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29/01/1993 | CJUE | N°T-86/91

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Robert Wery contre Parlement européen., 29/01/1993, T-86/91


Avis juridique important

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61991A0086

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 29 janvier 1993. - Robert Wery contre Parlement européen. - Conditions d'octroi de l'allocation scolaire. - Affaire T-86/91.
Recueil de jurisprudence 1993 page II-00045

Sommaire
Parties
Motif

s de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

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Fon...

Avis juridique important

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61991A0086

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 29 janvier 1993. - Robert Wery contre Parlement européen. - Conditions d'octroi de l'allocation scolaire. - Affaire T-86/91.
Recueil de jurisprudence 1993 page II-00045

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

Fonctionnaires - Rémunération - Allocations familiales - Allocation scolaire - Conditions d' octroi - Formation reçue dans un établissement d' enseignement mais associée à un contrat d' apprentissage

(Statut des fonctionnaires, annexe VII, art. 3)

Sommaire

La distinction entre formation scolaire et formation professionnelle, figurant à l' article 2, paragraphe 3, sous b), de l' annexe VII du statut, permet d' exclure le versement de l' allocation scolaire prévue à l' article 3 de l' annexe précitée lorsque l' enfant à charge du chef duquel l' allocation scolaire est demandée suit une formation professionnelle sans aucun lien avec un établissement d' enseignement. En revanche, cette distinction ne s' oppose pas au versement de l' allocation scolaire
lorsqu' un enfant à charge reçoit une formation professionnelle dispensée par un établissement d' enseignement qu' il fréquente régulièrement et à plein-temps. A cet égard, la finalité de l' article 3, premier alinéa, de l' annexe VII du statut permet d' assimiler à la fréquentation régulière et à plein-temps d' un établissement d' enseignement un stage effectué en dehors de celui-ci, si ce stage est considéré comme faisant partie intégrante du programme dispensé par cet établissement.

Ouvre de ce fait droit à l' allocation scolaire un enfant recevant une formation professionnelle dispensée par un établissement d' enseignement, agréé comme tel par les autorités nationales, y compris lorsqu' une partie de cette formation s' effectue dans le cadre d' un contrat d' apprentissage conclu sous les auspices de l' établissement d' enseignement.

Parties

Dans l' affaire T-86/91,

Robert Wery, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Arlon (Belgique), représenté par Me Jean-Noël Louis, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. Jorge Campinos, jurisconsulte, assisté par M. Kieran Bradley, membre du service juridique, agissant en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision portant suppression, depuis le 1er avril 1990, de l' allocation scolaire pour l' enfant du requérant, ainsi que de la décision de procéder à des retenues correspondantes sur sa rémunération et, pour autant que de besoin, des dispositions générales d' exécution relatives à l' octroi de l' allocation scolaire, en ce qu' elles imposeraient une formation scolaire comprenant un minimum d' heures de formation théorique,

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. D. P. M. Barrington, président, R. Schintgen et K. Lenaerts, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 10 novembre 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Les faits à l' origine du recours

1 Le 28 septembre 1990, le requérant a introduit, sur le formulaire standardisé fourni à cet effet par l' administration, une demande d' octroi d' allocation scolaire pour ses trois enfants pour l' année 1990/1991. En ce qui concernait son fils Laurent, qui était sous contrat d' apprentissage agréé de floriculteur à Arlon depuis le 14 mars 1990 et devait le rester jusqu' au 31 juillet 1992, il a annexé à sa demande une attestation délivrée par les autorités belges compétentes ainsi qu' une copie de
son contrat d' apprentissage.

2 Par note du 4 février 1991, le Parlement européen (ci-après "Parlement") a informé le requérant qu' en ce qui concernait son fils Laurent l' allocation scolaire de même que l' allocation pour enfant à charge, qui lui avaient été initialement octroyées, seraient supprimées à compter du mois d' avril 1990 et que des montants équivalant aux sommes déjà perçues seraient retenus sur sa rémunération.

3 Le requérant soutient, et le Parlement reconnaît, qu' en réponse à ses demandes d' explication le gestionnaire du service compétent l' a informé, d' une part, de ce que l' allocation scolaire, de manière générale, n' est pas accordée pour l' enfant d' un fonctionnaire qui poursuit un apprentissage et, d' autre part, de ce que même s' il était possible d' assimiler une partie de la formation suivie par son fils dans le cadre de son contrat d' apprentissage à une formation scolaire, il ne serait
toujours pas possible de lui accorder l' allocation scolaire, étant donné qu' en l' occurrence le nombre d' heures de formation théorique n' atteignait pas le minimum requis de seize heures par semaine.

4 Le Parlement a, toutefois, décidé de rétablir l' allocation pour enfant à charge, que la décision du 4 février 1991 avait également supprimée, et de rembourser les retenues qui avaient déjà été effectuées à ce titre. La suppression de l' allocation scolaire a néanmoins été maintenue.

5 Le 3 mai 1991, le requérant a introduit une réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "statut") à l' encontre de la décision du 4 février 1991. Dans cette réclamation, il contestait les motifs évoqués par le gestionnaire du service compétent, à savoir que l' apprentissage n' ouvrait pas droit à une allocation scolaire et que, de toute manière, le nombre d' heures de formation théorique n' atteignait pas le minimum
requis.

6 Reconnaissant que cette réclamation soulevait la question de savoir si la poursuite d' une formation professionnelle dans le cadre d' un programme national d' apprentissage pouvait être assimilée à la fréquentation régulière et à temps plein d' un établissement scolaire au sens de l' article 3 de l' annexe VII du statut, le Parlement, tout en maintenant son refus d' admettre une telle assimilation, mais n' excluant pas de revoir sa pratique antérieure, a décidé de soumettre cette question à l'
examen du Collège des chefs d' administration, notamment à la lumière de l' arrêt du Tribunal du 13 mars 1990, Costacurta/Commission (T-34/89 et T-67/89, Rec. p. II-93). Toutefois, lors de la réunion du comité de préparation des travaux dudit Collège, qui s' est tenue le 19 février 1992, il est apparu que la plupart des autres institutions partageaient la position du Parlement et, dans ces conditions, il a été décidé de ne pas le saisir de cette question.

7 Le 26 août 1991, le secrétaire général du Parlement a rejeté la réclamation du 3 mai 1991 dans les termes suivants:

"Votre réclamation du 3 mai 1991 a retenu toute mon attention.

Je suis au regret de vous informer que je ne peux pas y donner une suite favorable.

Pour autant qu' elle concerne l' allocation pour enfant à charge pour votre fils Laurent, la réclamation est sans objet. Il est lieu commun que l' administration était revenue sur sa décision de supprimer ladite allocation, même avant que vous n' introduisiez votre réclamation, et vous avait remboursé les sommes retenues à ce titre au mois d' avril 1991.

Pour autant qu' elle concerne la suppression de l' allocation scolaire pour Laurent, elle n' est pas fondée. Sans préjudice à la question que vous avez soulevée si le stage de votre fils ouvrirait droit à une allocation scolaire, je me permets de vous rappeler qu' il incombe au fonctionnaire d' apporter des preuves qu' il a engagé des 'frais effectifs de scolarité' , dans le sens de l' article 3 de l' annexe VII du statut. Une telle justification est d' autant plus nécessaire dans le cas d' espèce,
que votre fils perçoit lui-même une allocation mensuelle dont le montant dépasse celui fixé pour l' allocation scolaire.

Dans ces circonstances, je ne peux que maintenir la décision de supprimer à partir du 1er avril 1990 l' allocation scolaire que vous aviez perçue jusqu' alors pour votre fils Laurent."

8 Par note du 10 septembre 1991, adressée au secrétaire général du Parlement, le requérant a fait valoir que l' administration ne lui avait jamais demandé de présenter des pièces justificatives quant aux frais effectifs de scolarité qu' il avait engagés et que le fait de lui imposer une telle obligation, non exigée des autres fonctionnaires, constituerait une violation du principe d' égalité de traitement. Par lettre du 3 décembre 1991, le secrétaire général du Parlement a confirmé sa décision du 26
août 1991.

9 A la suite du rejet de la réclamation et en réponse à une nouvelle demande d' allocation scolaire introduite pour l' année 1991/1992, l' administration a adressé au requérant une lettre, datée du 13 novembre 1991, l' invitant à présenter "les factures prouvant les frais effectifs de scolarité inhérents à l' apprentissage de votre fils Laurent". Au cours de la procédure devant le Tribunal, le requérant a déclaré qu' il n' a pu prendre connaissance de cette lettre que le 26 novembre 1991, soit le
jour même du dépôt de sa requête au greffe du Tribunal.

10 Dans sa réponse non datée, le requérant a, tout d' abord, fait observer que la demande, formulée dans ladite lettre, de rapporter la preuve des frais effectifs de scolarité qu' il avait engagés, était la toute première demande de ce genre que l' administration lui ait adressée. Il a ensuite détaillé les frais inhérents à l' apprentissage de son fils Laurent.

La procédure et les conclusions des parties

11 C' est dans ces circonstances que le requérant a introduit, le 26 novembre 1991, le présent recours. La procédure écrite a suivi un cours normal.

12 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables.

13 Le Tribunal a néanmoins invité les parties à répondre par écrit à des questions concernant, en premier lieu, les documents relatifs à l' apprentissage suivi par le fils du requérant qui avaient été annexés à la demande d' allocation scolaire en cause; en second lieu, les coûts effectifs relatifs à cet apprentissage; en troisième lieu, le droit, pour une personne se trouvant dans une situation comparable à celle du requérant de percevoir, en vertu des dispositions belges, des allocations
familiales et/ou des prestations à caractère social rattachées au fait d' une scolarisation, ainsi que la possibilité, pour une personne se trouvant dans une situation semblable à celle du fils du requérant, d' obtenir, en vertu des dispositions belges, une bourse d' études.

14 La procédure orale s' est déroulée le 10 novembre 1992. Les représentants des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.

15 Le requérant conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

déclarer et arrêter:

1) La décision portant suppression, depuis le 1er avril 1990, du paiement des allocations scolaires pour l' enfant du requérant, est annulée.

2) La décision de procéder, en exécution de la note du 4 février 1991, à des retenues sur la rémunération du requérant, est annulée.

3) Le Parlement européen est condamné à rembourser les retenues pratiquées, majorées d' un intérêt moratoire de 8 % l' an depuis la date des retenues jusqu' au jour du remboursement à intervenir.

4) La partie défenderesse est condamnée aux dépens.

Pour autant que de besoin:

5) La décision générale d' exécution relative à l' octroi de l' allocation scolaire, adoptée par la partie défenderesse, est illégale, dans la mesure où elle impose un minimum d' heures de formation théorique aux étudiants suivant une formation professionnelle reconnue officiellement par un État membre.

16 Le Parlement, pour sa part, conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- déclarer le présent recours irrecevable;

- dire pour le surplus qu' il n' est pas fondé;

- décider comme il est de droit pour ce qui concerne les dépens.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

17 Le Parlement conteste la recevabilité du recours en faisant valoir que la réclamation du requérant du 3 mai 1991 a été rejetée en raison de l' absence de preuves relatives aux frais de scolarité effectivement engagés par le requérant au bénéfice de son fils Laurent. Faute d' avoir présenté de telles preuves, le requérant n' avait pas, selon le Parlement, d' intérêt à agir et, par suite, sa réclamation était irrecevable.

18 Il ajoute que si le gestionnaire du service n' a pas fait état de l' absence de preuves des frais effectifs de scolarité, lors des entretiens qu' il a eus avec le requérant à la suite de la décision du 4 février 1991, c' est parce que cette considération était tout à fait accessoire par rapport au motif principal du rejet de la demande d' allocation scolaire, à savoir l' impossibilité d' assimiler la formation suivie par le fils du requérant à une formation scolaire, qui seule donnerait droit à
l' allocation scolaire.

19 Le Parlement fait valoir, à titre subsidiaire, que les moyens invoqués dans la requête ne concordent pas avec ceux invoqués dans la réclamation et qu' ils doivent donc être rejetés (voir l' arrêt du Tribunal du 29 mars 1990, Alexandrakis/Commission, point 8, T-57/89, Rec. p. II-143).

20 Le requérant répond, en premier lieu, que les explications du Parlement montrent que celui-ci reconnaît que la décision de supprimer l' allocation scolaire pour son fils Laurent et le rejet opposé à sa réclamation ont été motivés par la nature de la formation suivie, et non par une prétendue absence de pièces justificatives.

21 Il relève, en second lieu, que ce n' est que par une note du 13 novembre 1991 du service "statut et gestion du personnel" que le Parlement lui a demandé les factures prouvant les frais effectifs de scolarité afférents à l' apprentissage de son fils et que, suite à cette note, il a fait parvenir le 3 décembre 1991 un relevé de ces frais au Parlement.

22 En ce qui concerne la concordance entre la réclamation et le recours, le requérant souligne qu' initialement le Parlement avait clairement indiqué que le refus d' attribution de l' allocation scolaire reposait exclusivement sur la nature professionnelle de la formation suivie par le fils du requérant. Il n' aurait donc pu diriger sa réclamation que contre cet unique motif. Ce ne serait qu' au stade de la décision de rejet de cette réclamation que le Parlement aurait, pour la première fois,
invoqué l' absence de justification des frais effectifs de scolarité.

23 Il en déduit qu' il est recevable à répondre, dans son recours, à l' argumentation dont il n' a pu prendre connaissance que dans la décision de rejet de sa réclamation.

Appréciation du Tribunal

24 Le Tribunal constate que le Parlement reconnaît que, avant la décision de rejet de la réclamation, il n' avait à aucun moment invoqué d' autre motif que celui du type de formation suivie par le fils du requérant pour refuser à ce dernier le bénéfice de l' allocation scolaire. Ce faisant, le Parlement a amené le requérant à croire que le seul motif du rejet de sa demande était le type de formation scolaire suivie par son fils.

25 Il s' ensuit que le Parlement n' est pas fondé à contester la recevabilité du présent recours en prétendant que celui-ci est fondé sur des moyens nouveaux par rapport au contenu de la réclamation, comme ceux liés à la contestation par le requérant de son obligation d' établir les frais effectifs de scolarité de son fils.

26 Quant à la question de savoir si le requérant a un intérêt à agir dès lors qu' il n' aurait pas présenté de preuves des frais effectifs de scolarité qu' il a dû encourir, il y a lieu de remarquer qu' elle est indissociable de la question de savoir si le requérant devait faire la preuve de ces frais ou s' il pouvait bénéficier du régime de forfait établi par les dispositions générales d' exécution relatives à l' octroi de l' allocation scolaire adoptées par le Parlement (ci-après "dispositions
générales d' exécution"). Or, il s' agit là d' une question de fond. C' est pourquoi la question de l' intérêt à agir du requérant se confond avec l' examen du fond de l' affaire.

27 Le recours doit dès lors être déclaré recevable.

Sur le fond

28 A l' appui de son recours, le requérant invoque deux moyens, tirés de la violation, d' une part, des articles 2 et 3 de l' annexe VII du statut et, d' autre part, de l' article 25 du statut. En outre, et pour autant que de besoin, il se prévaut de l' illégalité des dispositions générales d' exécution, en ce qu' elles imposeraient une formation scolaire comportant un minimum d' heures de formation théorique.

29 L' article 3, premier alinéa, de l' annexe VII prévoit l' octroi d' une allocation scolaire "pour chaque enfant à charge au sens de l' article 2, paragraphe 2 (de l' annexe VII du statut), fréquentant régulièrement et à plein-temps un établissement d' enseignement". Aux termes de l' article 2, paragraphe 3, sous b), de l' annexe VII du statut, l' allocation pour enfant à charge est accordée "pour l' enfant âgé de 18 ans à 26 ans qui reçoit une formation scolaire ou professionnelle".

Sur le moyen tiré de la violation des articles 2 et 3 de l' annexe VII du statut

Arguments des parties

30 Le requérant relève que le Parlement a rétabli le paiement de l' allocation pour enfant à charge. Il aurait ainsi reconnu que son fils reçoit une formation scolaire ou professionnelle. Tel serait, en effet, le cas puisque, selon le requérant, son fils serait soumis à un contrat d' apprentissage en floriculture reconnu par les autorités belges compétentes et suivrait donc régulièrement et à plein-temps un cycle de formation professionnelle comportant, outre une formation pratique, un enseignement
théorique général et scientifique.

31 Or, l' article 3, premier alinéa, de l' annexe VII, en ce qu' il fait référence à la notion d' "établissement d' enseignement", exclurait toute distinction entre les établissements d' enseignement dispensant une formation scolaire et ceux dispensant une formation professionnelle.

32 Il estime, par conséquent, que, étant donné que son fils suit une formation professionnelle dans un établissement d' enseignement, il a droit à se voir octroyer l' allocation scolaire prévue à l' article 3, premier alinéa, de l' annexe VII.

33 Le requérant invoque encore l' arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Costacurta/Commission (C-149/90, Rec. p. I-5463) pour soutenir que la seule condition imposée par l' article 3 de l' annexe VII du statut est que l' enfant pour lequel l' allocation scolaire est demandée fréquente "régulièrement et à plein-temps un établissement d' enseignement", même si une partie de la formation a lieu en dehors de l' établissement d' enseignement.

34 Il fait encore valoir que le Parlement ne saurait lui faire grief de n' avoir pas présenté, avec sa demande d' allocation scolaire, de preuves des frais de scolarité effectivement encourus. A cet égard, le requérant relève que le Parlement a attendu la réponse à la réclamation pour évoquer cette question et qu' il a attendu le 13 novembre 1991, soit après la fin de l' année scolaire en cause, pour lui demander de produire ces preuves. Il ajoute que le Parlement a reconnu que, dans les entretiens
qu' il a eus avec lui en février, il n' avait pas fait état de cette question des preuves. Par ailleurs, il présente les preuves des frais qu' il a réellement encourus pour son fils.

35 Le requérant expose enfin qu' il n' était pas tenu de produire de telles preuves puisqu' il avait le droit de bénéficier du forfait prévu par les dispositions générales d' exécution, sans que le Parlement puisse se prévaloir, pour le lui refuser, du caractère professionnel de la formation suivie par son fils.

36 Le Parlement répond qu' il ressort des termes du contrat d' apprentissage, ainsi que de son contexte législatif, que le fils du requérant poursuit une formation professionnelle à plein-temps, celle-ci comportant une partie pratique (à concurrence d' environ trente et une heures par semaine) et une partie théorique (à concurrence de huit heures quarante-cinq par semaine). Le Parlement refuse d' accepter que l' existence d' un enseignement théorique puisse transformer une formation professionnelle
en une formation scolaire.

37 Il considère que le caractère professionnel de la formation suivie par le fils du requérant s' oppose à ce que ce dernier se voit octroyer une allocation scolaire. L' article 3, premier alinéa, de l' annexe VII devrait, en effet, être interprété à la lumière de la distinction, opérée par l' article 2, paragraphe 3, sous b), entre formation scolaire et formation professionnelle. Ainsi, l' allocation "scolaire" ne serait-elle due qu' au titre d' une formation "scolaire" au sens de l' article 2,
paragraphe 3, sous b), suivie régulièrement et à plein-temps dans un établissement d' enseignement qui serait nécessairement "scolaire".

38 Le Parlement justifie cette interprétation en relevant que la formation scolaire est caractérisée par la fréquentation d' un établissement d' enseignement de type scolaire et ne donne pas lieu normalement à une rémunération de la part de l' État au bénéfice de la famille de l' enfant. Dans le cas contraire, il y aurait lieu d' appliquer l' article 67, paragraphe 2, du statut selon lequel les fonctionnaires bénéficiant des allocations familiales sont tenus de déclarer les allocations de même
nature versées par ailleurs, ces allocations venant en déduction de celles payées en vertu des articles 1er, 2 et 3 de l' annexe VII (voir l' arrêt du Tribunal du 10 mai 1990, Sens/Commission, T-117/89, Rec. p. II-185). En revanche, l' apprentissage serait caractérisé par la fréquentation, plus ou moins assidue, d' un lieu de travail, éventuellement complétée par la fréquentation à temps partiel d' un établissement d' enseignement de type professionnel et donnerait habituellement lieu à une
rémunération.

39 Il fait valoir, par ailleurs, que le requérant, n' ayant pas présenté les preuves des frais effectifs de scolarité encourus pour son fils, ne saurait prétendre au bénéfice de l' allocation scolaire. Le Parlement affirme que le requérant ne saurait se prévaloir du régime de forfait prévu dans les dispositions générales d' exécution, ce régime étant exclusivement prévu pour les enfants suivant une formation scolaire et non pour ceux suivant une formation professionnelle.

40 Le Parlement expose, enfin, que s' il n' a pas fait état de cette considération au cours de la procédure administrative, c' est parce qu' elle était tout à fait accessoire à la raison principale du rejet de la demande d' allocation scolaire, à savoir la nature professionnelle de la formation suivie.

Appréciation du Tribunal

41 A titre liminaire, le Tribunal prend acte de ce que le Parlement a reconnu que Laurent Wery est à la charge de son père auquel l' allocation pour enfant à charge a été accordée. Il convient donc d' examiner, en l' espèce, si le requérant a également droit au bénéfice de l' allocation scolaire.

42 Le Tribunal constate que l' argumentation du Parlement repose sur une distinction rigoureuse des notions de formation scolaire et de formation professionnelle, figurant à l' article 2, paragraphe 3, sous b), de l' annexe VII. Le Parlement considère, en effet, que ces deux notions sont mutuellement exclusives et qu' ainsi une formation professionnelle ne saurait donner lieu au paiement d' une allocation scolaire.

43 A cet égard, il importe de relever que, en définissant la notion de "formation professionnelle" au sens de l' article 128 du traité CEE, la Cour a considéré que les notions de formation professionnelle et de formation scolaire non seulement ne s' excluent pas mutuellement, mais encore qu' elles coïncident pour une large part dès lors que la formation est dispensée dans un établissement d' enseignement. En effet, dans ses arrêts des 13 février 1985 et 2 février 1988, la Cour a jugé que "toute
forme d' enseignement qui prépare à une qualification pour une profession, métier ou emploi spécifique, ou qui confère l' aptitude particulière à exercer une telle profession, métier ou emploi, relève de l' enseignement professionnel, quels que soient l' âge et le niveau de formation des élèves ou des étudiants, et même si le programme d' enseignement inclut une partie d' éducation générale" (Gravier, point 30, 293/83, Rec. p. 593, et Blaizot, point 19, 24/86, Rec. p. 379). La Cour en a déduit, dans
la première espèce, que "la formation professionnelle englobe l' enseignement de l' art de la bande dessinée par un établissement d' enseignement supérieur artistique" et, dans la seconde espèce, qu' elle "englobe l' enseignement universitaire en médecine vétérinaire" notamment.

44 Le Parlement ne saurait prétendre que cette interprétation vide la distinction inscrite à l' article 2, paragraphe 3, sous b), de l' annexe VII de toute portée. En effet, cette distinction conserve sa portée en ce sens qu' elle permet d' exclure le versement de l' allocation scolaire, du chef d' enfants bénéficiant de l' allocation pour enfant à charge, lorsque ceux-ci suivent une formation professionnelle sans aucun lien avec un établissement d' enseignement.

45 Afin de déterminer, en l' espèce, si le requérant a droit au paiement de l' allocation scolaire, au titre de la formation que suit son fils, il convient donc d' examiner si la formation en floriculture suivie par le fils du requérant - que les deux parties s' accordent à qualifier de professionnelle - est dispensée par un établissement d' enseignement.

46 A cet égard, il y a lieu de relever que cette formation en floriculture comprend trois parties qui portent respectivement sur les connaissances générales, les connaissances professionnelles théoriques et la pratique. Les deux premières parties font l' objet de huit heures quarante-cinq de cours par semaine, tandis que la troisième est concrétisée par un contrat d' apprentissage en vertu duquel, en l' espèce, le chef d' entreprise s' est engagé, pour une période allant du 14 mars 1990 au 31
juillet 1992, à former le fils du requérant dans la profession de floriculteur, conformément à un programme spécifique agréé par la Communauté française de Belgique.

47 Le Tribunal observe, d' une part, que les deux premières parties, théoriques, de cette formation sont dispensées par l' Institut francophone de formation permanente des classes moyennes et, d' autre part, que le contrat d' apprentissage entre le fils du requérant et le chef d' entreprise a été conclu sous les auspices de cet institut et sous le contrôle de l' administration de la formation du ministère de la Communauté française, et qu' il porte la signature du représentant du ministre. Ce
contrat prévoit, en son article 6, que "la durée du travail ne peut dépasser quarante heures par semaine, en ce compris les heures de cours".

48 Il convient de relever, en outre, que pour certains étudiants de cet institut plus jeunes que le requérant, la formation qu' ils y suivent leur permet de satisfaire à l' obligation scolaire à laquelle ils sont soumis en vertu de la loi belge.

49 Il résulte de ce qui précède que l' Institut francophone de formation permanente des classes moyennes, établissement agréé par la Communauté française de Belgique - compétente, selon la constitution belge, en matière d' enseignement -, constitue un établissement d' enseignement au sens de l' article 3, premier alinéa, de l' annexe VII et que le fils du requérant y suit une formation professionnelle.

50 Aux termes de cette disposition, il faut, pour bénéficier de l' allocation scolaire, que l' enfant du chef duquel elle est demandée non seulement suive une formation dans un établissement d' enseignement, mais encore fréquente cet établissement régulièrement et à plein-temps. Il convient donc d' examiner si le fils du requérant fréquente cet établissement régulièrement et à plein-temps.

51 A cet égard, il y a lieu de rappeler qu' il ressort de la jurisprudence tant de la Cour que du Tribunal que l' assimilation d' un stage effectué en dehors d' un établissement d' enseignement à sa fréquentation régulière et à plein-temps peut être justifiée, au regard de la finalité de l' article 3, premier alinéa, de l' annexe VII, s' il est considéré comme faisant partie intégrante du programme dispensé par l' établissement d' enseignement (voir arrêt du Tribunal du 13 mars 1990, Costacurta,
T-34/89 et T-67/89, confirmé sur pourvoi par l' arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, C-149/90, précités, point 8).

52 Or, en l' espèce, le Tribunal constate que le fils du requérant suit, régulièrement et à plein-temps, le programme de formation dispensé par l' Institution francophone de formation permanente des classes moyennes.

53 Au surplus et en tout état de cause, il importe de remarquer qu' il est fréquent, dans le cadre de formations universitaires conduisant à des professions libérales, que vers la fin de la période de formation, l' essentiel de la formation soit dispensé non dans l' établissement d' enseignement dans le cadre duquel cette formation est suivie, mais en dehors de celui-ci et sous son contrôle, auprès de professionnels. Dans de tels cas, le droit au bénéfice de l' allocation scolaire n' est pas
contesté.

54 Dans ces conditions, il serait contraire à l' équité sociale d' admettre qu' un étudiant universitaire passant l' essentiel de son temps en stage permette à ses parents de bénéficier de l' allocation scolaire, alors qu' un étudiant suivant une formation manuelle et passant lui aussi l' essentiel de son temps en apprentissage, dans le cadre d' un programme de formation dispensé par un établissement d' enseignement, ne le permettrait pas.

55 En ce qui concerne la question de savoir si le Parlement peut fonder sa décision de refus de l' allocation scolaire sur le motif que le requérant n' a pas produit les preuves des dépenses effectives liées à la scolarité de son fils, le Tribunal relève, comme l' a fait le requérant, que le Parlement n' a invoqué ce motif qu' au stade du rejet de la réclamation, alors que l' année scolaire était écoulée, et que ce n' est que plus tard encore, le 13 novembre 1991, qu' il a demandé au requérant de
produire les preuves des frais de scolarité effectifs, demande à laquelle ce dernier a déféré dans les meilleurs délais. Il y a lieu de relever, en outre, que le Parlement a reconnu que ce motif de refus était accessoire par rapport à celui tiré de la nature de la formation suivie et qu' il a déclaré, lors de l' audience, qu' il souhaitait que "le Tribunal tranche la question de principe" (soit celle de l' interprétation de l' article 3 de l' annexe VII), que l' "administration du Parlement européen
n' a pas eu l' opportunité de juger l' affaire" (soit celle du caractère suffisant et approprié des preuves produites par le requérant), que "les dispositions générales d' exécution, citées par le requérant ne sont pas appropriées" et que "ces dispositions générales ne pouvaient tout simplement pas être appliquées".

56 Il s' ensuit que la question de la preuve des frais effectifs de scolarité encourus par le requérant pour son fils doit être examinée par le Parlement auquel il incombera, le cas échéant, de décider au vu du présent arrêt de la manière dont il convient de faire application, à une formation comme celle suivie par le fils du requérant, des dispositions générales d' exécution en cause.

57 Quant à la question de savoir si l' allocation mensuelle versée par le chef d' entreprise au fils du requérant, en vertu de l' article 3 du contrat d' apprentissage, constitue ou non une allocation de même nature que l' allocation scolaire au sens de l' article 67, paragraphe 2, du statut, le Tribunal considère qu' il ne lui appartient pas de porter une appréciation que l' administration n' a pas encore portée. En effet, c' est à l' administration qu' il appartient, au vu des éléments dont elle
dispose, de statuer sur cette question, sous le contrôle éventuel du Tribunal.

58 Tel est d' autant plus le cas que ni le requérant ni le Parlement ne se sont exprimés sur ce point au cours de la procédure devant le Tribunal et qu' en outre le Parlement a, dans sa lettre du 26 août 1991, effleuré cette question sans toutefois y apporter la moindre réponse. En effet, on peut y lire: "Je me permets de vous rappeler qu' il incombe au fonctionnaire d' apporter des preuves qu' il a engagé des 'frais effectifs de scolarité' , dans le sens de l' article 3 de l' annexe VII du statut.
Une telle justification est d' autant plus nécessaire dans le cas d' espèce, que votre fils perçoit lui-même une allocation mensuelle dont le montant dépasse celui fixé pour l' allocation scolaire". Dans son mémoire en défense (point 8), il a ajouté que "l' administration a considéré que, dans le cas où l' apprentissage ou une partie de celui-ci pouvait être considéré comme donnant droit à une allocation scolaire, il lui incomberait d' examiner si l' allocation mensuelle perçue par le fils du
requérant devrait venir en déduction de ladite allocation scolaire".

59 Il résulte de tout ce qui précède, sans qu' il ne soit nécessaire d' examiner les autres moyens invoqués par le requérant, que la décision du 4 février 1991, supprimant, depuis le 1er avril 1990, l' allocation scolaire octroyée au requérant pour son fils Laurent, doit être annulée, de même que la décision de procéder à des retenues sur sa rémunération pour les montants déjà versés. Il appartiendra au Parlement de tirer toutes les conséquences de cette annulation.

60 Il s' ensuit que la demande tendant à ce qu' il soit fait application d' un intérêt moratoire de 8 % l' an est prématurée.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

61 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. La défenderesse ayant succombé dans ces conclusions, il y a lieu de la condamner à l' ensemble des dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) La décision du Parlement du 4 février 1991 portant suppression, depuis le 1er avril 1990, de l' allocation scolaire dont bénéficiait le requérant pour son fils Laurent est annulée.

2) La décision du Parlement de procéder, en exécution de la décision du 4 février 1991, à des retenues sur la rémunération du requérant est annulée.

3) Le recours est rejeté pour le surplus.

4) Le Parlement est condamné à l' ensemble des dépens.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : T-86/91
Date de la décision : 29/01/1993
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Conditions d'octroi de l'allocation scolaire.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Robert Wery
Défendeurs : Parlement européen.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1993:7

Source

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