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16/07/1993 | CJUE | N°C-296/93

CJUE | CJUE, Ordonnance du Président de la Cour du 16 juillet 1993., République française contre Commission des Communautés européennes., 16/07/1993, C-296/93


Avis juridique important

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61993O0296

Ordonnance du Président de la Cour du 16 juillet 1993. - République française contre Commission des Communautés européennes. - Viande bovine - Organisation commune des marchés - Recours en annulation - Sursis à exécution. - Affaire C-296/93 R.
Recueil de jurisprudence 19

93 page I-04181

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

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Avis juridique important

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61993O0296

Ordonnance du Président de la Cour du 16 juillet 1993. - République française contre Commission des Communautés européennes. - Viande bovine - Organisation commune des marchés - Recours en annulation - Sursis à exécution. - Affaire C-296/93 R.
Recueil de jurisprudence 1993 page I-04181

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Mots clés

++++

Référé - Sursis à exécution - Conditions d' octroi - Préjudice grave et irréparable

(Traité CEE, art. 185; règlement de procédure de la Cour, art. 83, § 2)

Sommaire

Le caractère urgent d' une mesure en référé, mentionné à l' article 83, paragraphe 2, du règlement de procédure, doit être apprécié par rapport à la nécessité qu' il y a de statuer provisoirement, afin d' éviter qu' un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné par l' application immédiate de la mesure faisant l' objet du recours principal.

S' agissant d' une demande visant à obtenir le sursis à l' exécution d' un règlement modifiant, dans un sens restrictif, les conditions d' admission à l' intervention de certains produits agricoles, l' urgence de la mesure sollicitée afin d' éviter un préjudice grave et irréparable n' est pas établie si l' argumentation de la requérante repose sur un comportement économique supposé des exploitants du secteur concerné, sans être étayée par des éléments permettant de prévoir ce comportement avec un
degré de probabilité suffisant.

Parties

Dans l' affaire C-296/93 R,

République française, représentée par MM. Ph. Pouzoulet, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agent, et J.-L. Falconi, secrétaire des Affaires étrangères en ce même ministère, en qualité d' agent suppléant, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade de France, 9, boulevard du Prince Henri,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Rozet, conseiller juridique, et Ch. Docksey, membre du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. N. Annecchino, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume-Uni, représenté par M. J. D. Colahan, du Treasury Solicitor' s Department, en qualité d' agent, assisté de Mme E. Sharpston, barrister, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade du Royaume-Uni, 14, boulevard Roosevelt,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l' article 185 du traité CEE et tendant à obtenir un sursis à l' exécution du règlement (CEE) n 685/93 de la Commission, du 24 mars 1993, modifiant le règlement (CEE) n 859/89 relatif aux modalités d' application des mesures générales et des mesures spéciales d' intervention dans le secteur de la viande bovine (JO L 73, p. 9),

LE PRÉSIDENT DE LA COUR

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 25 mai 1993, la République française a, en vertu de l' article 173, premier alinéa, du traité CEE, demandé l' annulation du règlement (CEE) n 685/93 de la Commission, du 24 mars 1993, modifiant le règlement (CEE) n 859/89 relatif aux modalités d' application des mesures générales et des mesures spéciales d' intervention dans le secteur de la viande bovine (JO L 73, p. 9).

2 Par acte séparé, déposé au greffe de la Cour le 10 juin 1993, la République française a en outre, en vertu de l' article 185 du traité et de l' article 83 du règlement de procédure, demandé à la Cour d' ordonner le sursis à l' exécution du règlement attaqué jusqu' à ce qu' elle ait statué au principal.

3 Par ordonnance du 5 juillet 1993, le Royaume-Uni a été admis à intervenir dans la procédure en référé à l' appui des conclusions de la Commission.

4 La Commission a présenté des observations écrites sur la demande en référé le 30 juin 1993, et les parties, y compris la partie intervenante, ont été entendues en leurs explications orales le 5 juillet 1993.

5 Avant d' examiner le bien-fondé de la demande en référé, il convient de rappeler dans ses grandes lignes le cadre juridique de l' organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine.

6 L' organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine a été établie par le règlement (CEE) n 805/68 du Conseil, du 27 juin 1968 (JO L 148, p. 24), modifié à plusieurs reprises, qui prévoit, entre autres mesures dans le cadre du régime des prix, différentes mesures de primes et d' intervention.

7 Les mesures de primes ont été profondément modifiées, dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, par le règlement (CEE) n 2066/92 du 30 juin 1992 (JO L 215, p. 49), pour tenir compte des nouvelles orientations de cette politique et notamment de la diminution du prix d' intervention dans le secteur de la viande bovine rendue nécessaire pour atteindre les objectifs de redressement de la situation de l' agriculture en général.

8 Les mesures d' intervention consistent soit en des aides au stockage privé, soit en des achats effectués par les organismes d' intervention. Ces mesures d' intervention peuvent être prises, selon l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 805/68, précité, "pour les gros bovins ainsi que pour les viandes fraîches ou réfrigérées de ces animaux, présentées sous forme de carcasse, demi-carcasse, quartiers compensés, quartiers avants ou quartiers arrières, classés conformément à la grille communautaire
de classement prévue par le règlement (CEE) n 1208/81)".

9 L' intervention publique consiste en trois types de mesures:

- les mesures d' intervention dites normales ou traditionnelles, opérées par adjudications, dans la limite d' une quantité maximale fixée pour toute la Communauté à un niveau annuel dégressif partant de 750 000 tonnes pour 1993 pour s' établir à 350 000 tonnes à partir de 1997; le déclenchement de ces achats à l' intervention, lorsque les conditions requises sont réunies, relève du pouvoir discrétionnaire de la Commission statuant selon la procédure dite du comité de gestion;

- les mesures d' intervention dites du filet de sécurité, qui ne sont pas imputables sur le plafond d' achat mentionné ci-dessus et dont le déclenchement résulte d' une compétence liée de la Commission;

- les mesures spéciales d' intervention en faveur des carcasses légères (de 150 à 200 kgs) de bovins mâles, qui ne sont ouvertes que pour une période de 3 ans (1er janvier 1993 - 31 décembre 1995) et sous certaines conditions.

10 Les modalités de la mise en oeuvre de l' intervention publique dans un État membre sont déterminées par le règlement du Conseil n 805/68, précité, dont l' article 6, paragraphe 7, énonce les différentes délégations de compétence données à la Commission en cette matière.

11 Les modalités d' application des mesures d' intervention sont arrêtées par le règlement n 859/89 de la Commission, du 29 mars 1989 (JO L 91, p. 5) qui décrit en détail la procédure d' adjudication et qui définit, en son article 4, les différentes conditions que les produits doivent remplir pour être achetés à l' intervention. Ce sont précisément ces conditions que modifie l' acte attaqué, pris selon la procédure dite du comité de gestion et sur le fondement de l' article 6, paragraphe 7, du
règlement n 805/68, en introduisant une limitation graduelle du poids des carcasses pouvant être acceptées à l' intervention normale, de sorte que ne peuvent être achetées que des viandes provenant de carcasses dont le poids ne dépasse pas les niveaux suivants:

- 380 kgs à partir de la première adjudication de juillet 1993,

- 360 kgs à partir de la première adjudication de janvier 1994,

- 340 kgs à partir de la première adjudication de juillet 1994.

12 Par ce règlement n 685/93, la Commission a voulu adresser un signal aux producteurs de manière à ce qu' ils s' engagent à ne pas produire de carcasses lourdes pour l' intervention. Les considérants du règlement relèvent une évolution vers l' alourdissement des carcasses bovines, rendu possible notamment par le progrès génétique, qui encourage une production destinée à l' intervention du fait que, souvent, ces carcasses ne sont pas recherchées par le marché. Devant la Cour, la Commission a
expliqué qu' un tel signal devait nécessairement produire un effet dès 1993, étant donné que les perspectives de marché sont relativement favorables pour cette année ainsi que pour l' année 1994, alors qu' un retour vers la phase plus élevée du cycle de production devrait être enregistré en 1995.

13 Aux termes de l' article 185 du traité, les recours formés devant la Cour n' ont pas d' effet suspensif. Toutefois, conformément aux articles 185 et 186 du traité, la Cour peut, si elle estime que les circonstances l' exigent, ordonner le sursis à l' exécution de l' acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

14 Selon l' article 83, paragraphe 2, du règlement de procédure, une décision ordonnant le sursis à l' exécution d' un acte ou une mesure provisoire est subordonnée à l' existence de circonstances établissant l' urgence, ainsi que de moyens de fait et de droit justifiant, à première vue, l' octroi de la mesure provisoire sollicitée.

15 En ce qui concerne les moyens de fait et de droit justifiant, à première vue, l' octroi de la mesure provisoire, la partie requérante fait valoir que le règlement n 685/93, précité, est entaché d' illégalité.

16 A cet égard, la partie requérante avance un certain nombre de moyens tirés de la violation de certaines dispositions du règlement n 805/68, précité, et plus particulièrement de son article 6, paragraphe 7, de l' incompétence de la Commission pour prendre le règlement attaqué, ainsi que de la violation du principe général d' égalité et du principe de proportionnalité. La partie requérante estime en outre que l' appréciation des faits ayant conduit à l' élaboration du règlement litigieux est
entachée d' erreur manifeste.

17 Sur ce point, il suffit de constater que le recours soulève des questions juridiques complexes qui méritent un examen approfondi après discussion contradictoire et que la demande n' apparaît pas, à première vue, comme étant dénuée de toute justification. Elle ne saurait dès lors être rejetée pour ce motif.

18 En ce qui concerne la condition relative à l' urgence, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le caractère urgent d' une mesure en référé, mentionné à l' article 83, paragraphe 2, du règlement de procédure, doit être apprécié par rapport à la nécessité qu' il y a de statuer provisoirement afin d' éviter qu' un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné par l' application immédiate de la mesure faisant l' objet du recours au principal.

19 A cet égard, la partie requérante fait valoir que l' application immédiate des mesures de limitation du poids des carcasses éligibles à l' intervention occasionnera en France, dès l' automne 1993, un préjudice grave et irréparable à la catégorie entière des éleveurs de bovins destinés à l' engraissement et entraînera des conséquences tout aussi graves et irréparables sur l' aménagement du territoire national.

20 Selon la partie requérante, la limitation à 340 kgs à partir du mois de juillet 1994 du poids des carcasses à l' intervention aura pour conséquence qu' à partir de cette date 70 % des carcasses ne seront plus admissibles à l' intervention et viendront sur le marché qui devra absorber une quantité supplémentaire de 100 000 tonnes. Il s' ensuivrait une baisse des prix d' environ 10 %.

21 La partie requérante soutient que les exploitants français spécialisés dans l' engraissement des bovins anticiperont cette baisse des prix et limiteront, dès l' automne 1993, leurs achats sur le marché des bovins maigres dont les prix baisseront de 15 %. Cette chute des prix menacerait immédiatement la viabilité économique des naisseurs et des éleveurs, exploitants très vulnérables en raison de leur spécialisation et de la faiblesse de leurs ressources. Du fait de la concentration de ces
exploitants dans des régions déterminées (le Limousin, l' Auvergne, la Bourgogne), qui figurent parmi les moins favorisées sur le plan économique, le règlement contesté induirait des effets graves et irréparables sur l' aménagement du territoire français. La partie requérante ajoute que les naisseurs et éleveurs ne pourraient d' aucune manière limiter leur perte, les animaux destinés à être abattus à l' automne 1994 étant déjà nés.

22 La Commission, partie défenderesse, conteste l' impact de la mesure en cause sur la quantité de viande bovine qui sera offerte sur le marché en juillet 1994 et notamment le chiffre de 70 % avancé par la partie requérante. Elle fait valoir que les producteurs français savaient, bien avant l' adoption du règlement litigieux, que de nouvelles limites du poids des carcasses devraient être respectées pour pouvoir accéder à l' intervention, et qu' ils ont eu suffisamment de temps pour ajuster la
programmation, à moyen terme, de leur élevage pour produire des carcasses plus légères. Elle rappelle que la limitation à 340 kgs n' a été rendue applicable qu' un an après la date du 1er juillet 1993, soit environ 15 mois après l' adoption du règlement attaqué.

23 La Commission considère, en outre, que les exploitants spécialisés dans l' engraissement des bovins peuvent limiter le poids des carcasses produites par un abattage anticipé des animaux et par un recours plus mesuré aux rations protéiques utilisées en complément à la ration herbagère.

24 Elle souligne par ailleurs qu' elle ne cherche pas à condamner la production de carcasses lourdes pour autant que celles-ci sont produites en fonction de débouchés concrets sur le marché et non pas pour bénéficier de ce deuxième marché que l' intervention avait fini par devenir pour certains.

25 La Commission indique que si, contre toute attente et en dépit de prévisions favorables pour 1994, le marché de la viande bovine venait à s' effondrer, elle déploierait tous les moyens appropriés dont elle dispose, y compris la modification, voire la suppression des limites contestées.

26 Il y a lieu d' observer que toute l' argumentation de la partie requérante repose sur un comportement économique supposé des exploitants spécialisés dans l' engraissement des bovins, qui, anticipant les conséquences sur le marché de la limitation du poids des carcasses éligibles à l' intervention, réduiraient leurs achats de bovins maigres. Or, elle n' a pas apporté d' éléments permettant de prévoir avec un degré de probabilité suffisant un tel comportement.

27 En premier lieu, la partie requérante n' a pas expliqué de manière convaincante pourquoi les exploitants ne continueraient pas, malgré les limitations de poids pour l' intervention, d' orienter leur production vers des carcasses plus lourdes étant donné que, selon les dires de la requérante, ces carcasses donnent une viande de meilleure qualité et se vendent le mieux sur le marché.

28 En second lieu, elle n' a pas établi que les exploitants concernés ne disposaient d' aucune latitude pour sauvegarder, s' ils le préfèraient, l' éligibilité à l' intervention de leur production en abattant leurs animaux plus tôt, ou en limitant le recours aux aliments protéiques.

29 Il convient par ailleurs de relever que les producteurs de viande devraient prendre en compte, dans leurs prévisions économiques, les perspectives d' évolution du marché relativement favorables pour 1994, ainsi que, pour le cas où la situation du marché se dégraderait, les possibilités offertes par les aides au stockage privé et par les mesures d' intervention dites du filet de sécurité, non soumises aux limitations de poids contestées.

30 Il résulte des considérations qui précèdent que la requérante n' a pas établi l' urgence de la mesure sollicitée afin d' éviter un préjudice grave et irréparable.

31 Il y a lieu, en conséquence, de rejeter la demande en référé.

Dispositif

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR

ordonne:

1) La demande en référé est rejetée.

2) Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 16 juillet 1993.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-296/93
Date de la décision : 16/07/1993
Type d'affaire : Demande en référé - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Viande bovine - Organisation commune des marchés - Recours en annulation - Sursis à exécution.

Viande bovine

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : République française
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Moitinho de Almeida

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1993:327

Source

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