Avis juridique important
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61995A0023
Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 9 janvier 1996. - Efthimia Bitha, Vasiliki Bitha et Georgios Bitha contre Commission des Communautés européennes. - Couverture des risques d'accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires de la Communauté - Bénéfice des prestations prévues à l'article 73, paragraphe 2, du statut - Décès accidentel - Activité de plongée sous-marine. - Affaire T-23/95.
Recueil de jurisprudence - fonction publique 1996 page IA-00013
page II-00045
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Parties
++++
Dans l'affaire T-23/95,
Efthimia Bitha, Vasiliki Bitha et Georgios Bitha, ayants droit de Krinio Bitha, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Thessalonique (Grèce), représentés par Me Jean-Noël Louis, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. Julian Currall, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Jean-Luc Fagnart, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet l'annulation de la décision de la Commission du 26 avril 1994, par laquelle celle-ci a refusé aux requérants le bénéfice des prestations prévues à l'article 73, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes en cas de décès accidentel d'un fonctionnaire,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
(quatrième chambre),
composé de MM. D. P. M. Barrington, président, K. Lenaerts et Mme P. Lindh, juges,
greffier: M. H. Jung,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 23 novembre 1995,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
Le cadre réglementaire
1 Le présent recours en annulation s'inscrit dans le cadre de la réglementation relative à la couverture des risques d'accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes.
2 En cas de décès accidentel, l'article 73 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») assure aux ayants droit du fonctionnaire décédé, dans les conditions fixées par une réglementation établie d'un commun accord des institutions des Communautés, le paiement d'un capital égal à cinq fois le traitement de base annuel de l'intéressé calculé sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l'accident.
3 L'article 2 de la réglementation relative à la couverture des risques d'accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «réglementation») précise notamment un certain nombre d'événements qui doivent être considérés comme des accidents au sens de la réglementation, sans que cette énumération ne soit exhaustive.
4 L'article 4 de la réglementation se lit comme suit:
«1. Ne sont pas couverts par l'article 73 du statut les accidents résultant:
a) de la participation volontaire à des rixes, sous réserve du paragraphe 2;
b) - d'actes notoirement téméraires,
- de la participation, à l'aide d'engins motorisés, à des compétitions sportives, des épreuves sportives de vitesse et des essais officiels,
- de la pratique de sports réputés dangereux tels que la boxe, le karaté, le parachutisme, la spéléologie, la pêche ou l'exploration sous-marines avec équipement respiratoire comprenant des réservoirs d'alimentation d'air ou d'oxygène;
c) de l'escalade de parois ou d'aiguilles rocheuses ou de sommets de montagne hors des voies frayées, sauf état de nécessité, et sous réserve du paragraphe 2;
d) de la navigation de plaisance à plus de cinq milles marins des côtes;
e) de l'ivresse ou de l'usage de stupéfiants non prescrits médicalement, sauf erreur;
f) de la manipulation consciente d'engins ou de munitions de guerre, sauf état de nécessité.
2. Toutefois, les accidents énumérés au paragraphe 1, points a) et c), sont couverts lorsqu'ils sont survenus dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ou sur le chemin du travail, sauf faute inexcusable du fonctionnaire.»
Faits à l'origine du recours
5 Mlle Krinio Bitha, fonctionnaire de grade LA 6, échelon 3, de la Commission, était membre du club de plongée «Pterois Evere Diving», affilié à la ligue francophone de recherches et d'activités sous-marines (ci-après «Lifras»).
6 Le 4 avril 1993, elle a participé à un exercice de plongée dans les anciennes carrières de pierres de Scoufflény à Marche-lez-Ecaussinnes (Belgique).
7 Au cours de cet exercice, effectué en compagnie de M. A et de M. B, et sous le contrôle d'un moniteur du club, Mlle Krinio Bitha et M. A ont été victimes d'un accident mortel. La mort par noyade de Mlle Krinio Bitha a été constatée par le Dr C, médecin légiste requis par le parquet du procureur du Roi près le tribunal de première instance de Mons (Belgique).
8 Le 14 avril 1994, les ayants droit de Mlle Krinio Bitha ont introduit une demande, au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut, visant à «bénéficier de la couverture prévue par le statut en cas de décès accidentel de fonctionnaires européens». Cette demande a fait l'objet d'une réponse explicite de rejet qui a été portée à la connaissance des ayants droit de Mlle Krinio Bitha par la lettre que le chef de l'unité «assurance maladie et accident» a adressée le 26 avril 1994 au conseil de ces
derniers. Cette décision de rejet était, en substance, motivée de la façon suivante:
«Or, l'article 4, paragraphe 1, sous b), troisième tiret, de la réglementation relative à la couverture des risques d'accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes, dont vous trouverez copie en annexe, stipule que ne sont pas couverts par l'article 73 du statut les accidents résultant de l'exploration sous-marine avec équipement respiratoire comprenant des réservoirs d'alimentation d'air ou d'oxygène. Le décès de Mme Bitha résultant d'un accident de plongée
sous-marine, je suis au regret de vous informer qu'elle ne peut pas bénéficier des dispositions de l'article 73 du statut.»
9 Le 5 juillet 1994, les ayants droit de Mlle Krinio Bitha ont introduit une réclamation à l'encontre de cette décision, qui a été examinée au cours de la réunion du groupe interservices du 28 juillet 1994. A l'appui de leur réclamation, les ayants droit de Mlle Krinio Bitha ont invoqué la violation de l'article 73 du statut, la violation des articles 2 et 4 de la réglementation et une erreur manifeste d'appréciation portant sur la distinction existant entre la «plongée sous-marine» et
l'«exploration sous-marine».
10 Par lettre du 8 novembre 1994, le chef de l'unité «fonction publique européenne - statut et discipline» a informé le conseil des ayants droit de Mlle Krinio Bitha que la Commission avait pris la décision de demander une expertise à l'extérieur pour clarifier certains points développés dans leur réclamation. L'expert consulté, M. Nicholas Flemming, vice-président de la Confédération mondiale des activités subaquatiques, a déposé son rapport le 3 février 1995. Toutefois, ce rapport d'expertise n'a
été transmis au conseil des ayants droit de Mlle Krinio Bitha que le 9 mars 1995, en version anglaise.
Procédure et conclusions des parties
11 Le 10 février 1995, les ayants droit de Mlle Krinio Bitha ont déposé un recours ayant pour objet l'annulation de la décision de la Commission du 26 avril 1994, par laquelle celle-ci leur a refusé le bénéfice des prestations prévues à l'article 73, paragraphe 2, du statut en cas de décès accidentel d'un fonctionnaire.
12 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. La procédure orale s'est déroulée le 23 novembre 1995. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.
13 Les requérants concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:
- annuler la décision de la Commission du 26 avril 1994 refusant aux requérants le bénéfice des prestations garanties, en application de l'article 73, paragraphe 2, du statut, en cas de décès accidentel d'un fonctionnaire;
- annuler, pour autant que de besoin, la réponse implicite de rejet opposée à la réclamation introduite, le 5 juillet 1994, par les requérants;
- condamner la Commission aux dépens.
14 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- déclarer non fondé le recours en annulation formé par les requérants contre la décision de la Commission du 26 avril 1994, leur refusant le bénéfice des prestations garanties, en application de l'article 73, paragraphe 2, du statut, en cas de décès accidentel d'un fonctionnaire;
- condamner les requérants aux dépens.
Sur le fond
15 A l'appui de leur recours, les requérants invoquent un seul moyen, tiré d'une erreur manifeste d'appréciation entraînant la violation de l'article 73 du statut ainsi que des articles 2 et 4 de la réglementation. Selon les requérants, la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'exercice de plongée au cours duquel le décès de Mlle Krinio Bitha est survenu doit être qualifié d'«exploration sous-marine» au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous b), de la
réglementation.
Arguments des parties
16 Les requérants soutiennent que l'article 4, paragraphe 1, de la réglementation prévoit les cas dans lesquels la couverture des risques d'accident et de maladie professionnelle est exclue et qu'il doit être, à ce titre, de stricte interprétation. Par conséquent, l'expression «exploration sous-marine avec équipement respiratoire comprenant des réservoirs d'alimentation d'air ou d'oxygène» devrait être interprétée de façon stricte et ne pourrait être confondue avec l'expression «plongée
sous-marine». L'exploration sous-marine relèverait de modalités de «recherche» au sens scientifique du terme et serait exercée par des plongeurs confirmés, alors que la plongée sous-marine serait, quant à elle, considérée comme un sport ouvert à un large public et ne présenterait pas le moindre danger, pour autant que certaines précautions d'ordre médical soient respectées.
17 En l'espèce, selon les requérants, l'accident ayant causé le décès de Mlle Krinio Bitha est survenu au cours d'un exercice de plongée sous-marine, requis par le programme officiel de la Lifras en vue de l'obtention du brevet moyen de plongée, comme le précisent l'attestation du président de cette ligue, datée du 26 mai 1993, et les déclarations reprises dans les procès-verbaux dressés immédiatement après l'accident. Les requérants ajoutent que cet exercice de plongée relevait des «conditions de
présentation» du brevet, au nombre desquelles figure la réussite de toutes les épreuves en «eau libre», cette dernière notion étant définie comme incluant les eaux habituelles de carrière, de la mer du Nord ou de Zélande.
18 Au stade de la réplique, les requérants émettent un certain nombre de remarques à l'égard du rapport d'expertise déposé par la Commission. D'une part, ce rapport, transmis dans sa version anglaise à une date postérieure à l'expiration du délai d'introduction du présent recours, serait basé exclusivement sur des informations communiquées par la Commission, manquerait de précision et serait étayé de nombreuses suppositions et impressions personnelles, de telle sorte qu'il ne pourrait être qualifié
de rapport d'expertise au sens juridique du terme. D'autre part, selon les requérants, outre le fait qu'il propose une interprétation du statut, ce rapport contient certaines erreurs dans la présentation des faits ayant entouré l'accident mortel en cause, relatives notamment à la qualité de débutante de Mlle Krinio Bitha, aux affirmations concernant la visibilité des eaux de la carrière et à l'absence d'intervention du moniteur accompagnant Mlle Krinio Bitha.
19 Les requérants soulignent également au stade de la réplique que, en prétendant - pour la première fois dans son mémoire en défense - que l'exercice de plongée au cours duquel Mlle Krinio Bitha est décédée est un acte notoirement téméraire, la Commission propose une motivation qu'elle n'a jamais avancé avant l'introduction du présent recours. En effet, selon les requérants, la décision attaquée se fonde exclusivement sur l'article 4, paragraphe 1, sous b), troisième tiret, à l'exclusion du
paragraphe 1, sous b), premier tiret, du même article, relatif aux «actes notoirement téméraires». En outre, la Commission n'aurait pas fait état de cette motivation lors de la réunion du groupe interservices du 28 juillet 1994. La présentation d'une motivation nouvelle au stade du mémoire en défense constituerait dès lors une violation de l'obligation de la Commission de motiver à suffisance de droit ses décisions.
20 Les requérants contestent, à titre subsidiaire, que l'exercice de plongée au cours duquel Mlle Krinio Bitha est décédée puisse être qualifié d'acte notoirement téméraire et contestent les différents éléments avancés par la Commission à cet égard.
21 La Commission répond, tout d'abord, qu'il est constant entre les parties que, lors de l'accident survenu le 4 avril 1993, Mlle Krinio Bitha faisait de la plongée sous-marine avec équipement respiratoire comprenant des réservoirs d'alimentation d'air et d'oxygène et que cet accident est survenu au cours de sa vie privée. Ensuite, elle articule sa défense en deux branches.
22 D'une part, la Commission affirme que l'activité pratiquée par Mlle Krinio Bitha au moment des faits était particulièrement téméraire et avance, à cet égard, différents éléments relatifs aux circonstances ayant entouré la survenance de l'accident en cause.
23 La Commission considère que le reproche formulé par les requérants à l'encontre de la motivation de l'acte attaqué qu'elle a avancée dans son mémoire en défense, selon laquelle l'activité pratiquée par Mlle Krinio Bitha constituait un acte notoirement téméraire, est inexact en droit. En premier lieu, il n'existerait aucune disposition imposant à la Commission d'invoquer, de façon exhaustive, tous les motifs qui peuvent contribuer à justifier la décision qu'elle adopte. En deuxième lieu, la
Commission soutient que le rejet de la demande formulée par les requérants est fondé sur l'article 4, paragraphe 1, sous b), de la réglementation et que les trois tirets de ce point b) forment un ensemble donnant un aperçu d'un même principe, de sorte que le motif invoqué ne serait pas nouveau. En troisième lieu et au surplus, les requérants n'auraient pas démontré que la réponse implicite de rejet de leur réclamation du 5 juillet 1994 ne serait pas également fondée sur le premier tiret du point b)
du paragraphe 1 de l'article 4 de la réglementation.
24 D'autre part, la Commission estime que l'article 4, paragraphe 1, sous b), troisième tiret, de la réglementation exclut certains sports réputés dangereux de la couverture des risques d'accident par le biais d'une présomption irréfragable de dangerosité. Elle ajoute, à cet égard, que la liste des différents sports réputés dangereux repris dans le texte de cette disposition n'est pas exhaustive, dès lors qu'elle débute par les termes «tels que».
25 Selon la Commission, la question est donc de savoir si l'accident au cours duquel Mlle Krinio Bitha est décédée a eu lieu dans le cadre d'une exploration sous-marine. A cet égard, la Commission affirme que tant une interprétation littérale qu'une interprétation téléologique de l'article 4, paragraphe 1, sous b), troisième tiret, de la réglementation conduisent à corroborer le résultat de l'expertise effectuée par M. Nicholas Flemming qui a analysé les textes applicables dans leurs versions
anglaise et française et a retracé l'historique de la plongée sous-marine pour conclure que, au moment de l'accident, Mlle Krinio Bitha effectuait une exploration sous-marine au sens de la disposition en cause.
26 La Commission ajoute qu'elle ne peut admettre la technique d'interprétation restrictive prônée par les requérants dès lors que cette technique vise à donner la préférence à l'une des interprétations proposées, sans toutefois chercher quelle a été la pensée des auteurs du texte. Selon la Commission, les principes dégagés par la jurisprudence communautaire et la jurisprudence des États membres, ainsi que les dispositions de la convention de Vienne du 23 mai 1969 relative au droit des traités,
imposent de se référer à des critères intrinsèques au texte lui-même, comme dans les techniques d'interprétation textuelle et d'interprétation systémique, ou à des critères extrinsèques, comme les travaux préparatoires, les usages, la pratique et le but poursuivi. La Commission relève, en outre, que les systèmes juridiques qui connaissent la technique de l'interprétation restrictive prônée par les requérants n'y ont recours qu'en dernière extrémité. Or, en l'espèce, la Commission estime avoir
démontré que l'article 4, paragraphe 1, sous b), de la réglementation peut facilement être interprété tant par l'analyse du texte que par une lecture téléologique, de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'appliquer la technique de l'interprétation restrictive et qu'il convient de l'écarter.
27 La Commission affirme également que les arguments des requérants sur la signification de l'expression «exploration sous-marine» ne résistent pas à l'analyse. En premier lieu, l'allégation selon laquelle la plongée sous-marine ne présente pas le moindre danger, contrairement à l'exploration sous-marine, serait sans pertinence puisque, d'une part, les requérants confondraient ainsi le premier et le troisième tiret de l'article 4, paragraphe 1, sous b), de la réglementation alors que ce dernier
exclut toute activité d'exploration sous-marine, même si c'est à tort qu'elle est considérée comme dangereuse, et que, d'autre part, en l'espèce la plongée en question était effectivement dangereuse. En second lieu, l'attestation établie par le président de la Lifras aurait simplement pour but de démontrer que la responsabilité de cette ligue ne peut être mise en cause et elle serait dépourvue de valeur juridique en l'espèce, puisqu'elle aurait été établie dans l'ignorance du fait que toute plongée
qui n'est pas effectuée dans un objectif de pêche s'analyse nécessairement en une exploration sous-marine.
28 La Commission conclut que l'exercice de plongée sous-marine au cours duquel Mlle Krinio Bitha est décédée constitue un acte notoirement téméraire au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous b), premier tiret, de la réglementation et que, si cette activité ne devait pas être considérée comme telle, il s'agit en toute hypothèse d'une exploration sous-marine au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous b), troisième tiret, de la réglementation, de sorte que, en tout état de cause, le recours doit être
rejeté.
Appréciation du Tribunal
29 Le Tribunal relève que les termes de la décision du 26 avril 1994, par laquelle la Commission refuse aux requérants le bénéfice des prestations prévues à l'article 73, paragraphe 2, du statut en cas de décès accidentel d'un fonctionnaire, se réfèrent exclusivement à l'article 4, paragraphe 1, sous b), troisième tiret, de la réglementation, et non pas à l'ensemble des tirets de l'article 4, paragraphe 1, sous b), de la réglementation, comme le prétend la Commission.
30 En outre, contrairement à ce que soutient la Commission, il ne saurait être admis que, sous le couvert d'une réponse implicite de rejet d'une réclamation introduite au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, la Commission puisse ultérieurement modifier les motifs d'une décision qu'elle a adoptée, en justifiant cette dernière, par exemple, au regard d'autres dispositions que celle initialement invoquée. En effet, une telle démarche amènerait la Commission à violer son obligation de motiver
ses décisions, telle qu'elle résulte des dispositions combinées des articles 25, paragraphe 2, et 90, paragraphe 2, du statut et qui a pour but, d'une part, de fournir aux requérants une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé du refus de leur demande et l'opportunité d'introduire un recours devant le Tribunal et, d'autre part, de permettre à celui-ci d'exercer son contrôle (voir les arrêts de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22, et du 7 février
1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec. p. I-225, point 15; ainsi que l'arrêt du Tribunal du 12 février 1992, Volger/Parlement, T-52/90, Rec. p. II-121, point 40).
31 Compte tenu de ces éléments, le Tribunal considère que, dans le cadre du présent recours, il doit se limiter à examiner si la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'activité au cours de laquelle Mlle Krinio Bitha est décédée était visée à l'article 4, paragraphe 1, sous b), troisième tiret, de la réglementation, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la conformité de la décision attaquée avec l'article 4, paragraphe 1, sous b), premier tiret, de la
réglementation.
32 A cet égard, le Tribunal relève, d'une part, qu'il est constant entre les parties que l'accident en question a eu lieu au cours d'un exercice de plongée sous-marine pratiqué en eau libre avec un équipement respiratoire comprenant des réservoirs d'alimentation d'air ou d'oxygène, dans le cadre de la vie privée de Mlle Krinio Bitha.
33 D'autre part, il ressort de la procédure écrite et des débats tenus à l'audience que les parties divergent quant à la qualification de l'exercice de plongée sous-marine en cause au regard de l'expression «exploration sous-marine» utilisée à l'article 4, paragraphe 1, sous b), troisième tiret, de la réglementation. Les requérants prétendent qu'une telle activité de plongée ne répond pas à cette qualification pour plusieurs raisons.
34 Tout d'abord, les requérants allèguent que la pratique de l'exploration sous-marine se distingue fondamentalement de la pratique de la plongée sous-marine en raison de la nature scientifique de la première et de la nature sportive de la seconde (voir les points 26 et 27 de la requête). Les requérants ont rappelé lors de l'audience que la nature scientifique de l'exploration sous-marine permet de la différencier d'un sport tel que la plongée sous-marine.
35 La signification des termes «exploration sous-marine» défendue par les requérants ne saurait cependant être admise, puisque la disposition litigieuse énumère précisément une liste d'activités qu'elle qualifie elle-même de «sports», au sein de laquelle figure l'exploration sous-marine. Celle-ci, telle qu'elle a été retenue par la réglementation, doit dès lors être considérée comme un sport et non comme l'exercice d'une activité scientifique de recherche. Au surplus, il convient de remarquer que le
conseil des requérants a indiqué lors de l'audience que, à la suite de la diffusion mondiale des reportages réalisés par le commandant Cousteau, l'exploration sous-marine est devenue un sport populaire.
36 Il y a lieu de vérifier ensuite si les termes de la disposition litigieuse permettent de distinguer la plongée sous-marine de l'exploration sous-marine. A cet égard, le Tribunal relève que les auteurs de la réglementation ont seulement différencié, en tant que «sports réputés dangereux», l'exploration sous-marine de la pêche sous-marine. Il s'ensuit que toute activité de plongée sous-marine pratiquée, à titre sportif, avec équipement respiratoire comprenant des réservoirs d'alimentation d'air ou
d'oxygène qui n'a pas pour objet la pêche sous-marine, constitue nécessairement une activité d'exploration sous-marine au sens de la réglementation. Le Tribunal estime dès lors qu'il ressort des termes mêmes de l'article 4, paragraphe 1, sous b), troisième tiret, de la réglementation que la pêche et l'exploration sous-marines avec équipement respiratoire comprenant des réservoirs d'alimentation d'air ou d'oxygène recouvrent l'ensemble des activités sous-marines pratiquées en eau libre avec un tel
équipement par des fonctionnaires dans le cadre de leur vie privée et à titre sportif.
37 Cette interprétation de la signification des termes «exploration sous-marine» est d'ailleurs corroborée par le contenu du rapport d'expertise déposé par M. Nicholas Flemming. En effet, il ressort du point 32 de ce rapport que, dans l'histoire des sports de plongée, l'expression «exploration sous-marine» a été utilisée comme synonyme de l'expression «plongée sous-marine». L'auteur du rapport ajoute d'ailleurs au point 33 que, en langue anglaise, les termes «scuba diving» (désignant la plongée
sous-marine) ont été utilisés tardivement et n'apparaissent pas dans la littérature spécialisée à laquelle il se réfère et qui a été publiée au Royaume-Uni en 1959 et en 1979. Selon le rapport, lorsque les auteurs de la réglementation ont rédigé l'article 4, les termes «scuba diving» n'étaient pas utilisés de façon habituelle dans la Communauté.
38 Il convient d'ajouter que les critiques formulées par les requérants à l'égard du rapport d'expertise ne portent pas sur l'analyse de l'évolution du vocabulaire utilisé pour appréhender les activités sous-marines visées dans la disposition litigieuse, ni sur l'analyse comparative des versions anglaise et française du texte de celle-ci (voir ci-dessus point 18).
39 Il découle de ce qui précède que l'activité pratiquée par Mlle Krinio Bitha au moment où est survenu l'accident qui lui a coûté la vie doit être considérée comme une activité d'exploration sous-marine au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous b), troisième tiret, de la réglementation.
40 Il convient toutefois de répondre aux autres arguments soulevés par les requérants. En premier lieu, lors de l'audience, les requérants ont soutenu que celui qui pratique l'exploration sous-marine prend, en fait, plus de risques que celui qui pratique la plongée sous-marine et que cette dernière est une activité sportive qui n'engendre aucun risque particulier dès l'instant où certaines précautions ont été prises. Étant donné que le Tribunal a déjà constaté que l'activité pratiquée par Mlle
Krinio Bitha au moment de son accident doit être qualifiée d'exploration sous-marine au sens de la disposition litigieuse, cet argument n'est plus pertinent. En tout état de cause, compte tenu du caractère irréfragable de la présomption édictée par l'article 4, paragraphe 1, sous b), troisième tiret, de la réglementation, il n'appartient pas au Tribunal d'examiner si la qualification opérée par la réglementation, en tant que «sport réputé dangereux», de l'exploration sous-marine se justifie dans les
faits. Il convient d'ailleurs d'ajouter que les requérants n'ont soulevé aucune exception d'illégalité à l'encontre de la réglementation.
41 En second lieu, en ce qui concerne l'argument des requérants selon lequel l'attitude de la Commission à l'égard du club de plongée mis sur pied en son sein par les membres de son personnel démontre que la plongée sous-marine est une activité sportive qui n'engendre aucun risque particulier, il convient de relever que l'attitude de la Commission à l'égard d'un tel club de plongée, même à la supposer établie, ne saurait vider l'article 4, paragraphe 1, sous b), troisième tiret, de la réglementation
de son contenu. A cet égard, il y a lieu d'observer que le reproche formulé par les requérants pourrait tout au plus être pertinent dans l'hypothèse où la responsabilité de la Communauté serait mise en cause, en raison d'une éventuelle faute commise par la Commission en rapport avec ledit club de plongée. En revanche, un tel reproche n'est pas de nature à modifier l'esprit ou la lettre de la disposition litigieuse qui présume de façon irréfragable le caractère dangereux de certains sports.
42 Enfin, en ce qui concerne l'argument des requérants selon lequel l'article 4, paragraphe 1, sous b), troisième tiret, de la réglementation doit être interprété restrictivement, le Tribunal considère que, dans les circonstances de l'espèce, cet argument n'est pas pertinent, puisque la signification de la disposition litigieuse est sans ambiguïté.
43 Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que la décision de la Commission du 26 avril 1994 est conforme à l'article 73 du statut et aux articles 2 et 4, paragraphe 1, sous b), troisième tiret, de la réglementation. Le recours doit dès lors être rejeté.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
44 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre la Communauté et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci, sans préjudice des dispositions de l'article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa.
45 Or, en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le 8 novembre 1994, alors que le délai de réponse explicite à la réclamation des requérants était venu à échéance le 5 novembre 1994 et que la réunion du groupe interservices s'était tenue le 28 juillet 1994, la Commission a informé les requérants qu'elle avait décidé de demander une expertise externe. Il s'avère également que le rapport d'expertise commandé a été envoyé à la Commission le 3 février 1995, que cette dernière l'a reçu le 7
février 1995, soit quelques jours avant l'introduction du présent recours et une semaine avant la date d'échéance du délai de recours (le 15 février 1995, compte tenu du délai de distance). Par ailleurs, ledit rapport a seulement été transmis aux requérants, dans sa version originale en langue anglaise, le 9 mars 1995, soit plus d'un mois après avoir été enregistré par les services de la Commission. Cette relation des faits démontre que la Commission a manqué de diligence envers les requérants dans
le cadre de la procédure précontentieuse, en les privant - sans aucun motif apparent - du bénéfice de la connaissance du rapport d'expertise qu'elle leur avait promis au moment où ils ont dû prendre la décision d'introduire ou non le présent recours.
46 En outre, après l'introduction du présent recours, la Commission a avancé, à titre principal, dans son mémoire en défense, une argumentation qui ne correspondait pas à la motivation précise de l'acte attaqué, de sorte qu'elle a contraint les requérants à développer, au stade de leur réplique, des considérations non pertinentes pour la solution du litige (voir ci-dessus points 29 et 30).
47 Le Tribunal estime qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant la Commission à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par les requérants.
Dispositif
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL
(quatrième chambre)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) La Commission est condamnée aux dépens.