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16/06/1994 | CJUE | N°C-452/93

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 16 juin 1994., Pedro Magdalena Fernández contre Commission des Communautés européennes., 16/06/1994, C-452/93


Avis juridique important

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61993C0452

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 16 juin 1994. - Pedro Magdalena Fernández contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Fonctionnaire - Indemnité de dépaysement - Absence de résidence habituelle dans l'Etat d'affectation. - Affaire C-452/93

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Recueil de jurisprudence 1994 page I-04295

Conclusions de l'avocat ...

Avis juridique important

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61993C0452

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 16 juin 1994. - Pedro Magdalena Fernández contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Fonctionnaire - Indemnité de dépaysement - Absence de résidence habituelle dans l'Etat d'affectation. - Affaire C-452/93 P.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-04295

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. M. Magdalena Fernández, fonctionnaire de nationalité espagnole à la Commission, a introduit un recours devant le Tribunal de première instance contre le refus, qui lui a été opposé par l' administration par décision du 24 juillet 1992, de lui accorder l' indemnité de dépaysement au titre de l' article 4, paragraphe 1, sous a), de l' annexe VII du statut du personnel des Communautés européennes (ci-après "statut").

La disposition en question, rappelons-le, prévoit que l' indemnité de dépaysement est accordée au fonctionnaire "qui n' a pas et n' a jamais eu la nationalité de l' État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation et qui n' a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. Pour l' application de cette disposition, les
situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération".

2. Par arrêt du 28 septembre 1993 (1), le Tribunal a rejeté le recours, en constatant qu' en l' espèce les conditions auxquelles est subordonné l' octroi de l' indemnité de dépaysement ° à savoir l' absence de résidence habituelle ou d' activité professionnelle principale sur le territoire de l' État d' affectation pendant la période de référence ° n' étaient pas réunies (points 24-30).

En particulier, le Tribunal a rejeté l' argumentation fondée sur le fait que le requérant avait passé les huit premiers mois de la période de référence en Espagne (2), en estimant que cette circonstance était dénuée de pertinence, dans la mesure où "le requérant a continué, après ledit séjour, à habiter et à travailler à Liège, comme il l' avait fait auparavant. Une telle absence du pays d' affectation, sporadique et de brève durée, ne saurait être considérée comme suffisante pour faire perdre à la
résidence du requérant dans l' État d' affectation son caractère habituel, au sens de la disposition susvisée du statut... En effet, cette absence concerne exclusivement les huit premiers mois de la période de référence et ne suffit pas, par suite, à permettre de considérer comme interrompue la résidence habituelle du requérant établie en Belgique depuis 1965, dès lors que ce dernier a, de façon ininterrompue, demeuré dans cet État pendant l' ensemble de la période de référence restant à courir"
(point 29).

3. C' est essentiellement contre cette affirmation de l' arrêt qu' est dirigé le pourvoi de M. Magdalena Fernández, qui reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en considération ou, au moins, d' avoir apprécié de manière erronée, aux fins de la détermination de la résidence habituelle, le séjour de huit mois en Espagne et d' avoir, par conséquent, méconnu l' article 4, paragraphe 1, sous a), de l' annexe VII du statut.

La Commission oppose à ce grief une exception d' irrecevabilité, en ce que, à son avis, le requérant cherche ainsi à remettre en cause la constatation des faits effectuée par le Tribunal (3), ce qui n' est pas admis dans le cadre d' un pourvoi devant la Cour.

4. Cette exception ne nous semble toutefois pas fondée. En réalité, le requérant ne cherche pas à contester le fait qu' il a effectivement résidé en Belgique pour la quasi-totalité de la période de référence, mais seulement l' affirmation, qui se dégage de l' arrêt du Tribunal, selon laquelle la période de huit mois passée en Espagne ne serait pas suffisante pour qu' on puisse considérer la résidence (habituelle), fixée en Belgique depuis 1965, comme interrompue. De l' avis du requérant, le Tribunal
aurait même jugé inutile de vérifier si et dans quelle mesure le séjour en question a interrompu la résidence en Belgique.

Le grief porte donc, non pas sur la constatation des faits, mais sur l' interprétation, par le Tribunal, de l' article 4, paragraphe 1, sous a), de l' annexe VII du statut, sur le point qui fait référence à la notion de résidence habituelle.

5. Quant au fond, il s' agit donc de déterminer si une interruption de la résidence qui intervient au cours de la période de référence entraîne ipso facto le droit à l' indemnité de dépaysement et, plus précisément, si c' est à juste titre que le Tribunal a estimé que la période passée en dehors du territoire de l' État d' affectation du requérant n' est pas de nature à faire cesser, au sens de la disposition du statut en cause, la résidence habituelle du requérant en Belgique.

Cela dit, nous rappellerons avant tout que, selon une jurisprudence constante, "l' octroi de l' indemnité de dépaysement a pour objet de compenser les charges et désavantages particuliers résultant de la prise de fonctions auprès des Communautés pour les fonctionnaires qui sont de ce fait obligés de transférer leur résidence du pays de leur domicile au pays d' affectation et de s' intégrer dans un nouveau milieu. D' autre part, la notion de dépaysement dépend également de la situation subjective du
fonctionnaire, à savoir son degré d' intégration dans son nouveau milieu résultant, par exemple, de sa résidence habituelle ou de l' exercice d' une activité professionnelle principale" (4).

6. Or, compte tenu de la teneur littérale de l' article 4, paragraphe 1, sous a), de l' annexe VII du statut et de la finalité de l' indemnité de dépaysement, telle que l' a précisée la jurisprudence que nous venons de rappeler, il est évident que la résidence (habituelle) du fonctionnaire ou agent avant son entrée en service constitue un critère fondamental pour la reconnaissance du droit à l' indemnité de dépaysement.

En réalité, la disposition statutaire en cause ne définit pas la notion de résidence habituelle; elle se limite à une référence au lieu dans lequel le fonctionnaire a "habité" "de façon habituelle". Il découle toutefois d' une jurisprudence constante de la Cour, même si elle a été établie dans d' autres secteurs du droit communautaire, que la résidence habituelle doit être considérée "comme étant le lieu où l' intéressé a établi le centre permanent de ses intérêts" (5) et que, aux fins de
vérification, il importe de tenir compte de tous les éléments de fait constitutifs de la résidence (6).

7. Or, le Tribunal a constaté, sans que le requérant le conteste, que, pendant la période de référence, en dehors des huits mois passés en Espagne, le requérant avait sa résidence en Belgique. Dans ces conditions, le fait que, au cours de la période de référence, l' intéressé ait été physiquement absent (pour huit mois) du lieu d' affectation ne peut pas, contrairement à ce que semble prétendre le requérant, être considéré comme de nature à comporter ° de manière automatique ° une interruption de la
résidence fixée en Belgique depuis 1965 et, de ce seul fait, l' octroi de l' indemnité de dépaysement (7).

Il est vrai, en revanche, qu' il conviendra en tout état de cause de vérifier, à la lumière de la jurisprudence qui vient d' être citée, si une telle interruption permet d' estimer que l' intéressé a déplacé le centre permanent de ses intérêts dans un autre État.

8. Sur ce point, nous rappelons que le premier juge est arrivé à la conclusion que le séjour en Espagne ne saurait être considéré comme suffisant "pour faire perdre à la résidence du requérant dans l' État d' affectation son caractère habituel" (point 29 de l' arrêt). Il convient de se rallier à cette conclusion, le Tribunal ayant vérifié que le requérant "est parti (seulement) provisoirement" pour l' Espagne, pour recommencer ensuite à habiter et à travailler en Belgique. Compte tenu de l'
interprétation de la notion de résidence habituelle, l' absence de huit mois du territoire belge ne peut en effet, sauf à modifier complètement le sens et la finalité de l' article 4, paragraphe 1, sous a), de l' annexe VII du statut, être considérée comme impliquant que l' intéressé a déplacé le centre de ses intérêts en Espagne.

Le grief en question est donc dénué de fondement, aucune erreur de droit n' apparaissant ° en l' espèce ° dans l' interprétation donnée par le Tribunal.

9. A la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons donc à la Cour de rejeter le pourvoi de M. Magdalena Fernández.

Quant aux dépens, nous proposons de les mettre dans leur totalité à la charge du requérant, y compris les frais supportés par la défenderesse dans le cadre de la procédure de pourvoi.

(*) Langue originale: l' italien.

(1) ° Magdalena Fernández (T-90/92, Rec. p. II-971.)

(2) ° Le Tribunal a plus précisément constaté que le requérant a effectivement habité en Belgique de 1965 au 1er mai 1986, sauf pour la période comprise entre le 1er octobre 1980 et le 28 juin 1981, pendant laquelle il est retourné provisoirement en Espagne, comme cela ressort d' un certificat délivré par le consulat d' Espagne. La période de référence allant en l' espèce du 24 novembre 1980 au 30 octobre 1985, il en résulte que le requérant n' a pas habité en Belgique pendant les premiers huit mois
de cette période (voir le point 28 de l' arrêt).

(3) ° Voir le point 28 de l' arrêt.

(4) ° Arrêt du 10 octobre 1989, Atala Palmerini/Commission (201/88, Rec. p. 3109, point 9.) Voir en outre, en dernier lieu, les arrêts du 8 avril 1992, Costacurta Gelabert/Commission (T-18/91, Rec. p. II-1655, point 42) et du 30 mars 1993, Vardakas/Commission (T-4/92, Rec. p. II-357, point 39.)

(5) ° Voir en dernier lieu l' arrêt du 23 avril 1991, Ryborg (C-297/89, Rec. p. I-1943, point 19), ainsi que l' arrêt du 10 juillet 1992, Benzler/Commission (T-63/91, Rec. p. II-2095, point 25.)

(6) ° Voir l' arrêt du 14 juillet 1988, Schaeflein/Commission, (284/87, Rec. p. 4475, point 10.)

(7) ° Sur ce point, voir l' arrêt du 9 octobre 1984, Witte/Parlement (188/83, Rec. p. 3465, points 9-12.)


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-452/93
Date de la décision : 16/06/1994
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi - Fonctionnaire - Indemnité de dépaysement - Absence de résidence habituelle dans l'Etat d'affectation.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Pedro Magdalena Fernández
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tesauro
Rapporteur ?: Moitinho de Almeida

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1994:259

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