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06/03/1996 | CJUE | N°T-141/95

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Kirsten Schelbeck contre Parlement européen., 06/03/1996, T-141/95


Avis juridique important

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61995A0141

Arrêt du Tribunal de première instance (première chambre) du 6 mars 1996. - Kirsten Schelbeck contre Parlement européen. - Fonctionnaires - Rémunération - Allocations nationales - Cessation d'application de la règle anticumul - Étendue du droit au remboursement. - Affaire T-14

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Recueil de jurisprudence 1996 page II-00155
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Avis juridique important

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61995A0141

Arrêt du Tribunal de première instance (première chambre) du 6 mars 1996. - Kirsten Schelbeck contre Parlement européen. - Fonctionnaires - Rémunération - Allocations nationales - Cessation d'application de la règle anticumul - Étendue du droit au remboursement. - Affaire T-141/95.
Recueil de jurisprudence 1996 page II-00155
page IA-00097
page II-00315

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1. Fonctionnaires ° Décision faisant grief ° Obligation de motivation ° Objet

(Statut des fonctionnaires, art. 25)

2. Fonctionnaires ° Rémunération ° Allocations familiales ° Allocations nationales ° Règle anticumul ° Interruption des déductions opérées pour cause de cumul ° Conditions ° Déductions indues ° Droit au remboursement ° Étendue

(Statut des fonctionnaires, art. 67, § 2; annexe VII, art. 2)

Sommaire

1. L' obligation de motiver une décision a pour but de permettre au juge communautaire d' exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée et de fournir à l' intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est entachée d' un vice permettant d' en contester la légalité.

Satisfait à ces exigences une décision adressée par l' administration à un fonctionnaire sous le couvert d' une lettre qui fait état d' un "changement de pratique administrative", sans effet rétroactif, pour limiter le remboursement des allocations familiales déduites de sa rémunération en vertu de l' article 67, paragraphe 2, du statut à la date à compter de laquelle "la nouvelle pratique a été mise en place".

2. Il appartient aux institutions, en vue d' une application éventuelle de la règle anticumul contenue à l' article 67, paragraphe 2, du statut, de déterminer dans les meilleurs délais si les allocations familiales nationales déclarées par les fonctionnaires ou agents en vertu de l' obligation prévue par cette disposition sont ou non de même nature que celles perçues au titre des articles 1er, 2 et 3 de l' annexe VII du statut.

Les institutions ne peuvent cesser de procéder aux déductions opérées en application de la règle anticumul prévue à l' article 67, paragraphe 2, que dans deux hypothèses: la première, lorsqu' intervient un changement objectif de nature des allocations familiales versées par ailleurs, en conséquence, notamment, d' un changement de la législation en vertu de laquelle elles sont payées; la seconde, lorsque l' institution, dans l' exercice du devoir qui lui incombe d' examiner si ces allocations
constituent ou non des allocations de même nature, constate qu' elle n' a pas qualifié de façon correcte, selon des critères objectifs d' application uniforme, les allocations nationales déclarées par l' intéressé et, de ce fait, a procédé indûment à leur déduction. Dans cette seconde hypothèse, la décision obligatoire de mettre fin à l' application de l' article 67, paragraphe 2, du statut prend effet au moment où la première déduction indue est intervenue.

Parties

Dans l' affaire T-141/95,

Kirsten Schelbeck, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Luxembourg, représentée par Mes Jean-Noël Louis, Thierry Demaseure et Véronique Leclercq, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. Manfred Peter, chef de division au service juridique, et Jannis Pantalis, membre du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision du Parlement européen, du 1er décembre 1994, adoptée à la suite d' une décision de cessation d' application de l' article 67, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes à certaines allocations prévues par la législation danoise, refusant à la requérante le remboursement des montants déduits de sa rémunération au titre de cette disposition, pour la période du 1er novembre 1987 au 30 avril 1993,

LE TRIBUNAL DE PREMI RE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de M. A. Saggio, président, Mme V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 24 janvier 1996,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Faits et cadre juridique du recours

1 La requérante a été recrutée en qualité de traductrice, en vertu d' un contrat d' agent auxiliaire qui a pris effet le 1er novembre 1987. Elle a été affectée à la division de la traduction danoise du Parlement européen.

2 Par décision de l' autorité investie du pouvoir de nomination du 3 mars 1988, ayant pris effet le 1er janvier 1988, la requérante a été nommée fonctionnaire stagiaire. Elle a été titularisée au grade LA 7, échelon 3, par décision du 10 octobre 1988, ayant pris effet le 1er octobre 1988.

3 Conformément à l' article 67, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "statut"), la requérante a déclaré les allocations qu' elle percevait pour ses trois enfants en application de la loi danoise n 147 du 19 mars 1986 (ci-après "loi nationale").

4 En application de l' article 67, paragraphe 2, du statut, le Parlement a procédé, avec effet au 1er novembre 1987, à la déduction de ces allocations nationales des allocations familiales perçues par la requérante au titre de l' article 2 de l' annexe VII du statut.

5 Le 17 mars 1994, la requérante a adressé une note au service "statut et gestion du personnel" du Parlement. Elle y rappelait, d' une part, que le Parlement, depuis le 1er novembre 1987, déduisait de sa rémunération les allocations qu' elle percevait en vertu de la loi nationale. Se référant, d' autre part, à une décision prise par le service compétent quant à la nature de ces allocations, la requérante demandait au Parlement de lui rembourser les montants "incorrectement" déduits et de l' informer
du délai prévu à cet effet.

6 Il ressort d' une note aux décomptes, établie par le service "statut et gestion du personnel" et datée du 14 mars 1994, que les allocations versées à la requérante en vertu de la loi nationale ne viendraient plus, à compter du 1er mars 1994, en déduction de l' allocation pour enfant à charge payée en vertu de l' article 2, paragraphe 2, de l' annexe VII du statut. Par ailleurs, il ressort d' une seconde note aux décomptes du même service, datée du 20 juillet 1994, que les montants déduits de la
rémunération de la requérante au titre de l' article 67, paragraphe 2, du statut à compter du 1er mai 1993 lui seraient remboursés.

7 Lors du payement de sa rémunération relative au mois de juin 1994, la requérante a été remboursée des montants que l' administration du Parlement avait continué à déduire pendant la période du 1er mars 1994 au 31 mai 1994.

8 Le 24 août 1994, la requérante a adressé une note au chef de la division du personnel. Elle s' y référait à la note du 14 mars 1994, qui, selon ses dires, venait de lui être communiquée par le service "statut et gestion du personnel" et par laquelle elle avait pris connaissance de ce que les allocations versées par l' administration danoise ne seraient plus déduites de sa rémunération. Rappelant que le Parlement procédait à cette déduction depuis sa nomination le 1er novembre 1987, la requérante
demandait, "en conséquence, le remboursement des montants indûment déduits".

9 Lors du payement de sa rémunération relative au mois de septembre 1994, la requérante a été remboursée des montants déduits pendant la période du 1er mai 1993 au 28 février 1994.

10 N' ayant pas obtenu de réponse à sa lettre du 24 août 1994, la requérante a adressé au chef de la division du personnel une nouvelle demande de remboursement, en date du 18 novembre 1994. D' une part, elle y faisait état du fait que les montants déduits lui avaient été remboursés à compter du 1er mai 1993, lors du payement de sa rémunération du mois de septembre 1994. D' autre part, elle demandait le remboursement des "montants indûment déduits" pendant la période du 1er novembre 1987 au 30 avril
1993.

11 Par lettre du service "statut et gestion du personnel", du 1er décembre 1994, la requérante a été informée que, "suite à un changement de pratique", il avait été mis fin, à compter du 1er mai 1993, à l' application de la règle anticumul prévue par l' article 67, paragraphe 2, du statut aux allocations qu' elle percevait conformément à la loi nationale. Selon la même lettre, "étant donné que la nouvelle pratique a été mise en place à compter du 01.05.93, il n' y a pas lieu de verser les montants
déduits pour la période du 01.11.87 au 30.04.93".

12 Le 1er mars 1995, la requérante a introduit contre la décision contenue dans cette lettre une réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut.

Procédure et conclusions des parties

13 C' est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juillet 1995, la requérante a introduit le présent recours au titre de l' article 91, paragraphe 2, du statut.

14 Après que le présent recours a été introduit, la réclamation introduite par la requérante le 1er mars 1995 a fait l' objet d' une décision explicite de rejet par lettre du secrétaire général du Parlement du 18 juillet 1995.

15 La procédure écrite devant le Tribunal s' est achevée le 17 octobre 1995, avec le dépôt de la duplique.

16 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l' audience publique qui s' est déroulée le 24 janvier 1996.

17 La partie requérante conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° annuler la décision du Parlement européen, du 1er décembre 1994, lui refusant le remboursement des montants déduits de sa rémunération en vertu de l' article 67, paragraphe 2, du statut, pendant la période du 1er novembre 1987 au 30 avril 1993;

° annuler, pour autant que de besoin, la décision portant rejet implicite de sa réclamation du 1er mars 1995;

° condamner le Parlement aux dépens.

18 La partie défenderesse conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° statuer sur la recevabilité du recours;

° déclarer le recours non fondé et rejeter, en conséquence, la demande relative au remboursement des montants déduits de la rémunération de la requérante en vertu de l' article 67, paragraphe 2, du statut;

° statuer sur les dépens conformément aux dispositions applicables.

Sur la recevabilité

Exposé sommaire de l' argumentation des parties

19 Le Parlement, sans soulever formellement une exception d' irrecevabilité, fait observer que le présent recours pourrait être considéré comme tardif. D' une part, la note de la requérante du 17 mars 1994 pourrait être qualifiée de demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut. D' autre part, la lettre de l' administration du 1er décembre 1994 pourrait être qualifiée d' acte confirmatif par rapport aux bulletins de rémunération des mois de juin et de septembre 1994, qui constitueraient
l' acte faisant grief au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut.

20 Le Parlement estime que la requérante aurait dû introduire une réclamation au plus tard après avoir pris connaissance de son bulletin de rémunération du mois de septembre 1994, au travers duquel elle a pu prendre connaissance que les montants déduits au titre de l' article 67, paragraphe 2, du statut ne lui seraient remboursés que pour la période postérieure au 1er mai 1993.

21 La requérante relève, tout d' abord, que la décision du Parlement sur la nature des allocations nationales en question, adoptée à une date indéterminée et non publiée, ne peut pas être regardée comme un acte lui faisant grief au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut. Selon la requérante, ce n' est que par sa note du 24 août 1994 qu' elle a formellement demandé le remboursement des montants déduits de sa rémunération depuis le 1er novembre 1987. En ce qui concerne son bulletin de
rémunération afférent au mois de septembre 1994, la requérante fait valoir qu' il ne contenait aucune indication du refus du Parlement de lui rembourser les montants déduits pendant la période comprise entre le 1er novembre 1987 et le 30 avril 1993.

22 De l' avis de la requérante, ce n' est qu' à la réception de la note du 1er décembre 1994 qu' elle a pu prendre connaissance, pour la première fois, de l' acte lui faisant grief qui est contesté devant le Tribunal, à savoir la décision du Parlement refusant de lui rembourser les montants déduits de sa rémunération pendant la période comprise entre le 1er novembre 1987 et le 30 avril 1993. Dès lors qu' elle a introduit en temps utile une réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2, du
statut, contre cette décision, le Parlement ne serait nullement fondé à contester la recevabilité du recours.

Appréciation du Tribunal

23 Le Tribunal relève à titre liminaire que, par son recours, la requérante conteste la décision du Parlement de ne pas lui rembourser les montants qui ont été déduits de sa rémunération, au titre de l' article 67, paragraphe 2, du statut, pendant la période comprise entre le 1er novembre 1987 et le 30 avril 1993.

24 Pour savoir si la requérante est recevable à introduire son recours, il convient d' examiner si, ainsi que le prétend la partie défenderesse, la requérante a pu prendre connaissance de cette décision lui faisant grief au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut avant d' en avoir été informée par la lettre du Parlement du 1er décembre 1994. Il s' agit donc de savoir si cette lettre doit ou non être qualifiée d' acte confirmatif.

25 A cet égard, il y a lieu de constater tout d' abord que, dans sa lettre du 17 mars 1994 adressée au Parlement, la requérante, se référant à une nouvelle décision concernant la nature des allocations qu' elle percevait en vertu de la loi nationale, a demandé le remboursement de l' ensemble des montants déduits de sa rémunération au titre de l' article 67, paragraphe 2, du statut, depuis qu' elle était entrée au service du Parlement le 1er novembre 1987.

26 Le Tribunal constate ensuite que, lors du payement de sa rémunération afférente au mois de juin 1994, la requérante a été effectivement remboursée d' une partie des montants déduits au titre de l' article 67, paragraphe 2, du statut. Or, contrairement à ce que soutient le Parlement, ce remboursement partiel ne saurait être raisonnablement interprété comme une décision de refus de la part du Parlement de lui rembourser la partie restante des montants déduits au même titre.

27 Cette constatation vaut également pour le remboursement effectué lors du payement de la rémunération de la requérante afférente au mois de septembre 1994, à la suite de sa lettre du 24 août 1994. En fait, le remboursement des montants déduits pendant la période du 1er mai 1993 au 28 février 1994, en conséquence d' une décision de mettre fin à l' application de l' article 67, paragraphe 2, du statut aux allocations nationales en question, n' équivaut nullement à une décision de refus de rembourser
les montants déduits en vertu de la même disposition, pendant la période du 1er novembre 1987 au 30 avril 1993.

28 Il convient enfin de relever que la circonstance que, lors du remboursement effectué en septembre 1994, la requérante connaissait les notes aux décomptes des 14 mars et 20 juillet 1994 ne met nullement en cause les constatations qui précèdent. En effet, ces notes ne fournissent aucun élément objectif susceptible d' être interprété comme un éventuel refus de la part du Parlement de rembourser à la requérante les montants déduits de sa rémunération pendant la période du 1er novembre 1987 au 30
avril 1993.

29 Il résulte de ce qui précède que la décision du Parlement contenue dans sa lettre du 1er décembre 1994 doit être qualifiée d' acte faisant grief au sens de l' article 91, paragraphe 1, du statut et non pas comme d' acte confirmatif. Dans ces conditions, le recours dont elle a fait l' objet doit être déclaré recevable.

Sur le fond

30 A l' appui de son recours, la requérante invoque deux moyens tirés, le premier, d' un défaut de motivation, le second, de la violation des dispositions combinées de l' article 67, paragraphe 2, du statut et de l' article 2 de l' annexe VII du statut.

Sur le moyen tiré d' un défaut de motivation

Exposé sommaire de l' argumentation des parties

31 Selon la requérante, la décision litigieuse est entachée d' une absence totale de motivation en ce que le Parlement, contrairement aux exigences d' une jurisprudence constante, n' indique pas les raisons qui sont à sa base et dont la connaissance est indispensable pour en rendre possible le contrôle juridictionnel. Plus précisément, le Parlement n' indiquerait pas la raison pour laquelle il avait décidé de limiter le remboursement des sommes déduites au titre de l' article 67, paragraphe 2, du
statut à la période postérieure au 1er mai 1993.

32 Le Parlement, pour sa part, faisant valoir que le moyen en question n' a pas été soulevé dans la réclamation administrative et que, de ce fait, il doit être rejeté comme irrecevable, estime néanmoins que, en tout état de cause, la référence faite dans la lettre du 1er décembre 1994 à la mise en place d' une nouvelle pratique administrative, à savoir la non-application de la règle anticumul aux allocations nationales en cause, fournit une réponse plausible et adéquate directement liée à la
fixation de la date de prise d' effet de la décision litigieuse, à savoir le 1er mai 1993.

Appréciation du Tribunal

33 Le Tribunal rappelle à titre liminaire que, selon une jurisprudence constante, l' obligation de motiver une décision a pour but de permettre au juge communautaire d' exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée et de fournir à l' intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est entachée d' un vice permettant d' en contester la légalité (voir l' arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, Mancini/Commission, T-508/93, RecFP p. II-761, point
36).

34 Le Tribunal constate ensuite qu' il ressort de la lecture de la lettre du 1er décembre 1994 que le Parlement s' est fondé sur la notion de "changement de pratique administrative", sans effet rétroactif, pour limiter le remboursement des montants déduits en vertu de l' article 67, paragraphe 2, du statut à la date à compter de laquelle "la nouvelle pratique a été mise en place", à savoir le 1er mai 1993.

35 Il s' ensuit que la décision litigieuse donne des indications suffisantes pour permettre à l' intéressée d' en contester le bien-fondé, comme elle l' a d' ailleurs fait, et au juge communautaire d' exercer son contrôle à cet égard. Le moyen tiré d' un défaut de motivation doit, par conséquent, être rejeté.

Sur le moyen tiré de la violation des dispositions combinées de l' article 67, paragraphe 2, du statut et de l' article 2 de l' annexe VII du statut

Exposé sommaire de l' argumentation des parties

36 La requérante fait valoir en substance qu' une institution ne peut opérer une déduction en vertu de l' article 67, paragraphe 2, du statut que pour autant qu' elle établit que les allocations versées par ailleurs sont de même nature que les allocations familiales auxquelles le fonctionnaire a droit conformément à la section 1 de l' annexe VII du statut. En l' espèce, le fait que le Parlement a décidé de mettre fin à l' application de la règle anticumul en ce qui concerne les allocations telles
que celles perçues par la requérante en vertu de la loi danoise, ne pourrait que signifier qu' il a formellement reconnu son erreur d' appréciation quant à la nature de celles-ci. Dans ces conditions, la requérante estime que le Parlement est tenu de lui rembourser toutes les sommes qu' il a déduites au titre de l' article 67, paragraphe 2, du statut, à compter du 1er novembre 1987, majorées d' intérêts calculés aux taux de 8 % l' an.

37 Le Parlement relève, à titre liminaire, qu' aucune disposition statutaire ne prévoit expressément que l' article 67, paragraphe 2, du statut n' est pas applicable aux allocations versées en vertu de la loi danoise. Ensuite, le Parlement fait observer que les institutions disposent d' un large pouvoir d' appréciation pour déterminer la nature des allocations versées au titre d' une législation nationale. Par ailleurs, il estime, d' une part, que sa précédente "pratique administrative" à l' égard
de l' article 67, paragraphe 2, du statut ne constitue pas un acte illégal susceptible d' un retrait ex tunc et, d' autre part, que sa nouvelle pratique ne résulte pas d' une décision individuelle susceptible de générer des droits subjectifs, mais d' une décision applicable à la catégorie abstraite des fonctionnaires danois ayant un ou plusieurs enfants à charge. Enfin, le Parlement se serait fondé exclusivement sur les déclarations de la requérante, sa précédente pratique n' ayant jamais été
contestée par celle-ci.

Appréciation du Tribunal

38 Le Tribunal rappelle que, aux termes de l' article 67, paragraphe 2, du statut, "les fonctionnaires bénéficiaires des allocations familiales visées au présent article sont tenus de déclarer les allocations de même nature versées par ailleurs, ces allocations venant en déduction de celles payées en vertu des articles 1er, 2 et 3 de l' annexe VII".

39 Cette disposition doit être interprétée en ce sens que c' est aux institutions qu' il échoit de déterminer si les allocations déclarées par les fonctionnaires ou agents en vertu de l' obligation qu' elle prévoit sont ou non de même nature que les allocations familiales perçues au titre des articles 1er, 2 et 3 de l' annexe VII du statut. Il s' ensuit que le fait qu' un fonctionnaire déclare des allocations en vertu de l' article 67, paragraphe 2, du statut ne saurait en aucun cas dispenser l'
institution concernée d' examiner dans les meilleurs délais si ces allocations constituent ou non des "allocations de même nature versées par ailleurs" aux fins de l' application de la règle anticumul en question.

40 Par ailleurs, l' article 67, paragraphe 2, du statut ne permet aux institutions de décider de mettre fin à l' application de la règle anticumul qu' il prévoit qu' en deux hypothèses. La première est celle d' un changement objectif de nature des allocations versées par ailleurs, en conséquence, notamment, d' un changement de la législation nationale en vertu de laquelle elles sont payées. La seconde est celle où l' institution, dans l' exercice du devoir qui lui incombe en vertu de cette même
disposition (voir point 39), constate qu' elle n' a pas qualifié de façon correcte, selon des critères objectifs d' application uniforme, les allocations nationales déclarées par l' intéressé et, de ce fait, a procédé indûment à leur déduction. Dans cette hypothèse, la décision obligatoire de mettre fin à l' application de l' article 67, paragraphe 2, du statut prend effet au moment où la première déduction indue est intervenue.

41 Dans ces conditions, force est de constater que c' est à tort que le Parlement, ayant décidé en l' espèce de mettre fin à l' application de l' article 67, paragraphe 2, du statut aux allocations nationales en question au motif qu' elles n' étaient pas de même nature que celles perçues au titre de l' article 2 de l' annexe VII du statut, a refusé de rembourser à la requérante les montants qu' il avait déduits de sa rémunération en application de la même disposition pendant la période du 1er
novembre 1987 au 30 avril 1993.

42 Il s' ensuit que le présent moyen doit être accueilli.

43 Il résulte de l' ensemble de ce qui précède que le recours est fondé.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

44 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Le Parlement ayant succombé en ses moyens et la requérante ayant conclu à la condamnation du Parlement aux dépens, il y a lieu de le condamner à supporter l' ensemble des dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1) La décision du Parlement européen, du 1er décembre 1994, refusant à la partie requérante le remboursement des montants déduits de sa rémunération au titre de l' article 67, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, pour la période du 1er novembre 1987 au 30 avril 1993, est annulée.

2) Le Parlement supportera ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la partie requérante.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : T-141/95
Date de la décision : 06/03/1996
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Fonctionnaires - Rémunération - Allocations nationales - Cessation d'application de la règle anticumul - Étendue du droit au remboursement.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Kirsten Schelbeck
Défendeurs : Parlement européen.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1996:31

Source

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