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22/10/1992 | CJUE | N°C-206/91

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Van Gerven présentées le 22 octobre 1992., Ettien Koua Poirrez contre Caisse d'allocations familiales de la région parisienne, substituée par la Caisse d'allocations familiales de la Seine-Saint-Denis., 22/10/1992, C-206/91


Avis juridique important

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61991C0206

Conclusions de l'avocat général Van Gerven présentées le 22 octobre 1992. - Ettien Koua Poirrez contre Caisse d'allocations familiales de la région parisienne, substituée par la Caisse d'allocations familiales de la Seine-Saint-Denis. - Demande de décision préjudicielle: Tribu

nal des affaires de sécurité sociale de Bobigny - France. - Sécurité soci...

Avis juridique important

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61991C0206

Conclusions de l'avocat général Van Gerven présentées le 22 octobre 1992. - Ettien Koua Poirrez contre Caisse d'allocations familiales de la région parisienne, substituée par la Caisse d'allocations familiales de la Seine-Saint-Denis. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny - France. - Sécurité sociale - Prestations pour handicapés - Libre circulation des travailleurs - Avantage social - Situation purement interne à un État membre. - Affaire
C-206/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page I-06685

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Dans la présente affaire, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny demande à la Cour de statuer à titre préjudiciel sur la portée du principe de l' égalité de traitement entre travailleurs migrants et travailleurs nationaux, tel qu' il figure dans le règlement (CEE) n 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l' intérieur de la Communauté (1), et le règlement (CEE) n 1251/70 de la Commission, du 29 juin 1970, relatif au droit des
travailleurs de demeurer sur le territoire d' un État membre après y avoir occupé un emploi (2).

La question posée a été soulevée dans le cadre d' un litige opposant M. Koua Poirrez (demandeur au principal) et la caisse d' allocations familiales de la région parisienne (CAFRP), substituée par la caisse d' allocations familiales (CAF) de la Seine-Saint-Denis (défenderesse au principal). Le litige au fond porte sur la demande par M. Koua Poirrez de l' allocation française aux handicapés.

Les antécédents

2. M. Koua Poirrez est né le 17 décembre 1966 en Côte d' Ivoire. Par jugement du 28 juillet 1987, rendu exécutoire en France par jugement du 11 décembre 1987, il a été adopté par M. Bernard Poirrez, un ressortissant français résidant et travaillant en France. A ce jour, M. Koua Poirrez n' a toutefois pas acquis de ce fait la nationalité française, mais a, au contraire, conservé la nationalité ivoirienne (3).

La demande introduite par M. Koua Poirrez en vue d' obtenir le bénéfice de l' allocation française aux adultes handicapés a été rejetée par la CAF. Dans sa décision du 6 septembre 1990, la commission de recours amiable de la caisse d' allocations familiales s' est ralliée au point de vue de la CAF. Par lettre du 26 février 1991, M. Koua Poirrez a formé un recours contre cette décision devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny (ci-après "juridiction de renvoi").

3. En vertu de l' article L. 821-1 du code de la sécurité sociale français, n' a droit à une allocation aux adultes handicapés que "toute personne de nationalité française ou ressortissant d' un pays ayant conclu une convention de réciprocité en matière d' attribution d' allocations aux adultes handicapés". Le Guide de l' allocataire publié par la CAFRP ajoute à cela que l' allocation aux adultes handicapés peut être octroyée également aux ressortissants des États membres de la Communauté ainsi qu'
aux conjoints, ascendants ou descendants à charge. Par le biais de cet ajout, l' État français a voulu mettre en oeuvre le droit européen de la sécurité sociale, et notamment le règlement n 1612/68 (4). En vertu de ce droit, les travailleurs migrants originaires d' un État membre de la Communauté ainsi que les membres de leur famille bénéficient dans l' État membre où ils travaillent des mêmes avantages sociaux que les ressortissants dudit État membre (5).

M. Koua Poirrez n' est pas - par hypothèse - ressortissant français. En outre, il n' est pas ressortissant d' un pays de la Communauté, ni descendant à charge d' un travailleur migrant ressortissant de la Communauté, ni ressortissant d' un pays signataire d' une convention de réciprocité avec la France en matière d' attribution d' allocations aux handicapés. Dans ces circonstances, il ne peut, selon la CAF, prétendre à de telles allocations.

4. La juridiction de renvoi relève que ce point de vue de la CAF aboutirait à une situation de discrimination à rebours, dans laquelle les membres de la famille, non ressortissants communautaires, de travailleurs français seraient désavantagés par rapport aux membres de la famille, non ressortissants communautaires, de travailleurs migrants ressortissants de la Communauté. En effet, si le père de M. Koua Poirrez était un travailleur migrant ressortissant de la Communauté, par exemple un
ressortissant d' un autre État membre travaillant en France, son fils de nationalité ivoirienne aurait effectivement droit, selon la législation française, à l' allocation qui lui est à présent refusée.

La juridiction de renvoi demande à la Cour si une telle discrimination à rebours est en réalité compatible avec l' interdiction de discrimination résultant des articles 7 et 48, paragraphe 2, du traité CEE:

"L' exclusion de l' allocation d' adulte handicapé au bénéfice d' un membre de la famille d' un ressortissant de la Communauté (en l' espèce descendant adopté) résidant dans le pays dont le chef de famille a la nationalité, au motif que les directives (lire: règlements) 1612/68 et 1251/70 ne s' appliqueraient qu' aux travailleurs migrants, dont le chef de famille n' a pas le statut, est-elle conforme aux articles 7 et 48, paragraphe 2, du traité CEE?"

Existence d' une discrimination à rebours

5. Afin de déterminer si la réglementation française actuelle peut effectivement créer une discrimination à rebours, la Cour a posé au gouvernement français les questions complémentaires suivantes:

"1) Un membre de la famille d' un travailleur migrant peut-il prétendre à l' allocation aux adultes handicapés lorsque l' intéressé est ressortissant d' un État tiers, mais que le travailleur migrant à la famille duquel il appartient a la nationalité d' un État membre?

2) Un membre de la famille d' un travailleur de nationalité française peut-il prétendre à l' allocation aux adultes handicapés lorsque l' intéressé a la nationalité d' un État tiers et que le travailleur à la famille duquel il appartient n' est pas un travailleur migrant?"

La réponse du gouvernement français à la première question est affirmative et sa formulation montre une fois encore que les dispositions françaises ont été inspirées par un souci de se conformer au droit communautaire. La réponse à la seconde question est négative, étant entendu que les membres de la famille, non ressortissants communautaires, de ressortissants français peuvent néanmoins prétendre aux allocations aux adultes handicapés si la France a conclu avec leur pays d' origine une convention
de réciprocité en ce sens.

Il résulte de la combinaison d' une réponse affirmative à la première question et d' une réponse en principe négative à la seconde question que la réglementation française actuelle peut effectivement créer une discrimination à rebours entre les membres de la famille, non ressortissants communautaires, de travailleurs migrants ressortissants communautaires travaillant en France, d' une part, et les membres de la famille, non ressortissants communautaires, de Français travaillant en France, d' autre
part.

Conformité avec les articles 7 et 48, paragraphe 2, du traité

6. L' article 7 du traité CEE interdit de façon générale toute discrimination exercée en raison de la nationalité:

"Dans le domaine d' application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu' il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité.

Le Conseil, sur proposition de la Commission et en coopération avec le Parlement européen, peut prendre, à la majorité qualifiée, toute réglementation en vue de l' interdiction de ces discriminations."

L' article 48, paragraphe 2, du traité CEE adapte l' interdiction de l' article 7 à la libre circulation des travailleurs:

"Elle (la libre circulation des travailleurs à l' intérieur de la Communauté) implique l' abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l' emploi, la rémunération et les autres conditions de travail."

L' article 48 a été mis en oeuvre à son tour par un certain nombre de règlements du Conseil, parmi lesquels les règlements n s 1612/68 et 1251/70, cités dans la question préjudicielle, ainsi que le règlement n 1408/71. Les allocations aux handicapés relèvent du champ d' application matériel de ces règlements (6).

7. La Cour considère la situation (d' un membre de la famille) d' un travailleur qui n' a jamais exercé son droit de libre circulation à l' intérieur de la Communauté comme une situation purement interne, c' est-à-dire une situation qui se rattache entièrement à la sphère interne d' un État membre (7). La Cour a confirmé de manière itérative que les dispositions du traité (8) en matière de libre circulation des travailleurs ainsi que les réglementations adoptées pour leur exécution ne peuvent pas s'
appliquer à de telles situations purement internes (9).

Pour obtenir le bénéfice de l' allocation française aux handicapés, M. Koua Poirrez invoque sa situation de fils adoptif de M. Bernard Poirrez. Il résulte toutefois des données fournies par la juridiction de renvoi que ce dernier est un ressortissant français qui n' a jamais travaillé ni résidé en dehors de France et n' a donc jamais exercé son droit de libre circulation à l' intérieur de la Communauté. Ainsi que la Commission et les gouvernements allemand, français et du Royaume-Uni l' observent à
juste titre, il s' agit dès lors en l' espèce d' une situation purement interne, à laquelle les dispositions du traité en matière de libre circulation des travailleurs ne s' appliquent pas.

8. A vrai dire, la juridiction de renvoi n' a pas demandé à la Cour si les dispositions du traité en matière de libre circulation des travailleurs étaient applicables ou non à des situations purement internes. Elle a demandé à la Cour si la discrimination à rebours pouvant résulter de la non-applicabilité de telles dispositions du traité à des situations purement internes était compatible avec les interdictions de discrimination énoncées aux articles 7 et 48, paragraphe 2, du traité.

La réponse aux deux questions est toutefois étroitement liée. Si les dispositions du traité en matière de libre circulation des travailleurs ne s' appliquent pas à des situations purement internes, elles ne peuvent logiquement pas davantage s' opposer à ce que, dans une telle situation purement interne, un État membre traite (les membres de la famille de) ses propres ressortissants d' une façon qui les désavantage par rapport aux (membres de la famille de) ressortissants d' autres États membres.

9. Nous répondons ainsi du même coup à la question préjudicielle, telle qu' elle a été formulée par la juridiction de renvoi. Les articles 7 et 48, paragraphe 2, du traité CEE ne s' opposent pas à l' exclusion d' un membre de la famille d' un travailleur non migrant du bénéfice de l' allocation d' adulte handicapé, au motif que les règlements n s 1612/68 et 1251/70, ainsi que le règlement n 1408/71, ne s' appliquent qu' aux travailleurs migrants. En effet, ces articles ne sont pas applicables à la
situation d' un tel membre de la famille.

Conformité aux principes de droit fondamentaux

10. Si le traité CEE et la réglementation adoptée pour son exécution ne s' opposent pas en l' occurrence à une situation de discrimination à rebours, cela ne signifie pas encore que le droit communautaire en tant que tel ne s' y oppose pas. Outre le traité CEE, certains principes généraux du droit et conventions internationales conclues par la Communauté font en effet également partie de l' ordre juridique communautaire.

A cet égard, il est frappant de constater que, dans les observations qu' il a présentées devant la Cour, M. Koua Poirrez évoque à peine le traité CEE. Il fait valoir à titre principal qu' une situation de discrimination à rebours est incompatible avec la déclaration universelle des droits de l' homme ainsi qu' avec les conventions ACP-CEE.

11. La question préjudicielle ne mentionne pas la déclaration universelle des droits de l' homme ni les conventions ACP-CEE. La Cour a toutefois affirmé à plusieurs reprises que, dans sa réponse à une question préjudicielle, elle pouvait être amenée à prendre en considération des normes de droit communautaire auxquelles le juge national n' a pas fait référence dans sa question en vue de fournir au juge en question une réponse utile (10). L' arrêt ERT ajoute que la Cour, saisie à titre préjudiciel,
doit fournir tous les éléments d' interprétation nécessaires à l' appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité d' une réglementation nationale qui se situe dans le cadre du droit communautaire avec les droits fondamentaux dont la Cour assure le respect:

"En revanche, dès lors qu' une réglementation entre dans le champ d' application du droit communautaire, la Cour, saisie à titre préjudiciel, doit fournir tous les éléments d' interprétation nécessaires à l' appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité de cette réglementation avec les droits fondamentaux dont la Cour assure le respect, tels qu' ils résultent, en particulier, de la convention européenne des droits de l' homme" (11).

12. La déclaration universelle des droits de l' homme est une déclaration de principe internationale. La Cour considère que de telles déclarations contribuent à définir le contenu des principes généraux du droit communautaire. Il est en effet constant depuis l' arrêt Nold que:

"les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont (la Cour) assure le respect;

... les instruments internationaux concernant la protection des droits de l' homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré peuvent également fournir des indications dont il convient de tenir compte dans le cadre du droit communautaire" (12).

L' article 22 de la déclaration universelle est ainsi libellé:

"Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l' effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l' organisation et des ressources de chaque pays."

13. Bien que la déclaration universelle et, plus précisément, son article 22 fassent donc partie des principes généraux du droit de la Communauté dont la Cour assure le respect, nous ne pensons pas que cette dernière puisse, dans le cas spécifique qui nous occupe, vérifier s' ils ont été respectés.

Il nous semble en effet que la réglementation française litigieuse n' entre pas complètement dans le champ d' application du droit communautaire, au sens de l' arrêt ERT. Elle entre indubitablement dans ce champ dans la mesure où - inspirée par un souci de mettre en oeuvre le droit européen de la sécurité sociale - elle reconnaît certains droits aux membres de la famille de ressortissants d' autres États membres. Compte tenu de la jurisprudence de la Cour évoquée plus haut, selon laquelle les règles
communautaires en matière de libre circulation des travailleurs ne s' appliquent pas aux situations qui se rattachent entièrement à la sphère interne d' un État membre, la réglementation française n' entre toutefois pas dans le champ d' application du droit communautaire dans la mesure où elle refuse une prestation de sécurité sociale bien déterminée aux membres de la famille de ses propres ressortissants et crée de cette façon une discrimination à rebours à l' égard de ces membres de la famille.

Dans ces circonstances, il n' appartient pas à la Cour de vérifier si cette partie de la législation nationale concernée et la discrimination à rebours qui en résulte sont compatibles avec les droits fondamentaux qui font partie du droit communautaire. C' est donc au juge national qu' il appartient - compte tenu également d' autres droits sociaux auxquels M. Koua Poirrez peut éventuellement prétendre - de vérifier si cette partie de la législation française est compatible avec l' article 22 de la
déclaration universelle et, dans la négative, si M. Koua Poirrez peut tirer des droits de cet article.

Conformité avec les conventions ACP-CEE

14. M. Koua Poirrez fait valoir que les troisième et quatrième conventions ACP-CEE s' opposent elles aussi à toute situation de discrimination à rebours. Les conventions ACP-CEE, appelées également conventions de Lomé, ont été conclues entre, d' une part, la Communauté et ses États membres et, d' autre part, un certain nombre d' États d' Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. La Côte d' Ivoire est partie à ces accords. La troisième convention ACP-CEE (13) a été signée le 8 décembre 1984, est entrée
en vigueur le 1er mai 1986 (14) et est venue à expiration le 28 février 1990 (15); la quatrième convention (16) a été signée le 15 décembre 1989 et est entrée en vigueur le 1er septembre 1990 (17). A partir de leur entrée en vigueur, ces conventions, conclues selon la procédure de l' article 238 au traité CEE, font partie intégrante de l' ordre juridique communautaire et la Cour est donc compétente pour se prononcer à titre préjudiciel sur leur interprétation (18).

15. M. Koua Poirrez invoque spécialement deux dispositions des conventions qui contiennent une interdiction de discrimination, à savoir l' article 5, paragraphe 2, de la quatrième convention et l' annexe X à l' acte final de la troisième convention, remplacée entre-temps par l' annexe VI à l' acte final de la quatrième convention.

16. L' article 5, paragraphe 2, de la quatrième convention stipule notamment que:

"... les parties réitèrent leur profond attachement ... aux droits de l' homme ... un traitement non discriminatoire; les droits fondamentaux de la personne; les droits civils et politiques; les droits économiques, sociaux et culturels ...

(Elles) réaffirment leurs obligations et leur engagement existant en droit international pour combattre, en vue de leur élimination, toutes les formes de discrimination fondées sur ... la nationalité ... Les États membres de la Communauté (et/ou, le cas échéant, la Communauté elle-même) et les États ACP continuent à veiller, dans le cadre des mesures juridiques ou administratives qu' ils ont ou qu' ils auront adoptées, à ce que les travailleurs migrants, étudiants et autres ressortissants étrangers
se trouvant légalement sur leur territoire ne fassent l' objet d' aucune discrimination sur la base de différences raciales, religieuses, culturelles ou sociales, notamment en ce qui concerne ... la santé, les autres services sociaux, le travail".

Il ressort de ses termes que l' article 5, paragraphe 2, de la quatrième convention ACP-CEE, tout comme la déclaration universelle des droits de l' homme - à laquelle se réfère d' ailleurs expressément le préambule de la convention (19) -, constitue une déclaration de principe non contraignante en matière de respect des droits de l' homme. Ce n' est que dans la dernière phrase citée que cette déclaration formulée en termes généraux est concrétisée dans une mesure limitée. Cette dernière phrase ne
fait toutefois plus référence à la discrimination en raison de la nationalité.

17. L' annexe X à l' acte final de la troisième convention, remplacée par l' annexe VI à l' acte final de la quatrième convention est intitulée "Déclaration commune relative aux travailleurs ressortissants de l' une des parties contractantes, résidant légalement sur le territoire d' un État membre ou d' un État ACP" et dispose notamment que:

"2. Les travailleurs ressortissants d' un État ACP exerçant légalement une activité salariée sur le territoire d' un État membre, et les membres de leur famille résidant avec eux, bénéficient, dans cet État membre, en ce qui concerne les prestations de sécurité sociale liées à l' emploi, d' un régime caractérisé par l' absence de toute discrimination fondée sur la nationalité par rapport aux propres ressortissants de cet État membre ..."

Abstraction faite de la question de savoir si cette disposition produit des effets directs (20), il ressort déjà à la première lecture qu' elle ne s' applique absolument pas à M. Koua Poirrez. Certes, ce dernier est ressortissant d' un État ACP, mais n' exerce pas une activité salariée sur le territoire d' un État membre. Puisque son père adoptif n' est pas ressortissant d' un État ACP, M. Koua Poirrez ne peut davantage exciper de sa qualité de membre de la famille d' un travailleur ressortissant d'
un État ACP exerçant légalement une activité salariée sur le territoire d' un État membre.

Conclusion

18. En conclusion, nous vous suggérons de répondre comme suit à la question posée par la juridiction de renvoi:

"Les articles 7 et 48, paragraphe 2, ainsi que la réglementation adoptée pour leur exécution, ne s' opposent pas à ce qu' un membre de la famille d' un ressortissant de la Communauté qui a toujours résidé et travaillé dans l' État dont il a également la nationalité soit exclu du bénéfice d' une allocation aux adultes handicapés. Il en va de même de l' article 5, paragraphe 2, de la quatrième convention ACP-CEE et de l' annexe VI à l' acte final de ladite convention.

En l' espèce, il n' appartient pas à la Cour de vérifier si les principes généraux de droit communautaire, dont fait partie l' article 22 de la déclaration universelle des droits de l' homme, ont été respectés."

(*) Langue originale: le néerlandais.

(1) JO L 257, p. 2, tel que modifié par le règlement (CEE) n 312/76 du 9 février 1976 (JO L 39, p. 2).

(2) JO L 142, p. 24.

(3) Le 16 décembre 1987, M. Koua Poirrez a souscrit une déclaration de nationalité française. Elle a été déclarée irrecevable par le tribunal de grande instance de Bobigny. Il ressort des pièces du dossier que l' intéressé a interjeté appel de ce jugement devant la cour d' appel de Paris. La question de savoir si, par son adoption, M. Koua Poirrez a acquis ou non la nationalité française étant une question d' interprétation du droit interne français et non du droit communautaire, il n' appartient
pas à la Cour de se prononcer à cet égard.

(4) L' ajout répond aux instructions des circulaires ministérielles françaises n 1370 du 5 novembre 1987 et n 35 du 19 mars 1992.

(5) Voir surtout les articles 7, paragraphe 2, du règlement n 1612/68 et 3 du règlement (CEE) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté ((repris en annexe au règlement (CEE) n 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, JO L 230, p. 6)).

(6) Voir, pour ce qui concerne les règlements n s 1408/71 et 1612/68, l' arrêt du 16 décembre 1976, Inzirillo, points 7 à 9 et 21 (63/76, Rec. p. 2057). Les membres de la famille de travailleurs migrants ne sauraient prétendre, en vertu du règlement n 1408/71, qu' à des droits dérivés, c' est-à-dire des droits acquis en qualité de membre de la famille d' un travailleur migrant. Voir l' arrêt du 23 novembre 1976, Kermaschek, points 5 à 7 (40/76, Rec. p. 1669), récemment confirmé par l' arrêt du 8
juillet 1992, Taghavi, point 7 (C-243/91, Rec. p. I-4401). A l' égard des travailleurs qui souhaitent demeurer sur le territoire d' un État membre après y avoir occupé un emploi, l' article 7 du règlement n 1250/71 maintient l' égalité de traitement telle qu' elle est reconnue par le règlement n 1612/68.

(7) Arrêts du 27 octobre 1982, Morson, point 18 (35/82 et 36/82, Rec. p. 3723); du 28 juin 1984, Moser, point 16 (180/83, Rec. p. 2539); du 23 janvier 1986, Iorio, point 17 (298/84, Rec. p. 247), et du 17 décembre 1987, Zaoui, points 15 et 16 (147/87, Rec. p. 5511).

(8) La non-applicabilité à des situations purement internes vaut également pour l' article 7 du traité CEE, formulé de façon générale, dont l' article 48 du traité CEE constitue une expression spécifique. Voir l' arrêt Morson, points 14 et 15: "lesdites dispositions".

(9) Confirmé récemment par l' arrêt du 22 septembre 1992, Petit, point 8 (C-153/91, Rec. p. I-0000).

(10) Arrêt du 20 mars 1986, Tissier, point 9 (35/85, Rec. p. 1207). Voir également l' arrêt du 12 décembre 1990, SARPP, point 8 (C-241/89, Rec. p. I-4695), et la note ci-après.

(11) Arrêt du 18 juin 1991, point 42 (C-260/89, Rec. p. I-2925, I-2951).

(12) Arrêt du 14 mai 1974, Nold/Commission, point 13 (4/73, Rec. p. 491). Voir également le point 30 de nos conclusions jointes à l' arrêt du 4 octobre 1991, Grogan (C-159/90, Rec. p. I-4685).

(13) Troisième convention ACP-CEE signée à Lomé le 8 décembre 1984 (JO 1986, L 86, p. 3).

(14) Voir l' information du Conseil et de la Commission concernant la date d' entrée en vigueur de la troisième convention ACP-CEE signée à Lomé le 8 décembre 1984 (JO 1986, L 86, p. 209).

(15) Article 291 de la troisième convention ACP-CEE.

(16) Quatrième convention ACP-CEE signée à Lomé le 15 décembre 1989 (JO 1991, L 229, p. 3).

(17) Voir l' information du Conseil et de la Commission concernant la date d' entrée en vigueur de la quatrième convention ACP-CEE signée à Lomé le 15 décembre 1989 (JO 1991, L 229, p. 287).

(18) Arrêt du 30 avril 1974, Haegeman, points 4 à 6 (181/73, Rec. p. 449), récemment confirmé par l' arrêt du 20 septembre 1990, Sevince, point 8 (C-192/89, Rec. p. I-3461) et par l' avis du 14 décembre 1991, points 37 et 38 (1/91, Rec. p. I-6079).

(19) Préambule, cinquième considérant (JO 1991, L 229, p. 10).

(20) En la matière, la Cour applique le critère suivant: "Une disposition d' un accord conclu par la Communauté avec des pays tiers doit être considérée comme étant d' application directe lorsque, eu égard à ses termes ainsi qu' à l' objet et à la nature de l' accord, elle comporte une obligation claire et précise, qui n' est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l' intervention d' aucun acte ultérieur" (arrêt du 30 septembre 1987, Demirel, point 14, 12/86, Rec. p. 3719). Pour une
analyse de l' application par la Cour de ce critère, voir nos conclusions jointes à l' arrêt du 31 janvier 1991, Kriber, points 7 à 13 (C-18/90, Rec. p. I-199).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-206/91
Date de la décision : 22/10/1992
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny - France.

Sécurité sociale - Prestations pour handicapés - Libre circulation des travailleurs - Avantage social - Situation purement interne à un État membre.

Libre circulation des travailleurs


Parties
Demandeurs : Ettien Koua Poirrez
Défendeurs : Caisse d'allocations familiales de la région parisienne, substituée par la Caisse d'allocations familiales de la Seine-Saint-Denis.

Composition du Tribunal
Avocat général : Van Gerven
Rapporteur ?: Murray

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1992:403

Source

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