La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/1993 | CJUE | N°C-332/92,

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 17 novembre 1993., Eurico Italia Srl, Viazzo Srl et F & P SpA contre Ente Nazionale Risi., 17/11/1993, C-332/92,


Avis juridique important

|

61992C0332

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 17 novembre 1993. - Eurico Italia Srl, Viazzo Srl et F & P SpA contre Ente Nazionale Risi. - Demandes de décision préjudicielle: Conciliatura di Vercelli et Pretura circondariale di Vercelli - Italie. - Organisation commun

e du marché du riz - Droit de contrat - Restitution. - Affaires jointes...

Avis juridique important

|

61992C0332

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 17 novembre 1993. - Eurico Italia Srl, Viazzo Srl et F & P SpA contre Ente Nazionale Risi. - Demandes de décision préjudicielle: Conciliatura di Vercelli et Pretura circondariale di Vercelli - Italie. - Organisation commune du marché du riz - Droit de contrat - Restitution. - Affaires jointes C-332/92, C-333/92, C-335/92.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-00711

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Le droit communautaire, notamment la réglementation applicable à l' organisation commune du marché du riz, fait-il obstacle à ce qu' une taxe intérieure soit perçue sur tout achat de riz paddy produit dans un État membre au profit d' un fonds d' aide à la production nationale de riz?

2. C' est cette question, que l' on aurait pu penser réglée depuis votre arrêt Geddo du 12 juillet 1973 (1), que vous êtes invités à réexaminer à travers les questions préjudicielles posées par la Conciliatura et la Pretura Circondariale de Vercelli. Ne nous y trompons pas: c' est un véritable revirement de jurisprudence qui est, ici, recherché par les requérantes au principal.

3. Instituée par le décret-loi royal italien n 1237, du 2 octobre 1931 (2), l' Ente Nazionale Risi (ci-après "l' Ente") a pour mission d' "assurer la protection des intérêts de la production rizicole nationale, en facilitant la distribution et la consommation du produit et en promouvant toute initiative visant à améliorer la production" (3). L' Ente joue un rôle important en matière de recherche expérimentale (elle gère le "centre de recherche sur le riz") et d' assistance technique. Elle assure,
par ailleurs, en tant qu' organisme d' intervention, l' application en Italie de l' organisation commune du marché du riz (4). L' activité de l' Ente est entièrement financée par un "droit de contrat" dû, contre remise d' un certificat de transfert ("certificato trasferimento risone"), par l' acheteur de riz paddy produit en Italie, ou en l' absence de vente, en cas de transformation de ce riz par le producteur (5).

4. C' est ce "droit de contrat" qui est au centre de la présente affaire, comme il l' était déjà pour l' affaire Geddo.

5. La rizerie Geddo avait acheté à un producteur italien du riz paddy destiné à être transformé en produit comestible et exporté pour partie dans la Communauté et pour partie vers un pays tiers (6). Cet achat avait été déclaré à l' Ente qui avait perçu un droit de contrat. L' acheteur en avait demandé le remboursement en justice, au motif que le droit communautaire se serait opposé à une telle charge.

6. Par renvoi préjudiciel, le Pretore de Milan vous avait, en substance, demandé si les articles 5 et 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité, ainsi que les dispositions du règlement n 359/67/CEE du Conseil, du 25 juillet 1967, portant organisation commune du marché du riz (7), interdisaient la perception d' un tel droit.

7. Constatant que, dans le cadre du marché du riz, l' article 40 a été mis en oeuvre par le règlement précité, vous avez examiné la conformité du droit de contrat aux articles 20, paragraphe 2, et 23 de ce texte, prohibant, notamment, la perception de tout droit de douane ou de taxe d' effet équivalent dans le commerce intracommunautaire et avec un État tiers (8).

8. Relevant que le "droit de contrat" frappait "les seuls produits nationaux à l' occasion du contrat dont ils font l' objet" et non "les marchandises en raison du fait qu' elles franchissent la frontière", vous l' avez qualifié de "taxe intérieure" ne constituant pas une taxe d' effet équivalent à un droit de douane à l' exportation (9).

9. Vous vous êtes également prononcés sur la compatibilité du droit de contrat avec le régime des échanges avec les pays tiers et les restitutions à l' exportation qui devaient, aux termes de l' article 17, paragraphe 2, du règlement précité, être les mêmes pour toute la Communauté.

10. Vous avez jugé que "cette taxe ne pourrait être contraire aux dispositions du règlement prévoyant des restitutions à l' exportation que si elle devait apparaître comme un moyen de diminuer le montant de celles-ci" (10).

11. Ce sont des faits analogues à ceux de l' affaire Geddo qui sont à l' origine des dossiers C-332/92 (Eurico Italia Srl) et C-333/92 et C-335/92 (Viazzo Srl et F. & P. SpA), étant précisé que le riz a été exporté dans un État membre de la Communauté dans les deux dernières affaires, et dans un pays tiers - donnant ainsi lieu au versement de restitutions - dans l' affaire Eurico Italia. Par ailleurs, le règlement communautaire applicable est ici le règlement (CEE) n 1418/76 du Conseil, du 21 juin
1976, portant organisation commune du marché du riz (11) qui contient une disposition identique à celle de l' article 17, paragraphe 2, du règlement n 359/67 précité, aujourd' hui abrogé (12).

12. Près de vingt ans après l' arrêt Geddo, n' est-ce pas la crainte d' une augmentation significative du droit de contrat, jointe aux menaces pesant sur la compétitivité du riz italien, qui ont conduit les rizeries requérantes au principal à en contester, à nouveau, la compatibilité avec le droit communautaire? (13)

13. Disons-le d' emblée, certains arguments invoqués par les requérantes au principal sont strictement identiques à ceux auxquels vous avez d' ores et déjà répondu dans l' arrêt Geddo. Les autres ne nous paraissent pas devoir entraîner un revirement de votre jurisprudence.

14. Dans les affaires C-333/92 et C-335/92, la Conciliatura et la Pretura Circondariale de Vercelli vous posent, dans des termes identiques, deux questions préjudicielles qui vous invitent à examiner si, en cas d' exportation dans un autre État membre, l' absence de remboursement du droit de contrat viole 1) l' interdiction générale des discriminations en droit communautaire et, en particulier, l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, et l' article 5 du traité CEE, 2) le principe général selon
lequel les produits exportés doivent être taxés là où ils sont consommés.

15. Outre la question sur la compatibilité du droit de contrat avec le principe général de non-discrimination, la Conciliatura de Vercelli, dans l' affaire C-332/92, vous demande si l' absence de remboursement du droit de contrat, en cas d' exportation vers un pays tiers, ne contrevient pas à l' article 17, paragraphe 2, du règlement n 1418/76 du Conseil, précité: les restitutions versées à l' acheteur de riz italien seraient, en effet, amputées du droit de contrat, donc inférieures à celles versées
aux autres opérateurs communautaires.

16. C' est pourquoi nous examinerons la question de l' absence de remboursement du droit de contrat au regard successivement de l' interdiction générale des discriminations, du principe de la taxation des produits exportés au lieu de leur consommation, enfin, de l' article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 1418/76.

17. Mais levons quelques préalables.

18. En premier lieu, l' Ente (14) et le gouvernement italien (15) ont souligné que les questions préjudicielles avaient été posées dans le cadre d' une procédure sommaire dite "d' injonction" sur la seule base des allégations des sociétés requérantes, sans soumission au contradictoire.

19. Or, dans l' affaire Politi (16), interrogés par le président du tribunal de Turin saisi également dans le cadre d' une telle procédure, vous avez considéré que le caractère non contradictoire de cette dernière ne s' opposait pas à votre saisine dans la mesure où

"(...) le président du tribunal de Turin exerce une fonction juridictionnelle au sens de l' article 177 et (...) une interprétation du droit communautaire a été, par lui, estimée nécessaire pour rendre sa décision, sans qu' il y ait lieu pour la Cour de considérer le stade de la procédure où la question a été posée" (17).

20. Votre jurisprudence est constante depuis lors (18).

21. En second lieu, l' Ente soulève plusieurs exceptions de procédure: (i) le juge a quo n' aurait pas compétence pour statuer au fond sur la demande de restitution du droit de contrat, (ii) il aurait omis de prendre votre jurisprudence en considération, et notamment l' arrêt Geddo, (iii) les questions posées ne seraient que des "prétextes", eu égard tant au caractère négligeable des sommes réclamées qu' à l' importance économique des opérateurs concernés.

22. Au premier point, vous avez déjà, par avance, répondu en ces termes par votre arrêt Debus, du 4 juin 1992 (19):

"En ce qui concerne les doutes soulevés par la Commission sur la recevabilité de la demande d' interprétation préjudicielle (...) au motif qu' elle provient d' un juge qui, en vertu du droit national de la procédure pénale, serait incompétent pour connaître de l' affaire au principal, il suffit de relever que, en principe et en l' absence de circonstances exceptionnelles, la Cour n' a pas à vérifier la compétence des juridictions nationales au regard des règles de procédure nationales."

23. Sur le second point, nous relèverons que seul le juge national est compétent pour décider s' il s' estime suffisamment éclairé par les précisions apportées par la jurisprudence antérieure et par conséquent pour apprécier l' opportunité d' un renvoi préjudiciel. En effet, d' une part "l' article 177 permet toujours à une juridiction nationale, si elle le juge opportun, de déférer à nouveau à la Cour des questions d' interprétation" (20), même si celles-ci ont déjà fait l' objet d' un arrêt rendu
dans une espèce analogue. D' autre part les questions ne sont pas identiques à celles posées dans le cadre de l' affaire Geddo dont l' arrêt a d' ailleurs été rendu il y a plus de vingt ans. Il n' y a donc pas lieu, en l' espèce, à application de l' article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure.

24. Quant au troisième, votre jurisprudence est constante: l' article 177, reposant sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour de justice, ne permet pas à celle-ci d' apprécier la pertinence des questions posées. Aussi bien, avez-vous été amenés à préciser que

"(...) selon une jurisprudence constante de la Cour (...), il appartient aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir d' apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d' une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu' elles posent à la Cour" (21).

25. Enfin, l' Ente a objecté qu' en l' occurrence, les questions préjudicielles tendent à ce que la Cour déclare une réglementation interne incompatible avec le droit communautaire, ce qui n' entre pas dans sa compétence (22).

26. Qu' il suffise, à cet égard, de rappeler votre attendu de principe en la matière:

"(...) si la Cour, statuant dans le cadre de l' article 177, n' a pas compétence pour appliquer les règles communautaires à une espèce déterminée et, partant, pour qualifier une disposition de droit national, elle peut cependant fournir à la juridiction nationale les éléments d' interprétation relevant du droit communautaire qui pourraient lui être utiles dans l' appréciation des effets de cette disposition" (23).

27. Abordons donc, à présent, la première question.

28. Aux termes de l' article 9 du décret-loi n 1237 du 2 octobre 1931, sur tout contrat de vente de riz paddy italien, l' acheteur doit verser un droit de contrat à l' Ente.

29. Lorsqu' en matière agricole, un produit est couvert par une organisation commune de marché, et tout particulièrement lorsque cette organisation est, comme en l' occurrence, fondée sur un régime commun de prix, les États membres ne peuvent plus intervenir, par des mesures unilatérales, dans le mécanisme de formation des prix, tel qu' il résulte de l' organisation (24).

30. Le droit de contrat est-il, dès lors, compatible avec l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité qui prohibe toute discrimination entre producteurs ou consommateurs de la Communauté?

31. Dans ses conclusions sous l' arrêt Geddo, Monsieur l' Avocat général Trabucchi avait reformulé en ces termes la discrimination alléguée par les acheteurs de riz: "l' opérateur italien qui acquiert du riz paddy en Italie ferait l' objet d' une discrimination par rapport à ses concurrents de la Communauté qui s' approvisionnent sur le marché mondial sans devoir payer le droit de contrat, ce qui fausserait le fonctionnement des mécanismes servant à mettre en oeuvre la politique commune des prix"
(25). Le producteur de riz qui achète du riz paddy italien supporterait donc un coût supplémentaire dont serait exempté l' acheteur de riz produit dans un autre État membre.

32. Sur les conditions d' application de l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité, votre jurisprudence n' a jamais varié:

"(...) selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe de non-discrimination entre producteurs ou consommateurs de la Communauté consacré à l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, veut que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu' un tel traitement soit objectivement justifié" (26).

33. L' Ente rappelle que le droit de contrat a une contrepartie: le service rendu par cet organisme, qu' il s' agisse d' améliorer la production, d' inciter à la consommation de riz ou de protéger la production rizicole nationale. Il n' est dû que par l' acheteur de riz italien (27).

34. La situation de cet opérateur ne saurait être comparée avec celle de l' acheteur de riz paddy produit dans un autre État membre qui ne sera pas soumis au paiement de ce droit mais qui n' aura pas non plus accès aux services d' un organisme tel que l' Ente.

35. Il s' ensuit que les termes de la comparaison ne permettent pas l' application, en l' espèce, de l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité et que, sans même qu' il soit besoin de s' interroger sur l' effet direct de ce texte, il ne peut fonder une demande en remboursement du droit de contrat.

36. Relevons que, comme dans l' affaire Geddo, le juge a quo vous interroge sur l' application de l' article 5 du traité, en combinaison avec l' article 40, paragraphe 3.

37. Vous avez alors jugé qu'

"(...) en prévoyant que les États membres prennent toutes mesures propres à assurer l' exécution des obligations et qu' ils s' abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité, l' article 5 énonce une obligation générale des États membres, dont le contenu concret dépend, dans chaque cas particulier, des dispositions du traité ou des règles qui se dégagent de son système général" (28).

38. Il s' ensuit que si la réglementation nationale n' est pas contraire à l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité, elle n' est pas davantage, ici, incompatible avec l' article 5.

39. Si l' institution du droit de contrat n' est pas contraire à l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité, est-elle incompatible avec le mécanisme de fixation des prix prévu par l' organisation commune du marché du riz? En entrave-t-elle le fonctionnement? C' est ce que soutiennent les requérantes au principal, qui, rappelant l' exigence de l' article 40, paragraphe 3, troisième alinéa, relèvent que le riz "(...) est soumis à une politique commune de prix qui doit être basée sur des
critères communs et sur des méthodes de calcul uniformes" (29).

40. Le régime communautaire des prix du riz présente deux caractéristiques: (i) un système de prix unique, fixé annuellement, permettant de garantir un niveau de vie équitable aux producteurs (30), (ii) un système souple d' ajustements prenant en compte la situation du marché et divers frais (31). Le droit de contrat n' est toutefois pas pris en compte pour la détermination du prix d' intervention, du prix indicatif et du prix de seuil (32).

41. Comme vous l' avez dit dans l' arrêt Irish Creamery Milk Suppliers Association du 10 mars 1981 (33), à propos d' une taxe nationale instituée temporairement par l' Irlande sur les bovins domestiques vivants au moment de leur livraison (à l' exception des bovins importés),

"Les mécanismes des organisations communes ont essentiellement pour but d' atteindre un niveau de prix aux stades de la production et du commerce de gros qui tienne compte à la fois des intérêts de l' ensemble de la production communautaire dans le secteur concerné et de ceux des consommateurs, et qui assure les approvisionnements, sans inciter à une production excédentaire. Ces buts pourraient être compromis par des mesures nationales, prises unilatéralement, qui ont une influence sensible, fût-ce
de manière non intentionnelle, sur le niveau des prix du marché" (34).

42. Vous avez donc invité le juge national à apprécier si cette taxe produisait des effets de nature à entraver le fonctionnement des mécanismes prévus par les organisations communes de marché en tenant compte de son taux et de sa durée ainsi que de la situation du marché en cause, et du nombre de produits touchés notamment (35). Vous releviez ainsi qu'

"Une taxe de courte durée frappant un nombre élevé de produits peut être neutre dans ce sens qu' elle n' entraînerait pas de modification de la structure de la production agricole. Par contre, si la taxe incite les producteurs à remplacer partiellement la production des produits imposés par une production d' autres produits non imposés, la taxe risque de produire une distorsion sur plusieurs marchés" (36).

43. Il appartient, en conséquence, au juge national d' apprécier si, et le cas échéant dans quelle mesure, le droit de contrat a pour effet d' entraver le fonctionnement des mécanismes de prix prévus par l' organisation commune du marché du riz.

44. Les juges de renvoi s' interrogent en second lieu sur la compatibilité de l' absence de remboursement du droit de contrat avec "les principes fiscaux les plus élémentaires appliqués à la circulation des marchandises", notamment la règle selon laquelle "toute charge pesant sur un produit d' origine nationale est normalement remboursée lorsque ce produit est exporté vers un autre pays" (37).

45. Comme le note, à juste titre, la Commission (38), ce droit n' est pas un impôt de consommation mais une taxe parafiscale. Vous l' avez d' ailleurs défini, en 1973, comme "une taxe intérieure frappant les seuls produits nationaux à l' occasion du contrat dont ils font l' objet et destinée à alimenter un fonds d' aide à la production nationale" (39).

46. Non perçue à l' occasion d' un franchissement de frontière, elle ne tombe pas sous le coup des articles 9 et 12 du traité (40) et a la nature d' une imposition intérieure.

47. Observons que l' article 95 est, ici, inapplicable puisque la taxe ne pèse que sur les achats de riz paddy produit en Italie et ne concerne pas "les produits des autres États membres".

48. En effet,

"(...) si l' article 95 interdit à chaque État membre d' imposer plus lourdement les produits importés des autres États membres que les produits nationaux, il n' interdit pas d' imposer plus lourdement les produits nationaux que les produits importés; (...) des disparités de cette nature ne relèvent pas du champ d' application de l' article 95 (...)" (41).

49. La législation nationale ne porte pas atteinte, ici, au principe de neutralité des impositions intérieures au regard de la concurrence entre produits nationaux et produits importés. La charge relative à l' activité de promotion de la production nationale ne frappe pas la production des autres États membres.

50. Évoquons, pour être complet, l' article 96 du traité. Il interdit que les produits exportés vers le territoire d' un des États membres bénéficient d' une ristourne d' impositions intérieures supérieure aux impositions dont ils ont été frappés directement ou indirectement. Tel serait le cas si, contrairement à la situation d' espèce, les acheteurs de riz paddy italien bénéficiaient d' un remboursement du droit de contrat d' un montant supérieur à celui qu' ils ont réellement acquitté (42).

51. Enfin, troisième question, l' absence de remboursement du droit de contrat est-elle compatible avec la règle de l' article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 1418/76 selon laquelle la restitution à l' exportation doit être la même pour toute la Communauté? Ce texte est-il violé dès lors que l' exportateur doit acquitter un droit de contrat qui viendrait diminuer le montant des restitutions que la Communauté lui alloue?

52. Vous avez déjà examiné cette question dans l' arrêt Geddo (43). Monsieur l' Avocat général Trabucchi relevait alors, dans ses conclusions, que

"Le droit de contrat est appliqué au riz produit en Italie, indépendamment du fait que celui-ci est exporté ou consommé sur place. L' application de cette charge dépend par conséquent de l' origine territoriale du riz qui fait l' objet d' un transfert de propriété ou qui est transformé par l' industrie, et non pas du fait que celui-ci franchisse la frontière de l' État" (44).

53. Il en résulte que "le droit de contrat (...) ne présente aucun lien structurel ou fonctionnel avec la restitution à l' exportation" (45).

54. C' est d' ailleurs cette absence de lien avec un "franchissement de frontière" qui, avez-vous déclaré, interdit d' y voir une taxe d' effet équivalent à un droit de douane (46), étant observé que cette taxe "ne pourrait être contraire aux dispositions du règlement prévoyant des restitutions à l' exportation que si elle devait apparaître comme un moyen de diminuer le montant de celles-ci" (47). C' est là votre seule réserve.

55. Or, tel n' est pas l' objectif du droit de contrat (48) lequel, nous l' avons vu, est exigible même en l' absence d' exportation du produit en question.

56. Les requérantes au principal, déclarant que votre arrêt Geddo serait obscur, voire lacunaire à cet égard (49), considèrent que le non-remboursement du droit de contrat versé à l' occasion d' une opération d' exportation ouvrant droit à des restitutions communautaires conduit à leur réduction.

57. Soulignons, ici, à nouveau, l' absence totale de lien entre le droit de contrat et les restitutions à l' exportation. Faut-il le répéter? Le premier est dû, quelle que soit la destination du produit. Il ne s' impute donc pas sur la restitution.

58. Nous vous proposons, par conséquent, de dire pour droit:

1. Les articles 5 et 40, paragraphe 3, du traité CEE ne s' opposent pas en principe à l' absence de remboursement d' une taxe d' imposition intérieure frappant les contrats d' achat de riz paddy produit dans un État membre et destinée à alimenter un fonds d' aide à la production nationale.

2. Il appartient cependant au juge national d' apprécier si, et le cas échéant dans quelle mesure, une telle taxe a pour effet d' entraver le fonctionnement des mécanismes de prix prévus par l' organisation commune du marché du riz.

3. Une telle taxe ne serait contraire à l' article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 1418/76, du 21 juin 1976, que si elle devait apparaître comme un moyen de diminuer le montant des restitutions à l' exportation.

(*) Langue originale: le français.

(1) - Affaire 2/73, Rec. p. 865.

(2) - GURI du 12 octobre 1931, n 236.

(3) - Article 1er.

(4) - Sur les missions de l' Ente, voir ses observations, p. 13 et suivantes de la traduction française.

(5) - Voir article 9 du décret-loi royal n 1183 du 11 août 1933, GURI, n 218 (Annexe 8 des observations de l' Ente).

(6) - Voir Rec. 1973, p. 867.

(7) - JO 1967, 174, p. 1.

(8) - Points 4 et 5.

(9) - Points 5 et 6.

(10) - Ibidem, souligné par nous.

(11) - JO L 166, p. 1.

(12) - Article 30, paragraphe 1, du règlement n 1418/76.

(13) - Voir observations des sociétés requérantes au principal, p. 15 de la traduction française.

(14) - Observations, p. 2 et 3 de la traduction française.

(15) - Observations, p. 1 de la traduction française.

(16) - Arrêt du 14 décembre 1971 (43/71, Rec. p. 1039).

(17) - Point 5.

(18) - Voir également l' arrêt du 21 avril 1988, Pardini, point 8 (338/85, Rec. p. 2041). Voir également nos conclusions dans l' affaire Corbiau, points 8 à 10 (arrêt du 30 mars 1993, C-24/92, non encore publié au Recueil) et dans l' affaire Ligur Carni, point 14 (C-277/91, C-318/91 et C-319/91, en cours).

(19) - C-13/91 et C-113/91, point 8 (Rec. p. I-3617).

(20) - Arrêt du 27 mars 1963, Da Costa (28/62, 29/62 et 30/62, Rec. p. 59, spécialement p. 76).

(21) - Arrêt du 28 novembre 1991, Durighello, point 8 (C-186/90, Rec. p. I-5773).

(22) - Observations de la défenderesse au principal, p. 12 de la traduction française.

(23) - Arrêt du 8 avril 1976, Hirardin, point 8 (112/75, Rec. p. 553).

(24) - Voir point 16 de l' arrêt du 29 novembre 1989, Commission/République hellénique (C-281/87, Rec. p. 4015).

(25) - Rec. 1973, p. 889.

(26) - Voir arrêt du 20 septembre 1988, Espagne/Conseil, point 25 (203/86, Rec. p. 4563), souligné par nous.

(27) - Voir, sur ce point, les conclusions de M. l' Avocat général Trabucchi sous l' arrêt Geddo, Rec. 1973, p. 881, spécialement p. 890.

(28) - Point 4.

(29) - Observations des parties requérantes au principal, p. 13 de la traduction française. Voir également p. 22 et suivantes.

(30) - Voir les troisième et quatrième considérants et le titre premier du règlement (CEE) n 1418/76.

(31) - Voir le septième considérant du règlement (CEE) n 1418/76: considérant qu' il convient que le prix indicatif, les prix d' intervention et les prix de seuil fassent, au cours de la campagne de commercialisation, l' objet d' un certain nombre de majorations mensuelles afin de tenir compte, entre autres, des frais de magasinage et d' intérêts pour le stockage du riz dans la Communauté, ainsi que la nécessité d' un écoulement des stocks conforme aux besoins du marché .

(32) - Voir réponse de la Commission à la première question de la Cour.

(33) - 36 et 71/80, Rec. p. 735.

(34) - Point 20.

(35) - Ibidem et point 19.

(36) - Point 20. A propos d' une taxe parafiscale de stockage perçue également sur les produits importés, voir l' arrêt du 19 novembre 1991, Aliments Morvan (C-235/90, Rec. p. I-5419).

(37) - Décision du juge a quo, dans les affaires C-333/92 et C-335/92, p. 3 de la traduction française.

(38) - Observations de la Commission, p. 7 de la traduction française.

(39) - Arrêt Geddo, point 6.

(40) - Ibidem, points 5 et 6.

(41) - Arrêt du 13 mars 1979, Peureux, points 32 et suivants (86/78, Rec. p. 897).

(42) - Voir, sur ce point, les conclusions de M. l' Avocat général Mischo sous l' arrêt Morvan, précité, point 51.

(43) - Point 6, deuxième alinéa, et point 2 du dispositif.

(44) - Rec. 1973, p. 892.

(45) - Observations du gouvernement italien, p. 4 de la traduction française.

(46) - Voir l' arrêt Geddo, point 5, dernier alinéa.

(47) - Ibidem, point 6.

(48) - Lequel, d' ailleurs, préexistait à l' institution des restitutions à l' exportation.

(49) - Observations, p. 8 et 17 de la traduction française.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-332/92,
Date de la décision : 17/11/1993
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle: Conciliatura di Vercelli et Pretura circondariale di Vercelli - Italie.

Organisation commune du marché du riz - Droit de contrat - Restitution.

Agriculture et Pêche

Riz


Parties
Demandeurs : Eurico Italia Srl, Viazzo Srl et F & P SpA
Défendeurs : Ente Nazionale Risi.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Kakouris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1993:896

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award