Avis juridique important
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61995J0262
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 7 novembre 1996. - Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne. - Manquement - Non-transposition des directives 82/176/CEE, 83/513/CEE, 84/156/CEE, 84/491/CEE et 86/280/CEE concernant le déversement de certaines substances dangereuses dans le milieu aquatique. - Affaire C-262/95.
Recueil de jurisprudence 1996 page I-05729
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
États membres ° Obligations ° Exécution des directives ° Manquement non contesté
(Traité CE, art. 169)
Parties
Dans l' affaire C-262/95,
Commission des Communautés européennes, représentée par M. Goetz zur Hausen, conseiller juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie requérante,
contre
République fédérale d' Allemagne, représentée par M. Ernst Roeder, Ministerialrat au ministère fédéral de l' Économie, en qualité d' agent, D ° 53107 Bonn,
partie défenderesse,
ayant pour objet de faire constater que, en ne prenant pas, dans les délais prescrits, les mesures nécessaires pour se conformer à:
° la directive 82/176/CEE du Conseil, du 22 mars 1982, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets de mercure du secteur de l' électrolyse des chlorures alcalins (JO L 81, p. 29),
° la directive 83/513/CEE du Conseil, du 26 septembre 1983, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets de cadmium (JO L 291, p. 1),
° la directive 84/156/CEE du Conseil, du 8 mars 1984, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets de mercure des secteurs autres que celui de l' électrolyse des chlorures alcalins (JO L 74, p. 49),
° la directive 84/491/CEE du Conseil, du 9 octobre 1984, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets d' hexachlorocyclohexane (JO L 274, p. 11), et à
° la directive 86/280/CEE du Conseil, du 12 juin 1986, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets de certaines substances dangereuses relevant de la liste I de l' annexe de la directive 76/464/CEE (JO L 181, p. 16),
et notamment à l' article 3 de chacune de ces directives, la République fédérale d' Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE,
LA COUR (sixième chambre),
composée de MM. G. F. Mancini, président de chambre, J. L. Murray (rapporteur), C. N. Kakouris, P. J. G. Kapteyn et H. Ragnemalm, juges,
avocat général: M. P. Léger,
greffier: M. R. Grass,
vu le rapport du juge rapporteur,
ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 12 septembre 1996,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 4 août 1995, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l' article 169 du traité CE, un recours visant à faire constater que, en ne prenant pas, dans les délais prescrits, les mesures nécessaires pour se conformer à:
° la directive 82/176/CEE du Conseil, du 22 mars 1982, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets de mercure du secteur de l' électrolyse des chlorures alcalins (JO L 81, p. 29),
° la directive 83/513/CEE du Conseil, du 26 septembre 1983, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets de cadmium (JO L 291, p. 1),
° la directive 84/156/CEE du Conseil, du 8 mars 1984, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets de mercure des secteurs autres que celui de l' électrolyse des chlorures alcalins (JO L 74, p. 49),
° la directive 84/491/CEE du Conseil, du 9 octobre 1984, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets d' hexachlorocyclohexane (JO L 274, p. 11), et à
° la directive 86/280/CEE du Conseil, du 12 juin 1986, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets de certaines substances dangereuses relevant de la liste I de l' annexe de la directive 76/464/CEE (JO L 181, p. 16) (ci-après les "directives litigieuses"),
et notamment à l' article 3 de chacune de ces directives, la République fédérale d' Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE.
2 Sur le fondement de l' article 6 de la directive 76/464/CEE du Conseil, du 4 mai 1976, concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté (JO L 129, p. 23), le Conseil a adopté les directives litigieuses arrêtant, pour différentes substances, des valeurs limites que ne doivent pas dépasser les normes d' émission que les États membres fixent en matière de déversement des substances.
3 Aux termes de l' article 3, paragraphe 1, libellé de manière identique dans les directives 82/176, 83/513, 84/156 et 84/491, les valeurs limites, les délais fixés pour le respect de ces valeurs et la procédure de surveillance et de contrôle à appliquer aux rejets figurent à l' annexe I de chacune de ces directives. S' agissant de la directive 86/280, ces mêmes informations figurent à la rubrique A des annexes. Les États membres sont tenus de mettre en vigueur, dans le délai prévu par chaque
directive, les mesures nécessaires pour s' y conformer. Les délais de transposition ont expiré le 1er juillet 1983 pour la directive 82/176 (article 6, paragraphe 1), le 28 septembre 1985 pour la directive 83/513 (article 6, paragraphe 1), le 18 mars 1986 pour la directive 84/156 (article 7, paragraphe 1), le 1er avril 1986 pour la directive 84/491 (article 6, paragraphe 1) et le 1er janvier 1988 pour la directive 86/280 (article 7, paragraphe 1).
4 Toutefois, aux termes de l' article 3 de la directive 90/656/CEE du Conseil, du 4 décembre 1990, relative aux mesures transitoires applicables en Allemagne concernant certaines dispositions communautaires en matière de protection de l' environnement (JO L 353, p. 59), modifiée par la directive 93/80/CEE de la Commission, du 23 septembre 1993 (JO L 256, p. 32), la République fédérale d' Allemagne a été autorisée, s' agissant des établissements industriels situés dans les nouveaux Laender, à n'
appliquer les dispositions prévues par les directives litigieuses qu' à partir du 31 décembre 1995.
5 Après avoir examiné les mesures de transposition de la directive 86/280, la Commission les a considérées insuffisantes. Elle a donc adressé, le 18 octobre 1989, une lettre de mise en demeure à la République fédérale d' Allemagne, conformément à l' article 169, paragraphe 1, du traité.
6 Dans sa réponse du 26 février 1990, complétée par des lettres des 4 septembre 1990 et 7 novembre 1991, la République fédérale d' Allemagne a notamment fait valoir que la directive 86/280 avait été transposée de façon suffisante par des instructions administratives données par les autorités fédérales et celles des Laender.
7 Quant à la transposition des directives 82/176, 83/513, 84/156 et 84/491, la République fédérale d' Allemagne a transmis à la Commission des dispositions administratives d' ordre général ("Allgemeine Verwaltungsvorschriften") adoptées sur le fondement de l' article 7a, paragraphe 1, du Wasserhaushaltsgesetz (loi concernant l' utilisation et la protection des eaux) et dont elle estime qu' elles ont transposé les directives litigieuses dans l' ordre juridique interne. Par ailleurs, le gouvernement
fédéral faisait référence aux nombreux avis, circulaires et dispositions administratives publiés par les Laender afin de transposer ces directives.
8 La Commission, estimant que cette transposition était imparfaite, a mis en demeure la République fédérale d' Allemagne, le 29 septembre 1992, d' avoir à lui présenter ses observations dans un délai de deux mois.
9 La République fédérale d' Allemagne y a répondu par une communication du 11 décembre 1992, renvoyant à une lettre dans laquelle elle mentionnait les initiatives qu' elle avait prises pour assurer la transposition des directives en matière d' environnement requises par la jurisprudence de la Cour. La République fédérale d' Allemagne indiquait, en outre, qu' elle avait l' intention de créer, dans le cadre du Wasserhaushaltsgesetz, une habilitation relative à l' adoption de règlements. Toutefois, les
mesures de transposition ne pouvant intervenir qu' au cours de l' année 1994, elle demandait à la Commission de s' abstenir de poursuivre la procédure.
10 Par lettre du 30 octobre 1993, la Commission a adressé à la République fédérale d' Allemagne un avis motivé et l' invitait à prendre les mesures requises pour s' y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
11 Dans sa réponse du 26 janvier 1994, le gouvernement fédéral a notamment, d' une part, fait référence à l' argumentation contenue dans la lettre du 11 décembre 1992 et, d' autre part, annoncé que la modification nécessaire du Wasserhaushaltsgesetz aurait lieu dans le courant de l' année 1994. Elle a donc prié la Commission de suspendre la procédure en manquement.
12 Cependant, la Commission a déposé la présente requête.
13 A titre liminaire, la Commission indique que la requête ne concerne pas la transposition des directives litigieuses dans les nouveaux Laender.
14 Elle expose ensuite que les directives litigieuses doivent être transposées de manière à en assurer effectivement la pleine application d' une façon suffisamment claire et précise afin que les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et de s' en prévaloir, le cas échéant, devant les juridictions nationales. En effet, en ce qui concerne la fixation de valeurs limites en matière de nuisances fondées sur des directives relatives à la protection de l'
environnement, la Cour aurait déjà constaté la nécessité d' établir un texte dont le caractère contraignant serait incontestable. Enfin, la Commission ajoute que la République fédérale d' Allemagne ne conteste pas le fait qu' elle n' a pas pris de mesures générales juridiquement contraignantes pour transposer les directives litigieuses.
15 Dans son mémoire en défense, la République fédérale d' Allemagne constate que le grief de la Commission vise exclusivement la forme de la transposition. Eu égard à la jurisprudence de la Cour, elle abandonne son argumentation selon laquelle la transposition par des circulaires administratives serait suffisante. Pour une transposition par voie légale, les organes législatifs intégreront dans le Wasserhaushaltsgesetz une habilitation pour l' adoption de règlements, qui permettra à la République
fédérale d' Allemagne de transposer les directives litigieuses par des règlements. La République fédérale d' Allemagne annonçait l' adoption d' une telle loi au printemps 1996. Toutefois, du point de vue matériel, la République fédérale d' Allemagne fait valoir que les directives litigieuses sont déjà transposées de manière effective en droit allemand.
16 En l' occurrence, la République fédérale d' Allemagne ne conteste pas le fait de ne pas avoir pris de mesures générales juridiquement contraignantes pour transposer les directives litigieuses.
17 En tout état de cause, il est de jurisprudence constante qu' un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l' inobservation des obligations et délais prescrits par une directive (voir, notamment, arrêt du 19 septembre 1996, Commission/Grèce, C-236/95, non encore publié au Recueil, point 18).
18 Étant donné que, à l' expiration des délais de transposition des directives litigieuses, la République fédérale d' Allemagne n' avait pas encore adopté de mesures pour les mettre en oeuvre, il y a donc lieu de constater que, en ne prenant pas, dans les délais prescrits, les mesures nécessaires pour se conformer aux directives litigieuses et, notamment, à l' article 3 de chacune de ces directives, la République fédérale d' Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces
directives.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
19 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La République fédérale d' Allemagne ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre)
déclare et arrête:
1) En ne prenant pas, dans les délais prescrits, les mesures nécessaires pour se conformer à:
° la directive 82/176/CEE du Conseil, du 22 mars 1982, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets de mercure du secteur de l' électrolyse des chlorures alcalins,
° la directive 83/513/CEE du Conseil, du 26 septembre 1983, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets de cadmium,
° la directive 84/156/CEE du Conseil, du 8 mars 1984, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets de mercure des secteurs autres que celui de l' électrolyse des chlorures alcalins,
° la directive 84/491/CEE du Conseil, du 9 octobre 1984, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets d' hexachlorocyclohexane, et à
° la directive 86/280/CEE du Conseil, du 12 juin 1986, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets de certaines substances dangereuses relevant de la liste I de l' annexe de la directive 76/464/CEE,
et notamment à l' article 3 de chacune de ces directives, la République fédérale d' Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces directives.
2) La République fédérale d' Allemagne est condamnée aux dépens.