Avis juridique important
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61996C0153
Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 23 janvier 1997. - Jan Robert de Rijk contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Fonctionnaire - Régime d'assurance maladie complémentaire pour les fonctionnaires affectés dans un pays tiers - Conditions de remboursement des frais médicaux. - Affaire C-153/96 P.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-02901
Conclusions de l'avocat général
1 M. de Rijk sollicite l'annulation de l'arrêt rendu par le Tribunal de première instance, le 7 mars 1996, dans un litige l'opposant à la Commission (T-362/94, RecFP p. II-365, ci-après l'«arrêt attaqué»).
2 Les moyens qu'il avance à l'appui de son pourvoi portent sur la violation par le Tribunal de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut des fonctionnaires»), de l'article 33 du statut de la Cour ainsi que sur la violation des principes de sécurité juridique et de non-discrimination.
3 Après avoir résumé le cadre factuel, juridique et procédural du litige (I), nous examinerons la question de la recevabilité du pourvoi (II). Puis nous étudierons les différents moyens soulevés par le requérant et nous vous proposerons de rejeter le pourvoi (III). Nous terminerons notre propos en examinant la question des dépens (IV).
I - Cadre factuel, juridique et procédural du litige
Les faits
4 M. de Rijk est un fonctionnaire de grade B 2, affecté à la délégation de la Commission en Finlande.
5 Au cours de l'été 1993, soit avant l'adhésion de la république de Finlande, il a exposé des frais pour des soins médicaux dispensés à des personnes à sa charge, notamment à son fils qui réside habituellement en Belgique. Le 18 août 1993, il a introduit, auprès de la Commission, une demande de remboursement portant sur un total de 26 631 BFR.
6 Le 6 octobre 1993, la caisse du régime commun d'assurance maladie des Communautés européennes lui a envoyé un décompte, duquel il ressortait qu'elle prenait en charge 21 681 BFR sur ce total, le solde de 4 950 BFR pouvant éventuellement être récupéré par l'affilié sur la base de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires.
Le régime de sécurité sociale applicable
7 Le régime de sécurité sociale applicable à M. de Rijk, en qualité de fonctionnaire affecté dans un pays tiers, figure à l'annexe X du statut des fonctionnaires. L'annexe X a été ajoutée au statut des fonctionnaires par le règlement (Euratom, CECA, CEE) n_ 3019/87 du Conseil, du 5 octobre 1987 (1). L'annexe X est intitulée: «Dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers».
L'article 24 dispose:
«Le fonctionnaire, son conjoint, ses enfants et les autres personnes à sa charge sont couverts par une assurance maladie complémentaire qui couvre la différence entre les frais réellement exposés et les prestations du régime de couverture prévu à l'article 72 du statut à l'exclusion du paragraphe 3 de cet article.
La moitié de la prime nécessaire pour couvrir cette assurance est mise à charge de l'affilié sans toutefois que cette moitié puisse dépasser 0,6 % de son traitement de base; le solde de la prime est pris en charge par l'institution.
Le fonctionnaire, son conjoint, ses enfants et les autres personnes à sa charge sont assurés contre le risque de rapatriement sanitaire en cas d'urgence ou d'extrême urgence, la prime étant entièrement à la charge de l'institution.»
8 La Commission a adopté les dispositions générales d'exécution (ci-après les «DGE») de l'article 24, premier et deuxième alinéas, de l'annexe X du statut des fonctionnaires (2). L'article 2, points 1 et 2, des DGE dispose: «Sont couverts par l'assurance maladie complémentaire:
1) le fonctionnaire dont le lieu d'affectation est situé hors de la Communauté,
2) les personnes assurées du chef du fonctionnaire affilié visé au point 1), en vertu de l'article 72 du statut tel que précisé par la réglementation relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes, ci-après dénommée `réglementation', si elles résident de manière permanente au lieu d'affectation du fonctionnaire couvert en vertu du point 1) ci-dessus.
Lorsque leur résidence se trouve ailleurs, elles sont toutefois couvertes lors de séjours effectués au lieu d'affectation du fonctionnaire ainsi qu'après avis du médecin-conseil dans le cas où les frais médicaux trouvent leur origine dans le seul fait du lieu d'affectation de l'affilié.»
La décision administrative litigieuse
9 Par courrier du 18 janvier 1994, la Commission a fait savoir à M. de Rijk qu'elle ne le remboursait, au titre de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires, qu'à concurrence de 4 412 BFR au lieu des 4 950 BFR réclamés, le solde de 538 BFR restant à sa charge, au motif que les frais exposés pour son fils résidant habituellement en Belgique ne pouvaient être remboursés qu'au titre de l'article 72 du statut des fonctionnaires.
10 Le 18 avril 1994, M. de Rijk a introduit une réclamation contre cette décision, au titre de l'article 90, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires.
11 Par décision du 15 juillet 1994, notifiée à M. de Rijk le 4 août 1994, la Commission a rejeté sa réclamation, considérant que son fils résidait de manière permanente en Belgique et que les dépenses médicales qu'il y avait faites, contrairement à celles qu'il avait engagées à Helsinki, ne pouvaient pas être remboursées au titre de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires. Elle justifiait sa décision en faisant valoir, d'une part, que la raison d'être de l'assurance complémentaire
prévue à cet article est de couvrir les risques dus aux conditions particulières de vie des fonctionnaires affectés dans un pays tiers et, d'autre part, que, en l'absence d'un lien entre les frais exposés et le séjour en dehors de la Communauté, l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires était inapplicable. Toute autre analyse, ajoutait la Commission, conduirait à une discrimination évidente à l'encontre des fonctionnaires affectés à l'intérieur de la Communauté.
12 C'est dans ces conditions que, le 3 novembre 1994, M. de Rijk a saisi le Tribunal de première instance d'un recours contre cette décision de rejet.
L'arrêt du Tribunal
13 M. de Rijk a demandé au Tribunal:
- d'annuler la décision de la Commission du 18 janvier 1994 et, pour autant que de besoin, celle du 15 juillet 1994;
- de condamner la Commission au paiement de l'intégralité de la différence entre les frais réellement exposés et les prestations du régime commun d'assurance maladie, soit la somme de 4 950 BFR;
- de constater que les DGE de l'article 24, premier et deuxième alinéas, de l'annexe X du statut des fonctionnaires sont entachées d'illégalité et, en conséquence, de retirer ces DGE;
- de condamner la Commission aux dépens.
14 A l'appui de ses conclusions, il a avancé des moyens tirés de la violation du droit communautaire, et en particulier de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires, et de l'illégalité des DGE de cette même disposition, sur la base desquelles la décision attaquée avait été prise.
15 Le Tribunal a rejeté le recours pour les motifs résumés ultérieurement lors de l'examen des moyens soulevés par le requérant.
Le pourvoi
16 M. de Rijk demande à votre Cour de:
«1. Déclarer le pourvoi recevable et fondé;
2. En conséquence:
a) annuler l'arrêt entrepris,
b) juger elle-même le litige et, faisant droit à son recours initial:
- annuler la décision [de la Commission] du 18 janvier 1994 aux termes de laquelle la défenderesse décide de rembourser au requérant une somme de 4 412 BFR en vertu de l'assurance maladie complémentaire;
- pour autant que de besoin, annuler la décision de la défenderesse du 15 juillet 1994 rejetant la réclamation du requérant datée du 18 avril 1994;
- condamner la défenderesse au paiement de l'intégralité de la différence entre les frais réellement exposés et les prestations du régime commun d'assurance maladie, soit en l'espèce 4 950 FB;
- déclarer que les dispositions générales d'exécution de l'article 24, alinéas 1 et 2, de l'annexe X du statut sont entachées d'illégalité et en conséquence les annuler;
c) condamner la défenderesse aux entiers dépens des deux instances.»
II - Sur la recevabilité du pourvoi
17 La Commission soutient au principal que le pourvoi formé par M. de Rijk est irrecevable. D'une part, M. de Rijk se contenterait de reproduire les arguments développés devant le Tribunal, d'autre part, au point 11 de son pourvoi, il invoquerait un argument nouveau non soumis à l'appréciation du Tribunal. Cet argument est tiré de la lecture des articles 10 et 20 de l'annexe X du statut des fonctionnaires, qui énoncent expressément une condition de résidence pour leur application. Le requérant en
conclut, a contrario, que, faute d'avoir expressément énoncé cette condition à l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires, le législateur communautaire a manifesté son intention de ne pas imposer cette condition de résidence pour l'application de cette disposition.
18 Il résulte effectivement de votre jurisprudence constante que, pour être recevable au titre de la procédure prévue à l'article 168 A du traité CE et répondre à l'exigence de l'article 51 du statut de la Cour et de l'article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure (3), le pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (4) et non pas se
limiter à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal, y compris ceux basés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction. Un tel pourvoi constituerait en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal - il serait ainsi demandé à votre Cour de se comporter comme une juridiction d'appel et non comme une juridiction de cassation - ce qui, conformément à l'article 49 du
statut de la Cour, échappe à votre compétence (5).
19 Nous ne pensons pas que le pourvoi de M. de Rijk présente de telles caractéristiques. En effet, M. de Rijk reproche essentiellement au Tribunal d'avoir interprété de façon incorrecte et d'avoir mal appliqué les dispositions de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires. Cette demande répond sans conteste à la définition de la notion de «question de droit» contenue à l'article 168 A du traité, et il est bien de votre compétence de vérifier si la motivation de l'arrêt du Tribunal est
conforme tant à la lettre qu'à la finalité d'une disposition d'un texte communautaire comme, en l'espèce, de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires (6).
20 En outre, s'il résulte également de votre jurisprudence constante que les articles 113, paragraphe 2, et 116, paragraphe 1, du règlement de procédure s'opposent à ce que des moyens nouveaux soient avancés lors du pourvoi (7), nous ne pensons pas que les arguments développés par le requérant au point 11 de son pourvoi répondent à pareille définition.
21 L'argument et le moyen sont deux notions juridiques distinctes (8). En l'espèce, le requérant ne soulève pas un moyen nouveau mais invoque un argument nouveau au soutien d'un moyen déjà examiné par le Tribunal à savoir l'interprétation et l'application erronées de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires (voir points 15 à 21 de l'arrêt attaqué). Nous pensons qu'un argument présentant de telles particularités non seulement est parfaitement recevable, mais répond exactement aux
exigences de l'article 168 A du traité. Cet argument ne modifie pas l'objet du litige - ce qui est prohibé par l'article 113 du règlement de procédure de la Cour -, mais constitue uniquement le développement de l'un des griefs juridiques, énoncé par le requérant dès le début du contentieux introduit devant le Tribunal, et est, dès lors, parfaitement recevable (9).
22 En conclusion, nous estimons que le pourvoi formé par M. de Rijk est recevable.
III - Examen des moyens du pourvoi
23 L'analyse des trois griefs développés par le requérant nous permet de constater que, en réalité, M. de Rijk avance deux moyens essentiels au soutien de la cassation de l'arrêt du Tribunal. Dans ses premier et deuxième griefs, il reproche au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit et de motivation en ne jugeant pas que les DGE de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires sont entachées d'illégalité et d'avoir opéré une interprétation erronée de cet article. Dans son troisième
grief (en réalité, il s'agit du second moyen), il soutient que le Tribunal aurait méconnu les principes d'égalité de traitement et de sécurité juridique.
24 S'agissant du moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique, force est de constater que le requérant n'a développé aucun argument au soutien de ce moyen. Il convient dès lors de le déclarer irrecevable.
Sur le premier moyen: violation alléguée de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires
25 Le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit et de motivation en ce qui concerne l'interprétation qu'il convient de donner à l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires.
26 Le Tribunal a jugé, aux points 33 et 34 de l'arrêt attaqué, que l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires ne s'applique dans toute son étendue que si les inconvénients spécifiques ayant motivé l'instauration d'un régime dérogatoire de remboursement des frais médicaux - soit les conditions particulières de vie des fonctionnaires affectés dans un pays tiers et, notamment, les coûts généralement élevés des soins dans ces pays - existent.
27 Le requérant conteste cette interprétation, faisant valoir qu'elle aboutit à ajouter une condition supplémentaire qui restreint le champ d'application du statut des fonctionnaires et qui est, dès lors, contraire à la jurisprudence de la Cour (10). Le souci de saine gestion, invoqué au point 35 de l'arrêt attaqué, pour justifier l'interprétation restrictive de cette disposition, ne le convainc guère davantage.
28 M. de Rijk estime que les dispositions de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires ne nécessitent aucune interprétation. Il ajoute, toutefois, que, si une interprétation s'avérait nécessaire, il faudrait tenir compte non seulement des termes de cet article, de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation en cause, mais également des négociations qui ont précédé l'élaboration de ce texte, dont l'étude révélerait que la condition de résidence pour l'application de
l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires, proposée par la Commission, n'aurait pas été retenue. Selon lui, la lecture a contrario de la disposition litigieuse conforte sa thèse. Il justifie cette lecture en invoquant les articles 10 et 20 de l'annexe X du statut des fonctionnaires (11).
29 Le régime de sécurité sociale applicable à tout fonctionnaire communautaire affecté dans un pays de l'Union figure au titre V du statut des fonctionnaires, intitulé: «Régime pécuniaire et avantages sociaux du fonctionnaire». L'article 72, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires dispose que le fonctionnaire, son conjoint, ses enfants et les personnes à charge sont couverts contre les risques de maladie dans la limite des 80 % des frais exposés et, sur la base d'une réglementation établie d'un
commun accord par les institutions des Communautés, ce plafond est relevé à 85 % pour certaines prestations.
30 Dans un arrêt du 22 décembre 1993, Pincherle/Commission (12), vous avez jugé que, à défaut de plafonds de remboursement prévus par le statut des fonctionnaires, les institutions se trouvent habilitées à fixer, dans les dispositions d'exécution, des plafonds de remboursement adéquats dans le cadre d'une réglementation de couverture sans leur prescrire des seuils minimaux (13). Vous en avez déduit qu'il ne saurait être reproché aux institutions de violer l'article 72 du statut des fonctionnaires en
établissant des plafonds (qui ont abouti, en l'espèce, à des remboursements de 29 à 66 %), pour la seule raison que ces taux seraient trop éloignés des taux maximaux de remboursement de 80 et de 85 % prévus par ledit article 72 (14).
31 Ce faisant, vous suiviez votre avocat général, qui relevait dans ses conclusions que les ressources du régime d'assurance sociale sont strictement limitées aux seules contributions des fonctionnaires et autres agents ainsi qu'à celles des institutions, en sorte que l'équilibre financier d'un tel régime est nécessairement complexe et fragile, puisqu'il dépend de la parfaite corrélation entre dépenses de santé et cotisations versées. Il en concluait que, dès lors qu'aucun taux plancher n'avait été
prévu par le statut, il appartenait aux institutions communautaires de régler les pourcentages disponibles en veillant à préserver la cohérence du système instauré, et que le pouvoir des institutions communautaires dans la fixation des plafonds et des taux de remboursement s'exerçait sous réserve de l'erreur manifeste d'appréciation, sans que l'on puisse pour autant dégager de l'article 72 du statut des fonctionnaires un principe fixant un seuil minimal de taux de couverture sociale (15).
32 Les dispositions «particulières et dérogatoires» de l'annexe X, précitée, dérogent à l'article 72 du statut à l'égard des fonctionnaires affectés dans un pays tiers. L'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires, combiné avec les DGE particulières, implique que la différence entre les frais réellement exposés par le fonctionnaire ou ses ayants droit et les prestations du régime de couverture prévu à l'article 72 du statut des fonctionnaires est prise en charge par l'assurance
complémentaire pour autant que le lieu d'affectation ou de résidence permanente de l'intéressé est situé hors de la Communauté. Cette différence de traitement entre le fonctionnaire exerçant son activité sur le territoire communautaire et le fonctionnaire affecté dans un pays tiers trouve sa justification dans l'existence de conditions de vie particulières ou spéciales engendrées par l'affectation du fonctionnaire dans les pays tiers (16). Dès lors que cette situation particulière n'existe pas,
cette différence de traitement ne se justifie plus et le régime de droit commun doit s'appliquer. Il ne s'agit là que de l'application du principe général selon lequel toute règle dérogatoire est d'interprétation stricte.
33 En outre, dans le libellé même de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires, au troisième alinéa, la référence à la condition de résidence nécessaire à l'application de cette disposition particulière figure implicitement. En effet, la mention du terme «rapatriement» s'entend sans nul doute par relation avec un établissement hors des frontières de l'Union. De ce fait, il n'est nul besoin de procéder à une lecture a contrario de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires.
34 Enfin, vous avez déjà jugé dans l'arrêt Scaramuzza/Commission, précité, que la ratio legis du système dérogatoire mis en place par l'annexe X du statut des fonctionnaires résidait dans la prise en compte par le législateur communautaire des conditions de vie particulières et spéciales des fonctionnaires affectés dans un pays tiers (17). Dans cette affaire, Mme Scaramuzza, fonctionnaire affectée dans un pays tiers, se plaignait de ne pas pouvoir obtenir le paiement intégral de sa rémunération dans
la monnaie du pays d'affectation, en raison de l'application des dispositions des articles 11 et 12 de l'annexe X du statut des fonctionnaires, alors que les fonctionnaires affectés dans un pays de la Communauté le pouvaient, conformément aux articles 63 et 64 du statut des fonctionnaires. Vous avez confirmé la décision du Tribunal dans la mesure où ce dernier avait établi l'existence d'une réelle différence de situations entre les fonctionnaires affectés dans la Communauté et ceux affectés dans un
pays tiers (18).
35 Le Tribunal, aux points 31 à 35 de l'arrêt attaqué, a parfaitement analysé la ratio legis du système mis en place par le législateur communautaire avant de conclure que, dans la mesure où les circonstances particulières justifiant un traitement différent pour le fonctionnaire affecté dans un pays tiers ou sa famille n'étaient pas réunies, le régime de droit commun devait s'appliquer.
36 A la lumière des considérations qui précèdent, le Tribunal n'ayant commis ni erreur de droit ni erreur de motivation, le premier moyen du pourvoi doit être rejeté.
Sur le second moyen
37 Selon le requérant, le Tribunal aurait commis une erreur de droit et de motivation, en décidant que la condition supplémentaire imposée par les DGE de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires ne viole pas le principe d'égalité de traitement entre les fonctionnaires communautaires.
38 En effet, selon lui, la cotisation supplémentaire et spéciale, imposée par les DGE de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires, mise à la charge des fonctionnaires communautaires affectés dans les pays tiers pour assurer le financement de l'assurance complémentaire, justifie à elle seule le remboursement de l'intégralité des frais exposés par les fonctionnaires, quelle que soit la localisation de l'engagement des frais médicaux. La différence de traitement entre enfants de
fonctionnaires affectés dans les pays tiers et ceux affectés dans la Communauté étant ainsi justifiée, l'application d'un régime d'assurance maladie différent ne serait pas discriminatoire.
39 Il soutient que le Tribunal aux points 36 et 37 de l'arrêt attaqué, en ne tenant pas compte de cet élément essentiel, aurait incorrectement motivé sa décision et, ce faisant, violé le principe de non-discrimination.
40 Le Tribunal, aux points 36 et 37 de l'arrêt attaqué, après avoir rappelé la définition du principe de non-discrimination et la ratio legis de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires, a jugé que la cotisation spéciale vise à financer, en partie, la couverture des risques qui sont propres aux fonctionnaires affectés dans des pays tiers. Dès lors que ces risques spécifiques n'existent pas, comme c'est le cas pour le fonctionnaire résidant habituellement dans la Communauté,
l'application d'un régime dérogatoire n'est pas justifiée. Tout fonctionnaire placé dans la même situation doit être traité de façon identique sous peine de rompre l'égalité entre eux.
41 Nous souscrivons à l'analyse opérée par le Tribunal.
42 Dans la mesure où, à l'occasion de l'examen du premier moyen, il a été constaté que, au regard de l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires, seule l'existence de conditions particulières de vie des fonctionnaires affectés dans des pays tiers justifie l'application d'un régime de sécurité sociale dérogatoire aux règles fixées à l'article 72 du statut des fonctionnaires, dès lors que ces conditions ne sont pas réunies, le régime de droit commun doit s'appliquer. En juger différemment
reviendrait à violer le principe de l'égalité de traitement. En outre, les enfants du fonctionnaire affecté dans un pays tiers tirent leur droit à l'application de ce régime dérogatoire de leur auteur. En aucun cas il ne faudrait leur accorder plus de droit que ce dernier n'en dispose. Or, cela serait assurément le cas si un enfant résidant dans la Communauté se voyait appliquer le régime dérogatoire prévu à l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires alors que son auteur placé dans une
situation identique n'aurait pas pu en bénéficier.
43 Au surplus, vous avez reconnu que les institutions se doivent de veiller à l'équilibre financier du système d'assurance maladie (19). Cette préoccupation a également animé le législateur communautaire dans le cadre de la gestion de la caisse d'assurance complémentaire prévue à l'article 24 de l'annexe X du statut des fonctionnaires. En effet, il a pris soin de préciser à l'article 5 des DGE que, en principe, «Le fonctionnaire affecté hors Communauté est remboursé des frais réellement exposés par
lui-même et ses ayants droit, dans les conditions précisées à l'article 2. Toutefois, au-delà d'une limite à partir de laquelle les frais exposés sont considérés comme excessifs, l'intéressé ne peut prétendre à aucun remboursement».
44 Dès lors, le Tribunal, en retenant que la cotisation spéciale vise à financer les risques qui sont propres aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers, n'a pas fait une fausse application du principe de non-discrimination ni commis une erreur de motivation. Le second moyen doit être rejeté.
IV - Les dépens
45 En vertu de l'article 70 du règlement de procédure, la règle normale dans les litiges entre les institutions communautaires et leurs agents est que les institutions supportent leurs propres dépens. Toutefois, en vertu du deuxième alinéa de l'article 122 du même règlement, cette règle ne s'applique pas dans les cas de pourvois, sauf s'ils sont formés par les institutions. En conséquence, il convient de faire application de la règle générale énoncée à l'article 69, paragraphe 2, du règlement de
procédure et de condamner la partie requérante aux dépens du pourvoi.
Conclusion
46 Au bénéfice des observations qui précèdent, nous concluons à ce qu'il plaise à votre Cour de:
1) rejeter le pourvoi;
2) condamner la partie requérante aux dépens.
(1) - JO L 286, p. 3.
(2) - Décision de la Commission parue aux Informations administratives n_ 642 du 17 septembre 1990.
(3) - Lesquels précisent que le pourvoi porté devant la Cour est limité aux questions de droit et doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt du Tribunal dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande.
(4) - Voir, par exemple, l'ordonnance du 26 septembre 1994, X/Commission (C-26/94 P, Rec. p. I-4379, points 11 et 12).
(5) - Voir, par exemple, l'ordonnance du 26 avril 1993, Kupka-Floridi/CES (C-244/92 P, Rec. p. I-2041, points 9 à 11).
(6) - En ce sens, l'article de Joël Rideau et Fabrice Picod, «Le pourvoi sur les questions de droit», Revue du marché commun et de l'Union européenne, n_ 392, novembre 1995, p. 594; le point 3 des conclusions de l'avocat général M. Van Gerven, sous l'arrêt du 21 novembre 1991, Costacurta/Commission (C-145/90 P, Rec. p. I-5449).
(7) - Voir, notamment, arrêt du 19 juin 1992, V./Parlement (C-18/91 P, Rec. p. I-3997, point 21).
(8) - Voir, notamment, un arrêt du 12 juin 1958, Compagnie des Hauts fourneaux de Chasse/Haute Autorité (2/57, Rec. p. 129): «... la Cour est d'avis qu'il faut distinguer entre l'introduction de moyens nouveaux au cours de la procédure et, d'autre part, l'introduction de certains arguments nouveaux. En l'espèce, la Cour estime que la requérante n'a pas introduit de nouveaux moyens, et qu'elle a simplement développé ceux que contenait sa requête en faisant appel à un certain nombre d'arguments, dont
certains ont été présentés pour la première fois dans la réplique. Dans ces conditions, rien ne s'oppose à ce que la Cour les examine».
(9) - Voir, notamment, arrêt du 20 octobre 1994, Scaramuzza/Commission (C-76/93 P, Rec. p. I-5173, point 18).
(10) - Voir, par exemple, l'arrêt du 7 mai 1992, Conseil/Brems, où vous avez jugé que les articles des DGE ne pouvaient ni restreindre le champ d'application d'une disposition statutaire ni priver l'autorité investie du pouvoir de nomination de la possibilité d'exercer son pouvoir d'appréciation (C-70/91 P, Rec. p. I-2973, point 16).
(11) - Voir point 17 de nos conclusions.
(12) - C-244/91 P, Rec. p. I-6965.
(13) - Point 23.
(14) - Point 24.
(15) - Points 59 à 63 de ses conclusions.
(16) - Premier considérant du règlement n_ 3019/87.
(17) - Point 23.
(18) - Ibidem, point 22.
(19) - Arrêt Pincherle/Commission, précité, point 26.