Avis juridique important
|
61993A0586
Arrêt du Tribunal de première instance (deuxième chambre) du 22 mars 1995. - Petros Kotzonis contre Comité économique et social. - Fonctionnaires - Procédure de recrutement - Motivation - Détournement de pouvoir - Passage du cadre linguistique à la catégorie A - Articles 7, 25, 27, 29 et 45 du statut. - Affaire T-586/93.
Recueil de jurisprudence 1995 page II-00665
page IA-00061
page II-00203
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
++++
1. Fonctionnaires ° Recours ° Réclamation administrative préalable ° Notion ° Qualification relevant de l' appréciation du juge
(Statut des fonctionnaires, art. 90, § 2)
2. Fonctionnaires ° Recours ° Acte faisant grief ° Notion ° Acte préparatoire ° Décision de passer, sans écarter les candidatures déjà enregistrées, de la procédure du paragraphe 1 de l' article 29 du statut à celle du paragraphe 2, pour pourvoir à un emploi
(Statut des fonctionnaires, art. 29 et 90)
3. Fonctionnaires ° Vacance d' emploi ° Passage d' une procédure de pourvoi interne à une procédure de recrutement ouverte à des candidatures externes ° Admissibilité ° Nécessaire correspondance entre les conditions exigées par l' avis de vacance et celui de recrutement en cas d' examen simultané de toutes les candidatures suscitées par les deux avis
(Statut des fonctionnaires, art. 29)
4. Fonctionnaires ° Recours ° Moyens ° Détournement de pouvoir ° Notion
5. Fonctionnaires ° Recrutement ° Application de l' article 29, paragraphe 2, du statut ° Choix parmi les candidats ° Pouvoir d' appréciation de l' autorité investie du pouvoir de nomination ° Contrôle juridictionnel ° Limites
(Statut des fonctionnaires, art. 29, § 2)
6. Fonctionnaires ° Recrutement ° Critères ° Équilibre géographique ° Mérites personnels des candidats ° Conciliation
(Statut des fonctionnaires, art. 7 et 27)
7. Fonctionnaires ° Recrutement ° Application de l' article 29, paragraphe 2, du statut ° Interprétation stricte ° Passage du cadre linguistique à la catégorie A ° Admissibilité
(Statut des fonctionnaires, art. 29, § 1 et 2, et 45, § 2)
8. Fonctionnaires ° Décision faisant grief ° Rejet d' une candidature ° Obligation de motivation au plus tard au stade du rejet de la réclamation ° Non-respect ° Régularisation au cours de la procédure contentieuse ° Inadmissibilité
(Statut des fonctionnaires, art. 25, alinéa 2, et 90, § 2)
9. Fonctionnaires ° Recours ° Compétence de pleine juridiction du Tribunal ° Illégalité, pour défaut de motivation, du rejet d' une candidature ° Annulation constituant une sanction excessive ° Réparation, par l' octroi d' une indemnité, du préjudice moral causé par la faute de service
(Statut des fonctionnaires, art. 91, § 1)
Sommaire
1. La qualification exacte d' une lettre ou d' une note relève de la seule appréciation du Tribunal et non de la volonté des parties. Constitue une réclamation, au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut, la lettre par laquelle un fonctionnaire, sans demander expressément le retrait d' une décision, vise clairement à obtenir satisfaction de ses griefs à l' amiable ou encore la lettre qui manifeste clairement la volonté du requérant de contester la décision qui lui fait grief.
2. Constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l' objet d' un recours en annulation les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci. Tel n' est pas le cas, à l' égard d' un fonctionnaire ayant fait acte de candidature à un emploi vacant au stade du pourvoi de celui-ci selon la procédure de l' article 29, paragraphe 1, du
statut, de la décision de passer à la procédure de l' article 29, paragraphe 2, dans le cadre de laquelle sa candidature entrera encore en ligne de compte. Cette décision n' est qu' un acte préparatoire, qui n' affecte pas immédiatement la situation juridique de l' intéressé et contre lequel l' intéressé ne peut diriger des conclusions en annulation.
3. Lorsque, s' agissant de pourvoir à un emploi, l' autorité investie du pouvoir de nomination, faisant usage de son pouvoir discrétionnaire d' élargir, dans l' intérêt du service, ses possibilités de choix, décide de passer d' une procédure de recrutement interne à une procédure de recrutement ouverte à des candidatures externes et, en même temps, décide que les candidats qui se sont manifestés dans le cadre de la première seront pris d' office en considération dans le cadre de la seconde, elle est
tenue d' assurer la correspondance entre les conditions exigées dans l' une et l' autre procédure. En effet, s' il était loisible aux institutions de modifier, d' une étape à l' autre du pourvoi d' un emploi, les conditions de participation, notamment en les assouplissant, celles-ci seraient, en fait, libres d' organiser des procédures de recrutement externes sans avoir à examiner des candidatures internes.
4. La notion de détournement de pouvoir a une portée précise qui se réfère au fait, pour une autorité administrative, d' avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n' est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d' indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées.
5. Lorsqu' elle pourvoit à un emploi de grade A 2 en usant de la faculté ouverte par l' article 29, paragraphe 2, du statut, l' autorité investie du pouvoir de nomination dispose, dans la comparaison des mérites des candidats et dans l' évaluation de l' intérêt du service, d' un large pouvoir d' appréciation. Le contrôle du Tribunal doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux éléments sur lesquels s' est fondée l' administration pour établir son appréciation, celle-ci s' est tenue dans
des limites raisonnables, au terme d' une procédure exempte d' irrégularités, et n' a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée ou à des fins autres que celles pour lesquelles il lui avait été conféré. En outre, dans la comparaison des mérites des candidats, l' autorité investie du pouvoir de nomination doit se fonder sur une appréciation de l' ensemble des qualifications de chaque candidat possédant les qualifications requises par rapport aux qualifications souhaitables pour l' emploi
à pourvoir.
6. L' autorité investie du pouvoir de nomination peut, lors de la nomination à un emploi, faire jouer à la nationalité le rôle de critère préférentiel afin de maintenir ou de rétablir l' équilibre géographique, à la condition qu' il résulte d' un examen comparatif des candidatures que les titres de deux ou plusieurs candidats sont sensiblement équivalents.
7. L' article 29, paragraphe 2, du statut revêt un caractère exceptionnel et doit, dès lors, être interprété strictement. Toutefois, une telle interprétation stricte ne s' impose qu' en ce qui concerne les conditions qui doivent être remplies pour que l' autorité investie du pouvoir de nomination puisse avoir recours à la procédure prévue par cette disposition. En revanche, une fois ces conditions remplies, toute limitation des candidatures pouvant entrer en ligne de compte dans le cadre de cette
procédure porterait atteinte au but même de celle-ci.
Dès lors, la procédure prévue à l' article 29, paragraphe 2, du statut remplace, à tous égards, la procédure de concours et l' ouverture de cette procédure ne peut en aucun cas empêcher l' autorité investie du pouvoir de nomination de prendre en considération des candidats qui auraient pu participer, le cas échéant, à la procédure de concours. Il s' ensuit que l' article 45, paragraphe 2, du statut, en permettant le passage d' un cadre à un autre ou d' une catégorie à une autre par voie de concours,
doit être interprété en ce sens qu' un tel passage est également possible lorsque l' autorité investie du pouvoir de nomination a dûment substitué, à l' ouverture d' une procédure de concours, l' ouverture de la procédure alternative de l' article 29, paragraphe 2, du statut.
De plus, une interprétation selon laquelle l' article 45, paragraphe 2, du statut aurait pour conséquence que le passage d' un cadre ou d' une catégorie à un autre cadre ou à une autre catégorie serait interdit, même dans le cadre d' une procédure au titre de l' article 29, paragraphe 2, du statut, serait susceptible de défavoriser les fonctionnaires des institutions par rapport aux candidats venant de l' extérieur, ce qui porterait atteinte aux principes mêmes sur lesquels est fondé l' article 29
du statut, lequel accorde, de manière générale, dans son paragraphe 1, la prééminence aux candidats ayant déjà la qualité de fonctionnaire.
8. Si l' autorité investie du pouvoir de nomination n' est pas tenue de motiver les décisions de nomination prises à l' issue de la procédure fondée sur l' article 29, paragraphe 2, du statut, elle est, en revanche, tenue de motiver sa décision portant rejet d' une réclamation déposée en vertu de l' article 90, paragraphe 2, du statut, par un candidat non retenu, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était
dirigée. L' absence totale de motivation d' une décision de nomination ne peut pas être couverte par des explications fournies par l' autorité investie du pouvoir de nomination après l' introduction d' un recours, car, à ce stade, de telles explications ne remplissent plus leur fonction, à savoir, d' une part, fournir à l' intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé du rejet de sa candidature et l' opportunité d' introduire un recours devant le Tribunal, et, d' autre part,
permettre à celui-ci d' exercer son contrôle.
9. La compétence de pleine juridiction dont dispose le Tribunal dans les litiges de caractère pécuniaire inclut le pouvoir, même en l' absence de conclusions régulières à cet effet, de condamner l' institution défenderesse au paiement d' une indemnité pour le dommage moral causé par sa faute de service. Lorsque l' annulation, pour défaut de motivation, de la décision portant rejet de la candidature du requérant et, par voie de conséquence, de la décision portant nomination d' un autre candidat
constituerait une sanction excessive de l' irrégularité commise, portant atteinte de manière excessive aux droits de ce tiers, l' allocation d' une indemnité constitue la forme de réparation qui correspond le mieux à la fois aux intérêts du requérant et aux exigences du service.
Parties
Dans l' affaire T-586/93,
Petros Kotzonis, fonctionnaire du Conseil économique et social des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles, représenté par Mes Olivier Slusny et Marcel Slusny, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Ernest Arendt, 8-10, rue Mathias Hardt,
partie requérante,
contre
Comité économique et social des Communautés européennes, représenté par Me Dominique Lagasse, avocat au barreau de Bruxelles, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Georgios Kremlis, membre du service juridique de la Commission des Communautés européennes, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet l' annulation, en premier lieu, de la décision du Comité économique et social de passer à la procédure de l' article 29, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes pour pourvoir à l' emploi déclaré vacant par l' avis de vacance n 62/91, en deuxième lieu, de la décision du Comité économique et social de rejeter la candidature du requérant audit emploi et, en troisième lieu, de la décision portant nomination de M. B. en qualité de directeur auprès du
secrétariat général du Comité économique et social,
LE TRIBUNAL DE PREMI RE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),
composé de MM. B. Vesterdorf, président, D. P. M. Barrington et A. Saggio, juges,
greffier: M. H. Jung,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 24 novembre 1994,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
Les faits à l' origine du litige
1 Depuis le 1er juin 1991, le requérant occupe un emploi de chef de division de grade A 3, en qualité de contrôleur financier, au Comité économique et social (ci-après "CES"). De 1981 jusqu' au 31 mai 1991, il a occupé un emploi de chef de division de grade A 3 à la Cour des comptes dans différents secteurs de contrôle et de gestion des fonds communautaires.
2 Par l' avis de vacance d' emploi n 62/91 (ci-après "avis de vacance"), publié le 23 octobre 1991, le CES a ouvert la procédure destinée à pourvoir l' emploi, de grade A 2, de directeur à la direction A des travaux consultatifs du CES. Les qualifications requises dans l' avis de vacance étaient:
"° Études universitaires complètes sanctionnées par un diplôme ou expérience professionnelle d' un niveau équivalent;
° grande expérience dans la direction d' une unité administrative importante;
° connaissance approfondie des problèmes économiques;
° connaissance approfondie d' une langue des Communautés et connaissance d' une autre langue des Communautés. La connaissance d' une troisième langue est souhaitée".
3 Dans l' avis de vacance, il était en outre indiqué que l' autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après "AIPN") examinerait en priorité les possibilités de pourvoir l' emploi vacant par promotion ou mutation, mais que d' autres fonctionnaires pouvaient manifester leur intention de participer à un concours interne qui serait, le cas échéant, organisé à un stade ultérieur de la procédure de recrutement. Enfin, il était indiqué que l' emploi serait éventuellement réaffecté en fonction d' une
réorganisation des services du CES qui pourrait intervenir au cours de l' année 1992.
4 Dans le délai fixé par l' avis de vacance, treize fonctionnaires du CES ont présenté leur candidature. Le groupe des candidats comprenait un fonctionnaire de grade A 2 du CES, dix fonctionnaires de grade A 3 du CES, parmi lesquels le requérant, et deux fonctionnaires de grade LA 3 du CES, parmi lesquels M. B., de nationalité espagnole, qui était chef de la division de la traduction espagnole depuis son entrée en service au CES en 1989.
5 Lors de sa 359e réunion, le 26 novembre 1991, le bureau du CES, organe compétent pour l' organisation et le fonctionnement du CES en vertu de l' article 8 de son règlement intérieur (JO 1986, L 354, p. 1), a examiné les candidatures à l' emploi déclaré vacant. S' agissant des candidatures des deux fonctionnaires de grade LA 3 et de celle de l' un des fonctionnaires de grade A 3, qui ne possédait pas encore le minimum d' ancienneté de deux ans requis en vue d' une promotion en vertu de l' article
45, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "statut"), il a été porté au procès-verbal qu' elles entreraient en ligne de compte en cas d' organisation d' un concours interne.
6 Lors de sa 361e réunion, le 28 janvier 1992, le bureau du CES a décidé de passer à la procédure de recrutement prévue à l' article 29, paragraphe 2, du statut. Le 24 mars 1992, le Conseil ayant donné son accord à cette décision, conformément à l' article 57 du règlement intérieur du CES, l' avis de recrutement CES/62/91 (ci-après "avis de recrutement"), relatif à l' emploi en cause, a été publié au Journal officiel des Communautés européennes (JO 1992, C 73 A, p. 1). Par lettre du 31 mars 1992, le
président du CES a informé le requérant de la décision d' ouvrir ladite procédure de recrutement, en lui indiquant que sa candidature ferait "l' objet d' un nouvel examen dans le cadre de la procédure prévue à l' article 29, paragraphe 2, à moins (qu' il) n' en (décide) autrement". Dans le délai fixé par l' avis de recrutement, une centaine de personnes, exerçant leurs fonctions tant à l' intérieur qu' à l' extérieur du CES, ont posé leur candidature.
7 Il ressort du dossier que, afin de l' aider dans la procédure de sélection, le bureau du CES a désigné un groupe ad hoc composé de six membres, lequel a constaté, à l' issue d' un premier examen des dossiers des candidats, que 80 des candidats ne répondaient pas aux qualifications requises dans l' avis de recrutement. A l' issue d' une audition des candidats, le groupe ad hoc a sélectionné six candidats, qu' il a considérés comme étant les mieux qualifiés. Parmi les six candidats présélectionnés
figuraient le requérant, M. B. et M. V., chef de division de grade A 3 à la direction agriculture et pêche du CES et de nationalité espagnole. Dans une note du 2 février 1993, le requérant a qualifié ce dernier de "candidat considéré comme ayant le plus de chances pour ce choix".
8 Lors de sa 374e réunion, le 23 février 1993, le bureau du CES a décidé, par vote au scrutin secret, de proposer au Conseil, conformément à l' article 57 du règlement intérieur du CES, la nomination de M. B. au poste vacant. Cette proposition a été communiquée au Conseil par lettre du président du CES du 25 février 1993. Les autres candidats ont ensuite été informés, par lettre du secrétaire général du CES du 1er mars 1993, que leur candidature n' avait pas été retenue.
9 Par décision du président du Conseil du 10 mai 1993, M. B. a été promu au grade A 2 et nommé directeur auprès du secrétariat général du CES à partir du 1er mai 1993. Cette décision a été modifiée par une décision du président du Conseil du 30 juin 1993, portant nomination de M. B. en qualité de directeur auprès du secrétariat général du CES à partir du 1er juin 1993.
10 Entre-temps, le 25 mai 1993, le requérant avait introduit, par la voie hiérarchique, un document intitulé "réclamation contre le Comité économique et social sur base de l' article 90 § 2, du statut", dans lequel il invoquait une violation des articles 7, 25, 27, 29 et 45 du statut. Le CES n' a pas répondu à ce document dans le délai de quatre mois prévu à l' article 90, paragraphe 2, deuxième alinéa, du statut.
Procédure
11 C' est dans ces conditions que, par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 22 décembre 1993, le requérant a introduit le présent recours.
12 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables. Le Tribunal a, toutefois, invité les parties à répondre par écrit à certaines questions.
13 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l' audience le 24 novembre 1994.
Conclusions des parties
14 Le requérant conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:
° annuler la décision du bureau du CES indiquant que sa candidature n' avait pas été retenue;
° annuler la décision du bureau du CES de passer à la procédure de recrutement prévue à l' article 29, paragraphe 2 du statut;
° annuler la décision portant nomination de M. B. en qualité de directeur auprès du secrétariat du CES;
° condamner la partie adverse aux frais et dépens de l' instance.
15 Le CES conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:
° déclarer le recours irrecevable, à tout le moins non fondé;
° par conséquent, le rejeter et statuer comme de droit sur les dépens.
Sur la recevabilité du recours
Arguments des parties
16 Le CES soutient que le recours est irrecevable au motif qu' il est fondé sur une réclamation elle-même irrecevable. A l' appui de sa thèse, le CES fait valoir, en premier lieu, que le document intitulé "réclamation", introduit le 25 mai 1993, ne contient aucune demande et qu' il est dirigé non pas contre une décision précise mais "contre le Comité économique et social".
17 En second lieu, le CES soutient que le document en cause, pour autant qu' il s' appuie sur une violation de l' article 29, paragraphe 1, du statut, a été manifestement introduit en dehors du délai de trois mois prévu par l' article 90, paragraphe 2, du statut.
18 Le requérant conteste que sa réclamation ait manqué de clarté et souligne qu' elle devait nécessairement être dirigée contre le CES en tant qu' institution mise en cause.
19 Le requérant estime qu' il était recevable à introduire sa réclamation, même dans la mesure où elle était fondée sur une violation de l' article 29, paragraphe 1, du statut, dans un délai de trois mois à partir de la notification de la décision portant rejet de sa candidature, à savoir à partir du 2 mars 1993, date à laquelle il a reçu la lettre du secrétaire général du CES du 1er mars 1993.
Appréciation du Tribunal
20 A titre liminaire, le Tribunal relève qu' il y a lieu d' interpréter le premier moyen d' irrecevabilité soulevé par le CES en ce sens que le document intitulé "réclamation contre le Comité économique et social sur base de l' article 90 § 2 du statut" ne constituait pas une réclamation au sens de ladite disposition et que la condition d' un déroulement régulier de la procédure administrative préalable à l' introduction d' un recours contentieux n' est donc pas remplie.
21 A cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la qualification exacte d' une lettre ou d' une note relève de la seule appréciation du Tribunal et non de la volonté des parties. En outre, selon une jurisprudence tout aussi constante, constitue une réclamation la lettre par laquelle un fonctionnaire, sans demander expressément le retrait de la décision en cause, vise clairement à obtenir satisfaction de ses griefs à l' amiable ou encore la lettre qui manifeste
clairement la volonté du requérant de contester la décision qui lui fait grief (voir, par exemple, l' ordonnance du Tribunal du 15 juillet 1993, Hogan/Parlement, T-115/92, Rec. p. II-895, point 36).
22 En l' espèce, le Tribunal constate qu' il ressort de l' intitulé même du document, introduit par la voie hiérarchique conformément à l' article 90, paragraphe 3, du statut, qu' il s' agit d' une réclamation au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut.
23 De plus, il ressort également du contenu dudit document que le requérant conteste la décision portant nomination de M. B. en qualité de directeur auprès du secrétariat général du CES ainsi que la décision portant rejet de sa propre candidature. Ainsi, le requérant fait, notamment, valoir que lesdites décisions ont été prises en violation des articles 7, 25, 27, 29 et 45 du statut, ce qui ne peut qu' être compris qu' en ce sens que le requérant, bien qu' il ne l' ait pas fait expressément,
demandait le retrait de ces décisions.
24 Les décisions visées par le document introduit par le requérant le 25 mai 1993 étant, en ce qu' elles ont affecté directement et immédiatement la situation juridique du requérant, des actes lui faisant grief, le Tribunal en conclut que ledit document constituait bien, comme le soutient le requérant, une réclamation au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut.
25 En ce qui concerne le second moyen d' irrecevabilité invoqué par le CES, selon lequel la réclamation a été introduite hors du délai prévu à l' article 90, paragraphe 2, du statut, il convient de relever qu' il ne concerne, ainsi que le CES le reconnaît lui-même, que la partie de la réclamation fondée sur une violation de l' article 29, paragraphe 1, du statut. Sans qu' il soit nécessaire d' examiner, dans le contexte de la réclamation en tant que telle, la question de savoir si celle-ci, pour
autant qu' elle fait état d' une prétendue violation de l' article 29, paragraphe 1, a été introduite tardivement, il y a lieu de constater qu' une telle tardiveté partielle ne saurait, en tout état de cause, entraîner l' irrecevabilité du recours.
Sur la recevabilité des conclusions visant à l' annulation de la décision de passer à la procédure prévue à l' article 29, paragraphe 2, du statut
26 Le CES soutient que le recours est irrecevable en tant qu' il tend à l' annulation de la décision du bureau du CES, du 28 janvier 1992, de passer à la procédure de l' article 29, paragraphe 2, du statut, le requérant ayant omis d' adresser en temps utile au CES une réclamation à l' encontre de cette décision.
27 Le requérant fait valoir que, à l' époque, il ne devait pas introduire de réclamation contre cette décision.
28 Le Tribunal rappelle, liminairement, qu' il résulte d' une jurisprudence constante que constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l' objet d' un recours en annulation les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci (voir l' arrêt du Tribunal du 15 juin 1994, Pérez Jiménez/Commission, T-6/93, RecFP p. II-497, point 34).
29 Il convient, par ailleurs, de rappeler que, en matière de recours de fonctionnaires, les actes préparatoires d' une décision ne font pas grief au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut et ne peuvent être contestés que de façon incidente lors d' un recours contre les actes annulables (voir, en dernier lieu, l' arrêt Pérez Jiménez/Commission, précité).
30 En l' espèce, la décision de passer à la procédure prévue à l' article 29, paragraphe 2, du statut, qui n' excluait pas la participation du requérant à ladite procédure, puisque le secrétaire général l' a informé, par lettre du 31 mars 1992, que sa candidature serait prise en compte, n' a pas affecté immédiatement la situation juridique du requérant. Il en résulte que le requérant n' était pas tenu d' introduire, à l' époque, une réclamation contre ladite décision.
31 Toutefois, il est de jurisprudence constante que les conditions de recevabilité d' un recours fixées par les articles 90 et 91 du statut sont d' ordre public et que le juge communautaire peut, dès lors, les examiner d' office (voir, par exemple, l' ordonnance du Tribunal du 11 mai 1992, Whitehead/Commission, T-34/91, Rec. p. II-1723, et l' arrêt du Tribunal du 6 décembre 1990, Mme B./Commission, T-130/89, Rec. p. II-761). Dans ces conditions, et bien que le CES n' ait pas soulevé de moyen d'
irrecevabilité à cet égard, le Tribunal estime que les conclusions visant à l' annulation de la décision de passer à la procédure de l' article 29, paragraphe 2, du statut doivent être déclarées irrecevables, en ce qu' elles sont dirigées contre un acte préparatoire qui ne constitue pas un acte faisant grief au requérant (voir, dans le même sens, l' arrêt Mme B./Commission, précité).
32 Le Tribunal ajoute que le fait que ces conclusions soient déclarées irrecevables n' empêche pas le requérant d' invoquer, à l' appui de ses conclusions dirigées contre les actes annulables, l' irrégularité éventuelle de la décision de passer à la procédure de l' article 29, paragraphe 2, du statut (voir, ci-dessus, point 29).
Sur le fond
33 Le requérant invoque cinq moyens tirés, respectivement, d' une violation de l' article 29 du statut, d' une violation de l' obligation de procéder à un examen comparatif des candidatures, d' un détournement de pouvoir ou de procédure et d' une violation des articles 7 et 27 du statut, d' une violation de l' article 45 du statut et, enfin, d' une violation de l' article 25 du statut.
Sur le moyen tiré d' une violation de l' article 29 du statut
34 Dans le cadre de ce moyen, le requérant fait valoir, en substance, que le CES aurait dû obligatoirement suivre les différents stades de procédure énumérés à l' article 29, paragraphe 1, du statut, que l' avis de recrutement était entaché d' une irrégularité, en ce qu' il n' a pas été rédigé en concordance avec l' avis de vacance, et que la décision de passer à la procédure prévue à l' article 29, paragraphe 2, du statut n' était pas justifiée.
35 Le CES conteste la recevabilité de ce moyen en tant qu' il est pris de l' irrégularité de l' avis de recrutement, au motif que le requérant n' a pas d' intérêt à l' invoquer. Le CES affirme, en outre, que le requérant aurait, en tout état de cause, dû introduire une réclamation contre l' avis de recrutement dans un délai de trois mois à partir de la publication de celui-ci.
36 Toutefois, dans les circonstances de l' espèce, le Tribunal estime approprié d' examiner, d' emblée, le moyen au fond.
Arguments des parties
37 Le requérant fait valoir que les différents stades de procédure énumérés à l' article 29, paragraphe 1, du statut doivent obligatoirement être suivis dans l' ordre indiqué, obligation qui n' a pas été respectée par le CES.
38 De plus, le requérant fait observer que l' avis de recrutement ne visait aucun emploi déterminé, mais le recrutement d' un directeur, sans plus. En revanche, les fonctions décrites dans l' avis de vacance étaient celles afférentes à un emploi de directeur à la direction A des travaux consultatifs. Dans ce contexte, le requérant souligne que M. B. a finalement été affecté à un emploi de directeur à la direction de la communication, lequel impliquerait des fonctions tout à fait différentes de
celles d' un directeur à la direction A des travaux consultatifs. Le requérant affirme que le CES est, dès lors, sorti du cadre de légalité qu' il s' était lui-même imposé. A l' appui de sa thèse selon laquelle il y a donc eu une violation de l' article 29 du statut, le requérant invoque l' arrêt de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission (C-343/87, Rec. p. I-225), et l' arrêt du Tribunal du 3 mars 1993, Booss et Fischer/Commission (T-58/91, Rec. p. II-147, notamment point 72).
39 Quant à la décision de passer à la procédure prévue à l' article 29, paragraphe 2, du statut, le requérant soutient, en outre, que le bureau du CES disposait déjà d' un nombre suffisant de candidats, parmi lesquels il pouvait effectuer un choix dans le cadre de la procédure de promotion ou de mutation, puisqu' il y avait, parmi les treize candidats qui avaient introduit leur candidature, un directeur et douze chefs de division.
40 S' appuyant sur le libellé de l' article 29, paragraphe 2, du statut et sur l' arrêt du Tribunal du 23 février 1994, Coussios/Commission (T-18/92 et T-68/92, RecFP p. II-171, point 58), le CES conteste l' interprétation du requérant selon laquelle les différents stades de procédure énumérés à l' article 29, paragraphe 1, du statut doivent obligatoirement être suivis dans l' ordre indiqué.
41 Quant à l' allégation du requérant selon laquelle l' avis de recrutement ne visait aucun emploi déterminé, le CES soutient que ledit avis était en parfaite concordance avec l' avis de vacance. De plus, l' affectation de M. B. à un emploi de directeur à la direction de la communication n' aurait été que le résultat d' une réorganisation des services du CES, dont la possibilité avait été expressément réservée tant dans l' avis de vacance que dans l' avis de recrutement.
42 Le CES explique, en outre, que, étant donné le niveau élevé de l' emploi à pourvoir et le fait que seulement treize fonctionnaires avaient introduit leur candidature à la suite de la publication de l' avis de vacance, le bureau du CES a estimé qu' il était indispensable de disposer d' un maximum de candidatures, y compris de candidatures venant de l' extérieur du CES.
Appréciation du Tribunal
43 Il convient de rappeler qu' il résulte d' une jurisprudence constante que l' utilisation du terme "possibilités" à l' article 29 du statut indique clairement que l' AIPN n' est pas tenue, d' une manière absolue, de procéder aux mesures qui y sont mentionnées, mais simplement d' examiner, dans chaque cas, si elles sont susceptibles d' aboutir à la nomination d' une personne possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d' intégrité (voir, en dernier lieu, l' arrêt
Coussios/Commission, précité, point 98). Il s' ensuit que l' argumentation du requérant selon laquelle le CES aurait dû suivre obligatoirement, dans l' ordre indiqué, les différents stades de procédure énumérés à l' article 29, paragraphe 1, du statut n' est pas fondée.
44 Pour ce qui est de la légalité de la décision de passer à la procédure prévue à l' article 29, paragraphe 2, du statut, le Tribunal rappelle qu' il est de jurisprudence constante que l' AIPN n' est pas tenue de donner suite à une procédure de recrutement une fois entamée, mais qu' elle dispose d' un pouvoir discrétionnaire d' élargir, dans l' intérêt du service, ses possibilités de choix (voir, en dernier lieu, l' arrêt du Tribunal du 14 février 1990, Hochbaum/Commission, T-38/89, Rec. p. II-43,
point 15). Le Tribunal constate, ensuite, qu' en l' espèce le requérant n' a avancé aucun élément de nature à établir que la décision de passer à la procédure de l' article 29, paragraphe 2, du statut n' a pas été prise afin d' élargir les possibilités de choix de l' AIPN ou que l' appréciation de celle-ci, selon laquelle un tel élargissement était souhaitable, a été entachée d' un erreur de droit ou de fait. A cet égard, le Tribunal souligne que le seul fait que treize candidats, parmi lesquels un
directeur et douze chefs de division, avaient présenté leur candidature dans le cadre de la procédure de promotion ou de mutation ne saurait signifier nécessairement que l' AIPN disposait déjà de possibilités de choix suffisantes.
45 Quant à la rédaction de l' avis de recrutement, il y a lieu de relever que, si l' AIPN dispose d' une large marge d' appréciation dans la comparaison des titres des candidats, elle est tenue d' exercer ce pouvoir dans le cadre qu' elle s' est imposé à elle-même par l' avis de vacance (voir, par exemple, les arrêts Culin/Commission, précité, point 19, et Booss et Fischer/Commission, précité, point 72). Si, comme en l' espèce, l' AIPN décide de passer d' une procédure de recrutement interne à une
procédure de recrutement ouverte à des candidatures externes et, en même temps, décide que les candidats qui se sont manifestés dans le cadre de la procédure de recrutement interne sont pris d' office en considération dans le cadre de la procédure de recrutement ouverte à des candidatures externes, il y a lieu d' appliquer le même principe de correspondance en ce qui concerne les conditions exigées par l' avis de vacance et celles requises par l' avis de recrutement. En effet, comme la Cour l' a
déjà jugé, s' il était loisible aux institutions de modifier les conditions de participation d' une étape à l' autre de la procédure, notamment en les assouplissant, celles-ci seraient, en fait, libres d' organiser des procédures de recrutement externe sans avoir à examiner des candidatures internes (arrêt du 28 février 1989, Van der Stijl et Cullington/Commission, 341/85, 251/86, 258/86, 259/86, 262/86 et 266/86, 222/87 et 232/87, Rec. p. 511, point 52).
46 Toutefois, en l' espèce, la différence observée entre les deux avis ne consiste que dans le fait que l' avis de recrutement ne fait pas mention de ce que l' emploi à pourvoir est un emploi de directeur à la direction A des travaux consultatifs. Les qualifications requises étant restées inchangées, le Tribunal considère qu' une telle différence n' est pas de nature à avoir une incidence quelconque tant sur le déroulement de la procédure de recrutement que sur la décision finale de nomination.
47 A cet égard, le Tribunal relève, en outre, que l' avis de vacance fait expressément mention de la possibilité d' une réaffectation de l' emploi à pourvoir. Dans ces conditions, l' omission de la mention dans l' avis de recrutement de l' affectation précise prévue pour le nouveau directeur ne saurait, en tout état de cause, être considérée comme une modification des conditions de l' avis de vacance.
48 Par conséquent, ce moyen, à le supposer recevable, doit en tout état de cause être rejeté.
Sur le moyen tiré d' une violation de l' obligation d' effectuer un examen comparatif des candidatures
Arguments des parties
49 Le requérant soutient qu' un examen comparatif des mérites des candidats n' a pas eu lieu. Dans ce contexte, le requérant conteste que la lettre du président du CES du 27 janvier 1993, par laquelle il a prévenu les membres du bureau du CES qu' il leur était loisible de consulter les actes de candidature et les dossiers y afférents et leur a transmis un deuxième exemplaire de la documentation confidentielle préparée par le groupe de présélection ad hoc, démontre, comme l' allègue le CES, l'
existence d' un tel examen comparatif. Se référant à l' interprétation donnée à l' article 45 du statut par les arrêts du Tribunal du 30 janvier 1992, Schoenherr/CES (T-25/90, Rec. p. II-63), et de la Cour du 9 décembre 1993, Parlement/Volger (C-115/92 P, Rec. p. I-6549), le requérant demande au Tribunal d' ordonner que le CES produise lesdits documents.
50 Enfin, le requérant allègue que la décision de passer à la procédure de recrutement de l' article 29, paragraphe 2, du statut a été prise sans examen préalable, requis par l' article 45 du statut, des dossiers individuels et des rapports de notation des candidats qui avaient déjà présenté leur candidature. De plus, il n' aurait même pas existé, à l' époque, de rapport de notation concernant M. B.
51 Le CES renvoie au fait que la décision de nommer M. B à l' emploi vacant a été prise à l' issue d' une procédure dont la longueur atteste précisément du souci du CES de veiller à un examen comparatif minutieux des candidatures. Le CES, se référant également à la lettre du président du CES du 27 janvier 1993, susmentionnée, fait valoir que cette lettre démontre que l' ensemble des documents qui y sont mentionnés ont été pris en considération par le bureau du CES.
52 En outre, le CES souligne que, même s' il est vrai que M. B. ne disposait pas de rapport de notation lorsqu' il a été décidé de passer à la procédure de l' article 29, paragraphe 2, du statut, cette circonstance est inopérante, l' article 45 du statut ne s' appliquant que dans le cadre de la procédure de promotion.
Appréciation du Tribunal
53 Le Tribunal constate, d' abord, que le requérant n' a avancé aucun élément de nature à établir ni que la décision de passer à la procédure prévue à l' article 29, paragraphe 2, du statut a été arrêtée sans un examen comparatif préalable des candidatures déjà introduites, ni que la décision finale portant nomination de M. B. à l' emploi vacant a été arrêtée sans qu' il ait été procédé à un tel examen. En revanche, comme l' a soutenu le CES, il ressort du dossier que le bureau du CES a été en
possession tant de tous les dossiers personnels relatifs aux 20 candidats présélectionnés que du rapport du groupe de présélection ad hoc, contenant les résultats de l' examen comparatif effectué par ce groupe de toutes les candidatures introduites dans le cadre de la procédure ouverte au titre de l' article 29, paragraphe 2, du statut.
54 A cet égard, le Tribunal ajoute qu' il n' y a pas lieu d' ordonner que le CES produise les dossiers individuels de l' ensemble des candidats, ces dossiers étant sans pertinence quant à la question de savoir si un examen comparatif des candidatures a bien été effectué.
55 Enfin, étant donné qu' il est constant que la candidature de M. B. ne pouvait être prise en considération dans le cadre de la procédure de promotion ou de mutation, il y a lieu de constater que le fait que le bureau du CES ne disposait pas, à l' époque, d' un rapport de notation de celui-ci n' a pu avoir aucune incidence sur le déroulement de la procédure de recrutement.
56 Il s' ensuit que le moyen n' est pas fondé.
Sur le moyen tiré d' un détournement de pouvoir ou de procédure et d' une violation des articles 7 et 27 du statut
Arguments des parties
57 Ce moyen s' articule en plusieurs branches. Dans une première branche du moyen, le requérant soutient que le CES a violé les articles 7 et 27 du statut en ce qu' il a réservé l' emploi vacant à un ressortissant d' un État membre déterminé, à savoir à un ressortissant espagnol. Dans ce contexte, le requérant allègue que, lors de son entrée en fonction au CES, l' ancien président du CES a promis qu' un emploi de directeur de grade A 2 serait attribué à un fonctionnaire espagnol. Le requérant
poursuit en affirmant que cette promesse du président du CES a dominé toute la procédure de recrutement et que le seul but de cette dernière a été d' assurer la nomination d' un fonctionnaire espagnol. Sur ce point, il soutient qu' un fonctionnaire espagnol a explicitement déclaré, lors du vote final, que "le poste de directeur était destiné à un fonctionnaire espagnol et qu' il n' était pas question de désigner un autre candidat qu' un fonctionnaire espagnol".
58 Dans son mémoire en réplique, le requérant ajoute que le fonctionnaire espagnol désigné par l' ancien président du CES pour occuper un emploi de directeur était M. B. Y. V. Cependant, le groupe de présélection ad hoc n' aurait pas retenu la candidature de M. B. Y. V. Toutefois, afin de tenir la promesse de l' ancien président du CES, le groupe de présélection ad hoc aurait retenu, parmi les six derniers candidats, deux fonctionnaires espagnols, en dépit du fait qu' ils figuraient parmi les
fonctionnaires de grade A 3 les plus récemment entrés en service.
59 Le requérant cite les noms de témoins qui pourraient, selon lui, confirmer ses affirmations. En outre, il se réfère à différentes correspondances entre le CES et diverses personnalités espagnoles, datées de 1989 et 1990, qui démontrent, à son avis, l' intervention de hautes personnalités espagnoles en vue d' obtenir, au profit de fonctionnaires espagnols, un emploi de grade A 2.
60 Sur la base de ces éléments et en se référant aux arrêts de la Cour du 4 mars 1964, Lassalle/Parlement (15/63, Rec. p. 57), et du 30 juin 1983, Schloh/Conseil (85/82, Rec. p. 2105), le requérant invoque l' existence d' un abus de pouvoir de la part du CES.
61 Dans une deuxième branche du moyen, le requérant fait valoir que le groupe de présélection ad hoc a exercé des fonctions et pris des décisions qui, en vertu de l' article 57 du règlement intérieur du CES, incombaient au Conseil. Il conteste en outre que le bureau du CES soit resté maître des décisions à prendre pendant toute la durée de la procédure de nomination.
62 Dans une troisième branche du moyen, le requérant fait valoir que la nomination de M. B. à l' emploi vacant n' est aucunement justifiée et que le bureau du CES n' a pas pris en considération ses compétences et son expérience par rapport à celles de M. B. Le requérant estime qu' il remplissait les conditions requises dans l' avis de vacance et dans l' avis de recrutement et qu' il possédait des qualifications incontestablement supérieures à celles de M. B. Sur ce point, le requérant fait remarquer
que M. B. est d' environ huit ans plus jeune que lui et qu' il était précédemment diplomate. De plus, le requérant fait valoir que M. B. ne possédait pas une connaissance approfondie des problèmes économiques, condition expressément requise tant dans l' avis de vacance que dans l' avis de recrutement.
63 Enfin, le requérant conteste que le CES ait été en droit de prendre en considération le fait que l' emploi serait éventuellement réaffecté en fonction d' une réorganisation des services du CES, puisque ladite possibilité n' était pas mentionnée dans la version espagnole de l' avis de recrutement. D' ailleurs, le requérant conteste qu' une réorganisation des services du CES ait eu lieu.
64 Dans la quatrième branche, le requérant affirme que la décision du bureau du CES de proposer au Conseil la nomination de M. B. à l' emploi de directeur litigieux a été prise sans que les membres du bureau aient tenu compte des tâches qui seraient confiées au nouveau directeur.
65 Enfin, dans la cinquième branche du moyen, le requérant affirme qu' il y a eu un "montage" visant à la nomination d' un fonctionnaire espagnol, sans application de critères précis et transparents, ce qui est démontré, selon lui, par le fait que le Conseil a d' abord promu M. B. à l' emploi de directeur en cause et, ensuite, a remplacé cette décision par une prétendue nomination.
66 Quant à la première branche du moyen, le CES fait valoir que la thèse du requérant, selon laquelle la nomination de M. B. est le résultat d' un détournement de pouvoir, n' est fondée que sur de pures allégations de la part du requérant. Notamment, en ce qui concerne les correspondances échangées entre le CES et diverses personnalités espagnoles, il conteste qu' elles puissent être considérées comme l' indice d' un tel détournement.
67 Selon le CES, les allégations du requérant sont, de plus, réfutées par le fait que M. B. Y. V. n' a même pas été retenu par le groupe de présélection ad hoc parmi les six candidats considérés comme étant les mieux qualifiés, même si le requérant affirme que l' ancien président du CES avait décidé de le choisir.
68 Enfin, le CES rappelle qu' il résulte, en tout état de cause, de la jurisprudence de la Cour que, en présence d' un examen comparatif établissant que les titres des candidats sont sensiblement équivalents, l' AIPN peut faire jouer à la nationalité le rôle de critère préférentiel. A cela, allègue-t-il, s' ajoute le fait que l' AIPN a une plus grande liberté de choix pour les fonctionnaires de grade A 1 et A 2 que pour les fonctionnaires des grades inférieurs.
69 En ce qui concerne la deuxième branche du moyen, le CES affirme que ledit groupe s' est limité à préparer les délibérations du bureau du CES et il conteste, dès lors, qu' il lui ait été attribué des pouvoirs qui appartenaient au Conseil.
70 Quant à la troisième branche du moyen, le CES fait valoir que la décision de nommer M. B. a été prise sur la base d' un examen comparatif des diverses candidatures et que les compétences et l' expérience de l' ensemble des candidats ont été prises en considération par le bureau du CES.
71 En ce qui concerne la quatrième branche du moyen, le CES souligne que la décision concernant le pourvoi de l' emploi de directeur a été reportée à la réunion du bureau du CES du 23 février 1993, précisément afin de tenir compte des exigences du nouveau plan d' organisation.
72 Enfin, s' agissant de la cinquième branche du moyen, le CES soutient que le Conseil a seulement, par sa décision du 30 juin 1993, rectifié une erreur contenue dans la décision du 10 mai 1993.
Appréciation du Tribunal
73 Liminairement, il y a lieu de rappeler, d' une part, que la notion de détournement de pouvoir a une portée précise qui se réfère au fait pour une autorité administrative d' avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés et, d' autre part, que, selon une jurisprudence constante, une décision n' est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d' indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des
fins autres que celles excipées (arrêt du Tribunal du 16 décembre 1993, Turner/Commission, T-80/92, Rec. p. II-1465, point 70).
74 Or, dans le cas d' espèce, les indices invoqués par le requérant à l' appui de sa thèse selon laquelle la nomination de M. B. est le résultat d' un détournement de pouvoir sont dépourvus de pertinence.
75 En premier lieu, en effet, à supposer même que l' ancien président du CES ait promis, dans un avenir proche, un emploi de grade A 2 à M. B. Y. V., en tant que fonctionnaire espagnol, une telle promesse n' aurait pas pu lier les membres du bureau du CES. De surcroît, le Tribunal constate que M. B. Y. V. n' a même pas été retenu parmi les six candidats considérés comme les plus qualifiés par le groupe de présélection ad hoc, ce qui démontre qu' une éventuelle promesse de la part de l' ancien
président du CES n' a, en tout état de cause, pas eu d' incidence sur le déroulement de la procédure de recrutement.
76 En deuxième lieu, les correspondances invoquées par le requérant ne contiennent aucun élément de nature à faire apparaître que la décision portant nomination de M. B. est entachée d' un détournement de pouvoir. De surcroît, il s' agit de correspondances antérieures à l' ouverture de la procédure en cause.
77 En troisième lieu, l' examen du dossier ne révèle aucun élément permettant d' affirmer que le groupe de présélection ad hoc a, comme l' allègue le requérant, exercé des fonctions qui, en vertu de l' article 57 du règlement intérieur du CES, incombaient au Conseil. En effet, comme la Cour l' a déjà jugé, cette disposition doit être interprétée en ce sens que le CES n' est pas empêché de poursuivre la procédure d' une nomination sous l' approbation tacite du Conseil et de la Commission, qui ont, d'
ailleurs, participé à l' acte qui a clôturé cette procédure (arrêt du 20 juin 1987, Gavanas/CES, 307/85, Rec. p. 2435, points 17 à 20). De plus, le Tribunal relève qu' il ressort du dossier que le groupe de présélection ad hoc n' a eu pour fonction que d' aider le bureau du CES dans la phase préparatoire de sa décision finale. Or, il est de jurisprudence constante que l' AIPN peut faire intervenir, au cours de la phase préparatoire de ses décisions, une instance consultative dont elle est libre de
régler la composition et les responsabilités (voir, en dernier lieu, l' arrêt du Tribunal du 25 février 1992, Schloh/Conseil, T-11/91, Rec. p. II-203, point 47).
78 En quatrième lieu, le requérant a soutenu que le bureau du CES n' a pas tenu compte des tâches qui seraient confiées au nouveau directeur, alors qu' il ressort expressément du procès-verbal de la réunion du bureau du CES du 26 janvier 1993 que la décision finale du bureau a été reportée à une date ultérieure, précisément afin de tenir compte des tâches à remplir par le nouveau directeur après la réorganisation des services du CES. Cette allégation est, dès lors, également dénuée de fondement. A
cet égard, le Tribunal constate d' ailleurs qu' il ressort des plans d' organisation des services du CES de janvier 1992 et de juin 1993 qu' une telle réorganisation a, comme l' a soutenu le CES, bien eu lieu. De plus, en ce qui concerne le fait que la possibilité d' une réaffectation en fonction de la réorganisation des services n' ait pas été mentionnée dans la version espagnole de l' avis de recrutement, il suffit de constater que le requérant ne justifie pas d' un intérêt à se plaindre de cette
omission. En effet, pour le requérant, qui est de nationalité grecque et qui avait présenté sa candidature sur la base de l' avis de vacance antérieur, il ne s' agit pas d' un grief qui lui soit personnel et dont il puisse valablement se prévaloir (voir, dans le même sens, les arrêts de la Cour du 30 juin 1983, Schloh/Conseil, précité, point 14, et du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T-3/92, RecFP p. II-83, point 53).
79 Enfin, en cinquième lieu, le Tribunal constate que rien ne permet de mettre en doute que la décision du Conseil du 30 juin 1993, modifiant la décision antérieure du 10 mai 1993 et portant nomination, au lieu de promotion, de M. B. en qualité de directeur de grade A 2, n' a eu d' autre objet que de rectifier, ainsi que l' a allégué le CES, une erreur de plume.
80 A ce stade du raisonnement, il incombe au Tribunal d' examiner les arguments du requérant relatifs aux qualifications requises dans l' avis de recrutement.
81 A cet égard, compte tenu du fait que l' emploi à pourvoir était un emploi de grade A 2, le Tribunal rappelle qu' il est de jurisprudence bien établie que l' AIPN dispose, dans la comparaison des mérites des candidats à un tel poste, doté de grandes responsabilités, et dans l' évaluation de l' intérêt du service, d' un large pouvoir d' appréciation. Le contrôle du Tribunal doit donc se limiter à la question de savoir si, eu égard aux éléments sur lesquels s' est fondée l' administration pour
établir son appréciation, celle-ci s' est tenue dans des limites raisonnables, au terme d' une procédure exempte d' irrégularités, et n' a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée ou à des fins autres que celles pour lesquelles il lui avait été conféré (voir, par exemple, l' arrêt du Tribunal du 13 décembre 1990, Moritz/Commission, T-20/89, Rec. p. II-769, point 29).
82 Le Tribunal rappelle, en outre, que l' AIPN, dans la comparaison des mérites des candidats, doit se fonder sur une appréciation de l' ensemble des qualifications de chaque candidat possédant les qualifications requises par rapport aux qualifications souhaitables pour l' emploi à pourvoir. A cet égard, le Tribunal souligne que le bureau du CES était en droit de prendre en considération les implications que pourrait avoir la réorganisation des services du CES sur les tâches à exercer par le nouveau
directeur, et ce d' autant plus que la possibilité d' une telle réorganisation était mentionnée tant dans l' avis de vacance que dans l' avis de recrutement.
83 Au vu de ces principes, le Tribunal estime que l' examen du dossier ne révèle aucun élément permettant de conclure que l' appréciation des mérites des candidats ait été entachée d' une erreur de fait ou de droit.
84 En effet, le Tribunal relève, en ce qui concerne la question de savoir si M. B. possédait "une connaissance approfondie d' économie", qu' il ressort des pièces produites par le CES, en réponse à une question du Tribunal, que l' appréciation du bureau du CES, selon laquelle M. B. avait acquis, pendant ses études et sa vie professionnelle, les connaissances requises, ne saurait être regardée comme entachée d' une erreur de droit ou de fait.
85 Au vu de l' ensemble des circonstances et des considérations ci-dessus exposées, le Tribunal constate que le requérant n' a soumis au Tribunal aucun indice objectif et pertinent d' un détournement de pouvoir de la part de la partie défenderesse. Dès lors, le Tribunal considère qu' il n' y a pas lieu d' entendre les témoins désignés par le requérant.
86 Le Tribunal souligne, à cet égard, que, comme l' a soutenu le CES, selon une jurisprudence bien établie, l' AIPN peut faire jouer à la nationalité le rôle de critère préférentiel afin de maintenir ou de rétablir l' équilibre géographique, à la condition qu' il résulte d' un examen comparatif des candidatures que les titres de deux ou plusieurs candidats sont sensiblement équivalents (voir, notamment, l' arrêt de la Cour du 30 juin 1983, Schloh/Conseil, précité, point 26). Pour ce motif
supplémentaire, le Tribunal considère qu' il serait, en tout état de cause, inutile d' entendre les témoins désignés par le requérant.
87 Ce moyen doit, dès lors, être écarté.
Sur le moyen tiré d' une violation de l' article 45, paragraphe 2, du statut
Arguments des parties
88 Le requérant fait valoir qu' il y a eu violation de l' article 45, paragraphe 2, du statut puisqu' il résulte de cet article que M. B. ne pouvait passer du cadre linguistique à la catégorie A qu' après concours et qu' il n' y a pas eu, en l' espèce, de concours. Il ajoute que le règlement (CEE, Euratom, CECA) n 3947/92 du Conseil, du 21 décembre 1992, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés et le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 404, p. 1, ci-après
"règlement n 3947/92") contient certes des règles qui permettent une dérogation à l' article 45, paragraphe 2, du statut, mais que, à l' époque, aucune disposition d' application n' avait encore été adoptée par le CES.
89 En ce qui concerne l' affirmation du CES selon laquelle l' article 45, paragraphe 2, du statut n' est pas applicable dans le cadre de la procédure de l' article 29, paragraphe 2, du statut, le requérant soutient que les règles générales concernant la carrière des fonctionnaires, parmi lesquelles se trouve l' article 45, paragraphe 2, du statut, doivent être respectées également dans le cadre d' une telle procédure.
90 Selon le CES, l' article 45, paragraphe 2, du statut est inapplicable dans le cadre d' une procédure de recrutement au titre de l' article 29, paragraphe 2, du statut. Cette procédure aurait, en effet, précisément pour but d' élargir au maximum les possibilités de choix de l' AIPN. La procédure suivie ayant été ouverte aux candidats externes, elle devait a fortiori être ouverte aux candidats internes appartenant à un autre cadre.
Appréciation du Tribunal
91 Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que, en vertu de l' article 45, paragraphe 2, du statut, "le passage d' un fonctionnaire d' un cadre ou d' une catégorie à un autre cadre ou à une catégorie supérieure ne peut avoir lieu qu' après concours". A cet égard, le Tribunal souligne que les paragraphes 3 et 4 dudit article, ajoutés par le règlement n 3947/92 et ouvrant la possibilité de déroger aux dispositions du paragraphe 2, sont, sans conteste, inapplicables au cas d' espèce.
92 En ce qui concerne l' interprétation de l' article 45, paragraphe 2, du statut, la Cour a, dans son arrêt du 5 décembre 1974, Van Belle/Conseil (176/73, Rec. p. 1361), jugé que ledit paragraphe formule une règle fondamentale qui correspond à l' agencement de la fonction publique communautaire en différentes catégories, nécessitant des qualifications distinctes, et que l' article 29, paragraphe 2, du statut doit, en raison de son caractère exceptionnel, être interprété strictement et ne saurait
prévaloir contre la règle formulée, de façon générale et inconditionnelle, à l' article 45, paragraphe 2. Il y a lieu de rappeler que cette affaire concernait la nomination d' un fonctionnaire, classé auparavant au grade B 1, à un emploi de grade A 6. Selon l' institution défenderesse, cette nomination avait eu lieu à l' issue d' une procédure basée sur l' article 29, paragraphe 2, du statut, cette procédure pouvant être adoptée, dans des cas exceptionnels, pour des emplois nécessitant des
qualifications spéciales. La Cour a annulé la nomination ainsi intervenue au motif que, en vertu de l' article 45, paragraphe 2, du statut, le passage à une catégorie supérieure ne peut avoir lieu qu' après concours. Toutefois, le Tribunal estime qu' il y a lieu de réexaminer cette jurisprudence.
93 A cet égard, le Tribunal souligne, en premier lieu, que les procédures ordinaires mises à la disposition des institutions communautaires afin de pourvoir aux vacances d' emploi sont, en vertu de l' article 29, paragraphe 1, du statut, la promotion, la mutation, l' organisation de concours internes à l' institution et, enfin, le transfert de fonctionnaires d' autres institutions des Communautés. Il ressort également dudit paragraphe que ce n' est qu' après avoir examiné, dans chaque cas, si les
possibilités susmentionnées sont susceptibles d' aboutir à la nomination d' une personne possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d' intégrité que l' AIPN peut ouvrir la procédure de concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves. Le Tribunal en conclut que l' article 45, paragraphe 2, du statut, en disposant que le passage d' un cadre ou d' une catégorie à un autre cadre ou à une autre catégorie ne peut avoir lieu qu' après concours, exclut qu' un tel passage
puisse avoir lieu par la voie des autres possibilités de pourvoir aux vacances d' emploi mentionnées à l' article 29, paragraphe 1, du statut.
94 Le Tribunal souligne, en deuxième lieu, que, en vertu de l' article 29, paragraphe 2, du statut, "une procédure de recrutement autre que celle du concours peut être adoptée par l' autorité investie de pouvoir de nomination pour le recrutement des fonctionnaires des grades A 1 et A 2". Il en ressort que la procédure de l' article 29, paragraphe 2, du statut peut, le cas échéant, remplacer la procédure de concours. Néanmoins, conformément au principe de bonne administration, les institutions
doivent, avant de passer à la procédure de l' article 29, paragraphe 2, apprécier, dans chaque cas, si les procédures de recrutement énumérées au paragraphe 1 dudit article sont susceptibles d' aboutir à la nomination d' une personne possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d' intégrité.
95 En troisième lieu, le Tribunal souligne qu' il ressort de l' article 28, sous d), du statut que l' AIPN peut ouvrir la procédure de l' article 29, paragraphe 2, du statut même aux candidats venant de l' extérieur des institutions communautaires qui n' ont pas satisfait à un concours. Le Tribunal estime qu' il en résulte que l' article 29, paragraphe 2, a pour but de permettre à l' AIPN, lorsque besoin en est, de disposer du nombre le plus élevé possible de candidatures entrant en ligne de compte
pour le recrutement de fonctionnaires de grades A 1 et A 2 ou, dans des cas exceptionnels, pour le pourvoi d' emplois nécessitant des qualifications spéciales.
96 Enfin, le Tribunal souligne que tant la Cour que le Tribunal ont, dans une jurisprudence plus récente, jugé que le passage d' un cadre ou d' une catégorie à un autre cadre ou à une autre catégorie ne peut avoir lieu qu' en vertu d' un concours (arrêts de la Cour du 21 octobre 1986, Fabbro e.a./Commission, 269/84 et 292/84, Rec. p. 2983, et du 9 juillet 1987, Misset/Conseil, 279/85, Rec. p. 3187, et arrêt du Tribunal du 9 octobre 1992, De Persio/Commission, T-50/91, Rec. p. II-2365). Toutefois,
cette jurisprudence ne s' est pas prononcée sur la question de savoir si le passage d' un cadre ou d' une catégorie à un autre cadre ou à une autre catégorie peut avoir lieu sur la base d' une procédure au titre de l' article 29, paragraphe 2, du statut.
97 Au vu des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que l' article 29, paragraphe 2, du statut revêt certes un caractère exceptionnel et doit, dès lors, comme la Cour l' a déjà jugé dans l' arrêt Van Belle/Commission, précité, être interprété strictement. Toutefois, le Tribunal considère qu' une telle interprétation stricte ne s' impose qu' en ce qui concerne les conditions qui doivent être remplies pour que l' AIPN puisse avoir recours à la procédure prévue par cette disposition. En
revanche, une fois ces conditions remplies, toute limitation des candidatures pouvant entrer en ligne de compte dans le cadre de cette procédure porterait atteinte au but même de celle-ci, tel qu' il a été défini ci-dessus.
98 Dès lors, le Tribunal estime que l' article 29, lu dans son ensemble, doit être interprété en ce sens que la procédure exceptionnelle prévue à son paragraphe 2, remplace, à tous égards, la procédure de concours et que l' ouverture de cette procédure ne peut en aucun cas empêcher l' AIPN de prendre en considération des candidats qui auraient pu participer, le cas échéant, à la procédure de concours. Il s' ensuit que l' article 45, paragraphe 2, du statut, en permettant le passage d' un cadre à un
autre ou d' une catégorie à une autre par voie de concours, doit être interprété en ce sens qu' un tel passage est également possible lorsque l' AIPN a dûment substitué, à l' ouverture d' une procédure de concours, l' ouverture de la procédure alternative de l' article 29, paragraphe 2, du statut.
99 Le Tribunal constate, de plus, qu' une interprétation selon laquelle l' article 45, paragraphe 2, du statut aurait pour conséquence que le passage d' un cadre ou d' une catégorie à un autre cadre ou à une autre catégorie serait interdit même dans le cadre d' une procédure au titre de l' article 29, paragraphe 2, du statut serait susceptible de défavoriser les fonctionnaires des institutions par rapport aux candidats venant de l' extérieur. Or, un tel traitement défavorable porterait atteinte aux
principes mêmes sur lesquels est fondé l' article 29 du statut, lequel accorde, de manière générale, dans son paragraphe 1, la prééminence aux candidats ayant déjà la qualité de fonctionnaire. Le Tribunal considère qu' une telle interprétation ne saurait donc être accueillie.
100 Il résulte de ce qui précède que ce moyen doit également être écarté.
Sur le moyen tiré d' une violation de l' article 25 du statut
Arguments des parties
101 Selon le requérant, il y a eu une violation de l' article 25 du statut en ce que la lettre du secrétaire général du CES du 1er mars 1993 portant rejet de sa candidature n' est pas motivée.
102 Le CES allègue que la seule décision formelle a été celle de nommer M. B. au poste vacant. Dès lors, le CES conteste qu' il y ait eu une violation de l' article 25 du statut en ce que la lettre indiquant que la candidature du requérant n' avait pas été retenue n' est pas motivée. Le CES fait, en outre, valoir que l' article 25 du statut n' est applicable qu' aux décisions qui lèsent les droits des fonctionnaires et que le droit d' être nommé à l' issue d' une procédure de recrutement fondée sur
l' article 29, paragraphe 2, du statut, n' en fait pas partie.
103 Enfin, se référant aux arrêts de la Cour du 6 juillet 1993, Commission/Albani e.a. (C-242/90 P, Rec. p. I-3839) et du Tribunal Coussios/Commission, précité, le CES soutient que l' annulation de la décision de nommer M. B. à l' emploi de directeur en question constituerait, en tout état de cause, une sanction excessive de l' illégalité commise.
Appréciation du Tribunal
104 Le Tribunal constate, d' abord, que la lettre du secrétaire général du CES du 1er mars 1993, par laquelle le requérant a été informé du rejet de sa candidature, n' indiquait aucun motif du rejet. Le Tribunal constate, en outre, que le requérant n' a reçu aucune décision motivée de rejet de sa candidature avant l' introduction du recours devant le Tribunal, le défaut de réponse à sa réclamation ayant valu, en vertu de l' article 90, paragraphe 2, du statut, décision implicite de rejet de la
réclamation.
105 Or, selon une jurisprudence bien établie, l' AIPN n' est pas tenue de motiver les décisions de promotion à l' égard des candidats non promus, mais elle est, en revanche, tenue de motiver sa décision portant rejet d' une réclamation déposée en vertu de l' article 90, paragraphe 2, du statut, par un candidat non promu, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (voir, par exemple, l' arrêt
Coussios/Commission, précité, point 69). Cette jurisprudence s' applique de même dans le cas d' une décision de nomination prise à l' issue d' une procédure fondée sur l' article 29, paragraphe 2, du statut (voir, dans le même sens, l' arrêt du Tribunal du 13 décembre 1990, Kalavros/Cour de justice, T-160/89 et T-161/89, Rec. p. II-871). De plus, comme le Tribunal l' a déjà jugé dans l' arrêt Coussios/Commission, précité, l' absence totale de motivation d' une décision de nomination ne peut pas être
couverte par des explications fournies par l' AIPN après l' introduction d' un recours, car, à ce stade, de telles explications ne remplissent plus leur fonction, à savoir, d' une part, fournir à l' intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé du rejet de sa candidature et l' opportunité d' introduire un recours devant le Tribunal et, d' autre part, permettre à celui-ci d' exercer son contrôle.
106 Le moyen tiré de l' absence de motivation du rejet de la candidature du requérant est, dès lors, fondé.
107 Toutefois, il y a lieu d' examiner la question de savoir quelles sont les conséquences à tirer en l' espèce de la violation de l' obligation de motiver le rejet de la candidature du requérant. A cet égard, il ressort d' une jurisprudence constante qu' il y a lieu de prendre en considération non seulement les intérêts des requérants, victimes d' une illégalité, mais également les intérêts des tiers dont la confiance légitime pourrait être lésée si des conclusions en annulation étaient accueillies
(voir, en dernier lieu, l' arrêt Coussios/Commission, précité). C' est la raison pour laquelle le Tribunal a, lors de l' audience, demandé aux parties si, dans l' hypothèse où le Tribunal arriverait à la conclusion que seulement le moyen tiré du défaut de motivation doit être accueilli, elles pouvaient s' accorder sur la sanction à attacher à l' illégalité commise.
108 Les parties ne s' étant pas accordées sur une telle sanction, le Tribunal rappelle que, eu égard à sa compétence de pleine juridiction dans les litiges de caractère pécuniaire, il peut, même en l' absence de conclusions régulières à cet effet, condamner l' institution défenderesse au paiement d' une indemnité pour le dommage moral causé par sa faute de service (voir, notamment, l' arrêt de la Cour du 5 juin 1980, Oberthuer/Commission, 24/79, Rec. p. 1743, point 14). En l' espèce, le Tribunal
considère que l' annulation, pour défaut de motivation, de la décision portant rejet de la candidature du requérant et, par voie de conséquence, de la décision portant nomination de M. B. comme directeur auprès du secrétariat général du CES constituerait une sanction excessive de l' irrégularité commise, portant atteinte de manière disproportionnée aux droits de ce dernier, et que l' allocation d' une indemnité constitue la forme de réparation qui correspond le mieux à la fois aux intérêts du
requérant et aux exigences du service.
109 Dans l' évaluation du dommage subi, il y a lieu de considérer que le requérant a été contraint d' introduire une procédure judiciaire pour connaître la motivation de la décision portant rejet de sa candidature. Dans ces circonstances, le Tribunal, évaluant le préjudice subi ex aequo et bono, estime que l' allocation d' un montant de 2 000 écus constitue une indemnisation adéquate du requérant (voir également l' arrêt Coussios/Commission, précité, point 108).
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
110 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Le requérant ayant, certes, succombé en ses conclusions mais ayant été obligé d' introduire le présent recours afin d' obtenir une motivation de la décision portant rejet de sa candidature, le Tribunal estime qu' il y a lieu de condamner le CES, qui a succombé en l' un de ses moyens, à supporter, outre ses propres dépens, la moitié des dépens du
requérant.
Dispositif
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête:
1) Le Comité économique et social est condamné à payer au requérant une somme de 2 000 écus à titre de dommages et intérêts pour faute de service.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) Le Comité économique et social supportera ses propres dépens et la moitié des dépens du requérant. Le requérant supportera l' autre moitié de ses propres dépens.