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15/12/1992 | CJUE | N°T-75/91

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Piera Scaramuzza contre Commission des Communautés européennes., 15/12/1992, T-75/91


Avis juridique important

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61991A0075

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 15 décembre 1992. - Piera Scaramuzza contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire affecté dans un pays tiers - Rémunération - Paiement en monnaie du pays d'affectation - Application du coefficient

correcteur du pays d'affectation. - Affaire T-75/91.
Recueil de jurisp...

Avis juridique important

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61991A0075

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 15 décembre 1992. - Piera Scaramuzza contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire affecté dans un pays tiers - Rémunération - Paiement en monnaie du pays d'affectation - Application du coefficient correcteur du pays d'affectation. - Affaire T-75/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-02557

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

Fonctionnaires - Rémunération - Paiement dans la monnaie du lieu d' affectation - Coefficient correcteur - Dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans des pays tiers - Directives internes de mise en oeuvre - Légalité - Violation des principes d' équivalence du pouvoir d' achat et d' égalité de traitement - Absence

(Statut des fonctionnaires, art. 63 et 64; annexe X, art. 11 et 12, alinéa 1)

Sommaire

L' autorité investie du pouvoir de nomination n' excède pas les limites du pouvoir d' appréciation que, s' agissant des modalités de paiement de leur rémunération aux fonctionnaires affectés dans des pays tiers, lui confère l' article 12, premier alinéa, de l' annexe X du statut en arrêtant une directive interne aux termes de laquelle est limitée à 80 % de leur rémunération la partie de celle-ci qui, à la demande des intéressés, est payée dans la monnaie du pays d' affectation avec application du
coefficient correcteur de ce pays, mais est réservée la possibilité d' accueillir, dans des cas dûment motivés, des demandes portant sur une fraction supérieure. Bien que soit ainsi institué un régime différent de celui applicable aux fonctionnaires affectés dans la Communauté dont, en vertu des articles 63 et 64 du statut, la rémunération est automatiquement et intégralement payée dans la monnaie du pays d' affectation et affectée du coefficient correcteur correspondant, il n' y a pas violation du
principe d' égalité de traitement, car celui-ci exige tout à la fois que des situations identiques soient traitées de manière identique, mais aussi que des situations différentes soient traitées de manière différente, dans la juste mesure de la différence constatée.

Or, la situation des fonctionnaires affectés dans un pays tiers diffère de celle des fonctionnaires affectés dans la Communauté, notamment quant aux dépenses susceptibles d' être encourues dans le pays d' affectation. Afin de garantir l' équivalence du pouvoir d' achat des fonctionnaires, indépendamment de leur lieu d' affectation, les modalités de paiement de la rémunération doivent tenir compte de cette différence de situation. Le fait de présumer que les fonctionnaires affectés dans un pays tiers
ne sont susceptibles de dépenser dans le pays d' affectation que 80 % de leur rémunération, alors que les fonctionnaires affectés dans la Communauté sont présumés dépenser l' intégralité de celle-ci dans le pays où ils exercent leurs fonctions, constitue une différence de traitement proportionnée à la différence de situation qui existe entre les deux catégories de fonctionnaires. En effet, les fonctionnaires affectés dans un pays tiers n' ont, en vertu de l' annexe X du statut, à faire face sur leur
lieu d' affectation ni à des dépenses de logement ni à des dépenses de santé.

Parties

Dans l' affaire T-75/91,

Piera Scaramuzza, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à New York, représentée par Me F. Jongen, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me A. Schmitt, 62, avenue Guillaume,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Griesmar, membre du service juridique, en qualité d' agent, assisté de Me D. Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. R. Hayder, représentant du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision rejetant la demande de la requérante tendant à obtenir le paiement de la totalité de sa rémunération en monnaie et avec application du coefficient correcteur de son pays d' affectation,

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. D. P. M. Barrington, président, K. Lenaerts et A. Kalogeropoulos, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 28 octobre 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Faits à l' origine du recours

1 La requérante est fonctionnaire de grade B 3. Elle a été affectée à la Délégation permanente de la Commission à Oslo le 4 janvier 1988, avant d' être affectée au bureau de la Commission de New York le 17 juin 1991.

2 Le 1er octobre 1990, elle a sollicité le paiement intégral de sa rémunération dans la monnaie et avec application du coefficient correcteur de son lieu d' affectation et l' application de cette mesure à compter de sa prise de fonctions.

3 Cette demande est restée sans réponse de la part de la Commission jusqu' à la date d' expiration du délai de quatre mois prévu par le statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "statut"), soit le 1er février 1991. Toutefois, le 12 février 1991, la requérante a reçu une lettre du directeur général du personnel et de l' administration rejetant explicitement sa demande.

4 Le 23 avril 1991, la requérante a introduit une réclamation, au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut, contre le rejet de sa demande.

5 Le 30 juillet 1991, la requérante a reçu une lettre du directeur général du personnel et de l' administration en date du 26 juillet 1991, rejetant explicitement sa réclamation.

6 C' est dans ces circonstances que la requérante a introduit le présent recours, qui a été enregistré au greffe du Tribunal le 24 octobre 1991.

7 La procédure écrite s' est déroulée normalement. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables.

Conclusions des parties

8 La requérante conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

"1) déclarer le présent recours recevable et fondé;

2) en conséquence, annuler la décision de la Commission rejetant la demande de la requérante à être payée dans l' intégralité de la monnaie de son lieu d' affectation, soit en couronnes norvégiennes, avec le coefficient correcteur qui s' y rapporte;

3) accorder, en conséquence, à la requérante le paiement avec effet rétroactif du complément correspondant à 100 % de son traitement en monnaie locale avec le coefficient correcteur qui s' y applique, augmenté des intérêts de retard fixés à 8 %;

4) condamner la défenderesse à l' ensemble des dépens".

La Commission conclut, de son côté, à ce qu' il plaise au Tribunal:

"A titre principal

1) rejeter le recours comme non fondé;

2) statuer comme de droit sur les dépens.

A titre subsidiaire

3) si par impossible votre Tribunal devait déclarer l' article 1er des directives internes de la Commission illégal, déclarer que:

a) sauf en ce qui concerne les fonctionnaires affectés dans un pays tiers (ci-après 'FAPT' ) qui ont fait valoir antérieurement leurs droits en justice ou par une demande ou réclamation, l' arrêt de votre Tribunal ne pourra être invoqué à l' appui de revendications relatives à des périodes de rémunération antérieures à la date de son prononcé;

b) en ce qui concerne spécifiquement la requérante, il n' y aura lieu pour le passé de ne retenir, lors du calcul des montants qui auraient dû lui être versés en couronnes norvégiennes avec application du coefficient correcteur norvégien, que les montants effectivement versés en BFR à son compte postérieurement à octobre 1990, ou à tout le moins, pour la période antérieure, de ne pas tenir compte des montants directement transférés à la banque BHW dans le cadre d' un emprunt immobilier ainsi que des
autres montants qui ont été directement prélevés sur la rémunération de la requérante."

Sur le fond

9 La requérante invoque, en substance, deux moyens à l' appui de sa demande d' annulation. Le premier est pris de la violation de l' article 12, premier alinéa, de l' annexe X du statut (ci-après "annexe X") qu' aurait commise la Commission en adoptant l' article 1er de ses directives internes relatives à la fixation des modalités de paiement visées à l' article 12 de l' annexe X (ci-après "directives internes"). Le second moyen est pris de la violation du principe de l' équivalence du pouvoir d'
achat et des articles 62 à 65 du statut.

10 L' annexe X, ajoutée au statut par le règlement (Euratom, CECA, CEE) n 3019/87 du Conseil, du 5 octobre 1987, établissant des dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires des Communautés européennes affectés dans un pays tiers (JO L 286, p. 3), prévoit, en son article 11, que "La rémunération ainsi que les indemnités visées à l' article 10 sont payées en francs belges en Belgique. Elles sont affectées du coefficient correcteur applicable à la rémunération des
fonctionnaires affectés en Belgique", et en son article 12 que, "Sur demande du fonctionnaire, l' autorité investie du pouvoir de nomination peut décider de payer la rémunération, en tout ou en partie, en monnaie du pays d' affectation. Elle est alors affectée du coefficient correcteur du lieu d' affectation et convertie selon le taux de change correspondant. Dans des cas exceptionnels dûment justifiés, l' AIPN peut effectuer tout ou partie de ce paiement dans une monnaie autre que celle du lieu d'
affectation selon des modalités appropriées visant à assurer le maintien du pouvoir d' achat". L' article 1er des directives internes dispose, quant à lui, que, "En application de l' article 12 de l' annexe X du statut et sur demande du fonctionnaire, l' AIPN procède au paiement, en monnaie du pays d' affectation, d' une partie de sa rémunération jusqu' à concurrence de 80 % de la rémunération nette. Dans des cas dûment motivés, l' AIPN peut accepter de procéder au paiement en monnaie du pays d'
affectation d' une partie de la rémunération dépassant ce pourcentage de 80 %".

Premier moyen: violation de l' article 12 de l' annexe X par l' article 1er des directives internes

Arguments des parties

11 La requérante soutient que l' article 1er des directives internes, en ce qu' il limite à 80 % de la rémunération nette des FAPT le paiement de celle-ci en monnaie et avec application du coefficient correcteur du pays d' affectation sauf motivation spéciale, viole l' article 12 de l' annexe X en application duquel ces directives ont été prises. En effet, cette disposition ne prévoirait aucune limitation de ce type et ne consacrerait aucun pouvoir discrétionnaire de l' autorité investie du pouvoir
de nomination (ci-après "AIPN") à cet égard. Ainsi, le terme "peut" indiquerait que cette disposition déroge au principe de l' article 11 dès lors que le fonctionnaire en fait la demande. Quant aux termes "en tout ou en partie", ils permettraient aux fonctionnaires de moduler leur demande au mieux de leurs intérêts.

12 Elle ajoute que l' article 1er des directives internes viole l' article 12 de l' annexe X en ce qu' il procède à un amalgame des premier et second alinéas de cette disposition, en étendant le régime exceptionnel prévu par le second alinéa au principe du paiement de la rémunération dans la monnaie et avec application du coefficient correcteur du lieu d' affectation. Selon la requérante, le principe établi par l' article 12, premier alinéa - paiement total ou partiel en monnaie du lieu d'
affectation sur demande du fonctionnaire -, devrait être rapproché du second alinéa, qui fixe les dérogations à ce principe: "dans des cas exceptionnels dûment justifiés, l' autorité investie du pouvoir de nomination peut effectuer tout ou partie de ce paiement dans une monnaie autre que celle du lieu d' affectation". Il y aurait donc le principe - le premier alinéa - et son exception - le second alinéa. Si on devait suivre la thèse selon laquelle le premier alinéa fonde un pouvoir discrétionnaire,
le second alinéa perdrait toute signification puisqu' il n' y aurait pas de raison, si la règle de base était purement potestative, de demander aux FAPT de justifier dûment les exceptions.

13 La requérante expose que, à supposer que l' article 12 consacre le pouvoir discrétionnaire de l' administration pour déterminer la partie de la rémunération qui peut être versée dans la monnaie du pays d' affectation avec application du coefficient correcteur de ce pays, l' article 1er des directives internes restreint excessivement ce pouvoir en interdisant que la rémunération soit payée "en tout" dans cette monnaie.

14 La Commission répond que le caractère dérogatoire par rapport au statut des règles de son annexe X résulte clairement de son titre ("Dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers") et de son article 1er. Cette annexe X prévoirait une série de dispositions particulières pour les fonctionnaires affectés dans les pays tiers, dont les articles 11 et 12 définissent le régime pécuniaire. En vertu de l' article 1er de l' annexe X, le mode de
paiement des rémunérations des FAPT a été déterminé par la Commission en mai 1988, au moyen des directives internes prises en application de l' article 12 de l' annexe X.

15 La Commission fait valoir que l' article 12 de l' annexe X confère explicitement un pouvoir discrétionnaire à l' AIPN pour décider de payer la rémunération "en tout ou en partie" en monnaie du pays d' affectation. Il appartiendrait donc à celle-ci - sous réserve d' un contrôle approprié par le juge communautaire - de fixer le pourcentage de la rémunération qu' elle estime raisonnable de verser en monnaie du pays d' affectation au fonctionnaire ayant demandé à bénéficier de l' article 12. En
fixant forfaitairement à 80 % la "partie" de la rémunération qui normalement peut être payée en monnaie du pays d' affectation sur demande d' un FAPT (sauf dans les cas où le FAPT peut démontrer qu' une fraction supérieure doit être payée en monnaie locale), les directives internes auraient pleinement respecté le cadre tracé par l' article 12, premier alinéa, de l' annexe X. Elle fait valoir que, si elle avait dû décider, comme le demande la requérante, de payer systématiquement l' intégralité de la
rémunération en monnaie du pays d' affectation dès lors qu' un fonctionnaire l' aurait demandé, c' est alors que l' article 12 de l' annexe X aurait été violé. En effet, une telle demande supprimerait de manière illégale le pouvoir discrétionnaire dont l' institution dispose en la matière.

16 La Commission ajoute que la référence faite par la requérante au second alinéa de l' article 12 de l' annexe X est dépourvue de toute pertinence dans la mesure où cette disposition ne vise pas la situation de la requérante, mais uniquement les paiements dans une monnaie qui n' est ni celle du pays du siège de l' institution (article 11 de l' annexe X) ni celle du pays d' affectation (article 12, premier alinéa).

Appréciation du Tribunal

17 Le Tribunal constate que l' utilisation, à l' article 12, premier alinéa, de l' annexe X, des termes "peut décider" ou de leur équivalent dans toutes les langues communautaires, combinée avec celle des termes "sur demande du fonctionnaire", serait pléonastique si elle n' avait pas pour effet de conférer, contrairement à ce qu' affirme la requérante, une marge d' appréciation à l' AIPN. Si la thèse de la requérante devait être retenue, la disposition en cause aurait été rédigée comme suit: "Sur
demande du fonctionnaire, sa rémunération est payée, en tout ou en partie, en monnaie du pays d' affectation. Elle est alors ...". Cette rédaction eût été plus naturelle puisqu' elle aurait adopté la même structure que celle de l' article 11. En outre, la présence du terme "décider" présuppose qu' une décision doit être prise par l' AIPN, ce qui implique que la demande du fonctionnaire ne suffit pas. Ici encore, l' effet utile de ce mot est incompatible avec la thèse de la requérante.

18 Il s' ensuit que l' article 12, premier alinéa, de l' annexe X consacre une marge d' appréciation de la Commission pour déterminer dans quelle mesure elle doit faire droit aux demandes introduites par les fonctionnaires sur la base de cette disposition.

19 Par ailleurs, le Tribunal considère que l' argument de la requérante fondé sur une lecture conjointe des deux alinéas de l' article 12 de l' annexe X est dépourvu de toute pertinence. En effet, le second alinéa de cet article ne constitue pas une exception à son premier alinéa, mais, comme ce dernier, une exception à l' article 11 de l' annexe X. Le principe, posé par l' article 11, est le paiement de la rémunération des FAPT en francs belges en Belgique, avec application du coefficient
correcteur de ce pays. A ce principe deux exceptions sont prévues à l' article 12: le paiement de la rémunération en tout ou en partie en monnaie et avec application du coefficient correcteur du lieu d' affectation (premier alinéa) ou le paiement de la rémunération en tout ou en partie dans une monnaie autre que celle du lieu d' affectation selon des modalités appropriées visant à assurer le maintien du pouvoir d' achat (second alinéa).

20 Le Tribunal rappelle que rien n' interdit, en principe, à l' AIPN d' établir, par la voie d' une décision interne de caractère général, des règles pour l' exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le statut (voir, par exemple, en ce qui concerne l' appréciation opérée par l' AIPN en vertu de l' article 32, deuxième alinéa, du statut les arrêts du 15 janvier 1985, Samara/Commission, point 15, 266/83, Rec. p. 189, et du 6 juin 1985, De Santis/Cour des comptes, point 11, 146/84, Rec. p.
1723).

21 Il convient d' examiner si, en l' espèce, la Commission a dépassé les limites de son pouvoir d' appréciation en adoptant l' article 1er des directives internes, qui limite à 80 % de la rémunération la partie de celle-ci qui est payée automatiquement en monnaie et avec application du coefficient correcteur du pays d' affectation.

22 A cet égard, le Tribunal relève que la requérante invoque deux arguments pour prétendre que la Commission a abusé de son pouvoir discrétionnaire. D' une part, elle soutient que, en fixant la limite à 80 %, la Commission a exclu que la requérante soit payée "en tout" en monnaie et avec application du coefficient correcteur du pays d' affectation. D' autre part, elle fait valoir que cette limite de 80 % est discriminatoire par rapport aux fonctionnaires affectés dans la Communauté.

23 En ce qui concerne le premier argument de la requérante, il y a lieu d' observer que l' article 1er des directives ne s' oppose pas à ce que la rémunération soit payée "en tout" en monnaie et avec application du coefficient correcteur du pays d' affectation, mais qu' il impose au fonctionnaire de motiver dûment sa demande dès lors que celle-ci porte sur plus de 80 % de sa rémunération. Par conséquent, l' article 1er des directives internes ne dépasse pas, à ce titre, le pouvoir que confère à l'
AIPN l' article 12, premier alinéa, de l' annexe X.

24 En ce qui concerne le second argument de la requérante, il importe de relever qu' il se confond, en substance, avec son second moyen, avec lequel il sera examiné.

25 Il résulte de ce qui précède que, pour autant qu' il ne se confond pas avec le second moyen, le premier moyen doit être rejeté.

Second moyen: violation du principe de l' équivalence du pouvoir d' achat et des articles 62 à 64 du statut

Première branche: violation du principe de l' équivalence du pouvoir d' achat

Arguments des parties

26 La requérante fait valoir que les articles 64 et 65 du statut, qui consacrent le principe de l' équivalence du pouvoir d' achat, sont violés, dans la mesure où l' adaptation de sa rémunération, au moyen du coefficient correcteur, aux conditions de vie à Oslo ne s' applique qu' à 80 % de celle-ci, le solde étant payé en francs belges et non adapté au coût de la vie à Oslo.

27 Elle ajoute que la notion même de coefficient correcteur inscrite à l' article 64 du statut vise à garantir la parité du pouvoir d' achat indépendamment du lieu d' affectation, et cela notamment pour éviter toute discrimination entre les fonctionnaires selon le lieu où ils sont affectés. Il résulterait de la jurisprudence de la Cour que le principe de l' égalité de traitement est à la base de l' article 64 du statut (arrêt de la Cour du 28 juin 1988, Commission/Conseil, 7/87, Rec. p. 3401). Pour
les fonctionnaires affectés dans la Communauté, le principe visé à l' article 64 connaîtrait une application directe, le fonctionnaire voyant sa rémunération calculée avec application du coefficient correcteur déterminé pour son lieu d' affectation sans qu' il ait besoin ni d' exprimer une volonté à cet effet ni d' apporter une quelconque preuve de la nature ou de la structure de ses dépenses. Exiger de sa part une telle preuve constituerait, en effet, une immixtion inacceptable dans la vie privée
du fonctionnaire, immixtion qui serait contraire à l' article 12 de la déclaration universelle des droits de l' homme. Pour les fonctionnaires affectés hors de la Communauté, le principe de l' article 64 recevrait application par le biais des articles 11 et 13 de l' annexe X, l' article 13 précisant notamment que la fixation des coefficients correcteurs vise à "assurer dans toute la mesure du possible l' équivalence du pouvoir d' achat des fonctionnaires indépendamment de leur lieu d' affectation".
Or, le coefficient correcteur ne remplirait sa fonction que s' il est appliqué à la totalité de la rémunération.

28 Par ailleurs, elle fait valoir que la fixation de la limite à 80 % de la rémunération est arbitraire. Dans sa réplique, elle expose que la Commission ne saurait justifier cette limite en arguant de ce qu' il serait "raisonnable de supposer qu' une proportion non négligeable - évaluée forfaitairement à 20 % - du traitement des FAPT n' est normalement pas utilisée dans le pays d' affectation". Une telle supposition ne serait pas juridiquement adéquate et ne saurait se fonder sur les éléments
invoqués par la Commission. En effet, le paiement intégral des frais de logement ayant déjà pour conséquence la réduction du coefficient correcteur par son exclusion du calcul du coût de la vie, il ne pourrait être invoqué une nouvelle fois pour justifier un paiement n' appliquant que partiellement ce coefficient. L' assurance maladie complémentaire, quant à elle, serait choisie et imposée par l' administration et se justifierait par le fait qu' une couverture intégrale est indispensable pour
assurer une protection suffisante du fonctionnaire dans les différents pays où il peut être affecté. Il en irait de même pour l' assurance accident.

29 La Commission explique le choix du pourcentage de 80 % par le fait qu' il serait raisonnable de supposer qu' une proportion non négligeable - évaluée forfaitairement à 20 % - du traitement des FAPT n' est normalement pas utilisée dans le pays d' affectation. En effet, contrairement aux fonctionnaires affectés dans un État membre, les FAPT seraient amenés à avoir une mobilité beaucoup plus grande et, en conséquence, une attache relativement moindre avec leurs pays d' affectation successifs. C' est
pourquoi il y aurait lieu d' estimer qu' une partie significative de la rémunération des FAPT ne sera pas utilisée dans leur pays d' affectation. En outre, la Commission prendrait en charge une fraction importante des dépenses locales des FAPT en payant l' intégralité de leur loyer dans le pays d' affectation, en remboursant la totalité de leurs frais médicaux et en contribuant à une assurance accident spéciale pour les membres de leur famille. Les FAPT n' ayant pas à supporter certaines dépenses
essentielles dans leur pays d' affectation, ils dépenseraient normalement les sommes rendues ainsi disponibles soit dans le pays du siège soit dans le pays où est établi leur centre d' intérêts.

30 La Commission ajoute que, même si la règle des 80 % devait être considérée comme destinée à "compenser" divers "avantages" accordés aux FAPT, quod non, les arguments de la requérante tendant à démontrer que ces "avantages" n' existent pas en réalité sont de toute façon erronés. Le fait que les frais de logement ne soient pas pris en compte pour le calcul du coefficient correcteur ne signifierait pas que la gratuité du logement n' est pas un avantage réel pour les FAPT. L' absence de prise en
compte des frais de logement dans le calcul du coefficient correcteur serait la conséquence logique du fait que les FAPT n' assument pas de tels frais. Il n' en resterait pas moins que les autres frais relatifs au coût de la vie dans le pays d' accueil sont tous pris en considération pour le calcul du coefficient correcteur. La rémunération des FAPT serait donc bien dans tous les cas affectée d' un coefficient correcteur, dont seules les règles de calcul ont fait l' objet d' une légère adaptation
dans le cas des FAPT. Il apparaîtrait donc qu' aucune somme n' est soustraite de la rémunération des FAPT pour tenir compte du fait que leur logement est fourni gratuitement. Quant à l' assurance maladie complémentaire, les FAPT n' en payeraient qu' une quote-part de 50 % au maximum (avec un plafond de 0,6 % de leur traitement de base), le reste étant pris en charge par l' institution, ce qui à nouveau constituerait un avantage non négligeable et une raison de considérer que le FAPT aura des
dépenses locales pour frais médicaux réduites d' autant.

31 La Commission estime, par conséquent, que les FAPT, par rapport aux fonctionnaires affectés au siège ou dans tout autre État membre, utilisent une partie significative (évaluée à 20 %) de leur rémunération dans la Communauté. Elle rappelle toutefois que le montant de 80 % n' a été retenu qu' à titre forfaitaire, puisqu' en vertu du deuxième alinéa de l' article 1er des directives internes "dans des cas dûment motivés, l' AIPN peut accepter de procéder au paiement en monnaie du pays d' affectation
d' une partie de la rémunération dépassant ce pourcentage de 80 %". Elle ajoute, dans sa duplique, que ce pourcentage de 20 % apparaît d' autant plus justifié quand on le met en parallèle avec le système antérieurement applicable aux FAPT, dans lequel un prélèvement de 15 à 20 % était effectué sur la rémunération des fonctionnaires au titre d' une contribution logement.

Appréciation du Tribunal

32 Le Tribunal constate que les deux parties se prévalent, pour justifier leurs prétentions respectives, du principe supérieur de droit qu' est le principe d' égalité de traitement, qui, selon une jurisprudence constante de la Cour, est à la base des articles 64 et 65 du statut (voir, en dernier lieu, l' arrêt du 23 janvier 1992, Commission/Conseil, points 15 et 29, C-301/90, Rec. p. I-221). En substance, la requérante soutient que la seule voie qui permette d' assurer l' égalité de traitement entre
tous les fonctionnaires, conçue en termes d' équivalence de pouvoir d' achat aux différents lieux d' affectation, est celle des articles 64 et 65 du statut, en vertu desquels la totalité de la rémunération est automatiquement payée dans la monnaie et avec l' application du coefficient correcteur du lieu d' affectation. La Commission, par contre, expose que l' égalité de traitement, conçue dans les mêmes termes, requiert que le système des coefficients correcteurs soit appliqué différemment aux
fonctionnaires affectés dans la Communauté et aux FAPT pour tenir compte de la situation spécifique de ceux-ci et que tel est l' objet de l' annexe X, telle qu' interprétée par l' article 1er des directives internes.

33 Le Tribunal rappelle que le principe d' égalité de traitement exige que des situations identiques soient traitées de manière identique et que des situations différentes soient traitées de manière différente, dans la juste mesure de la différence constatée.

34 Afin d' examiner si l' annexe X du statut, telle qu' interprétée par l' article 1er des directives internes, peut, comme les articles 64 et 65 du statut, assurer l' égalité de traitement, conçue en termes d' équivalence de pouvoir d' achat aux différents lieux d' affectation, le Tribunal considère qu' il y a lieu de résoudre trois questions. En premier lieu, la situation des FAPT qui sont soumis à l' annexe X est-elle différente de la situation des fonctionnaires affectés dans la Communauté, qui
sont soumis aux articles 64 et 65 du statut? En second lieu, les FAPT sont-ils traités de manière différente par rapport aux fonctionnaires affectés dans la Communauté? En troisième lieu, s' il y a une différence de traitement, celle-ci est-elle justifiée par d' éventuelles différences de situation entre les FAPT et les fonctionnaires affectés dans la Communauté?

35 En ce qui concerne la première question, le Tribunal constate que la requérante a admis dans ses mémoires (réplique pages 3, point 7, et 4, point 8) et lors de l' audience que la situation des FAPT est différente de celle des fonctionnaires affectés dans la Communauté. En effet, elle a affirmé que les différents avantages qui sont conférés aux FAPT par l' annexe X sont tous destinés à compenser des inconvénients qui leur sont propres. En reconnaissant que les FAPT ont à subir des inconvénients
que n' ont pas à subir les fonctionnaires affectés dans la Communauté, la requérante a reconnu que leur situation est différente de celle des fonctionnaires affectés dans la Communauté. Le caractère différent de ces situations est corroboré par l' exposé des motifs de la proposition faite par la Commission au Conseil qui a conduit à l' adoption par celui-ci de l' annexe X. En effet, on peut y lire notamment que "les conditions de travail de ce personnel diffèrent par des aspects importants de celles
qui prévalent dans la Communauté: le personnel servant en dehors de la Communauté travaille dans des délégations extérieures et est soumis à une rotation, ce qui signifie qu' il reste rarement très longtemps dans un même endroit; les conditions de vie et les conditions financières dans de nombreux pays tiers sont très différentes de celles que l' on trouve dans la Communauté ... Pour le personnel servant à l' extérieur, la mobilité constitue un aspect essentiel des conditions de service. Le
personnel des délégations doit en principe être muté à des intervalles réguliers, n' excédant généralement pas quatre ans ... La pratique de l' AEC depuis deux décennies est de mettre gratuitement un logement à la disposition de son personnel ... La pratique de certains États membres dans ce domaine est de fournir gratuitement un logement à leur personnel diplomatique à l' étranger ... Cette pratique semble se justifier en elle-même compte tenu des problèmes de mobilité fréquents et de la nécessité
de maintenir une base permanente en Europe ... La politique en matière de frais de scolarité pour le personnel en service à l' extérieur doit respecter le principe déjà reconnu suivant lequel, fondamentalement, l' enseignement doit être gratuit pour les enfants des fonctionnaires de la Communauté, avant tout grâce à l' accès aux écoles européennes et autres par le biais du paiement d' indemnités accrues. Le fait qu' un fonctionnaire exerce ses fonctions à l' extérieur ne devrait pas entraîner une
discrimination sur ce point. Dans de nombreux lieux de travail, les formes d' enseignement disponibles qui conviendraient aux enfants des fonctionnaires sont limitées et très coûteuses. En conséquence, il est proposé de prendre en compte les frais raisonnables réellement supportés par les fonctionnaires servant en dehors de la Communauté pour la scolarisation de leurs enfants ... En raison des coûts très élevés des soins de santé dans certains pays et des risques supplémentaires auxquels ces
fonctionnaires et leurs familles sont exposés, il est prévu qu' une assurance complémentaire couvre à 100 % les frais médicaux ... La moitié de ces frais d' assurance sera à la charge du fonctionnaire ...".

36 Les travaux préparatoires de l' annexe X du statut montrent avant tout que l' intention du législateur communautaire en adoptant ce texte était d' assimiler le statut des FAPT à celui des diplomates nationaux qui travaillent dans des conditions semblables. On peut, en effet, y lire que les FAPT sont au service de la Communauté "dans les délégations qui représentent les institutions de la Communauté dans le monde". Après quoi, de nombreuses références sont faites au statut du personnel
diplomatique des États membres. On peut encore y lire: "pour le personnel des délégations extérieures, l' obligation de mobilité signifie que le centre d' intérêts coïncide rarement avec le lieu de travail ...".

37 Il résulte de ce qui précède que la situation des FAPT est réellement différente de celle des fonctionnaires affectés dans la Communauté.

38 Il convient, dès lors, d' examiner la deuxième question, qui est celle de savoir si les FAPT sont traités de manière différente par rapport aux fonctionnaires affectés dans la Communauté.

39 A cet égard, le Tribunal relève que la requérante fait valoir que la différence de traitement entre les FAPT et les fonctionnaires affectés dans la Communauté réside dans le fait que, pour ces derniers, l' article 64 du statut permet que ceux qui sont affectés en dehors du siège de l' institution soient payés automatiquement et intégralement en monnaie de leur lieu d' affectation et avec application du coefficient correcteur de celui-ci, alors que, pour les FAPT, seuls 80 % de leur rémunération
bénéficient d' un paiement en monnaie de leur lieu d' affectation et d' une application du coefficient correcteur de celui-ci, et ce seulement après qu' ils l' ont demandé.

40 Il convient de rappeler la ratio legis des articles 64 du statut et 12 de l' annexe X, tel qu' interprété par l' article 1er des directives internes. Le mécanisme du coefficient correcteur a pour finalité de garantir le maintien d' un pouvoir d' achat équivalent pour tous les fonctionnaires, quel que soit leur lieu d' affectation. Or, le pouvoir d' achat est la mesure de la quantité de biens et de services que peut procurer une unité monétaire à un moment donné. Le pouvoir d' achat n' a donc de
sens que par rapport à une dépense susceptible d' être encourue. C' est pourquoi l' application dans toute sa rigueur de la règle de l' équivalence du pouvoir d' achat devrait requérir en théorie que ne se voient appliquer le coefficient correcteur du lieu d' affectation que les sommes dont il est prouvé qu' elles sont susceptibles d' être dépensées au lieu d' affectation.

41 Face à l' impossibilité pratique de gérer un système dans lequel, d' un côté, chaque fonctionnaire devrait établir quelles sont les dépenses qu' il est susceptible d' effectuer à son lieu d' affectation et celles qui seront effectuées ailleurs et, de l' autre, l' administration devrait vérifier ces affirmations, le législateur communautaire a mis en place un système de présomptions, qui figure à l' article 64 du statut pour les fonctionnaires affectés dans la Communauté et à l' article 12 de l'
annexe X, tel qu' interprété par l' article 1er des directives internes, pour les FAPT.

42 Pour les premiers, il est présumé que 100 % de leurs dépenses sont susceptibles d' être effectuées à leur lieu d' affectation. Cette présomption est néanmoins réfragable dans la mesure où l' article 17 de l' annexe VII du statut permet au fonctionnaire de faire transférer régulièrement, par l' entremise de l' institution dont il relève, une partie de ses émoluments ne dépassant pas le montant qu' il perçoit au titre de l' indemnité de dépaysement (16 %) ou d' expatriation, pour autant que ces
transferts soient destinés à couvrir des dépenses résultant, notamment, de charges régulières et prouvées que l' intéressé aurait à assumer en dehors du pays du siège de son institution ou du pays où il exerce ses fonctions.

43 Pour les FAPT, la Commission a conclu qu' un traitement différent s' imposait en raison des différences de situation qu' elle avait décrites dans l' exposé des motifs de la proposition d' annexe X du statut, soumise par elle au Conseil (voir les points 35 et 36 ci-avant). Elle a présenté sa conclusion dans les termes suivants: "En conséquence, la Commission considère que le principe régissant le paiement de leur rémunération doit être que la rémunération et les indemnités seront calculées et
versées en FB suivant le coefficient correcteur approprié pour Bruxelles ... Les institutions seront disposées à transférer à tout fonctionnaire servant en dehors de la Communauté les fonds dont il peut avoir besoin sur son lieu de travail, en ajustant ces transferts au moyen d' un coefficient correcteur qui tiendra compte des différents coûts de la vie au taux de change approprié". Le Conseil ayant entériné cette proposition, l' article 11 de l' annexe X du statut prévoit que les FAPT seront, en
principe, payés en francs belges en Belgique et que leur rémunération sera affectée du coefficient correcteur pour la Belgique. Toutefois, étant donné qu' il y a lieu d' assurer dans toute la mesure du possible l' équivalence du pouvoir d' achat des fonctionnaires indépendamment de leur lieu d' affectation, comme le rappelle l' article 13, l' article 12 de l' annexe X dispose que: "Sur demande du fonctionnaire, l' autorité investie du pouvoir de nomination peut décider de payer la rémunération, en
tout ou en partie, en monnaie du pays d' affectation et qu' elle est alors affectée du coefficient correcteur du lieu d' affectation et convertie selon le taux de change correspondant".

44 Pris en application de cette disposition, l' article 1er des directives internes présume, pour les FAPT qui demandent à être payés en monnaie et avec application du coefficient correcteur de leur pays d' affectation, que seuls 80 % de leur rémunération sont susceptibles d' être dépensés au lieu d' affectation. Il est ainsi présumé que 20 % de la rémunération du FAPT ne sont pas susceptibles d' être dépensés au lieu d' affectation. Cette présomption est néanmoins réfragable, comme celle applicable
aux fonctionnaires affectés dans la Communauté, dans la mesure où la dernière phrase de cette disposition permet au FAPT, s' il motive dûment sa demande, d' obtenir le paiement en monnaie du pays d' affectation et avec application du coefficient correcteur de ce dernier d' une partie de sa rémunération dépassant ces 80 %. Ainsi, le FAPT peut-il renverser ladite présomption s' il établit que, pour des raisons qui lui sont propres, il est susceptible de dépenser plus de 80 % de sa rémunération à son
lieu d' affectation.

45 Il appartient donc au Tribunal de répondre à la troisième question, qui est de savoir si la différence de traitement, qui résulte de ce que la présomption porte, d' un côté, sur 100 % de la rémunération, alors que, de l' autre, elle ne porte que sur 80 % de celle-ci, est justifiée au regard des situations différentes dans lesquelles se trouvent les fonctionnaires affectés dans la Communauté et les FAPT.

46 La question de savoir s' il est raisonnable de limiter à 80 % de la rémunération des FAPT la partie de celle-ci dont on présume qu' elle est susceptible d' être dépensée à leur lieu d' affectation doit être examinée à la lumière d' une comparaison entre les dépenses auxquelles les fonctionnaires affectés dans la Communauté et les FAPT sont susceptibles d' avoir à faire face à leur lieu d' affectation. Sur ce point, il résulte des articles 5, 18 et 23 de l' annexe X que les FAPT ne peuvent
supporter aucune dépense de logement à leur lieu d' affectation dans la mesure où un logement correspondant à la composition de leur famille est mis à leur disposition par l' institution et que, à défaut, ils ont droit soit au remboursement des frais d' hôtel préalablement approuvés par l' AIPN pour eux et leur famille, soit au remboursement du loyer qui leur incombe, à la condition que ce logement corresponde au niveau des fonctions exercées par eux et à la composition de leur famille à charge. Par
contre, les fonctionnaires affectés dans la Communauté encourent à leur lieu d' affectation des dépenses liées à leur logement et à celui de leur famille. En outre, le fait que les FAPT bénéficient d' une couverture intégrale de leurs dépenses de santé par le biais d' une assurance maladie complémentaire, même financée partiellement par eux-mêmes (article 24 de l' annexe X), implique également qu' ils n' ont pas à faire face à des frais de santé à leur lieu d' affectation, alors que les
fonctionnaires affectés dans la Communauté doivent en principe supporter 20 % de ces frais à leur lieu d' affectation (article 72 du statut).

47 En raison de la ratio legis du système, aux termes de laquelle il n' y a lieu d' appliquer le coefficient correcteur qu' à des sommes dont on peut présumer qu' elles sont susceptibles d' être dépensées au lieu d' affectation, il est raisonnable de ne pas appliquer d' office le coefficient correcteur à la partie de la rémunération du FAPT correspondant à la partie de la rémunération du fonctionnaire affecté dans la Communauté qui est consacrée à son logement et à sa santé, puisqu' à la différence
de ce dernier le FAPT ne pourra effectuer ces dépenses à son lieu d' affectation.

48 Il y a lieu de se demander si l' évaluation à 20 % de la rémunération de la partie de celle-ci correspondant à celle qu' un fonctionnaire affecté dans la Communauté est susceptible de dépenser à son lieu d' affectation pour son logement et pour sa santé est raisonnable. A cet égard, c' est à juste titre que la Commission a pu se référer, comme indice du caractère raisonnable de cette évaluation, aux 15 à 20 % de la rémunération des FAPT qui, avant l' entrée en vigueur de l' annexe X,
correspondaient à la contribution logement que les fonctionnaires devaient payer à leur institution pour que celle-ci leur fournisse un logement. En outre, ce chiffre de 20 % correspond à l' importance de l' élément "logement" dans la structure de pondération de la consommation des fonctionnaires et donc au poids accordé au facteur logement dans le calcul des coefficients correcteurs pour un lieu d' affectation déterminé (voir le point 19 des conclusions de l' avocat général M. Cruz Vilaça dans l'
affaire 7/87, précitée, Rec. p. 3414). Cette évaluation est d' autant plus raisonnable que les FAPT n' ont à supporter à leur lieu d' affectation aucune dépense de santé.

49 Il y a lieu d' ajouter dans le cas d' espèce que le caractère raisonnable de cette présomption se trouve corroboré par le fait que la requérante n' a, à aucun stade de la procédure, prétendu qu' elle devait dépenser plus de 80 % de sa rémunération à son lieu d' affectation et qu' elle n' a pas introduit de demande dûment motivée au sens du second alinéa de l' article 1er des directives internes.

50 Par ailleurs, le Tribunal constate que la requérante soutient que la limitation à 80 % de la présomption de dépense de la rémunération au lieu d' affectation, en raison de la mise à la disposition des FAPT d' un logement gratuit, aboutit à une double prise en considération de la gratuité du logement au détriment des FAPT, étant donné que ce facteur a déjà été retiré du calcul du coefficient correcteur. Le Tribunal considère que cette double prise en compte est entièrement justifiée dans la mesure
où, aucune dépense de logement n' étant susceptible d' être effectuée au lieu d' affectation par les FAPT, le logement ne doit en aucune manière être pris en considération dans le calcul du pouvoir d' achat, conféré aux FAPT par leur rémunération (voir ci-avant point 40). En effet, les frais de logement ne font pas partie des biens et services qu' ils seront susceptibles de se procurer avec leur rémunération à leur lieu d' affectation. Ils ne doivent par conséquent pas intervenir dans le calcul du
coût de la vie pour les FAPT à leur lieu d' affectation exprimé par le coefficient correcteur. Ce dernier ne peut, en outre, être appliqué à des sommes dont il est établi qu' elles ne sont pas susceptibles d' être dépensées au lieu d' affectation. C' est pourquoi il n' y a aucune raison non plus que la partie de la rémunération des FAPT qui correspond pour les fonctionnaires affectés dans la Communauté à ces frais de logement se voie appliquer le coefficient correcteur du lieu d' affectation.

51 Il n' y a lieu de prendre en considération, ni pour le calcul du coefficient correcteur ni pour son application, des éléments totalement et nécessairement étrangers à la structure des dépenses des FAPT à leur lieu d' affectation. Il s' ensuit que la différence de traitement constatée est proportionnée à la différence de situation des FAPT par rapport aux fonctionnaires affectés dans la Communauté.

52 Pour le surplus, pour autant que l' argumentation de la requérante tend à comparer la situation des FAPT sous le régime de la contribution logement en vigueur avant que ne soit adoptée l' annexe X avec leur situation après l' entrée en vigueur de celle-ci, il importe de souligner que la requérante ne peut se prévaloir du principe d' égalité de traitement pour contester la décision du législateur de modifier à partir d' un moment donné le système de rémunération applicable aux FAPT.

53 En l' espèce, le Tribunal constate que le législateur, en adoptant l' annexe X, a voulu modifier le système antérieurement en vigueur, et notamment le système de la contribution logement. Cette modification du système n' a pu porter atteinte aux droits acquis par la requérante. En effet, l' article 27 de l' annexe X prévoit explicitement que "le fonctionnaire ainsi que l' agent visé au règlement n 3018/87 perçoivent, pendant une période limitée à la durée de leur affectation en cours au moment de
l' entrée en vigueur des présentes dispositions et au maximum pendant cinq ans, une rémunération d' un niveau au moins égal à celui de la rémunération qu' ils percevaient à la veille de l' entrée en vigueur des présentes dispositions".

54 En outre, la requérante ne peut se prévaloir d' un système qui a été modifié avant de lui devenir applicable puisqu' elle n' a acquis aucun droit en vertu de celui-ci. En effet, la requérante a été affectée à Oslo à partir du 4 janvier 1988, alors que le régime de l' annexe X et des directives internes est entré en vigueur le 10 octobre 1987.

55 Il résulte de tout ce qui précède que la requérante ne saurait se prévaloir d' une violation du principe de l' égalité de traitement par les articles 11 et 12 de l' annexe X, tel qu' interprétés par l' article 1er des directives internes. Il convient cependant de faire remarquer que tel aurait été le cas si les FAPT avaient dû payer eux-mêmes leur logement et leurs dépenses de santé, sans que ces éléments ne soient pris en considération au niveau du calcul du coefficient correcteur et sans que ce
dernier soit appliqué à la totalité de leur rémunération. Dans ce cas, en effet, les FAPT devraient faire face à de telles dépenses à leur lieu d' affectation, comme les fonctionnaires affectés dans la Communauté, qui devraient alors être doublement prises en compte, comme pour ces derniers.

56 Il s' ensuit que la première branche du moyen doit être rejetée.

Seconde branche: violation du droit du fonctionnaire à sa rémunération

57 La requérante soutient que la décision de la Commission viole les articles 62 à 65 du statut, qui définissent le contenu de la rémunération et consacrent le droit du fonctionnaire à sa rémunération. En effet, elle se verrait privée d' une partie de la rémunération à laquelle elle a droit puisqu' on lui refuse le paiement de l' intégralité de sa rémunération dans la monnaie du pays d' affectation et avec l' application du coefficient correcteur de celui-ci.

58 La Commission ne répond pas spécifiquement à cette branche du moyen.

59 Le Tribunal considère que cette branche du moyen doit être rejetée comme la première. En effet, en considérant que l' article 1er des directives internes est conforme tant aux articles 11 et 12 de l' annexe X qu' au principe d' égalité de traitement, le Tribunal a jugé que la Commission a correctement calculé la rémunération de la requérante, qui n' a donc pas été privée indûment d' une partie de celle-ci.

60 Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

61 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement du procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l' article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Chaque partie supportera ses propres dépens.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : T-75/91
Date de la décision : 15/12/1992
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaire affecté dans un pays tiers - Rémunération - Paiement en monnaie du pays d'affectation - Application du coefficient correcteur du pays d'affectation.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Piera Scaramuzza
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1992:117

Source

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