ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
12 décembre 1996 ( *1 )
«Fonctionnaires — Promotion — Examen comparatif des mérites — Rapport de notation — Établissement tardif — Recours en annulation et en indemnité»
Dans l'affaire T-130/95,
X, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, représenté par Me Carlo Revoldini, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile à Luxembourg, en l'étude de ce dernier, 180, route de Longwy,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Ana Maria Alves Vieira, membre du service juridique, en qualité d'agent, assistée de Me Alberto Dal Ferro, avocat au barreau de Vicence, ayant élu domicile à Luxembourg, auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet, d'une part, l'annulation de la décision de la Commission de ne pas promouvoir le requérant au grade A 4 au titre de l'exercice de promotions 1994 et, d'autre part, l'octroi de dommages-intérêts,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),
composé de MM. B. Vesterdorf, président, C. P. Briet et A. Potocki, juges,
greffier: M. J. Palacio Gonzalez, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 23 octobre 1996,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du litige
1 Recruté en 1975 par la Commission en tant qu'administrateur de grade A 6, le requérant a été promu au grade A 5 le 1er avril 1989. Le 1er mars 1991, il a été muté de la direction de la traduction à la direction générale Emploi, relations industrielles et affaires sociales (DG V).
2 Le rapport de notation du requérant établi pour la période du 1er juillet 1989 au 30 juin 1991 comportait la description des tâches suivantes:
«1) Affecté au service de traduction — direction traduction Luxembourg, le 1er juillet 1989. A partir du 1er juin 1990, à l'unité ‘multilinguisme’.
Durant la période de notation et jusqu'au 28 février 1991, M. X a été chargé des tâches de conception et d'études dans le domaine de la traduction et du multilinguisme.
2) Affecté à la DG V — Emploi, relations industrielles et affaires sociales — Unité ‘secrétariat du comité consultatif pour la sécurité, l'hygiène et la protection de la santé sur le lieu de travai’ — le 1er mars 1991.
M.X a été chargé des dossiers suivants:
— évolution des problèmes ‘santé et sécurité au sein des États membres’,
— suivi de la partie linguistique du bulletin ‘JANUS’,
— coordination des dossiers ‘Année européenne’ avec le comité de liaison national du Danemark.»
3 Les appréciations analytiques de ce rapport comportaient 1 «excellent», 7 «très bon» et 6 «bon».
4 Par note du 21 février 1994, le chef d'unité du requérant lui a adressé un projet de rapport de notation pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1993, que le requérant a refusé d'approuver.
5 Par note du 6 avril 1994, le requérant a fait observer au directeur de la direction F «santé publique et sécurité du travail») de la DG V (ci-après «direction V.F») qu'il n'avait pas encore établi son rapport de notation 1991/1993, ni jugé utile de le proposer pour une promotion en A 4, au titre de l'exercice de promotions 1994.
6 Le 6 mai 1994, le requérant a signé, aux fins de la période de notation 1991/1993, une déclaration de reconduction de son rapport de notation relatif à la période de notation 1989/1991.
7 La DG V n'a pas inscrit le nom du requérant sur la liste de ses fonctionnaires proposés pour une promotion en A 4, au titre de l'exercice de promotions 1994, publiée aux Informations administratives no 843 du 11 mai 1994.
8 Dans une note du 24 mai 1994 adressée au directeur de la direction V.F, le requérant a fait valoir qu'il y avait lieu de considérer comme nulle et non avenue la reconduction de son rapport de notation et de reprendre le dialogue afin d'établir un rapport régulier. Le requérant relevait, à cet égard, que ses fonctions avaient été sensiblement modifiées au cours de la période de notation 1991/1993 et qu'il avait signé la reconduction de son rapport 1989/1991 dans un état de santé très préoccupant.
9 La déclaration de reconduction signée le 6 mai 1994 par le requérant a été transmise par la DG Va la direction générale du personnel et de l'administration (DG IX), qui a renvoyé ce document le 20 juin 1994, avec la mention: «non conforme (manque la description des tâches)».
10 Par note du 31 mai 1994, le requérant a introduit auprès du secrétaire général de la Commission, pris en sa qualité de président du comité de promotion A, un recours gracieux contre la décision de ne pas le proposer pour une promotion en A 4, telle que contenue dans la liste des fonctionnaires de la DG V publiée aux Informations administratives no 843 du 11 mai 1994. Le requérant a notamment relevé que son dossier personnel ne contenait pas son rapport de notation 1991/1993 et que le directeur
général de la DG V n'avait donc pas été en mesure de se prononcer valablement sur ses mérites aux fins d'une promotion en A 4. Le requérant a également produit les informations complémentaires qu'il estimait susceptibles de se substituer à son rapport de notation ou d'y suppléer et de militer en faveur de sa promotion.
11 Après avoir examiné le cas du requérant, le groupe paritaire restreint chargé de l'examen des recours et des problèmes liés à la mobilité (ci-après «groupe paritaire») a estimé que le recours gracieux du requérant n'était pas justifié.
12 Le 12 juillet 1994, le comité de promotion a adopté les propositions du groupe paritaire et a proposé les fonctionnaires de la Commission qu'il estimait les plus méritants pour une promotion en A 4.
13 Le nom du requérant ne figurait pas sur la liste de ces fonctionnaires, publiée aux Informations administratives no 859 du 8 septembre 1994. La Commission a ultérieurement décidé de promouvoir en A 4 les fonctionnaires figurant sur cette liste.
14 Par note du 25 octobre 1994, le président du comité de promotion A a informé le requérant que, compte tenu des éléments de son dossier, le groupe paritaire n'avait pas été en mesure d'en recommander un examen favorable au comité de promotion et que celui-ci avait adopté la proposition du groupe paritaire.
15 Le requérant a alors introduit une réclamation, enregistrée à la DG IX le 9 décembre 1994, sollicitant l'annulation de la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») relative aux promotions en A 4.
16 Le 20 janvier 1995, la DG IX a enregistré avec la mention «conforme» la déclaration de reconduction signée le 6 mai 1994 par le requérant, pourvue d'une annexe comportant la description des fonctions exercées par l'intéressé au cours de la période de notation 1991/1993.
17 Cette description des fonctions était libellée comme suit:
«M. X a été successivement chargé des dossiers suivants:
— suivi de la partie linguistique du bulletin ‘JANUS’;
— coordination des dossiers ‘Année européenne’ avec le comité de liaison national du Danemark;
— élaboration d'un dossier sur l'évaluation du rôle des partenaires sociaux en matière de sécurité et protection de la santé sur le lieu de travail dans les États membres.»
18 La réclamation du requérant a été rejetée par décision du 3 mars 1995, dont le requérant a attesté réception le 14 mars 1995.
Procédure
19 C'est dans ces conditions que, par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 12 juin 1995, le requérant a introduit le présent recours. La procédure a suivi un cours régulier. Le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, en vertu de l'article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a adopté des mesures d'organisation de la procédure consistant à demander à la défenderesse de verser au dossier certains
documents, lesquels ont été produits dans les délais.
20 L'examen de ces pièces apporte notamment les informations suivantes. Ainsi qu'il ressort du compte rendu des réunions du groupe paritaire produit par la Commission, le cas du requérant y a été évoqué en ces termes:
«X (DG V)
Il avait déjà introduit un recours en 1993 qui n'a pas eu de suite favorable.
Anc. grade: 1989 - âge: 51 - Notation: 1 E, 7 TB, 6 B.
[...]
Commentaires DG V: il n'a pas été proposé par sa direction et la DG V estime qu'il n'a pas de mérites suffisants à faire valoir par rapport aux candidats proposés qui sont des reliquats de 1993 ou qui ont un profil de carrière plus favorable que le sien, à l'exception d'une qui a des mérites exceptionnels à faire valoir.
Situation: un seul proposé a le même âge, les autres sont plus jeunes. Du point de vue de l'ancienneté de grade, deux proposés ont moins d'ancienneté, dont un est reliquat de 93, mais ils ont une meilleure notation. Les autres proposés sont plus anciens. Sa notation est, de loin, moins bonne que celles des proposés et elle se situe au-dessous de la moyenne de la DG V.
Le recours ne semble pas justifié. Probablement une mobilité est à conseiller.»
21 La situation de carrière des huit fonctionnaires proposés par la DG V pour une promotion en A 4 par la DG V se présentait comme suit:
Ancienneté dans le grade Age Rapport de notation
Exl. TB B
1. G.F 1.4.87 43 5 9
2. R.D. 1.4.89 46 5 9
3. C.A. 1.1.88 46 7 7
4. T.M. 1.4.88 48 4 10
5. B.S. J.R. 1.11.87 48 9 5
6. H.A. 1.5.90 45 7 7
7. L.M. 1.4.88 43 5 9
8. K.H. 1.4.87 51 7 7
22 Enfin, il ressort de la liste des fonctionnaires effectivement promus à l'issue de l'exercice de promotion litigieux que les fonctionnaires de la DG V ayant obtenu une promotion sont les cinq premiers des huit initialement proposés par cette direction générale.
23 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique du 23 octobre 1996.
Conclusions des parties
24 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— annuler la décision de la Commission de ne pas promouvoir le requérant au grade A 4 au titre de l'exercice de promotions 1994 et, pour autant que de besoin, la décision de la Commission, du 3 mars 1995, rejetant sa réclamation, ainsi que la décision de la Commission de promouvoir au grade A 4 les fonctionnaires inscrits sur la liste publiée aux Informations administratives no 859 du 8 septembre 1994;
— condamner la Commission au versement d'une indemnité de 300000 LFR, en réparation du préjudice moral subi, que le requérant se réserve de mieux spécifier en cours d'instance;
— subsidiairement, évaluer son préjudice moral ex æquo et bono;
— condamner la Commission aux dépens.
25 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— rejeter le recours,
— statuer sur les dépens comme de droit.
Sur la demande d'annulation
1. Recevabilité
26 La Commission soutient que, selon une interprétation a contrario de l'arrêt du 5 décembre 1990, Marcato/Commission (T-82/89, Rec. p. II-735, points 39 à 52), l'acte faisant grief dans le cadre d'un exercice de promotions se déroulant, comme en l'espèce, à l'intérieur de la carrière est la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants, en tant qu'elle refuse l'inscription du requérant. Le recours serait donc irrecevable en tant que dirigé contre la liste des fonctionnaires promus au grade A 4,
purement confirmative de la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants.
27 Le requérant objecte que le Tribunal a estimé recevable un recours en annulation dirigé contre la liste des fonctionnaires promus (arrêt du 13 juillet 1995, Rasmussen/Commission, T-557/93, RecFP p. II-603). En effet, une fois constatée l'irrégularité de la procédure de promotion, l'acte de nomination des autres fonctionnaires ferait grief au requérant.
28 Le Tribunal ne peut qu'écarter l'argumentation de la Commission, qu'elle n'a, d'ailleurs, aucunement développée dans sa décision rejetant la réclamation du requérant. Il suffit de constater que l'exercice de promotion litigieux s'analyse en une opération administrative complexe, composée d'une succession d'actes très étroitement liés.
29 Il s'ensuit que le requérant est recevable à demander l'annulation de la décision clôturant les opérations de promotions litigieuses, soit, en l'espèce, la liste des fonctionnaires promus, en tant qu'elle contient la décision de la Commission refusant implicitement de promouvoir le requérant en A 4 (voir arrêt de la Cour du 11 août 1995, Commission/Noonan, C-448/93 P, Rec. p. I-2321, point 17).
30 Il y a donc lieu de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission.
2. Fond
31 Au soutien de ses conclusions en annulation, le requérant développe, d'une part, un moyen composé de trois branches et tiré de la violation de l'article 45 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») et, d'autre part, un second moyen pris de la violation de l'article 26 du statut.
Sur le premier moyen pris, en sa première branche, de l'absence de rapport de notation 1991/1993 au cours de l'exercice de promotion litigieux
Recevabilité de la branche du moyen
32 Dans sa duplique, la Commission excipe de l'irrecevabilité du moyen nouveau que constituerait l'affirmation du requérant contenue pour la première fois dans la réplique, selon laquelle son rapport de notation 1991/1993 ne serait parvenu à la DG IX que le 20 janvier 1995.
33 Le Tribunal ne saurait souscrire à une telle argumentation. En effet, l'allégation du requérant, dont la Commission conteste la recevabilité, ne constitue pas un moyen autonome mais s'analyse, au contraire, en un argument développé au soutien de la première branche du moyen.
34 Il y a donc lieu de rejeter l'exception soulevée par la Commission à l'encontre de la recevabilité de la branche du moyen.
Bien-fondé de la branche du moyen
— Argumentation des parties
35 Le requérant observe que, au cours de l'exercice de promotion litigieux, son dossier personnel n'aurait contenu aucun rapport de notation le concernant en qualité de fonctionnaire de grade A 5 à la DG V, à l'exception de la période du 1er mars 1991 au 30 juin 1991. La Commission n'aurait donc pas été en mesure de prendre en considération ses mérites aux fins d'une éventuelle promotion en A 4 et les irrégularités de la procédure de promotion auraient eu une incidence décisive sur la procédure de
promotion.
36 Ayant travaillé pendant la période de notation 1991/1993 sous l'autorité d'un seul notateur, le directeur de la direction V.F, le requérant aurait rerusé de signer le projet de rapport de notation établi à l'initiative de son chef d'unité, qui n'aurait eu aucune compétence en la matière.
37 Même l'entretien du requérant avec son directeur, qui s'est déroulé le 6 mai 1994, n'aurait pas été celui prévu par les dispositions applicables aux fins de la reconduction des rapports de notation, mais aurait porté sur les fonctions que le requérant devait occuper dans le cadre de la réorganisation de la direction. Pour remédier à l'absence de rapport de notation, le directeur aurait demandé au requérant de signer une acceptation de reconduction du rapport de notation 1989/1991.
38 Ce rapport de notation n'aurait comporté qu'une période de quatre mois, du 1er mars 1991 au 30 juin suivant, accomplie au sein de la DG V sous l'autorité du directeur en tant que notateur. Les fonctions que le requérant avait exercées au sein du service de traduction au cours des 20 mois précédents auraient été ainsi modifiées de façon significative depuis son départ de ce service, le 1er mars 1991. Le rapport de notation 1989/1991 n'aurait donc pu être reconduit tel quel, mais aurait dû
nécessairement être adapté, ce qui n'aurait pas été le cas.
39 Le rapport de notation reconduit aurait été envoyé à la DG IX, dont le préposé a signé l'accusé de réception le 27 mai 1994. La DG IX aurait renvoyé ce document le 20 juin 1994 à la DG V avec la mention «non conforme (manque la description des tâches)». Ce serait seulement le 20 janvier 1995 que la DG IX aurait enregistré la déclaration supplémentaire de la DG V concernant le descriptif des fonctions réclamé 7 mois plus tôt et l'aurait déclaré conforme.
40 En conséquence, le rapport de notation 1991/1993, même sous la forme de la reconduction du rapport de notation précédent, n'aurait pas figuré dans le dossier du requérant pendant la durée de la procédure de promotion litigieuse, du mois d'avril au mois de septembre 1994. Ni le directeur général de la DG V, ni le groupe paritaire, ni le comité de promotion, ni l'AIPN n'auraient donc pu disposer du dossier personnel complet du requérant.
41 La Commission répond que l'absence du rapport de notation 1991/1993 du requérant n'a pas pu entraîner l'irrégularité de l'exercice de promotions 1994, dès lors que le comité de promotion a statué sur le fondement des mêmes éléments que ceux dont il aurait disposé si ce rapport de notation avait déjà été établi.
42 La Commission ne nie pas que le requérant a signé la reconduction de son rapport de notation 1989/1991 après l'élaboration des propositions de promotions faites par la DG V au mois d'avril 1994. Toutefois, bien que la reconduction du rapport de notation pour la période 1991/1993 n'ait pas encore existé lors de l'élaboration de ces propositions, la DG V aurait pu, de toute façon, apprécier les mérites du requérant sur la base du rapport de notation 1989/1991, qui aurait été reconduit à l'identique
aux fins de la période de notation 1991/1993.
43 En tout cas, le comité de promotion réuni le 12 juillet 1994, aurait pu évaluer les mérites du requérant au vu du rapport de notation reconduit, même s'il n'avait pas encore été visé par la DG IX. En effet, le président du comité de promotion aurait été parfaitement au courant de la reconduction signée par le requérant le 6 mai 1994 et aurait donc évalué les mérites de l'intéressé, compte tenu du rapport reconduit.
44 La Commission souligne enfin que le visa de conformité de la reconduction du rapport de notation 1989/1991 se révélerait en l'espèce purement formel, puisqu'il a été retardé en raison de l'absence du descriptif des fonctions. Dès lors que les tâches du requérant n'auraient pas été significativement modifiées depuis le 1er mars 1991, leur description n'aurait pu jouer aucun rôle innovateur par rapport à la notation précédente.
— Appréciation du Tribunal
45 Le Tribunal rappelle à titre liminaire que, selon une jurisprudence constante, le rapport de notation constitue un élément indispensable d'appréciation, chaque fois que la carrière d'un fonctionnaire est prise en considération par le pouvoir hiérarchique (arrêt Rasmussen/Commission, précité, point 30).
46 Selon une jurisprudence non moins établie (arrêts de la Cour du 12 octobre 1978, Ditterich/Commission, 86/77, Rec. p. 1855, points 18 et 19, et du 10 juin 1987, Vincent/Parlement, 7/86, Rec. p. 2473), une procédure de promotion est entachée d'irrégularité lorsque l'AIPN n'a pas pu, en violation de l'article 45 du statut, procéder à un examen comparatif des mérites des candidats à la promotion, parce que les rapports de notation de l'un ou de plusieurs d'entre eux ont été établis avec un retard
substantiel, du fait de l'administration.
47 Toutefois, il ne suffit pas, pour annuler les décisions de promotion, que le dossier personnel d'un candidat soit irrégulier et incomplet, sauf s'il est établi que cette circonstance a pu avoir une incidence décisive sur la procédure de promotion (arrêt Rasmussen/Commission précité, point 31).
48 En particulier, l'AIPN peut rechercher d'autres moyens de nature à pallier l'absence d'un rapport de notation (arrêt du Tribunal du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T-25/92, Rec. p. II-201, point 45). Dans des circonstances exceptionnelles, l'absence de rapport de notation peut être compensée par l'existence d'autres informations sur les mérites du fonctionnaire (arrêt de la Cour du 17 décembre 1992, Moritz/Commission, C-68/91 P, Rec. p. I-6849, point 18).
49 En l'espèce, le Tribunal relève que, selon les dispositions combinées des articles 2 et 6 des dispositions générales d'exécution adoptées par la Commission aux fins de l'application de l'article 43 du statut relatif à la notation des fonctionnaires, c'est au directeur de la direction V.F, dont relevait le requérant, qu'il appartenait d'établir et de communiquer à l'intéressé, avant le 30 novembre 1993, un projet de rapport de notation afférent à la période 1991/1993, soit la dernière période de
notation révolue à l'ouverture de l'exercice de promotion litigieux.
50 Le projet de rapport communiqué au requérant le 21 février 1994 par son chef d'unité ne pouvait donc pas être pris en considération aux fins de l'appréciation des mérites de l'intéressé, ce document ayant été établi par un fonctionnaire incompétent pour ce faire.
51 Par ailleurs, la déclaration signée par le requérant, le 6 mai 1994, ne comportait pas le descriptif des fonctions exécutées par le requérant au cours de la période de notation 1991/1993. C'est seulement le 20 janvier 1995 que la DG IX a enregistré, avec la mention «conforme», la reconduction du rapport de notation 1989/1991, à laquelle était annexé le descriptif des fonctions en question.
52 Il résulte de ce qui précède que, aux fins de l'élaboration, au cours du mois d'avril 1994, de la liste des fonctionnaires proposés par la DG V pour une promotion en A 4, les services compétents de cette direction générale n'ont pas disposé du dernier rapport de notation du requérant.
53 Le Tribunal observe toutefois que, aux fins de l'établissement de la liste de ses fonctionnaires proposés pour une promotion en A 4, la DG V a pu valablement prendre en considération les appréciations analytiques figurant dans le rapport de notation 1989/1991 du requérant, puisqu'elles sont réputées avoir été reproduites à l'identique dans la reconduction de ce rapport de notation enregistrée le 20 janvier 1995.
54 Le Tribunal relève à cet égard que le requérant n'a jamais allégué en cours d'instance que les appréciations analytiques portées sur son rapport de notation 1989/1991 et réputées avoir été reprises dans la reconduction de ce même rapport aux fins de la période 1991/1993 ne correspondaient pas au niveau des prestations qu'il a accomplies au cours cette dernière période.
55 Au vu de ces appréciations analytiques, il y a lieu d'admettre que, même s'il avait disposé en temps utile de la reconduction du rapport de notation du requérant, le directeur général de la DG V aurait été, en tout état de cause, nécessairement amené à ne pas inscrire le nom du requérant sur la liste de ses fonctionnaires proposés pour une promotion en A 4.
56 En effet, un écart considérable sépare les appréciations analytiques obtenues par les huit fonctionnaires proposés par la DG V de celles attribuées au requérant dans son rapport de notation 1989/1991 (voir points 20 et 21 ci-dessus).
57 Au surplus, il résulte des documents produits par la Commission, qu'un écart significatif sépare les appréciations analytiques du requérant de celles obtenues par l'ensemble des fonctionnaires de la Commission promus en A 4 à l'issue de l'exercice de promotion litigieux.
58 S'il est, par ailleurs, exact que les fonctions exercées par le requérant au cours de la période 1991/1993 diffèrent de celles que l'intéressé a accomplies, au sein de la direction de la traduction jusqu'au 28 février 1991, il convient toutefois d'admettre que les fonctions que lui a confiées la DG V n'ont pas subi de modifications significatives depuis la prise de fonctions de l'intéressé au sein de cette direction générale le 1er mars 1991 [voir points 2, sous 2), et 17 ci-dessus].
59 En outre, s'il ressort du compte-rendu du groupe paritaire précité que la plupart des fonctionnaires proposés pour une promotion en A 4 par la DG V étaient plus jeunes que le requérant, c'est toutefois l'appréciation des mérites des fonctionnaires qui constitue le critère déterminant en matière de promotion et l'AIPN ne peut prendre en considération l'âge des candidats qu'à titre subsidiaire (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, Rec. p. 23, points 16 et 17).
60 Le Tribunal rappelle, au surplus, que la plupart des fonctionnaires proposés pour une promotion en A 4 par la DG V avaient une ancienneté de grade supérieure à celle du requérant.
61 C'est donc à bon droit que, compte tenu des éléments du dossier du requérant dont il disposait, le groupe paritaire, après avoir dûment examiné le recours gracieux du requérant, ne s'est pas estimé en mesure de recommander au comité de promotion un examen favorable du cas de l'intéressé et que le comité de promotion a adopté la proposition du groupe paritaire.
62 Le Tribunal rappelle, en outre, que le requérant a produit au soutien de son recours gracieux auprès du président du comité de promotion, des informations complémentaires qu'il a lui-même estimées susceptibles de se substituer à son rapport de notation ou d'y suppléer et de militer en faveur de sa promotion (point 10 ci-dessus).
63 Il s'ensuit que, bien que les services compétents de la Commission n'aient pas disposé du dernier rapport de notation du requérant au cours de l'exercice de promotion litigieux, il y a lieu de considérer que cette circonstance n'a pas pu avoir d'incidence décisive sur la procédure de promotion.
64 Il y a donc lieu de rejeter la première branche du moyen.
Sur le premier moyen pris, en sa deuxième branche, du caractère irrégulier de l'examen comparatif des mérites en ce qu'il aurait été limité aia fonctionnaires de la DG
65 Le requérant reproche à la Commission d'avoir comparé ses mérites avec ceux des seuls fonctionnaires de la DG V, et non pas avec ceux de tous les fonctionnaires de la Commission ayant vocation à la promotion au grade A 4.
66 La Commission rappelle en substance qu'un examen préalable des candidatures des fonctionnaires promouvables, au sein de chaque direction générale dont ils relèvent, n'est pas susceptible de faire échec à l'examen comparatif des mérites des candidats.
67 Le Tribunal considère que, en tout état de cause, cette branche du moyen ne saurait être accueillie. Selon une jurisprudence constante, un examen préalable des candidatures des fonctionnaires promouvables, au sein de chaque direction générale de la Commission dont ils relèvent, n'est pas susceptible de faire échec à un examen comparatif bien compris des mérites des candidats, tel que visé à l'article 45 du statut et participe, au contraire, du principe de bonne administration (voir arrêt du
Tribunal du 30 novembre 1993, Tsirimokos/Parlement, T-76/92, Rec. p. II-1281, point 16, et arrêt Rasmussen/Commission précité, point 21).
68 Au surplus, le Tribunal estime inopérante cette branche du moyen, eu égard à l'écart significatif séparant les appréciations analytiques respectivement attribuées au requérant et aux fonctionnaires de l'ensemble des services de la Commission effectivement promus en A 4 au titre de l'exercice de promotion litigieux.
69 La deuxième branche du moyen doit donc être rejetée.
Sur le premier moyen pris, en sa troisième branche, de l'irrégularité de la méthode d'attribution des points de priorité
70 Le requérant observe que les promotions au grade A 4 se font sur la base des points dont chaque direction générale dispose selon le nombre de fonctionnaires promouvables et qu'elle peut attribuer selon son gré. Une telle méthode rendrait illusoire tout examen comparatif par le comité de promotion. Le requérant conteste, non pas le pouvoir du directeur général d'établir un ordre de priorité des propositions de promotion, mais l'attribution d'un nombre de points en fonction du nombre des
promouvables au sein de la direction générale considérée. Le requérant relève, enfin, que les irrégularités dénoncées ci-dessus ont eu pour effet de faire échec, tant à ses possibilités d'avancement, qu'au principe d'égalité de traitement entre fonctionnaires.
71 La Commission répond que, selon une jurisprudence bien établie, la méthode d'évaluation critiquée est compatible avec l'article 45 du statut et assurerait un double examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion, d'une part, au sein de leur direction générale et, d'autre part, au sein du comité de promotion.
72 Il suffit de relever que, comme il ressort de l'examen de la première branche du moyen, le requérant ne pouvait figurer en ordre utile pour être proposé par la DG V pour une promotion en A 4.
73 Il s'ensuit que le requérant n'a aucun intérêt à soulever la troisième branche du moyen, dès lors qu'il affirme lui-même ne pas contester le pouvoir des directeurs généraux d'établir un ordre de priorité des propositions de promotion au sein de leur direction générale.
74 Il résulte, au surplus, d'une jurisprudence constante que la méthode d'évaluation critiquée est compatible avec l'article 45 du statut (arrêt de la Cour du 1er juillet 1976, De Wind/Commission, 62/75, Rec. p. 1167; arrêts du Tribunal du 10 juillet 1992, Mergen/Commission, T-53/91, Rec. p. II-2041, point 36, et Rasmussen/Commission, précité, point 20).
75 Il y a donc lieu de rejeter la troisième branche du moyen.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l'article 26 du statut
76 Le requérant observe que la reconduction de son rapport de notation 1989/1991 ne lui a jamais été communiquée pour avis et contrôle, en violation de l'article 26 du statut. Même si ce rapport avait été à la disposition du comité de promotion et de l'AIPN, il ne lui aurait pas été opposable.
77 La Commission nie que l'article 26 ait été violé en l'espèce.
78 Il suffit de rappeler que le requérant n'a pas contesté, en cours de procédure, la validité intrinsèque des appréciations analytiques dont il a fait l'objet. Dans ces conditions, le moyen est dépourvu de pertinence aux fins de la présente instance.
79 Il y a donc lieu de rejeter le second moyen.
80 Il résulte des développements qui précèdent que la demande d'annulation du requérant doit être rejetée dans son ensemble.
Sur la demande d'indemnité
Argumentation des parties
81 Le requérant soutient que le classement tardif d'un rapport de notation dans le dossier personnel d'un fonctionnaire constituerait une faute de service, dès lors que le fonctionnaire n'a pas concouru notablement à ce retard. Ce retard donnerait droit à la réparation du préjudice moral subi par le fonctionnaire dont les chances de promotion ont été altérées par l'absence de rapport de notation dans son dossier personnel au moment de l'examen de sa candidature (arrêt du 17 mars 1993,
Moat/Commission, T-13/92, Rec. p. II-287, point 33). Le requérant fixe, sous toutes réserves, à 300000 LFR le montant de son préjudice moral et, subsidiairement, s'en remet à la sagesse du Tribunal pour apprécier son préjudice.
82 La Commission observe que, conformément à une jurisprudence constante, le requérant est tenu de préciser l'étendue exacte du dommage allégué, sauf si certaines circonstances spéciales l'empêchent de le chiffrer. Or, le requérant n'ayant pas invoqué l'existence de telles circonstances, sa demande serait irrecevable (ordonnance du Tribunal du 1er juillet 1994, Osório/Commission, T-505/93, RecFP p. II-581).
83 En tout état de cause, le requérant n'aurait subi aucun préjudice. L'absence d'un rapport de notation du dossier personnel d'un fonctionnaire ne serait susceptible d'engendrer, dans son chef, un préjudice moral que si sa camere a pu en être affectée ou si cette circonstance a entraîné chez lui un état d'incertitude ou d'inquiétude quant à son avenir, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce (arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Allo/Commission, T-496/93, RecFP p. II-405, point 89).
Appréciation du Tribunal
84 Il y a lieu de relever que la demande d'indemnité est irrecevable dès lors que, contrairement aux exigences posées par l'article 44, sous c), du règlement de procédure, le requérant s'est borné, dans sa requête, à demander au Tribunal de condamner la Commission aux dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi, sans indiquer les moyens qu'il entendait invoquer à l'appui de ses prétentions, en particulier, le fait générateur de ce préjudice (ordonnance de la Cour du 3 décembre 1992,
TAO/AFI/Commission, C-322/91, Rec. p. I-6373, points 13 et 14).
85 En outre, la requête se borne à alléguer, en termes très vagues et généraux, l'existence d'un préjudice, sans mettre le Tribunal en mesure d'en apprécier l'étendue et la consistance. Il incombait au contraire au requérant de préciser, même de façon approximative, l'évaluation de son préjudice moral (ordonnance du Tribunal du 15 février 1995, Moat/Commission, T-112/94, RecFP p. II-135, point 38).
86 Le Tribunal retient, à titre surabondant, que, ainsi qu'il résulte de l'examen de la demande d'annulation, le requérant n'est pas fondé à soutenir que ses chances de promotion ont été altérées, ni, par conséquent, qu'il a droit à la réparation du préjudice moral qu'il aurait subi de ce fait.
87 Il s'ensuit que la demande d'indemnité doit en tout état de cause être rejetée.
Sur les dépens
88 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 de ce même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à leur charge. En outre, aux termes de l'article 87, paragraphe 3, dudit règlement, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l'autre partie les frais qu'elle lui a fait
exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.
89 Dans la présente espèce, il y a lieu de relever que certains des comportements de la Commission ont pu raisonnablement amener le requérant à introduire le présent recours. Il en est notamment ainsi de l'élaboration d'un projet de rapport de notation par un fonctionnaire incompétent pour ce faire et de l'accomplissement de toute la procédure de promotion litigieuse sans que le dernier rapport de notation du requérant en bonne et due forme ait été disponible (voir arrêt Vincent/Parlement, précité,
point 28).
90 Il y a donc lieu de condamner la partie défenderesse à supporter l'ensemble des dépens, y compris les frais exposés par le requérant.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) La Commission supportera ses propres dépens et ceux du requérant.
Vesterdorf
Briët
Potocki
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 1996.
Le greffier
H. Jung
Le président
B. Vesterdorf
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( *1 ) Langue de procédure: le français.