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10/02/1994 | CJUE | N°C-298/93

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Gulmann présentées le 10 février 1994., Ulrich Klinke contre Cour de justice des Communautés européennes., 10/02/1994, C-298/93


Avis juridique important

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61993C0298

Conclusions de l'avocat général Gulmann présentées le 10 février 1994. - Ulrich Klinke contre Cour de justice des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Demande de nomination au grade supérieur de la carrière A 7/A 6. - Affaire C-298/93 P.
Recueil de jurisprudence 1

994 page I-03009

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Pr...

Avis juridique important

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61993C0298

Conclusions de l'avocat général Gulmann présentées le 10 février 1994. - Ulrich Klinke contre Cour de justice des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Demande de nomination au grade supérieur de la carrière A 7/A 6. - Affaire C-298/93 P.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-03009

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Ce pourvoi est formé par M. Klinke, fonctionnaire de la Cour de justice, contre l' arrêt rendu par le Tribunal de première instance le 30 mars 1993 dans l' affaire T-30/92 (1). Par cet arrêt, le Tribunal a rejeté le recours que M. Klinke avait introduit afin de faire constater que son classement en grade, lors de sa nomination de fonctionnaire de la catégorie A, n' était pas conforme au droit applicable.

2. Le demandeur au pourvoi est entré en fonctions à la Cour de justice le 1er avril 1982, en qualité de juriste linguiste à la division de traduction de langue allemande. Il a été classé au grade LA 6. A partir du 1er juin 1985, le demandeur au pourvoi a été mis à la disposition du service d' information de la Cour, dans lequel il a été nommé administrateur le 1er juillet 1991, après avoir réussi un concours interne. Il a été classé au grade A 7, échelon 3, en même temps qu' il était décidé de lui
accorder une indemnité égale à la différence entre la rémunération nette qu' il percevait au grade LA 6, échelon 6, et celle afférente à son nouveau classement au grade A 7, échelon 3.

3. M. Klinke a introduit une réclamation contre la décision le nommant administrateur dans la mesure où elle l' avait classé au grade A 7, et il a demandé que le classement se fasse au grade A 6. Il faisait valoir, d' une part, qu' en le classant au grade A 7, l' AIPN n' avait pas tenu compte du fait exceptionnel qu' il avait assuré les fonctions du poste auquel il a finalement été nommé pendant six ans. Tout en reconnaissant que l' AIPN dispose d' un pouvoir discrétionnaire à cet égard, il
soutenait que ce

"pouvoir discrétionnaire ne peut être exercé que dans le sens du classement en grade A 6. C' est le principe du traitement égal de chaque fonctionnaire qui l' exige: aucun des fonctionnaires n' assure son emploi depuis six ans en restant dans son grade de base."

D' autre part, il soutenait que sa mise à disposition aurait été illégale et que le principe du devoir de sollicitude, inscrit à l' article 24 du statut des fonctionnaires, imposerait son classement au grade A 6 pour réparer les effets négatifs de cette mise à disposition. La réclamation poursuit ainsi:

"La nomination ... du soussigné à cet emploi est une sorte de régularisation de sa situation; c' est un emploi qu' il occupe depuis six ans en tant que fonctionnaire mis à la disposition. Si cette régularisation se fait sur la base d' une nomination avec classement en grade de base (A 7) de la nouvelle catégorie, les effets négatifs de la mise à la disposition antérieure ° qui est antistatutaire et donc illégale ° seront prolongés au détriment du soussigné."

4. Par décision du comité administratif du 20 janvier 1992, cette réclamation a été rejetée. Le comité administratif a constaté que le classement avait été arrêté "...conformément à la pratique constante de la Cour, décidée dans le cadre de la jurisprudence lors de la réunion administrative du 11 juillet 1979". La décision du comité administratif continue ainsi:

"Selon la jurisprudence, la nomination d' un fonctionnaire au grade supérieur des carrières de base et des carrières intermédiaires ne peut intervenir qu' à titre exceptionnel et relève, en tout état de cause, du pouvoir discrétionnaire de l' administration.

C' est dans l' exercice de ce pouvoir discrétionnaire que, par sa décision susmentionnée du 11 juillet 1979 prise dans le souci de respecter le principe d' égalité de traitement lors du recrutement des fonctionnaires, la Cour a pris la décision de principe de recruter au grade A 7 les fonctionnaires venant du cadre linguistique.

Au vu des circonstances de l' espèce, le comité administratif a conclu qu' en vous appliquant cette décision de principe, l' administration n' avait pas procédé à une appréciation erronée des faits et ne vous avait pas réservé un traitement inégal par rapport à celui d' autres fonctionnaires appelés à exercer des fonctions analogues.

Cette conclusion n' est pas modifiée par le fait que vous avez été mis à la disposition du service d' information pendant environ six ans. D' une part, vous ne sauriez vous prévaloir de la prétendue illégalité de cette pratique à laquelle vous avez consenti et qui correspondait à vos aspirations personnelles. D' autre part, l' expérience professionnelle que vous avez acquise dans l' exercice de ces fonctions a été prise en compte, dans les limites permises par l' article 32 du statut, pour votre
classement en échelon dans votre nouveau grade."

5. M. Klinke a ensuite introduit un recours devant le Tribunal de première instance, en excipant entre autres moyens de l' appréciation manifestement erronée des faits, de la violation du principe de non-discrimination et de la violation du devoir de sollicitude prévu à l' article 24 du statut. Le Tribunal a rejeté le recours comme non fondé.

6. A l' appui de son pourvoi, M. Klinke fait valoir que le Tribunal a apprécié les trois moyens mentionnés de façon erronée. La défenderesse a conclu, à titre principal, à l' irrecevabilité du pourvoi et, à titre subsidiaire, au rejet du pourvoi comme non fondé.

7. A l' appui de ses conclusions d' irrecevabilité, la défenderesse fait valoir que la compétence de la Cour statuant sur pourvoi se limite à l' examen des seules questions de droit, et que les moyens du demandeur au pourvoi n' ont trait qu' à des questions de fait. La défenderesse n' a pas précisé cette exception d' irrecevabilité.

8. En prenant position sur cette exception, il y a lieu de relever, d' une part, que les faits de l' affaire ne sont nullement contestés entre les parties et, d' autre part, que la Cour a établi que sa tâche dans le cadre de pourvoi est également de "... vérifier si les premiers juges ont, en l' état des constatations et appréciations qui relèvent de leur seule compétence, procédé à une exacte qualification juridique des faits..." (2).

Étant donné que la requête en pourvoi ne reflète en substance que l' opinion du demandeur selon laquelle le Tribunal a méconnu la portée des principes du droit communautaire ° ce qui d' après l' article 51 du statut (CEE) de la Cour de justice constitue un moyen légitime à l' appui du pourvoi ° nous estimons le pourvoi recevable.

9. Avant de passer à l' examen des différents moyens concernant le fond de l' affaire, nous estimons utile de rappeler l' étendue du contrôle juridictionnel dans une affaire comme la présente.

10. Tant M. Klinke que l' AIPN tiennent pour acquis que l' AIPN dispose d' un pouvoir discrétionnaire pour prendre une décision telle que celle en cause. Toutefois, M. Klinke est d' avis que l' exercice de ce pouvoir devait nécessairement aboutir à ce qu' il soit nommé au grade A 6. Le fait qu' il avait, pendant six ans et d' une façon tout à fait satisfaisante, assuré les fonctions du poste auquel il a finalement été nommé, devait, d' après lui, nécessairement impliquer ce classement. La substance
même de la thèse de M. Klinke ° si nous l' avons bien comprise ° est que, dans des circonstances "normales", c' est-à-dire s' il avait été nommé à ce poste dès le début de sa mise à disposition, il aurait pu s' attendre à une promotion après avoir assuré ces fonctions de façon satisfaisante pendant six ans.

11. D' après la motivation sur laquelle se fonde la décision de l' AIPN, il est certain que l' AIPN a pris en compte la période de six ans pendant laquelle M. Klinke a occupé le poste. Il est toutefois également clair qu' il ne s' agit que d' un des éléments dont l' AIPN a tenu compte. Il s' agissait probablement d' une décision difficile pour l' AIPN, car ° d' après nous en tout cas ° l' élément avancé par M. Klinke présente une valeur certaine.

12. Toutefois, l' objectif visé par le contrôle juridictionnel n' est pas de remplacer l' appréciation de l' AIPN par celle de l' organe judiciaire.

La tâche de l' organe judiciaire est de contrôler que la décision prise ne soit pas entachée de vices susceptibles d' entraîner l' annulation de la décision et, partant, dans l' affaire en espèce, de se prononcer sur le bien-fondé de la thèse du requérant selon laquelle les dispositions applicables lui confèrent un droit à être nommé au grade A 6 au motif qu' il a occupé son poste de façon satisfaisante pendant plus de six ans.

A cet égard, il est incontestable et d' ailleurs incontesté, d' abord, que le point de départ est que la nomination d' administrateur se fait au grade A 7 et que ce n' est qu' à titre exceptionnel qu' elle intervient au grade A 6 et, ensuite, que le statut n' impose pas de limites spécifiques à la faculté de l' AIPN de ne pas nommer au grade A 6.

13. Quant aux différents moyens avancés à l' appui du pourvoi, le premier consiste à dire que le Tribunal a procédé à une appréciation erronée du moyen, avancé au soutien du recours, relatif à l' appréciation manifestement erronée des faits.

Devant le Tribunal, M. Klinke avait fait valoir que, compte tenu de sa longue expérience au service d' information et de sa compétence hautement appréciée par son supérieur hiérarchique, l' AIPN ne pouvait estimer, sans commettre une erreur manifeste d' appréciation, que sa situation personnelle justifiait son recrutement au grade A 7.

Le Tribunal a constaté que cette argumentation supposait que l' appréciation portée par l' AIPN sur ses qualifications présentait un caractère pertinent en vue de l' application ou de la non-application de l' article 31, paragraphe 2, du statut (point 24 de l' arrêt attaqué).

Toutefois, a poursuivi l' arrêt, il ressort de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 6 juin 1985, De Santis/Cour des Comptes, 146/84, Rec. p. 1723) "qu' il n' est admissible de recruter au grade supérieur d' une carrière qu' à titre exceptionnel, lorsque le recours à l' article 31, paragraphe 2, du statut est justifié par les besoins spécifiques du service, exigeant le recrutement d' un titulaire particulièrement qualifié". Ainsi, l' article 31, paragraphe 2, du statut, aurait pour objet de
permettre à l' AIPN de veiller aux besoins spécifiques d' un service particulier en offrant des conditions attrayantes pour attirer des candidats particulièrement qualifiés.

14. Le Tribunal a ensuite constaté que M. Klinke n' avait produit aucun indice de nature à démontrer que, dans le cas d' espèce, les besoins du service d' information exigeaient le recrutement d' un titulaire particulièrement qualifié (point 27). En conséquence, selon le Tribunal, "les qualifications du requérant étaient sans pertinence en ce qui concerne la détermination de son classement en grade lors de sa nomination et que, si le requérant était éminemment qualifié pour occuper le poste auquel
il a été nommé en A 7 et qu' il occupe à la satisfaction générale, cela ne signifie pas pour autant que des qualifications exceptionnelles étaient requises pour occuper ce poste" (point 28).

15. Ni le demandeur au pourvoi ni la défenderesse ne peuvent se rallier à ce raisonnement. Ils se réfèrent, notamment, aux arrêts du 1er décembre 1983, Michael/Commission (343/82, Rec. p. 4023), du 5 octobre 1988, De Szy-Tarisse et Feyaerts/Commission (314/86 et 315/86, Rec. p. 6013), et du 7 mai 1991, Jongen/Commission (T-18/90, Rec., p. II-187), et ils avancent que, selon cette jurisprudence, l' article 31, paragraphe 2, laisse un large pouvoir discrétionnaire à l' AIPN pour apprécier, entre
autres, les expériences professionnelles de la personne recrutée (3).

16. Quant à la question de savoir si l' article 31, paragraphe 2, permet la prise en compte des qualifications individuelles du fonctionnaire recruté lors du classement en grade, le point de départ d' une réponse doit évidemment être le libellé de la disposition (4).

17. Comme les parties l' ont fait valoir à juste titre, les dispositions sont muettes quant aux critères qu' il faut prendre en compte pour pouvoir nommer un fonctionnaire au grade supérieur. Il est donc constant que, d' après son libellé, l' article 31, paragraphe 2, n' exclut pas que l' AIPN tienne compte des qualifications du fonctionnaire lorsqu' elle détermine le classement en grade. Face au silence de la disposition, il y a lieu, d' après nous, d' exiger des arguments assez convaincants pour
pouvoir accueillir une interprétation selon laquelle la disposition empêcherait l' AIPN de prendre en compte des considérations tout à fait légitimes tenant aux qualifications du fonctionnaire.

18. Il n' est pas facile de repérer de tels arguments. Un argument pourrait être que l' article 32 du statut régit expressément la manière dont il faut tenir compte des expériences professionnelles du fonctionnaire recruté.

L' article 32 prévoit en effet:

"Le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade.

Toutefois, l' autorité investie du pouvoir de nomination peut, pour tenir compte de la formation et de l' expérience professionnelle spécifique de l' intéressé, lui accorder une bonification d' ancienneté d' échelon dans ce grade; cette bonification ne peut excéder 72 mois dans les grades A 1 à A 4, LA 3 et LA 4 et 48 mois dans les autres grades."

On pourrait soutenir que l' objectif de l' article 32 est de récompenser l' expérience professionnelle antérieure du fonctionnaire recruté, tandis que l' objectif de l' article 31, paragraphe 2, est de tenir compte des besoins spécifiques du service qui exigent le recrutement d' un titulaire particulièrement qualifié; de cette façon, il serait exclu que l' expérience professionnelle antérieure soit récompensée à double titre. Toutefois, pour qu' un tel argument soit valable, il faudrait que l' on
soit en mesure d' avancer de bons motifs d' estimer que l' article 32 a réglé exhaustivement la prise en compte de la formation et de l' expérience professionnelle du fonctionnaire recruté. Il nous est difficile de voir de tels motifs, compte tenu du fait, notamment, que la décision de classement en grade et échelon intervient simultanément. Partant, et en nous référant à la jurisprudence citée par les parties, nous vous proposons d' infirmer cette partie de l' arrêt du Tribunal.

19. Eu égard au contenu de l' article 54 du statut (CEE) de la Cour de justice et étant donné que l' affaire est en état d' être jugée, nous vous proposons en outre de statuer définitivement sur le litige.

20. Dans le cadre du premier moyen, il ne reste dès lors que la question de savoir si l' AIPN a effectivement commis une erreur d' appréciation en nommant M. Klinke au grade A 7, malgré sa longue expérience au sein du service d' information et sa compétence hautement appréciée par son supérieur hiérarchique, étant entendu que le contrôle juridictionnel se borne à la question de savoir si l' AIPN a fait usage de son pouvoir d' appréciation de manière manifestement erronée (5).

21. Ce moyen doit être rejeté étant donné que M. Klinke n' a même pas essayé de démontrer le bien-fondé de la prémisse inhérente à sa thèse, à savoir qu' une expérience professionnelle déterminée peut doter la personne qui la possède d' un droit à être nommée au grade supérieur de la carrière.

22. Quant au deuxième moyen, tiré de la violation du principe de non-discrimination, il y a lieu de rappeler que le Tribunal l' a rejeté dans les termes suivants (points 35 à 37):

"En tout état de cause, le Tribunal considère que la discrimination dont se prétend victime le requérant doit être examinée à la lumière de la raison d' être de la disposition dans l' application de laquelle il prétend être discriminé, telle qu' elle a été définie dans l' arrêt De Santis/Cour des comptes, précité.

A cet égard, il convient de relever que l' élément de comparaison pertinent n' est pas la catégorie ou le cadre dont sont issus les fonctionnaires nommés ni leurs qualifications, mais bien les exigences spécifiques des différents postes à pourvoir.

Or, le Tribunal a pu prendre acte, lors de l' audience, de ce que depuis la communication de la décision du 11 juillet 1979 aux membres du personnel intéressés, aucun fonctionnaire venant du cadre LA et passant à la catégorie A n' a été recruté à un grade autre que le grade A 7. Dans ces circonstances, le requérant ne saurait prétendre que des postes comparables au sien ont été pourvus au grade A 6."

23. Dans le cadre du pourvoi, M. Klinke soutient que c' est à tort que le Tribunal a estimé que l' élément pertinent de comparaison ne réside que dans les exigences spécifiques des différents postes à pourvoir. M. Klinke fait valoir que l' élément de comparaison pour apprécier la discrimination qu' il a subie "ne peut être que la situation individuelle des concurrents (en l' espèce théoriques) ayant participé avec succès au concours" organisé pour pourvoir au poste auquel il a finalement été nommé.
Dans la requête en pourvoi, il est en outre affirmé que la situation de M. Klinke "diffère de la position de tous les concurrents à ce poste ainsi que de tous les concurrents qui attendent d' être nouvellement nommés à un poste quelconque: le requérant occupe le poste, qu' il est maintenant appelé à occuper de droit, en fait depuis plus de six ans en y exerçant les activités conformes à ce poste."

24. Nous ne pouvons pas nous rallier au raisonnement du Tribunal, eu égard à ce que nous avons exposé plus haut quant au pouvoir d' appréciation que l' article 31, paragraphe 2, confère à l' AIPN. Nous ne pouvons pas non plus nous rallier à la thèse de M. Klinke.

25. M. Klinke fait valoir que la décision attaquée est l' expression d' un traitement discriminatoire, c' est-à-dire que l' AIPN a traité, ou bien des situations comparables différemment, ou bien des situations différentes de façon égale, sans que cela soit objectivement justifié.

M. Klinke n' a pas fait valoir que l' AIPN a nommé au grade A 6 d' autres personnes se trouvant dans une situation correspondant à la sienne. Partant, le moyen de M. Klinke doit être entendu dans le sens que l' AIPN a traité des situations différentes de façon égale, ce qui correspond, à notre sens, à la thèse fondamentale de M. Klinke; bien qu' il ait occupé le poste de façon satisfaisante pendant six ans, il a fait l' objet du même traitement que celui qui est réservé aux personnes engagées sans
cette expérience professionnelle pertinente.

Il apparaît que ce moyen de discrimination n' exprime que la thèse de base, selon laquelle il incombait à l' AIPN de tirer la conclusion souhaitée par M. Klinke du fait de ses six ans de service dans le poste en question.

Ce moyen ne modifie pas, d' après nous, le fond de l' affaire. Les six ans de service dans le poste constituent un des éléments dont l' AIPN devait tenir compte et dont elle a tenu compte dans le cadre de son pouvoir d' appréciation; comme cela vient d' être relevé, cet élément n' est pas de nature à imposer à l' AIPN d' exercer son pouvoir d' appréciation d' une certaine manière et en conséquence de prendre une décision dans le sens souhaité par M. Klinke.

26. Nous vous proposons dès lors d' infirmer la motivation qui a conduit le Tribunal au rejet de ce moyen tiré de la violation du principe de non-discrimination, mais de maintenir le rejet du moyen en constatant que l' AIPN n' a pas violé le principe d' égalité de traitement.

27. Finalement, M. Klinke estime que le Tribunal a méconnu le moyen qu' il avait avancé quant au devoir de sollicitude. M. Klinke fait valoir, plus précisément, que le devoir de sollicitude, consacré à l' article 24 du statut, imposait à l' AIPN d' effacer les conséquences négatives qu' il avait subies du fait de sa mise à disposition illégale ou antistatutaire.

28. Le Tribunal a rejeté ce moyen comme irrecevable dans les termes suivants (points 41 et 42):

"Le Tribunal relève que le requérant admet que sa mise à la disposition du service d' information a duré environ six ans avant de prendre fin au moment de sa nomination en qualité d' administrateur le 1er juillet 1991. Il a, d' ailleurs, joint à sa requête une copie d' un mémorandum, en date du 5 juin 1985, par lequel le greffier de la Cour l' a informé de la décision de la Cour, prise lors de la réunion administrative du 22 mai 1985, autorisant sa mise à la disposition du service d' information. Ce
mémorandum précise qu' il exercera les fonctions d' administrateur dans ce service à titre temporaire et avec maintien de son grade d' origine.

Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que le délai prévu à l' article 90, paragraphe 2, du statut pour contester la légalité de la mise à la disposition a, depuis longtemps, expiré."

29. Dans sa requête en pourvoi, M. Klinke a attaqué ce raisonnement en soutenant que la mise à disposition ne produisait des conséquences désavantageuses qu' à cause de sa durée de plus de six ans. Il poursuit: "Cet argument concernant la durée d' une mise à la disposition non prévue dans le statut de plus de six ans est différent de ce que le Tribunal de première instance a cru comprendre. Ce n' est que la durée croissante de la situation peu conforme au droit statutaire" qui a désavantagé M.
Klinke.

30. Nous nous permettons de remarquer que ce moyen ne change pas non plus le fond de l' affaire; en invoquant le devoir de sollicitude, M. Klinke ne peut pas imposer à l' AIPN, dans l' exercice du pouvoir d' appréciation, une obligation de résultat qui n' est pas prévue par le statut.

31. Mis à part cette observation, nous estimons que c' est à juste titre que le Tribunal a estimé ce moyen irrecevable, car l' on porterait atteinte au système des voies de recours prévu aux articles 90 et 91 du statut si l' on permettait à un fonctionnaire d' accepter de subir les conséquences négatives d' une mesure prétendument illégale de l' AIPN pour ensuite pouvoir faire valoir à tout moment que ces conséquences doivent être palliées par l' application du principe général du devoir de
sollicitude.

Même si l' on acceptait la thèse de M. Klinke selon laquelle c' est la durée de la mise à la disposition qui lui a fait grief, il n' en reste pas moins que la voie appropriée de réagir aurait été de demander qu' il soit mis fin à sa mise à disposition et déclencher ainsi la procédure prévue par lesdits articles.

32. Le pourvoi de M. Klinke est ainsi infondé dans son ensemble. Même si l' examen a révélé que les motifs de l' arrêt attaqué ne doivent pas être confirmés sur tous les points, le dispositif de l' arrêt est fondé pour d' autres motifs de droit, et le pourvoi doit être rejeté conformément à la jurisprudence Lestelle/Commission (6).

33. Eu égard au fait que la motivation de l' arrêt attaqué s' est avérée dans une certaine mesure inexacte et que, de ce fait, la formation d' un pourvoi ne semblait pas injustifiée, nous estimons, sur la base de l' article 122, deuxième alinéa, deuxième tiret, du règlement de procédure, que chaque partie doit supporter ses propres dépens.

Conclusions

34. Eu égard à ce qui précède, nous vous proposons

° de rejeter le pourvoi comme non fondé

et

° de faire supporter ses propres dépens à chaque partie.

(*) Langue originale: le français.

(1) - Rec., p. II-375.

(2) - Voir arrêt de la Cour du 18 mai 1993, Commission, Stahlwerke Peine-Salzgitter (C-220/91 P) Rec. p. I-2393, point 30.

(3) - Voir par exemple point 26 de l' arrêt De Szy-Tarisse et Feyaerts/Commission, où la Cour a déclaré:

... il convient de relever que, selon la jurisprudence constante de la Cour, l' autorité investie du pouvoir de nomination jouit d' un large pouvoir discrétionnaire, dans le cadre fixé par les articles 31 et 32, alinéa 2, du statut ou des décisions internes faisant application de ceux-ci, en vue d' apprécier les expériences professionnelles antérieures d' une personne recrutée comme fonctionnaire tant en ce qui concerne la nature et la durée de celles-ci que le rapport plus ou moins étroit qu' elles
peuvent présenter avec les exigences du poste à pourvoir.

(4) - L' article 31, paragraphes 1 et 2, prévoit:

1. Les candidats ainsi choisis sont nommés:

° fonctionnaires de la catégorie A ou du cadre linguistique:

au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre

...

2. Toutefois, l' autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger aux dispositions visées ci-avant dans les limites suivantes:

a) pour les grades A 1, A 2, A 3 et LA 3, à raison

...

b) pour les autres grades, à raison:

° d' un tiers s' il s' agit de postes rendus disponibles,

° de la moitié s' il s' agit de postes nouvellement créés... .

(5) - Voir entre autres arrêt du Tribunal du 14 février 1990, Hochbaum/Commission (T-38/89, Rec., p. II-43, point 24).

(6) - Arrêt du 9 juin 1992 (C-30/91 P, Rec., p. I-3755). Au point 28, la Cour a déclaré: ... si les motifs d' un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit communautaire, mais que son dispositif apparaît fondé pour d' autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-298/93
Date de la décision : 10/02/1994
Type d'affaire : Pourvoi - fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaire - Demande de nomination au grade supérieur de la carrière A 7/A 6.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Ulrich Klinke
Défendeurs : Cour de justice des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Gulmann
Rapporteur ?: Kakouris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1994:57

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