Avis juridique important
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61994J0133
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 2 mai 1996. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Evaluation des incidences de certains projets sur l'environnement - Directive 85/337/CEE du Conseil. - Affaire C-133/94.
Recueil de jurisprudence 1996 page I-02323
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
++++
1. Recours en manquement ° Examen du bien-fondé par la Cour ° Situation à prendre en considération ° Situation à l' expiration du délai fixé par l' avis motivé
(Traité CE, art. 169)
2. Environnement ° Évaluation des incidences de certains projets sur l' environnement ° Directive 85/337 ° Soumission à évaluation des projets appartenant aux classes énumérées à l' annexe II ° Pouvoir d' appréciation des États membres ° Portée et limites
(Directive du Conseil 85/337, art. 4, § 2)
3. États membres ° Obligations ° Manquement ° Manquement aux obligations spécifiques découlant d' une directive et manquement à l' obligation générale découlant de l' article 5 du traité
(Traité CE, art. 5 et 169)
Sommaire
1. Dans le cadre d' un recours au titre de l' article 169 du traité, l' existence d' un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l' État membre telle qu' elle se présentait au terme du délai fixé dans l' avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour.
2. L' article 4, paragraphe 2, de la directive 85/337, concernant l' évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l' environnement, prévoit que les projets appartenant aux classes énumérées à l' annexe II de la directive sont soumis à une évaluation lorsque les États membres considèrent que leurs caractéristiques l' exigent, et que les États membres peuvent, à cette fin, spécifier certains types de projets à soumettre à une évaluation ou fixer des critères et/ou des seuils à
retenir pour pouvoir déterminer lesquels, parmi les projets concernés, doivent faire l' objet d' une évaluation. Cette disposition doit être interprétée en ce sens qu' elle ne confère pas aux États membres le pouvoir d' exclure globalement et définitivement une ou plusieurs des classes visées de la possibilité d' une évaluation, car les critères et/ou les seuils mentionnés n' ont pas pour but de soustraire d' avance à l' obligation d' une évaluation certaines classes entières des projets énumérés à
l' annexe II, envisageables sur le territoire d' un État membre, mais uniquement de faciliter l' appréciation des caractéristiques concrètes que présente un projet en vue de déterminer s' il est soumis à ladite obligation.
3. Lorsqu' un État membre a manqué aux obligations spécifiques découlant d' une directive, il est sans intérêt d' examiner la question de savoir s' il a, de ce fait, également manqué à ses obligations découlant de l' article 5 du traité.
Parties
Dans l' affaire C-133/94,
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Rolf Waegenbaur, conseiller juridique principal, et Marc H. van der Woude, membre du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie requérante,
contre
Royaume de Belgique, représenté par M. Jan Devadder, directeur d' administration au ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade de Belgique, 4, rue des Girondins,
partie défenderesse,
soutenu par
République fédérale d' Allemagne, représentée par M. Ernst Roeder, Ministerialrat au ministère fédéral de l' Économie, en qualité d' agent, D-53107 Bonn,
partie intervenante,
ayant pour objet de faire constater que, en ne transposant pas complètement et correctement en droit belge la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l' évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l' environnement (JO L 175, p. 40), le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive et des articles 5 et 189 du traité CE,
LA COUR (sixième chambre),
composée de MM. C. N. Kakouris (rapporteur), président de chambre, G. Hirsch, G. F. Mancini, F. A. Schockweiler et P. J. G. Kapteyn, juges,
avocat général: M. P. Léger,
greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,
vu le rapport d' audience,
ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l' audience du 16 novembre 1995, au cours de laquelle le royaume de Belgique a été représenté par M. Jan Devadder, la République fédérale d' Allemagne par M. Ernst Roeder et la Commission par M. Wouter Wils, membre du service juridique,
ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 11 janvier 1996,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 6 mai 1994, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l' article 169 du traité CE, un recours visant à faire constater que, en ne transposant pas complètement et correctement en droit belge la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l' évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l' environnement (JO L 175, p. 40, ci-après la "directive"), le royaume de Belgique a manqué aux obligations
qui lui incombent en vertu de cette directive et des articles 5 et 189 du traité CE.
2 En vertu de l' article 12, paragraphe 1, de la directive, les États membres devaient prendre les mesures nécessaires pour se conformer à celle-ci dans un délai de trois ans à compter de sa notification. La directive ayant été notifiée le 3 juillet 1985, ce délai est venu à expiration le 3 juillet 1988.
3 Par lettre du 29 décembre 1989, la Commission a, conformément à l' article 169 du traité, informé le royaume de Belgique qu' elle estimait que la transposition de la directive était incomplète et inexacte et a demandé au gouvernement belge de lui faire connaître ses observations à cet égard.
4 Ce gouvernement a réagi à cette mise en demeure le 25 mai 1990 et a ensuite fait parvenir à la Commission, le 26 juillet 1991, un complément d' information.
5 Estimant que la réponse du gouvernement belge n' était pas satisfaisante, la Commission a, le 3 décembre 1991, émis un avis motivé, dans lequel elle maintenait ses griefs à l' encontre du royaume de Belgique et invitait ce dernier à y remédier dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
6 Par lettres des 9 décembre 1991, 3 février et 23 juillet 1992, le gouvernement belge a communiqué à la Commission certaines mesures et projets de mesures destinés à compléter la transposition de la directive en droit belge.
7 Considérant, toutefois, que la directive n' avait pas été complètement et correctement transposée, la Commission a introduit le présent recours.
8 Par ordonnance du président de la Cour du 25 novembre 1994, la République fédérale d' Allemagne a été admise à intervenir à l' appui des conclusions du royaume de Belgique.
9 Dans son recours, la Commission formule quatre griefs tirés respectivement de la transposition incorrecte, au niveau national, de l' article 2, paragraphe 1, et de l' article 4, paragraphe 1, de la directive, en combinaison avec l' annexe I, point 2, de la transposition incorrecte, par la Région flamande, de l' article 2, paragraphe 1, et de l' article 4, paragraphe 1, de la directive, en combinaison avec l' annexe I, point 6, de la transposition incorrecte, par la Région flamande, de l' article
4, paragraphe 2, de la directive en combinaison avec l' article 2, paragraphe 1, et, en dernier lieu, de la non-transposition, par la Région flamande et la Région de Bruxelles-Capitale, des articles 7 et 9 de la directive.
10 Dans sa requête, la Commission a également formulé un grief tiré de la transposition incorrecte de l' article 6, paragraphe 2, en combinaison avec l' article 9 de la directive. Toutefois, à la suite des précisions apportées à ce sujet par le gouvernement belge, la Commission a, dans son mémoire en réplique, abandonné ce grief.
Sur le grief tiré de la transposition incorrecte, au niveau national, de l' article 2, paragraphe 1, et de l' article 4, paragraphe 1, de la directive, en combinaison avec l' annexe I, point 2
11 L' article 2, paragraphe 1, de la directive dispose:
"Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l' octroi de l' autorisation, les projets susceptibles d' avoir des incidences notables sur l' environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences.
Ces projets sont définis à l' article 4."
12 L' article 4, paragraphe 1, énonce:
"Sous réserve de l' article 2, paragraphe 3, les projets appartenant aux classes énumérées à l' annexe I sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10."
13 Le point 2 de l' annexe I prévoit:
"2. Centrales thermiques et autres installations de combustion d' une puissance calorifique d' au moins 300 MW ainsi que les centrales nucléaires et autres réacteurs nucléaires (à l' exception des installations de recherche pour la production et la transformation des matières fissiles et fertiles, dont la puissance maximale ne dépasse pas 1 kW de durée permanente thermique)."
14 La Commission fait valoir que, selon l' article 4, paragraphe 1, lu en combinaison avec l' article 2, paragraphe 1, de la directive, les projets énumérés à l' annexe I doivent être soumis à une évaluation des incidences sur l' environnement. Les États membres ne pourraient donc instituer aucune limitation en la matière. Or, en Belgique, l' évaluation obligatoire des incidences sur l' environnement ne serait pas garantie pour les centrales et autres réacteurs nucléaires (à l' exception des
installations de recherche pour la production et la transformation des matières fissiles et fertiles dont la puissance constante ne dépasse pas 1 kW de durée permanente thermique) ainsi que pour les installations servant exclusivement à stocker en permanence ou à éliminer définitivement les déchets radioactifs.
15 Dans son mémoire en duplique, le gouvernement belge indique que la directive a été, sur ce point, transposée dans l' ordre juridique national à la suite des modifications que l' arrêté royal du 23 décembre 1993 (Moniteur belge du 2 février 1994, p. 2142) a apportées à l' arrêté royal du 28 février 1963, portant règlement général de la protection de la population et des travailleurs contre le danger des radiations ionisantes.
16 La Commission, sans contester la conformité à la directive de la transposition effectuée, maintient son grief. D' une part, la Belgique n' aurait pas transposé complètement et correctement la directive dans le délai imparti par l' avis motivé du 3 décembre 1991. D' autre part, à la date d' introduction de la requête, elle ignorait les mesures de transposition prises, dès lors qu' elle n' en a été officiellement informée que par lettre du 12 septembre 1994.
17 Il convient de relever à cet égard qu' il est de jurisprudence constante que l' existence d' un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l' État membre telle qu' elle se présentait au terme du délai fixé dans l' avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (arrêt du 27 novembre 1990, Commission/République hellénique, C-200/88, Rec. p. I-4299, point 13).
18 En l' espèce, les mesures de transposition alléguées ont été adoptées postérieurement à l' expiration du délai imparti par l' avis motivé.
19 Dès lors, ce grief doit être accueilli.
Sur le grief tiré de la transposition incorrecte, par la Région flamande, de l' article 2, paragraphe 1, et de l' article 4, paragraphe 1, de la directive, en combinaison avec l' annexe I, point 6
20 Parmi les projets qui sont soumis à une évaluation, l' annexe I à la directive mentionne, à son point 6, les "installations chimiques intégrées".
21 En Région flamande, la procédure d' évaluation des incidences sur l' environnement a été intégrée dans les procédures d' autorisation existantes, qui portent sur les établissements incommodants et sur ceux non incommodants.
22 S' agissant des établissements incommodants, les procédures d' autorisation ont été organisées par le décret du conseil flamand, du 28 juin 1985, relatif à l' autorisation antipollution (Moniteur belge du 17 septembre 1985, p. 13304).
23 En exécution de ce décret, l' exécutif flamand a adopté, le 23 mars 1989, l' arrêté 89-928 (Moniteur belge du 17 mai 1989, p. 8442). L' article 3, point 6, de cet arrêté définit les installations chimiques intégrées comme étant les installations "pour la transformation par des processus chimiques de:
a) hydrocarbures aliphatiques non saturés comptant moins de 5 atomes de carbone par molécule;
b) hydrocarbures cycliques non saturés y compris des aromates comptant moins de 9 atomes de carbone par molécule;
ayant une capacité de 100 000 tonnes par an ou plus".
24 Selon la Commission, l' exécutif flamand a donné une interprétation restrictive de la notion d' "installations chimiques intégrées". La fixation de critères quantitatifs ne garantirait pas que toutes les installations chimiques intégrées soient soumises à une évaluation des incidences sur l' environnement. Ainsi, seules les installations destinées au traitement des substances prévues sous a) et b) de la définition donnée par l' exécutif flamand et, parmi elles, seules celles dont la capacité
minimale de traitement est au moins égale à 100 000 tonnes seraient soumises à la procédure d' évaluation. Or, l' annexe I, point 6, de la directive ne comporterait aucune limitation quantitative.
25 Le gouvernement belge considère que la notion d' "installations chimiques intégrées" est vague, ce que la Commission aurait d' ailleurs elle-même reconnu, puisque, dans sa proposition relative à la modification de la directive (document COM(93) 575 final, JO 1994, C 130, p. 8), elle définirait de manière plus précise cette notion. Dans ces conditions, et pour des raisons tenant à la sécurité juridique, le gouvernement flamand ne pouvait pas faire autrement que de donner lui-même un contenu à
cette notion. Si les hydrocarbures saturés n' y sont pas mentionnés, cela résulterait du fait que, en raison de leur réactivité limitée, ils ne sont quasiment pas utilisés comme éléments en chimie de base. En outre, le critère de capacité, qui ne porterait pas sur la capacité de production exprimée en quantité de produit fini, mais sur la capacité de transformation exprimée en quantité d' éléments de base (petites molécules), ne comporterait pas davantage de limitation réelle du champ d' application
de la directive. Ainsi, la définition donnée couvrirait les installations chimiques les plus importantes situées sur le territoire de la Région flamande.
26 Il convient de constater à cet égard que l' annexe I, point 6, de la directive n' introduit aucune limitation quant aux installations chimiques intégrées soumises à évaluation. En revanche, lorsque le législateur communautaire a voulu limiter l' obligation d' évaluation, il l' a expressément prévu. Tel est notamment le cas des points 1, 2, 5, 7 et 8 de cette annexe.
27 Par ailleurs, l' élément déterminant de la notion d' "installations chimiques intégrées" réside précisément dans leur caractère intégré, les autres installations chimiques relevant de l' annexe II, point 6. Or, comme M. l' avocat général l' a relevé aux points 36 à 38 de ses conclusions, la réglementation flamande ne précise ni ne définit ce concept, le caractère intégré d' une installation chimique ne dépendant pas de sa capacité de traitement ni du type de matières chimiques qui y sont
transformées, mais de l' existence d' unités de production reliées entre elles et qui constituent dans leur fonctionnement une seule unité de production.
28 Il en résulte que ce grief doit également être accueilli.
Sur le grief tiré de la transposition incorrecte, par la Région flamande, de l' article 4, paragraphe 2, en combinaison avec l' article 2, paragraphe 1, de la directive
29 L' article 4, paragraphe 2, de la directive dispose:
"Les projets appartenant aux classes énumérées à l' annexe II sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10, lorsque les États membres considèrent que leurs caractéristiques l' exigent.
A cette fin, les États membres peuvent notamment spécifier certains types de projets à soumettre à une évaluation ou fixer des critères et/ou des seuils à retenir pour pouvoir déterminer lesquels, parmi les projets appartenant aux classes énumérées à l' annexe II, doivent faire l' objet d' une évaluation conformément aux articles 5 à 10."
30 En Région flamande, l' article 3 de l' arrêté 89-928, précité, contient la liste des établissements incommodants qui doivent être soumis à évaluation conformément au décret du conseil flamand, du 28 juin 1985, relatif à l' autorisation antipollution, précité.
31 S' agissant des établissements non incommodants, la loi organique de l' aménagement du territoire et de l' urbanisme, du 29 mars 1962 (Moniteur belge du 12 avril 1962, p. 3000), a mis en place une procédure d' octroi de permis de bâtir. En application de cette loi, l' exécutif flamand a notamment adopté l' arrêté 89-929, du 23 mars 1989 (Moniteur belge du 17 mai 1989, p. 8450), qui règle l' évaluation des incidences sur l' environnement des travaux et des actes qui relèvent du champ d'
application de la loi organique du 29 mars 1962. L' article 2 de cet arrêté mentionne la liste des projets qui doivent être soumis à une évaluation des incidences sur l' environnement.
32 La Commission fait valoir que l' article 4, paragraphe 2, lu à la lumière de l' article 2, paragraphe 1, de la directive, exige que les États membres effectuent concrètement et au cas par cas une étude des caractéristiques pour chaque projet énuméré à l' annexe II. Cette étude permettrait ensuite de décider si, en raison de la nature, des dimensions ou de la localisation du projet considéré, une évaluation des incidences sur l' environnement est nécessaire. L' article 4, paragraphe 2, second
alinéa, de la directive permettrait aux États membres de faciliter cette étude en fixant des critères et/ou des seuils. En revanche, il ne leur permettrait pas de fixer des critères et/ou des seuils pour soustraire d' avance à cette étude certains projets énumérés à l' annexe II.
33 Or, la réglementation en vigueur dans la Région flamande ne satisferait pas à cette exigence. Les listes contenues dans l' article 3 de l' arrêté 89-928 et dans l' article 2 de l' arrêté 89-929 ne couvriraient pas tous les projets mentionnés à l' annexe II. Les projets exclus ne feraient donc jamais l' objet d' une étude visant à déterminer si leurs caractéristiques requièrent une évaluation des incidences sur l' environnement.
34 Le gouvernement belge fait valoir que, en adoptant les arrêtés incriminés, le gouvernement flamand a estimé que, eu égard à la situation de l' environnement en Flandre, seulement certaines catégories des projets cités dans l' annexe II, qui satisfont aux seuils et aux autres critères qu' il a déterminés, devraient, en raison de leur nature, être soumis à une évaluation. Il aurait donc implicitement considéré que les caractéristiques de tous les autres projets visés à l' annexe II sont telles qu'
il n' est pas nécessaire de les soumettre à évaluation.
35 Selon le gouvernement belge, soutenu par le gouvernement allemand, il ne ressort d' aucune disposition de la directive que les États membres peuvent apprécier seulement in concreto que les caractéristiques de projets individuels rendent superflue une évaluation des incidences sur l' environnement. Les États membres pourraient également estimer en général que les caractéristiques de projets déterminés énumérés à l' annexe II rendent superflue une évaluation. Les deux gouvernements se réfèrent à
cet égard au libellé de l' article 4, paragraphe 2.
36 Le gouvernement allemand soutient en particulier que le libellé de cette dernière disposition plaide en faveur d' une détermination abstraite des projets à évaluer, parce que, dans le cas contraire, ce ne seraient pas les États membres, mais les autorités compétentes dans chaque cas d' espèce qui devraient apprécier si un projet doit être soumis à une évaluation. En outre, la distinction entre "classes" et "projets", faite aux huitième et neuvième considérants et à l' article 4, paragraphe 2, de
la directive, montrerait que le choix des projets dont les incidences sur l' environnement doivent être évaluées peut être effectué de manière abstraite.
37 Aussi le gouvernement allemand estime que le fait qu' une exemption de l' obligation d' évaluation est, conformément à l' article 2, paragraphe 3, de la directive, seulement possible pour les projets relevant de l' article 4, paragraphe 1, de la directive plaiderait à l' encontre de la nécessité d' un examen détaillé des projets mentionnés à l' annexe II.
38 Le gouvernement belge ajoute que, selon le rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la mise en oeuvre de la directive (document COM(93) 28, Vol. 1, 2 avril 1993), la majorité des États membres ont interprété l' article 4, paragraphe 2, de la même manière que le gouvernement flamand.
39 Enfin, les gouvernements belge et allemand invoquent, à l' appui de leur thèse, la proposition de modification de la directive, faite par la Commission au Conseil (document COM(93) 575 final, précité). En particulier, la Commission proposerait l' adoption d' un nouvel article 4, paragraphe 3, qui, combiné avec une nouvelle annexe II bis, imposera aux États membres de vérifier au cas par cas la nécessité d' une évaluation. Or, cette proposition serait superflue, si l' obligation en résultant
faisait déjà partie du droit en vigueur.
40 Il y a lieu de clarifier d' abord que, ainsi qu' il a été précisé aux points 33 et 34 du présent arrêt, la réglementation flamande exclut de l' évaluation de leurs incidences sur l' environnement certaines des classes de projets visées dans l' annexe II, et ce de manière totale et définitive. La question qui se pose donc est celle de savoir si une telle exclusion est permise par l' article 4, paragraphe 2, de la directive.
41 Or, s' il résulte de cette disposition que les États membres peuvent toujours spécifier certains "types" de projets à soumettre à une évaluation ou fixer des critères et/ou des seuils pour pouvoir déterminer lesquels des projets doivent faire l' objet d' une évaluation, il y a lieu de souligner que cette faculté des États membres est reconnue à l' intérieur de chacune des classes énumérées à l' annexe II. En effet, le législateur communautaire a lui-même considéré que toutes les classes de
projets énumérées à l' annexe II peuvent éventuellement, selon les caractéristiques que les projets présentent au moment de leur élaboration, avoir des incidences notables sur l' environnement.
42 Il s' ensuit que les critères et/ou les seuils mentionnés dans cet article 4, paragraphe 2, ont pour but de faciliter l' appréciation des caractéristiques concrètes que présente un projet en vue de déterminer s' il est soumis à l' obligation d' une évaluation et non de soustraire d' avance à cette obligation certaines classes entières des projets énumérés à l' annexe II, envisageables sur le territoire d' un État membre.
43 Par conséquent, l' article 4, paragraphe 2, ne confère pas aux États membres le pouvoir d' exclure globalement et définitivement une ou plusieurs classes visées à l' annexe II de la possibilité d' une évaluation.
44 Au vu de cette constatation, les arguments ci-dessus avancés par les gouvernements belge et allemand, selon lesquels l' article 4, paragraphe 2, n' exclut pas la possibilité d' un État membre de déterminer de manière abstraite, au moyen de critères et/ou de seuils, les projets à soumettre à une évaluation, et ainsi n' impose pas une décision pour chaque projet concret, indépendamment de la question de savoir s' ils se fondent sur une interprétation exacte de l' article 4, paragraphe 2, sont sans
pertinence pour la présente affaire.
45 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la réglementation flamande incriminée ne transpose pas correctement l' article 2, paragraphe 1, et l' article 4, paragraphe 2, de la directive, dès lors qu' elle exclut implicitement d' avance toutes les classes de projets de l' annexe II qui ne sont pas reprises dans cette réglementation de la possibilité d' une évaluation, même s' il s' avérait que les caractéristiques des projets appartenant à ces classes exigent une telle évaluation.
46 Il s' ensuit que ce grief doit être accueilli.
Sur le grief tiré de la non-transposition, par la Région flamande et la Région de Bruxelles-Capitale, des articles 7 et 9 de la directive
47 L' article 7 de la directive dispose:
"Lorsqu' un État membre constate qu' un projet est susceptible d' avoir des incidences notables sur l' environnement d' un autre État membre, ou lorsqu' un État membre susceptible d' être affecté notablement le demande, l' État membre sur le territoire duquel il est proposé d' exécuter le projet transmet à l' autre État membre les informations recueillies en vertu de l' article 5 en même temps qu' il les met à la disposition de ses propres ressortissants".
48 L' article 9 prévoit la mise à la disposition du public concerné de la teneur de la décision finale. Le dernier alinéa de cet article énonce:
"Si un autre État membre a été informé conformément à l' article 7, il est également informé de la décision en question."
49 La Commission fait valoir que la Région flamande et la Région de Bruxelles-Capitale n' ont pas transposé les articles 7 et 9 de la directive.
50 Le gouvernement belge admet le grief formulé par la Commission en ce qui concerne la Région flamande. Il fait cependant état de l' existence d' un avant-projet de décret dont l' adoption mettra fin au manquement reproché à cet égard.
51 En revanche, s' agissant de la Région de Bruxelles-Capitale, le gouvernement belge estime que les articles 7 et 9 ne doivent pas être transposés, car la situation géographique et le caractère urbain de cette région excluent l' établissement d' installations industrielles susceptibles de produire des effets sur l' environnement qui auraient des conséquences dans d' autres États membres.
52 Cette thèse doit être rejetée.
53 En effet, l' argument tiré de la situation géographique de la Région de Bruxelles-Capitale repose sur l' hypothèse que seuls les projets localisés dans les régions frontalières peuvent affecter l' environnement d' un autre État membre. Or, ainsi que la Commission l' a observé à juste titre, une telle hypothèse est erronée, parce qu' elle ignore la possibilité d' une pollution à travers l' air ou l' eau.
54 Quant à l' argument tiré du caractère urbain de la Région de Bruxelles-Capitale, la Commission a indiqué lors de l' audience, sans être contredite par le gouvernement belge, qu' il existe dans cette région d' importantes installations chimiques et pétrochimiques.
55 Dans ces conditions, le grief de la Commission doit être accueilli.
56 Étant donné que le royaume de Belgique a manqué à ses obligations spécifiques découlant de la directive, il est sans intérêt d' examiner la question de savoir s' il a, de ce fait, également manqué à ses obligations résultant de l' article 5 du traité (voir arrêt du 19 février 1991, Commission/Belgique, C-374/89, Rec. p. I-367, point 13).
57 Au vu de ce qui précède, il convient de constater que, en ne transposant pas complètement et correctement en droit belge la directive 85/337, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive et de l' article 189 du traité CE.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
58 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Le royaume de Belgique ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens. En application du paragraphe 4, premier alinéa, de ce même article, la République fédérale d' Allemagne, qui est intervenue au litige, supportera ses propres dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre)
déclare et arrête:
1) En ne transposant pas complètement et correctement en droit belge la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l' évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l' environnement, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive et de l' article 189 du traité CE.
2) Le royaume de Belgique est condamné aux dépens.
3) La République fédérale d' Allemagne supportera ses propres dépens.