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10/11/1993 | CJUE | N°C-316/91

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 10 novembre 1993., Parlement européen contre Conseil de l'Union européenne., 10/11/1993, C-316/91


Avis juridique important

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61991C0316

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 10 novembre 1993. - Parlement européen contre Conseil de l'Union européenne. - Recours en annulation - Parlement - Conditions de recevabilité - Acte du Conseil - Convention de Lomé - Règlement financier - Base juridique. -

Affaire C-316/91.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-00625
édition...

Avis juridique important

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61991C0316

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 10 novembre 1993. - Parlement européen contre Conseil de l'Union européenne. - Recours en annulation - Parlement - Conditions de recevabilité - Acte du Conseil - Convention de Lomé - Règlement financier - Base juridique. - Affaire C-316/91.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-00625
édition spéciale suédoise page I-00047
édition spéciale finnoise page I-00055

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Dans cette affaire, le Parlement conteste à nouveau un acte du Conseil au motif qu' en adoptant une base juridiquement erronée, le Conseil a porté atteinte aux prérogatives du Parlement. L' acte en cause est le Règlement financier nº 91/491/CEE, applicable à la coopération pour le financement du développement en vertu de la quatrième convention ACP-CEE(1) ("l' acte contesté"). La requête du Parlement soulève le point important de savoir si le Fonds européen de développement doit être un poste du
budget général des Communautés européennes.

Contexte du litige

2. La quatrième convention ACP-CEE ("la convention") a été conclue à Lomé le 15 décembre 1989 entre, d' une part, la Communauté et les Etats membres et, d' autre part, 68 Etats d' Afrique, des Caraïbes et de l' Océan pacifique (les Etats ACP)(2). Elle a été approuvée au nom de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne du charbon et de l' acier par décision du Conseil et de la Commission du 25 février 1991(3). En ce qui concerne la Communauté économique européenne, elle a été
conclue conformément à l' article 238 du traité. Elle est entrée en vigueur le 1er septembre 1991.

3. Aux termes de l' article premier, la convention a pour objectif fondamental de promouvoir et d' accélérer le développement économique, culturel et social des Etats ACP. L' article premier prévoit également que les parties contractantes s' efforcent de créer, dans la perspective d' un ordre économique international plus juste et équilibré, un modèle de relations entre Etats développés et Etats en développement.

4. Le titre III (articles 220 à 327) de la troisième partie de la convention est intitulé "Coopération pour le financement du développement". Cette coopération a pour objectifs suprêmes de favoriser le développement social, culturel et économique à long terme des Etats ACP et de contribuer au relèvement du niveau de vie de leurs populations par l' octroi de moyens financiers suffisants et d' une assistance technique appropriée(4). A cette fin, elle doit être accordée à des conditions très
libérales(5). Dans le cadre de la convention, elle porte notamment sur des projets et des programmes d' investissement, des programmes sectoriels et généraux d' appui aux importations, un appui budgétaire destiné à atténuer les contraintes financières internes, un appui aux mesures qui contribuent à alléger les charges au titre de la dette et à atténuer les problèmes de balance des paiements et des programmes de coopération technique(6). La convention prévoit également un appui de la Communauté aux
programmes d' ajustement structurel dans les Etats ACP(7).

5. Le montant global de l' assistance financière de la Communauté est fixé à 12 milliards d' écus pendant une période de cinq ans à compter du 1er mars 1990(8). La plus grande partie de ce montant doit être affectée aux Etats ACP sous la forme de subventions.

6. Le 16 juillet 1990, les représentants des gouvernements des Etats membres de la Communauté économique européenne réunis au sein du Conseil ont adopté un accord interne relatif au financement et à la gestion des aides de la Communauté dans le cadre de la quatrième convention ACP-CEE(9) ("l' accord interne"). L' article premier de l' accord interne prévoit l' institution d' un septième Fonds européen de développement ("le Fonds") par les Etats membres. Il précise également la contribution de chaque
Etat membre au Fonds. L' article 32 est formulé comme suit:

"Les dispositions d' application du présent accord font l' objet d' un règlement financier arrêté, dès l' entrée en vigueur de la convention, par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée prévue à l' article 21, paragraphe 4, sur la base d' un projet de la Commission et après avis de la Banque [européenne d' investissement], en ce qui concerne les dispositions qui intéressent celle-ci, et de la Cour des comptes instituée par l' article 206 du traité."

La majorité qualifiée prévue à l' article 21, paragraphe 4 est fondée sur un système de pondération des voix qui est fonction de la contribution de chaque Etat membre au Fonds et qui diffère du système prévu à l' article 148, paragraphe 2 du traité.

7. Conformément à l' article 32 de l' accord interne, la Commission a présenté au Conseil un projet de règlement financier en juin 1990 et des modifications à ce projet en octobre 1990. Par lettre du 26 octobre 1990, le Conseil a demandé l' avis du Parlement au sujet du projet modifié de la Commission. Par résolution du 14 décembre 1990(10), le Parlement a contesté la base juridique sur laquelle le projet de la Commission avait été présenté. Il a estimé que le projet de règlement financier devait
être adopté sur la base de l' article 209 du traité et qu' il devait prendre la forme d' un règlement au sens de l' article 189 du traité. Il a appelé la Commission à faire le nécessaire à cet effet. Par résolution du 14 mai 1991(11), il a rejeté le projet de la Commission au motif qu' il violait les dispositions du traité, en particulier ses articles 199 et 209, et demandé à la Commission de présenter un nouveau projet tenant compte du règlement financier général(12). Le Conseil ne s' est pas
rallié à l' avis du Parlement. Il a préféré adopter l' acte contesté en se fondant sur l' accord interne.

8. L' acte contesté comprend six titres. Le titre I (articles 1 à 7) prévoit les contributions des Etats membres au Fonds et les principes généraux en ce qui concerne les paiements imputés au Fonds. Le titre II (articles 8 à 43) contient des dispositions relatives à la gestion du Fonds. Il fixe les règles concernant les ressources du Fonds, l' engagement, la validation, l' autorisation et le paiement des dépenses du Fonds, la comptabilité du Fonds et la responsabilité des fonctionnaires des
finances. Le titre III (articles 44 à 60) contient les mesures d' exécution et le titre IV (articles 66 à 68) définit les obligations des organes d' exécution. Le titre V (articles 69 à 77) contient les règles régissant la reddition et la vérification des comptes et le titre VI (articles 78 à 79) les dispositions finales.

9. Le Parlement soutient que l' acte contesté a été adopté sur une base juridique erronée. Il fait valoir que les dépenses relatives à l' aide au développement prévue par la convention sont des dépenses de la Communauté. La mesure aurait donc dû être adoptée en application de l' article 209 du traité, qui prévoit ce qui suit:

"Le Conseil, statuant à l' unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen et avis de la Cour des comptes:

(a) arrête les règlements financiers spécifiant notamment les modalités relatives à l' établissement et à l' exécution du budget et à la reddition et à la vérification des comptes ; ...".

10. Le Parlement soutient que, conformément à l' article 199 du traité, qui fixe le principe de l' unité du budget communautaire, tous les postes de recettes et des dépenses de la Communauté doivent être inscrit au budget. Il fait valoir qu' une exception à ce principe ne peut être introduite que par le législateur communautaire agissant dans les limites de ses pouvoirs. Elle ne peut être introduite valablement par l' accord interne.

11. Il y a lieu de se rappeler que le Parlement peut engager une action en annulation d' un acte du Conseil ou de la Commission, pour autant que les conditions suivantes soient réunies: l' action ne vise qu' à sauvegarder les prérogatives du Parlement et elle n' est fondée que sur des moyens tirés d' une atteinte à ces prérogatives: voir l' affaire C-70/88 Parlement contre Conseil (affaire "Chernobyl")(13).

12. Le Parlement déclare qu' en manquant à son obligation d' adopter l' acte contesté au titre de l' article 209, qui prévoit la consultation du Parlement, le Conseil a porté atteinte à ses prérogatives. Dans sa requête, il déclare qu' il soutient sans réserve l' octroi d' une aide au développement pour les pays ACP, conformément aux dispositions de la convention et que son objection ne vise que la procédure appliquée pour la mise en oeuvre de cette aide.

13. Le litige qui est à l' origine de la présente procédure n' a rien d' inédit. Les dispositions financières des quatre conventions de Lomé (ainsi que des conventions du Yaoundé qui les ont précédées) ont été mises en oeuvre au moyen du Fonds européen de développement(14). Ce Fonds a été mis en place pour chaque convention par la voie d' un accord interne entre les Etats membres. Le Parlement a demandé l' incorporation du Fonds européen de développement dans le budget pour la première fois en 1973:
voir la résolution du Parlement du 14 février 1973, paragraphe 7(15). Il a depuis réitéré sa demande en ce sens à plusieurs reprises, mais sans succès. Le refus du Conseil d' incorporer dans le budget le cinquième Fonds européen de développement, qui a été mis en place dans le cadre de la deuxième convention de Lomé, était un des motifs pour lesquels le Parlement a rejeté le projet de budget pour l' exercice financier 1980.

14. La Commission, qui n' est pas intervenue dans cette procédure, a également recommandé l' incorporation du Fonds européen de développement dans le budget communautaire(16). La Cour des comptes s' est ralliée à la même cause. Dans son avis relatif au projet de règlement financier applicable au cinquième Fonds européen de développement, elle a déclaré ce qui suit(17):

"... les interventions financières du FED ont en fait un caractère communautaire étant donné qu' elles poursuivent les mêmes objectifs de développement que toutes les autres actions au profit des pays associés ou non associés prévues au budget général, qu' elles sont gérées par des organes de la Communauté et qu' elles relèvent du pouvoir de décharge du Parlement;

... le caractère communautaire des dépenses du FED comporte l' obligation de tenir compte du principe de l' unité des dépenses communautaires et ... ce principe se trouve compromis lorsque les activités liées à la mise en oeuvre de la politique communautaire de coopération au développement en faveur des pays ACP empruntent des instruments différents de ceux appliqués à l' ensemble des autres mesures au profit des pays en voie de développement qui sont régies par le règlement financier du 21 décembre
1977 applicable au budget général des Communautés européennes; ..."

15. Néanmoins, les Etats membres ont systématiquement rejeté l' idée d' incorporer le Fonds européen de développement dans le budget communautaire. Au cours des négociations qui ont abouti à la conclusion du traité sur l' Union européenne, la Commission a proposé un amendement à l' article 199 du traité, aux termes duquel cet article 119 préciserait que tous les postes de recettes et de dépenses, y compris ces postes concernant le Fonds européen de développement, doivent être inscrits au budget
communautaire. Cet amendement n' a pas été adopté. Au contraire, l' acte final joint au traité sur l' Union européenne comprend une déclaration relative au Fonds européen de développement, formulée comme suit:

"La Conférence convient que le Fonds européen de développement continuera à être financé par des contributions nationales conformément aux dispositions actuelles."

16. A l' audience, le Conseil a expliqué pourquoi les Etats membres préfèrent financer l' aide au développement destinée aux pays ACP par des contributions directes à l' inscrire au budget communautaire. Selon le Conseil, la constitution du Fonds européen de développement permet de coordonner l' aide au développement octroyée aux pays ACP au titre des conventions de Lomé successives avec la politique d' assistance au développement menée par les différents Etats membres. Certains Etats membres
octroient l' assistance pour le développement aux Etats ACP et à d' autres pays en développement dans un cadre bilatéral. Dans certains cas, l' octroi de cette assistance traduit des liens historiques entre certains Etats membres et certains pays en développement. La contribution de chaque Etat membre au Fonds, conformément à ce que prévoit l' article premier de l' accord interne, tient compte de l' aide bilatérale pour le développement accordée par des Etats membres. Ce serait là une impossibilité
si l' aide aux Etats ACP prévue par la convention était inscrite au budget communautaire. En outre, le Conseil déclare que le financement de l' aide prévue à la convention sous forme de contributions directes non inscrites au budget communautaire est préférable du point de vue de la Communauté. Les contributions des Etats membres au Fonds européen de développement s' ajoutent aux ressources propres de la Communauté et n' en font pas partie. Dans un cas tel que celui de l' exercice financier 1984, au
cours duquel le projet de budget de la Commission a atteint le plafond légal des ressources propres de la Communauté, l' importance du financement de l' aide au développement pour les Etats ACP sous forme de contributions directes extérieures au budget communautaire est devenue évidente.

17. Il est à noter que, bien que le Fonds ne fasse pas partie du budget, les dépenses encourues à ce titre n' échappent pas à la surveillance du Parlement et de la Cour des comptes. Au titre de l' article 33 de l' accord interne, au terme de chaque exercice financier, la Commission doit adopter le compte des recettes et des dépenses et le bilan du Fonds. L' article 33 prévoit également que, sans préjudice de la procédure de contrôle et de décharge prévue par les statuts de la Banque européenne d'
investissement, qui s' applique aux opérations financées par les ressources du Fonds gérées par la Banque, les opérations financées par le Fonds sont soumises au pouvoir de surveillance de la Cour des comptes. La décharge de la gestion financière du Fonds doit être accordée à la Commission par le Parlement sur la recommandation du Conseil se prononçant à la majorité qualifiée prévue à l' article 21, paragraphe 4 de l' accord interne. Les fonctions de la Cour des comptes et du Parlement dans ce
contexte sont définies de manière plus détaillée au titre V de l' acte contesté.

Recevabilité de la requête

18. Par acte séparé, le Conseil a demandé à la Cour de rejeter la requête du Parlement comme irrecevable sans qu' elle examine le fond de l' affaire. Il soutient que la requête doit être rejetée comme irrecevable pour deux motifs: premièrement, au motif que l' acte contesté n' est pas un acte susceptible d' être contrôlé au sens de l' article 173 du traité; deuxièmement, au motif qu' il n' a pas été porté atteinte aux prérogatives du Parlement.

19. Lorsque le Parlement fait valoir une violation de ses prérogatives, il règne une certaine confusion, non encore dissipée par la jurisprudence, sur la mesure dans laquelle les motifs invoqués soulèvent des points de recevabilité et dans laquelle ils soulèvent des questions de fond(18). La Cour ayant décidé d' examiner conjointement les questions de recevabilité et de fond, la distinction n' a guère de portée pratique en l' espèce. Selon nous, la situation, exposée succinctement, est la suivante:
s' il n' a pas été porté atteinte aux prérogatives du Parlement, dès lors une action est non fondée; s' il s' agit d' une mesure ne mettant pas en cause les prérogatives du Parlement et, par conséquent, ne leur portant pas atteinte, dès lors l' action est irrecevable.

20. Le premier argument du Conseil soulève manifestement une question de recevabilité. Le Conseil reconnaît qu' il est l' auteur de l' acte contesté et qu' il ne s' agit pas d' un acte des Etats membres. Néanmoins, il fait valoir que cet acte n' a pas été adopté sur la base du traité mais sur la base d' une compétence qui lui est conférée par l' article 32 de l' accord interne. Puisque cet acte a été adopté en dehors du cadre du traité, il ne s' agit pas d' un acte de la Communauté ni, a fortiori,
d' un règlement financier au sens de l' article 209 du traité.

21. En tout état de cause, le Conseil soutient qu' en adoptant l' acte contesté, il n' a pas porté atteinte aux prérogatives du Parlement. Si cet acte avait été adopté au titre de l' article 209 du traité, ainsi que le Parlement soutient qu' il aurait dû l' être, le Conseil aurait été tenu de consulter le Parlement. Bien que l' article 32 de l' accord interne ne prévoit pas la consultation du Parlement, le Conseil a demandé effectivement l' avis du Parlement avant d' adopter l' acte contesté et le
Parlement le lui a donné. Il s' ensuit que le Parlement a exercé sa fonction consultative et qu' il n' a pas été porté atteinte à ses prérogatives.

22. Le gouvernement espagnol, qui est intervenu à l' appui des conclusions du Conseil, prétend également que la requête du Parlement est irrecevable, en se fondant sur des arguments similaires à ceux qui sont invoqués par le Conseil.

23. Nous examinerons tout d' abord l' argument suivant lequel il n' a pas été porté atteinte aux prérogatives du Parlement, au motif qu' en tout état de cause le Parlement avait été consulté en ce qui concerne l' acte contesté.

24. Il est incontestable que, là où la consultation est prévue par le traité, un manquement à l' obligation de consulter le Parlement constitue une atteinte à ses prérogatives. La Cour a jugé que les prérogatives du Parlement comprennent la participation aux travaux législatifs de la Communauté(19). En ce qui concerne l' obligation de consulter, en particulier, elle a déclaré que la consultation permet au Parlement de participer au processus législatif et lui donne un pouvoir constituant un aspect
fondamental de l' équilibre institutionnel voulu par le traité: affaire 138/79 Roquette Frères contre Conseil(20). Dans la même affaire, elle a jugé que le manquement à l' obligation de consulter le Parlement, là où la consultation est prévue par le traité, constitue une violation d' une forme substantielle.

25. Il s' ensuit que, s' il adopte un acte sur une base juridique qui ne prévoit pas la consultation préalable du Parlement, alors que l' acte en cause aurait dû être adopté au titre d' une disposition du traité qui prévoit cette consultation, le Conseil refuse effectivement d' admettre que le Parlement a le droit d' être consulté en ce qui concerne l' adoption de cet acte. Il nous paraît que c' est là en soi une atteinte aux prérogatives du Parlement. Il est sans importance que le Conseil demande
au Parlement de présenter ses vues et en tienne compte lorsqu' elles sont soumises. Le respect des procédures prévues par le traité ne dépend pas du pouvoir d' appréciation de l' institution qui adopte l' acte. Il ne suffit pas que le Conseil fasse à titre gracieux ce qu' il est tenu de faire en vertu d' une obligation. C' est là une conception nécessaire pour que l' équilibre institutionnel voulu par le traité soit pleinement respecté. La Cour a également jugé que les règles concernant les
modalités sous lesquelles les institutions communautaires parviennent à leurs décisions sont prévues par le traité et ne dépendent pas du bon vouloir des Etats membres ou des institutions elles-mêmes(21).

26. En outre, il est inexact, contrairement à ce que le Conseil et le gouvernement espagnol soutiennent, que les effets juridiques d' une consultation obligatoire soient identiques à ceux d' une consultation facultative. En premier lieu, comme nous l' avons déjà indiqué, le manquement à l' obligation de consulter le Parlement, là où la consultation est exigée par le traité, constitue une violation d' une forme substantielle. L' omission d' une consultation purement facultative ne constituerait pas
la violation d' une forme substantielle. En deuxième lieu, là où la consultation est exigée par le traité, tant le Conseil que le Parlement sont liés par certaines obligations. Ce n' est pas nécessairement le cas lorsque la consultation n' a lieu qu' à l' initiative du Conseil.

27. Lorsque la consultation est obligatoire, le Conseil doit faire preuve de réceptivité en examinant l' avis du Parlement et tenir dûment compte des recommandations qui y sont comprises. Il doit s' efforcer d' épuiser lui-même "toutes les possibilités d' obtenir l' avis préalable du Parlement"(22). Il s' ensuit que le Conseil doit accorder au Parlement le temps dont il a besoin pour étudier la proposition de la Commission et exprimer ses vues en connaissance de cause. Il se peut qu' il soit
nécessaire au Conseil de demander à plusieurs reprises l' avis du Parlement au sujet de la même mesure, puisque la Cour a jugé qu' en principe, une nouvelle consultation était nécessaire chaque fois que le texte finalement adopté s' écartait dans sa substance même du texte au sujet duquel le Parlement avait déjà été consulté(23). En revanche, là où la consultation du Parlement n' est pas exigée par le traité, mais a lieu à l' initiative propre du Conseil, celui-ci ne sera pas tenu par des
obligations similaires.

28. Des considérations similaires sont valables en ce qui concerne le Parlement. La participation du Parlement aux travaux législatifs ne doit pas être tenue uniquement pour une prérogative mais également pour une responsabilité qui lui est confiée et à laquelle il ne peut renoncer. Lorsque la consultation est exigée, le Parlement a l' obligation d' examiner scrupuleusement la proposition de la Commission et de tenir dûment compte des questions à résoudre.

29. Il s' ensuit que la consultation, là où elle est prévue par le traité, fait naître des obligations tant chez le Conseil que chez le Parlement. Il peut n' en être pas nécessairement ainsi en ce qui concerne la consultation facultative. Deux conséquences s' ensuivent. En premier lieu, le Parlement est en droit de savoir si son avis est demandé par le Conseil au titre d' une obligation ou simplement à l' initiative du Conseil. En deuxième lieu, il ne faut pas écarter la possibilité que le caractère
obligatoire ou facultatif de la consultation puisse avoir un effet sur l' attitude des institutions participantes, ce qui risque ensuite d' exercer un effet sur l' issue du travail législatif. Par exemple, le caractère facultatif ou obligatoire de la consultation peut influer sur la manière dont le Parlement aborde les problèmes ou l' importance que le Conseil attache à l' avis du Parlement. Il est par conséquent inexact qu' une consultation obligatoire ne donne pas au Parlement une plus grande
possibilité d' influencer le processus législatif qu' une consultation facultative.

30. Nous en concluons que, s' il était reconnu que le fondement juridique correct de l' acte contesté était l' article 209 du traité, qui prévoit la consultation préalable du Parlement, l' adoption de cet acte sur une base juridique qui ne prévoit pas une consultation de cette nature constituerait une atteinte aux prérogatives du Parlement, même si le Parlement avait été prié de donner son avis et l' avait effectivement donné. Il s' ensuit que la question de savoir s' il a été porté atteinte aux
prérogatives du Parlement est liée à la question de savoir si l' acte contesté aurait dû être adopté au titre de l' article 209 du traité.

31. L' autre exception d' irrecevabilité, à savoir que l' acte contesté n' est pas un acte susceptible de contrôle au titre de l' article 173 est également liée au fond de l' affaire.

32. L' acte contesté a été adopté en dehors du cadre du traité, mais il est aisément concevable que ce n' est pas là en soi suffisant pour qu' il se place en dehors du champ d' application de l' article 173. S' il en était autrement, il serait loisible aux institutions communautaires ou aux Etats membres d' éluder les exigences du droit communautaire en adoptant en dehors du cadre du traité des actes qui devraient normalement être adoptés sur la base du traité et conformément aux procédures qui y
sont définies. Afin de veiller au respect de la règle de droit, la Cour a jugé qu' une procédure en annulation peut être engagée en ce qui concerne toutes les mesures adoptées par les institutions, quelle qu' en soit la nature ou la forme, qui sont destinées à exercer des effets juridiques: voir l' affaire 22/70 Commission contre Conseil (affaire ERTA)(24). La Cour a même jugé que le fait qu' un acte soit adopté sous la forme d' une décision des Etats membres réunis au sein du Conseil ne suffit pas
pour le placer hors de portée de l' article 173, s' il s' agit en réalité d' un acte du Conseil: voir les affaires jointes C-181 et C-248/91 Parlement contre Conseil, arrêt du 30 juin 1993 (affaire Bangladesh). A fortiori, en l' espèce, lorsqu' il n' est pas contesté que l' acte en cause est un acte du Conseil, la Cour est en droit d' examiner la teneur de l' acte et ses effets ainsi que le cadre dans lequel il a été adopté, afin de déterminer s' il s' agit d' un acte soumis au contrôle
juridictionnel.

33. Puisque nous avons conclu que les deux exceptions d' irrecevabilité sont liées au fond de l' affaire, nous passons à l' examen des arguments des parties en ce qui concerne le fond, ce qui soulève la question de la base juridique correcte de l' acte contesté.

34. Il y a lieu de rappeler qu' en substance, le Parlement fait valoir dans son argumentation que l' aide au développement pour les Etats ACP prévue par la convention constitue une dépense de la Communauté et que, par conséquent, les règles régissant sa mise en oeuvre doivent être adoptées sur la base de l' article 209 du traité. Le Conseil et le gouvernement espagnol contestent cette thèse. Il est donc nécessaire d' examiner si cette aide doit être tenue à juste titre pour une dépense de la
Communauté ou pour une dépense des Etats membres.

L' aide au développement destinée aux Etats ACP

35. Avant d' examiner de manière plus approfondie les arguments des parties, il est utile d' examiner succinctement la jurisprudence de la Cour relative à la compétence externe de la Communauté.

36. Certaines dispositions du traité prévoient expressément la conclusion d' accords internationaux par la Communauté. C' est ainsi que l' article 113 du traité prévoit que la politique commerciale commune est fondée sur des principes uniformes notamment en ce qui concerne la conclusion d' accords tarifaires et commerciaux. L' article 238, sur la base duquel la convention a été adoptée, précise que la Communauté peut conclure avec un Etat tiers, une union d' Etats ou une organisation internationale,
des accords créant une association caractérisée par des droits et obligations réciproques, des actions en commun et des procédures particulières.

37. Néanmoins, la Cour a jugé que la compétence requise pour la conclusion d' engagements internationaux peut résulter non seulement d' une attribution explicite par le traité mais également, de manière implicite, de ses dispositions. En particulier, là où le droit communautaire a établi dans le chef des institutions de la Communauté des compétences sur le plan interne afin d' atteindre un objectif déterminé, la Communauté a compétence pour prendre les engagements internationaux nécessaires afin d'
atteindre cet objectif, même en l' absence d' une disposition expresse à cet égard(25).

38. La compétence de la Communauté pour la conclusion d' un accord international peut être exclusive ou coexister avec celle des Etats membres. Le caractère exclusif de la compétence de la Communauté peut découler d' une disposition du traité, ce qui est le cas de la politique commerciale commune au titre de l' article 113 du traité(26). Il peut également dépendre de la portée des mesures qui ont été adoptées par les institutions communautaires en vue de l' application des dispositions du traité:
voir l' avis 2/91 du 19 mars 1993 sur la "Convention nº 170 de l' Organisation internationale du Travail concernant la sécurité dans l' utilisation des produits chimiques au travail"(27).

39. Dans l' affaire ERTA, la Cour a jugé que chaque fois qu' en vue de la mise en oeuvre d' une politique commune visée par le traité, la Communauté adopte des dispositions fixant des règles communes, les Etats membres perdent le droit de souscrire à des obligations envers des pays tiers qui influent sur ces règles ou en altèrent la portée(28). La portée de l' arrêt de la Cour dans l' affaire ERTA a été étendue dans l' avis 2/91. Dans cet avis, la Cour a estimé que le privilège du

droit communautaire n' est pas limité au cas dans lequel la Communauté a adopté des règles dans le cadre d' une politique communautaire. Il est également exclu que des Etats membres souscrivent à des engagements internationaux contenant des règles pouvant affecter les mesures communautaires existantes ou en altérer la portée dans des domaines ne relevant pas de politiques communes(29).

40. En ce qui concerne l' aide au développement destinée aux Etats ACP, il n' existe ni dans le traité ni dans les dispositions adoptées par les institutions de la Communauté en application du traité, aucun passage qui amène à conclure que la compétence de la Communauté est exclusive. En l' absence de toute indication contraire, il peut être admis que la Communauté et les Etats membres sont également compétents dans ce domaine. Il s' ensuit que non seulement la Communauté mais également les Etats
membres, agissant isolément ou collectivement, sont autorisés à conclure des accords internationaux visant à octroyer aux Etats ACP une aide au développement.

41. Il existe un autre élément qui constitue un argument en faveur de la thèse selon laquelle la compétence de la Communauté dans le domaine de l' aide au développement pour les Etats ACP coexiste avec celle des Etats membres. Le titre de la convention concernant la coopération au financement du développement contient des dispositions relatives à l' aide d' urgence(30). Au titre de l' article 254, les aides d' urgence sont accordées aux Etats ACP confrontés à des difficultés économiques et sociales
graves, à caractère exceptionnel, résultant de calamités naturelles ou de circonstances extraordinaires ayant des effets comparables. Ces aides ont donc essentiellement un caractère humanitaire. Dans l' affaire Bangladesh, la Cour a déclaré que, dans le domaine de l' aide humanitaire, la compétence de la Communauté n' est pas exclusive et qu' il n' est pas interdit aux Etats membres d' exercer collectivement leur compétence dans ce domaine(31).

42. Le Parlement reconnaît que, dans un domaine dans lequel la Communauté et les Etats membres disposent d' une compétence commune, la Communauté et les Etats membres sont également autorisés à prendre des mesures. Néanmoins, il fait valoir que, dès que la Communauté exerce sa compétence, les Etats membres ne sont plus autorisés à exercer la leur. De l' avis du Parlement, l' exercice par la Communauté de sa compétence dans un domaine déterminé a pour conséquence que les Etats membres perdent leur
compétence pour agir dans ce domaine.

43. Selon le Parlement, puisque, au titre de la convention, la Communauté s' est engagée à fournir une aide au développement destinée aux Etats ACP, il est interdit aux Etats membres d' agir dans ce domaine. A l' appui de sa thèse, le Parlement évoque les arrêts de la Cour dans l' affaire 804/79 Commission contre Royaume-Uni(32), qui concernait l' article 102 de l' Acte d' adhésion de 1972, et dans l' affaire ERTA.

44. Si le bien-fondé de l' argumentation du Parlement était reconnu, il s' ensuivrait qu' il serait impossible à la Communauté et aux Etats membres d' agir conjointement aux fins de l' octroi d' une aide au développement pour les Etats ACP et tout aussi impossible aux Etats membres de s' acquitter directement des obligations financières découlant de la convention. Selon nous, cependant, c' est là une argumentation inacceptable.

45. Les affaires évoquées par le Parlement ne constituent pas un argument en faveur de la thèse selon laquelle, là où la Communauté et les Etats membres disposent d' une compétence commune, l' exercice par la Communauté de sa compétence interdit nécessairement aux Etats membres d' agir.

46. La différence capitale entre l' affaire Commission contre Royaume-Uni et l' espèce tient à ce que cette affaire concernait un domaine dans lequel le transfert de la compétence à la Communauté était "total et définitif" et non dans laquelle la compétence était partagée entre la Communauté et les Etats membres. A aucun égard, l' arrêt de la Cour dans l' affaire Commission contre Royaume-Uni ne donne à penser que là où la Communauté exerce sa compétence dans un domaine relevant de la compétence
commune de la Communauté et des Etats membres, il est nécessairement interdit à ceux-ci d' exercer leur compétence.

47. La thèse du Parlement n' est pas non plus étayée par l' arrêt de la Cour dans l' affaire ERTA. Dans cette dernière affaire, comme dans l' avis 2/91, la Cour avait à connaître de la relation entre les compétences internes et externes de la Communauté. Cette relation n' est pas en cause en l' espèce. Si les Etats membres ont assumé l' obligation de fournir une aide au développement pour les Etats ACP, aucune règle interne adoptée par la Communauté n' en est altérée.

48. A l' évidence, dès que la Communauté a conclu un accord international dont l' objet relève de la compétence commune de la Communauté et des Etats membres, les Etats membres sont tenus par certaines obligations qui découlent de l' article 5 du traité. En particulier, les Etats membres doivent faciliter l' exécution des obligations de la Communauté découlant de l' accord et ne sont pas autorisés à agir unilatéralement d' une manière risquant de compromettre l' exécution de leur obligation de
procéder par une action commune dans le cadre de l' accord.

49. Il se conçoit également, compte tenu de l' arrêt de la Cour dans l' affaire ERTA et de sa prise de position dans l' avis 2/91 que, dès que la Communauté conclut un accord international, il soit interdit aux Etats membres de prendre toute mesure risquant d' affecter cet accord ou d' en altérer la portée. Les limites exactes de l' obligation imposée aux Etats membres dans ce contexte ne peuvent être tracées abstraitement, mais dépendent de l' accord en cause. Ainsi que le Conseil l' a souligné au
cours de l' audience, dans le domaine de l' aide au développement destinée à des Etats tiers, le risque que l' action entreprise par les Etats membres n' ait des effets préjudiciables à l' action entreprise par la Communauté est moindre qu' il ne l' est dans d' autres domaines, tels que celui de la politique sociale.

50. Néanmoins, il est inacceptable que, ainsi que le Parlement l' a soutenu spécialement au cours de l' audience, dès que la Communauté souscrit à une obligation en concluant un accord international, il soit nécessairement interdit aux Etats membres de souscrire à cette obligation conjointement avec la Communauté. En règle générale, dans un domaine dans lequel la Communauté et les Etats membres disposent d' une compétence parallèle, ils peuvent exercer leurs compétences conjointement en entreprenant
une action commune et en assumant des obligations communes à l' égard de tiers.

51. La thèse selon laquelle il est possible à la Communauté et aux Etats membres d' agir conjointement dans un domaine dans lequel ils disposent d' une compétence commune est également étayée par l' arrêt de la Cour dans l' affaire Bangladesh. Dans cette affaire, la Cour a précisé sans ambiguïté qu' il était possible aux Etats membres d' apporter les fonds nécessaires pour le financement de l' aide humanitaire et à la Commission de procéder à la coordination de cette aide.

52. Dans ce contexte, il est également permis d' évoquer le traité sur l' Union européenne, bien qu' il n' était pas en vigueur au cours de la période à considérer. Ce traité ajoute un nouveau titre à la troisième partie du traité CE, intitulé "Coopération au développement" (titre XVII). L' article 130u, premier paragraphe prévoit que la politique de la Communauté dans le domaine de la coopération au développement est complémentaire de celles qui sont menées par les Etats membres. L' article 130x
prévoit ce qui suit:

"1. La Communauté et les Etats membres coordonnent leurs politiques en matière de coopération au développement et se concertent sur leurs programmes d' aide, y compris dans les organisations internationales et lors des conférences internationales. Ils peuvent entreprendre des actions conjointes. Les Etats membres contribuent, si nécessaire, à la mise en oeuvre des programmes d' aide communautaires.

2. La Commission peut prendre toute initiative utile pour promouvoir la coordination visée au paragraphe 1".

Il est donc clair qu' au titre de ces dispositions, la politique de développement relève de la compétence commune de la Communauté et des Etats membres.

53. En conclusion, il est possible à la Communauté et aux Etats membres d' assumer conjointement l' obligation de fournir une aide au développement pour les Etats ACP. Nous en concluons également que, puisque la Communauté et les Etats membres sont également compétents dans ce domaine, il leur est possible de prévoir d' un commun accord que les fonds nécessaires au financement de l' aide au développement seront fournis directement par les Etats membres sans être inscrits au budget communautaire.

54. Il y a lieu cependant de rappeler que, selon la Cour des comptes, un des motifs pour lesquels les opérations financières du Fonds européen de développement constituent des dépenses de la Communauté et doivent être inscrites au budget de la Communauté est qu' elles poursuivent les mêmes objectifs de développement que d' autres mesures inscrites au budget dans l' intérêt des pays associés ou non associés(33). Selon un argument similaire, le Fonds européen de développement doit être compris dans le
budget parce que les dépenses destinées à financer la coopération technique et financière avec les pays méditerranéens, qui sont de même nature que les dépenses de financement de l' aide prévue à la convention, ont été inscrites dans le budget de la Communauté avec effet à compter de 1978(34).

55. Les arguments susvisés sont inacceptables. Puisque, dans le domaine de l' aide au développement, la Communauté et les Etats membres sont également compétents, ils sont libres d' entreprendre une action commune et de prévoir d' un commun accord que les dépenses nécessaires seront engagées directement par les Etats membres sans passer par le budget de la Communauté. L' inscription des dépenses du financement de l' aide au développement au budget dans le passé n' implique pas que ces dépenses
doivent être toujours inscrites au budget.

56. La conclusion selon laquelle il est possible aux Etats membres de fournir directement les fonds nécessaires au financement de l' aide au développement prévue par la convention trouve sa confirmation dans la prise de position de la Cour dans l' avis 1/78 sur le projet d' accord sur le caoutchouc naturel(35). Dans cet avis, la Cour avait à connaître de la compatibilité avec le traité du projet d' accord international sur le caoutchouc naturel, qui était négocié au sein de la Conférence des Nations
Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Selon la Commission, le projet d' accord relevait de la compétence exclusive de la Communauté. Le Conseil a soutenu que ce projet d' accord relevait partiellement de la compétence de la Communauté et partiellement de celle des Etats membres et que le projet adopté constituerait donc un accord mixte.

57. La Cour a estimé que, en raison de son objet et de ses objectifs, le projet d' accord tombait dans le champ d' application de l' article 113 du traité relatif à la politique commerciale commune. Néanmoins, eu égard au fait qu' à ce stade des négociations, le point de savoir si l' accord serait financé par le budget communautaire ou directement par les Etats membres n' avait pas été résolu, elle a laissé en suspens la question de savoir si la Communauté avait compétence exclusive pour le
conclure. Elle a jugé que, si l' obligation de financer le stock tampon, qui devait être institué par le projet d' accord, était inscrite au budget de la Communauté, la Communauté serait investie d' une compétence exclusive. En revanche, si cette obligation incombait aux Etats membres, ceux-ci auraient une compétence conjointe. Tant que cette question n' était pas résolue, les Etats membres pouvaient participer à la négociation du projet d' accord. La Cour a conclu en ce sens au motif que les
dispositions financières de l' accord occupaient une place centrale dans l' économie de cet accord(36). Par conséquent, là où les dispositions financières d' un accord occupent une place centrale dans l' économie de cet accord, il est possible de déterminer si la Communauté a une compétence exclusive ou si les Etats membres ont une compétence conjointe pour conclure cet accord précisément eu égard au point de savoir si les Etats membres sont disposés à assumer directement les obligations financières
qui découlent de ces dispositions.

58. Il ressort également de l' avis 1/78 que, lorsque les dispositions financières d' un accord occupent une place centrale dans l' économie de cet accord, il est possible aux Etats membres d' assumer directement les obligations financières découlant de l' accord, même si l' accord relève d' un domaine pour lequel la Communauté a normalement une compétence exclusive. A fortiori, les Etats membres peuvent assumer des obligations financières découlant d' un accord, dont l' objet relève d' un domaine
pour lequel la compétence de la Communauté coexiste avec celle des Etats membres.

59. La prise de position de la Cour dans l' avis 1/78 n' est pas incompatible avec le caractère exclusif de la compétence de la Communauté dans le domaine de la politique commerciale commune. Cette compétence de la Communauté reste exclusive en ce sens qu' il est interdit aux Etats membres de souscrire unilatéralement à des obligations internationales, de manière à ce qu' il soit veillé séparément à la sauvegarde de leurs propres intérêts dans le domaine des relations extérieures, au risque de
compromettre la défense effective des intérêts communs de la Communauté(37). La Cour a pris la position suivante(38):

"Les mesures tant 'internes' qu' 'externes' prises par la Communauté dans le cadre de la politique commerciale commune n' impliquent pas nécessairement, aux fins de leur compatibilité avec le traité, un transfert aux institutions de la Communauté des obligations et des charges financières qu' elles peuvent entraîner: ces mesures ont uniquement pour but de substituer à l' action unilatérale des Etats membres, dans le domaine considéré, une action commune, fondée sur des principes uniformes, pour l'
ensemble de la Communauté".

La jurisprudence de la Cour confirme donc que la question de savoir si la compétence de la Communauté pour conclure un accord est exclusive ou coexiste avec celle des Etats membres n' est pas nécessairement déterminante pour le point de savoir si la Communauté ou les Etats membres sont tenus de souscrire aux obligations financières découlant de cet accord.

60. Il n' est guère douteux que les dispositions relatives à la coopération en matière de financement du développement occupent une place centrale dans l' économie de la convention. Il est indispensable d' octroyer aux Etats ACP une aide au développement afin de faciliter la poursuite des objectifs de la convention et l' octroi de cette aide constitue une des pierres angulaires de la coopération ACP-CEE. Il s' ensuit, eu égard à la prise de position de la Cour dans l' avis 1/78, qu' il est possible
aux Etats membres de fournir directement, sans passer par le budget de la Communauté, les fonds nécessaires au financement de l' aide au développement pour les Etats ACP prévue par la convention.

61. Néanmoins, selon le Parlement, il ressort du texte et de l' esprit de la convention que l' obligation de fournir cette aide au développement pour les Etats ACP est une obligation assumée exclusivement par la Communauté. Dans ses observations écrites et à l' audience, le Parlement a attaché un grand poids à cet argument.

62. Le Parlement évoque le préambule de la convention qui mentionne, en tant que parties contractantes distinctes, les Etats membres, la Communauté et les Etats ACP. Il soutient que, d' un bout à l' autre de ses dispositions essentielles et de ses clauses finales, la convention distingue clairement entre les obligations assumées par la Communauté et les obligations assumées par les Etats membres. Il conclut qu' en vertu de la convention, la Communauté a souscrit à l' égard des Etats ACP à des
obligations de droit international distinctes de celles qui sont assumées par les Etats membres.

63. Selon le Parlement, il ressort de l' article 231 de la convention qui mentionne les "concours financiers de la Communauté" et de l' article premier du protocole financier, qui utilise les mêmes termes, que l' obligation de fournir une assistance financière aux Etats ACP est une obligation assumée uniquement par la Communauté et non par les Etats membres. Les Etats ACP ne peuvent exiger que de la Communauté, et non des Etats membres directement, l' octroi de cette assistance.

64. Le Conseil soutient que le terme "Communauté" utilisé à l' article 231 ne peut être censé viser la Communauté, à l' exclusion des Etats membres, mais doit être plutôt censé distinguer entre la Communauté, d' une part, qui comprend la Communauté et les Etats membres, et les Etats ACP, d' autre part. Dans sa réponse, le Parlement soutient que le terme "Communauté" ne sert jamais dans la convention à désigner également les Etats membres. Il évoque diverses dispositions de la convention et conclut
que, là où les auteurs de la convention se proposaient d' évoquer tant la Communauté que les Etats membres, ils se sont exprimés explicitement en ce sens ou ont utilisé le terme "partie contractante".

65. L' avis 1/78, selon le Parlement, concernait les possibilités de financement d' un accord avant la conclusion de cet accord; la prise de position de la Cour est étrangère à la présente affaire, dans laquelle, aux termes de la convention, la Communauté a souscrit à l' obligation de fournir l' aide.

66. Nous croyons comprendre que l' argument du Parlement signifie que, là où, au titre d' un accord mixte, l' obligation d' octroyer une aide n' est assumée que par la Communauté et non par les Etats membres, ceux-ci ne sont pas autorisés à procéder au financement de cette aide sous la forme de contributions directes en dehors du budget communautaire.

67. A notre avis, ce n' est pas là un argument convaincant. Selon nous, en tout cas là où la Communauté et les Etats membres ont une compétence conjointe pour l' octroi d' une assistance financière à des Etats tiers, le fait que la Communauté seule ait souscrit à une obligation au titre d' un traité de fournir cette assistance n' a pas par lui-même pour conséquence que les dépenses nécessaires à son financement sont des dépenses de la Communauté et doivent être inscrites au budget de la Communauté.
Dans la mesure où les Etats membres restent libres d' assumer directement les obligations financières découlant d' un accord international auquel tant la Communauté que les Etats membres sont parties, il n' existe aucun motif de restreindre leur liberté à cet égard en raison du fait qu' il est convenu que la Communauté seule sera contractuellement responsable à l' égard de l' autre partie à l' accord.

68. En tout état de cause, nous ne rallions pas à la thèse du Parlement, selon laquelle, d' après la lettre et l' esprit de la convention, l' obligation de fournir l' aide n' incombe qu' à la Communauté.

69. La convention a été conclue sous la forme d' un accord mixte (c' est-à-dire par la Communauté et ses Etats membres conjointement) et a un caractère essentiellement bilatéral. C' est là ce qui ressort clairement de son article premier, qui précise que la convention est conclue entre la Communauté et ses Etats membres, d' une part, et les Etats ACP, d' autre part. Au titre d' un accord mixte, la Communauté et les Etats membres sont conjointement responsables, à moins que les dispositions de l'
accord n' en disposent autrement(39).

70. Il est exact que le titre III de la troisième partie de la convention mentionne "l' assistance financière de la Communauté" mais il ne faut pas pour autant en conclure qu' à la différence des Etats membres, la Communauté a souscrit à l' obligation de fournir cette assistance. Ainsi que le soutient le Conseil, le terme "Communauté" peut être utilisé dans ce contexte au sens tant de la Communauté que des Etats membres.

71. Cette interprétation est étayée par l' article 223, qui prévoit que, dans le contexte de la coopération au financement du développement, à moins que la convention n' en dispose autrement, toute décision nécessitant l' approbation de "l' une des parties contractantes" est approuvée ou réputée approuvée dans les 60 jours de sa notification. S' il était exact, ainsi que le Parlement le soutient, que l' obligation de fournir l' aide n' incombe qu' à la Communauté, l' article 223 n' aurait pas
mentionné "l' une des parties contractantes", expression par laquelle il faut entendre, d' une part, la Communauté et les Etats membres et, d' autre part, les Etats ACP. Il aurait dû plutôt mentionner la Communauté et les Etats ACP.

72. Nous relevons que ni la convention ni le protocole financier ne précisent les modalités de financement de l' aide. Selon nous, le fait que les Etats membres aient convenu de fournir directement les fonds nécessaires au financement de l' aide est en lui-même très révélateur de ce qu' ils ont souscrit à une obligation conjointe avec la Communauté au titre de la convention.

73. C' est là une interprétation que confirme un examen de la convention du point de vue des Etats ACP. Le fait que le soin de décider des modalités tant du financement de l' aide que de son administration soit laissé à la Communauté et aux Etats membres, sans l' intervention des Etats ACP, amène à conclure que les parties contractantes avaient pour intention que la Communauté et les Etats membres assument une obligation conjointe d' octroyer l' aide, la méthode de financement de cette aide
constituant une question interne à la Communauté.

74. Il faut également relever que la convention est la plus récente d' une série de conventions prévoyant des dispositions financières similaires. Comme nous l' avons déjà indiqué, les Etats membres se sont engagés à fournir directement les fonds nécessaires au financement de l' aide au développement prévue par les conventions successives de Yaoundé et de Lomé. C' est là également un élément à l' appui de la conclusion suivant laquelle les Etats membres ont souscrit à une obligation conjointe avec
la Communauté de fournir l' aide au développement au titre de la convention.

75. Nous ne sommes donc pas persuadés que la mention de "l' assistance financière de la Communauté" dans la convention implique que l' obligation de fournir cette assistance incombe exclusivement à la Communauté. Si les parties contractantes s' étaient proposé de faire peser cette obligation uniquement sur la Communauté, à l' exclusion des Etats membres, ils l' auraient précisé sans ambiguïté dans la convention.

76. Il n' est pas douteux que l' aide aux Etats ACP prévue par la convention est une aide de la Communauté, dans la mesure où elle est offerte sous les auspices de la Communauté. A cet égard, elle diffère de l' aide bilatérale octroyée par les Etats membres aux Etats ACP. Les articles 17 et 19 de l' accord interne comprennent des dispositions qui visent à assurer la coordination et à améliorer la complémentarité entre l' aide accordée par la Communauté et l' aide bilatérale accordée par les Etats
membres. Néanmoins, ce n' est pas là affirmer que l' aide prévue par la convention ne peut être financée par des contributions directes des Etats membres non inscrites au budget de la Communauté.

77. Nous avons conclu que l' aide au développement prévue par la convention ne constitue pas une dépense de la Communauté et qu' il est inutile de l' inscrire au budget. Il s' ensuit qu' il n' était pas nécessaire d' adopter au titre de l' article 209 du traité, qui prévoit la consultation préalable du Parlement, l' acte contesté. Contrairement à ce que soutient le Parlement, il n' est donc pas question qu' il ait été porté atteinte à ses prérogatives. La requête du Parlement est donc irrecevable.
Dans cette optique, il est inutile d' examiner l' autre point de la recevabilité, à savoir si l' acte contesté est un acte susceptible d' être contrôlé. Dans un souci d' exhaustivité, nous examinerons cependant ce point.

La nature de l' acte contesté

78. Il y a lieu de rappeler que, selon le Conseil et le gouvernement espagnol, l' acte contesté n' est pas un acte susceptible d' être contrôlé parce qu' il n' a pas été adopté dans l' exercice des pouvoirs conférés au Conseil par le traité mais d' un pouvoir qui lui a été conféré par les Etats membres.

79. Le Parlement conteste cette thèse. Il soutient que le Conseil ne peut agir en dehors du cadre du traité sur la base d' un mandat qui lui est conféré par les Etats membres. Il fait valoir subsidiairement qu' en raison de sa substance et de sa forme, l' acte contesté présente toutes les caractéristiques d' un acte de la Communauté. S' il était admis que le Conseil pouvait agir en dehors du cadre du traité, l' acte contesté devrait être annulé, au motif qu' il a été adopté sous des modalités et
sous une forme étrangères à sa nature.

80. Nous examinerons en premier lieu la question de savoir si le Conseil avait le pouvoir d' adopter l' acte contesté conformément à l' accord interne. Nous passerons ensuite à l' examen de la nature de cet acte.

81. C' est à tort que le Parlement fait valoir dans ses observations écrites qu' une institution communautaire n' est jamais autorisée à agir conformément à un mandat qui lui est conféré par les Etats membres. Dans l' affaire Bangladesh, la Cour a jugé qu' il n' était pas interdit à la Commission de procéder à la coordination d' une action collective décidée par les Etats membres(40). L' action en cause dans cette affaire était l' administration de l' aide humanitaire accordée au Bangladesh suivant
une décision des Etats membres réunis au sein du Conseil.

82. Ainsi que le Conseil le souligne, dans d' autres cas également, les Etats membres autorisent une institution communautaire à agir en leur nom dans un domaine relevant de leur compétence. Des considérations d' opportunité rendent souhaitable une pratique de cette nature. C' est ainsi que, dans le cas des accords mixtes, les Etats membres chargent la Commission de négocier en leur nom et sous leur autorité avec l' autre partie à l' accord en ce qui concerne tout aspect de l' accord relevant ou
semblant relever de leur compétence exclusive. La Commission a également mené les négociations au nom des Etats membres dans des accords prévoyant l' adhésion de nouveaux Etats à la Communauté, conformément à l' article 237 du traité, bien que le traité n' ait pas prévu l' exécution par la Commission d' une tâche de cette nature. Dans le domaine de la coopération européenne en matière de politique étrangère, prévue à l' article 30 de l' acte unique européen, le Conseil a fréquemment joué un rôle qui
lui est conféré non par cet article, mais par les Etats membres.

83. Il ne ressort pas non plus de l' article 4, paragraphe 1 du traité, auquel le Parlement attache autant d' importance dans ses observations écrites, qu' une institution communautaire ne puisse jamais agir conformément au mandat qui lui est donné par les Etats membres. L' article 4, paragraphe 1 prévoit que chaque institution communautaire agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées par le traité. Il a pour principal objectif de définir le statut constitutionnel des institutions
communautaires à l' égard des Etats membres. Il précise clairement que les institutions communautaires ne sont pas dotées de pouvoirs intrinsèques, mais uniquement de ces pouvoirs qui, explicitement ou implicitement, leur sont conférés par le traité. Les pouvoirs qui ne leur sont pas conférés de cette manière restent acquis aux Etats membres. Il ressort de l' article 4, paragraphe 1 qu' une institution communautaire ne peut empiéter sur la compétence des Etats membres, pas plus qu' elle ne peut agir
de manière à éluder les exigences du traité. Néanmoins, cette disposition n' a pas pour objectif d' exclure la possibilité qu' une institution communautaire ne s' acquitte de fonctions conformément à un mandat des Etats membres.

84. Il est par conséquent possible à une institution de la Communauté de remplir, pour le compte des Etats membres, certaines fonctions en dehors du cadre du traité pour autant que ces fonctions et les modalités de leur exercice soient compatibles avec ses obligations au titre du traité. Le point de savoir s' il en est bien ainsi est une question qui relève du contrôle de la Cour.

85. En règle générale, il est peut-être possible de distinguer entre la fonction exécutive et la fonction législative. Il est plus facile de concevoir qu' une institution communautaire remplisse une fonction exécutive conformément au mandat des Etats membres, telle que la coordination d' une action décidée par les Etats membres ou la représentation de leurs intérêts collectifs à l' égard des pays tiers, que d' admettre qu' une institution communautaire, en particulier le Conseil, puisse exercer une
fonction législative, conformément au mandat des Etats membres. Il en est ainsi parce que le Conseil est le principal organe législatif de la Communauté et qu' en règle générale, il ne peut exercer de fonction législative conformément au mandat des Etats membres tout en exerçant sa fonction législative au titre du traité. Une action de cette nature risquerait d' avoir pour résultat que les procédures prévues par le traité seraient éludées, et de causer également une confusion en ce qui concerne la
nature des actes adoptés par le Conseil.

86. En l' espèce, cependant, nous estimons qu' il était possible au Conseil d' adopter l' acte contesté en se fondant sur l' accord interne. Nous avons constaté que cet acte avait pour objectif de fixer des règles précises en ce qui concerne l' administration de l' aide au développement pour les Etats ACP prévue par la convention. Selon nous, il était possible au Conseil de l' adopter, étant donné que la convention est un accord mixte et que l' acte contesté relève d' un domaine dans lequel la
Communauté et les Etats membres ont des compétences communes. La Cour a jugé que, là où un accord est conclu dans un domaine pour lequel la compétence est partagée entre la Communauté et les Etats membres, la négociation et la mise en oeuvre de l' accord exigent une action commune de la Communauté et des Etats membres(41).

87. Pour la mise en oeuvre de la convention, les Etats membres agissent en liaison étroite avec les institutions communautaires. Au titre de l' accord interne, la Commission est principalement responsable de l' administration du Fonds et de la mise en oeuvre de la politique d' aide définie par le Conseil(42). La convention est complétée par un accord interne relatif aux mesures et aux procédures à suivre pour son application(43) qui, comme l' accord interne, sur la base duquel l' acte contesté a été
adopté, est un acte des représentants des gouvernements des Etats membres réunis au sein du Conseil. L' article premier prévoit que le Conseil doit adopter à l' unanimité, après avoir consulté la Commission, la position commune qui doit être défendue par les représentants de la Communauté au sein du Conseil des ministres ACP-CEE, lorsque celui-ci connaît de questions relevant de la compétence des Etats membres.

88. Il est donc clair qu' un rôle capital dans la mise en oeuvre de la convention est joué par le Conseil et par la Commission, qui agissent en une double qualité: en tant qu' institutions communautaires et, en fait, en tant que représentants des Etats membres. C' est là une nécessité, compte tenu du fait que la convention a été conclue sous la forme d' un accord mixte. L' adoption de l' acte contesté s' inscrit dans la succession des mesures consécutives à prendre pour la mise en oeuvre de la
convention. Il serait difficile de mettre en cause le pouvoir du Conseil d' arrêter l' acte contesté sans mettre en cause la participation générale du Conseil et de la Commission à la mise en oeuvre de la convention.

89. Nous concluons par conséquent qu' il est conforme au traité que le Conseil adopte l' acte contesté en se fondant sur l' accord interne. Nous passons maintenant à l' examen de la nature de l' acte contesté.

90. A l' évidence, l' acte contesté n' est pas un règlement au sens de l' article 189 du traité. Il n' a pas été adopté sur la base d' une disposition du traité mais de l' accord interne, qui est une décision des représentants des gouvernements des Etats membres. En outre, il a été adopté à la majorité qualifiée prévue à l' article 21, paragraphe 4 de l' accord interne, majorité qui diffère de celle qui est prévue à l' article 148, paragraphe 2 du traité.

91. Il est cependant tout aussi évident que l' acte contesté et un acte de la Communauté présentent de nombreuses caractéristiques communes. Les considérations suivantes vont dans le sens de cette conclusion:

a) L' acte contesté a été adopté par le Conseil et non par les représentants des Etats membres réunis au sein du Conseil.

b) D' autres instances de la Communauté ont participé à l' adoption de l' acte contesté. Conformément à l' article 32 de l' accord interne, le Conseil a agi en se fondant sur un projet présenté par la Commission et après avoir reçu l' avis de la Cour des comptes et de la Banque européenne d' investissement. L' avis du Parlement a également été demandé.

c) L' acte contesté est destiné à produire des effets juridiques. Il fixe une ligne de conduite obligatoire pour les institutions communautaires et pour les Etats membres.

d) La forme de l' acte contesté ressemble partiellement à celle d' un acte de la Communauté. Cet acte est intitulé "Règlement financier" et est publié dans la série législative du Journal officiel mais sous la rubrique "Actes dont la publication n' est pas une condition de leur applicabilité". Son préambule commence par les mots: "vu le traité instituant la Communauté économique européenne" - mais, contrairement à l' usage de la Communauté, ne mentionne aucune disposition particulière du traité.

92. Compte tenu de sa teneur et de sa forme ainsi que du contexte de son adoption, il nous semble que l' acte contesté a un caractère hybride qui répond à la nature mixte de la convention. Bien qu' il ait été adopté par le Conseil agissant sur mandat des Etats membres, il n' est pas absolument étranger à l' ordre juridique de la Communauté. Il est préférable de le tenir pour un acte sui generis que, comme nous l' avons déjà indiqué, le Conseil était en droit d' adopter aux fins de l' application des
dispositions financières de la convention. Nous rejetons l' argument du Parlement suivant lequel l' acte contesté a été adopté sous des modalités et sous une forme étrangères à sa nature. Le fait qu' il présente certaines des caractéristiques d' un acte de la Communauté est justifié en l' espèce par son caractère hybride.

93. En conclusion, l' acte contesté n' a pas été adopté dans l' exercice des pouvoirs conférés au Conseil par le traité mais d' un pouvoir qui lui a été confié dehors du traité par les Etats membres. Un acte de cette nature ne peut être contrôlé par la Cour que là où il est possible de soutenir qu' il était incompatible avec les obligations du Conseil au titre du traité, ce qui n' est pas la cas en l' espèce.

Conclusion

94. Nous sommes donc d' avis que

1) le recours doit être rejeté; et que

2) le Parlement doit être condamné aux dépens du Conseil, l' Espagne, en qualité de partie intervenante, devant supporter ses propres dépens.

(*) Langue originale: l' anglais.

(1) - JO 1991 L 266, p. 1.

(2) - JO 1991 L 229, p. 3. Outre les signataires initiaux, la Namibie a adhéré à la Convention en 1990.

(3) - Décision nº 91/400/CECA, CEE, JO 1991 L 229, p. 1.

(4) - Article 220, paragraphes a) et b).

(5) - Article 221, sous b).

(6) - Article 224.

(7) - Articles 243 à 250.

(8) - Voir l' article 231 de la convention et l' article premier, paragraphe 1 du protocole financier de la convention (JO 1991 nº L 229, p. 133).

(9) - JO nº L 229, 1991, p. 288.

(10) - JO nº C 19, 1991, p. 588.

(11) - JO nº C 158, 1991, p. 28.

(12) - Règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes; voir texte mis à jour dans le JO 1991 nº C 80, p. 1.

(13) - Recueil 1990, p. I-2041, point 27.

(14) - Pour un examen général du Fonds européen de développement, voir D. Strasser, The Finances of Europe, Luxembourg 1992, pp. 44-45, pp. 109 et ss.

(15) - JO nº C 14, 1973, p. 25.

(16) - Voir COM(79)4, 10 janvier 1979.

(17) - JO nº C 45, 1981, p. 3.

(18) - Voir l' affaire C-70/88 Parlement contre Conseil, point 31 et les affaires jointes C-181/91 et C-248/91 Parlement contre Conseil (affaire Bangladesh), arrêt du 30 juin 1993, point 32.

(19) - Affaire C-70/88 Parlement contre Conseil, point 28 de l' arrêt.

(20) - Recueil 1980, p. 3333, point 33 de l' arrêt. Voir également l' affaire 139/79 Maizena contre Conseil (Rec. 1980, p. 3393).

(21) - Affaire 68/86 Royaume-Uni contre Conseil (Rec. 1988, p. 855, point 38).

(22) - Voir affaire Roquette Frères contre Conseil, point 36.

(23) - Affaire C-65/90 Parlement contre Conseil (Rec. 1992, p. I-4593, point 16).

(24) - Recueil 1971, p. 263.

(25) - Avis 1/76 concernant un Projet d' accord relatif à l' institution d' un Fonds européen d' immobilisation de la navigation intérieure (Rec. 1977, p. 741, point 3).

(26) - Avis 1/75 (Rec. 1975, p. 1355, voir aux pp. 1363 et 1364). Voir également l' affaire 41/76 Donckerwolcke contre Procureur de la République (Rec. 1976, p. 1921, point 32).

(27) - Avis 2/91 (non encore publié), points 8 et 9.

(28) - Affaire 22/70 Commission contre Conseil, points 17 et 22.

(29) - Avis 2/91, points 10 et 11.

(30) - Articles 254 à 257.

(31) - Affaires jointes C-181 et C-248/91, Parlement contre Conseil, point 16.

(32) - Recueil 1981, p. 1045.

(33) - Voir ci-dessus, paragraphe 14.

(34) - Voir G. Isaac, Les Institutions Communautaires, Juris Classeur de droit européen, novembre 1990, fascicule 250, paragraphe 27.

(35) - Recueil 1979, p. 2871.

(36) - Avis 1/78, point 55.

(37) - Avis 1/75 concernant un projet d' Arrangement concernant une norme pour les dépenses locales , p. 1364.

(38) - Avis 1/75, p. 1364.

(39) - Voir E. Stein, External relations of the European Community: Structure and Process dans Collected Courses of the Academy of European Law, 1990, volume I, livre I, EUI, p. 162; C. Tomuschat, Liability for Mixed Agreements' dans D. O' Keeffe et H.G. Schermers, Mixed Agreements, Leiden, 1983, p. 130.

(40) - Affaires jointes C-181 et C-248/91 Parlement contre Conseil, point 20.

(41) - Avis 2/91 du 19 mars 1993 relatif à la Convention nº 170 de l' Organisation internationale du travail concernant la sécurité dans l' utilisation des produits chimiques au travail , point 12.

(42) - Voir les articles 10 et 11 de l' accord interne.

(43) - JO 1991, nº L 229, p. 301.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-316/91
Date de la décision : 10/11/1993
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Recours en annulation - Parlement - Conditions de recevabilité - Acte du Conseil - Convention de Lomé - Règlement financier - Base juridique.

Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP)

Dispositions institutionnelles

Dispositions financières

Budget

Relations extérieures

Fonds européen de développement (FED)


Parties
Demandeurs : Parlement européen
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jacobs
Rapporteur ?: Kapteyn

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1993:872

Source

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