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18/02/1993 | CJUE | N°T-1/92

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Santo Tallarico contre Parlement européen., 18/02/1993, T-1/92


Avis juridique important

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61992A0001

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 18 février 1993. - Santo Tallarico contre Parlement européen. - Fonctionnaires - Accident - Invalidité permanente partielle - Rapports du médecin expert et de la commission médicale - Devoirs de l'institution. - Aff

aire T-1/92.
Recueil de jurisprudence 1993 page II-00107

Sommaire
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Avis juridique important

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61992A0001

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 18 février 1993. - Santo Tallarico contre Parlement européen. - Fonctionnaires - Accident - Invalidité permanente partielle - Rapports du médecin expert et de la commission médicale - Devoirs de l'institution. - Affaire T-1/92.
Recueil de jurisprudence 1993 page II-00107

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1. Fonctionnaires - Sécurité sociale - Assurance accidents et maladies professionnelles - Expertise médicale - Composition de la commission médicale - Désignation par l' institution d' un médecin agréé par la compagnie d' assurances ou auteur du premier rapport médical - Admissibilité

(Statut des fonctionnaires, art. 73; réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle, art. 19 et 23)

2. Fonctionnaires - Sécurité sociale - Assurance accidents et maladies professionnelles - Expertise médicale - Fonctionnement de la commission médicale - Prise en considération de documents médicaux antérieurs - Pouvoir d' appréciation de la commission médicale

(Statut des fonctionnaires, art. 73; réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle, art. 23)

3. Fonctionnaires - Sécurité sociale - Assurance accidents et maladies professionnelles - Invalidité - Taux d' invalidité - Fixation par la commission médicale - Rapports médicaux postérieurs contradictoires présentés par le fonctionnaire - Prise en compte par l' autorité investie du pouvoir de nomination aux fins de l' établissement de sa décision - Obligation - Absence

(Statut des fonctionnaires, art. 73; réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle, art. 19 et 23)

Sommaire

1. Dans le cadre du régime mis en place par les articles 19 et 23 de la réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires, les intérêts du fonctionnaire sont sauvegardés par un double examen, d' abord par un médecin de confiance de l' institution et, en cas de désaccord, par une commission médicale dont chacune des parties désigne comme membre un médecin ayant sa confiance et dont le troisième membre est désigné d' un commun accord par
les deux autres.

Le fait que le médecin désigné par l' institution soit également agréé par l' assureur de celle-ci ne saurait porter préjudice au fonctionnaire intéressé. De même, rien ne s' oppose à ce que l' institution désigne comme membre de la commission médicale prévue par l' article 23 de la réglementation précitée le médecin qu' elle avait choisi pour établir le premier rapport médical.

2. Il appartient à la commission médicale saisie dans le cadre de l' article 23 de la réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires de décider dans quelle mesure il convient de prendre en considération les rapports médicaux établis préalablement et d' examiner d' autres documents que ceux dont elle est saisie.

Le seul fait que le rapport de la commission médicale ne fasse pas explicitement référence à des documents médicaux établis à la demande du fonctionnaire et dont celui-ci était en droit de supposer qu' ils avaient été transmis à ladite commission ne suffit pas à entacher la validité du rapport de celle-ci lorsqu' au moins deux de ses membres avaient connaissance de ces documents et que le troisième était au courant de l' état de santé du fonctionnaire.

En toute occurrence une irrégularité de procédure n' entraîne l' annulation en tout ou en partie d' une décision que s' il est établi qu' en l' absence de cette irrégularité la décision attaquée aurait pu avoir un contenu différent.

3. Les décisions de l' autorité investie du pouvoir de nomination prévues par l' article 19 de la réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires doivent se fonder exclusivement sur les conclusions émises par le ou les médecins désignés par l' institution et, le cas échéant, sur les conclusions de la commission médicale prévue à l' article 23 de ladite réglementation. Il s' ensuit qu' en adoptant une décision relative à la fixation du
degré d' invalidité d' un fonctionnaire, l' autorité investie du pouvoir de nomination ne saurait être tenue de prendre en considération des rapports médicaux soumis par l' intéressé postérieurement aux conclusions de la commission médicale qui, émises dans des conditions régulières, doivent être considérées comme définitives et ne peuvent être contestées tant que n' intervient pas un élément nouveau. Cet élément nouveau ne saurait consister en la présentation par l' intéressé de certificats
médicaux mettant en cause les conclusions de la commission, mais n' apportant aucun motif permettant de considérer que celle-ci n' a pas eu connaissance des éléments principaux de son dossier.

Parties

Dans l' affaire T-1/92,

Santo Tallarico, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Mamer (Luxembourg), représenté par Me Alain Lorang, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile à Luxembourg en son étude, 51, rue Albert Ier,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. Jorge Campinos, jurisconsulte, et Didier Petersheim, membre du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation du rapport de la commission médicale du 23 avril 1991 et, pour autant que de besoin, de la décision de l' autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après "AIPN") statuant sur la réclamation du requérant, ainsi que l' annulation de deux décisions de l' AIPN du 27 mai 1991,

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. C. W. Bellamy, président, H. Kirschner et A. Saggio, juges,

greffier: M. H. Jung

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 6 octobre 1992 et du 14 janvier 1993,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Les faits à l' origine du recours

1 M. Santo Tallarico est fonctionnaire du Parlement européen (ci-après "Parlement"). A la suite d' une poliomyélite contractée dans sa petite enfance, il souffre d' un certain taux d' invalidité permanente partielle (ci-après "IPP"), sans rapport avec celui en cause dans le présent recours.

2 Le 6 août 1985, M. Tallarico a été blessé dans un accident de la circulation, à la suite duquel il a été hospitalisé jusqu' au 8 août 1985. L' accident a entraîné des contusions et hématomes divers, une distorsion de la colonne cervicale et une fracture des os métacarpiens de la main gauche.

3 Le 11 janvier 1988, une commission médicale désignée, à la demande du requérant, conformément aux articles 21 et 23 de la réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "réglementation accident"), établie en application de l' article 73 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "statut"), a émis son rapport. Cette commission, composée des Drs Daro, Bleser et Lamy, a
conclu à une consolidation, à partir du 5 janvier 1987, des séquelles de l' accident du 6 août 1985, avec une IPP fixée à 3 % en tenant compte du préjudice esthétique.

4 Le 16 mai 1988, M. Tallarico a été victime d' un deuxième accident, résultant d' une chute, à la suite duquel il a été examiné par les Drs De Wilde et Olinger, qui ont constaté des douleurs de la cheville et du genou gauches, causées par une entorse et des hématomes.

5 Le 20 février 1989, le Parlement a porté à la connaissance de son personnel une note concernant, entre autres, la désignation par l' AIPN des médecins experts. Cette note précisait qu' à partir du 1er février 1989 les médecins experts seraient désignés par l' AIPN seule et agréés par les assureurs et non plus l' inverse.

6 Les 18 août et 13 septembre 1989, deux nouveaux certificats médicaux, rédigés respectivement par le Dr Morelli et le Pr Hess, constatant chacun un degré d' invalidité de 15 % imputable aux séquelles de l' accident du 6 août 1985, ont été délivrés à M. Tallarico.

7 A la suite d' une demande de M. Tallarico du 16 octobre 1989, tendant à ce que le dossier concernant son accident du 6 août 1985 soit rouvert et que le rapport de consolidation concernant son deuxième accident du 16 mai 1988 soit établi, le Dr De Meersman a soumis au Parlement, conformément à l' article 19 de la réglementation accident, un rapport médical daté du 17 janvier 1990, qui, apparemment, n' a été reçu par les services du Parlement que le 13 mars suivant.

8 Ce rapport résume les antécédents médicaux de M. Tallarico et les circonstances des deux accidents litigieux, ainsi que les certificats du Pr Hess et du Dr Morelli. Il poursuit par un résumé des troubles dont se plaint M. Tallarico et des résultats de son examen clinique, puis analyse diverses radiographies, dont certaines sont datées du 1er septembre 1989 et une du 5 février 1990. Finalement, le rapport compare l' état actuel des séquelles résultant de l' accident du 6 août 1985 avec celui décrit
dans le rapport de la commission médicale du 11 janvier 1988, et conclut:

"Tant l' examen clinique que les radiographies récentes ne permettent de constater une aggravation des lésions décrites dans le rapport de la Commission Médicale du 11/01/88, estimant la consolidation obtenue le 05/01/87, avec une IPP de trois pour cent (3 %).

(Omissis)

Tant l' examen clinique que l' examen radiographique ne permettent de déceler une séquelle attribuable à l' accident du 16/05/88".

9 Le 26 mars 1990, conformément aux articles 19 et 21 de la réglementation accident, deux projets de décision basés sur les conclusions de ce rapport ont été remis à M. Tallarico. Le 15 mai 1990, conformément au dernier tiret du même article 19, M. Tallarico a requis l' avis d' une commission médicale.

10 Le 19 juin 1990, le Dr Vandresse a effectué une radiographie du poignet gauche du requérant et a adressé un compte rendu de cet examen au Dr Di Paolantonio, médecin conseil du Parlement à Bruxelles. Le 18 décembre 1990, le Dr Vandresse a effectué une radiographie du genou droit du requérant. Le Dr Vandresse a également adressé un compte rendu de cet examen au Dr Di Paolantonio.

11 Le rapport de la deuxième commission médicale, constituée conformément à l' article 23 de la réglementation accident et composée du Dr De Meersman, désigné par la partie défenderesse, du Pr Hess, désigné par le requérant, et du Pr Van der Ghinst, désigné du commun accord des deux autres médecins, est daté du 23 avril 1991.

12 Dans son rapport, la commission médicale a constaté à l' unanimité:

"qu' il n' y a pas aggravation des séquelles décrites au rapport de la Commission Médicale du 10/01/88 (sic).

Les plaintes concernant le genou droit et la nuque ne sont pas imputables.

Il n' y a pas de séquelle concernant l' accident du 16/05/88.

Accident du 06/08/85: les frais après consolidation le 05/01/87 ne sont pas imputables.

Il n' y a pas de frais imputables aux séquelles concernant la main gauche, celles-ci étant inexistantes".

13 Le rapport précise, à l' appui de ces conclusions, que la commission médicale a interrogé et examiné contradictoirement M. Tallarico et a étudié divers rapports et certificats médicaux, à savoir:

"concernant l' accident du 06/08/85:

le rapport de consolidation établi par le Docteur Lamy le 05/01/87. Le rapport de la Commission Médicale du 11/01/88, signé par les Docteurs Bleser, Lamy et Daro, concluant à la consolidation le 05/01/87, sans nécessité de soins ultérieurs, avec reconnaissance d' une invalidité dont le taux avait été estimé à 3 %. Le rapport du Docteur J. De Meersman du 17/01/90 concluant à l' absence d' aggravation des séquelles dudit accident depuis le rapport de la Commission Médicale.

Concernant un accident du 16/05/88:

Le rapport du Docteur J. De Meersman établi le 17/01/90, concluant à l' absence de séquelle".

Il ressort également du rapport que la commission médicale a procédé à un examen clinique du requérant et a étudié certaines radiographies.

14 Le 27 mai 1991, sur la base de ce rapport et conformément à l' article 19 de la réglementation accident, l' AIPN a adopté deux décisions, constatant, la première, l' absence d' aggravation de l' état de santé du requérant attribuable à l' accident du 6 août 1985, les frais postérieurs à la consolidation au 5 janvier 1987 n' y étant pas imputables (décision n 005922), et, la seconde, la guérison sans séquelles du requérant après son accident du 16 mai 1988 (décision n 005921).

15 Le 8 juillet 1991, M. Tallarico a introduit une réclamation à l' encontre des deux décisions du 27 mai. Il y faisait valoir, notamment, que la commission médicale du 23 avril 1991 avait "statué sur la base d' un dossier gravement incomplet" puisque trois pièces médicales, à savoir la note du Dr Di Paolantonio au Dr Vandresse du 18 décembre 1990 ainsi que les deux comptes rendus d' examen radiologique du Dr Vandresse, du 19 juin 1990 et du 18 décembre 1990, et les clichés radiographiques y
afférents (voir point 10 ci-dessus), n' avaient pas été transmises à la commission médicale. Cette transmission relèverait de la responsabilité de l' institution.

16 Par ailleurs, M. Tallarico faisait valoir que le rapport du Dr De Meersman du 17 janvier 1990 devait être "juridiquement tenu pour nul et non avenu", ayant été établi seulement vingt-quatre heures après une demande datée du 16 janvier 1990, faite par le même Dr De Meersman, de radiographies de la colonne cervicale, des deux genoux et de la cheville gauche de M. Tallarico. Ce rapport ne serait donc pas crédible, ayant été établi avant que les éléments du dossier médical requis par son auteur
lui-même ne lui aient été communiqués.

17 Le 17 octobre 1991, M. Tallarico a envoyé au Parlement, qui les a reçues le 18 octobre, trois pièces supplémentaires à verser à son dossier dont, en particulier, un certificat médical du Dr Ruhland, daté du 29 juillet 1991, attestant que le requérant souffrait d' une invalidité consécutive à l' accident du 6 août 1985 de 20 %, et un rapport de sortie de clinique signé du même Dr Ruhland, daté du même jour.

18 Par lettre du 18 octobre 1991 - jour où les pièces susmentionnées sont parvenues aux services du Parlement - l' AIPN a rejeté la réclamation du requérant du 8 juillet 1991. Dans cette lettre, le Parlement faisait valoir, notamment, qu' il n' appartenait pas aux médecins du cabinet médical de l' institution de faire insérer des pièces au dossier de la commission médicale et qu' il n' y avait aucun élément de nature à mettre en cause la crédibilité du rapport du Dr De Meersman.

19 Le 21 novembre 1991, M. Tallarico a de nouveau demandé la réouverture de la procédure sur la base de l' article 73 du statut. Cette demande, reçue par le Parlement le 19 décembre 1991, a été rejetée par lettre du 4 février 1992. Cette lettre rappelait, notamment, qu' une demande de réouverture du dossier sur la base de l' article 22 de la réglementation accident n' est recevable que lorsque l' intéressé invoque une aggravation de l' invalidité postérieure à la date de l' examen par la commission
médicale, ce qui n' était pas le cas en l' espèce.

20 Entre-temps, le 25 novembre 1991, l' administration avait retourné au requérant les documents versés au dossier le 17 octobre 1991, en l' informant que la procédure administrative était terminée.

La procédure

21 C' est dans ces conditions que, par requête déposée le 17 janvier 1992, le requérant a introduit le présent recours visant à l' annulation du rapport de la commission médicale du 23 avril 1991 et, pour autant que de besoin, de la décision de l' AIPN rejetant sa réclamation, ainsi qu' à l' annulation des deux décisions de l' AIPN du 27 mai 1991.

22 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables. Il a néanmoins été décidé de demander certaines précisions, concernant les dates de différentes étapes de la procédure précontentieuse, à la partie défenderesse, qui a fourni les renseignements demandés par lettre du 1er octobre 1992.

23 Les représentants des parties ont été entendus en leur plaidoirie et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l' audience du 6 octobre 1992. A cette occasion, la partie défenderesse a déposé certains documents, dont une lettre du 14 février 1991 adressée au Dr De Meersman par le service des assurances sociales du Parlement et les deux comptes rendus du Dr Vandresse du 19 juin et du 18 décembre 1990 qui s' y trouvaient joints.

24 Par ordonnance du 4 décembre 1992, la Tribunal a prononcé la réouverture de la procédure orale et a invité le Parlement à préciser si les comptes rendus d' examens rédigés par le Dr Vandresse le 19 juin et le 18 décembre 1990 avaient bien été inclus dans les documents dont disposaient les trois médecins composant la commission médicale qui a émis son rapport le 23 avril 1991. La partie défenderesse a déposé, le 8 décembre 1992, une lettre adressée le 14 février 1991 au Pr Van der Ghinst par le
service des assurances sociales du Parlement, à laquelle se trouvaient joints les deux comptes rendus du Dr Vandresse.

25 Une deuxième audience a eu lieu le 14 janvier 1993, lors de laquelle les représentants des parties ont été entendus en leurs observations sur les documents déposés et en leurs réponses aux questions du Tribunal.

Conclusions des parties

26 Le requérant conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- principalement, constater l' illégalité sinon, déclarer nul et de nul effet, le rapport de la commission médicale du 23 avril 1991 et, pour autant que de besoin, la décision de l' AIPN statuant sur la réclamation; annuler les deux décisions de l' AIPN du 27 mai 1991;

- subsidiairement, déclarer que les décisions attaquées ont été prises sur la base d' une erreur manifeste de fait sinon de droit; partant rapporter les deux décisions attaquées avec toutes les conséquences de droit;

- plus subsidiairement, ordonner une expertise aux fins de déterminer les lésions subies par le requérant suite aux accidents des 6 août et 16 mai 1988, et

- condamner la partie défenderesse à tous les frais et dépens de l' instance.

La partie défenderesse conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- constater que le moyen fondé sur la lettre du Dr Ruhland transmise le 17 octobre 1991 est irrecevable et en tout cas mal fondé;

- déclarer le recours mal fondé quant aux autres moyens;

- statuer sur les dépens en conformité avec les dispositions applicables, en tirant toute conséquence de ce que l' AIPN ayant déjà clairement motivé le rejet de la réclamation, le recours juridictionnel ne s' imposait pas.

Sur la recevabilité

27 La partie défenderesse n' a pas d' observation d' ensemble quant à la recevabilité du recours. Toutefois, les certificats du Dr Ruhland du 29 juillet 1991 n' étant parvenus au Parlement que le 18 octobre 1991, le jour même de la prise des décisions contestées par l' AIPN, elle estime qu' ils ne sauraient être pris en considération. Le troisième moyen du requérant serait donc irrecevable dans la mesure où il s' appuie sur lesdits certificats.

28 Le Tribunal considère que cet argument ne porte pas sur la recevabilité, mais sur le bien-fondé du troisième moyen avancé par le requérant. Cet argument sera donc examiné dans le contexte de l' appréciation par le Tribunal du bien-fondé du troisième moyen (voir ci-après).

Sur le fond

29 A l' appui de ses conclusions, le requérant avance quatre moyens. Les deux premiers concernent la régularité de la procédure, en ce que l' expert commis pour établir le rapport d' expertise n' aurait pas disposé de l' indépendance nécessaire et en ce que la commission médicale aurait délibéré sur un dossier incomplet. Les deux autres moyens concernent le contenu du rapport de la commission, en ce qu' il serait entaché d' une erreur manifeste et d' un défaut de motivation.

Sur le défaut d' indépendance de l' expert commis pour établir le rapport d' expertise

Arguments des parties

30 Le requérant fait valoir qu' un expert doit agir avec objectivité et impartialité vis-à-vis de toutes les parties, y compris de celle qui l' a nommé. Le fait que le médecin expert est désigné, depuis le 1er février 1989, par l' AIPN et agréé par les assureurs, et non plus l' inverse, aurait eu pour conséquence que le Dr De Meersman n' avait pas l' indépendance nécessaire pour remplir une telle mission. La jurisprudence invoquée par la partie défenderesse ne serait plus d' actualité depuis que l'
AIPN désigne les médecins experts sans l' accord préalable des assureurs.

31 La partie défenderesse répond que c' est en application de l' article 19 de la réglementation accident que le médecin expert est choisi et nommé par l' AIPN: ce serait donc une procédure expressément voulue par le législateur. En outre, le requérant n' apporterait aucune preuve de ce que le médecin n' aurait pas agi en toute indépendance lors de l' expertise initiale. Invoquant la jurisprudence de la Cour (arrêt du 14 juillet 1981, Suss/Commission, 186/80, Rec. p. 2041), la partie défenderesse
souligne que les intérêts du fonctionnaire sont sauvegardés par la présence dans la commission médicale d' un médecin ayant sa confiance et d' un troisième membre désigné d' un commun accord entre les deux autres. Le simple fait que le membre d' une commission médicale désigné par l' institution soit également agréé par son assureur ne pourrait porter préjudice au fonctionnaire.

Appréciation du Tribunal

32 Le Tribunal constate que, comme la partie défenderesse l' a relevé à juste titre, les articles 19 et 23 de la réglementation accident prévoient expressément que le médecin expert chargé d' établir le premier rapport médical et l' un des membres de la commission médicale sont nommés par l' institution. Dans le cadre du régime mis en place par ces dispositions, les intérêts du fonctionnaire sont sauvegardés par un double examen, d' abord par un médecin de confiance de l' institution et, en cas de
désaccord, par une commission médicale à laquelle chacune des parties désigne un médecin ayant sa confiance et dont le troisième membre est désigné d' un commun accord (voir, en dernier lieu, l' arrêt de la Cour du 19 janvier 1988, Biedermann/Cour des comptes, 2/87, Rec. p. 143, point 10). Par ailleurs, il convient d' observer que, selon une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, le fait que le médecin désigné par l' institution est également agréé par l' assureur ne peut en rien porter
préjudice au fonctionnaire (arrêt Biedermann, précité, point 12, ainsi que l' arrêt du Tribunal du 21 juin 1990, Sabbatucci/Parlement, T-31/89, Rec. p. II-265, point 3 du sommaire). Le Tribunal estime que la modification de la pratique suivie par le Parlement, annoncée dans sa note du 20 février 1989, précitée, ne porte nullement atteinte à ce principe. Le Tribunal souligne qu' il ressort de la jurisprudence de la Cour (arrêt Biedermann, précité, point 11) que rien ne s' oppose à ce que l'
institution désigne dans le cadre de l' article 23 de la réglementation accident le médecin qu' elle avait déjà choisi, en vertu de l' article 19, pour établir le premier rapport médical. En outre, le requérant n' a étayé ses allégations d' aucun élément permettant au Tribunal de conclure à un manque d' impartialité de la part du médecin expert dans le cas d' espèce.

33 Le premier moyen doit donc être rejeté.

Sur le caractère incomplet du dossier sur lequel a délibéré la commission médicale

34 Le Tribunal interprète ce moyen comme portant sur la prétendue absence, dans le dossier soumis à la commission médicale, de trois documents médicaux invoqués par le requérant. Dans la mesure où le requérant invoque également certains vices relatifs au rapport antérieurement établi par le Dr De Meersman, daté du 17 janvier 1990, ceux-ci seront examinés avec le troisième moyen du requérant.

Arguments des parties

35 Le requérant fait valoir que la commission médicale n' a pas examiné une note du Dr Di Paolantonio du 18 décembre 1990, ainsi que deux comptes rendus et fiches radiologiques établis par le Dr Vandresse les 19 juin et 18 décembre 1990, parce qu' ils ne lui auraient pas été transmis. Il s' agirait d' un examen radiologique du poignet gauche, effectué le 19 juin 1990, et d' un autre des deux genoux, pratiqué le 18 décembre 1990. Les examens ne concernent pas la cheville gauche, qui a souffert d' une
entorse lors de l' accident du 16 mai 1988.

36 Selon le requérant, il aurait appartenu exclusivement au service des assurances sociales du Parlement, et non à lui-même, qui n' avait reçu aucune consigne quant à la transmission des pièces en cause, de s' assurer que le dossier remis à la commission médicale était complet. Cette responsabilité n' aurait pas non plus incombé au médecin qu' il avait désigné au sein de la commission médicale. Or, l' arrêt Biedermann, précité, n' autoriserait pas la commission médicale à statuer sur la base d' un
dossier médical incomplet.

37 Dans son mémoire en défense, la partie défenderesse a admis que ni le médecin chargé d' établir le premier rapport, le Dr De Meersman, ni la commission médicale n' ont été saisis du rapport établi par le Dr Vandresse. Elle a expliqué que les pièces radiologiques en question ont été établies à la demande du cabinet médical de l' institution, qui en aurait été le destinataire. Le cabinet médical serait une entité distincte du service des assurances sociales et n' interviendrait pas spontanément
auprès de ce dernier dans une procédure de liquidation des droits à la suite d' un accident, dont il pourrait ignorer l' existence.

38 Toutefois, a soutenu la partie défenderesse, c' est au médecin choisi par le fonctionnaire qu' il appartient de vérifier que le dossier contient tous les éléments favorables à celui-ci. L' institution et le fonctionnaire auraient, en effet, à la fois le droit et le devoir de communiquer aux médecins qu' ils désignent toutes les pièces qu' ils estiment leur être favorables. Par ailleurs, le requérant n' aurait pas expliqué en quoi les pièces manquantes en l' espèce auraient pu modifier l' avis de
la commission qui, par ailleurs, n' aurait été nullement tenue de tenir compte d' expertises autres que les siennes.

39 Cependant, lors de l' audience du 6 octobre 1992, la partie défenderesse ayant produit pour la première fois une lettre du 14 février 1991 (voir ci-dessus, point 23) adressée, avec les deux comptes rendus établis par le Dr Vandresse le 19 juin et le 18 décembre 1990, au Dr De Meersman par le service des assurances sociales du Parlement, il est apparu que cette lettre précisait que les pièces envoyées étaient "à joindre au dossier de la commission médicale". Lors de cette audience, le requérant a
affirmé qu' il avait lui-même fourni ces pièces au service des assurances sociales du Parlement, en supposant qu' elles seraient versées par ce dernier au dossier de la commission médicale.

40 Il est apparu ultérieurement qu' une autre lettre du 14 février 1991, déposée par la partie défenderesse le 8 décembre 1992 à la suite de la réouverture de la procédure orale (voir ci-dessus, point 24), adressée par le service des assurances sociales du Parlement au Pr Van der Ghinst, membre de la commission médicale désigné du commun accord des deux autres médecins, indiquait que les pièces en cause lui ont été également envoyées.

41 Lors de la deuxième audience du 14 janvier 1993, la partie défenderesse, sur question du Tribunal, a précisé qu' elle n' avait pas fourni les pièces au Pr Hess, membre de la commission médicale désigné par le requérant. Ce dernier a affirmé, également, ne pas avoir fourni ces pièces au Pr Hess. Quant aux clichés radiographiques eux-mêmes, auxquels se réfèrent les comptes rendus du Dr Vandresse, les parties ont expliqué que ceux-ci ont été remis au service des assurances sociales du Parlement par
le requérant, et lui ont été retournés par ce même service, sans qu' il ne puisse être établi si cette restitution a été effectuée avant ou après la réunion de la commission médicale. Le requérant lui-même ne les a pas remis à la commission médicale.

Appréciation du Tribunal

42 Au vu des explications fournies par les parties lors des audiences, le Tribunal constate que les deux comptes rendus du Dr Vandresse des 19 juin et 18 décembre 1990 ont été transmis au service des assurances sociales du Parlement par le requérant, et que ce dernier les a fait parvenir au Dr De Meersman et au Pr Van der Ghinst le 14 février 1991, afin qu' ils soient joints au dossier de la commission médicale. C' est donc à tort que la partie défenderesse a admis dans son mémoire en défense que
cette transmission n' avait pas eu lieu (voir ci-dessus, point 37).

43 Dans de telles circonstances, le Tribunal estime que le requérant était en droit de croire que ces pièces seraient versées au dossier de cette commission. L' argument de la partie défenderesse selon lequel le cabinet médical d' une institution n' est pas tenu de veiller à cette transmission, qui constituait l' un des motifs du rejet de la réclamation, a été invoqué en méconnaissance des faits de l' espèce et n' est pas pertinent pour la solution de l' affaire.

44 Force est donc de constater que si le rapport de la commission médicale ne se réfère pas aux deux comptes rendus du Dr Vandresse, il est néanmoins établi que ces documents ont été portés à l' attention du Dr De Meersman et du Pr Van der Ghinst par les lettres du 14 février 1991, précitées.

45 Il s' ensuit qu' au moins deux des membres de la commission médicale connaissaient l' existence des avis exprimés par le Dr Vandresse dans ces comptes rendus. Quant au troisième membre, le Pr Hess, il s' agissait du médecin désigné par le requérant, qu' il avait déjà examiné et sur lequel il avait pratiqué certaines radiographies (voir ci-dessus, point 6, et ci-après, point 54). A supposer même que les documents en cause n' aient pas été portés à son attention, il doit néanmoins être présumé
avoir été au courant de l' état de santé du requérant.

46 Dans ces conditions, le seul fait que le rapport de la commission médicale du 23 avril 1991 ne se réfère pas explicitement aux comptes rendus du Dr Vandresse ne suffit pas à entacher la validité du rapport, et ce d' autant plus qu' il appartient à la commission médicale de décider dans quelle mesure il convient de prendre en considération les rapports médicaux établis préalablement (arrêt Biedermann, précité, point 19). En ce qui concerne les clichés radiographiques, il appartenait également à la
commission médicale de décider quelles radiographies étaient pertinentes et s' il y avait lieu d' examiner d' autres clichés.

47 En outre, il est de principe qu' une irrégularité de procédure n' entraîne l' annulation en tout ou en partie d' une décision que s' il est établi qu' en l' absence de cette irrégularité la décision attaquée aurait pu avoir un contenu différent (arrêt de la Cour du 23 avril 1986, Bernardi/Parlement, 150/84, Rec. p. 1375, point 28, reprenant l' arrêt du 29 octobre 1980, Van Landewyck/Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125). Or, le requérant n' a avancé aucun élément permettant de
penser que les deux examens radiologiques en cause, effectués par le Dr Vandresse, auraient pu influencer les conclusions de la commission médicale en ce qui concerne l' existence d' un lien de causalité entre les troubles dont se plaint le requérant et les accidents dont il a été victime le 6 août 1985 et le 16 mai 1988. Il en va de même pour la note du Dr Di Paolantonio, qui n' a été produite ni par l' une ni par l' autre des parties.

48 En outre, il ressort du rapport de la commission médicale que les médecins la composant ont procédé, le 23 avril 1991, à un examen clinique du requérant et examiné certaines radiographies, dont une de la main gauche. A l' issue de ses travaux, la commission médicale a constaté qu' il n' y avait pas d' aggravation des séquelles décrites dans le rapport de la commission médicale du 11 janvier 1988, et qu' il n' y avait pas de séquelle concernant l' accident du 16 mai 1988. Il y a lieu de souligner
que ces conclusions ont été adoptées à l' unanimité, le médecin désigné par le requérant, le Pr Hess, ayant marqué son accord.

49 Au surplus, il convient de relever que la commission médicale, composée des Drs Bleser, Lamy et Daro, qui avait établi le rapport du 11 janvier 1988, précité, avait également conclu à l' absence d' aggravation des séquelles dues à l' accident du 6 août 1985, depuis la consolidation du 5 janvier 1987. En présence de ces constatations faites, en 1988 et de nouveau en 1991, à l' unanimité par deux commissions médicales composées d' un total de six médecins (dont deux désignés par le requérant
lui-même) qui ont examiné le requérant, le Tribunal estime que le requérant n' a pas présenté d' élément permettant de conclure que le rapport de la commission médicale a été établi de façon irrégulière. Par conséquent, le deuxième moyen du requérant doit être écarté.

Sur l' erreur manifeste qui entacherait le rapport de la commission médicale

50 A l' appui de ce moyen, le requérant avance deux arguments tirés, l' un, d' un prétendu manque de crédibilité du rapport du Dr De Meersman du 17 janvier 1990, rapport sur lequel reposerait celui de la commission médicale, et, l' autre, d' une erreur de fait de la part de la commission médicale qu' attesteraient les rapports non pris en considération du Dr Ruhland du 29 juillet 1991. Il convient d' examiner ces deux arguments séparément.

Sur le premier argument, fondé sur un prétendu manque de crédibilité du rapport du Dr De Meersman

Arguments des parties

51 Le requérant fait valoir que le rapport de la commission médicale repose largement sur le rapport du Dr De Meersman, qui porte la date du 17 janvier 1990. Ce rapport ne serait aucunement crédible, car il aurait été rédigé au lendemain d' une demande de radiographies faite par le même Dr De Meersman et donc avant que ces éléments du dossier aient pu lui être communiqués. Le rapport du 17 janvier 1990 devrait donc être juridiquement tenu pour nul et non avenu. Même si la date du rapport était
erronée, comme le soutient la partie défenderesse, un tel procédé traduirait un non-respect patent de la procédure. Or, l' établissement d' un rapport d' expertise nécessiterait un minimum de formalisme et d' exactitude sous peine d' atteinte sérieuse à sa crédibilité. Le requérant se plaint, par ailleurs, du fait que le Dr De Meersman ne disposait pas d' un dossier complet concernant l' accident du 6 août 1985 et que le certificat du Dr Morelli y est cité de façon incomplète.

52 La partie défenderesse rejette les critiques adressées au rapport du Dr De Meersman. Elle regrette qu' il n' ait pas modifié la date de son rapport ou indiqué la date à laquelle il a apposé sa signature, mais considère qu' il ressort de la référence aux résultats d' examens radiologiques pratiqués le 5 février 1990 qui y figure qu' au moins la dernière partie et les conclusions du rapport ont été établies postérieurement au 17 janvier 1990, et que le rapport n' a été complété par ce médecin qu'
une fois en possession des résultats des examens radiologiques complémentaires demandés. Elle ajoute qu' il ressort du timbre de réception du service des affaires sociales que le document est parvenu au Parlement le 13 mars 1990.

Appréciation du Tribunal

53 Lors de l' audience, les parties ont, sur questions du Tribunal, fourni certaines précisions concernant les radiographies mentionnées aux pages 5 et 6 du rapport du Dr De Meersman. Sur la base de ces renseignements supplémentaires, et eu égard aux documents annexés aux mémoires des parties, le Tribunal constate les faits suivants.

54 Le Dr De Meersman a examiné le requérant le 16 janvier 1990, et lui a confié un formulaire daté du même jour et adressé sans autre précision au "Serv. radiologie", demandant que soit pratiqué un examen radiologique de la colonne cervicale, des deux genoux et de la cheville gauche avec épreuves dynamiques. Ainsi qu' il l' a affirmé lors de l' audience, le requérant a présenté ce formulaire au Pr Hess, qui avait déjà effectué, le 1er septembre 1989, certaines radiographies sur sa personne. Eu égard
à l' existence de ces radiographies, le Pr Hess a considéré qu' il n' était nécessaire d' effectuer qu' une seule nouvelle radiographie de la cheville gauche. Cette radiographie a été pratiquée par le Pr Hess le 5 février 1990. Le requérant a ensuite remis au Dr De Meersman les radiographies effectuées par le Pr Hess le 1er septembre 1989, ainsi que la nouvelle radiographie du 5 février 1990. Le requérant ne conteste pas que les radiographies décrites aux pages 5 et 6 du rapport du Dr De Meersman
sont celles qui ont été pratiquées par le Pr Hess.

55 Dans ces circonstances, le Tribunal constate que le rapport du Dr De Meersman, bien que daté du 17 janvier 1990, a nécessairement été complété à une date postérieure au 5 février 1990, après que le Dr De Meersman eut reçu du requérant les radiographies pratiquées par le Pr Hess. Selon le timbre de réception qui y est apposé, ledit rapport est parvenu au service des assurances du Parlement le 13 mars 1990.

56 Il ressort, en outre, de la référence qui y est faite à la page 6 du rapport que, contrairement à ce qu' a affirmé le requérant, le Dr De Meersman avait bien reçu, avant de compléter son propre rapport, le rapport antérieur de la commission médicale du 11 janvier 1988 concernant l' accident du 6 août 1986.

57 Il découle de ce qui précède que l' argument du requérant selon lequel le rapport du Dr De Meersman a été rédigé le 17 janvier 1990, au lendemain de l' examen clinique, sans tenir compte des radiographies demandées par le Dr De Meersman lui-même, doit être écarté. En outre, il n' y a aucun élément de nature à démontrer que le dossier du Dr De Meersman était matériellement incomplet au moment où il est parvenu à ses conclusions.

58 En ce qui concerne le certificat du Dr Morelli, le Tribunal n' a pu constater aucune erreur dans sa transcription dans le rapport du Dr De Meersman.

59 Bien que la confusion entourant la datation du rapport du Dr De Meersman soit regrettable, le Tribunal constate, à la lumière des éclaircissements fournis par les parties au cours de la procédure, que le requérant n' a allégué aucune circonstance tendant à prouver que ce rapport soit entaché d' une irrégularité mettant en cause sa validité.

60 Il ressort de ce qui précède que l' argument du requérant selon lequel le rapport de la commission médicale reposerait sur un rapport entaché lui-même d' un manque de crédibilité ne peut être accueilli.

Sur le deuxième argument, fondé sur une prétendue erreur de fait de la part de la commission médicale, attestée par les rapports du Dr Ruhland

Arguments des parties

61 Le requérant fait valoir que le rapport de la commission médicale confirmant un taux d' IPP de 3 % est entaché d' une erreur manifeste de fait, eu égard aux rapports médicaux rédigés par le Dr Ruhland le 29 juillet 1991, qui concluent que l' accident subi par le requérant le 6 août 1985 a entraîné des séquelles justifiant un taux d' invalidité d' au moins 20 %. Ces rapports auraient été soumis à l' AIPN le 17 octobre 1991, veille du jour où l' AIPN a pris sa décision rejetant la réclamation du
requérant. Or, il aurait été possible de surseoir à la décision jusqu' à ce que le dossier soit complété. Par ailleurs, priver le requérant de la possibilité de verser des pièces médicales contredisant les conclusions de l' expertise reviendrait à lui ôter toute possibilité de formuler la moindre critique contre le rapport d' expertise, portant ainsi préjudice aux droits de la défense.

62 La partie défenderesse considère que cet argument est irrecevable, sinon mal fondé. La lettre du requérant du 17 octobre 1991, adressée au directeur général du personnel, du budget et des finances et accompagnant les rapports du Dr Ruhland, ne serait parvenue au service du courrier du Parlement que le 18 octobre 1991 et n' aurait donc pas pu être transmise à l' AIPN avant que n' ait été prise la décision du 18 octobre 1991. Ces documents n' auraient donc pu être pris en considération. En tout
état de cause, s' agissant d' expertises postérieures en date aux décisions de l' AIPN du 27 mai 1991, elles ne pourraient remettre en cause ces dernières et ne pourraient être considérées que comme constatant une aggravation susceptible de fonder une déclaration d' aggravation au sens de l' article 22 de la réglementation accident. La partie défenderesse a souligné à l' audience que ces rapports avaient été examinés dans le cadre d' une procédure de reconnaissance d' une telle aggravation et
avaient fait l' objet d' une réponse ultérieure au requérant.

63 De surcroît, la partie défenderesse rappelle que le rapport de la commission médicale du 23 avril 1991 est basé sur un examen contradictoire effectué par trois médecins et qu' il a été adopté à l' unanimité, y compris donc par le médecin désigné par le requérant. Cette circonstance conduirait à écarter la possibilité d' une erreur qui devrait nécessairement avoir été commune.

Appréciation du Tribunal

64 L' argument avancé par le requérant consiste à soutenir, d' une part, que l' AIPN aurait dû prendre en considération les rapports du Dr Ruhland lorsqu' elle a pris, le 18 octobre 1991, sa décision rejetant la réclamation du requérant et, d' autre part, que ce rapport démontre une erreur manifeste de fait de la part de la commission médicale.

65 Il est constant que les deux rapports du Dr Ruhland ont été établis à une date postérieure à celle de la signature du rapport de la commission médicale, ainsi qu' à celle des deux décisions de l' AIPN du 27 mai 1991. En ce qui concerne les obligations qui incombent à l' AIPN dans de telles circonstances, il convient de rappeler que l' article 19 de la réglementation accident prévoit que:

"les décisions relatives ... à la fixation du degré d' invalidité permanente, sont prises par l' autorité investie du pouvoir de nomination suivant la procédure prévue à l' article 21,

- sur la base des conclusions émises par le ou les médecins désignés par les institutions,

- et, si le fonctionnaire le requiert, après consultation de la commission médicale prévue à l' article 23."

Il s' ensuit que l' AIPN, une fois en possession des rapports du Dr De Meersman et de la commission médicale, devait prendre sa décision sur la base de ces seuls documents, sans avoir à tenir compte des rapports postérieurs soumis par l' intéressé.

66 Par conséquent, même si les rapports du Dr Ruhland ont été remis à l' AIPN avant qu' elle ne prenne sa décision du 18 octobre 1991, l' AIPN n' était pas obligée de les prendre en considération.

67 Par ailleurs, il convient de rappeler que les conclusions d' une commission médicale qui a statué régulièrement sur les questions qui lui sont posées doivent être considérées comme définitives et ne peuvent être contestées tant que n' intervient pas un élément nouveau. Cet élément nouveau ne saurait consister en la présentation par le requérant de certificats médicaux mettant en cause les conclusions de la commission médicale, mais n' apportant aucun motif permettant de considérer que celle-ci n'
a pas eu connaissance des éléments principaux du dossier de l' intéressé (arrêt de la Cour du 12 juin 1980, Schuerer/Commission, 107/79, Rec. p. 1845, points 10 et 11). Or, les rapports du Dr Ruhland n' apportent aucun motif de ce type.

68 Il ressort de ce qui précède que l' argument du requérant selon lequel le rapport de la commission médicale serait entaché d' une erreur de fait qu' attesteraient les rapports non pris en considération du Dr Ruhland ne peut être accueilli.

69 Il s' ensuit que le troisième moyen du requérant doit être écarté.

Sur le défaut de motivation

Arguments des parties

70 Le requérant affirme que le rapport de la commission médicale n' établit pas un lien compréhensible entre les constatations médicales qu' il contient et les conclusions auxquelles il arrive, ainsi que le requiert une jurisprudence établie. Il cite à cet égard l' arrêt de la Cour du 10 décembre 1987, Jaensch/Commission, 277/84, Rec. p. 4923, point 15.

71 La partie défenderesse rappelle qu' il s' agit là d' une jurisprudence selon laquelle il n' appartient pas au Tribunal de se prononcer sur les appréciations médicales proprement dites portées par la commission médicale, sauf si son rapport n' établit pas un tel lien. Le Parlement ne saurait substituer son appréciation à celles des médecins. Elle estime que, dans les limites que le juge communautaire a fixées à son contrôle, il ne ressort du rapport de la commission médicale aucun élément qui
aurait permis à l' AIPN de relever une erreur manifeste d' appréciation.

Appréciation du Tribunal

72 Conformément à la jurisprudence de la Cour, telle que définie notamment dans son arrêt Jaensch, précité, le Tribunal n' est compétent que pour annuler les décisions d' une commission médicale qui seraient entachées d' illégalité pour être dépourvues de pertinence. Il suffit de constater à cet égard que, contrairement à l' affirmation du requérant, non assortie d' éléments précis, la lecture du rapport de la commission médicale du 23 avril 1991 ne fait nullement ressortir l' absence d' un lien
entre les constatations médicales et les conclusions auxquelles la commission est arrivée.

73 Il convient donc de rejeter ce moyen également.

74 L' examen des moyens avancés par le requérant n' ayant fait ressortir aucun élément justifiant l' annulation des décisions contestées ni l' opportunité d' ordonner une expertise, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

75 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l' article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, de ce même règlement, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l' autre partie les frais qu' elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires. Par ailleurs, selon l' article 88 du règlement de procédure, dans les litiges entre
les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

76 Dans les circonstances de l' espèce, il y a lieu de constater que ce ne n' est qu' au cours de la procédure que le requérant a pu obtenir certaines précisions concernant la prise en considération de certains rapports médicaux. En outre, la procédure a été prolongée à cause d' une affirmation erronée faite par la partie défenderesse dans son mémoire en défense (voir ci-dessus, point 42), dont la clarification a nécessité la tenue d' une deuxième audience. Dans ces conditions, eu égard aux
dispositions du règlement de procédure, le Tribunal considère que la partie défenderesse devra supporter un quart des frais encourus par le requérant.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La partie défenderesse supportera ses propres dépens, ainsi qu' un quart des dépens du requérant.

3) Le requérant supportera le solde de ses propres dépens.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-1/92
Date de la décision : 18/02/1993
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaires - Accident - Invalidité permanente partielle - Rapports du médecin expert et de la commission médicale - Devoirs de l'institution.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Santo Tallarico
Défendeurs : Parlement européen.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1993:12

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