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15/09/1995 | CJUE | N°C-254/95

CJUE | CJUE, Ordonnance du Président de la Cour du 15 septembre 1995., Parlement européen contre Angelo Innamorati., 15/09/1995, C-254/95


Avis juridique important

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61995O0254

Ordonnance du Président de la Cour du 15 septembre 1995. - Parlement européen contre Angelo Innamorati. - Pourvoi - Fonctionnaires - Concours - Rejet de candidature - Motivation d'une décision du jury d'un concours général - Sursis à l'exécution de l'arrêt du Tribunal. - Affai

re C-254/95 P-R
Recueil de jurisprudence 1995 page I-02707

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Avis juridique important

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61995O0254

Ordonnance du Président de la Cour du 15 septembre 1995. - Parlement européen contre Angelo Innamorati. - Pourvoi - Fonctionnaires - Concours - Rejet de candidature - Motivation d'une décision du jury d'un concours général - Sursis à l'exécution de l'arrêt du Tribunal. - Affaire C-254/95 P-R
Recueil de jurisprudence 1995 page I-02707

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Mots clés

++++

Fonctionnaires ° Recours ° Arrêt d' annulation ° Effets ° Annulation de la décision d' un jury de concours général attribuant une note éliminatoire à un candidat ° Obligations du jury et de l' autorité investie du pouvoir de nomination

(Statut des fonctionnaires, art. 91)

Sommaire

Dans une hypothèse où le Tribunal a annulé la décision d' un jury de concours général attribuant au requérant, pour l' une des épreuves, une note inférieure au minimum requis et l' excluant en conséquence des autres épreuves, il appartient au jury et à l' autorité investie du pouvoir de nomination de chercher une solution équitable au cas de l' intéressé, de nature à protéger adéquatement les droits de ce dernier, sans qu' il y ait lieu de mettre en cause l' ensemble du résultat du concours ou d'
annuler les nominations intervenues à la suite de celui-ci. Il n' appartient pas au juge des référés de préciser les modalités d' exécution de l' arrêt d' annulation du Tribunal.

Parties

Dans l' affaire C-254/95 P-R,

Parlement européen, représenté par MM. Manfred Peter, chef de division, et José Luis Rufas Quintana, administrateur principal au service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie requérante,

ayant pour objet une demande de sursis à l' exécution de l' arrêt rendu par le Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre) du 30 mai 1995, Innamorati/Parlement (T-289/94, non encore publié au Recueil),

l' autre partie à la procédure étant:

Angelo Innamorati, ancien agent auxiliaire de la Commission des Communautés européennes, candidat au concours général PE/59/A, demeurant à Rome, représenté par Me Jean-Noël Louis, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de la SARL fiduciaire Myson, 1, rue Glesener,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 24 juillet 1995, le Parlement européen a, en vertu de l' article 49 du statut CE et des dispositions correspondantes des statuts CECA et CEEA de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l' arrêt du Tribunal de première instance du 30 mai 1995, Innamorati/Parlement (T-289/94, non encore publié au Recueil), par lequel le Tribunal a annulé la décision du jury du concours général PE/59/A, qui a attribué à M. Innamorati une note inférieure au minimum
requis et a refusé de l' admettre aux autres épreuves du concours.

2 Par acte séparé, déposé au greffe de la Cour le même jour, le Parlement a en outre introduit, conformément à l' article 53 du statut CE et aux dispositions correspondantes des statuts CECA et CEEA, ainsi qu' aux articles 83 et 118 du règlement de procédure, une demande en référé visant, à titre principal, à obtenir le sursis à l' exécution de l' arrêt attaqué.

3 La partie requérante devant le Tribunal a déposé des observations écrites sur la demande en référé le 31 août 1995. Les prises de position écrites des parties comportant toutes les informations dont la Cour a besoin pour statuer sur la demande en référé, il n' a pas paru nécessaire d' entendre les parties en leurs explications orales.

4 A titre liminaire, il y a lieu de rappeler les antécédents du litige, tels qu' il sont relatés dans l' arrêt attaqué:

"1 Le requérant, agent auxiliaire de grade A, groupe II, classe 2, de la Commission des Communautés européennes, a participé au concours général PE/59/A en vue de la constitution d' une liste de réserve d' administrateurs de langue italienne auprès du secrétariat général du Parlement européen.

2 La partie III.B.1. de l' avis de concours, publié le 23 octobre 1992 (JO C 275 A, p. 8), prévoyait que les candidats seraient soumis à six épreuves écrites éliminatoires. En ce qui concerne l' épreuve 1.c), il était précisé:

' c) Synthèse à un dixième de sa longueur d' un document de 2-3 pages avec une tolérance maximum de 10 %, afin d' évaluer les capacités d' analyse et de synthèse, l' objectivité et la précision du candidat.

Durée maximum de l' épreuve: 45 minutes

Points: de 0 à 20

Une notation inférieure à 10 sera éliminatoire.'

3 Le 20 avril 1994, le président du jury a informé le requérant que, pour l' épreuve de synthèse 1.c), il avait obtenu une notation inférieure au minimum requis et que, en conséquence, le jury ne pouvait pas corriger ses autres épreuves écrites.

4 Par lettre du 25 mai 1994, le requérant a demandé que son épreuve soit réexaminée et que la motivation de la notation qui lui avait été attribuée par le jury pour l' épreuve 1.c) lui soit communiquée.

5 Dans une lettre du 13 juin 1994 adressée au président du jury, le conseil du requérant a allégué que les correcteurs de l' épreuve 1.c) n' avaient pas éliminé les candidats n' ayant pas respecté le nombre maximum de mots imposé. Il a également demandé au président du jury de lui indiquer, d' une part, les critères adoptés par le jury pour examiner si les candidats remplissaient les conditions imposées dans l' avis de concours et pour évaluer leurs épreuves, y compris les instructions données aux
correcteurs quant au respect des conditions spécifiques de l' épreuve 1.c), et, d' autre part, les mesures prises en vue de garantir l' anonymat des candidats.

6 Par lettre du 14 juin 1994, le président du jury a confirmé au requérant la décision du jury dans les termes suivants:

' Sur base des paramètres utilisés et selon les critères rigoureux décidés par le jury avant la correction ° en tenant compte d' un ensemble d' éléments énumérés d' autre part dans l' avis de concours ° je suis désolé de vous confirmer que votre notation dans l' épreuve 1.c) est inférieure à ce qui est demandé pour le passage à la phase suivante. Vous avez obtenu en effet 8,33 points (minimum demandé 10 points).'

7 Par lettre du 4 juillet 1994 adressée au président du jury, le conseil du requérant a rappelé sa demande du 13 juin 1994 et a constaté que la lettre du 14 juin 1994 du président du jury ne contenait aucune motivation de la décision du jury. Il a également indiqué son intention d' introduire un recours devant le Tribunal si les précisions qu' il avait demandées ne lui étaient pas communiquées.

8 Par lettre du même jour, le chef de l' unité 'concours' du Parlement a répondu à la lettre du conseil du requérant du 13 juin 1994, en précisant que, dès que le rapport du jury serait signé, le Parlement serait 'en mesure de (lui) communiquer les renseignements souhaités, dans les limites que la Cour de justice ... a assignées au devoir de motivation des décisions des jurys de concours eu égard au secret des délibérations' .

9 Par lettre du 19 juillet 1994, le chef de l' unité 'concours' du Parlement a informé le conseil du requérant de ce qui suit:

' ° Toutes les corrections des épreuves écrites du concours en question ont été effectuées d' une façon anonyme. Même si les candidats étaient tenus d' indiquer leur nom sur les feuilles de réponse, l' anonymat des corrections a été garanti par l' attribution ultérieure d' un numéro de code secret et par l' occultation des données personnelles de l' auteur.

° Les corrections des épreuves 1.c) 1) (tests objectifs) et 1.c) 2) (tests culturels) ont été effectuées par lecteur optique sous surveillance du jury. Toutes les autres épreuves ont été portées à la connaissance des sept membres du jury et corrigées par au moins trois d' entre eux.

° Monsieur Innamorati a demandé un réexamen de ses épreuves. Le jury a procédé à ce deuxième examen en vérifiant qu' aucune erreur ne s' était glissée dans la notation. Il a ainsi confirmé sa décision initiale. Les critères de correction utilisés par les membres dudit jury avaient été définis préalablement à la correction et respectés selon les dispositions de l' avis de concours.' "

5 C' est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 septembre 1994, M. Innamorati a introduit un recours visant à l' annulation de la décision du jury de lui attribuer, pour l' épreuve de synthèse, une note inférieure au minimum requis et de ne pas l' admettre aux autres épreuves du concours.

6 Dans son arrêt, le Tribunal observe (point 17) que le requérant a avancé deux moyens. Le premier est tiré de la violation du principe d' égalité de traitement, de la violation de l' avis de concours et de l' absence de motivation de la décision attaquée. Le second moyen est pris d' une erreur d' appréciation, de l' absence d' impartialité et de la violation des principes régissant les travaux du jury. Cependant, le requérant s' étant désisté lors de l' audience du second moyen, le Tribunal a
estimé (point 18) qu' il n' y avait pas lieu de statuer sur celui-ci.

7 En ce qui concerne la violation du principe d' égalité et de l' avis de concours, le Tribunal constate (point 22) que le requérant n' a apporté aucun élément de fait à l' appui de son affirmation, selon laquelle le jury n' aurait pas éliminé d' autres candidats au concours litigieux qui n' auraient pas respecté les limites de longueur de la synthèse prévue pour l' épreuve 1.c). Aucun élément du dossier ne permettant de conclure en ce sens, le Tribunal a écarté (point 23) la première branche du
premier moyen.

8 En ce qui concerne la deuxième branche du premier moyen tirée de l' absence de motivation de la décision du jury, le Tribunal rappelle (point 26) la jurisprudence constante selon laquelle l' obligation de motivation d' une décision faisant grief a pour but, d' une part, de fournir à l' intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non fondée et, d' autre part, d' en rendre possible le contrôle juridictionnel. Le Tribunal rappelle (point 27) également que, en cas de
concours à participation nombreuse, une jurisprudence établie autorise le jury, dans un premier stade, à ne communiquer aux candidats que les critères et le résultat de la sélection et à ne fournir qu' ultérieurement des explications individuelles aux candidats qui le demandent expressément.

9 En l' occurrence, le Tribunal constate (points 28 et 29) que de telles explications ont été expressément demandées à plusieurs reprises par M. Innamorati, par lettre du 25 mai 1994, ou par son conseil, par lettres des 13 juin et 4 juillet 1994, et que les réponses du Parlement des 14 juin et 19 juillet 1994 ne contiennent pas de motivation de la décision litigieuse du jury ni ne précisent le contenu des critères de correction préalablement établis que le jury aurait respectés.

10 Le Tribunal en conclut (point 30) que, avant l' introduction du recours, le Parlement n' a fourni aucune motivation permettant, d' une part, au requérant d' apprécier le bien-fondé du rejet de sa candidature et, d' autre part, au Tribunal d' exercer son contrôle.

11 Le Tribunal ajoute (point 31) que cette absence totale de motivation ne peut pas être couverte par les explications fournies par le Parlement, après l' introduction du recours, dans le mémoire en défense et lors de l' audience, car, à ce stade, de telles explications ne rempliraient plus leur fonction.

12 Au surplus, le Tribunal relève (point 32) que "la simple affirmation contenue dans le mémoire en défense, selon laquelle l' échec du requérant était dû à la 'mauvaise qualité de résumé' , ne saurait être considérée comme une motivation suffisante. En effet, cette affirmation n' explique, même sommairement, ni les motifs pour lesquels le jury est parvenu à cette conclusion ni la relation entre les critères adoptés par le jury, eux-mêmes non précisés, et la notation en cause. De même, la référence,
non circonstanciée, faite par l' agent de la partie défenderesse, lors de la procédure orale, à certains critères que le jury aurait retenus pour la notation de l' épreuve 1.c), est trop vague pour pouvoir pallier le défaut de motivation de la décision contestée".

13 En conséquence, le Tribunal a annulé la décision litigieuse pour absence de motivation.

14 S' agissant de la présente demande de sursis, il y a lieu de rappeler que, selon l' article 53 du statut CE et les dispositions correspondantes des statuts CECA et CEEA, un pourvoi contre un arrêt du Tribunal n' a pas en principe d' effet suspensif. Toutefois, en application des articles 185 et 186 du traité CE et des dispositions correspondantes des traités CECA et CEEA, la Cour peut, si elle estime que les circonstances l' exigent, ordonner le sursis à l' exécution de l' arrêt attaqué.

15 En vertu de l' article 83, paragraphe 2, du règlement de procédure, une décision ordonnant le sursis, en application des dispositions précitées, est subordonnée à l' existence de circonstances établissant l' urgence ainsi que de moyens de fait et de droit justifiant à première vue l' octroi du sursis.

16 Selon une jurisprudence constante, l' urgence doit s' apprécier par rapport à la nécessité qu' il y a de statuer provisoirement afin d' éviter qu' un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire.

17 En ce qui concerne la condition relative à l' urgence, le Parlement fait valoir que l' exécution de l' arrêt léserait considérablement l' intérêt de l' institution ainsi que celui des tiers, sans donner un avantage essentiel à M. Innamorati. A l' appui de cette affirmation, il soutient que l' exécution de l' arrêt aurait pour conséquence d' admettre l' intéressé à d' autres épreuves écrites desquelles il a été exclu par la décision annulée du jury et d' obliger l' institution à organiser une
nouvelle procédure de concours général afin de garantir l' égalité de traitement entre le candidat lésé et les autres candidats, le concours antérieur ainsi que la liste de réserve déjà établie n' ayant "plus de valeur". Le Parlement ajoute que M. Innamorati n' aurait pour autant aucune certitude de réussir et d' être finalement sur une liste de réserve. Dans ces conditions, le Tribunal n' aurait pas mis en balance l' intérêt personnel de M. Innamorati, d' une part, et l' intérêt des lauréats dudit
concours et de l' institution, d' autre part.

18 A cet égard, il y a lieu de relever qu' il n' appartient pas au juge des référés de préciser les modalités d' exécution de l' arrêt du Tribunal. Il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, il appartient au jury et à l' AIPN de chercher une solution équitable au cas de M. Innamorati, de nature à protéger adéquatement les droits de ce dernier, sans qu' il y ait lieu de mettre en cause l' ensemble du résultat du concours ou d' annuler les nominations intervenues à la suite
de celui-ci (voir notamment arrêt du 6 juillet 1993, Commission/Albani e.a., C-242/90 P, Rec. p. I-3839, points 13 et 14).

19 Il résulte de ce qui précède qu' il n' est pas satisfait à la condition relative à l' urgence, requise par l' article 83, paragraphe 2, du règlement de procédure. Il est, dès lors, sans intérêt d' examiner si les moyens de fait et de droit avancés pas le Parlement peuvent justifier à première vue l' octroi du sursis demandé.

20 Le Parlement demande, à titre subsidiaire, de pouvoir verser le montant des dépens réclamés en première instance sur un compte bloqué rémunérateur d' intérêts jusqu' au prononcé de l' arrêt de la Cour. Il fait valoir, à cet égard, l' existence de difficultés hypothétiques de récupération des dépens qui découleraient du transfert de la résidence de M. Innamorati à Rome.

21 Cette demande doit être rejetée. En effet, elle ne contient aucune argumentation tendant à établir, au regard des circonstances de l' espèce, un risque de préjudice grave et irréparable dans le chef du Parlement, en l' absence de la mesure provisoire sollicitée, même si l' arrêt attaqué devait être annulé dans le cadre de la procédure au principal.

22 Il s' ensuit que la demande en référé doit être rejetée.

Dispositif

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR

ordonne:

1) La demande en référé est rejetée.

2) Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 15 septembre 1995.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-254/95
Date de la décision : 15/09/1995
Type d'affaire : Demande en référé - non fondé, Pourvoi
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi - Fonctionnaires - Concours - Rejet de candidature - Motivation d'une décision du jury d'un concours général - Sursis à l'exécution de l'arrêt du Tribunal.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Parlement européen
Défendeurs : Angelo Innamorati.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Puissochet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1995:288

Source

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