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14/01/1993 | CJUE | N°T-88/91

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, M. F contre Commission des Communautés européennes., 14/01/1993, T-88/91


Avis juridique important

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61991A0088

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 14 janvier 1993. - M. F contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Indemnités pour accidents et maladies professionnelles - Acte faisant grief - Base de calcul de l'indemnité d'invalidité pré

vue à l'article 73, paragraphe 2, sous b) et c), du statut. - Affaire T-88...

Avis juridique important

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61991A0088

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 14 janvier 1993. - M. F contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Indemnités pour accidents et maladies professionnelles - Acte faisant grief - Base de calcul de l'indemnité d'invalidité prévue à l'article 73, paragraphe 2, sous b) et c), du statut. - Affaire T-88/91.
Recueil de jurisprudence 1993 page II-00013

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1. Fonctionnaires - Recours - Acte faisant grief - Fixation des droits à l' indemnité d' invalidité - Intervention de la commission médicale - Décision arrêtée au vu de l' avis médical - Point de départ des délais de réclamation et de recours - Notification à l' intéressé

(Statut des fonctionnaires, art. 73, § 2, 90 et 91; Réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle, art. 26)

2. Fonctionnaires - Sécurité sociale - Assurance accidents et maladies professionnelles - Indemnité d' invalidité pour maladie professionnelle - Modalités de calcul - Date à prendre en considération - Contrôle juridictionnel - Limites

((Statut des fonctionnaires, art. 73, § 2, sous b) et c) ))

Sommaire

1. Dans le cadre d' une procédure relative à l' octroi de l' indemnité d' invalidité prévue par l' article 73, paragraphe 2, du statut, un fonctionnaire est en droit de faire valoir ses objections à l' encontre du projet de décision de l' administration établissant le montant de cette indemnité. Lorsque, pour ce faire, il prend l' initiative de demander la saisine de la commission médicale, celle-ci est compétente pour émettre un avis sur l' ensemble des éléments du projet de décision relevant d'
une appréciation d' ordre médical. Dans ces conditions, seule la décision adoptée par l' administration sur la base de l' avis médical peut être considérée comme définitive, y compris en ce qui concerne les éléments déjà consignés dans le projet de décision et non contestés par le fonctionnaire dans sa demande de consultation de la commission médicale. A défaut d' une communication à l' intéressé, postérieurement audit avis, d' une décision faisant apparaître de manière claire et explicite les
éléments essentiels sur lesquels l' administration entend se fonder pour calculer son indemnité d' invalidité, c' est le décompte de liquidation des droits pécuniaires de l' intéressé qui constitue la décision faisant grief contre laquelle doit être dirigée la réclamation. Ce n' est qu' à partir de la notification de ce décompte que courent les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut pour l' introduction de la réclamation et du recours.

2. Si l' article 73 du statut prévoit expressément, en son paragraphe 1, la couverture du fonctionnaire, dès le jour de son entrée en service, à la fois contre les risques de maladie professionnelle et les risques d' accident, il définit, en règle générale, les modalités de calcul de l' indemnité d' invalidité par référence à la date de l' "accident", sans envisager de manière spécifique la date à prendre en considération en vue de déterminer la base de calcul de cette indemnité dans l' hypothèse d'
une maladie professionnelle, contractée par l' intéressé dans l' exercice de ses fonctions, à l' origine d' un processus continu de détérioration de sa santé. Cette dernière date doit, dès lors, être déterminée en tenant compte du système de couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle prévu par le statut et notamment du fait que les prestations visées à l' article 73 du statut constituent des prestations de sécurité sociale, de caractère forfaitaire, mesurées d' après les
conséquences durables du fait dommageable. Par conséquent, en cas de maladie professionnelle, la date de l' "accident", au sens du paragraphe 2, sous b) et c), de l' article 73 du statut, doit être interprétée comme visant la date des circonstances professionnelles à l' origine de l' aggravation de l' état de santé du fonctionnaire, imputable à l' exercice de ses fonctions.

La détermination de cette date relevant d' une appréciation d' ordre médical, le contrôle du Tribunal se limite à vérifier si le rapport de la commission médicale a établi un lien compréhensible entre les constatations qu' il contient et les conclusions auxquelles il est parvenu.

Parties

Dans l' affaire T-88/91,

M. F., ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, représenté par Me F. Jongen, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me L. Frieden, 62, avenue Guillaume,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. H. van Lier, membre du service juridique, en qualité d' agent, assisté par Me D. Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. R. Hayder, représentant du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision portant rejet de la réclamation introduite par le requérant contre le décompte de ses droits à une indemnité d' invalidité, pour autant qu' il fixe la base de calcul de cette indemnité,

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(quatrième chambre),

composé de MM. C. W. Bellamy, président, A. Saggio, C. P. Briët, juges,

greffier: M. H. Jung

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 17 novembre 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Faits et procédure

1 Le requérant est entré au service de la Commission en 1975. Il a été nommé fonctionnaire avec effet au 1er avril 1980. Après une altercation, le 6 octobre 1982, avec le directeur général du personnel et de l' administration, il a fait l' objet d' une décision de révocation sans réduction ni suppression des droits à pension d' ancienneté. Le 6 mai 1985, à la suite d' un arrêt de la Cour par lequel ladite décision a été annulée, la Commission a pris une nouvelle décision de révocation, également
sans réduction ni suppression des droits à pension d' ancienneté.

2 Le 15 mai 1985, le requérant a demandé à bénéficier de l' article 73 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "statut"), prévoyant que "... le fonctionnaire est couvert, dès le jour de son entrée en service, contre les risques de maladies professionnelles et les risques d' accident". Le 28 juillet 1987, l' autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après "AIPN") a notifié au requérant, conformément à l' article 21 de la réglementation fixant, d' un commun accord des
institutions, les conditions de cette couverture, en vertu de l' article 73, paragraphe 1, du statut (ci-après "réglementation"), le projet de décision relatif à cette demande accompagné des conclusions du médecin désigné par l' institution, le professeur De Buck.

3 Il est à noter que le projet de décision du 28 juillet 1987 indiquait, en particulier, que, "la date exacte de l' aggravation (de l' état de santé de M. F.) n' ayant pas été précisée, et aucune incapacité de travail n' ayant été relevée en 1978, il (convenait) de fixer cette date au 1er juillet 1978". Ledit projet établissait le montant de l' indemnité d' invalidité sur la base des traitements mensuels alloués au requérant durant les douze mois précédant cette date, en vertu de l' article 73,
paragraphe 2, du statut, aux termes duquel l' indemnité d' invalidité permanente partielle est calculée "sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l' accident". Dans ce projet, la Commission reconnaissait un taux d' invalidité permanente partielle d' origine professionnelle de 30 %.

4 A la suite de cette communication, le requérant a demandé, conformément à l' article 21 de la réglementation, que la commission médicale soit saisie de son cas. La commission médicale a conclu, le 26 mai 1988, à la consolidation des troubles présentés par le requérant; elle a fixé le taux d' incapacité partielle permanente à 80 %, ventilé de la manière suivante: 12 % à mettre en rapport avec l' état antérieur à l' entrée aux Communautés et "le surplus, soit 68 %, (trouvant) son origine dans la vie
professionnelle (sans qu' il existe) d' autres facteurs concomitants ayant contribué à la réalisation". Dans ces 68 %, la commission a englobé un taux d' invalidité de 18 % résultant de l' épisode du 6 octobre 1982 à l' origine de sa révocation initiale.

5 Par décision du 15 juillet 1988, la Commission a reconnu au requérant un taux d' invalidité d' origine professionnelle de 50 % sur la base de son interprétation du rapport de la commission médicale, c' est-à-dire à l' exclusion du taux d' invalidité de 18 % résultant dudit incident du 6 octobre 1992. Cette décision ne mentionnait pas expressément la date du fait générateur de l' invalidité. Elle indiquait le montant du capital correspondant au taux d' invalidité de 50 %, déduction faite du capital
correspondant à un taux de 30 %, qui avait été accordé antérieurement au requérant sur la base du projet de décision susvisé.

6 Sur recours de M. F., la décision du 15 juillet 1988 a été annulée par le Tribunal pour autant qu' elle fixait le taux d' invalidité d' origine professionnelle à 50 % (arrêt du 26 septembre 1990, F./Commission, T-122/89, Rec. p. II-517). Dans ce recours, le requérant a fait valoir, et le Tribunal a jugé que la commission médicale avait établi à suffisance de droit que le taux d' invalidité de 18 % résultait de la maladie professionnelle préexistante du requérant. Par arrêt du 8 avril 1992, la Cour
a rejeté les pourvois formés respectivement par les deux parties contre cet arrêt du Tribunal (C-346/90 P, Rec. p. II-2691).

7 En exécution de l' arrêt du Tribunal du 26 septembre 1990, susvisé, la Commission a informé M. F., par lettre du 6 novembre 1990, que le taux d' invalidité permanente partielle découlant de sa maladie professionnelle devait être fixé à 68 %. En outre, cette lettre a indiqué le capital correspondant à la majoration du taux d' invalidité de 18 %.

8 A la demande du requérant, la Commission lui a adressé, le 29 janvier 1991, le décompte de la liquidation de ses droits au titre de l' article 73, paragraphe 2, du statut. Il ressort de ce décompte que la période de référence retenue par l' AIPN pour le calcul du capital dû au requérant était comprise entre le 1er juillet 1977 et le 30 juin 1978.

9 Par lettres des 2 et 4 mars 1991, le requérant a introduit une réclamation contre ledit décompte, en ce qu' il utilisait, aux fins du calcul de son indemnité, les traitements mensuels de base qui lui avaient été alloués du 1er juillet 1977 au 30 juin 1978. Le requérant demandait que ses indemnités soient calculées sur la base des traitements mensuels de base perçus d' octobre 1981 à octobre 1982. Par décision du 20 septembre 1991, communiquée au requérant le 7 octobre 1991, la Commission a
expressément rejeté cette réclamation.

10 C' est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 décembre 1991, le requérant a demandé l' annulation de la décision précitée, portant rejet de sa réclamation. La procédure écrite s' est déroulée normalement. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d' ouvrir la procédure orale sans mesures d' instruction préalables. La procédure orale s' est déroulée le 17 novembre 1992.

Conclusions des parties

11 La partie requérante conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- déclarer le présent recours recevable et fondé;

- annuler la décision de la Commission du 20 septembre 1991 en ce qu' elle rejette la réclamation du requérant des 2 et 4 mars 1991;

- partant, déclarer recevable et fondée ladite réclamation, et reconnaître le droit du requérant à un capital d' invalidité calculé sur base de sa rémunération perçue dans les douze mois précédant octobre 1982 ou mars 1985;

- condamner la défenderesse à l' ensemble des dépens.

La partie défenderesse conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours comme irrecevable ou à tout le moins non fondé;

- statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

12 La Commission excipe de l' irrecevabilité du présent recours. Elle fait valoir que la base de calcul contestée par le requérant lui avait déjà été notifiée par la lettre du 28 juillet 1987, précitée, et a été utilisée tant dans sa décision du 15 juillet 1988 reconnaissant un taux d' invalidité de 50 %, que dans celle du 6 novembre 1990, majorant ce taux de 18 %, en exécution de l' arrêt du Tribunal du 26 septembre 1990, précité.

13 Le décompte adressé au requérant, à sa demande, le 29 janvier 1991, constituerait, dès lors, selon la Commission, un acte purement confirmatif, non susceptible de faire grief. En effet, la décision du 6 novembre 1990 se serait limitée à majorer de 18 % le taux d' invalidité permanente d' origine professionnelle, qui seul avait été mis en cause par le requérant dans son recours contre la décision du 15 juillet 1988. La Commission estime donc qu' il ne lui appartenait pas, à la suite de l' arrêt du
Tribunal du 26 septembre 1990, précité, et en application de l' article 176 du traité CEE, de revenir sur la décision du 15 juillet 1988, susvisée, en ce qui concerne la date de référence retenue. En outre, la défenderesse rappelle que le projet de décision, communiqué au requérant le 28 juillet 1987, avait expressément indiqué que le début de sa maladie professionnelle devait être situé au 1er juillet 1978. Ce projet précisait qu' il devrait être considéré comme une décision définitive, en l'
absence de demande de consultation de la commission médicale, prévue à l' article 23 de cette réglementation, présentée par le requérant dans un délai de 60 jours. Le requérant ayant demandé la convocation de la commission médicale en vue de contester le taux d' invalidité et non la base de calcul de ses droits à indemnité, et la commission médicale ayant d' ailleurs confirmé les conclusions du professeur De Buck - reprises dans le projet de décision du 28 juillet 1987 - sur la date du début de la
maladie professionnelle du requérant, la Commission aurait uniquement reconsidéré cette décision provisoire du 28 juillet 1987 en ce qui concerne le taux d' invalidité, et non en ce qui concerne la base du calcul du capital à verser au requérant.

14 Dans ces circonstances, la défenderesse soutient que la lettre du 28 juillet 1987, ou subsidiairement celles du 15 juillet 1988 et du 6 novembre 1990, fixant la date de l' aggravation d' origine professionnelle de l' état de santé du requérant, constituaient des actes faisant grief et étaient, dès lors, susceptibles de recours. Dans cette optique, la question de savoir si le décompte précis de la liquidation de ses droits avait été notifié au requérant, comme le prévoit l' article 26 de la
réglementation, serait sans pertinence dans le cadre du présent litige, dans la mesure où le projet de décision du 28 juillet 1987 indiquait explicitement qu' il fallait se baser, pour le calcul de l' indemnité, sur la date du 1er juillet 1978. Au surplus, et en tout état de cause, ce projet de décision constituerait le décompte prévu à l' article 26, précité, de la réglementation.

15 Le requérant estime, pour sa part, que le recours est recevable. Il soutient que le décompte de la liquidation de ses droits, qui lui a été adressé le 29 janvier 1991, constitue un acte faisant grief. Il s' agit, selon lui, du premier et du seul acte mentionnant la base de calcul retenue par la Commission. Les actes du 28 juillet 1987, du 15 juillet 1988 et du 6 novembre 1990 constitueraient de simples liquidations de sommes sans détails ni calcul.

16 En outre, le requérant fait valoir que la défenderesse était tenue, en vertu de l' article 26 de la réglementation, de lui adresser le décompte de la liquidation de ses droits. Or, de l' avis du requérant, les lettres du 28 juillet 1987, du 15 juillet 1988 et du 6 novembre 1990, contenant des éléments d' information épars et ne dressant pas la liste de l' ensemble des éléments chiffrés entrant dans la liquidation de l' indemnité, ne sauraient être considérées comme des décomptes au sens de l'
article 26, susvisé. C' est donc bien en raison d' un manquement de la Commission à son obligation au sens de l' article 26 que le requérant n' aurait pas été en mesure d' introduire une réclamation, avant la communication du décompte du 29 janvier 1991.

Appréciation du Tribunal

17 Afin de vérifier si, en l' espèce, la réclamation et le recours ont été introduits dans les délais requis par le statut, il convient d' identifier au préalable la décision faisant grief en ce qui concerne la base de calcul de l' indemnité d' invalidité, qui fait l' objet du présent litige.

18 Conformément à une jurisprudence bien établie, une décision ne constitue une prise de position définitive et n' est donc susceptible de faire grief que si elle contient une manifestation expresse et suffisamment motivée de la volonté de l' administration de créer des effets de droit (voir, par exemple, les arrêts de la Cour du 20 novembre 1980, Gerin/Commission, point 5, 806/79, Rec. p. 3515, et du 14 juillet 1981, Mascetti/Commission, point 10, 145/80, Rec. p. 1975, ainsi que l' arrêt du
Tribunal du 3 avril 1990, Pfloeschner/Commission, point 17, T-135/89, Rec. p. II-153).

19 En outre, il résulte de l' article 25, deuxième alinéa, du statut que toute décision individuelle doit être communiquée par écrit au fonctionnaire intéressé et doit être motivée. Ce n' est qu' à partir de cette communication que courent les délais de réclamation et de recours prévus aux articles 90 et 91 du statut.

20 Plus particulièrement, l' article 26 de la réglementation prévoit la notification au fonctionnaire du décompte de la liquidation de ses droits au titre de la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle. Cette règle spécifique répond à une exigence plus générale en matière de liquidation de droits pécuniaires, également matérialisée à l' article 40 de l' annexe VII du statut, imposant la notification au fonctionnaire du décompte détaillé de la liquidation de ses droits à
pension. En effet, seule la notification de l' ensemble des éléments retenus par l' administration aux fins du calcul de ses droits pécuniaires permet à l' intéressé d' apprécier la régularité de la décision de liquidation et l' opportunité d' introduire un recours. Ce n' est qu' à partir de cette notification que courent les délais de réclamation et de recours.

21 A la lumière des principes qui viennent d' être exposés, il y a donc lieu d' examiner la nature et le contenu des divers actes adressés au requérant, en vue de vérifier la date à laquelle il a reçu communication, de manière claire et explicite, de la décision fixant la base de calcul contestée, laquelle est fonction de la date retenue par l' administration pour situer l' origine de la détérioration de son état de santé imputable à l' exercice de ses fonctions.

22 Dans le cadre de cet examen, le Tribunal constate, en premier lieu, que le projet de décision du 28 juillet 1987, qui mentionnait expressément la date de l' aggravation d' origine professionnelle de la maladie du requérant et lui avait été notifié, ne saurait être considéré comme une décision susceptible de faire grief et tenir lieu de décompte de la liquidation des droits du requérant, au sens de l' article 26 de la réglementation, aux motifs suivants.

23 Un tel projet présente la nature d' un simple acte préparatoire, communiqué au fonctionnaire dans le cadre d' une procédure instituée par le statut en vue de garantir la sauvegarde de ses droits. S' il est susceptible, en raison de l' objet même de la procédure dans laquelle il s' inscrit, de faire naître certains droits en faveur de l' intéressé, il ne peut en aucun cas lui être opposé par l' institution, comme l' a jugé la Cour dans son ordonnance du 9 juin 1980, B./Parlement, point 2 (123/80
R, Rec. p. 1789).

24 A cet égard, il convient de souligner que, si un fonctionnaire est en droit de faire valoir ses objections à l' encontre du projet de décision visé à l' article 21 de la réglementation, lorsqu' il prend l' initiative de la convocation de la commission médicale, celle-ci est compétente pour émettre un avis sur l' ensemble des éléments pertinents relevant d' une appréciation d' ordre médical qui lui sont déférés par l' administration. Dans ces conditions, seule la décision adoptée sur la base de l'
avis médical peut être considérée comme définitive, y compris en ce qui concerne les éléments déjà consignés dans le projet de décision et non contestés par l' intéressé dans sa demande de consultation de la commission médicale.

25 Il en résulte que, dans la présente espèce, le requérant ayant demandé la consultation de la commission médicale, l' institution défenderesse était tenue de lui notifier, à l' issue de cette procédure, une décision faisant apparaître clairement les divers éléments du calcul de son indemnité d' invalidité, y compris ceux qu' il n' avait pas contestés et à l' égard desquels la commission médicale avait confirmé le projet de décision.

26 Il appartient, dès lors, au Tribunal de vérifier, en second lieu, si les décisions du 15 juillet 1988 et du 6 novembre 1990 étaient susceptibles de faire grief au requérant, en ce qui concerne la fixation de la base de calcul de son indemnité d' invalidité, au regard des principes susvisés.

27 A cet égard, le Tribunal constate que les deux décisions précitées utilisent la base de calcul contestée, sans faire apparaître de manière explicite soit la période prise en compte, soit les calculs effectués à cet effet, et cela malgré le fait que de tels éléments sont des composants essentiels de toute décision prise en vertu de l' article 73, sous b) et c), du statut. Dans ces conditions, il incombait à l' administration de lui communiquer la décision fixant la base de calcul incriminée, en
vertu des principes consacrés aux articles 25 du statut et 26 de la réglementation, précités. S' agissant d' une liquidation de droits pécuniaires, il ne pouvait être exigé du requérant qu' il procédât, à partir du montant de l' indemnité qui lui avait été allouée par les décisions du 15 juillet 1988 et du 6 novembre 1990, susvisées, à une opération arithmétique en vue de déterminer la date du fait générateur de la maladie professionnelle retenue par l' administration.

28 Dans ces conditions, en l' absence de communication préalable, à l' intéressé, d' une décision faisant apparaître de manière claire et explicite les éléments essentiels du calcul de son indemnité d' invalidité, le décompte du 29 janvier 1991 doit être considéré comme la décision faisant grief en ce qui concerne la fixation de la base de calcul contestée.

29 Il en résulte que le présent recours, dirigé à juste titre contre le décompte du 29 janvier 1991, a été introduit dans le délai fixé à l' article 91 du statut, à la suite d' une procédure administrative régulière. Il doit dès lors être déclaré recevable.

Sur le fond

Arguments des parties

30 Le requérant développe un moyen unique, pris de la violation de l' article 73, paragraphe 2, sous b) et c), du statut. Il fait grief à la Commission d' avoir utilisé les douze mois précédant le mois de juillet 1978 comme base de calcul de l' indemnité d' invalidité, au lieu des douze mois précédant le mois d' octobre 1982, alors que l' accident générateur de l' invalidité d' origine professionnelle serait intervenu à ce moment et non en 1978. Il ajoute que l' on est même fondé à se demander si ce
n' est pas la date de mars 1985, qu' il invoque comme la date de son premier arrêt de travail, qui aurait dû être retenue. Il rappelle que la Commission a admis, dans sa décision du 20 septembre 1991 portant rejet de sa réclamation, que "la fixation de la date pour le calcul de l' indemnité en question (est) déterminée, en l' état actuel du droit communautaire, par un fait précis (l' accident)...". Or, si l' on examine sa carrière, les seuls faits précis susceptibles d' être pris en compte seraient
soit l' incident du 6 octobre 1982, qui a finalement abouti à sa révocation, soit son premier arrêt de travail, qui ne serait intervenu qu' en mars 1985. Même si l' incident de 1982 représentait une conséquence directe de ses difficultés professionnelles, il n' en demeurerait pas moins que ces difficultés ne constituaient ni un fait précis ni un "accident" au sens de l' article 73, paragraphe 2, sous b).

31 A l' appui de sa thèse, le requérant se fonde sur le rapport du professeur De Buck du 11 février 1987, aux termes duquel, "en octobre 1982, à la suite (de l' incident susvisé), M. F. (a présenté) une décompensation majeure de son état psychique et a montré des troubles du comportement de niveau nettement psychopathologique. C' est donc en octobre 1982 que nous situerions le début de son invalidité permanente qui paraît clairement liée aux événements particulièrement stressants de sa vie
professionnelle, compte tenu de sa prédisposition". Dans le même sens, une attestation établie le 6 juin 1990 par le chef de l' unité assurance maladie et accidents de la Commission (annexe 10 à la requête) établirait que "la date de la première incapacité de travail au sein des Communautés, à mettre en relation (avec l' invalidité permanente partielle de M. F. constatée par la commission médicale), se situe en octobre 1982". En outre, le requérant fait valoir que son recrutement, en 1978, puis sa
titularisation, au 1er avril 1980, attesteraient que sa santé mentale n' était pas déficiente à l' époque. De plus, même à la suite de l' incident de 1982, les avis des experts médicaux ne seraient pas unanimes, comme en témoignerait le rapport d' experts du 29 octobre 1982, joint à l' avis de la commission médicale, précité, et concluant au bon état de santé mentale de l' intéressé.

32 La Commission estime, quant à elle, que le recours est manifestement non fondé. Elle relève que le requérant ne conteste pas que, en cas d' invalidité ne résultant pas d' un "accident", il convient de prendre en considération la date à laquelle ont pris naissance les circonstances professionnelles autres, assimilables à un accident, à l' origine de l' invalidité, et non celle de son aggravation ultérieure. Elle souligne que la date du 1er juillet 1978 a été retenue sur la base des conclusions
unanimes des experts médicaux. Elle se fonde, à cet égard, sur le rapport d' expertise du professeur De Buck, précité, constatant que "c' est donc bien dans le cadre de son activité aux Communautés européennes que débute un processus de désadaptation progressive. On peut donc considérer que l' aggravation de l' état psychologique existant débute en 1978. A ce moment, l' état psychique de M. F. commence à retentir sur ses capacités de travail". Cette appréciation aurait été confirmée dans le rapport
de la commission médicale du 26 mai 1988, susvisé, constatant que "c' est au cours de l' année 1978 que la décompensation de l' état psychique (de l' intéressé) va commencer en raison des difficultés professionnelles rencontrées, ainsi qu' en témoignent les divers rapports de ses supérieurs". Enfin, la commission médicale aurait conclu que "la date de l' aggravation de la maladie préexistante peut rester fixée au 1er juillet 1978. C' est à ce moment que l' état psychique de M. F. a commencé à
retentir sur sa capacité de travail".

33 La fixation de l' origine de la maladie professionnelle du requérant au 1er juillet 1978 serait d' ailleurs conforme à l' arrêt du 26 septembre 1990, dans lequel le Tribunal a admis que la commission médicale avait constaté à suffisance de droit que l' aggravation de l' invalidité consécutive à l' accident de 1982 trouvait sa cause dans l' exercice antérieur de ses fonctions par le requérant (F./Commission, T-122/89, précité, point 14). La Commission fait valoir, de surcroît, que, en affirmant,
dans la présente espèce, que l' origine de sa maladie professionnelle se situe en 1982, le requérant se met en contradiction avec la thèse qu' il avait soutenue dans l' affaire T-122/89, précitée, selon laquelle l' aggravation de son invalidité, consécutive à l' incident de 1982, trouvait son origine dans l' exercice antérieur de ses fonctions. Une telle attitude serait, selon la Commission, contraire au principe de bonne foi, consacré dans l' arrêt de la Cour du 9 juillet 1981, Turner/Commission,
points 35 et 36 (59/80 et 129/80, Rec. p. 1883).

Appréciation du Tribunal

34 Il convient, tout d' abord, de rappeler que l' article 73, paragraphe 2, sous c), définissant par renvoi au même paragraphe, sous b), les modalités de calcul de l' indemnité d' invalidité permanente partielle, prévoit "le paiement à l' intéressé d' un capital égal à huit fois son traitement de base annuel calculé sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l' accident", affecté d' un coefficient égal à son taux d' invalidité d' origine professionnelle.

35 Il ressort des dispositions précitées que, si l' article 73 prévoit expressément, en son paragraphe 1, la couverture du fonctionnaire, dès le jour de son entrée en service, à la fois contre "les risques de maladie professionnelle et les risques d' accident", il définit, en règle générale, les modalités du calcul de l' indemnité d' invalidité par référence à la date de l' "accident", sans envisager de manière spécifique la date à prendre en considération en vue de déterminer la base de calcul de
l' indemnité d' invalidité, dans l' hypothèse d' une maladie professionnelle contractée par l' intéressé dans le cadre de l' exercice de ses fonctions, à l' origine d' un processus continu de détérioration de sa santé.

36 La date des circonstances professionnelles assimilables à un "accident", au sens de l' article 73, paragraphe 2, sous b) et c), à l' origine de l' aggravation de l' état de santé d' un fonctionnaire doit, dès lors, être déterminée compte tenu du système de couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle institué par le statut. Sous cet aspect, le Tribunal rappelle que les prestations visées à l' article 73 constituent des prestations de sécurité sociale et non des prestations
destinées à réparer un dommage dans le cadre d' une action en responsabilité civile. Elles présentent, de ce fait, un caractère forfaitaire et sont mesurées d' après les conséquences durables de l' "accident", conformément à une jurisprudence bien établie (voir l' arrêt de la Cour du 21 mai 1981, Morbelli/Commission, point 37, 156/80, Rec. p. 1357, et l' arrêt du Tribunal du 28 février 1992, Colmant/Commission, point 35, T-8/90, Rec. p. II-469).

37 En cas de maladie professionnelle, la date de l' "accident", au sens des dispositions précitées, doit donc être interprétée comme visant la date des circonstances professionnelles à l' origine de l' aggravation de l' état de santé du fonctionnaire imputable à l' exercice de ses fonctions. Ce raisonnement s' inscrit dans la logique suivie par le Tribunal dans son arrêt du 28 février 1992, dans lequel il avait été jugé que l' aggravation des lésions consécutives à un accident ne saurait être
assimilée à un nouvel accident (Colmant/Commission, T-8/90, précité, point 28).

38 En outre, il convient également de rappeler que la fixation de la date des faits générateurs d' une maladie professionnelle relève d' une appréciation d' ordre médical. Cette date est déterminée dans le cadre de la procédure médicale destinée à établir si les conditions de travail au sein de l' institution ont été à l' origine de l' aggravation de l' état de santé du fonctionnaire ayant entraîné son incapacité de travail. Elle est indissociable de la mise en évidence des circonstances
professionnelles à l' origine de cette aggravation et est nécessairement fixée concomitamment à l' établissement de l' origine professionnelle de la maladie.

39 Or, il est de jurisprudence constante que les appréciations médicales proprement dites formulées par la commission médicale doivent être considérées comme définitives lorsqu' elles ont été émises dans des conditions régulières. De plus, le contrôle du Tribunal sur de telles appréciations se limite à vérifier si le rapport médical a établi un lien compréhensible entre les constatations médicales qu' il a effectuées et les conclusions auxquelles il est parvenu (voir les arrêts de la Cour du 29
novembre 1984, Suss/Commission, points 9 à 15, 265/83, Rec. p. 4029; du 19 janvier 1988, Biedermann/Cour des comptes, point 8, 2/87, Rec. p. 143, et les arrêts du Tribunal du 12 juillet 1990, Vidrányi/Commission, point 48, T-154/89, Rec. p. II-445, et du 26 septembre 1990, F./Commission, T-122/89, précité, points 14 à 16).

40 Dans la présente espèce, le Tribunal constate que la commission médicale a situé le début de la maladie professionnelle du requérant, qui était entré au service de la Commission en 1975, au 1er juillet 1978, en liant cette conclusion aux constatations suivantes formulées au point E de son rapport, consacré à la "discussion": "c' est au début de l' année 1978 que la décompensation de l' état psychique va commencer en raison des difficultés professionnelles rencontrées, ainsi qu' en témoignent les
divers rapports de ses supérieurs. C' est à ce moment que la capacité de travail est pour la première fois véritablement affectée". Dans son avis, ladite commission a, en effet, conclu que la date de l' aggravation de la maladie préexistante (à l' entrée du requérant au service de la Commission) peut rester fixée au 1er juillet 1978. C' est à ce moment que l' état psychique de M. F. a commencé à retentir sur sa capacité de travail.

41 Dans ces conditions, le Tribunal estime que la commission médicale a suffisamment établi que les circonstances à l' origine de l' aggravation de la maladie du requérant, imputable à l' exercice de ses fonctions, devaient être situées au 1er juillet 1978.

42 Par ailleurs, la thèse du requérant, selon laquelle les circonstances professionnelles précises, à l' origine de l' aggravation de son état de santé imputable à l' exercice de ses fonctions, se situeraient en 1982, ne saurait être accueillie, dans la mesure où elle est contraire aux conclusions de la commission médicale, précitées. Ces dernières font apparaître de manière claire et incontestable que l' incident de 1982, invoqué par le requérant, ne constitue qu' une manifestation de l'
aggravation antérieure de son état de santé dont l' origine doit être située en 1978, et qui a généré, ultérieurement, une incapacité de travail. La commission médicale a, en effet, clairement établi la relation causale entre la détérioration de l' état de santé du requérant consécutive à son activité professionnelle avant même l' incident de 1982 et le déclenchement de cet incident, lui-même à l' origine d' une aggravation de l' invalidité de 18 %. Dans son rapport, elle a constaté qu' il était
"clair qu' au moment de ces faits, le patient avait perdu le contrôle de son comportement, ce qui cadre parfaitement bien avec sa pathologie. Il nous paraît évident que les faits du 6 octobre 1982 représentent une conséquence directe des difficultés professionnelles vécues par le patient depuis plusieurs années. Les comportements agressifs qui ont été reprochés au patient sont l' expression même de sa psychopathologie et font partie intégrante de celle-ci... Nous pensons donc que l' entièreté de l'
incapacité partielle permanente, telle que nous l' estimons dans nos conclusions, trouve son origine dans les conditions de travail qu' a connues (M. F.) dans l' exercice de ses fonctions qui ont constitué la cause essentielle de l' aggravation d' un état dégressif préexistant". C' est précisément en raison de ce lien de causalité entre, d' une part, la pathologie professionnelle dont la commission médicale situe l' origine en 1978 et, d' autre part, l' incident de 1982 ayant entraîné une incapacité
de travail supplémentaire de 18 %, que le Tribunal a constaté, dans son arrêt du 26 septembre 1990, précité, que la commission médicale avait établi à suffisance de droit l' origine professionnelle de l' aggravation de 18 % du taux d' invalidité du requérant.

43 Dans ces conditions, le Tribunal ne peut que constater que, en situant l' origine de l' aggravation de l' état de santé du requérant, imputable à l' exercice de ses fonctions, au 1er juillet 1978, la Commission a, à juste titre, tiré les conséquences juridiques des conclusions médicales régulièrement émises par la commission médicale.

44 Il s' ensuit que le présent recours doit être rejeté.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

45 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l' article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Chacune des parties supportera ses propres dépens.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-88/91
Date de la décision : 14/01/1993
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaires - Indemnités pour accidents et maladies professionnelles - Acte faisant grief - Base de calcul de l'indemnité d'invalidité prévue à l'article 73, paragraphe 2, sous b) et c), du statut.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : M. F
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1993:2

Source

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