et donc que le traité est déjà entré en vigueur. Autrement dit, dans l'économie de la disposition, il est possible que les adaptations
soient, précisément, une conséquence de l'adhésion, et donc que la procédure en question soit postérieure à celle-ci.
(7) - Ce principe a été clairement affirmé par la Cour dans l'arrêt du 16 février 1982, Halyvourgiki et Helleniki Halyvourgia/Commission (39/81, 43/81, 85/81 et 88/81, Rec. p. 593, point 12): «... l'État adhérent accepte l'ensemble des actes institutionnels pris jusqu'au moment où son adhésion est effective...» Toutefois, comme l'a à juste titre relevé la Commission, le principe posé par la Cour dans cette affaire se réfère de manière évidente à l'hypothèse dans laquelle les conditions pour
l'application concrète de l'acte en question résultent déjà avec une précision suffisante de cet acte. Cette jurisprudence ne concerne en aucune façon le problème qui nous intéresse ici: c'est-à-dire la possibilité d'adapter les actes existants même après l'entrée en vigueur du traité d'adhésion.
(8) - Voir arrêt du 30 novembre 1983, Ferriere San Carlo/Commission (235/82, Rec. p. 3949, point 9).
(9) - Voir, par exemple, la formulation de l'article 173, premier alinéa: «La Cour de justice contrôle la légalité des actes adoptés conjointement par le Parlement européen et le Conseil, des actes du Conseil, de la Commission et de la BCE, autres que les recommandations et les avis, et des actes du Parlement européen destinés à produire des effets juridiques vis-à-vis des tiers.»
(10) - Voir, par exemple, articles 129 A, paragraphe 2, 56, paragraphe 2, et 100 A du traité.