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21/10/1992 | CJUE | N°T-23/91

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Henri Maurissen contre Cour des comptes des Communautés européennes., 21/10/1992, T-23/91


Avis juridique important

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61991A0023

Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 21 octobre 1992. - Henri Maurissen contre Cour des comptes des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Rapport de notation - Préjudice prétendument subi du fait des activités de représentant du personnel et de

représentant syndical - Erreur manifeste d'appréciation - Détournement de ...

Avis juridique important

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61991A0023

Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 21 octobre 1992. - Henri Maurissen contre Cour des comptes des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Rapport de notation - Préjudice prétendument subi du fait des activités de représentant du personnel et de représentant syndical - Erreur manifeste d'appréciation - Détournement de pouvoir - Incohérence de la motivation - Impossibilité d'exercice du contrôle juridictionnel. - Affaire T-23/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-02377

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1. Fonctionnaires - Représentation - Contraintes liées à l' exercice des fonctions de représentant du personnel - Prise en compte lors de l' établissement du rapport de notation - Obligations des notateurs

(Statut des fonctionnaires, art. 24 bis et 43; annexe II, art. 1er, alinéa 6)

2. Fonctionnaires - Notation - Rapport de notation - Contrôle juridictionnel - Limites - Obligations des notateurs - Motivation de la régression de la notation par rapport à la notation antérieure - Nécessaire cohérence entre appréciations et commentaires analytiques

(Statut des fonctionnaires, art. 43)

Sommaire

1. Conformément au statut, les représentants du personnel doivent se voir accorder par l' institution dont ils relèvent les facilités qui s' avèrent nécessaires à l' exercice de leurs fonctions de représentation. En outre, la liberté syndicale, reconnue à l' article 24 bis, implique notamment que les représentants syndicaux bénéficient, pour leur part, de dispenses de service en vue de participer à la concertation avec les institutions.

Il en résulte, en particulier, que les activités de représentation du personnel doivent être prises en considération, lors de l' établissement du rapport de notation des fonctionnaires concernés, de manière à ce que ces derniers ne soient pas pénalisés du fait de l' exercice de telles activités. Dans ces conditions, bien que les notateur et notateur d' appel soient uniquement habilités à porter une appréciation sur les prestations que le fonctionnaire titulaire d' un mandat de représentation du
personnel fournit dans le cadre de l' emploi auquel il est affecté, à l' exclusion des activités liées audit mandat, lesquelles ne relèvent pas de leur autorité, ils doivent néanmoins tenir compte des contraintes liées à l' exercice des fonctions de représentation.

Il leur appartient, plus précisément, de tenir compte du fait qu' en raison de ses activités de représentation un fonctionnaire noté n' a pu fournir, auprès de son service, qu' un nombre de jours de travail inférieur au nombre normal de jours ouvrables au cours de la période de notation. Les aptitudes et le travail de ce fonctionnaire doivent, dès lors, être appréciés, aux fins de la notation, sur la base des prestations que l' institution est normalement en droit d' attendre de la part d' un
fonctionnaire de même grade, durant une période correspondant au temps qu' il a effectivement consacré à son activité auprès de son service d' affectation, après déduction du temps consacré, dans les conditions prévues par le statut, à son activité de représentation.

2. Les notateurs jouissent d' un large pouvoir d' appréciation dans les jugements portés sur le travail des personnes qu' ils ont la charge de noter et il n' appartient pas au juge d' intervenir dans cette appréciation, sauf en cas d' erreur ou d' excès manifeste. Face à un tel pouvoir, le respect des garanties conférées par l' ordre juridique communautaire revêt une importance fondamentale. Parmi ces garanties figurent notamment l' obligation pour l' institution compétente d' examiner, avec soin et
impartialité, tous les éléments pertinents du cas d' espèce, le droit de l' intéressé de faire connaître son point de vue ainsi que celui de voir motiver la décision de façon suffisante. Ce n' est qu' ainsi que le juge communautaire peut vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l' exercice du pouvoir d' appréciation ont été réunis.

Dans un rapport de notation, les commentaires facultatifs accompagnant les appréciations formulées dans la grille analytique ont pour objet de justifier ces appréciations, afin de permettre au fonctionnaire noté d' en apprécier le bien-fondé en toute connaissance de cause et, le cas échéant, au Tribunal d' exercer son contrôle juridictionnel. A cet effet, il importe que les appréciations moins favorables que celles qui avaient été portées dans le rapport de notation précédent soient justifiées par
les notateurs et qu' existe une cohérence entre ces appréciations et les commentaires destinés à les justifier.

Parties

Dans l' affaire T-23/91,

Henri Maurissen, fonctionnaire de la Cour des comptes des Communautés européennes, représenté par Me J. N. Louis, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

partie requérante,

contre

Cour des comptes des Communautés européennes, représentée par M. Jean-Marie Sténier, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la Cour des comptes,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation du rapport de notation définitif du requérant pour la période 1988-1989,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, A. Saggio et J. Biancarelli, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 16 septembre 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Faits et procédure

1 Le requérant, M. Maurissen, a été nommé fonctionnaire de la Cour des comptes en 1983, au grade B 3. Après sa titularisation, il a été affecté au secteur "Aide au développement", puis au secteur "Fonds européen de développement" (ci-après "FED") jusqu' au 4 décembre 1989. A cette date, il a été affecté directement auprès du directeur du groupe III, M. S., qui était le supérieur hiérarchique de son ancien chef de division au secteur FED, M. G. Ce directeur ayant été muté le 24 janvier 1991, le doyen
du groupe d' audit III a informé M. Maurissen, par note du 25 janvier 1991, de sa mutation, avec effet immédiat, au secteur "Dépenses de fonctionnement"; le poste de directeur du groupe III est resté vacant jusqu' au 6 juin 1991.

2 Le requérant est, depuis les années 1985-1986, membre du comité du personnel et du comité exécutif de l' Union syndicale-Luxembourg.

3 Le rapport de notation du requérant, pour la période du 4 janvier 1988 au 31 décembre 1989, a été établi le 7 février 199O par son notateur, M. G., après consultation de M. S., qui l' a visé le 9 février 199O. Comme l' ensemble des fonctionnaires et agents notés par M. G., le requérant a bénéficié d' une bonification forfaitaire de cinq points, dans le cadre d' une harmonisation entre les divers notateurs. Il a ainsi obtenu un total de 42 points sur 70, suivant la traduction chiffrée des
appréciations portées dans la grille analytique de son rapport de notation.

4 Cette notation représentait une diminution de 22 % par rapport à la notation du requérant pour la période 1986-1987 et était la plus faible de l' ensemble des fonctionnaires de la Cour des comptes, pour la période de référence 1988-1989. Le rapport de notation contenait l' appréciation d' ordre général suivante:

"le rendement et les résultats de M. H. Maurissen ne sont pas à la hauteur de ses capacités. M. H. Maurissen est tellement avare de ses efforts qu' il répugne à constituer des dossiers et à les soumettre à la révision de ses supérieurs hiérarchiques. Il se complaît dans une mentalité et un comportement de persécuté qui lui fournissent la possibilité d' échapper à une partie de ses responsabilités de service. Cette absence prononcée de sens des responsabilités a eu pour conséquence qu' au cours de l'
année 1989 M. H. Maurissen n' a apporté aucun résultat tangible au secteur FED. En ce sens, son changement récent d' affectation devrait être l' occasion d' une modification radicale de comportement."

5 Le 15 mai 199O, le requérant a interjeté appel du rapport de notation susvisé. La commission paritaire de notation a rendu son avis le 22 juin 199O. En ce qui concerne le contenu du rapport de notation, cet avis est formulé de la manière suivante:

"1. La Commission s' est efforcée, en auditionnant séparément le noté et le notateur et en étudiant l' appel et ses annexes ainsi qu' un dossier volumineux présenté par le notateur, de se former une opinion sur le bien-fondé des appréciations contenues dans le rapport de notation et sur l' argumentation de l' appel.

2. Concernant les allégations du noté accusant le notateur de s' être immiscé dans ses activités syndicales ou liées à la représentation du personnel et de s' être associé à une intention 'de revanche' à son égard, la Commission, au vu du dossier produit, n' est pas convaincue du fondement d' une telle thèse.

3. La Commission constate que:

- les rapports personnels entre noté et notateur n' étaient pas des meilleurs; et

- aucun dialogue ne s' est établi entre les intéressés pendant la période couvrant la présente notation.

Néanmoins, la Commission considère que les éléments de référence utilisés sont corrects, à savoir les travaux réalisés par le noté pendant la période de référence et que ces éléments ont été à juste titre évalués par le notateur lui-même.

4. Dans ces conditions, la Commission estime qu' il n' y a pas lieu de modifier les points inscrits dans la grille figurant au paragraphe 1O, eu égard notamment au fait que, selon les déclarations du notateur, l' attribution forfaitaire de 5 points accordée à titre de compensation technique à tous les agents notés de sa division, sont inclus dans la notation actuelle de M. Maurissen.

5. La Commission considère néanmoins qu' une amélioration des commentaires portés en appréciations analytiques et générales serait de nature à établir une meilleure harmonie entre les appréciations littérales et la grille des points attribués."

6 Le rapport de notation définitif du requérant a été établi, le 27 juillet 1990, par son notateur d' appel, M. R. Il confirmait l' ensemble des appréciations analytiques inscrites dans la grille et modifiait certains des commentaires facultatifs se rapportant à ces appréciations. En outre, il contenait l' appréciation d' ordre général suivante: "les dossiers de la Cour montrent que le travail effectué dans son secteur par M. Maurissen, pour la période 1988-1989, n' est pas d' une qualité suffisante
pour assurer le maintien sans changement du précédent rapport de notation. La baisse de performance de M. Maurissen a coïncidé avec son désir manifeste pour ce qu' il appelle 'une solution' aux difficultés dont il voyait la cause dans la nomination au-dessus de lui d' un certain chef de division. Il semble manquer de l' esprit de coopération nécessaire pour permettre à l' équipe d' auditeurs du secteur de fonctionner efficacement. Il manifeste une prédilection pour prendre en mauvaise part les
instructions et les conseils de son chef de division ou tout contrôle de son travail par des administrateurs principaux. Cela nuit à sa contribution personnelle au fonctionnement du secteur."

7 Le requérant a introduit, le 3O octobre 1990, une réclamation contre ce rapport de notation définitif, qui lui avait été communiqué le 31 juillet 1990. A la suite de la décision explicite de rejet de cette réclamation, qui lui a été communiquée le 15 janvier 1991, il a demandé, par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 avril 1991, l' annulation de la décision du 27 juillet 199O portant établissement de sa notation pour la période 1988-1989. Dans le cadre de la procédure écrite, le requérant
a renoncé à déposer une réplique, conformément à l' article 47 du règlement de procédure du Tribunal. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé, conformément à l' article 53 de son règlement de procédure, d' ouvrir la procédure orale sans mesures d' instruction préalables.

Conclusions des parties

8 La partie requérante conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- annuler la décision du 27 juillet 199O portant établissement du rapport de notation pour la période 1988-1989;

- condamner la partie défenderesse aux dépens.

La partie défenderesse conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours comme non fondé;

- condamner chacune des parties à ses propres dépens.

Sur le fond

9 A l' appui de sa demande en annulation, le requérant invoque trois moyens tirés, en premier lieu, de la violation de l' article 24 bis du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "statut"), et de l' article 1er de l' annexe II du statut, ainsi que de l' erreur manifeste d' appréciation qui en résulterait, en second lieu, du détournement de pouvoir et, en troisième lieu, de l' incohérence de la motivation de la notation et de l' impossibilité d' en apprécier le bien-fondé.

Sur le moyen tiré de la violation de l' article 24 bis du statut et de l' article 1er de son annexe II, et de l' erreur manifeste d' appréciation qui en résulterait

Arguments des parties

10 Dans le cadre du premier moyen, le requérant fait observer, tout d' abord, que, en vertu de l' article 24 bis du statut et de l' article 1er, sixième alinéa, de son annexe II, les fonctions qu' il a assumées en qualité de membre du comité du personnel et de représentant de l' Union syndicale doivent être considérées comme faisant partie des services qu' il est tenu d' accomplir dans le cadre de son emploi. Il invoque l' arrêt du 18 janvier 199O, dans lequel la Cour a jugé que la liberté syndicale
implique que les représentants syndicaux doivent bénéficier, en vue de participer notamment à la concertation avec les institutions communautaires sur toutes les matières intéressant le personnel, de dispenses de service, selon des modalités à fixer, par voie unilatérale ou conventionnelle, par les autorités de chacune de ces institutions (Maurissen et Union syndicale/Cour des comptes, point 37, C-193/87 et C-194/87, Rec. p. I-95). En exécution de cet arrêt, le requérant a, précise-t-il, obtenu des
dispenses de service en vue de participer aux réunions en tant que représentant de l' Union syndicale.

11 Or, le requérant soutient que ni le premier notateur ni le notateur d' appel n' ont tenu compte, dans leur appréciation, des activités liées à ses mandats de membre du comité du personnel et d' organes statutaires ainsi qu' à sa participation aux travaux du comité "mobilité", créé par la Cour des comptes. Il en serait de même de ses activités de représentant syndical et, en particulier, de sa participation aux réunions de concertation avec la Commission des Communautés européennes. Il allègue qu'
en 1989, sur 2O5 jours ouvrables, il a consacré 73 jours à son emploi au sein du secteur FED et que le solde a été affecté à ses activités syndicales et de représentation du personnel. En outre, le temps imparti aux actions de formation professionnelle autorisées par l' autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après "AIPN"), ainsi que ses absences pour raisons de santé, n' auraient pas non plus été pris en considération en vue d' établir son rapport de notation. Dans ces conditions, le
requérant estime que ses notateurs "ont non seulement violé les dispositions de l' article 24 bis et de l' article 1er de l' annexe II du statut, mais se sont également rendus coupables sciemment d' une erreur manifeste d' appréciation en comparant le travail réalisé par le requérant en 73 jours avec celui réalisé par ses collègues en 2O5 jours".

12 La défenderesse conteste que le requérant ait été pénalisé lors de l' établissement de son rapport de notation, du fait de ses fonctions de membre du comité du personnel ou de représentant syndical. Elle soutient, en effet, que l' exercice de ces fonctions a été pris en compte par les notateur et notateur d' appel, au titre des services que le requérant était tenu d' assurer dans son institution. A cet égard, le requérant aurait d' ailleurs été traité exactement de la même manière que les quatre
fonctionnaires de son secteur, membres du comité du personnel. Quant au nombre exact de jours que le requérant a consacré au travail d' audit, en 1989, la défenderesse a confirmé, lors de la procédure orale, qu' il s' élevait à 73. Elle estime que ce temps était suffisant pour permettre d' évaluer son travail et son rendement. Ceux-ci auraient été appréciés par rapport aux prestations normalement fournies, au cours d' une période de 73 jours, par un fonctionnaire de même grade que le requérant. La
défenderesse aurait donc tenu compte, aux fins de la notation, non seulement des congés de maladie et des congés spéciaux correspondant aux actions de formation professionnelle autorisées par l' AIPN, mais également du temps consacré par l' intéressé à son activité de représentant du personnel et de délégué syndical.

Appréciation en droit

13 Le Tribunal rappelle qu' en vertu des dispositions statutaires, telles qu' elles ont été interprétées par la Cour, les représentants du personnel doivent se voir accorder par l' institution les facilités qui s' avèrent nécessaires à l' exercice de leurs fonctions de représentation. En effet, l' article 1er de l' annexe II du statut dispose, en son sixième alinéa, que "les fonctions assumées par les membres du comité du personnel et par les fonctionnaires siégeant par délégation du comité dans un
organe statutaire ou créé par l' institution sont considérées comme parties des services qu' ils sont tenus d' assurer dans leur institution. L' intéressé ne peut subir de préjudice du fait de l' exercice de ces fonctions". En outre, la liberté syndicale, reconnue à l' article 24 bis du statut, implique notamment que les représentants syndicaux bénéficient, pour leur part, de dispenses de service en vue de participer à la concertation avec les institutions, comme la Cour l' a jugé dans son arrêt du
18 janvier 1990, Maurissen et Union syndicale (C-193/87 et C-194/87, précité).

14 Il en résulte, en particulier, que les activités de représentation du personnel doivent être prises en considération, lors de l' établissement du rapport de notation des fonctionnaires concernés, de manière à ce que ces derniers ne soient pas pénalisés du fait de l' exercice de telles activités. Dans ces conditions, bien que les notateur et notateur d' appel soient uniquement habilités à porter une appréciation sur les prestations que le fonctionnaire titulaire d' un mandat de représentation du
personnel fournit dans le cadre de l' emploi auquel il est affecté, à l' exclusion des activités liées audit mandat, lesquelles ne relèvent pas de leur autorité, ils doivent néanmoins tenir compte des contraintes liées à l' exercice des fonctions de représentation. Plus précisément, dans des circonstances comme celles de l' espèce, il leur appartient de tenir compte du fait que l' intéressé n' a pu fournir, auprès de son service, qu' un nombre de jours de travail inférieur au nombre normal de jours
ouvrables au cours de la période de référence, conformément aux dispositions statutaires susvisées. Les aptitudes et le travail de ce fonctionnaire doivent, dès lors, être appréciés, aux fins de la notation, sur la base des prestations que l' institution est normalement en droit d' attendre de la part d' un fonctionnaire de même grade, durant une période correspondant au temps qu' il a effectivement consacré à son activité auprès de son service d' affectation, après déduction du temps consacré, dans
les conditions statutaires susvisées, à son activité de représentation.

15 Dans la présente espèce, le Tribunal constate que le requérant n' a fourni aucun indice permettant de présumer que la défenderesse n' a pas tenu compte de ses activités de représentation du personnel, méconnaissant ainsi l' article 24 bis du statut et l' article 1er, sixième alinéa, de son annexe II et aurait commis, de ce fait, tout à la fois une erreur de droit et une erreur manifeste d' appréciation, lors de l' établissement de son rapport de notation pour la période de référence 1988-1989.

16 Au contraire, il ressort des pièces du dossier que les fonctions découlant des mandats de représentation du personnel exercés par le requérant ont bien été prises en considération par ses notateur et notateur d' appel. En atteste la mention explicite, dans le rapport de notation, sous la rubrique consacrée à la description détaillée des tâches effectuées au cours de la période de référence, de ses "activités au sein du comité du personnel" ainsi que de ses "missions syndicales reconnues par la
Cour".

17 En outre, les pièces du dossier, et notamment les appréciations et les commentaires formulés dans le rapport de notation, révèlent que, pour établir la notation du requérant, les notateur et notateur d' appel ont apprécié les prestations qu' il avait fournies, en se fondant sur la constatation selon laquelle, en 1989, l' intéressé avait consacré 73 jours à son travail au sein du secteur FED, sur 205 jours ouvrables. Cela ressort clairement de la note, à laquelle était annexé le rapport de
notation attaqué, adressée au requérant, le 27 juillet 1990, par le notateur d' appel. En effet, celui-ci y déclarait que "les relevés horaires des 11 premiers mois de 1989 indiquent 73 jours de travail consacrés aux tâches du secteur. Pour décembre 1989, rien n' a été inscrit dans les dossiers. Je suis parvenu à la conviction que le temps consacré au travail d' audit pendant la période considérée ainsi que les documents y relatifs sont suffisants pour évaluer vos performances et votre rendement."

18 Au vu de l' ensemble de ces circonstances, il apparaît que le rapport de notation incriminé a été établi, comme le soutient la défenderesse, en appréciant les aptitudes et le travail du requérant au cours de la période de référence, par rapport aux prestations normalement fournies par un fonctionnaire de même grade durant 73 jours, c' est-à-dire après soustraction du temps consacré par le requérant à ses activités de représentation du personnel, ainsi que prise en compte de ses congés de maladie
et de ses congés spéciaux au titre de la formation professionnelle. Dans ces conditions, le premier moyen doit être rejeté.

Sur le moyen tiré du détournement de pouvoir

Arguments des parties

19 Dans le cadre du second moyen, le requérant soutient qu' en adoptant l' acte attaqué la défenderesse a commis un détournement de pouvoir. Elle aurait précisément utilisé la notation en vue de sanctionner ses activités de représentant du personnel et de représentant syndical, exercées légalement dans le cadre de l' article 9, paragraphe 3, du statut et de l' article 1er de son annexe II.

20 Le requérant met en évidence plusieurs indices qu' il estime être révélateurs d' un tel détournement de pouvoir. En premier lieu, il se fonde sur une comparaison du rapport de notation incriminé avec les notations et les appréciations antérieures dont il a fait l' objet. Ainsi, son rapport de fin de stage aurait-il fait état d' aptitudes très supérieures à la moyenne en ce qui concerne la compréhension, l' adaptabilité et le jugement. Il aurait également été assorti de la mention "excellent" en
ce qui concerne les travaux alors accomplis par le requérant. Le requérant souligne que ces appréciations élogieuses ont été confirmées dans son premier rapport de notation, pour la période 1984-1985. Or, pour la période suivante, 1986-1987, il aurait fait l' objet, dans un premier temps, d' un rapport de notation particulièrement défavorable, à la suite de l' arrêt de la Cour du 4 février 1987, faisant droit à son recours contre la décision refusant de l' admettre aux épreuves d' un concours
interne (Maurissen/Cour des comptes, 417/85, Rec. p. 551). Lui auraient été reprochées, en particulier, ses activités de représentant du personnel et de représentant syndical, ainsi que sa participation à des cours entrant dans le cadre de la formation professionnelle. Ce n' est qu' après un entretien avec son notateur de l' époque que ce dernier aurait accepté de reconsidérer certaines appréciations défavorables et confirmé la notation attribuée pour les années 1984-1985, dans le rapport définitif
pour la période 1986-1987, établi le 19 avril 1988.

21 Le requérant relève encore qu' au cours de la procédure orale dans les affaires C-193/87 et C-194/87 le conseil de la Cour des comptes aurait affirmé qu' il était soit un "agent déstabilisateur" de l' institution, soit manipulé par son organisation syndicale pour "déstabiliser la Cour". De plus, depuis la publication, le 26 février 1987, d' un tract de l' Union syndicale dénonçant l' augmentation du nombre des agents temporaires à la Cour des comptes, le requérant aurait fait l' objet d' un
traitement défavorable de la part de l' AIPN. Ainsi, la demande de formation professionnelle qu' il avait présentée en 1987 n' aurait-elle été acceptée, après plus de six mois, qu' à la suite de l' introduction d' une réclamation contre un premier refus, alors que l' un de ses collègues avait obtenu une réponse favorable en l' espace de 13 jours. Il invoque également les retards avec lesquels il a été autorisé, à sa demande, à séjourner en dehors de son lieu d' affectation, pendant ses congés de
maladie, au cours du premier semestre de 1989.

22 Enfin, le requérant souligne que ses rapports avec son chef de division n' ont cessé de se détériorer depuis l' entrée en fonctions de ce dernier, en janvier 1989. Il reproche, en particulier, à M. G. de lui avoir signifié, dès son premier entretien avec lui, le 3O janvier 1989, que son travail dans le secteur FED devait primer sur toute autre activité, notamment de représentation du personnel. M. G. aurait ajouté que, si la participation du requérant au groupe de travail "mobilité" devait
perdurer, il lui conseillait vivement de solliciter son transfert auprès de la présidence. A la suite de cet entretien, le requérant soutient avoir adressé, le 1er février 1989, une lettre recommandée à son chef de division, dans laquelle il a notamment dénoncé "une action délibérée et continue d' intimidation, de pression et de discrimination à (son) égard en tant que représentant du personnel et responsable syndical". A partir de cette date, son chef de division ne lui aurait plus adressé la
parole, jusqu' à l' entretien qui s' est tenu dans le cadre de la procédure de notation en cause. De plus, le requérant n' aurait obtenu aucune réponse de la part de M. G. à sa demande tendant à ce qu' il soit procédé à une description des fonctions et du rôle que celui-ci entendait lui attribuer. L' attitude de M. G. à son égard aurait été incompatible avec celle d' un supérieur hiérarchique responsable, qui se doit, selon le requérant, de guider et d' assister ses collaborateurs dans leurs tâches
journalières. Son chef de division aurait, au contraire, clairement manifesté sa volonté d' obtenir le transfert de l' intéressé, à son détriment. Cet objectif aurait été atteint le 4 décembre 1989, avec la mutation de l' intéressé.

23 La défenderesse rejette, pour sa part, le grief de détournement de pouvoir. Elle soutient que le rapport de notation attaqué a été arrêté d' une manière objective et régulière, en prenant en compte le travail effectué par le requérant, sans viser d' autre but que celui de refléter ses prestations durant la période considérée. Elle fait valoir que l' argumentation du requérant ne contient pas d' indices objectifs, pertinents et concordants attestant que la notation litigieuse a poursuivi un but
autre que celui qui lui est normalement assigné, à savoir d' assurer à l' administration une information périodique sur l' accomplissement de leur travail par ses fonctionnaires.

24 La défenderesse conteste successivement l' ensemble des indices relevés par le requérant. Elle rejette, tout d' abord, l' allégation relative au traitement défavorable dont il aurait fait l' objet, aussi bien en ce qui concerne la formation professionnelle qu' en ce qui concerne l' autorisation de séjourner à l' étranger pour raisons médicales. Elle rappelle, à cet égard, que les autorisations sollicitées par le requérant lui ont été accordées. Par ailleurs, elle attribue au requérant la
responsabilité de la détérioration de ses rapports avec son chef de division. Elle fait valoir qu' à la suite de la lettre recommandée qui lui avait été adressée par le requérant le 1er février 1989, "on ne peut reprocher à M. G. d' avoir voulu éviter d' envenimer les choses, vu les réactions imprévisibles du requérant, en se distanciant de M. Maurissen et en agissant par l' intermédiaire de ses premiers subordonnés A 4/A 5". En outre, indique la défenderesse, il n' appartenait pas au chef de
division de préciser la description des tâches incombant au requérant, dans la mesure où cette question était à l' examen au sein de la Cour des comptes. C' est donc dans l' attente de cette description officielle, que M. G. se serait référé à l' avis de concours et à l' avis de vacance sur la base desquels le requérant avait été recruté.

25 Pour ce qui est de la prétendue obligation du requérant de se consacrer exclusivement au travail du secteur, la défenderesse conteste que M. G. lui ait signifié de consacrer toute son activité au secteur FED ou, à défaut, de solliciter son transfert. Il lui aurait simplement demandé de ne pas se consacrer aux activités du comité du personnel au-delà des réunions normales de ce comité, en raison du fait que, sur son effectif de huit personnes, quatre étaient membres du comité du personnel,
lui-même composé de seize personnes. En attesterait la réponse du 13 février 1989 à la lettre recommandée du requérant du 1er février 1989, dans laquelle M. G. précise que, "s' il est tout-à-fait exact de dire que, pour ce qui me concerne, la préoccupation essentielle est l' exécution du programme de travail de la Cour, il faudrait préciser à propos de vos activités syndicales qu' elles m' apparaissent légitimes ... Quant aux fonctions de représentant du personnel qui vous honorent, elles revêtent
un caractère statutaire et à l' opposé de ce que vous laissez entendre, je n' ai aucune intention d' y porter atteinte. Au cours de notre entretien, je vous ai demandé de tenir compte de la charge de travail du secteur et, eu égard au nombre des représentants siégeant au sein du comité du personnel, de veiller à ne pas prendre d' engagement au-delà du raisonnable lors de la constitution de groupes ou de comités". Dans ces conditions, estime la défenderesse, aucun élément ne permet de présumer une
absence d' objectivité ou un abus de pouvoir dans l' établissement de la notation.

26 La défenderesse conteste également l' argument du requérant selon lequel ses deux mutations d' office auraient présenté un caractère de sanction. En ce qui concerne la première d' entre elles, elle observe que le requérant a été affecté auprès du nouveau directeur de M. G. Étant donné les relations difficiles du requérant avec son ancien chef de division depuis dix mois, il était, selon la Cour des comptes, de l' intérêt aussi bien de l' administration que des deux fonctionnaires concernés de ne
plus travailler ensemble. De même, la mutation du 25 janvier 1991 aurait-elle également été décidée dans l' intérêt du service, à la suite de la mutation du directeur du groupe III, auprès duquel M. Maurissen était en fonctions, et de la vacance subséquente de ce poste de directeur jusqu' au 6 juin 1991.

27 Quant aux allégations du requérant selon lesquelles ses activités de représentant du comité du personnel et de représentant syndical lui auraient déjà été reprochées dans le premier projet de rapport de notation pour la période précédente, 1986-1987, la défenderesse déclare que le reproche formulé par le notateur de l' époque ne portait pas sur l' exercice même des activités syndicales ou de formation professionnelle du requérant, mais sur le fait que ces activités - pour légitimes qu' elles
fussent - l' empêchaient d' effectuer son travail d' audit au moment où le prévoyait son emploi du temps. Cette appréciation aurait, en outre, été modifiée par le notateur dans son rapport définitif, à la suite de son entretien avec l' intéressé, tel que prévu par le statut. De tels éléments ne permettraient donc pas de présumer que le rapport de notation pour la période 1988-1989, établi par d' autres notateur et notateur d' appel, est entaché de détournement de pouvoir. En l' occurrence, l'
ampleur de la diminution de cette dernière notation, par rapport à la période précédente, traduirait une baisse de la qualité des prestations fournies par le requérant et s' expliquerait par la "deuxième chance" qui lui aurait été accordée par son ancien notateur pour la période 1986-1987, au cours de laquelle son travail commençait déjà à laisser à désirer.

Appréciation en droit

28 Afin de déterminer si, en réduisant la notation du requérant de 22 % par rapport à la notation qu' il avait obtenue pour la période de référence précédente, la défenderesse a commis un détournement de pouvoir, il convient de vérifier, conformément à une jurisprudence constante, si, en l' espèce, des indices objectifs, pertinents et concordants, permettent d' établir que l' acte attaqué poursuivait un but autre que celui qui lui était assigné en vertu des dispositions statutaires applicables
(voir, par exemple, les arrêts de la Cour du 5 mai 1966, Gutmann/Commission, 18/65 et 35/65, Rec. p. 149, et du 29 septembre 1976, Giuffrida/Conseil, point 11, 105/75, Rec. p. 1395; voir également l' arrêt du Tribunal du 23 octobre 1990, Pitrone/Commission, points 70 et 71, T-46/89, Rec. p. II-577).

29 A cet égard, l' article 43 du statut prévoit que "la compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, à l' exception de ceux des grades A 1 et A 2, font l' objet d' un rapport périodique établi au moins tous les deux ans...". Il en ressort que le rapport de notation constitue un "document interne, ayant pour fonction première d' assurer à l' administration une information périodique sur l' accomplissement de leur service par ses fonctionnaires", comme l' a jugé la
Cour dans son arrêt du 3 juillet 1980, Grassi/Conseil, point 20 (6/79 et 97/79, Rec. p. 2141).

30 Dans la présente espèce, le Tribunal constate que les indices invoqués par le requérant ne permettent pas d' établir que son rapport de notation ne visait pas à apprécier objectivement ses aptitudes et ses prestations au cours de la période de référence, et aurait été utilisé, comme il le prétend, dans le but de sanctionner son activité de représentant du personnel et de délégué syndical.

31 En effet, l' argumentation du requérant, fondée sur la comparaison du rapport de notation en cause, en l' espèce, avec ses rapports de notation antérieurs et son rapport de fin de stage, ne permet pas d' établir que la défenderesse n' a pas entendu apprécier de manière objective le travail fourni spécifiquement au cours de la période de référence 1988-1989. L' établissement d' un rapport de notation, selon une périodicité de deux ans, a précisément pour objet d' évaluer les aptitudes et les
prestations d' un fonctionnaire au cours d' une période déterminée. Aussi, une variation dans cette appréciation, d' une période de référence à l' autre, ne saurait constituer, en soi, l' indice d' un détournement de pouvoir.

32 Pour ce qui est de l' argument fondé sur le prétendu traitement discriminatoire subi par le requérant, en particulier en matière de congés de maladie et d' actions de formation professionnelle, le Tribunal estime que de telles circonstances, à supposer qu' elles soient vérifiées, ne présentent aucun lien avec l' établissement du rapport de notation. En l' absence d' autres éléments pertinents, elles ne permettent donc pas d' établir que ce dernier n' a pas été élaboré en toute impartialité. Au
surplus, il résulte des observations de la défenderesse, non contestées par le requérant, que celui-ci a bénéficié, en définitive, des congés de maladie qu' il avait sollicités et des congés spéciaux au titre de la formation professionnelle, en vue de suivre une formation d' ingénieur commercial, partiellement financée par la défenderesse.

33 Quant aux indices tirés par le requérant, d' une part, de l' influence qu' ont pu avoir ses précédents recours devant le juge communautaire et, d' autre part, de la dégradation de ses relations avec son supérieur hiérarchique, le Tribunal estime que de tels éléments ne sont pas de nature à démontrer que d' anciens rapports conflictuels entre le requérant et la défenderesse, ainsi que l' incompatibilité de caractère qui l' opposait à M. G., aient pu guider les notateurs dans l' élaboration du
rapport de notation (voir l' arrêt de la Cour du 5 décembre 1963, Leroy/Haute Autorité CECA, 35/62 et 16/63, Rec. p. 399, 420). En outre, eu égard à la détérioration de ses relations avec son chef de division, il apparaît clairement que la mutation du requérant, le 4 décembre 1989, auprès du directeur du groupe III, M. S., répondait aussi bien à l' intérêt du service qu' à celui du requérant, comme le soutient la défenderesse. De même, sa seconde mutation, le 25 janvier 1991, à la suite de la
mutation du directeur auprès duquel il avait été directement affecté et de la vacance de ce poste de direction pendant presque six mois, ne révèle aucune intention de la défenderesse de sanctionner l' activité de représentation du personnel exercée par le requérant.

34 Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré d' un détournement de pouvoir doit être rejeté.

Sur le moyen tiré de l' incohérence de la motivation et de l' impossibilité d' en apprécier le bien-fondé

Arguments des parties

35 Dans le cadre du troisième moyen, le requérant met l' accent sur l' obligation du notateur et du notateur d' appel de motiver avec précision la diminution de sa notation par rapport à la période précédente. Il relève, à cet égard, que les appréciations analytiques et générales ne correspondent pas à la grille des points attribués et ne font, en outre, aucune référence à ses activités de représentant du personnel et de représentant syndical autorisées par l' AIPN, ainsi qu' à l' incidence de ses
absences légitimes pour raisons de santé. Les commentaires figurant dans le rapport de notation ne permettraient donc pas de contrôler son bien-fondé. De surcroît, la note du 27 juillet 199O, accompagnant le rapport de notation définitif adressé au requérant par son notateur d' appel, serait identique à celle qui a été adressée à un autre fonctionnaire de la Cour ayant également interjeté appel de sa notation.

36 La défenderesse conteste l' argumentation du requérant. Elle fait valoir que la motivation de la nouvelle notation est complète et détaillée, puisque toutes les notes analytiques qui ont été modifiées ont fait l' objet d' une justification précise, tant par le notateur que par le notateur d' appel. En outre, ce dernier aurait clairement exposé au requérant les motifs de sa notation définitive, dans sa lettre du 27 juillet 199O, précitée. Quant à la différence alléguée entre les commentaires et
les notes attribuées dans la grille, elle trouve son origine, selon la défenderesse, dans la correction technique, sous forme d' une attribution forfaitaire de 5 points, accordée à tous les fonctionnaires notés par le premier notateur du requérant, à titre de compensation de son interprétation plus stricte des divers critères de notation, par rapport aux autres notateurs. A cet égard, la commission paritaire de notation aurait estimé, dans son avis, qu' il n' y avait pas lieu de modifier les points
inscrits dans la grille définitive. En outre, la différence entre certaines notes et les commentaires correspondants aurait été corrigée, selon les déclarations de la défenderesse lors de l' audience, par le notateur d' appel, qui a modifié une partie des commentaires analytiques. Dans ces conditions, les commentaires figurant dans le rapport de notation du requérant permettraient au Tribunal d' exercer son contrôle, lequel se limite aux cas d' erreur manifeste et de détournement de pouvoir, dans la
mesure où, selon une jurisprudence bien établie, "les notateurs jouissent du plus large pouvoir d' appréciation dans les jugements portés sur le travail des personnes qu' ils ont la charge de noter" (arrêt de la Cour du 1er juin 1983, Seton/Commission, point 23, 36/81, 37/81 et 218/81, Rec. p. 1789).

37 En ce qui concerne la similitude entre les notes adressées par le notateur d' appel à deux agents notés, la défenderesse rappelle que le notateur d' appel dispose du plus large pouvoir d' appréciation et que rien ne s' oppose, dès lors, à ce qu' il ait une opinion similaire du travail de deux fonctionnaires. En outre, les passages identiques se rapporteraient exclusivement à la procédure, à des considérations générales et à des arguments communs. L' argumentation spécifique concernant le
requérant serait développée de manière individuelle.

Appréciation en droit

38 Pour apprécier le bien-fondé de ce moyen, il appartient au Tribunal, d' abord, de déterminer le cadre juridique et l' étendue de son contrôle en matière de rapports de notation, puis de faire application de ces principes au cas d' espèce.

39 S' agissant du cadre juridique et de l' étendue du contrôle du juge communautaire en matière de rapports de notation, il convient de rappeler, liminairement, que les rapports de notation, qui ne constituent pas des décisions au sens de l' article 25 du statut, sont régis par les dispositions spéciales visées à son article 43 (voir l' arrêt de la Cour du 25 novembre 1976, Kuester/Parlement, points 24 et 25, 122/75, Rec. p. 1685). A cet égard, la décision de la Cour des comptes du 22 mars 1984
portant dispositions générales d' exécution de l' article 43, précité, prévoit en son article 5, l' obligation de justifier toute modification des appréciations analytiques par rapport à la notation précédente.

40 Il convient, en outre, de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, "les notateurs jouissent du plus large pouvoir d' appréciation dans les jugements portés sur le travail des personnes qu' ils ont la charge de noter et qu' il n' appartient pas au juge d' intervenir dans cette appréciation, sauf en cas d' erreur ou d' excès manifeste" (arrêt de la Cour du 1er juin 1983, Seton, 36/81, 37/81 et 218/81, précité, point 23).

41 Si les notateurs jouissent ainsi d' un large pouvoir d' appréciation dans les jugements portés sur le travail des personnes qu' ils ont la charge de noter, il importe toutefois de relever que, comme l' a jugé la Cour dans son arrêt du 21 novembre 1991, lorsque l' administration dispose d' un tel pouvoir d' appréciation, "le respect des garanties conférées par l' ordre juridique communautaire ... revêt une importance d' autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figurent notamment l' obligation
pour l' institution compétente d' examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d' espèce, le droit de l' intéressé de faire connaître son point de vue ainsi que celui de voir motiver la décision de façon suffisante. C' est seulement ainsi que (le juge communautaire) peut vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l' exercice du pouvoir d' appréciation ont été réunis", (Technische Universitaet Muenchen, point 14, C-269/90, Rec. p. I-5469). Il en résulte que
les commentaires facultatifs accompagnant les appréciations formulées dans la grille analytique ont pour objet de justifier ces appréciations, afin de permettre au requérant d' en apprécier le bien-fondé en toute connaissance de cause et, le cas échéant, au Tribunal d' exercer son contrôle juridictionnel. Un tel contrôle, même restreint, impliquant que les appréciations moins favorables que celles qui avaient été portées dans le rapport de notation précédent soient justifiées par les notateurs,
exige également une cohérence entre ces appréciations et les commentaires destinés à les justifier.

42 Il convient, enfin, de rappeler que le guide de la notation de la Commission, rendu applicable à la Cour des comptes en vertu de sa décision du 22 mars 1984, portant dispositions générales d' exécution de l' article 43 du statut, a valeur de directive interne qui, selon une jurisprudence constante, s' impose à l' institution, sauf si cette dernière choisit de s' en écarter par une décision motivée et circonstanciée, ce qui n' est pas le cas en l' espèce.

43 Le Tribunal, faisant application de ces principes au cas d' espèce, estime que, afin d' apprécier la cohérence entre les appréciations et les commentaires analytiques, il y a lieu de se référer aux critères adoptés par l' institution pour définir les diverses appréciations, tels qu' ils résultent du guide de la notation, susvisé, et sont repris de manière synthétique dans le rapport de notation lui-même. Il en ressort, en particulier, que la mention "bon" correspond au "niveau élevé que l' on est
en droit d' attendre d' un fonctionnaire des Communautés", l' appréciation "passable" correspondant à un "niveau acceptable". En outre, il est à noter que le guide de la notation précise que, "pour établir les appréciations analytiques, le notateur doit respecter un principe: répondre à chaque appréciation pour elle-même et non en ayant déjà dans l' idée une vue d' ensemble des notes qu' il veut attribuer au fonctionnaire considéré. Ce serait fausser complètement l' esprit de la notation que de
formuler les appréciations analytiques en vue de justifier une appréciation globale. Enfin, le notateur qui doit établir un nombre important de rapports, est invité à se référer constamment au guide pour ne pas s' écarter des définitions données pour les différents termes".

44 Dans ces conditions, il appartient au Tribunal de contrôler la cohérence logique entre les appréciations et leurs commentaires, au regard des critères susvisés, sans qu' il soit possible de justifier d' éventuelles discordances par la correction technique invoquée par la défenderesse. En effet, il résulte clairement du guide de la notation, précité, que chaque rubrique doit faire l' objet d' une appréciation individuelle dûment justifiée. L' harmonisation nécessaire entre les différents notateurs
ne saurait donc, en aucun cas, conduire à dissocier les appréciations analytiques de leurs commentaires, dans le seul but d' augmenter, comme en l' espèce, la notation globale de l' intéressé.

45 A cet égard, le Tribunal constate que l' examen de la grille analytique du rapport de notation établi par le notateur d' appel fait apparaître de nombreuses incohérences graves et manifestes entre les appréciations et les commentaires. Il convient de relever, en particulier, que sous la rubrique "conduite dans le service", le "sens des responsabilités" a fait l' objet de l' appréciation "bon", laquelle a été justifiée contradictoirement par le commentaire suivant: "les tâches du secteur n' ont
pas reçu toute l' attention qui peut raisonnablement être exigée". De plus, l' appréciation "passable", c' est-à-dire "acceptable" selon les critères définis dans le guide de la notation, susvisé, formulée pour qualifier le "sens de l' initiative" du requérant, a été accompagnée du commentaire "néant". Cette appréciation "passable" a donc été justifiée de manière contradictoire, dans la mesure où l' expression "néant" ne peut signifier qu' une absence totale de sens de l' initiative. Quant au "sens
du travail en équipe", également qualifié de "passable", il a été justifié de manière incohérente par le commentaire "minime". En outre, il convient de relever que, sous la rubrique "compétence", les appréciations "bon", correspondant, selon les critères susvisés, à un "niveau élevé", formulées en ce qui concerne, d' une part, le "jugement" et, d' autre part, l' "expression écrite" du requérant, ont été respectivement accompagnées des commentaires contradictoires suivants: "a trop tendance à
affirmer sans démontrer. Les conclusions ne sont pas assez motivées"; et "contributions écrites peu soignées, insuffisance de fond et de structure des exposés". De manière tout aussi contradictoire, l' appréciation "bon", qualifiant le "sens de l' organisation" du requérant, a fait l' objet de la justification suivante: "papiers de travail nettement insuffisants quant à la mise en évidence des vérifications opérées; dossiers inorganisés et incomplets". Cette incohérence grave et manifeste entre les
appréciations et les commentaires analytiques se retrouve sous la rubrique "rendement", sous laquelle la "rapidité dans l' exécution du travail", la "régularité des prestations" et l' "adaptation aux besoins du service" ont fait l' objet de la qualification "bon", respectivement justifiée par les commentaires contradictoires suivants: "dépasse les délais prévus pour l' exécution des tâches"; "efforts inégaux apportés à différentes tâches"; "manque de flexibilité au travail".

46 Au surplus, le Tribunal relève que, après avoir observé qu' il n' y avait pas lieu de modifier les points inscrits dans la grille analytique, compte tenu notamment de l' attribution forfaitaire de cinq points à titre de compensation technique, la commission paritaire de notation a estimé, dans son avis, qu' une amélioration des commentaires, aussi bien analytiques que d' ordre général, "serait de nature à établir une meilleure harmonie entre les appréciations littérales et la grille des points
attribués". Or, à la suite de cet avis, le notateur d' appel, s' il a confirmé les appréciations analytiques et sensiblement modifié la formulation de l' appréciation générale, s' est limité à moduler certains des commentaires accompagnant les appréciations analytiques, sans y apporter les modifications plus substantielles souhaitées par la commission paritaire.

47 Eu égard à l' ensemble de ces éléments, le rapport de notation attaqué est entaché d' une incohérence grave et manifeste de motivation, dans la mesure où neuf des dix commentaires formulés dans la grille analytique se trouvent en contradiction totale avec les appréciations qu' ils ont, en principe, vocation à justifier. C' est donc à juste titre que le requérant soutient être placé dans l' impossibilité de contrôler le bien-fondé de son rapport de notation. Dans les mêmes conditions, le juge
communautaire se trouve dans l' impossibilité de contrôler la régularité de l' acte attaqué.

48 Il s' ensuit que le troisième moyen doit être déclaré fondé.

49 En conséquence, il y a lieu de faire droit aux conclusions du requérant tendant à l' annulation de son rapport de notation.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

50 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. La défenderesse ayant succombé dans ses conclusions, il y a lieu de la condamner à l' ensemble des dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1) La décision du 27 juillet 1990, portant établissement du rapport de notation du requérant pour la période de référence 1988-1989, est annulée.

2) La Cour des comptes est condamnée à l' ensemble des dépens.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : T-23/91
Date de la décision : 21/10/1992
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Fonctionnaires - Rapport de notation - Préjudice prétendument subi du fait des activités de représentant du personnel et de représentant syndical - Erreur manifeste d'appréciation - Détournement de pouvoir - Incohérence de la motivation - Impossibilité d'exercice du contrôle juridictionnel.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Henri Maurissen
Défendeurs : Cour des comptes des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1992:106

Source

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