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12/03/1996 | CJUE | N°C-84/94

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 12 mars 1996., Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord contre Conseil de l'Union européenne., 12/03/1996, C-84/94


Avis juridique important

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61994C0084

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 12 mars 1996. - Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord contre Conseil de l'Union européenne. - Directive 93/104/CE du Conseil concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail - Recours en annulatio

n. - Affaire C-84/94.
Recueil de jurisprudence 1996 page I-05755

Con...

Avis juridique important

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61994C0084

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 12 mars 1996. - Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord contre Conseil de l'Union européenne. - Directive 93/104/CE du Conseil concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail - Recours en annulation. - Affaire C-84/94.
Recueil de jurisprudence 1996 page I-05755

Conclusions de l'avocat général

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1 Par le présent recours, le Royaume-Uni poursuit, au titre de l'article 173 du traité CE, l'annulation dans sa totalité de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (1) (ci-après la «directive»), et, subsidiairement, l'annulation de certaines de ses dispositions: article 4, article 5, premier et deuxième alinéas, article 6, paragraphe 2, et article 7.

2 La directive attaquée a été adoptée sur la base de l'article 118 A du traité CE, qui suppose un vote à la majorité qualifiée. Lors de ce vote, le Royaume-Uni s'est abstenu.

3 Cette affaire nous conduira à nous prononcer sur la question sensible, dans le contexte de l'Europe sociale, de la délimitation du champ d'application de l'article 118 A par rapport à d'autres bases juridiques qui, pour leur part, exigent l'unanimité. Nous aurons également à nous pencher, à travers l'étude de la directive attaquée, sur le concept d'aménagement du temps de travail, qui fait l'objet de réflexions soutenues tant au niveau national que communautaire.

L'article 118 A

4 L'article 118 A est ainsi rédigé:

«1. Les États membres s'attachent à promouvoir l'amélioration, notamment du milieu de travail, pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs et se fixent pour objectif l'harmonisation, dans le progrès, des conditions existant dans ce domaine.

2. Pour contribuer à la réalisation de l'objectif prévu au paragraphe 1, le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l'article 189 C et après consultation du Comité économique et social, arrête par voie de directive les prescriptions minimales applicables progressivement, compte tenu des conditions et des réglementations techniques existant dans chacun des États membres.

Ces directives évitent d'imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu'elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises.

3. Les dispositions arrêtées en vertu du présent article ne font pas obstacle au maintien et à l'établissement, par chaque État membre, de mesures de protection renforcée des conditions de travail compatibles avec le présent traité» (2).

Présentation de la directive 93/104

5 Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, la directive a pour objet de fixer «des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail».

6 Le champ d'application couvert par la directive est double et s'étend:

- d'une part, aux périodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire et de congé annuel, ainsi qu'au temps de pause et à la durée maximale hebdomadaire de travail [paragraphe 2, sous a), de l'article 1er], et

- d'autre part, à certains aspects du travail de nuit, du travail posté et du rythme de travail [paragraphe 2, sous b), de l'article 1er].

7 Sont concernés tous les secteurs d'activités, privés ou publics, au sens de l'article 2 de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (3), à l'exception des transports aériens, ferroviaires, routiers, maritimes, fluviaux et lacustres, de la pêche maritime, d'autres activités en mer, ainsi que des activités des médecins en formation (article 1er, paragraphe
3).

8 La section II, consacrée aux périodes minimales de repos et à d'autres aspects de l'aménagement du temps de travail, impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie de périodes minimales de repos:

- repos journalier de onze heures consécutives, au cours de chaque période de vingt-quatre heures (article 3);

- temps de pause, au cas où le temps de travail journalier excède six heures, dont les modalités sont fixées au niveau national (article 4);

- repos hebdomadaire de vingt-quatre heures sans interruption au cours de chaque période de sept jours, auxquelles s'ajoutent les onze heures de repos journalier prévues à l'article 3 (article 5, premier alinéa), qui comprend, en principe, le dimanche (article 5, deuxième alinéa);

- congé annuel payé de quatre semaines (article 7, paragraphe 1).

9 Par ailleurs, la durée hebdomadaire de travail est fixée, «en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs», au niveau national (article 6, point 1), sans que la durée moyenne de travail ne puisse excéder, pour chaque période de sept jours, quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires (article 6, point 2).

10 La section III traite plus spécifiquement du travail de nuit, du travail posté et du rythme de travail, pour lesquels les États membres sont invités à prendre les mesures nécessaires afin d'assurer l'application des prescriptions minimales prévues.

11 La durée normale du travail de nuit ne doit pas dépasser huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures (article 8, point 1), cette durée devenant maximale dans le cas de travail comportant des risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales importantes, tels que définis au niveau national (article 8, point 2).

12 Les travailleurs de nuit doivent bénéficier d'une évaluation gratuite de leur santé, préalablement à leur affectation, et à intervalles réguliers par la suite [paragraphe 1, sous a), de l'article 9]; ils doivent pouvoir être transférés à un travail de jour s'ils souffrent de problèmes de santé liés au travail de nuit [paragraphe 1, sous b), de l'article 9].

13 Les États membres peuvent subordonner le travail de certaines catégories de travailleurs de nuit à certaines garanties, pour des travailleurs qui courent un risque de sécurité ou de santé lié au travail durant une période nocturne (article 10). Ils doivent en tout état de cause s'assurer que les travailleurs de nuit et les travailleurs postés bénéficient d'un niveau de protection en matière de sécurité et de santé adapté à la nature de leur travail (article 12).

14 L'employeur qui a régulièrement recours à des travailleurs de nuit doit en informer les autorités compétentes à leur demande (article 11). Lorsqu'il envisage d'organiser le travail selon un certain rythme, il doit en tout état de cause tenir compte du principe général de l'adaptation du travail à l'homme, notamment en vue d'atténuer le travail monotone et le travail cadencé (article 13).

15 Enfin, la section IV de la directive, au titre des dispositions diverses, exclut de son champ d'application les occupations ou activités professionnelles couvertes par des dispositions communautaires plus spécifiques (article 14); précise que la directive ne fait pas obstacle à la faculté qu'ont les États membres d'introduire des dispositions plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs (article 15); laisse aux États membres la possibilité de prévoir des périodes
de référence pour l'application des articles 5, 6 et 8 (article 16); autorise certaines dérogations à l'application des articles 3, 4, 5, 6, 8 et 16 (article 17), et prévoit notamment, au titre des dispositions finales, les délais de transposition en droit national (article 18).

Les conclusions des parties

16 A l'appui de son recours, le Royaume-Uni invoque différents moyens, tirés du défaut de compétence et de l'absence de base légale, de la violation du principe de proportionnalité, d'un détournement de pouvoir et d'une violation des formes substantielles. Il demande en outre la condamnation du Conseil aux dépens.

17 Les gouvernements belge et espagnol, ainsi que la Commission, sont intervenus au soutien des conclusions du Conseil, tendant au rejet du recours comme non fondé et à la condamnation du requérant à supporter les dépens.

18 Nous examinerons tour à tour chacun des moyens invoqués.

Premier moyen d'annulation: incompétence; base légale défectueuse

19 Le Royaume-Uni soutient que l'article 118 A ne constitue pas la base juridique appropriée pour l'adoption de la directive sur l'aménagement du temps de travail. Celle-ci aurait supposé le recours à l'article 100 du traité CE, voire à l'article 235, qui exigent l'unanimité au sein du Conseil. Il fait valoir que le choix de l'article 118 A a été délibéré, afin d'échapper à l'exigence d'unanimité, qui n'aurait pu être atteinte au sein du Conseil. Cette conclusion est fondée sur l'analyse successive
de l'article 118 A et de la directive attaquée.

L'article 118 A serait une base juridique d'interprétation stricte

20 Le requérant estime que l'article 118 A, paragraphe 2, ne permet d'arrêter que des directives présentant un lien objectif et authentique entre la sécurité et la santé, d'une part, et la situation à réglementer, d'autre part. Par ailleurs, les dispositions de l'article 118 A, lues dans le contexte du principe de subsidiarité, tel que formulé à l'article 3 B, premier alinéa, du traité CE, feraient obstacle à ce qu'il serve de fondement à des prescriptions autres que minimales (4).

21 L'étude des directives antérieures adoptées sur le fondement de l'article 118 A permettrait de cerner l'étendue des pouvoirs conférés au Conseil au titre de cette disposition. Il se serait toujours agi de réglementer concrètement des situations particulières concernant des groupes spécifiques et identifiables de travailleurs déterminés. L'article 118 A ne permettrait pas l'adoption de mesures de caractère général, abstrait et non scientifique. Lorsque des mesures répondant à des objectifs plus
vastes et plus généraux doivent être adoptées, elles devraient l'être au titre de l'article 100, voire de l'article 235, qui requièrent l'unanimité (5).

22 En définitive, il résulterait de l'article 100 A, paragraphe 2, que les droits et intérêts des travailleurs doivent faire l'objet de décisions adoptées à l'unanimité, et que, par rapport à cette règle générale, l'article 118 A constituerait une exception, d'interprétation stricte, exigeant la preuve d'un lien spécifique des mesures envisagées avec des considérations de sécurité et de santé (6).

La directive attaquée ne présenterait pas les liens requis par une telle interprétation avec l'article 118 A

23 La directive ne constituerait pas une mesure ayant pour objectif essentiel et pour effet probable de mettre en place des conditions minimales relatives à la sécurité et à la santé.

24 L'étude de la genèse de la directive attaquée révélerait que, en cours d'élaboration, le champ d'application et la portée de la directive ont été radicalement étendus, et le lien avec les aspects relatifs à la sécurité et à la santé serait devenu illusoire.

25 En effet, aucune donnée scientifique ne serait de nature à justifier le lien requis entre la sécurité et la santé, d'une part, et bon nombre d'aspects relatifs au temps de travail abordés dans la directive, édictés de façon générale, tels que notamment la durée moyenne de travail hebdomadaire, les congés payés annuels et le temps de repos, d'autre part.

26 En réalité, l'analyse du contenu de la directive révélerait que l'objectif réel qu'elle poursuit est tout autre que celui portant sur des aspects relatifs à la sécurité et à la santé. Cet objectif serait double: l'aménagement du temps de travail aurait été envisagé, d'une part, dans l'intérêt de la création d'emplois et de la réduction du chômage et, d'autre part, dans le cadre de la politique sociale communautaire (7).

27 Ce premier moyen d'annulation soulève en substance la question de savoir si l'article 118 A, tel qu'il sera interprété, peut servir de base juridique à la directive sur l'aménagement du temps de travail. Nous décomposerons notre analyse sur ce point en deux temps, comme le Royaume-Uni l'a fait dans son recours.

I - Analyse de l'article 118 A

A - Introduction

28 Rappelons tout d'abord que, avant l'adoption de l'Acte unique européen, il n'existait pas de disposition spécifique en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs (8). Une législation communautaire assez fournie, de nature plutôt technique, a néanmoins été adoptée dans ce domaine, sur le fondement d'articles «multifonctionnels», tel, le plus souvent, l'article 100, relatif au rapprochement des législations (9). Mais ce texte est doublement limité dans son utilisation: il
suppose la démonstration de l'«incidence directe sur l'établissement ou le fonctionnement du marché commun» d'une proposition de directive, ainsi que l'unanimité des États membres.

29 Avec l'adoption de l'Acte unique, sont multipliées les bases juridiques utilisables afin de créer des normes supranationales touchant au travail.

30 L'article 100 A prévoit notamment, par dérogation à l'article 100, et «sauf si le présent traité en dispose autrement», l'adoption par un vote à la majorité qualifiée de «mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur».

31 L'article 118 A, incorporé dans le titre III du traité CEE, consacré à «la politique sociale» (10), confère à la Communauté une compétence en matière de sécurité et de santé des travailleurs, sur la base d'un vote à la majorité qualifiée.

32 Relevons à titre liminaire que c'est l'une des premières fois à notre connaissance que vous êtes invités à vous pencher sur ce texte.

Dans l'avis 2/91, rendu le 19 mars 1993, portant sur la convention n_ 170 de l'Organisation internationale du travail concernant la sécurité dans l'utilisation des produits chimiques au travail, vous avez relevé que «Pour contribuer à la réalisation de cet objectif d'harmonisation [visé au paragraphe 1 de l'article 118 A], le Conseil dispose du pouvoir d'arrêter des prescriptions minimales par voie de directives», avant d'en déduire que «La Communauté dispose ainsi d'une compétence normative interne
dans le domaine social», pour en conclure que la convention n_ 170 relève du domaine de la compétence de la Communauté (11).

Dans l'affaire préjudicielle ASTI (12), la référence à l'article 118 A opérée par la juridiction de renvoi ne s'étant pas avérée pertinente, vous n'avez pas eu à vous prononcer sur ce point.

Enfin, dans l'arrêt du 30 novembre 1993, Kirsammer-Hack (13), vous avez simplement relevé: «[...] en prévoyant que les directives adoptées en matière de santé et de sécurité des travailleurs évitent d'imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu'elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises, l'article 118 A, qui a été introduit par l'Acte unique dans le chapitre consacré aux dispositions sociales au sein du traité CEE,
indique que ces entreprises peuvent faire l'objet de mesures économiques particulières» (14).

33 Jusqu'à présent, vous n'avez donc eu à connaître de cette disposition que de manière incidente. C'est dire l'importance du présent recours.

34 Tant le Royaume-Uni que le Conseil et les États intervenants le reconnaissent: l'interprétation de l'article 118 A, tendant à dégager sa finalité et son champ d'application, n'est pas des plus aisée. C'est que «Les divergences d'appréciation qui sont apparues lors de la rédaction de l'article en ont fait un texte de compromis, par excellence d'interprétation délicate» (15).

35 Les difficultés tiennent à la fois à l'existence d'un paragraphe 2 à l'article 100 A, qui exige l'unanimité pour l'adoption de directives relatives «aux droits et intérêts des travailleurs», au maintien des articles 117, 118 et 100 du traité et à la rédaction elle-même particulièrement alambiquée de l'article 118 A, témoin des difficultés de son adoption. Les enjeux sont à la mesure des débats suscités: il s'agit, d'une part, de fixer les limites de l'action communautaire, et partant, des
compétences des États membres en matière de réglementation du travail et, d'autre part, de s'accorder sur une portée plus ou moins large du champ d'application de cette disposition: plus celui-ci est étendu, moins il est nécessaire de recourir aux décisions à l'unanimité.

B - Les interprétations en présence - Pour une interprétation large

36 Selon une première interprétation, défendue par le Royaume-Uni, il conviendrait de lire l'article 118 A en combinaison avec l'article 100 A, paragraphe 2, du traité. Le principe serait fixé par cette dernière disposition: les «droits et intérêts des travailleurs» sont des matières soumises à la règle de l'unanimité. L'article 118 A, autorisant, dans les matières concernant la santé et la sécurité sur le lieu de travail, le vote à la majorité qualifiée, constituerait une exception à cette règle
générale (16). Dès lors, afin de conserver une cohérence entre ces deux dispositions, il conviendrait de considérer que l'article 118 A ne concerne que la sécurité et la santé des travailleurs sur le lieu de travail, entendues dans un sens strict.

37 Cette analyse pourrait paraître séduisante. Elle n'emporte cependant pas notre conviction.

38 Elle part en effet de la prémisse, erronée, de l'interprétation extensive d'une exception érigée au rang de principe. L'article 100 A, paragraphe 2, n'est lui-même qu'une dérogation à l'article 100 A, paragraphe 1, lequel prévoit l'adoption, par un vote à la majorité qualifiée, de mesures relatives au rapprochement des législations nécessaires pour la réalisation et le fonctionnement du marché intérieur au sens de l'article 7 A. L'article 100 A ne s'applique en fait également que «par dérogation
à l'article 100 et sauf si le présent traité en dispose autrement». L'article 100 A, paragraphe 2, ne fait par ailleurs référence qu'aux seuls travailleurs «salariés», alors que l'article 118 A vise plus largement tous les «travailleurs» au sens du droit communautaire (17). Du reste, le rapprochement de ces deux dispositions nous semble artificiel, dans la mesure où elles sont relatives à des domaines d'intervention communautaire différents: l'une se rapporte au «rapprochement des législations»,
alors que l'autre s'insère dans les «dispositions sociales» du traité.

39 Mais surtout, l'analyse détaillée des notions «clés» auxquelles fait référence l'article 118 A plaide très nettement, nous semble-t-il, comme le relève le Conseil (18), en faveur d'une interprétation extensive. Cette disposition prévoit les éléments de l'action à mener par la Communauté (paragraphe 2) en vue de contribuer à la réalisation de l'objectif assigné aux États membres (paragraphe 1): «amélioration»; «pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs»; «notamment du milieu de
travail»; «prescriptions minimales applicables progressivement»; «compte tenu des conditions et des réglementations techniques existant dans chacun des États membres».

40 La notion de «milieu de travail», tout d'abord, revêt une certaine importance pour l'interprétation de l'article 118 A.

41 On ne peut certes envisager ce dernier de telle sorte qu'il recouvre des domaines entièrement étrangers à ceux expressément visés. Cependant, l'insertion de l'expression «notamment» semble refléter la volonté de légiférer de façon non limitative.

42 Une confirmation de l'interprétation extensive de cette notion peut être trouvée dans l'origine de l'article 118 A. Il s'est agi d'une proposition du royaume de Danemark à la conférence intergouvernementale sur l'Acte unique. Or, la notion de «milieu de travail» («arbejdsmiljoe») en droit danois est comprise très largement, recouvrant tant l'exécution du travail, les conditions sur le lieu de travail, que l'équipement technique et les substances et matériaux utilisés (19). Ainsi la réglementation
danoise n'est-elle pas limitée à des mesures classiques relatives à la santé et à la sécurité du travail stricto sensu, mais comprend-elle également certaines mesures concernant les heures de travail, les facteurs psychologiques, le déroulement du travail, la formation à l'hygiène et à la sécurité, la protection des jeunes au travail et celle des représentants des travailleurs pour ce qui concerne la sécurité contre le licenciement ou toute autre atteinte à leurs conditions de travail. Le «milieu de
travail» n'est pas conçu comme une entité fixe, il reflète l'évolution sociale et technique de la société.

43 Il nous semble que cette conception doit guider l'interprétation de l'article 118 A. Le Royaume-Uni fait valoir à cet égard que l'interprétation du droit communautaire ne saurait dépendre de concepts de droit interne. Relevons simplement qu'il ne s'agit nullement d'établir une dépendance du droit communautaire aux droits nationaux, mais simplement de s'attacher aux origines d'une disposition du droit communautaire pour en comprendre la portée qu'ont entendu lui donner les rédacteurs du traité.
C'est pourquoi, comme dans la conception danoise, le «milieu de travail», au sens de l'article 118 A, doit être compris largement comme incluant tout facteur affectant le travailleur dans son travail (20), et notamment toute mesure bénéfique pour la santé et la sécurité des travailleurs, dans l'acception qui sera donnée ci-après de cette dernière notion (21).

44 En définitive, dans la définition que nous en proposons, la notion de «milieu de travail» ne trouve de limite que dans le terme travailleurs qu'elle sous-tend. Est ainsi exclue la possibilité de fonder sur l'article 118 A une mesure ayant comme objet la sécurité ou la santé de la population en général, éventuellement en visant un risque qui ne serait pas spécifique aux travailleurs (22).

45 Les notions de «sécurité et de santé» nous apparaissent à leur tour devoir être interprétées largement, compte tenu de cette acception du milieu de travail.

46 Tous les intervenants dans cette affaire sont d'accord pour considérer que l'article 118 A ne peut servir de base juridique qu'à des mesures visant à protéger la sécurité et la santé des travailleurs. Deux théories cependant s'opposent là encore sur la compréhension qu'il faut avoir de ces termes. Celle proposée par le Royaume-Uni est restrictive, alors que le Conseil propose de comprendre ces notions dans un sens évolutif et dynamique.

47 Seule cette dernière lecture nous semble devoir être retenue.

48 D'une part, nous l'avons vu, l'origine de l'article 118 A plaide en défaveur d'une compréhension stricto sensu des termes «santé et sécurité». On est loin d'une conception qui ne concernerait que la protection du travailleur face à l'influence des seuls facteurs physiques ou chimiques. D'autre part, une conception restrictive nous semblerait aller à contre-courant de l'évolution de nos sociétés. Le Conseil et les États intervenants rappellent à cet égard fort à propos le principe adopté par
l'Organisation mondiale de la santé - à laquelle sont parties, notons-le au passage, tous les États membres de l'Union européenne - selon lequel «la santé est un état complet de bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladies ou d'infirmité» (23).

49 Au surplus, relevons que rien dans le texte de l'article 118 A ne plaide en faveur d'une exclusion d'un quelconque élément du bien-être ou de la sécurité, au sens large, des travailleurs et que, à l'inverse, le texte fait expressément référence à l'«amélioration» et au «progrès».

50 En tout état de cause, une telle interprétation extensive de la notion de santé notamment, conforme à celle préconisée par l'Organisation mondiale de la santé, a déjà été retenue par les institutions communautaires pour l'adoption de directives sur la base de l'article 118 A. Par exemple, dans la directive 92/85/CEE, dite «femmes enceintes» (24), le maintien d'un revenu pendant le congé de maternité (par voie de salaire ou de prestation «adéquate») est considéré comme indissociable de la santé de
la femme enceinte.

51 Enfin le Royaume-Uni voit-il dans la possibilité laissée au Conseil, aux termes du paragraphe 2 de l'article 118 A, d'arrêter des «prescriptions minimales applicables progressivement, compte tenu des conditions et des réglementations techniques existant dans chacun des États membres», une limitation à son action.

52 Le Conseil estime à l'inverse que le minimum ne doit pas être fixé au niveau le plus bas possible, ou à celui de l'État membre ayant le niveau le plus bas. La clause concernant les prescriptions minimales viserait, selon lui, à garantir que les États dont les niveaux de protection sont plus élevés ne puissent pas se sentir obligés de les abaisser à la suite de l'action communautaire, et non à confiner la Communauté dans un carcan l'obligeant à retenir le niveau le plus bas qui soit.

53 Là encore, seule la conception défendue par le Conseil et les États intervenants nous semble pertinente.

54 L'idée selon laquelle l'action de la Communauté ne pourrait s'exercer que sur la base du plus petit dénominateur commun, ou sur celle du plus bas possible, serait en complète contradiction avec la conception même du droit communautaire. L'action communautaire n'a jamais tendu à un nivellement par le bas. Au contraire, l'article 2 du traité, par exemple, qui énonce la mission assignée à la Communauté, fait référence à un «développement harmonieux», à un «haut degré de convergence», à un «niveau
d'emploi et de protection sociale élevé», au «relèvement du niveau et de la qualité de vie». Il est donc clair que la notion de «prescriptions minimales» n'est pas synonyme de «prescriptions basses». Cette interprétation serait du reste difficilement conciliable avec l'objectif d'harmonisation «dans le progrès» énoncé au paragraphe 1 de l'article 118 A.

55 Le paragraphe 2 doit être lu à la lumière du paragraphe 3, qui laisse toute latitude aux États membres pour maintenir ou établir des «mesures de protection renforcée des conditions de travail» compatibles avec le traité.

56 En considération du paragraphe 3, les «prescriptions minimales», que le Conseil est autorisé à arrêter par voie de directives, sont donc simplement «les minima obligatoires, au-dessus desquels les États membres restent libres de légiférer pour une protection accrue de la santé et de la sécurité des travailleurs» (25).

57 Rien n'empêche ainsi que les «prescriptions minimales» soient fixées à un niveau élevé de protection.

58 Deux limitations sont prévues cependant.

D'une part, elles doivent être applicables «progressivement, compte tenu des conditions et des réglementations techniques existant dans chacun des États membres». Il s'agit là du reflet d'une préoccupation des délégations des États membres du sud lors de la discussion de l'Acte unique. L'harmonisation doit être progressive, en ce sens qu'elle ne doit porter sur des règles plus exigeantes qu'au fur et à mesure que les conditions le permettent dans les différents États membres.

D'autre part, les «prescriptions minimales» arrêtées par voie de directive doivent éviter «d'imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu'elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises». Cependant, cette dernière limitation est toute relative, puisque sa formulation même («évitent d'imposer») n'indique pas une interdiction absolue d'imposer des contraintes qui contrarieraient la création et le développement de petites et
moyennes entreprises. Vous considérez d'ailleurs qu'il ne s'agit là que d'«[...] indique[r] que ces entreprises peuvent faire l'objet de mesures économiques particulières» (26).

59 L'analyse des notions visées par l'article 118 A nous conduit ainsi à comprendre cette disposition dans un sens large.

60 Notons au surplus que d'autres éléments viennent renforcer notre conviction.

61 La place de l'article 118 A dans le traité ne doit pas être négligée. Il suit deux articles (117 et 118) portant sur les dispositions sociales, qui traitent d'autres thèmes, et posent un principe général de progrès social. Il doit donc se comprendre comme un complément à ces dispositions qui visent un champ d'application bien plus large (27).

62 Le renforcement du rôle du Parlement dans le processus législatif est une des volontés affichées des rédacteurs de l'Acte unique. Or, celui-ci trouve à s'appliquer dans les domaines relevant de la majorité qualifiée. L'interprétation large de l'article 118 A est seule à même d'assurer un contrôle efficace du Parlement en matière de politique sociale, qui constitue l'un de ses domaines privilégiés d'intervention.

C - Sur l'étendue des pouvoirs conférés au Conseil au titre de l'article 118 A

63 Le Royaume-Uni fait valoir que, pour cerner l'étendue des pouvoirs conférés au Conseil au titre de l'article 118 A, il est utile de se référer aux précédents textes adoptés sur cette base. La pratique antérieure révélerait que l'article 118 A aurait été compris comme ne permettant que l'adoption de mesures couvrant des situations spécifiques exigeant une protection particulière des travailleurs. En revanche, pour des mesures répondant à des objectifs plus vastes et plus généraux, la base
juridique appropriée serait l'article 100.

64 Relevons tout d'abord, à cet égard, que rien dans le texte de l'article 118 A ne nous semble venir au soutien de la thèse défendue par le Royaume-Uni. Il y est fait référence aux «travailleurs» en général, et non à certains groupes particuliers de travailleurs. L'objectif visé doit être atteint par l'harmonisation des «conditions», en général là encore, existant dans le domaine «notamment» du milieu de travail.

65 Pour ce qui est ensuite de la pratique du Conseil, sans nous livrer à une analyse détaillée des différentes législations déjà adoptées sur la base de l'article 118 A, nous pouvons simplement remarquer que tant des mesures de portée très générale (28) que des dispositions particulières, applicables à des groupes de travailleurs déterminés (29), ont fait l'objet de directives. Il ne nous semble donc pas possible de tirer des conclusions de l'«utilisation» qui a été faite jusqu'alors de l'article
118 A, et encore moins d'y voir un précédent auquel il conviendrait de se référer.

66 Vous considérez en tout état de cause que, «Quant à l'argument tiré de la pratique antérieure du Conseil, il suffit de rappeler qu'une simple pratique du Conseil n'est pas susceptible de déroger à des règles du traité et ne peut dès lors créer un précédent liant les institutions» (30).

67 Ainsi, rien ne nous semble justifier la thèse selon laquelle seules des mesures particulières, applicables à des groupes de travailleurs déterminés, exposés à des risques spécifiques, pourraient être adoptées sur le fondement de l'article 118 A. Cette disposition peut tout à fait servir également de base juridique à des mesures de portée générale poursuivant de vastes objectifs au bénéfice de l'ensemble des travailleurs.

68 Relativement enfin à la délimitation des champs d'application respectifs des articles 100 et 118 A, nous ne pouvons non plus souscrire à l'argumentation du Royaume-Uni.

69 Nous l'avons rappelé, avant l'adoption de l'Acte unique, en l'absence de disposition spécifique dans le traité, un certain nombre de directives relatives à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ont été adoptées sur la base de l'article 100.

70 Votre Cour encourageait d'ailleurs le choix de cette base juridique, considérant dans l'arrêt dit «Defrenne II» «qu'en l'absence de toute référence expresse [...] aux fonctions à exercer éventuellement par la Communauté en vue de la mise en oeuvre de la politique sociale, il convient de se référer au système général du traité et aux moyens qu'il a institués, tels que prévus par les articles 100, 155 et, le cas échéant, 235» (31). Même si cette affaire avait trait plus spécifiquement à la mise en
oeuvre du principe de l'égalité des rémunérations énoncé à l'article 119, la Commission et le Conseil ont appliqué la logique de l'arrêt également aux autres aspects de la politique sociale couverts par les articles 117 et 118, pour adopter des mesures relatives à la sécurité et à la santé des travailleurs sur la base de l'article 100.

71 Cependant, ce choix ne se justifiait alors, selon les termes mêmes de votre Cour, qu'en raison de «l'absence de toute référence expresse» dans le traité. Or, depuis l'adoption de l'Acte unique, l'article 118 A constitue une telle référence expresse à l'adoption de mesures relatives à la sécurité et à la santé des travailleurs. Il convient donc de s'y référer dorénavant. C'est ainsi d'ailleurs que les deux premières directives adoptées sur le fondement de l'article 118 A trouvent leur origine dans
des propositions qui avaient initialement été fondées sur l'article 100 avant l'entrée en vigueur de l'Acte unique. Leur base juridique a ensuite été changée en vue de respecter la spécificité de la nouvelle disposition (32). Le recours à l'article 100 en cette matière ne semble dès lors plus se justifier.

72 Cela ne signifie pas que toute mesure tendant à promouvoir la sécurité et la santé des travailleurs relève nécessairement de l'article 118 A. L'article 100 A peut également dorénavant trouver à s'appliquer, bien que l'objectif qu'il vise (la réalisation du marché intérieur au sens de l'article 7 A) soit différent de celui de l'article 118 A.

73 Cependant, la délimitation des domaines respectifs des articles 100 A et 118 A ne se fonde pas sur une distinction entre la possibilité d'adopter des mesures de portée générale, pour l'un, et des mesures spécifiques relatives à un domaine particulier, pour l'autre. La délimitation entre ces deux dispositions se fonde sur l'objectif essentiel poursuivi. L'article 100 A est la base juridique adéquate chaque fois qu'une mesure d'harmonisation a pour objet essentiel la réalisation du marché intérieur
même si, pour réaliser ce but, la mesure doit, conformément à l'article 100 A, paragraphe 3, assurer un niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, et réduire ainsi le risque de recours par un État membre à l'exception de l'article 100 A, paragraphe 4 (33). En revanche, l'article 118 A sert de base juridique pour les directives relatives à la santé et à la sécurité des travailleurs qui n'ont pas pour objet essentiel de réaliser le marché intérieur et qui, par
conséquent, ne portent ni sur l'élimination d'obstacles aux échanges ni sur l'établissement des conditions d'une concurrence non faussée.

74 Votre jurisprudence délimite du reste assez strictement le recours à l'article 100 A, en considérant que: «[...] le seul fait qu'un acte puisse avoir des incidences sur l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur ne suffit pas pour justifier le recours à [l'article 100 A] comme base juridique de cet acte» (34).

75 Pour ces considérations, nous estimons que l'article 118 A est la seule base juridique appropriée pour des mesures relatives à la «sécurité et à la santé», dans un sens large, des travailleurs, applicables «notamment» dans le milieu de travail. Ces mesures, qui peuvent garantir un haut niveau de protection, sont «minimales» en ce seul sens que les États membres gardent la faculté de prévoir des mesures plus protectrices, et sont «applicables progressivement» en ce sens que l'harmonisation doit se
faire au fur et à mesure des capacités des États membres compte tenu de leur niveau de développement.

76 C'est donc à partir de cette interprétation de l'article 118 A qu'il convient maintenant de rechercher si la directive concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail pouvait valablement être adoptée sur le fondement de cette disposition.

II - L'article 118 A comme base juridique de la directive litigieuse

77 Il y a lieu d'observer à titre liminaire que, relativement à la directive litigieuse, «la controverse sur la base juridique correcte n'[est] pas de portée purement formelle, étant donné que [divers articles] du traité comportent des règles différentes pour la formation de la volonté du Conseil et que le choix de la base juridique [est] donc susceptible d'avoir des conséquences sur la détermination du contenu [de la mesure attaquée]» (35).

78 Selon votre jurisprudence constante, «[...] dans le cadre du système de compétences de la Communauté, le choix de la base juridique d'un acte doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel. Parmi de tels éléments figurent, notamment, le but et le contenu de l'acte» (36).

79 Examinons tour à tour si, en considération de son but et de son contenu, la directive attaquée pouvait être valablement fondée sur l'article 118 A.

A - Le but poursuivi par la directive litigieuse

80 Quant au but poursuivi, le Royaume-Uni soutient que l'objectif réel de la directive attaquée ne serait pas la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. La directive aurait été adoptée, d'une part, dans l'intérêt de la création d'emplois et de la réduction du chômage et, d'autre part, dans le cadre du programme d'action sociale communautaire.

81 L'argumentation du Royaume-Uni sur ce dernier point doit être immédiatement écartée.

82 Il ne fait aucun doute en effet que la directive constitue bien une mesure de politique sociale communautaire, ce que souligne d'ailleurs son sixième considérant, aux termes duquel: «[...] la présente directive constitue un élément concret dans le cadre de la réalisation de la dimension sociale du marché intérieur».

83 Cependant, comme le relève le Conseil (37), il n'y a là aucune contradiction avec la possibilité de fonder une telle directive sur l'article 118 A. Le chapitre 1 du titre VIII du traité, dans lequel l'article 118 A trouve sa place, est précisément consacré aux «dispositions sociales» adoptées en matière de «politique sociale». Toute mesure adoptée sur le fondement de l'article 118 A poursuivra ainsi nécessairement un objectif «social».

84 Vous avez du reste rappelé cette évidence dans l'avis 2/91, précité, en déduisant des termes de l'article 118 A que: «La Communauté dispose ainsi d'une compétence normative interne dans le domaine social» (38).

85 En réponse ensuite à l'argument du Royaume-Uni, selon lequel la directive concernant l'aménagement du temps de travail constituerait un approfondissement de la réflexion antérieure de la Communauté dans l'intérêt de la création d'emplois et de la réduction du chômage, le Conseil fait valoir que, si l'incidence de l'aménagement du temps de travail sur la création d'emplois constitue bien un thème de réflexion au niveau des instances communautaires, l'approche opérée par la directive est éloignée
de telles considérations (39).

86 Il nous semble en effet que la directive s'en tient, conformément à son article 1er, paragraphe 1, à fixer «des prescriptions minimales de sécurité et de santé», sans avoir pour prétention de constituer une mesure de politique de l'emploi.

87 La conception du temps de travail et de son aménagement sont l'objet de réflexions anciennes et continues, tant au niveau national qu'au niveau communautaire.

88 L'idée qu'ils puissent constituer un instrument de lutte efficace contre le sous-emploi existe, il est vrai. L'adoption de quelques textes communautaires dans les années 70 reflète indiscutablement une telle approche (40). Relevons pourtant qu'aucun n'a de valeur normative obligatoire, tous se limitant à énoncer des principes sans finalité précise.

89 Cependant, contrairement à ce que laisse sous-entendre l'argumentation du Royaume-Uni, l'aménagement du temps de travail n'est pas conçu uniquement et exclusivement comme un instrument de politique de l'emploi. Il peut être envisagé de différentes façons. Sans nous livrer à une analyse de ses multiples impacts, nous pouvons citer utilement un avis du Comité économique et social portant sur le «temps de travail» (41), qui donne un aperçu des différents objectifs qui peuvent être poursuivis par ce
biais:

«[...] le problème du temps de travail [peut être] abordé sous les angles suivants:

- l'aménagement et l'extension du temps d'activité dans le processus de production et des heures d'ouverture dans le secteur des services, et la flexibilité des horaires de travail des travailleurs qui les accompagne, dans l'optique d'une amélioration de la productivité, du service aux consommateurs et de la compétitivité;

- la réduction du temps de travail individuel en vue d'améliorer la qualité de la vie, en particulier en ce qui concerne la santé et la sécurité, l'accroissement et la redistribution du temps disponible pour les activités familiales ou d'assistance à des personnes dépendantes et l'augmentation des heures de loisir;

- la contribution potentielle d'une réduction et d'un aménagement du temps de travail à la création et à la redistribution d'emplois et, partant, à la réduction du chômage, qui est la priorité absolue de l'Union européenne» (42).

90 Les autorités communautaires n'ont pas ignoré ces différentes approches du temps de travail et, à côté des textes cités plus haut se rapportant à la politique de l'emploi, plusieurs directives fondées sur l'article 118 A révèlent que la durée ou l'aménagement du temps de travail ont déjà été envisagés sous l'angle de la sécurité et de la santé des travailleurs (43).

91 Dès lors, la directive sur l'aménagement du temps de travail ne s'inscrit pas obligatoirement, et par principe, dans le cadre de mesures de lutte contre le sous-emploi.

92 Son étude révèle que, concrètement, elle ne s'inscrit pas davantage dans une telle optique.

93 En effet, comme le relève le Conseil, il nous semble que l'hypothèse d'une incidence des réductions des heures de travail sur la création d'emplois nécessiterait la prise en considération des différents facteurs économiques en jeu, afin de l'envisager dans un cadre cohérent de mesures. Ainsi, dans sa résolution précitée du 18 décembre 1979, le Conseil souligne «[...] que l'appréciation des mesures éventuelles d'aménagement du temps de travail [dans la perspective de l'amélioration de la situation
de l'emploi] doit tenir compte de nombreux éléments, au premier rang desquels figurent l'incidence sur les capacités de production des entreprises, les variations de productivité et la compensation salariale [...]» Sur cette base, il se prononce en faveur de l'encouragement de mesures relatives notamment à la formation en alternance, à la limitation des heures supplémentaires, à la retraite flexible, au travail à temps partiel, au travail temporaire.

94 Or, la directive attaquée ne fait pas l'objet d'une telle approche. Au contraire, son cinquième considérant souligne que «[...] l'amélioration de la sécurité, de l'hygiène et de la santé des travailleurs au travail représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations de caractère purement économique» (44).

95 Elle n'est relative qu'à «certains» aspects de l'aménagement du temps de travail: ceux ayant une incidence sur la sécurité et la santé des travailleurs. En fait, elle permet précisément de garantir les travailleurs contre la mise en oeuvre d'autres aspects de l'aménagement du temps de travail, envisagés, pour leur part, dans une perspective de politique de l'emploi, qui, ne prenant en considération que des aspects socio-économiques, seraient susceptibles d'avoir des effets néfastes sur leur
sécurité ou leur santé. Cette finalité de protection apparaît notamment au quinzième considérant de la directive, qui souligne que «[...] les modalités de travail peuvent avoir des effets préjudiciables à la sécurité et à la santé des travailleurs; que l'organisation du travail selon un certain rythme doit tenir compte du principe général de l'adaptation du travail à l'homme».

96 Ainsi, si l'aménagement du temps de travail est une matière qui peut être réglementée en vue de plusieurs objectifs, la directive en question n'a visé qu'à introduire des mesures protectrices relatives à la sécurité et à la santé des travailleurs, conformément à l'objectif poursuivi par l'article 118 A. Si quelques unes de ses dispositions peuvent incontestablement avoir une certaine incidence en matière d'emploi, il ne s'agit pas là, en considération de l'approche retenue, de l'objet essentiel
poursuivi.

B - Contenu de la directive

97 Le Royaume-Uni soutient que chacune des mesures adoptées au titre de la directive ne présente pas un lien de rattachement suffisant avec des considérations tenant à la santé et à la sécurité des travailleurs, au sens de l'article 118 A. Il estime notamment que les dispositions ont été arrêtées sans fondement scientifique probant (45).

98 A l'inverse, le Conseil se livre à une analyse des dispositions prévues par la directive pour en conclure qu'elles sont adaptées à la poursuite de l'objectif de protection prévu à l'article 118 A.

99 Sur la base de l'interprétation large que nous proposons de cette disposition, l'argumentation du Royaume-Uni ne saurait convaincre.

100 Les mesures adoptées sont tout d'abord indéniablement applicables au «milieu de travail» au sens de l'article 118 A.

101 Dès lors que l'on considère en effet que cette notion recouvre tant l'environnement physique que psychique du travailleur au travail, et qu'elle comprend un large éventail de mesures variées, l'amélioration du «milieu de travail» peut être poursuivie par l'adoption de mesures relatives aux périodes minimales de repos, à la durée de travail, au travail de nuit, au travail posté et au rythme de travail.

102 L'aménagement du temps de travail opéré par la directive traduit par ailleurs un souci de protection de la «santé et de la sécurité des travailleurs».

103 Même sans se référer longuement aux études scientifiques portant sur cet aspect qui ont été produites au cours de la procédure - point sur lequel nous reviendrons ultérieurement -, on ne peut nier que le fait de prévoir des temps de repos et de limiter la période hebdomadaire de travail (section II) contribue effectivement à la protection de la «santé» et de la «sécurité» des travailleurs au sens, large, de l'article 118 A. Sans de telles garanties, les travailleurs courraient le risque de se
voir imposer de façon fréquente ou excessive une durée de travail telle qu'elle dépasserait leurs capacités physiques, voire psychiques, mettant en péril par là même leur santé et leur sécurité.

104 Le principe même de la prise en compte de ces différents aspects du temps de travail (articles 3 à 7) apparaît ainsi à même d'atteindre l'objectif visé à l'article 118 A, sous réserve du respect du principe de proportionnalité que nous examinerons ci-après.

105 La section III de la directive, qui prévoit des garanties renforcées pour ce qui concerne le travail de nuit et le travail posté, ainsi que l'organisation du travail selon un rythme adapté, permet également d'assurer la réalisation de l'objectif de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. Le Royaume-Uni semble d'ailleurs l'admettre.

106 Les mesures prévues par la directive constituent par ailleurs des «prescriptions minimales» au sens de l'article 118 A.

107 Selon la définition que nous en proposons, rappelons qu'elles ne sauraient être comprises comme des «prescriptions basses». Il s'agit simplement de mesures, qui peuvent garantir un niveau de protection élevé, au-delà desquelles les États membres restent libres de légiférer, conformément au paragraphe 3 de l'article 118 A, pour garantir aux travailleurs un niveau de protection renforcé.

108 Les mesures mises en place par la directive peuvent être considérées comme garantissant un niveau de protection élevé aux travailleurs. Ils sont, par exemple, au titre de l'article 6, assurés de ne pas subir, en principe, des durées hebdomadaires de travail dépassant 48 heures. De même tout travailleur doit-il bénéficier, en vertu de l'article 7, de quatre semaines de congés payés annuels.

109 Ces mesures constituent bien des «prescriptions minimales» au sens de l'article 118 A, dès lors que l'article 15 de la directive, au titre des dispositions plus favorables, prévoit que «La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d'appliquer ou d'introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ou de favoriser ou de permettre l'application de conventions
collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs».

110 Ces prescriptions minimales respectent par ailleurs l'exigence tenant à ce qu'elles soient «applicables progressivement, compte tenu des conditions et des réglementations techniques existant dans chacun des États membres». En effet, le Conseil a relevé (46), sans que cela soit contesté par le Royaume-Uni, que la directive ne constitue pas une réglementation d'un type nouveau, les États membres ayant déjà leurs propres législations en la matière, même si elles sont divergentes. En tout état de
cause, l'article 18 de la directive autorise, pour les mesures jugées les plus contraignantes, un délai de mise en conformité. Si la transposition au plan national de la directive doit en principe intervenir «au plus tard le 23 novembre 1996» [paragraphe 1, sous a), de l'article 18], les États membres gardent la faculté de ne pas faire application de l'article 6, à la condition notamment que le travailleur ait donné son accord de travailler au-delà de la durée maximale hebdomadaire de travail de 48
heures, pendant une période maximale de sept ans à compter du délai de transposition prévu, avant l'expiration de laquelle cette disposition sera réexaminée afin de décider des suites à y donner [paragraphe 1, sous b), i), de l'article 18]. De même, les États membres ont la faculté, en ce qui concerne l'application de l'article 7, de faire usage d'une période transitoire de trois ans, au cours de laquelle la durée du congé annuel payé peut être réduite à trois semaines [paragraphe 1, sous b), ii),
de l'article 18].

111 Le Royaume-Uni estime en revanche que l'incidence probable de la directive sur les petites et moyennes entreprises n'a pas été prise en compte (47). Il suffit de rappeler à cet égard que la formulation de l'article 118 A n'indique pas une interdiction absolue d'édiction de mesures contraignantes à l'égard de ces entreprises. Par ailleurs, le deuxième considérant de la directive témoigne de ce que cette considération n'a pas été occultée par le législateur (48).

112 Enfin, si l'approche de la directive est globale, en ce sens qu'elle n'envisage pas des groupes particuliers de travailleurs exposés à des risques spécifiques, nous avons vu qu'il n'y a là nulle contradiction avec le type de mesures autorisées au titre de l'article 118 A.

113 Au surplus, la directive n'est pas conçue de telle sorte qu'elle exclue toute évaluation des risques, pour certains travailleurs, ou pour ceux d'un secteur particulier

114 C'est en effet cette considération qui justifie que soient exclus de son champ d'application les transports aériens, ferroviaires, routiers, maritimes, fluviaux et lacustres, ainsi que les autres activités en mer et les médecins en formation (article 1er, paragraphe 3), dès lors que «[...] en raison de la nature spécifique du travail, il peut être nécessaire de prendre des mesures séparées en ce qui concerne l'aménagement du temps de travail dans certains secteurs ou activités, exclus du champ
d'application de la présente directive» (49).

115 C'est encore cette considération qui a conduit le législateur communautaire à prévoir à l'article 14, au titre des dispositions communautaires plus spécifiques, que «Les dispositions de la présente directive ne s'appliquent pas dans la mesure où d'autres instruments communautaires contiennent des prescriptions plus spécifiques en la matière concernant certaines occupations ou activités professionnelles».

116 C'est toujours cette considération qui fonde, aux termes de l'article 17, paragraphe 1, les dérogations aux temps de repos et à la durée maximale hebdomadaire de travail (articles 3, 4, 5, 6 et 8) prévues au bénéfice d'un groupe particulier de travailleurs: ceux dont «[...] la durée du temps de travail [...] n'est pas mesurée et/ou prédéterminée ou peut être déterminée par les travailleurs eux-mêmes» (sont visés «notamment» les cadres dirigeants ou autres personnes ayant un pouvoir de décision
autonome; la main-d'oeuvre familiale; les travailleurs dans le domaine liturgique des églises et des communautés religieuses).

117 Enfin, des dérogations aux prescriptions minimales prévues pour les repos journalier, temps de pause, repos hebdomadaire, durée du travail de nuit et périodes de référence (articles 3, 4, 5 et 8) sont prévues en considération de la particularité de certains secteurs d'activités (article 17, paragraphe 2.1). Sont notamment visées les activités caractérisées par un éloignement entre le lieu de travail et le lieu de résidence du travailleur (50); les activités de garde, de surveillance et de
permanence caractérisées par la nécessité d'assurer la protection des biens et des personnes (51); les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production (personnel travaillant dans les ports ou les aéroports; services de presse, de radio, de télévision, de productions cinématographiques; services de production, de transmission et de distribution de gaz, d'eau ou d'électricité, services de collecte des ordures ménagères; activités de recherche et de
développement; agriculture; etc.) (52); les hypothèses de surcroît prévisible d'activité (notamment dans les secteurs de l'agriculture, du tourisme, des services postaux) (53).

118 Les éléments qui précèdent font apparaître que, selon son but et son contenu, la directive concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail poursuit bien un objectif de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, par l'adoption de prescriptions minimales applicables progressivement.

119 Dès lors, l'article 100, qui vise à éliminer les obstacles aux échanges résultant de disparités dans les législations nationales, ne pouvait constituer la base juridique appropriée de la directive attaquée. L'article 235 ne pouvait davantage permettre son adoption, puisqu'«Il est de jurisprudence constante (voir arrêt du 26 mars 1987, Commission/Conseil, 45/86, Rec. p. 1493, point 13) que le recours à l'article 235 du traité comme base juridique d'un acte n'est justifié que si aucune autre
disposition du traité ne confère aux institutions communautaires la compétence nécessaire pour arrêter cet acte» (54).

120 La directive est donc valablement fondée sur l'article 118 A. Le premier moyen d'annulation, tiré d'une incompétence ou d'une base légale défectueuse, doit en conséquence être rejeté.

Deuxième moyen d'annulation: violation du principe de proportionnalité

121 Selon votre jurisprudence constante, afin d'établir si une disposition de droit communautaire est conforme au principe de proportionnalité, il importe de vérifier si les moyens qu'elle met en oeuvre sont aptes à réaliser l'objectif visé et s'ils ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (55).

122 Sur le fondement de cette jurisprudence, le Royaume-Uni estime que la directive attaquée n'est pas conforme au principe de proportionnalité (56). Il fait valoir tout d'abord que son adoption n'était pas nécessaire, dans le mesure où la directive-cadre s'applique déjà sans réserve aux domaines visés par la directive en cause (57). Il soutient ensuite que quatre grands principes sont applicables au point de savoir si les exigences imposées par la directive constituent ou non des «prescriptions
minimales» au sens de l'article 118 A et sont de ce fait conformes à l'exigence de proportionnalité:

- en premier lieu, des mesures qui peuvent peut-être améliorer le niveau de protection, telles que des réductions globales des horaires de travail et des augmentations globales des périodes de repos, ne peuvent toutes être tenues pour des «prescriptions minimales» au sens de l'article 118 A;

- en second lieu, le niveau de protection désiré aurait pu être atteint par des mesures moins restrictives;

- en troisième lieu, la recherche scientifique ne justifie pas les mesures imposées par la directive;

- en quatrième lieu, une mesure ne sera proportionnée que si elle est compatible avec le principe de subsidiarité, tel qu'énoncé à l'article 3 B, dernier alinéa, du traité. A cet égard, le législateur communautaire ne justifierait pas en quoi les objectifs que s'assigne la directive sont mieux atteints par une action au niveau communautaire plutôt que par une action nationale.

123 Préalablement à l'étude du moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité, il convient de faire une mise au point sur l'invocation du principe de subsidiarité.

124 Une certaine confusion a en effet été opérée par le requérant, qui a régulièrement invoqué au cours de la procédure le principe de subsidiarité - sans toutefois le solliciter en tant que moyen d'annulation (58) -, semblant l'assimiler à celui de proportionnalité, comme l'illustre le quatrième «grand principe» rapporté ci-dessus.

125 Or, ces deux principes doivent à notre sens être soigneusement distingués. Le principe de subsidiarité, tel qu'énoncé au paragraphe 2 de l'article 3 B du traité, implique que, dans les domaines de compétence partagée, la Communauté n'agisse «[...] que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc [...] être mieux réalisés au niveau communautaire». Le principe de proportionnalité, quant à lui,
figure au troisième alinéa de ce même article 3 B, aux termes duquel «L'action de la Communauté n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du présent traité».

126 Les deux principes interviennent successivement, à deux niveaux différents de l'action communautaire: «Le premier conditionne le déclenchement d'une action de la Communauté tandis que le second délimite son ampleur. On assiste ainsi à une dissociation de la question de la compétence et de celle de sa mise en oeuvre» (59). En d'autres termes, le principe de subsidiarité intervient en amont de l'action communautaire, celui de proportionnalité intervenant en aval de cette action: «Le principe de
proportionnalité [...] est pris en considération par rapport à une action déjà entreprise [...] et a pour but de réaliser un contrôle de conformité avec les objectifs du traité. Le principe de subsidiarité intervient à un moment antérieur, à savoir quant à la décision de mettre en oeuvre ou non une action au niveau communautaire» (60).

127 Ainsi, en invoquant le principe de subsidiarité, le requérant conteste le principe même de la possibilité d'action du Conseil dans le domaine couvert par la directive attaquée, et non pas l'étendue de ce pouvoir qui, elle, est conditionnée par le respect du principe de proportionnalité.

128 Or, à cet égard, le principe même du déclenchement de l'action communautaire pour les domaines couverts par la directive litigieuse ne saurait être contesté. L'initiative n'aurait pu en revenir aux seuls États membres.

129 L'article 118 A prévoit en effet une compétence partagée entre les États membres et la Communauté en matière de sécurité et de santé des travailleurs. Si les États membres sont tenus de prendre des mesures eux-mêmes dans ce domaine, en vertu du paragraphe 1 de cet article, le paragraphe 2 prévoit par ailleurs que la Communauté peut légiférer pour arrêter des «prescriptions minimales» afin de «contribuer à la réalisation de l'objectif prévu au paragraphe 1», qui est «l'harmonisation, dans le
progrès, des conditions existant dans ce domaine». Dès lors, dans la mesure où existe un objectif d'harmonisation, les mesures prises par le Conseil pour atteindre cet objectif peuvent difficilement être critiquées comme constituant une violation du principe de subsidiarité. En effet, il serait illusoire d'attendre des seuls États membres la réalisation de l'harmonisation attendue, celle-ci supposant nécessairement une action d'envergure supranationale.

130 Au reste, la compétence que détiennent également les États membres au titre de l'article 118 A n'est pas ignorée par la directive. Si celle-ci prévoit les mesures d'harmonisation en matière d'aménagement du temps de travail, les modalités d'application en sont laissées largement à l'initiative nationale.

131 Ainsi, en considération de l'objectif d'harmonisation prévu à l'article 118 A, il ne fait aucun doute que le but que s'assigne la directive attaquée est mieux atteint par une action au niveau communautaire plutôt que par une action au niveau national.

132 L'argument tiré du non-respect du principe de subsidiarité doit donc être écarté.

133 Une fois établi le bien-fondé du principe même de l'action communautaire, venons-en à l'appréciation de son ampleur, qui seule constitue une évaluation du principe de proportionnalité.

134 Relevons que le principal critère au moyen duquel le requérant apprécie la proportionnalité des mesures adoptées en vertu de l'article 118 A est mal choisi. Les arguments du requérant à l'appui de ce moyen sont en effet largement fondés sur son interprétation de la notion de «prescriptions minimales» qui, comme nous l'avons déjà vu, n'a pas la signification qu'il entend lui donner. Rappelons à nouveau que la référence faite à l'article 118 A à des «prescriptions minimales» ne signifie pas que
les pouvoirs de la Communauté dans le domaine de la sécurité et de la santé des travailleurs sont limités, mais au contraire que les États membres sont libres d'appliquer des règles plus strictes que celle prévues au niveau communautaire. Les mesures prévues par la directive ne sauraient donc enfreindre le principe de proportionnalité simplement parce qu'elles peuvent être considérées comme conférant aux travailleurs un haut niveau de protection. En réponse au premier principe dégagé par le
requérant, il convient donc de considérer que des mesures telles que des réductions globales des horaires de travail et des augmentations globales des périodes de repos peuvent tout à fait être tenues pour des «prescriptions minimales» au sens de l'article 118 A.

135 Quant au second argument invoqué à l'appui de la thèse du requérant, selon lequel le niveau de protection désiré aurait pu être atteint par des mesures moins restrictives, il appelle de notre part les réflexions suivantes.

136 Il s'agit là d'évaluer si l'intensité de l'action menée par la Communauté au moyen de la directive ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. Tel ne nous semble pas être le cas, dans la mesure où les contraintes en terme de temps imposées par la directive sont susceptibles de nombreuses dérogations et adaptations.

137 La flexibilité rendue possible par de multiples combinaisons des périodes de référence, dérogations et exemptions, est considérable. Pour éviter d'énumérer sous forme de litanie les possibilités offertes par les articles 16, 17 et 18, nous pouvons, à titre d'exemple, nous concentrer sur celles des dispositions que le requérant juge les plus discutables.

138 L'article 4 fixe le principe d'un temps de pause. Celui-ci ne doit intervenir cependant que si «le temps de travail journalier est supérieur à six heures». Par ailleurs, sa durée n'est pas prévue au niveau communautaire, mais doit être fixée par «des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux ou, à défaut, par la législation nationale». Des dérogations à cette disposition sont autorisées en considération de la qualité de la personne du travailleur (article 17,
paragraphe 1); en considération de la nature ou des caractéristiques de l'activité exercée (article 17, paragraphe 2); par voie de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux au niveau national ou régional (article 17, paragraphe 3).

139 L'article 5, premier et deuxième alinéas, prévoit une période minimale de repos hebdomadaire de vingt-quatre heures sans interruption, auxquelles s'ajoutent les onze heures de repos journalier prévues à l'article 3, qui comprend, «en principe», le dimanche, pour chaque période de sept jours. Relativement à ce dernier point, relevons qu'il n'a nullement un caractère impératif, dans la mesure où «il appartient à chaque État membre de décider, en dernier lieu, si et dans quelle mesure le dimanche
doit être compris dans le repos hebdomadaire», «considérant que, en ce qui concerne la période de repos hebdomadaire, il convient de tenir dûment compte de la diversité des facteurs culturels, ethniques, religieux et autres dans les États membres» (61). Pour ce qui est ensuite de la période de principe de vingt-quatre heures, il peut y être dérogé selon les mêmes modalités que pour l'article 4 (article 17, paragraphes 1, 2 et 3). En outre, les États membres ont la faculté de prévoir pour
l'application de cette disposition une période de référence ne dépassant pas quatorze jours (article 16, point 1). Par ailleurs, la particularité des activités de travail posté ou caractérisées par des périodes de travail fractionnées dans la journée peut être prise en compte au niveau national (article 17, paragraphe 2.3).

140 Aux termes de l'article 6, paragraphe 2, la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours ne doit pas excéder quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires. Il ne s'agit là cependant que d'une moyenne, et les États membres sont libres pour l'application de cette disposition de prévoir une période de référence ne dépassant pas quatre mois (article 16, point 2). Cette période de référence peut même être rallongée à six mois pour l'application de l'article 17, paragraphes
2.1, 2.2 et 2.3 (caractéristiques de certaines activités), voire à douze mois sous certaines conditions (article 17, paragraphe 4, premier et deuxième alinéas). En outre, cette disposition peut faire, comme les deux précédentes, l'objet de dérogations, en considération de la qualité de la personne du travailleur (article 17, paragraphe 1). Enfin, un État membre a la faculté de ne pas faire application de cette disposition sous certaines conditions, comprenant notamment l'accord du travailleur, «tout
en respectant les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs» [paragraphe 1, sous b), i), de l'article 18].

141 L'article 7 institue le principe d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines. Cependant, le caractère contraignant qu'une telle disposition pourrait induire à l'égard des employeurs ou des États membres est là encore largement atténué par le paragraphe 1, sous b), ii), de l'article 18, qui laisse aux États la faculté de faire usage d'une période transitoire. Durant celle-ci, d'une durée maximale de trois ans, le congé annuel payé pourrait ne plus être que de trois semaines.

142 Ces quelques exemples illustrent la très grande flexibilité de la directive attaquée. Cette flexibilité n'est bien entendu pas totale. Mais il est inhérent à une législation en matière de santé et de sécurité que la flexibilité dans son application ne puisse être infinie, sauf à admettre qu'elle perde toute utilité en considération de l'objectif pour lequel elle a été adoptée.

143 En ce qui concerne par ailleurs l'argument du requérant selon lequel l'adoption de la directive n'était pas nécessaire dans le mesure où la directive-cadre s'applique déjà sans réserve aux domaines visés par la directive en cause, il ne nous retiendra pas longtemps.

144 Nous concevons mal en effet comment l'harmonisation des périodes minimales de repos - journalier, hebdomadaire et annuel - et des périodes de pause ainsi que la prévision d'un plafond, harmonisé dans la Communauté, pour la durée de la semaine de travail, qui fait l'objet de la directive attaquée, pourrait avoir été effectuée d'ores et déjà par la directive-cadre, qui prévoit de son côté des principes généraux concernant la prévision et l'élimination des risques et des facteurs d'accidents,
l'information, la consultation, la participation et la formation des travailleurs, ainsi que les lignes générales pour la mise en oeuvre desdits principes.

145 Relativement enfin à l'argument tiré de la nécessité de justifications scientifiques, nous renvoyons à nos observations ci-après relatives au quatrième moyen d'annulation.

146 Au bénéfice des observations qui précèdent, nous considérons donc que la directive attaquée, dans la mesure où elle met en oeuvre des moyens aptes à réaliser l'objectif poursuivi et n'allant pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre, ne saurait être annulée pour défaut de proportionnalité.

147 Nous concluons au rejet du deuxième moyen d'annulation.

Troisième moyen d'annulation: détournement de pouvoir

148 Selon votre jurisprudence constante, est constitutif d'un détournement de pouvoir le fait pour une autorité communautaire d'avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés par le traité (62).

149 Le Royaume-Uni estime que la directive attaquée englobe plusieurs mesures qui n'ont aucun lien avec ses objectifs déclarés (63).

150 Ce moyen d'annulation se confond en fait avec les arguments développés dans le cadre du premier moyen d'annulation, au terme de l'étude duquel nous avons conclu que la directive n'a pas été adoptée afin d'atteindre d'autres objectifs que ceux de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, conformément à l'article 118 A, et que le Conseil n'a pas usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés (64).

151 Le troisième moyen d'annulation doit en conséquence être écarté.

Quatrième moyen d'annulation: violation de formes substantielles

152 Le Royaume-Uni examine en substance sous ce chef deux branches distinctes. En premier lieu, la directive aurait été adoptée sans la consultation préalable du comité consultatif pour la sécurité, l'hygiène et la protection de la santé, ce qui constituerait une erreur de procédure suffisamment importante pour rendre la directive attaquée non valide à cet égard (65). En second lieu, la directive serait insuffisamment motivée, et subsidiairement motivée de façon défectueuse (66).

I - Consultation du comité consultatif

153 Le gouvernement du Royaume-Uni estime que les mesures litigieuses envisagées par la directive auraient dû être soumises pour avis au comité consultatif pour la sécurité, l'hygiène et la protection de la santé au travail (67), comme c'est habituellement le cas pour les dispositions fondées sur l'article 118 A.

154 Tout en reconnaissant que la consultation de ce comité n'est pas expressément prévue, il cite à l'appui de son propos votre arrêt du 25 janvier 1994, Angelopharm (68), qui mettrait en avant le rôle essentiel de ce type de comité.

155 Relevons simplement à cet égard que l'hypothèse abordée par l'arrêt invoqué est très éloignée de celle à laquelle se rapporte la directive attaquée. Dans cet arrêt, vous avez invalidé, pour défaut de consultation du comité scientifique de cosmétologie au sujet de l'interdiction de la substance 11 Alpha OHP, les dispositions d'une directive relative aux produits cosmétiques (69), en tant qu'elles inscrivaient le 11 Alpha OHP et ses esters sur la «liste des substances qui ne peuvent entrer dans la
composition des produits cosmétiques». Vous avez en effet considéré que la consultation du comité scientifique s'imposait pour des considérations tenant à l'objectif de protection de la santé humaine poursuivi par la directive.

156 Tel n'est évidemment pas le cas en l'espèce. Comme le relève en tout état de cause le Conseil, aux termes de l'article 2, paragraphe 1, de la décision 74/325, le comité consultatif est chargé d'assister la Commission dans la préparation et la mise en oeuvre des activités dans les domaines liés à la sécurité et à la santé. Cependant, sa consultation ne constitue pas une étape de procédure préalable à l'activité législative du Conseil. Le défaut de consultation de ce comité ne saurait donc
constituer une irrégularité de procédure.

II - Motivation insuffisante ou défectueuse

157 Le Royaume-Uni soutient que la directive attaquée ne serait pas suffisamment motivée. Elle ne ferait pas apparaître, «[...] d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé [...]» (70). Elle n'établirait pas en effet l'existence du lien de causalité invoqué par le législateur communautaire entre la santé et la sécurité, d'une part, et la plupart des éléments essentiels de la directive, d'autre part.

158 L'obligation de motivation des actes communautaires est énoncée à l'article 190 du traité CE, rédigé en ces termes:

«Les règlements, les directives et les décisions adoptés conjointement par le Parlement européen et le Conseil ainsi que lesdits actes adoptés par le Conseil ou la Commission sont motivés et visent les propositions ou avis obligatoirement recueillis en exécution du présent traité».

159 Vous interprétez cette disposition comme exigeant que les actes communautaires «[...] contiennent un exposé des raisons qui ont amené l'institution à les arrêter, de sorte que la Cour puisse exercer son contrôle et que tant les États membres que les ressortissants intéressés connaissent les conditions dans lesquelles les institutions communautaires ont fait application du traité» (71). Vous précisez cependant qu' «[...] il n'est toutefois pas exigé que [l'autorité communautaire] spécifie tous
les différents éléments de fait ou de droit pertinents» (72).

160 Il ne fait aucun doute selon nous que la directive litigieuse répond aux exigences posées par votre jurisprudence.

161 En effet, on trouve dans son préambule une référence systématique à des considérations tenant à la sécurité et la santé des travailleurs, justifiant l'adoption des mesures relatives à l'aménagement du temps de travail.

Il est ainsi fait mention de divers autres instruments juridiques contraignants adoptés en considération de cet objectif. Outre, bien entendu, un renvoi à l'article 118 A, sont visées les dispositions de la directive-cadre concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé au travail, comme «[...] s'appliqu[ant] pleinement aux domaines couverts par la présente directive, sans préjudice des dispositions plus contraignantes et/ou spécifiques
contenues dans celle-ci» (73); celles de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (74); et les principes de l'Organisation internationale du travail en matière d'aménagement du temps de travail (75).

L'objectif visé apparaît en outre de façon très apparente dans les considérants de la directive. Le cinquième considérant expose par exemple très clairement que «[...] l'amélioration de la sécurité, de l'hygiène et de la santé des travailleurs représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations de caractère purement économique», le septième considérant précisant que «[...] l'adoption de prescriptions minimales dans l'aménagement du temps de travail est susceptible d'améliorer
les conditions de travail des travailleurs dans la Communauté».

Le huitième considérant établit le lien entre les considérations de santé et de sécurité des travailleurs et les éléments essentiels de la directive: «considérant que, en vue d'assurer la sécurité et la santé des travailleurs de la Communauté, ceux-ci doivent bénéficier de périodes minimales de repos - journalier, hebdomadaire et annuel - et de périodes de pause adéquates; qu'il convient, dans ce contexte, de prévoir également un plafond pour la durée de la semaine de travail».

Ce sont également très clairement des considérations de santé et de sécurité qui ont inspiré les dispositions relatives au travail de nuit et à la situation des travailleurs de nuit et des travailleurs postés (76).

162 En fait, en avançant l'argument de la motivation insuffisante, le Royaume-Uni reproche en réalité au Conseil de ne pas avoir fait mention dans les considérants de références scientifiques concrètes justifiant l'adoption des mesures prises. Il note que la référence à des «études» n'a été opérée qu'en ce qui concerne le travail de nuit (onzième considérant), et qu'elle fait défaut pour le reste des mesures adoptées. A l'appui de son propos, le requérant se réfère très largement à un rapport,
produit à sa demande, faisant état de la littérature scientifique relative à l'impact de l'aménagement du temps de travail sur la sécurité et la santé des travailleurs (77). En réponse, la Commission a produit à son tour un autre rapport scientifique, critique à l'égard du premier (78).

163 Ces rapports ont occupé une place non négligeable dans les argumentations des uns et des autres, tant au cours de la procédure écrite que lors de l'audience. Nous nous garderons bien d'arbitrer de quelque façon que ce soit les thèses scientifiques en présence. Qu'il nous soit cependant permis de refuser de leur accorder l'importance, disproportionnée à notre sens, qu'elles ont pu recevoir.

164 Rappelons à nouveau à ce propos que, si l'exigence de motivation, prévue à l'article 190 du traité, impose à l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de faire apparaître le raisonnement qui l'a conduite à adopter cet acte, «[...] il n'est toutefois pas exigé qu'elle spécifie tous les différents éléments de fait ou de droit pertinents» (79). On ne saurait, sur cette base, reprocher au Conseil de ne pas avoir fait apparaître dans les considérants de la directive attaquée toutes les
justifications scientifiques portant sur chacune des mesures adoptées.

165 L'argumentation du Royaume-Uni sur ce point laisse entendre que le processus législatif communautaire ne pourrait porter que sur des éléments scientifiquement démontrés et établis. Le pouvoir d'initiative et l'étendue de l'action du législateur communautaire leur seraient subordonnés. De même que dans la conception de Montesquieu le juge n'est que la bouche de la loi (80), le législateur ne serait que la bouche du savant...

166 Il n'est certes pas exclu que l'action communautaire s'inspire de données scientifiques. La directive litigieuse se réfère d'ailleurs à ce que certaines «études ont démontré» (81). Du reste, au cours de la phase préparatoire d'une directive, ainsi que l'a relevé le Conseil, les membres de cette institution sont informés des éléments scientifiques disponibles, grâce à l'assistance qui leur est apportée par les groupes d'experts nationaux.

167 Cependant, les études scientifiques ne sauraient constituer la seule source d'inspiration du législateur communautaire et on ne saurait en conséquence, en particulier en matière de politique sociale, reprocher à un acte de ne pas faire mention, pour chacune des dispositions qu'il prévoit, de justifications scientifiquement démontrées.

168 Quant à l'argument subsidiaire du requérant, selon lequel la directive attaquée serait motivée de façon défectueuse, en ce sens que «de nombreux éléments de la directive concerneraient l'amélioration des conditions de vie et de travail des salariés et/ou la dimension sociale du marché intérieur, et non des considérations touchant à la santé et à la sécurité», il rejoint les développements concernant le caractère «social» de la directive qui ont déjà été examinés (82) et sur lesquels il n'y a pas
lieu de revenir.

169 Nous concluons donc que le moyen tiré de la violation de formes substantielles ne saurait aboutir.

Conclusion

170 Nous concluons au rejet du recours dans son ensemble. Le Royaume-Uni doit donc être condamné à supporter les dépens exposés par le Conseil, conformément à l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure. En vertu de l'article 69, paragraphe 4, dudit règlement, le gouvernement belge, le gouvernement espagnol et la Commission, en tant que parties intervenantes, supporteront leurs propres dépens.

171 En conséquence, nous sommes d'avis qu'il convient que la Cour:

- rejette le recours;

- condamne le Royaume-Uni à supporter les dépens du Conseil;

- décide que le gouvernement espagnol, le gouvernement belge et la Commission supporteront leurs propres dépens.

(1) - JO L 307, p. 18.

(2) - Bien que le libellé actuel du paragraphe 2 diffère de celui du traité CEE, il s'agit d'une modification purement rédactionnelle qui vise à tenir compte du changement dans la désignation de la procédure de coopération mentionnée dans le texte précédent. L'article reste donc en substance le même que celui résultant de la version de 1987.

(3) - Dite «directive-cadre» (JO L 183, p. 1).

(4) - Points 1.2 à 2.8 de la requête.

(5) - Ibidem, points 2.9 à 2.15.

(6) - Point 3.10 du mémoire en réplique.

(7) - Points 3.12 et 3.13 de la requête.

(8) - Figuraient simplement dans le traité CEE deux références explicites aux «conditions de travail», aux articles 117 et 118, relatifs à la politique sociale. Mais l'article 117 est considéré comme ne conférant pas de compétence communautaire en matière sociale. L'article 118, couvrant quant à lui les matières relatives notamment à l'emploi, au droit du travail et aux conditions de travail, à la formation et au perfectionnement professionnels, à la sécurité sociale, à la protection contre les
accidents et les maladies professionnels, à l'hygiène du travail, au droit syndical et aux négociations collectives entre employeurs et travailleurs, restreint la compétence communautaire au cadre «[...] d'une coopération entre États membres dont la Commission assure l'organisation» (arrêt du 9 juillet 1987, Allemagne e.a./Commission, 281/85, 283/85, 284/85, 285/85 et 287/85, Rec. p. 3203, point 14). Cette disposition ne fixe donc comme seule mission à la Commission que de promouvoir une
collaboration étroite entre États.

(9) - On peut citer à titre d'exemples la directive 77/576/CEE du Conseil, du 25 juillet 1977, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la signalisation de sécurité sur le lieu de travail (JO L 229, p. 12); la directive 78/610/CEE du Conseil, du 29 juin 1978, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la protection sanitaire des
travailleurs exposés au chlorure de vinyle monomère (JO L 197, p. 12); la directive 80/1107/CEE du Conseil, du 27 novembre 1980, concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à des agents chimiques, physiques et biologiques pendant le travail (JO L 327, p. 8); la directive 82/605/CEE du Conseil, du 28 juillet 1982, concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition au plomb métallique et à ses composés ioniques pendant le travail
(première directive particulière au sens de l'article 8 de la directive 80/1107/CEE) (JO L 247, p. 12); la directive 83/477/CEE du Conseil, du 19 septembre 1983, concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l'amiante pendant le travail (deuxième directive particulière au sens de l'article 8 de la directive 80/1107/CEE) (JO L 263, p. 25); la directive 84/532/CEE du Conseil, du 17 septembre 1984, concernant le rapprochement des législations des États membres
relatives aux dispositions communes aux matériels et engins de chantier (JO L 300, p. 111); la directive 86/188/CEE du Conseil, du 12 mai 1986, concernant la protection des travailleurs contre les risques dus à l'exposition au bruit pendant le travail (JO L 137, p. 28).

(10) - Devenu Titre VIII - «Politique sociale, éducation, formation professionnelle et jeunesse» du traité CE.

(11) - Rec. p. I-1061, respectivement points 16 et 17.

(12) - Arrêt du 4 juillet 1991 (C-213/90, Rec. p. I-3507).

(13) - C-189/91, Rec. p. I-6185.

(14) - Point 34.

(15) - Kessler F. et Meyer F.: «La dynamique de l'article 118 A du traité de Rome», dans Revue internationale de droit économique, 1992, n_ 2, p. 129, 133. Sur les différentes analyses proposées de cet article, voir aussi Banks, K.: «L'article 118 A, élément dynamique de la politique sociale communautaire», dans Cahiers de droit européen, 1993, n_ 5-6, p. 537. Voir également De Ruyt, J.: L'acte unique européen, 2e édition, 1989, éditions de l'Université de Bruxelles, Collection «Études européennes»,
p. 193 et 194.

(16) - Voir, en ce sens, Blainpain R. et Engels C.: European Labour Law, Kluwer, 2e édition, 1993 (point 286), auquel le Royaume-Uni se réfère au point 3.5 de son mémoire en réplique.

(17) - La distinction n'est pas purement théorique puisque certaines dispositions fondées sur l'article 118 A peuvent trouver à s'appliquer aux travailleurs indépendants, lorsqu'une telle application s'avère nécessaire pour la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs (salariés). C'est ainsi que la directive 92/57/CEE du Conseil, du 24 juin 1992, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en oeuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles (huitième
directive particulière au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE), dite «chantiers temporaires ou mobiles» (JO L 245, p. 6), inclut dans son champ d'application les activités des travailleurs indépendants, dans la mesure où celles-ci pourraient affecter la sécurité ou la santé des employés.

(18) - Pages 6 et suiv. du mémoire en défense.

(19) - Voir The Danish working environment act, loi n_ 681 du 23 décembre 1975, entrée en vigueur le 1er juillet 1977 (printed by the Danish labour inspection service, Kobenhavn, 1981).

(20) - Banks, K., op. cit., (point 6), rapporte que c'est là d'ailleurs ce que suggèrent les auteurs danois Andreasen J., Assens J. et Frandsen N., dans leur Guide au milieu de travail, 1983, p. 121.

(21) - Une conception large de la notion de «milieu de travail» dicte actuellement les travaux portant sur la proposition de directive pour améliorer la mobilité et le transport en sécurité au travail de travailleurs ayant une mobilité réduite (JO 1992, C 15, p. 18). Comme son titre l'indique, elle repose sur l'idée que le trajet vers le lieu de travail fait partie du «milieu de travail» au sens de l'article 118 A.

(22) - Il n'est pas exclu cependant que «la prise de mesures concernant la sécurité et la santé des travailleurs au travail contribue dans certains cas à préserver la santé et, éventuellement, la sécurité des personnes vivant dans leur foyer», selon les termes du huitième considérant de la directive-cadre.

(23) - Préambule de la constitution de l'Organisation mondiale de la santé du 22 juillet 1946, premier principe.

(24) - Directive du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE) (JO L 348, p. 1).

(25) - Banks, K., op. cit., point 11.

(26) - Arrêt Kirsammer-Hack, précité (point 34).

(27) - Voir, en ce sens, le rapport dit «Salisch», fait au nom de la commission des affaires sociales et de l'emploi, sur la notion de milieu de travail et le champ d'application de l'article 118 A du traité CEE, 21 octobre 1988, doc. parl., a2-0226/88.

(28) - Par exemple, la directive-cadre; la directive 89/654/CEE du Conseil, du 30 novembre 1989, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour les lieux de travail (première directive particulière au sens de l'article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE) (JO L 393, p. 1).

(29) - Par exemple, la directive 90/679/CEE du Conseil, du 26 novembre 1990, concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents biologiques au travail (septième directive particulière au sens de l'article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE) (JO L 374, p. 1); la directive 92/104/CEE du Conseil, du 3 décembre 1992, concernant les prescriptions minimales visant à améliorer la protection en matière de sécurité et de santé des travailleurs des industries
extractives à ciel ouvert ou souterraines (douzième directive particulière au sens de l'article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE) (JO L 404, p. 10).

(30) - Arrêt du 9 novembre 1995, Allemagne/Conseil (C-426/93, non encore publié au Recueil, points 21 et 34). Voir également l'arrêt cité du 23 février 1988, Royaume-Uni/Conseil (68/86, Rec. p. 855, point 24).

(31) - Arrêt du 8 avril 1976 (43/75, Rec. p. 455, point 63).

(32) - Directive 88/364/CEE du Conseil, du 9 juin 1988, concernant la protection des travailleurs par l'interdiction de certains agents spécifiques et/ou de certaines activités (quatrième directive particulière au sens de l'article 8 de la directive 80/1107/CEE (JO L 179, p. 44); directive 88/642/CEE du Conseil, du 16 décembre 1988, modifiant la directive 80/1107/CEE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à des agents chimiques, physiques et biologiques
pendant le travail (JO L 356, p. 74).

(33) - A titre d'exemple, deux directives ayant certaines incidences sur la sécurité et la santé des travailleurs ont ainsi été adoptées sur le fondement de l'article 100 A: la directive 89/392/CEE du Conseil, du 14 juin 1989, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux machines (JO L 183, p. 9), et la directive 89/686/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux équipements de protection
individuelle (JO L 399, p. 18).

(34) - Arrêt du 9 novembre 1995, Allemagne/Conseil, précité (point 33). Voir également l'arrêt cité du 17 mars 1993, Commission/Conseil (C-155/91, Rec. p. I-939, points 18 et 19).

(35) - Arrêt du 26 mars 1987, Commission/Conseil (45/86, Rec. p. 1493, point 12). Voir également l'arrêt du 23 février 1988, Royaume-Uni/Conseil, précité (point 6).

(36) - Arrêt du 9 novembre 1995, Allemagne/Conseil, précité (point 29). Voir également, par exemple, les arrêts du 7 juillet 1992, Parlement/Conseil (C-295/90, Rec. p. I-4193, point 13); du 17 mars 1993, Commission/Conseil, précité (point 7); du 28 juin 1994, Parlement/Conseil (C-187/93, Rec. p. I-2857, point 17), et, en dernier lieu, du 7 mars 1996, Parlement/Conseil (C-360/93, non encore publié au Recueil, point 23).

(37) - Pages 6 et 24 du mémoire en défense.

(38) - Point 17.

(39) - Pages 21 à 23 du mémoire en défense.

(40) - Recommandation 75/457/CEE du Conseil, du 22 juillet 1975, concernant le principe de la semaine de quarante heures et le principe des quatre semaines de congés payés annuels (JO L 199, p. 32); résolution du Conseil, du 18 décembre 1979, concernant l'aménagement du temps de travail (JO 1980, C 2, p. 1), qui fait mention des «problèmes d'emploi au cours des années 80» (premier considérant) et invite à la poursuite de la «stratégie globale visant à améliorer la situation de l'emploi» (deuxième
considérant).

(41) - Avis du Comité économique et social des Communautés européennes sur le «Temps de travail», Bruxelles, 24-25 octobre 1995, CES 1166/95, Office des publications officielles des Communautés européennes.

(42) - Point 1.2, souligné par nous.

(43) - Ainsi, la directive-cadre impose à l'employeur, lors de la planification et de l'organisation du travail, de réduire autant que possible les effets nuisibles sur la santé du travail monotone et cadencé [article 6, paragraphe 2, sous d)]; la directive 90/270/CEE du Conseil, du 29 mai 1990, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives au travail sur des équipements à écran de visualisation (cinquième directive particulière au sens de l'article 16 paragraphe 1 de la
directive 89/391/CEE) (JO L 156, p. 14), prévoit non seulement une formation adéquate pour le futur utilisateur d'un tel écran (article 6, paragraphe 2), mais également une information de l'utilisateur sur tout ce qui concerne la vue ou les problèmes psychiques et physiques qu'une utilisation abusive pourrait engendrer, de sorte que le travail quotidien doit être périodiquement interrompu par des pauses ou des changements d'activité (article 7).

(44) - Souligné par nous.

(45) - Sur cet aspect, voir nos observations, points 162 à 167 des présentes conclusions.

(46) - Page 13 du mémoire en défense.

(47) - Point 6.15 de la requête.

(48) - «considérant que, selon [l'article 118 A], les directives en question évitent d'imposer des contraintes administratives, financières, et juridiques telles qu'elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises.»

(49) - Seizième considérant.

(50) - Paragraphe 2.1, sous a).

(51) - Ibidem, sous b).

(52) - Ibidem, sous c).

(53) - Ibidem, sous d).

(54) - Arrêt du 13 juillet 1995, Espagne/Conseil (C-350/92, Rec. p. I-1985, point 26).

(55) - Voir, par exemple, les arrêts du 11 mars 1987, Rau e.a./Commission (279/84, 280/84, 285/84 et 286/84, Rec. p. 1069, point 34); du 9 août 1994, Allemagne/Conseil (C-359/92, Rec. p. I-3681, points 45 et 46), et du 9 novembre 1995, Allemagne/Conseil, précité (point 42).

(56) - Points 6.1 à 6.18 de la requête.

(57) - Article 1er, paragraphe 4.

(58) - Le Royaume-Uni a précisé au cours de la procédure écrite qu'il «n'a pas expressément invoqué la violation du principe de subsidiarité en tant que moyen d'annulation de la directive» (note 78 de ses observations sur les mémoires en intervention du royaume d'Espagne, de la Commission et de la République fédérale d'Allemagne).

(59) - Lenaerts K. et van Ypersele P.: «Le principe de subsidiarité et son contexte: étude de l'article 3 B du traité CE», Cahiers de droit européen, 1994, nos 1-2, p. 3 (point 100).

(60) - Strozzi, G.: «Le principe de subsidiarité dans la perspective de l'intégration européenne: une énigme et beaucoup d'attentes», Revue trimestrielle de droit européen, 30 (3), juill.-sept. 1994, p. 373, 379, souligné par nous.

(61) - Dixième considérant.

(62) - Voir, par exemple, les arrêts du 8 juillet 1965, Chambre syndicale de la sidérurgie française e.a./Haute Autorité (3/64 et 4/64, Rec. p. 567, 585); du 4 février 1982, Buyl e.a./Commission (817/79, Rec. p. 245, point 28), et du 8 juin 1988, Vlachou/Cour des comptes (135/87, Rec. p. 2901, point 27).

(63) - Points 7.1 à 7.3 de la requête.

(64) - Points 80 à 96 des présentes conclusions.

(65) - Points 3.7 à 3.10 de la requête.

(66) - Ibidem, points 8.1 à 8.3.

(67) - Institué par la décision 74/325/CEE du Conseil, du 27 juin 1974 (JO L 185, p. 15).

(68) - C-212/91, Rec. p. 171 (notamment points 37 et suiv.).

(69) - Douzième directive 90/121/CEE de la Commission, du 20 février 1990, portant adaptation au progrès technique des annexes II, III, IV, V et VI de la directive 76/768/CEE du Conseil concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO L 71, p. 40).

(70) - Arrêt du 7 mai 1987, Nippon Seiko/Conseil (258/84, Rec. p. 1923, point 28).

(71) - Arrêt du 7 juillet 1981, Rewe (158/80, Rec. p. 1805, point 25). Voir également les arrêts du 26 mars 1987, Commission/Conseil, précité (points 5 et suiv.), et du 23 février 1988, Royaume-Uni/Conseil, précité (point 36).

(72) - Voir, par exemple, l'arrêt du 25 octobre 1984, Rijksuniversiteit te Groningen (185/83, Rec. p. 3623, point 38), et, en dernier lieu, l'arrêt du 29 février 1996, Commission/Conseil (C-122/94, non encore publié au Recueil, point 29).

(73) - Troisième considérant.

(74) - Quatrième considérant.

(75) - Neuvième considérant.

(76) - Considérants onze à quinze.

(77) - Report by Professor J.M. Harrington, The Health & Safety Aspects of Working Hours - a critical review of the literature (Institute of Occupational Health, University of Birmingham, November 1993).

(78) - Folkard, S.: Les aspects du temps de travail liés à la santé et à la sécurité - Aperçu critique de la littérature J.M. Harrington - Version définitive, novembre 1993, Octobre 1994.

(79) - Arrêt du 25 octobre 1984, Rijksuniversiteit te Groningen, précité (point 38).

(80) - Montesquieu: De l'esprit des lois.

(81) - Onzième considérant.

(82) - Voir, ci-dessus, points 81 à 84 des présentes conclusions.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-84/94
Date de la décision : 12/03/1996
Type de recours : Recours en annulation - non fondé, Recours en annulation - fondé

Analyses

Directive 93/104/CE du Conseil concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail - Recours en annulation.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Léger
Rapporteur ?: Moitinho de Almeida

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1996:93

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