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30/01/1997 | CJUE | N°T-117/95

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, N. Corman SA contre Commission des Communautés européennes., 30/01/1997, T-117/95


Avis juridique important

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61995A0117

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 30 janvier 1997. - N. Corman SA contre Commission des Communautés européennes. - Recours en annulation - Règlements (CEE) nos 570/88 et 455/95 - Aide au beurre destiné à la fabrication de certaines catégories de pr

oduits - Notion de beurre - Notion de produit intermédiaire - Intérêt à ag...

Avis juridique important

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61995A0117

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 30 janvier 1997. - N. Corman SA contre Commission des Communautés européennes. - Recours en annulation - Règlements (CEE) nos 570/88 et 455/95 - Aide au beurre destiné à la fabrication de certaines catégories de produits - Notion de beurre - Notion de produit intermédiaire - Intérêt à agir - Irrecevabilité. - Affaire T-117/95.
Recueil de jurisprudence 1997 page II-00095

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1 Agriculture - Organisation commune des marchés - Lait et produits laitiers - Aide à la crème, au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires - Conditions d'octroi - Produits intermédiaires - Définition - Obligation de traçage

(Règlement de la Commission n_ 570/88, art. 9 bis)

2 Agriculture - Organisation commune des marchés - Lait et produits laitiers - Aide à la crème, au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires - Conditions d'octroi - Beurre - Définition

[Règlements du Conseil n_ 985/68, art. 1er, § 3, sous a) et b), et n_ 2991/94; règlement de la Commission n_ 570/88, art. 1er, alinéa 2, sous a)]

3 Recours en annulation - Intérêt à agir - Acte ne concernant pas le produit fabriqué par le requérant - Irrecevabilité

(Traité CE, art. 173, alinéa 4; règlements de la Commission n_ 570/88, art. 1er et 9 bis, et n_ 455/95, art. 1er, § 4)

Sommaire

4 Doit être considéré comme produit intermédiaire, au sens de l'article 9 bis du règlement n_ 570/88, relatif à la vente à prix réduit de beurre et à l'octroi d'une aide à la crème, au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires, un produit composé de 82 % de matière grasse, de 16 % d'eau et de 2 % d'extrait sec dégraissé du lait, obtenu par des opérations de concentration, de fractionnement et de
recombinaison des matières premières, composées à 65 % de beurre et à 35 % de crème.$

La non-incorporation des traceurs, imposés par l'article 9 bis pour que le produit intermédiaire ait accès à l'aide prévue dans ledit règlement, ne modifie pas la nature même du produit, mais le rend simplement inéligible à l'aide communautaire. En effet, le traçage a comme finalité la prévention de la fraude, mais n'est pas un procédé nécessaire à la fabrication du produit.$

Le fait qu'un produit intermédiaire au sens dudit article puisse, par ailleurs, être qualifié de beurre d'après la législation nationale d'un État membre ne peut pas avoir pour effet d'écarter les conditions imposées par ce même article 9 bis pour qu'un produit y visé soit éligible à l'aide prévue par le règlement n_ 570/88.$

5 Si, pour préciser les conditions auxquelles un beurre peut bénéficier d'une aide au titre de l'article 1er du règlement n_ 570/88, le deuxième alinéa, sous a), de cet article ne se réfère expressément qu'à la lettre b), relative au classement du beurre, de l'article 1er, paragraphe 3, du règlement n_ 985/68, concernant les mesures d'intervention sur le marché du beurre et de la crème de lait, il exige également que le produit réponde à une certaine «définition». Celle-ci est énoncée à la lettre a)
du même article 1er, paragraphe 3, du règlement n_ 985/68 et fait référence aux conditions techniques de fabrication et de composition du beurre.$

Le fait qu'un produit déterminé n'entre pas dans la catégorie de beurre pour l'application du règlement n_ 570/88 ne peut être modifié par l'existence, dans le règlement n_ 2991/94, établissant des normes pour les matières grasses tartinables, d'une définition plus large du beurre, y incluant ce même produit. En effet, ce règlement ne relève pas du domaine des mesures d'intervention destinées à favoriser l'écoulement des excédents communautaires de beurre, mais poursuit un objectif de protection et
d'information du consommateur.$

6 L'article 1er, paragraphe 4, du règlement n_ 455/95, concernant notamment l'octroi d'une aide à l'achat de beurre, ne modifie que l'article 1er du règlement n_ 570/88 et ne concerne donc pas les produits intermédiaires visés à l'article 9 bis de ce règlement, de sorte qu'un recours en annulation dudit article 1er, paragraphe 4, introduit pas un producteur de produits intermédiaires, doit être rejeté comme irrecevable par défaut d'intérêt à agir.

Parties

Dans l'affaire T-117/95,

N. Corman SA, société de droit belge, établie à Goé-Limbourg (Belgique), représentée par Me Lucette Defalque, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Gérard Berscheid, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de l'article 1er, paragraphe 4, du règlement (CE) n_ 455/95 de la Commission, du 28 février 1995, modifiant les règlements (CEE) n_ 1547/87 et (CEE) n_ 1589/087 en ce qui concerne l'achat de beurre par les organismes d'intervention et les règlements (CEE) n_ 2191/81 et (CEE) n_ 570/88 en ce qui concerne l'octroi d'une aide à l'achat de beurre et la vente à prix réduit de beurre à certaines catégories de consommateurs et d'industries (JO L 46, p. 31),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(cinquième chambre),

composé de MM. R. García-Valdecasas, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 5 novembre 1996,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Cadre réglementaire

1 Dans le cadre de mesures destinées à favoriser la consommation de beurre, la Commission a adopté le 16 février 1988 le règlement (CEE) n_ 570/88, relatif à la vente à prix réduit de beurre et à l'octroi d'une aide au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires (JO L 55, p. 31, ci-après «règlement n_ 570/88»).

2 L'article 1er de ce règlement précise les conditions auxquelles un beurre ou un beurre concentré peut bénéficier d'une aide.

3 Dans sa rédaction initiale, il disposait:

«Il est procédé, dans les conditions prévues au présent règlement, à la vente de beurre acheté conformément à l'article 6, paragraphe 1, du règlement (CEE) n_ 804/68 et entré en stock avant une date à déterminer ainsi qu'à l'octroi d'une aide à l'utilisation de beurre et de beurre concentré visés au deuxième alinéa.

Ne peuvent bénéficier de l'aide que:

a) le beurre répondant dans l'État membre de fabrication à la définition et au classement figurant à l'article 1er, paragraphe 3, [sous] b), du règlement (CEE) n_ 985/68 et dont l'emballage est marqué en conséquence;

b) le beurre concentré produit dans un établissement agréé conformément à l'article 10, à partir de beurre ou de crème et répondant aux spécifications de l'annexe IV.»

4 A la date d'entrée en vigueur du règlement n_ 570/88, l'article 1er du règlement (CEE) n_ 985/68 du Conseil, du 15 juillet 1968, établissant les règles générales régissant les mesures d'intervention sur le marché du beurre et de la crème de lait (JO L 169, p. 1, ci-après «règlement n_ 985/68»), tel que modifié par le règlement (CEE) n_ 2714/72 du Conseil, du 19 décembre 1972 (JO L 291, p. 15, ci-après règlement «n_ 2714/72»), et par le règlement (CEE) n_ 1897/87 du Conseil, du 2 juillet 1987 (JO L
182, p. 35), était rédigé comme suit:

«1. Les organismes d'intervention n'achètent que du beurre:

a) produit par une entreprise agréée,

b) répondant à la définition et au classement figurant au paragraphe 3, respectivement sous a) et b),

[...]

2. Jusqu'à la date de mise en application des dispositions arrêtées en vertu de l'article 27 du règlement (CEE) n_ 804/68, une entreprise n'est agréée que si elle fabrique du beurre répondant aux exigences prévues au paragraphe 3, sous a) et b).

3. Jusqu'à la date prévue au paragraphe 2, le beurre visé au paragraphe 1 doit:

a) avoir la composition et les caractéristiques suivantes:

aa) - avoir une teneur minimale en poids de matière grasse butyrique de 82 %,

- avoir une teneur maximale en poids de 16 % d'eau,

- être fabriqué à partir de crème acide,

ou

bb) - avoir une teneur minimale en poids de matières grasses butyriques de 82 %,

- avoir une teneur maximale en poids de 16 % d'eau,

- être fabriqué à partir de crème douce;

b) être:

- classé `beurre marque de contrôle' en ce qui concerne le beurre belge,

[...]»

5 L'article 9 du règlement n_ 570/88 prévoyait également la possibilité d'octroyer une aide au cas «où le beurre concentré ou le beurre, additionnés ou non des traceurs, sont incorporés à un stade intermédiaire dans des produits autres que les produits finaux et dans un établissement autre que celui de la transformation finale». Il subordonnait cette aide à certaines conditions relatives, notamment, à l'agrément de l'établissement dans lequel la transformation de ces produits intermédiaires avait
lieu, et à l'obligation de porter sur l'emballage du produit la mention «produit intermédiaire».

6 Il a été modifié par le règlement (CEE) n_ 1813/93 de la Commission, du 7 juillet 1993 (JO L 166, p. 16, ci-après «règlement n_ 1813/93»), entré en vigueur le 1er août 1993. Le deuxième considérant de ce règlement a relevé que des divergences avaient été constatées dans l'interprétation de la notion de produits intermédiaires dans certains États membres, rendant nécessaire de prévoir des critères permettant l'objectivité et la transparence dans l'identification de ces produits.

7 Ainsi, le règlement n_ 1813/93 a introduit à l'article 9 du règlement n_ 570/88 l'obligation d'agrément des produits intermédiaires eux-mêmes, agrément subordonné à l'obligation de démontrer que le passage par ces produits intermédiaires est justifié pour la fabrication des produits finaux.

8 Il a également introduit dans le règlement n_ 570/88 un article 9 bis ainsi rédigé:

«Les produits intermédiaires visés à l'article 9 sont, sans préjudice de l'article 4, des produits autres que les produits relevant des codes NC 0401 et 0405.

Toutefois:

a) sont considérés comme produits intermédiaires les produits d'une teneur en matière grasse butyrique d'au moins 82 % fabriqués exclusivement à partir du beurre concentré visé à l'article 1er, deuxième alinéa, [sous] b), dans un établissement agréé à cet effet conformément à l'article 10, à condition qu'ils soient additionnés des traceurs visés à l'article 6, paragraphe 1; dans ce cas, le prix minimal de vente payé et le montant maximal de l'aide octroyée correspondent respectivement au prix
minimal de vente et au montant maximal de l'aide fixés conformément à l'article 18 pour le beurre tracé d'une teneur en matière grasse de 82 %;

b) ne sont pas considérés comme produits intermédiaires les mélanges visés à l'annexe VIII.»

9 La finalité de ce nouvel article est de déterminer les produits obtenus à partir de beurre concentré susceptibles d'être considérés comme produits intermédiaires et de bénéficier de l'aide prévue par le règlement n_ 570/88 pour ces produits.

10 L'article 1er du règlement (CEE) n_ 2443/93 de la Commission, du 2 septembre 1993 (JO L 224, p. 8), applicable à partir du 1er août 1993, a modifié en ces termes le règlement n_ 570/88:

«La phrase liminaire de l'article 1er, deuxième alinéa, du règlement (CEE) n_ 570/88 [`Ne peuvent bénéficier de l'aide que:'] est remplacée par le texte suivant:

`Sans préjudice de l'article 9 bis, [sous] a), ne peuvent bénéficier de l'aide

que: ...'.»

11 La motivation de cette modification figure au premier considérant du règlement, lequel énonce:

«[...] une ambiguïté est apparue en ce qui concerne la formulation de la demande d'aide pour les produits visés à l'article 9 bis, [sous] a), compte tenu du texte de l'article 1er; [...] il convient pour des raisons de sécurité juridique de préciser, avec effet au 1er août 1993, que pour les produits visés à l'article 9 bis, [sous] a), même si ces produits ne sont pas couverts par l'article 1er, une aide peut être demandée et doit correspondre à l'aide applicable au beurre tracé avec une teneur en
matières grasses de 82 %.»

12 L'article 1er, paragraphe 4, du règlement (CE) n_ 455/95 de la Commission, du 28 février 1995, modifiant les règlements (CEE) n_ 1547/87 et (CEE) n_ 1589/87 en ce qui concerne l'achat de beurre par les organismes d'intervention et les règlements (CEE) n_ 2191/81 et (CEE) n_ 570/88 en ce qui concerne l'octroi d'une aide à l'achat de beurre et la vente à prix réduit de beurre à certaines catégories de consommateurs et d'industries (JO L 46, p. 31, ci-après «règlement litigieux»), applicable à
compter du 1er mars 1995, a modifié le règlement n_ 570/88 pour subordonner l'octroi d'une aide au fait que le beurre soit produit directement et exclusivement à partir de crème pasteurisée.

13 A la suite de cette modification, le nouvel article 1er, deuxième alinéa, sous a), du règlement n_ 570/88 dispose:

«a) Le beurre produit directement et exclusivement à partir de crème pasteurisée et répondant aux conditions visées à l'article 6, paragraphe 2, du règlement (CEE) n_ 804/68 et aux exigences de la classe nationale de qualité figurant à l'annexe II du règlement (CEE) n_ 454/95 dans l'État membre de fabrication et dont l'emballage est marqué en conséquence.»

14 Le règlement (CE) n_ 454/95 de la Commission, du 28 février 1995, portant modalités d'application des interventions sur le marché du beurre et de la crème de lait (JO L 46, p. 1), visé par cette dernière disposition, a remplacé partiellement le règlement n_ 985/68, abrogé, avec effet au 1er mars 1995, par le règlement (CE) n_ 2807/94 du Conseil, du 14 novembre 1994, modifiant le règlement (CEE) n_ 804/68 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO
L 298, p. 1). Son annexe II énonce, en ce qui concerne le beurre belge «beurre de laiterie; qualité extra; melkerijboter; extra kwaliteit».

Faits à l'origine du recours

15 La requérante, société de droit belge, fait partie d'un groupe laitier français. Elle a développé depuis 1959 des procédés techniques de fabrication de beurre. Ses travaux dans ce domaine l'ont conduite à la fabrication, à partir de 1987, de son premier «beurre technique».

16 Ce nouveau produit, le «BITA» (beurre industriel technologiquement adapté), a été développé au moyen d'un procédé fondé sur la sélection des matières premières, le fractionnement physique des matières grasses et la recombinaison des différentes fractions obtenues en fonction des qualités techniques voulues. Les matières premières utilisées par la requérante - 65 % de beurre et 35 % de crème - font d'abord l'objet d'une concentration. La matière grasse pure ainsi obtenue est stockée. Elle fait
ensuite l'objet d'un fractionnement puis d'une recombinaison des différentes fractions en fonction des produits et applications recherchés (fabrication de produits à point de fusion bas pour les glaciers et à point de fusion élevé pour la croissanterie, par exemple).

17 Ce procédé permet d'obtenir un beurre standardisé comportant 82 % de matière grasse, 16 % d'eau et 2 % d'extrait sec dégraissé du lait, très stable et très recherché par les fabricants de produits de pâtisserie, puisqu'il peut, en outre, accéder aux lignes industrielles automatiques d'extrusion de ces fabricants, lignes conçues pour utiliser de la margarine.

18 Les beurres techniques ou recombinés de la requérante ont bénéficié d'une aide depuis 1989 au titre de l'article 9 du règlement n_ 570/88, lequel vise les produits intermédiaires.

19 A partir du 1er août 1993, date d'applicabilité du règlement n_ 1813/93, qui a introduit l'article 9 bis dans le règlement n_ 570/88, le beurre technique de la requérante n'a pu bénéficier de l'aide prévue par ce dernier règlement qu'à la condition d'être tracé.

20 L'objectif poursuivi par l'addition des traceurs est d'identifier facilement les produits objet de l'aide communautaire au moyen d'un goût ou d'une couleur, afin de prévenir la fraude. L'article 6, paragraphe 1, du règlement n_ 570/88 impose l'utilisation d'un couple de traceurs à choisir parmi trois traceurs chimiques et cinq traceurs organoleptiques.

21 Selon la requérante, les traceurs présentent des inconvénients, liés à leur saveur et à leur odeur. Pour cette raison, à partir du 1er août 1993, date de l'introduction dans le règlement n_ 570/88 de l'article 9 bis imposant l'obligation d'ajouter des traceurs aux produits considérés - dont le beurre technique de la requérante - celle-ci a entrepris de faire reconnaître par les autorités belges ses beurres techniques comme étant du «beurre marque de contrôle», de manière à pouvoir continuer à
commercialiser ses produits dans le cadre du règlement n_ 570/88 et à bénéficier de l'aide prévue à son article 1er, deuxième alinéa, sous a).

22 En 1990 et en 1991, les autorités douanières françaises ont informé la Commission qu'une société belge - en fait la requérante - avait introduit en France un beurre à 82 % de matière grasse butyrique recombiné à partir de beurre concentré, et demandait pour ce produit l'aide prévue pour les produits intermédiaires au sens de l'article 9 du règlement n_ 570/88. Elles ont demandé à la Commission de leur préciser s'il était possible de considérer un tel beurre comme produit intermédiaire, au sens de
ce texte.

23 Après une première réponse négative, la Commission, par télécopie du 10 juin 1991, a demandé des renseignements au ministère de l'Agriculture belge. Dans cette télécopie, elle indiquait que, selon elle, un beurre reconstitué n'était pas éligible au titre du règlement n_ 570/88, mais qu'elle attendait le résultat de son enquête.

24 Par télécopie du 1er juillet 1991, le ministère de l'Agriculture belge a informé la Commission que les autorités de contrôle belges estimaient que le produit en question était à considérer comme un produit intermédiaire conformément à l'article 9 du règlement n_ 570/88. A cette télécopie était annexée une description du procédé de fabrication et des caractéristiques du produit. Le produit y était décrit comme «produit intermédiaire à 82 % de matière grasse butyrique, adapté spécialement pour
l'industrie des pâtes laminées (viennoiserie, feuilletage) en pâtisserie, biscuiterie, etc.». Il était obtenu après différentes étapes, dont le fractionnement physique et la recombinaison. La description concluait que le produit obtenu contenait 82 % de matière grasse butyrique, 16 % d'eau et 2 % d'extrait sec dégraissé du lait et que, bien que le produit en question fût «un produit intermédiaire au sens du règlement n_ 570/88, cette composition [était] similaire à celle d'un beurre classique».

25 Par télécopie du 3 juillet 1991, la Commission informait les autorités douanières françaises que le produit sur lequel elle avait été consultée avait été examiné par les autorités belges, et qu'il pouvait être considéré comme un produit intermédiaire, conformément à l'article 9 du règlement n_ 570/88. Elle ajoutait:

«Toutefois, je vous signale que le produit n'est pas considéré comme beurre et qu'il ne peut en aucun cas être classé comme le beurre visé à l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement (CEE) n_ 985/68.»

26 Par télécopie du 22 août 1991, le ministère de l'Agriculture belge s'adressait à la Commission dans les termes suivants:

«Nous avons été informés de votre téléfax du 3 juillet dernier [télécopie adressée par la Commission aux autorités douanières françaises].

Nous comprenons aux termes de ce téléfax que le produit concerné peut être considéré comme un produit intermédiaire et que rien ne s'oppose, si la réglementation de l'État membre de production le permet, à ce que ce produit, qui en l'occurrence est un beurre recombiné, bénéficie de l'appellation beurre (l'arrêté royal du 6 mai 1988, en particulier son article 1er, inclut dans la définition du beurre celui qui est obtenu par recombinaison).

Toutefois, il ne peut bénéficier du classement dans une des catégories visées à l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement (CEE) n_ 985/68, soit pour la Belgique: `beurre marque de contrôle', et par conséquent ne peut notamment être acheté à l'intervention ou faire l'objet d'un contrat de stockage privé.

[...]»

27 Le 28 février 1994, malgré l'affirmation contenue dans cette télécopie, le beurre technique fabriqué par la requérante a été classé par les autorités belges en tant que «beurre marque de contrôle» dans la classe «beurre de laiterie: qualité extra». De ce fait, le beurre technique de la requérante, qui bénéficiait jusqu'alors de l'aide prévue à l'article 9 bis du règlement n_ 570/88, a commencé à bénéficier de l'aide communautaire au titre de l'article 1er du règlement n_ 570/88, sans que soit
intervenue ni modification de la réglementation communautaire applicable, ni modification du produit considéré.

28 Selon l'article 2 du règlement n_ 570/88, l'octroi de l'aide a lieu selon la procédure d'adjudication permanente, qui est assurée par les organismes d'intervention dans chacun des États membres.

29 Depuis l'entrée en vigueur du règlement litigieux, le beurre technique de la requérante est dénommé «produit intermédiaire» et bénéficie de l'aide prévue à l'article 9 bis du règlement n_ 570/88. Il n'y a pas de différence de montant entre l'aide prévue à l'article 1er du règlement n_ 570/88 et celle prévue à l'article 9 bis du même règlement. La différence réside dans le fait que le produit visé à l'article 9 bis, en tant que produit intermédiaire, doit être incorporé directement dans un produit
final, doit être tracé, et que l'emballage doit porter la dénomination «produit intermédiaire». En revanche, le beurre visé à l'article 1er peut être incorporé, soit dans un produit intermédiaire, soit dans un produit final. Il fait l'objet d'une procédure de contrôle moins contraignante et peut porter la dénomination «beurre».

Procédure et conclusions des parties

30 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 mai 1995, la requérante a introduit le présent recours.

31 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé, d'une part, d'adopter des mesures d'organisation de la procédure au titre de l'article 64 du règlement de procédure, en demandant aux parties de répondre à certaines questions et de produire certains documents et, d'autre part, d'ouvrir la procédure orale. La requérante et la Commission ont respectivement répondu à la demande du Tribunal les 28 juin et 2 juillet 1996.

32 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal à l'audience du 5 novembre 1996.

33 La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler l'article 1er, paragraphe 4, du règlement litigieux;

- condamner la partie défenderesse aux dépens.

34 La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours comme irrecevable;

- à titre subsidiaire, rejeter la demande comme non fondée;

- condamner la partie requérante aux dépens.

35 Dans sa réplique, la requérante demande au Tribunal d'ordonner à la Commission de produire les procès-verbaux des réunions du comité de gestion au cours desquelles le texte du règlement litigieux a été discuté.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

36 La Commission soutient que le recours est irrecevable en raison d'un défaut d'intérêt à agir.

37 L'article 1er, deuxième alinéa, sous a), du règlement n_ 570/88, tel que modifié par l'article 1er, paragraphe 4, du règlement litigieux, ne ferait que confirmer la situation antérieure en ce qui concerne l'exigence d'une fabrication, à partir de crème, du beurre éligible à l'aide. Pour les produits primaires visés à l'article 1er du règlement n_ 570/88, il aurait fallu, selon le régime applicable avant la modification contestée, que le beurre réponde «dans l'État membre de fabrication à la
définition et au classement figurant à l'article 1er, paragraphe 3, [sous] b), du règlement (CEE) n_ 985/68» et que son «emballage [soit] marqué en conséquence». Selon la disposition visée du règlement n_ 985/68, il aurait fallu, en ce qui concerne le beurre belge, qu'il s'agît de beurre classé «beurre marque de contrôle». Mais, d'après les termes de l'article 1er du règlement n_ 570/88, il aurait fallu en outre que le beurre répondît à une certaine définition du beurre. Cette définition du beurre
aurait été celle contenue à l'article 1er, paragraphe 3, sous a), du règlement n_ 985/68, laquelle impose la fabrication du beurre à partir de crème, soit douce, soit acide.

38 Le caractère cumulatif de l'exigence technique précitée de fabrication du beurre à partir de crème [article 1er, paragraphe 3, sous a), du règlement n_ 985/68] avec celle de la marque classée [même disposition, sous b)] aurait résulté en outre de l'article 8, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement n_ 985/68 - dans sa rédaction résultant du règlement n_ 2714/72 -, l'organisme d'intervention ne pouvant acheter que du beurre remplissant les deux critères.

39 Quant au beurre recombiné, tel que celui produit par la requérante, le règlement litigieux n'aurait en rien changé la situation existant auparavant. En particulier, il n'aurait pas modifié les conditions nécessaires pour qu'un produit intermédiaire tel que ce type de beurre puisse bénéficier d'une aide communautaire.

40 La Commission soutient aussi que la partie requérante ne saurait en aucun cas, notamment pour justifier un intérêt à agir contre elle, se prévaloir du fait que les autorités belges avaient, de façon incompatible tant avec la réglementation existante qu'avec la réglementation actuelle, accordé la classe «extra» à son beurre recombiné. Les autorités belges auraient classé en 1994 le beurre de la requérante comme «extra» alors qu'elles étaient conscientes qu'un beurre possédant de telles
caractéristiques ne pouvait être classé ainsi, comme cela avait été d'ailleurs expressément reconnu par lesdites autorités en 1991. La Commission conteste l'affirmation de la requérante selon laquelle elle aurait été avisée du classement opéré par les autorités belges. A aucun moment, elle n'aurait eu connaissance de ces éléments. Elle aurait constamment considéré que le beurre recombiné ne pouvait être classé comme beurre dans une des catégories visées à l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du
règlement n_ 985/68. Cette opinion serait renforcée par le fait qu'un même produit, dans le cadre d'un même règlement, ne peut à la fois être considéré comme un produit primaire et comme un produit intermédiaire. Dans ces conditions, un État membre, lié par le droit communautaire en ce qui concerne l'exclusion du beurre recombiné de l'article 1er, deuxième alinéa, sous a), du règlement n_ 570/88, ne pourrait, au moyen d'un simple classement unilatéral, faire bénéficier le beurre recombiné de l'aide
visée à cette disposition, et le faire échapper à l'obligation de traçage édictée à l'article 9 bis du même règlement.

41 Dans un but d'identification aisée des produits bénéficiant d'une aide, et à fin de lutte contre la fraude, l'addition de traceurs conférerait aux produits un goût ou une couleur spécifique. Néanmoins, le règlement n_ 570/88 laisserait aux opérateurs un choix assez large, puisqu'il impose l'utilisation d'un couple de traceurs à choisir parmi trois chimiques et cinq organoleptiques. En réalité, le traçage ne devrait pas poser de problème, puisque par ailleurs, dans le cas de la crème, produit
hautement sensible, producteurs et consommateurs semblent accepter le traçage. L'appellation «produit intermédiaire» ne devrait pas non plus être problématique pour une entreprise qui, selon ses propres dires, a pour clientèle principale des entreprises spécialisées. Celles-ci apprécieraient le produit en fonction de ses caractéristiques techniques propres et ne seraient en rien dissuadées par le qualificatif critiqué.

42 Selon la Commission, à supposer que les autres conditions soient remplies en ce qui concerne la partie requérante, l'acte attaqué n'est qu'un acte confirmatif, contre lequel un recours en annulation est irrecevable (voir l'arrêt du 15 décembre 1988, Irish Cement/Commission, 166/86 et 220/86, Rec. p. 6473, point 16).

43 En toute hypothèse, l'intérêt de la requérante ne serait pas direct, dès lors qu'une mesure des autorités nationales s'interposerait nécessairement entre la disposition attaquée et une situation permettant à la partie requérante d'invoquer utilement le bénéfice de l'aide. Outre la condition relative à l'origine et à la nature technique de la matière première, il serait en effet nécessaire que le produit de la requérante ait été classé par un acte positif des autorités belges (ici, d'ailleurs,
contrairement au droit communautaire) dans la classe «extra». En outre, l'octroi de l'aide aurait lieu selon la procédure d'adjudication assurée par chaque organisme d'intervention. La gestion étant assurée par les autorités nationales, une action de celles-ci serait donc nécessaire.

44 L'intérêt allégué ne serait pas non plus individuel. La disposition incriminée aurait un caractère normatif absolument général et exclurait (ou, mieux, confirmerait l'exclusion de) tout opérateur qui n'en remplirait pas les conditions objectives, à savoir, notamment, la fabrication de beurre directement et exclusivement à partir de crème. La Commission fait valoir que, si la partie requérante, entreprise laitière importante au plan national, est peut-être le seul opérateur à fabriquer le produit
particulier BITA, elle n'est pas, loin s'en faut, la seule entreprise productrice de beurre recombiné sur le marché communautaire. Dans le cas d'espèce, la mesure s'appliquerait à n'importe quel opérateur n'utilisant pas de crème fraîche et s'inscrirait parfaitement dans la finalité de l'acte, qui est de faciliter l'écoulement des stocks tout en prévoyant des mesures contre la fraude. Pour cette raison, et à la différence de la situation ayant donné lieu à l'arrêt du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil
(C-309/89, Rec. p. I-1853), invoqué par la requérante, celle-ci ne pourrait se prévaloir de l'existence d'un éventuel droit subjectif dont la Commission l'aurait privée.

45 En réponse à l'argument de la requérante selon lequel elle ne disposerait pas, à la différence de ses concurrents, de la possibilité de se procurer du lait ou de la crème d'une façon systématique, la Commission observe que la partie requérante n'a pas établi son prétendu particularisme. La partie défenderesse admet qu'une entreprise qui ne procède pas à la collecte de lait dépend de la situation par hypothèse fluctuante du marché, du moins pour les quantités qu'elle ne peut se procurer au sein de
son propre groupe. Un opérateur économique avisé essayerait de se prémunir contre cette situation par des contrats à long terme et diversifierait ses sources d'approvisionnement.

46 La requérante estime, en s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, qu'un opérateur économique qui relève d'une réglementation communautaire peut en contester le bien-fondé lorsqu'elle ne prend pas sa situation spécifique en considération et qu'elle aboutit à le priver d'un droit et à lui faire subir un préjudice, surtout lorsque l'opérateur en question est atteint dans sa position juridique en raison d'une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et
l'individualise d'une manière analogue à celle du destinataire de l'acte (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et Codorniu/Conseil, précité, point 20; ordonnance du Tribunal du 28 octobre 1993, FRSEA et FNSEA/Conseil, T-476/93, Rec. p. II-1187, point 20, et arrêt du Tribunal du 15 décembre 1994, Unifruit Hellas/Commission, T-489/93, Rec. p. II-1201, point 21). La requérante estime faire partie d'un «cercle fermé individualisé» d'opérateurs dont les
droits spécifiques sont affectés (arrêts de la Cour du 14 juillet 1983, Spijker/Commission, 231/82, Rec. p. 2559, point 8, du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C-152/88, Rec. p. I-2477, point 10, et du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C-358/89, Rec. p. I-2501, point 17; ordonnance du Tribunal du 20 octobre 1994, Asocarne/Conseil, T-99/94, Rec. p. II-871, points 20 et 21; arrêt Unifruit Hellas/Commission, précité, point 23).

47 Le règlement litigieux aurait introduit l'exigence de fabriquer le beurre directement et exclusivement à partir de crème pour qu'il soit éligible à l'aide. Cette exigence n'aurait pas existé auparavant dans la réglementation communautaire. La requérante souligne que, dans sa rédaction antérieure au règlement litigieux, l'article 1er, deuxième alinéa, sous a), du règlement n_ 570/88 disposait que ne pouvaient bénéficier de l'aide que «le beurre répondant dans l'État membre de fabrication à la
définition et au classement figurant à l'article 1er, paragraphe 3, [sous] b), du règlement (CEE) n_ 985/68 et dont l'emballage est marqué en conséquence» et que, selon la disposition visée du règlement n_ 985/68, il fallait seulement, en ce qui concerne le beurre belge, qu'il s'agît de beurre classé «beurre marque de contrôle».

48 Les nouvelles conditions imposées pour l'aide à l'utilisation de beurre dans la fabrication des produits de pâtisserie ne seraient absolument pas la confirmation d'une mesure antérieure, puisque depuis l'instauration de l'organisation commune du marché du lait, le régime des interventions au stockage public aurait toujours été différent du régime des aides communautaires à l'utilisation de beurre dans différents secteurs, notamment dans la fabrication de pâtisserie et d'autres produits
alimentaires. L'objectif poursuivi par le stockage public serait de garder la qualité du beurre en assurant de très bonnes conditions de stockage. En revanche, l'objectif poursuivi par les règlements en matière d'écoulement du beurre serait de favoriser les débouchés possibles du beurre et, pour le beurre utilisé dans la fabrication des produits de pâtisserie, de concurrencer les huiles végétales.

49 La réglementation communautaire ne contiendrait pas une définition unique du beurre, selon laquelle celui-ci devrait être produit exclusivement et directement à partir de crème. Par exemple, la définition du beurre destiné à l'exportation, qui figure dans la nomenclature douanière, serait différente de celle invoquée par la Commission. Par conséquent, il faudrait chercher la définition du beurre applicable en l'espèce dans le cadre spécifique du beurre destiné à la fabrication de produits de
pâtisserie, de glaces alimentaires et d'autres produits alimentaires, c'est-à-dire dans le cadre du règlement n_ 570/88, qui, avant la modification introduite par le règlement litigieux, aurait seulement exigé que le beurre répondît dans l'État membre de fabrication à la définition et au classement figurant à l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n_ 985/68.

50 Le règlement litigieux aurait introduit dans la réglementation communautaire une définition du beurre plus stricte que celle figurant au règlement (CE) n_ 2991/94 du Conseil, du 5 décembre 1994, établissant des normes pour les matières grasses tartinables (JO L 316, p. 2, ci-après «règlement n_ 2991/94»), de rang hiérarchiquement supérieur, lequel inclurait dans la définition du beurre le beurre recombiné. Le beurre recombiné aurait recueilli des opinions favorables lors des discussions ayant
mené à l'adoption du règlement n_ 2991/94. Toutes les délégations auraient estimé que ce produit était un bon beurre et qu'il devait être considéré comme tel. Pour cette raison, le règlement d'expertise belge aurait été modifié pour permettre de classer le beurre recombiné comme beurre de qualité.

51 La requérante fait valoir que, avant la modification introduite par le règlement litigieux, le beurre qu'elle produisait remplissait toutes les conditions nécessaires pour être éligible à l'aide prévue à l'article 1er du règlement n_ 570/88, puisque, en parfaite conformité avec les législations belge et communautaire, elle avait obtenu des autorités belges le classement visé à l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n_ 985/68, à savoir le classement en tant que «beurre de laiterie
qualité extra». A cet égard, en l'absence d'harmonisation communautaire, il n'appartiendrait qu'à l'État membre concerné de définir les critères et méthodes de classement du beurre.

52 La requérante admet que le beurre recombiné peut également être considéré comme un produit intermédiaire au sens de l'article 9 bis du règlement n_ 570/88, mais elle rappelle que, d'après la réglementation communautaire, il est exigé que les produits intermédiaires soient tracés et qu'elle a l'obligation d'appeler son produit «produit intermédiaire». Selon elle, il faudrait que l'article 9 bis autorise également une version non tracée du beurre recombiné et l'utilisation de la dénomination
beurre, quoiqu'il soit plus simple et plus clair d'autoriser le produit tout simplement dans le cadre de l'article 1er du même règlement. Le traçage laisserait toujours un goût ou une couleur caractéristique, raison pour laquelle le produit ne serait pas apprécié par les clients. Tant le traçage que la dénomination «produit intermédiaire» de son produit auraient fait perdre à la requérante une clientèle importante de gros fabricants industriels qui se seraient, depuis lors, tournés vers des
concurrents fabriquant le beurre selon la technique classique du barattage, ou vers ceux fabriquant de la margarine. Enfin, la dénomination «produit intermédiaire» aurait des conséquences négatives en ce qui concerne l'exportation des produits incorporant le produit de la requérante hors de la Communauté.

53 La requérante s'estime concernée directement par la mesure attaquée puisqu'aucune mesure d'exécution n'est nécessaire et que l'acte est entré en vigueur le 1er mars 1995.

54 Elle s'estime aussi concernée individuellement par la mesure attaquée. Elle présenterait un certain nombre de particularités qui la caractériseraient par rapport à ses concurrents. Elle serait la seule entreprise de l'Union européenne à transformer la matière grasse butyrique sans être liée en aucune manière à un «laitier». Cela aurait une conséquence importante dans le cadre du présent recours, à savoir l'impossibilité matérielle de se procurer suffisamment de crème pour approvisionner les
installations de l'usine, étant souligné que pour sa fabrication annuelle elle aurait besoin de trois milliards et demi de litres de lait, consommation correspondant approximativement à la production annuelle belge. De plus, la crème se transporterait difficilement et ne se conserverait que très peu de temps. Or, à l'inverse de ses concurrents dans l'Union européenne, elle ne bénéficierait pas de collectes de lait régulières à proximité des lieux de fabrication.

55 L'activité de la requérante en Europe, représentant 75 % du total de ses ventes annuelles, consisterait à commercialiser l'excédent de matière grasse produite dans la Communauté, à concurrence de 70 000 tonnes par an sur un total de 450 000 tonnes par an pour la Communauté. Sa matière première étant en grande partie du beurre d'intervention, la requérante contribuerait ainsi à réduire les stocks de beurre de la Communauté et à réguler le marché, en répartissant les excédents de la production de
beurre sur toute l'année calendaire.

56 La requérante relève une autre particularité. Elle serait la seule entreprise de l'Union à opérer quasi exclusivement et à titre principal dans le domaine de la matière grasse butyrique, alors que, pour ses concurrents, il s'agirait d'une activité secondaire. Ainsi, elle serait la seule entreprise de l'Union à avoir effectué des investissements extrêmement importants dans la recherche et le développement, qui lui auraient permis de découvrir un procédé secret de fractionnement, de recombinaison
et de standardisation du beurre. A la suite de cette découverte, elle aurait procédé à des investissements dans les lignes de production, de manière à ce que celles-ci puissent traiter du beurre (nécessitant des précautions de traitement du fait des risques bactériologiques) et produire un beurre «technique» à 82 % de matière grasse, parfaitement standardisé. Ce dernier produit serait fabriqué à partir d'un mélange de beurre de première qualité à concurrence de 65 % et de crème à concurrence de 35
%. Selon la requérante, il ne serait pas possible de faire fonctionner ses installations avec un seul des deux composants. Au surplus, l'utilisation exclusive de crème ne permettrait pas d'obtenir un beurre standardisé, car la consistance de la crème ne pourrait pas être maîtrisée et varierait selon les saisons. Par ailleurs, la crème ne pourrait être conservée que peu de temps alors que tout l'intérêt d'une production telle que celle de la requérante serait de réguler le marché du beurre qui
connaîtrait des variations saisonnières tant en quantité qu'en qualité, alors que la consommation des ménages serait linéaire. Or, cette régulation nécessiterait des phases de stockage qui ne pourraient être envisagées que pour le beurre et non pour la crème.

57 La disposition litigieuse affecterait 30 % de la production de la requérante. La soudaineté de la modification aurait mis celle-ci dans l'impossibilité d'amortir les investissements effectués dans ses lignes de production, d'honorer ses engagements et de planifier l'utilisation de ses stocks de beurre.

58 Le nouveau beurre concurrencerait différentes huiles d'origine végétale par son prix, lorsqu'il bénéficie de l'aide communautaire, et par sa texture, qui permet un accès aux lignes automatiques d'extrusion conçues pour l'utilisation de la margarine. En outre, il aurait des propriétés particulièrement appréciées des pâtissiers et des glaciers. La requérante aurait ainsi acquis une nouvelle clientèle importante dans ce domaine au cours des deux dernières années précédant la modification litigieuse.
Cette clientèle rechercherait du beurre comme produit de base et non un produit intermédiaire tel que celui défini par d'autres règlements.

59 La requérante relève que sa spécificité dans le secteur du beurre est bien connue à la fois des autorités belges (dont trois représentants surveillent en permanence sa production) et des autorités communautaires. Des représentants de la Commission auraient visité ses installations à plusieurs reprises et la Cour des comptes aurait consacré un rapport au secteur concerné en 1988/1989. Elle aurait fait connaître sa position au ministère de l'Agriculture belge, qui aurait insisté sur ce point lors
de réunions de travail et des réunions du comité de gestion au cours desquelles la modification réglementaire a été exposée par la Commission et discutée avec les représentants nationaux. Par conséquent, la Commission aurait dû tenir compte de cette particularité de la requérante.

60 La requérante en conclut que cette situation de fait très spécifique la caractérise par rapport à tout autre opérateur économique dans le même secteur au regard de la disposition litigieuse, raison pour laquelle son recours serait recevable, notamment compte tenu de la jurisprudence récente de la Cour (arrêt Codorniu/Conseil, précité, point 19), selon laquelle, même si la disposition litigieuse a, par sa nature et sa portée, un caractère normatif en ce qu'elle s'applique à la généralité des
opérateurs économiques intéressés, il n'est pas exclu pour autant qu'elle puisse concerner individuellement certains d'entre eux.

Appréciation du Tribunal

61 Il y a lieu d'examiner à titre liminaire la question technique de la définition du produit de la requérante à la lumière du règlement n_ 570/88.

62 Selon la description donnée par la requérante, le produit litigieux est composé de 82 % de matière grasse, de 16 % d'eau et de 2 % d'extrait sec dégraissé du lait. Les matières premières utilisées - 65 % de beurre et 35 % de crème - font d'abord l'objet d'une concentration et la matière grasse pure ainsi obtenue, c'est-à-dire le beurre concentré, est soumise postérieurement à des opérations de fractionnement et de recombinaison pour l'obtention du BITA. Ainsi, le produit de la requérante est un
produit d'une teneur en matière grasse butyrique d'au moins 82 %, fabriqué exclusivement à partir du beurre concentré.

63 Cette description du produit en cause correspond exactement à la définition du produit intermédiaire visée à l'article 9 bis du règlement n_ 570/88, introduit par le règlement n_ 1813/93.

64 D'ailleurs, la requérante a admis que le BITA peut être considéré comme un produit intermédiaire au sens de cet article et qu'il a bénéficié, depuis 1989 et jusqu'au classement octroyé par les autorités belges le 28 février 1994, de l'aide prévue aux articles 9 et 9 bis du règlement n_ 570/88 au profit des produits intermédiaires. Elle a également admis que le produit continue à bénéficier de l'aide prévue à l'article 9 bis depuis l'entrée en vigueur du règlement litigieux.

65 Néanmoins, elle se plaint de la nécessité d'ajouter des traceurs et de l'obligation d'appeler le produit «produit intermédiaire».

66 A cet égard, il convient de relever que le traçage, dont la finalité est de prévenir la fraude, n'est pas un procédé nécessaire de fabrication du produit, mais une condition imposée par l'article 9 bis du règlement n_ 570/88 pour que le produit intermédiaire ait accès à l'aide communautaire prévue dans ledit règlement. Dès lors, la non-incorporation de traceurs ne modifie pas la nature même du produit, mais le rend simplement inéligible à l'aide communautaire.

67 En outre, l'exigence d'un traçage pour les produits visés à l'article 9 bis, introduite par le règlement n_ 1813/93, n'a nullement été affectée par le règlement litigieux. La requérante ne saurait donc la contester dans le cadre du présent recours.

68 Il en va de même pour la dénomination «produit intermédiaire», qui n'est qu'une conséquence découlant du fait que le produit décrit à l'article 9 bis est l'un des «produits intermédiaires visés à l'article 9», et pour lesquels la mention «produit intermédiaire» a été imposée par le règlement n_ 570/88 dès son entrée en vigueur.

69 Force est de constater que le produit BITA de la requérante est un produit visé à l'article 9 bis du règlement n_ 570/88 et non un produit visé à l'article 1er du règlement n_ 570/88. Le règlement litigieux n'ayant modifié que ce dernier article, il ne concerne donc pas le produit intermédiaire fabriqué par la requérante.

70 Cette conclusion n'est pas infirmée par l'argument de la requérante selon lequel le classement octroyé par les autorités belges aurait comme conséquence de placer son produit dans le domaine d'application de l'article 1er du règlement n_ 570/88. En effet, la requérante a reconnu, en réponse à une question du Tribunal lors de l'audience, que la composition du produit n'avait absolument pas changé, mais que le classement belge trouvait son origine dans la modification du règlement belge d'expertise
du beurre et dans l'opinion qui s'était dégagée des discussions ayant conduit à l'adoption du règlement n_ 2991/94, lequel contient une définition du beurre beaucoup plus large que celle contenue dans le règlement n_ 570/88. Or, le fait qu'un produit intermédiaire puisse être qualifié de beurre d'après la législation d'un État membre, ne peut pas avoir pour effet d'écarter les conditions imposées par l'article 9 bis, sous a), du règlement n_ 570/88 pour qu'un produit y visé soit éligible à l'aide
prévue par ce règlement.

71 En outre, il ressort des termes de l'article 1er du règlement n_ 570/88, dans sa rédaction antérieure au règlement litigieux comme dans celle résultant de celui-ci, que les produits visés à l'article 9 bis, sous a), constituent une exception à l'interdiction générale d'octroyer l'aide prévue au règlement n_ 570/88 à des produits autres que les produits visés à l'article 1er, deuxième alinéa. Le premier considérant du règlement n_ 2443/93, du 2 septembre 1993, modifiant la phrase liminaire de
cette dernière disposition (voir point 11 ci-dessus) précise à cet égard que la finalité de l'introduction de l'article 9 bis, sous a), dans le règlement n_ 570/88 est de permettre aux produits visés par cet article de bénéficier de l'aide prévue au règlement n_ 570/88, «même si ces produits ne sont pas couverts par l'article 1er».

72 Partant, selon les termes de l'article 1er du règlement n_ 570/88, un produit visé à l'article 9 bis, sous a), tel que celui de la requérante, n'est pas éligible à l'aide prévue pour les produits visés à l'article 1er dudit règlement.

73 A titre surabondant, il y lieu de considérer que, comme la Commission le soutient à juste titre, la modification apportée à l'article 1er, deuxième alinéa, sous a), du règlement n_ 570/88 ne fait que confirmer la situation antérieure en ce qui concerne l'exigence d'une fabrication, à partir de crème, du beurre éligible à l'aide.

74 En effet, le produit visé par ce dernier article était, avant la modification introduite par le règlement litigieux, le beurre répondant dans l'État membre de fabrication à la définition et au classement figurant à l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n_ 985/68.

75 Si l'article 1er, deuxième alinéa, sous a), du règlement n_ 570/88 ne se réfère ainsi expressément qu'à l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n_ 985/68, relatif au classement du beurre, il exige également que le produit réponde à une certaine «définition».

76 A cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 1er, paragraphe 1, du règlement n_ 985/68 dispose:

«Les organismes d'intervention n'achètent que du beurre:

[...]

b) répondant à la définition et au classement figurant au paragraphe 3, respectivement sous a) et b).»

77 Il se déduit de cette formulation que la «définition» du beurre est énoncée à l'article 1er, paragraphe 3, sous a), du règlement n_ 985/68, tandis que le classement est indiqué à la même disposition, sous b).

78 Dans ce contexte, bien que l'article 1er, deuxième alinéa, sous a), du règlement n_ 570/88 n'ait pas renvoyé cumulativement à l'article 1er, paragraphe 3, sous a) et b), du règlement n_ 985/68, on doit considérer que la «définition» à laquelle il se réfère est celle prévue à l'article 1er, paragraphe 3, sous a), du règlement n_ 985/68.

79 Cette définition fait référence aux conditions techniques de fabrication et de composition du beurre. En particulier, elle vise la fabrication de celui-ci à partir de crème, soit douce, soit acide.

80 Dès lors, le terme «beurre» figurant à l'article 1er, deuxième alinéa, sous a), du règlement n_ 570/88 a un contenu précis en ce qui concerne les caractéristiques techniques du beurre éligible à l'octroi de l'aide prévue par cet article, caractéristiques que ne présente pas le produit de la requérante, puisqu'il a toujours été fabriqué à partir de 65 % de beurre et de 35 % de crème.

81 La requérante ne peut soutenir utilement que la définition plus large du beurre figurant dans le règlement n_ 2991/94 inclut le beurre recombiné. En effet, ce règlement ne relève pas du domaine des mesures d'intervention destinées à favoriser l'écoulement des excédents communautaires de beurre. Il poursuit un objectif de protection et d'information du consommateur. Il vise à faciliter son choix entre des produits qui sont comparables quant à leur teneur en matière grasse en général, mais qui se
distinguent quant à la nature végétale ou animale des matières grasses utilisées (septième considérant du règlement). Par ailleurs, pour éviter une confusion du consommateur, il limite l'utilisation des termes «beurre» et «margarine» à certaines catégories de produits qu'il définit (neuvième considérant). Au demeurant, la requérante a reconnu lors de l'audience que, même si la définition du beurre figurant dans le règlement n_ 2991/94 est applicable à son produit, elle inclut également de nombreux
autres produits qui ne sont pas éligibles à l'aide prévue au règlement n_ 570/88, indépendamment de la modification introduite par le règlement litigieux.

82 Par conséquent, celui-ci ne concerne pas le produit fabriqué par la requérante, qui a toujours été compris dans la définition du produit intermédiaire prévue à l'article 9 bis du règlement n_ 570/88.

83 Dans ces conditions, la requérante ne saurait prétendre être concernée par le règlement litigieux, de sorte qu'elle est dépourvue d'un intérêt à agir en annulation au titre de l'article 173, quatrième alinéa, du traité.

84 Par suite, le recours doit être rejeté comme irrecevable, sans qu'il soit besoin de donner suite à la demande de production de documents introduite par la requérante ni d'analyser les autres arguments développés par la requérante et la Commission.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens85 En vertu de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé en ses conclusions, et la Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL

(cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

2) La partie requérante est condamnée aux dépens.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : T-117/95
Date de la décision : 30/01/1997
Type de recours : Recours en annulation - irrecevable

Analyses

Recours en annulation - Règlements (CEE) nos 570/88 et 455/95 - Aide au beurre destiné à la fabrication de certaines catégories de produits - Notion de beurre - Notion de produit intermédiaire - Intérêt à agir - Irrecevabilité.

Matières grasses

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : N. Corman SA
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1997:9

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